La fabrique de la ville
|Avant-propos
Texte intégral
1Ce livre résulte d’une thèse d’histoire médiévale, soutenue à l’université de Tours le 9 décembre 2003 : dirigée par Henri Galinié, celle-ci avait pour titre « Pratiques spatiales, représentations de la ville et fabrique urbaine de Tours (ixe-xiiie s.) : chanoines, moines et laïcs à Saint-Martin et Saint-Julien ». Il s’agissait fondamentalement de travailler sur l’espace urbain de Tours : nous voulions en expliquer la formation par un autre biais que la causalité urbanistique, autrement dit le projet d’aménagement, puisque nous ne sommes pas ici dans le cas d’une ville préconçue et planifiée du type des bastides. Tours fait partie de ces villes ordinaires, tellement ordinaires qu’il est difficile d’appréhender leur formation autrement que par la tentation organiciste de l’« évolution », le seul outillage intellectuel mobilisé étant souvent l’éternelle trilogie naissance-développement-mort. C’est parce que l’urbanisation de cette période, tour à tour qualifiée de sauvage, d’organique ou de spontanée, selon la relation entretenue par le chercheur avec son objet d’étude, était difficile à appréhender qu’il a fallu construire de nouveaux outils comme celui de la fabrique urbaine. Il faut en effet établir un nouvel ordre de relation entre la structuration progressive de cet espace et les multiples configurations sociales impliquées, notamment les communautés ecclésiastiques de Saint-Martin et de Saint-Julien : il y a bien un lien entre les diverses activités sociales, au sens large, et la formation de l’espace urbain, mais ce lien n’est pas mécanique ou causal, mais dialectique. Il ne s’agit donc pas d’urbanisme, mais d’urbanisation. C’est pourquoi nous analyserons tout d’abord les diverses implications spatiales des acteurs sociaux, moment par moment, tant du point de vue des pratiques (l’approvisionnement, la défense, les revenus fonciers et juridiques…) que des représentations (vocabulaire employé, définition d’un espace cultuel polarisé, symbolisme de l’île…). Puis nous réexaminerons certaines de ces configurations, cette fois-ci sous l’angle de la structuration de l’espace urbain, en montrant à la fois comment ces activités sociales influent sur l’espace urbain, puis en retour comment la structure matérielle de la ville participe à expliquer certaines modalités de l’accord social.
2Cette analyse dialectique entre espaces et sociétés ne peut se faire que sur une longue durée. C’est pourquoi nous avons choisi de travailler du ixe au xiiie siècle : elle correspond à une période souvent délaissée par les historiens de la ville médiévale justement parce que le fait urbain n’est pas exprimé en tant que tel, comme c’est le cas à partir des xive-xve siècles. Géographiquement, nous avons limité cette étude aux deux quartiers de Saint-Martin et de Saint-Julien, pour des raisons de faisabilité du sujet. Si cette étude est une monographie, nous avons toujours cherché à évoquer des réalités communes à de nombreuses autres villes, plutôt que d’insister sur les irréductibles particularités de Tours. L’approche se veut synthétique, et non pas idiographique, dans la mesure où nous avons dégagé des modèles d’explication, testés sur la ville de Saint-Denis, et qui pourront être essayés ailleurs.
3Il me reste à remercier tous ceux qui m’ont aidée dans cette aventure, au premier rang desquels Henri Galinié, directeur de mes recherches dès la maîtrise, en 1996. J’ai été, et je suis toujours, extrêmement impressionnée par sa capacité à intégrer les apports des autres disciplines en sciences sociales pour étudier cet objet complexe qu’est la ville. Je ne saurais dire combien fut chaleureux l’accueil qu’il me réserva au sein du laboratoire Archéologie et Territoires. Je l’en remercie, lui, ainsi que tous les membres de l’UMR 6173 : ce travail doit beaucoup à leur collaboration que la vie quotidienne au sein de l’équipe a patiemment tissée.
4Pierre Gasnault, conservateur honoraire de la bibliothèque Mazarine, m’a ouvert toutes grandes les portes de ses archives et, notamment, de sa thèse de l’École des chartes. C’est lui qui m’a fidèlement secourue lorsque je me battais avec les actes de Saint-Martin. Combien de fois ai-je sollicité ses compétences en matière d’archivistique, de paléographie ou de diplomatique ? Je n’ai pas compté, par peur d’avoir abusé de sa gentillesse. Jean-Luc Pinol, professeur d’histoire contemporaine à Lyon, et Pascal Chareille, statisticien, m’ont fait découvrir l’analyse statistique textuelle : je leur dois tous les chapitres écrits grâce au logiciel Spad. Nathalie Carcaud, géographe de l’université d’Angers, et Manuel Garcin, géologue au BRGM, ont été essentiels pour la réflexion sur les relations entre les sociétés et les milieux. Les débats surgis au sein du programme collectif de recherches « Géoarchéologie de la Loire moyenne » ont permis de mettre en œuvre une véritable interdisciplinarité. Les archéologues de l’INRAP, et notamment Nicolas Fouillet, m’ont beaucoup aidée, notamment pour les fouilles récentes, dont certaines sont encore inédites.
5Je n’oublie pas non plus la chance que j’ai eue d’avoir de nombreux relecteurs, qui ont accepté la tâche ingrate de me relire au fur et à mesure que le travail avançait : Dominique Iogna-Prat, Élisabeth Zadora-Rio, Monique Bourin, Christian Grataloup, Nathalie Bouloux, Joëlle Burnouf, Gérard Chouquer. Je tiens également à remercier Michèle Prévost, conservateur du fonds ancien de la bibliothèque municipale de Tours, Jean-Luc Porhel, directeur des archives municipales de Tours, et Luc Forlivesi, directeur des archives départementales d’Indre-et-Loire, qui m’ont considérablement aidée pour exploiter la richesse de leurs fonds. Joseph de Decker saura retrouver dans ce travail l’importance de nos conversations sur l’art de la fugue. Enfin, cette thèse n’aurait pas été présentable sans la petite armée de fidèles, qui ont répondu à mon appel aux moments les plus difficiles : Jean-Philippe Haack, sans l’amour et la confiance duquel ce travail n’aurait pu exister, Marie-Christèle Martineau, Pascale Souvant, Marc Vandesande, Dominique Soyris, Noël Noizet, Marie-Pia de Decker-Galzin, Emmanuelle et Olivier Noizet, François Galzin, ainsi que le brillant trio formé par Agnès, Marie-Françoise et Jean de Decker.
© Éditions de la Sorbonne, 2007