Marquer la prééminence sociale
| ,Partie I. Les marqueurs sociaux
La prééminence du clerc à l’âge moderne
Texte intégral
1Il y a un paradoxe à traiter de la prééminence des clercs, quand on sait que le premier d’entre eux, le pape, se proclame servus servorum. Pourtant dans la société des trois ordres, le clergé passe le premier car de lui dépend la relation à Dieu : point de Salut dans l’univers catholique en dehors de la médiation cléricale et l’on sait que les clercs savent menacer de damnation les laïcs récalcitrants en jetant l’interdit sur une ville ou un pays, en excommuniant ou en privant d’absolution. Cette intimité avec l’Au-delà et ce pouvoir dans l’Au-delà s’accompagnent ici-bas de privilèges fiscaux et judiciaires. La prééminence se manifeste par des positions enviées dans la hiérarchie des préséances, lors de la prise de parole aux États Généraux en France ou lors des processions, même si la lisibilité de celles-ci n’est pas toujours évidente. Tantôt, les plus insignes des clercs se trouveront auprès des sacralités, corpus christi ou reliques tandis qu’en tête, le convoi sera conduit par les ordres mendiants. Tantôt les plus insignes seront placés en dernier, puisque l’Écriture promet que les derniers seront les premiers. Voilà qui rend complexe la question de la prééminence du clerc car l’univers clérical est saturé, plus que celui de la noblesse, de distinctions hiérarchiques visibles. L’une est sacramentelle, avec les évêques qui sont dans le mystère de l’Ascension tandis que les prêtres sont dans celui de la Résurrection. Seul l’évêque peut ordonner et confirmer. Quant au sacerdoce, dont certains font une royauté, il confère un tel éclat que certains, par humilité, ont refusé de l’accepter, les moines des premiers siècles puis saint François ou saint François de Paule. Mais la hiérarchie est aussi protocolaire et juridique entre le pape, les métropolitains et les évêques. Elle est également spirituelle, puisque pendant longtemps, les moines et tous ceux qui sont voués sous une règle ont été tenus dans un état de perfection supérieur aux clercs séculiers et a fortiori à ceux qui sont dans l’ordo conjugatorum. La hiérarchie cléricale est enfin bénéficiale, selon que l’on considère les riches bénéficiers, cumulant des offices qui sont largement pourvus de revenus et de seigneuries ou au contraire le prolétariat sacerdotal de ceux qui courent les messes. Quoi de commun entre le pape et un simple chapelain ?
2Malgré ces différences qui conduisent chacun à évoluer dans des univers différents, la cour, la ville ou la campagne, où les codes et les gestes de la distinction sociale se déclinent différemment, la figure du clerc a été façonnée au temps des réformes par un habitus où chaque membre du clergé se veut comptable de la totalité de l’ordre. Nul groupe social n’a fait l’objet aussi précocement d’un tel travail d’éducation, de construction de soi, via les couvents, les collèges, les séminaires, les synodes, les conférences ecclésiastiques, les règles, les statuts, les coutumiers. Et un des objectifs de ce façonnement du clerc est d’en faire un être distinct des autres et supérieur aux autres, dans la vie comme dans la mort. Au milieu du xixe siècle lorsque l’église et le cimetière de l’île d’Ouessant sont aménagés, les tombes des prêtres sont placées à l’est du chevet de l’église qui est sur la hauteur, tandis que les simples fidèles sont inhumés plusieurs mètres en contrebas. La prééminence est spatialisée et rendue ici visible pour l’éternité.
3Sans ignorer donc la diversité d’un groupe social à la fois étroit, structuré et hiérarchisé, nous voudrions cerner ce qui dans la personne de chaque clerc peut le conduire à exercer un ascendant social et culturel sur son environnement. Bref, dresser une sorte d’idéal type sacerdotal permettant de cerner les ressorts anthropologiques d’une prééminence cléricale qui est la matrice de certaines figures sociales contemporaines, comme celle de l’intellectuel (la trahison des clercs) ou du fonctionnaire (le service du roi ou du public pouvant être lus comme une transposition du service de Dieu, une sécularisation).
Une prééminence d’État
4Pape ou simple prêtre, le clerc a une supériorité de fonction qui découle de son rôle dans l’économie du salut, à travers le monopole qu’il détient d’administrer les sacrements. En proclamant le sacerdoce universel, en réduisant le nombre des sacrements à deux, la réforme protestante a miné le fondement sacramentel de cette prééminence sociale mais l’a paradoxalement confortée dans l’espace catholique.
- 1 Philippe Gourreau de La Proustière, Mémoires, éd. par B. de Buffévent, Paris, Fédération des socié (...)
5Elle se manifeste dans les titres qui ont souvent une connotation paternelle. Le pape est le « père commun » des princes chrétiens comme le curé est le « pasteur » ou le « berger » du troupeau paroissial ou le « père » de ses enfants. Le mot abbé qui ne se limite pas au monde monastique renvoie étymologiquement à cette supériorité paternelle. Elle suppose des devoirs de résidence et de dignité. Un curé de Villiers-le-Bel au Grand Siècle, Gourreau de La Proustière, estime qu’il faut toujours apparaître au peuple, qui est enclin « au mépris des prêtres » avec un visage qui conserve quelque « sévérité » car le gouvernement paternel des fidèles oscille entre douceur et rigueur1. Mais il témoigne de sa sollicitude envers son troupeau auprès de qui il souhaiterait être inhumé s’il venait à mourir en charge.
6L’institution ecclésiale infuse donc à chacun de ses membres un charisme et un pouvoir par imposition des mains, par succession apostolique, par distinction d’habit et de mœurs.
Le pouvoir sacrementel du clerc
7Le pouvoir est la condition préalable à toute prééminence. Il y a une efficacité du sacrement indépendante de la qualité de l’officiant ou de celui qui administre. Ex opere operato. Ce pouvoir sacramentel, rappelle le concile de Trente en 1563 dans sa 23e session, découle de la hiérarchie ecclésiastique car l’ordination ne requiert « ni le consentement, ni l’appel ni l’autorité du peuple ou de quelque magistratures ou puissances civiles ». Le pouvoir du clerc est d’institution divine et n’émane pas de la vox populi.
- 2 É. Motte-Roffidal, Histoires sacrées. Mobilier des églises marseillaises et aixoises au xviiie siè (...)
8Les sacrements sont un formidable pouvoir dans les mains du prêtre. Il peut en priver un individu par l’excommunication ou une communauté ; l’interdit jeté sur Venise en 1509 et en 1605, ou sur le duc d’Épernon et sa paroisse en 1633. Le concile de Trente a rappelé dans sa 14e session que la pénitence est un acte judiciaire ce qui veut dire que l’aveu ne suffit pas à valider sa confession, mais que c’est la pénitence infligée par le prêtre (la satisfaction) et l’absolution qui lui donnent toute sa force. Le clerc a un pouvoir de rétention sacrementelle en différant voire en refusant d’accorder l’absolution ou l’extrême-onction. Dans cette même session, le concile a aussi mis en garde contre ceux qui voudraient autoriser les anciens (presbytes) à conférer l’extrême-onction, qui n’appartient qu’à « ceux qui sont régulièrement ordonnés par l’imposition des mains ». Les clercs ne se sont pas privés d’user de l’arme de la confession pour exercer une pression et manifester cette prééminence : voyez les scrupules que soulèvent les confesseurs dans l’âme de Louis XIII lors des alliances avec les puissances protestantes, lors du tour de vis fiscale ou plus tard, l’affaire des billets de confession au xviiie siècle. Dans le meuble appelé confessionnal, le confesseur est placé en surplomb de son pénitent agenouillé2.
9Le pouvoir civil a contribué à renforcer ce pouvoir sacrementel en confiant au curé ici les registres de catholicité, ailleurs les statu animarum. Les registres de catholicité subordonnent la reconnaissance d’un individu et son identification à l’administration du baptême, du mariage et d’une messe de funérailles par un curé. Ne pas recevoir ces sacrements expose à une absence d’identité et d’identification.
- 3 Les conciles de Rouen en 1581, de Reims en 1583 ont rappelé l’interdiction de l’accès au chœur pou (...)
- 4 Jean Grancolas, Traité de la messe et de l’office divin, Paris, J. Vincent, 1713, p. 265.
- 5 B. Chedozeau, Chœur clos, chœur ouvert. De l’église médiévale à l’église tridentine (France, xviie(...)
10Le rituel d’administration des sacrements contribue donc à placer le prêtre qui célèbre dans un mystère qui impose révérence aux laïcs. « Montant à l’autel », qui est surélevé et placé dans un chœur interdit aux laïcs (le sacraire), tournant le plus souvent le dos aux fidèles, prononçant en latin les paroles de la consécration, encensé par les enfants de chœur, l’officiant élève l’hostie devant un parterre de fidèles agenouillés ou debout3. Au début du xviiie siècle, un théologien s’indigne de voir en France proliférer chaises et bancs dans les nefs : « Ce n’est qu’en France que l’intérêt et la vue de quelques légers profits à la fabrique des églises ont fait naitre l’usage de s’asseoir4 ». À ses yeux on ne peut prier Dieu assis. Mais qui ne voit qu’il peut aussi s’agir d’une remise en cause de la prééminence cléricale ? Dans les cathédrales, l’ouverture des jubés a certes permis aux fidèles de mieux voir, mais n’est-ce pas pour être mieux écrasés5 ? La visibilité n’annule pas la prééminence. Lorsque le saint sacrement déambule dans les rues, le prêtre qui porte la monstrance est sous un dais. Et les fidèles qui croisent un prêtre qui apporte l’extrême-onction à un agonisant s’agenouillent au passage pour le corps du Christ certes, mais aussi devant celui qui le porte et l’administre. La révérence à Dieu est indissociable ici de la déférence au prêtre.
Le prestige bénéficial
- 6 J.-M. Le Gall, « Catalogues et séries de vies d’évêque dans la France moderne. Lutte contre l’héré (...)
11Tout clerc aspire à détenir un bénéfice. Celui-ci procure de l’argent, soit par la dîme, la portion congrue, les rentes ou le casuel. Ces moyens pécuniers permettent de tenir un rang et d’assumer matériellement la décence. Les plus prestigieux et convoités bénéfices, comme les charges épiscopales et abbatiales, procurent de l’honneur, car y sont souvent attachées des seigneuries, possédant haute et basse justice et des censitaires. En outre, certains bénéfices procurent parfois titres comtaux ou ducaux à leur titulaire. La prééminence cléricale se nourrit donc aussi de l’insertion ecclésiale dans l’univers féodal et seigneurial. Et puis, pour les évêques, la succession apostolique joue un rôle comparable à la généalogie nobiliaire. Ce qui fait le noble, c’est son ascendance, ce qui fait le pouvoir de l’évêque, c’est qu’il est l’héritier des apôtres. Confrontés au principe sola scriptura des protestants, les évêques ont affirmé la succession apostolique, encouragé la rédaction de listes épiscopales et la mise en valeur des reliques du fondateur du siège6. Il y a va du prestige de monsieur de Paris ou de monsieur de Troyes, puisque c’est par ce titre que l’on qualifiait les évêques de ces cités.
12Tout bénéfice procure aussi de la dignité à son titulaire, fusse un office provisoire. Semel abbas semper abbas dit l’adage. L’introduction de la triennalité des abbatiats n’a du reste pas été sans difficulté car beaucoup estiment que l’office est viager. La force du bénéficier c’est son inamovibilité qui n’est pas sans rappeler celle des titulaires de charges civiles vénales. Tous les bénéfices ont donc des droits honorifiques ou pécuniers car l’ordre bénéficial est ancré dans le système seigneurial et féodal.
- 7 Daniel Jousse, Traité du gouvernement spirituel…, op. cit., p. 179, 205, 210, 214, 217, 220 et 224
- 8 Ibid., p. 234.
13La cura animarum confère en outre au curé une indéniable prééminence dans le village et particulièrement dans les institutions paroissiales, où il occupe la première place aux assemblées de fabrique, comme dans les assemblées, bureaux et compagnies de charité qu’il préside et convoque7. Il est aussi « maître du gouvernement spirituel des écoles de charité8 ». Dans toutes ces attributions, le curé est moins celui qui nomme ou qui gère, que celui qui visite, approuve, surveille, bref surplombe de son autorité morale.
14Le sacrement de l’ordre et le bénéfice imposent alors aux clercs une distance vis-à-vis des fidèles. C’est une obligation d’État d’apparaître comme un être séparé et donc supérieur.
La distinction des apparences
15Le clerc se distingue par son célibat, sa chasteté, ses mœurs pondérées, sa gravité et sa mesure. Il doit préférer l’humilité à la gloire, le pardon des offenses à la vengeance et ne doit donc être armé. Il doit être exemplaire pour être respecté.
- 9 N. Lemaitre (dir.), Histoire des curés, Paris, Fayard, 2002.
- 10 Philippe Gourreau de La Proustière, Mémoires, éd. par B. de Buffévent, op. cit., p. 112 et 117.
16Pour cela il lui faut fuir les lieux où la familiarité risque de compromettre le respect9. Et tout d’abord s’arracher à sa famille ou à sa communauté originelle d’appartenance. La Contre-Réforme est sélective et l’extinction des rentes favorise une progressive disparition des communautés de prêtres filleuls, appelés aussi prêtres méparts qui étaient souvent issus de la paroisse et dont la fonction était de dire des messes pour des hommes et des femmes dont ils étaient des familiers sinon des parents. Le clerc tridentin doit aussi fuir certains lieux de sociabilité. Pas de clerc aux cabarets, aux noces, dans les tavernes, dans les danses, ni dans les chasses. Du moins en théorie. Il préférera les conférences organisées entre clercs d’un même doyenné. Il doit aussi vivre dans un lieu distinct, le presbytère ; réclamé aux communautés villageoises par l’ordonnance de Blois de 1579, et par l’édit de 1695, cet habitat séparé se développe au xviiie siècle. Le respect du sacré est réalisé dans cette mise à l’écart qui est une manière de distinguer le clerc et de le mettre en surplomb. Il doit mettre de la distance avec ceux parmi qui il réside. Gourreau de La Proustière explique qu’il faut limiter la communication avec le peuple : on y perd le respect « car la vie commune le rend votre égal ». « On découvre ses défaults, on s’expose au mépris10 ». Il faut donc se tenir à l’écart, voire dissimuler les défauts cléricaux. Un habitus est progressivement imposé par les séminaires qui impose la modération des gestes, l’économie de la parole ordinaire et encourage la mesure de la voix et du propos, la correction du langage ou la lutte contre l’alcoolisme. Cette distinction entend susciter une imitation, ce qui témoigne de la supériorité du modèle clérical pour parvenir au salut.
- 11 L. Trichet, Le costume du clergé. Ses origines et son évolution en France d’après les règlements d (...)
17Le clerc se distingue aussi par un habit clérical. À la fin du Moyen Âge, il est en général sombre mais sa forme longue épouse souvent celle des autres catégories de la population. Le concile de Trente dans sa 14e session affirme que ne pas porter l’habit clérical c’est faire peu de cas de « la dignité et de l’honneur de la cléricature ». Au cours du xviie siècle, la soutane se développe et devient l’uniforme clérical par excellence11. Le clergé gallican tient à son rabat. Plus que jamais l’habit fait le moine ou le clerc.
- 12 Id., La tonsure. Vie et mort d’une pratique ecclésiastique, Paris, Éd. du Cerf, 1990.
- 13 J.-M. Le Gall, Un idéal masculin ? Barbes et moustaches (xve-xviiie siècle), Paris, Payot, 2011, c (...)
- 14 Quod si probum et honestum virum barba decet, sacerdotem quoque cui totius probitatis et honestae v (...)
- 15 Gravitatis et auctoritatis barbae attulerint (ibid., p. 5 et 7).
- 16 Veteres illi gravissimi quidem viri cum barba et sapientiam et bonos mores esse conjonctos arbitrab (...)
- 17 J.-M. Le Gall, Un idéal masculin…, op. cit., chap. 4.
18Il n’est pas jusqu’à certains signes somatiques qui ne jouent un rôle dans cette présentation de soi. Le clergé est tonsuré : lorsque la perruque se développe au milieu du xviie siècle, la législation entend l’interdire aux clercs12. Elle est pourtant un signe de distinction sociale que certains clercs n’entendent pas laisser aux laïcs. Les arguments ne sont pas alors sans évoquer ceux qui ont conduit à débattre du droit des clercs à porter ou non la barbe vers 1530. Suite au sac de Rome Clément VII s’est laissé pousser la barbe, en signe de déréliction, puis l’a conservée pour se conformer à l’usage récent des princes d’afficher leur autorité par le port de la barbe13. Mais le pape entend l’interdire aux clercs, suscitant la protestation d’un humaniste, Valeriano. Ce dernier estime que la barbe sied aux hommes d’autorité, chez les païens de jadis comme dans les années 1530. Les clercs pour être exemplaires ne doivent pas se priver de cette majestueuse pilosité. Les papes eux-mêmes et les évêques qui sont à la cour en arborent de fort belles. Pourquoi les simples clercs devraient-ils être glabres ? Ils risquent de paraître efféminés aux autres hommes ou de condition servile, comme les esclaves ou galériens. Le rasage nuira à l’autorité ecclésiale et les protestants, dès les années 1540, ne manqueront pas de s’en prendre « aux rasés ». Valeriano est attaché à la dignité du prêtre. Mais justement, il entend défendre que « nul ne doutant que la barbe convient à un homme probe et honnête, a fortiori convient-elle au prêtre qui doit être un exemple de probité et d’honnêteté pour conduire les autres14 ». D’autant que la barbe donne de l’autorité15. Chez les philosophes de l’Antiquité, qui étaient barbus, elle était signe de la sagesse et des bonnes mœurs16. Pourquoi le sacerdoce d’aujourd’hui ne pourrait-il la porter ? En quoi cela attente-t-il à sa piété, à sa sainteté ? Il ne voit pas en quoi la perfection du prêtre devrait se manifester par le rejet d’un attribut qui est chez les laïcs associé à l’autorité, à la piété, à la probité et à la masculinité virile. L’exemplarité et la singularité du prêtre n’en font pas moins un homme parmi les hommes. Un clergé de cour, où la barbe s’est diffusée vers 1525, n’hésitera pas à afficher des barbes majestueuses en signe de supériorité17.
- 18 Comam vero et barbam ne studiose nutriant. Barba a superiore labro ita recidatur ut pili in sacrifi (...)
19Mais face à cette position, le cardinal Borromée invite au rasage. Le concile de Milan de 1565 précise que les clercs ne doivent entretenir avec soin leur barbe, ne barbam nutriant studiose. Le port est moins interdit que le soin excessif de celle-ci. La moustache de la lèvre supérieure doit être coupée (recidatur) afin que des poils ne compromettent pas la réception du sang et corps du Christ18. Dans les actes de l’église de Milan qui sont imprimés en 1583, se trouve une lettre du 30 décembre 1576 intitulée De barba radenda, où le prélat explicite le sens du rasage. Il déplore que l’usage antique de se raser ait disparu en Italie, alors qu’il est la tradition ancestrale de l’Église. Mais surtout il lui donne une explication spirituelle et ecclésiologique. L’abandon de la barbe est un sacrifice d’humilité. Dieu a donné son fils, celui-ci sa vie, le prêtre peut bien abandonner sa barbe. Il témoignera ainsi de son humilité en délaissant cet attribut de la superbia.
- 19 Poco importa la segregatione et distinctione dell’habito se perseveraremo nelle pratiche et convers (...)
20Mais Borromée va plus loin en estimant que la barbe est un attribut du laïcat, incompatible avec une vocation ecclésiastique qui doit séparer les prêtres des autres. La « milice ecclésiastique » est un popolo peculiare di sua divina maesta, que l’étude, la profession, les mœurs et donc le vêtement et la tonsure distinguent. Continuer de porter la barbe témoigne, malgré la prise d’habit, d’un attachement aux conventions et aux pratiques séculières19. Certes, se raser ne suffit pas si le geste ne reflète pas une sincère éradication des habitudes mondaines. Mais ce n’est qu’à ce prix que le prêtre est digne du sacrifice qu’il doit célébrer. Borromée conclut donc :
- 20 Ristauriamo in effeto l’antico uso nostro di radere la barba con questa vera risolutione che con de (...)
Nous restaurons en effet notre antique usage de raser la barbe avec cette vraie résolution qu’en l’abandonnant nous délaissons désormais aussi toute ostentation et vaine confiance dans la sagesse et dans la force mondaines et toute estime de nous-mêmes et tout autre orgueil. En méprisant cet ornement commun du visage nous renonçons aux vains ornements et gloires des hommes20.
21L’institution ecclésiale par les pouvoirs qu’elle remet au clerc et par les contraintes qu’elle lui impose lui donne déjà des instruments et des moyens pour se distinguer, par le haut, du commun. Le clerc doit être respecté pour son état, parce qu’il est le ministre et le serviteur de Dieu. Le sacerdoce est la plus belle des royautés, celle du Christ.
22En même temps, le clerc doit s’efforcer de se montrer digne de son habit et de son ministère. La prééminence du clerc n’est pas seulement institutionnelle et fonctionnelle. Elle découle aussi de sa personne. Quoi de plus normal dans un catholicisme qui croit à la valeur des mérites ?
La prééminence des qualités personnelles
23Tous les clercs ne sont pas des saints, des docteurs ou des prédicateurs célèbres. Voilà qui conduit à introduire dans l’analyse de la prééminence cléricale des données qui relèvent des mérites personnels. Car ceux-ci rejaillissent aussi sur l’institution. Pourquoi sinon aurait-elle exalté des individus singuliers, en publiant tant de littérature hagiographique et en portant tant de saints sur les autels ? Si l’habit fait le moine, il ne fait ni le saint ni le docteur. Il faut donc examiner quels sont les mérites personnels qui confortent la supériorité cléricale.
La science
- 21 Sur l’épiscopat au xviie siècle, voir les deux livres de J. Bergin, The Making of the the French E (...)
24Le clerc est un lettré. Le concile de Trente a rappelé dans sa 22e session en 1562 qu’il doit « faire preuve d’une science qui réponde aux besoins de sa charge » et l’année suivante, la 23e session a rappelé qu’il devait savoir lire et écrire. Pour obtenir les meilleurs bénéfices il est recommandé d’être diplômé de l’université, celle-ci disposant d’un quota de bénéfices réservés pour les gradués. L’expectative impose aux collateurs d’accorder en priorité des bénéfices aux gradués pendant les mois de rigueur. Les études des clercs lorsqu’elles sont poussées à leur terme les mènent au droit canon ou à la théologie, alors considérée comme la reine des sciences. Même si cette supériorité fut concurrencée, même si d’autres sciences furent légitimées et le caractère scientifique de la théologie contesté, tant que l’université d’Ancien Régime survécut, elle compta des facultés de théologie et forma des hommes comme Turgot et bien des prêtres ou évêques. Chez les évêques de Louis XIV, s’est généralisée la formation dans les collèges, souvent jésuites et dans les séminaires avant la prise de grade en théologie21. Cette scolarisation supérieure se constate aussi chez les simples prêtres. Entre 1677 et 1779, 306 candidats ont postulé auprès du chapitre de Saint-Denis pour occuper une des 194 cures vacantes. Un tiers d’entre eux déclinent leur qualité de gradué et les plus fiers précisent sa nature, la matière et même le lieu où ils ont fait leurs études. De même la liste des prédicateurs des avents et carêmes publiée à Paris à partir du milieu du xviie mentionne outre la qualité du prédicateur (ordre…), ses titres universitaires.
- 22 F. Waquet, Le latin ou l’empire d’un signe (xvie-xxe siècle), Paris, Albin Michel, 1998.
- 23 C. Michon, La crosse et le sceptre. Les prélats d’État sous François Ier et Henri VIII, Paris, Tal (...)
- 24 D. Roche, Le Siècle des lumières en province. Académies et académiciens provinciaux (1680-1789), P (...)
- 25 É. Motte-Roffidal, Histoires sacrées. Mobilier des églises…, op. cit., p. 109-110.
- 26 Philippe Gourreau de La Proustière, Mémoires, éd. par B. de Buffévent, op. cit., p. 125.
25Cette prééminence intellectuelle sur le commun et notamment sur les femmes se manifeste de différentes façons. Le latin est pour le clergé tout à la fois une nécessité liturgique, un héritage scolaire, celui du collège et du séminaire (véritable noviciat séculier), et un vecteur d’insertion dans la république des lettres22. La maîtrise du latin permet au clerc son insertion dans les réseaux savants, les académies et les réseaux diplomatiques. Combien d’oratores, au sens d’ambassadeurs, furent des clercs à la naissance d’une diplomatie permanente23 ? Au Siècle des lumières, les clercs sont encore fort nombreux à participer aux concours académiques. Ils en ont le loisir et éprouvent un besoin de reconnaissance de leur dignité intellectuelle, de sorte que le palmarès se laïcise moins vite que le recrutement des institutions qui le décerne : et Daniel Roche de conclure que le « parnasse provincial » reste enté sur la cléricature24. En outre, sauf quelques exceptions, les ordres religieux ne dissuadent nullement l’expression des talents artistiques individuels ni la fréquentation des académies de peinture25. Enfin, le clerc possède des livres, un cabinet voire une bibliothèque qui visualisent sa supériorité. Gourreau de La Proustière évoque avec satisfaction la bibliothèque qu’il a fait installer dans son prieuré-presbytère ; les livres sont un remède à l’ennui de celui qui ne peut frayer avec ses ouailles, mais aussi l’affichage d’une prééminence26.
26Cependant la science cléricale impose aussi des devoirs. C’est un don de Dieu à transmettre, sans marchander. La 5e session du concile de Trente en 1546 a rappelé que l’évêque doit prêcher et le curé enseigner ce qui est utile au salut. Le clerc est une figure d’enseignant, qu’il s’agisse des régents de collège, des vicaires chargés du catéchisme, du rôle du curé dans le choix du maître d’école villageois, ou qu’il s’agisse des clercs qui ont reçu l’autorisation de prêcher et qui en ont les compétences. Le ministère clérical est magistérial. Et c’est du haut d’une chaire surélevée, munie d’un abat-voix que la parole cléricale s’abat sur les fidèles de toute condition, manant ou puissant.
- 27 Sur la violence oratoire, D. Crouzet, Les guerriers de Dieu. La violence au temps des troubles de (...)
- 28 M. Fogel, Les cérémonies de l’information dans la France du xvie au milieu du xviiie siècle, Paris (...)
- 29 Sur la prédication, voir I. Brian, Prêcher à Paris sous l’Ancien Régime (vers 1640-vers 1780), mém (...)
- 30 Philippe Gourreau de La Proustière, Mémoires, éd. par B. de Buffévent, op. cit., voir p. 255, mais (...)
27Ce ministère de la parole a une finalité religieuse. Il faut enseigner la morale et le dogme chrétien, en langue vernaculaire. Mais les autorités savent aussi le poids politique de cette parole. Soit qu’elles le craignent, comme pendant les guerres de religion où les prophètes de la violence font trembler un pouvoir qui veut faire vivre la tolérance civile27. Soit que les autorités séculières utilisent la parole du clerc pour inviter les fidèles à la soumission aux puissances de la terre, pour annoncer les nouvelles glorieuses de la monarchie ou fulminer les monitoires28. La civilisation de l’imprimé n’a pas tué cette civilisation de la parole publique que l’éloquence cléricale dispute avec succès à l’éloquence judiciaire29. Un simple curé comme Gourreau de La Proustière est soucieux dans ses mémoires de recopier ses sermons et regrette de n’avoir pris le temps de les faire imprimer. A contrario, il est inquiet devant les laïcs qui veulent prêcher ou dogmatiser, comme à Écouen ou Montmorency30.
28Le crédit de la parole cléricale est toutefois tributaire de la vertu et de la moralité du clerc. Celui qui enseigne ce qu’il ne fait pas, ou pire, qui fait le contraire de ce qu’il enseigne, est un pharisien décrédibilisé.
L’exemplarité des vertus
29Bien que radicalement différents des laïcs par leur ministère, les clercs sont présentés comme des modèles pour tous. Différents des autres hommes, les clercs séculiers mais aussi certains réguliers doivent résider parmi les fidèles pour les édifier. De là l’importance accordée à la résidence dès la 6e session du concile en 1546. Cette exemplarité vise l’imitation, lorsqu’il s’agit de faire du prosélytisme et l’édification de ceux qui ne seront jamais clercs, les laïcs.
30Pour faire son salut, prévaut l’idée que les femmes doivent préférer un mur, celui du couvent qui préserve leur chasteté et leur virginité, plutôt qu’un mari. De même les moines sont censés vivre par leurs obligations votives dans un statut de perfection. La pauvreté individuelle, l’obéissance, la chasteté, la fuite et ou le mépris du monde qui place le religieux dans un état de mort civile s’accompagnent souvent d’un respect et d’une vénération pour ces saints hommes.
- 31 P. Burke, « Istruzioni per diventare santo durante la Controriforma », dans id., Scene di vita quo (...)
31Alors certes, l’époque moderne, avec Érasme ou François de Sale, a promu une morale d’État qui permet à chacun de faire son salut, selon sa vocation et sa vacation. La porte est toujours étroite mais elle n’est plus quasi exclusivement réservée aux clercs, et a fortiori aux réguliers. Mais dans les canonisations effectuées par la papauté à l’âge moderne, les clercs, évêques, saints ou saintes fondateurs d’ordres restent les figures les plus promues31. Cette héroïcité des vertus fait du clerc un héros chrétien qui s’oppose à l’héroïcité de la noblesse militaire.
- 32 J.-M. Le Gall, « Y-a-t-il un honneur des clercs ? », dans H. Drévillon, D. Venturino (éd.), Penser (...)
- 33 Philippe Gourreau de La Proustière, Mémoires, éd. par B. de Buffévent, op. cit., p. 144.
32Hautement estimable, l’idéal clérical réprouve cependant la superbia, l’orgueil et l’honneur qui caractérisent souvent la noblesse32. La 13e session du concile de Trente rappelle que l’évêque est un pasteur, non un persécuteur et qu’il doit se comporter avec ses ouailles comme un père avec ses enfants, non pas en dominant. Il doit exhorter, non menacer, faire preuve de bienveillance plus que de rigueur. Le curé doit avoir un train de vie confortable mais modeste, sans luxe superflu selon Gourreau33. Thésauriser le ferait passer pour avare. Trop de dépenses le ferait passer pour vaniteux. La prééminence cléricale exalte l’honnête médiocrité.
- 34 M. Bataillon, Les jésuites dans l’Espagne du xvie siècle, Paris, Les Belles Lettres, 2009.
- 35 R. Ricard, La « conquête spirituelle » du Mexique. Essai sur l’apostolat et les méthodes missionna (...)
- 36 J.-M. Le Gall, « La virilité du clerc », dans A. Corbin, J.-J. Courtine, G. Vigarello (dir.), Hist (...)
- 37 Richelieu, Testament politique, éd. par F. Hildesheimer, Paris, Société de l’Histoire de France, 1 (...)
33Il est cependant judicieux que toutes ces vertus soient incarnées par des hommes au charisme incontesté. Dans l’univers chrétien fortement marqué par la cosmologie antique, bref dans ce monde pré-kantien, la morale et la vertu résultent souvent des prédispositions naturelles. Ne peut être clerc celui qui présente certains défauts physiques (irrégularités ex defectu), qui est né hors mariage (le bâtard), celui dont le sexe masculin n’est pas assuré (l’hermaphrodite), ou celui qui n’a pas un minimum de ressources propres (d’où le titre clérical de 80 à 150 lt de rente à produire, le concile ayant jugé honteux qu’un prêtre mendie ou doive gagner sa vie par des gains sordides). En Espagne, non sans débats, le clergé se ferma au xvie siècle aux nouveaux chrétiens, et notamment aux conversos ayant une ascendance juive34. En Amérique, l’origine indienne fut au xvie siècle un facteur dirimant pour accéder au sacerdoce et même à l’habit religieux au motif que peu instruits et inaptes aux études, les Indiens risquaient d’introduire des hérésies35. Des catégories sociales marquées du sceau de l’infamie par la naissance, la race ou la pauvreté ont donc été interdites d’accès à la cléricature pour ne pas nuire à sa prééminence. Sans oublier évidemment, la nécessité d’avoir atteint l’âge de la virilité et de l’autorité pour accéder au sous-diaconat à 22 ans, au diaconat à 23 et au sacerdoce à 2536. Et peu importe que le Christ enfant en ait remontré aux pharisiens. A contrario, une naissance illustre n’est pas pour nuire à une carrière ecclésiale. Pas seulement parce qu’un grand qui s’humilie dans l’érémitisme, les mortifications ou la vie cloitrée n’en a que plus de mérites, mais aussi parce qu’on considère qu’un homme bien né a des prédispositions à exercer un ascendant sur le troupeau, à bien gouverner et à défendre la cause de Dieu et de l’Église. Ainsi Richelieu estime que la noblesse a « souvent un particulier désir d’honneur et de gloire qui produit les mêmes effects que le zèle causé par l’amour de Dieu37 ». Être bien né peut conforter la prééminence cléricale.
34Ce rapide panorama des mérites personnels dans la constitution d’une prééminence cléricale visible dans l’espace social doit être apprécié de manière plus quantitative par l’observation de certaines réalités sociologiques. Pour faire triompher les vertus, l’Église n’hésite pas à recycler les préjugés sociaux de supériorité.
Mérite personnel ou origine sociale ?
35Quelques données chiffrées sur le monde des bénéficiers montrent que le clerc, qu’il soit évêque ou souvent simple curé ou religieux, peut se prévaloir par rapport aux fidèles de venir plus souvent de la noblesse et de la ville, deux catégories l’une sociale, l’autre spatiale, qui offrent une position en surplomb par rapport à une population très largement roturière et rurale.
- 38 B. Dompnier, Enquête au pays des frères des anges. Les capucins de la province de Lyon aux xviie e (...)
- 39 Philippe Gourreau de La Proustière, Mémoires, éd. par B. de Buffévent, op. cit., p. 103.
36Sur 250 évêques nommés par Louis XIV, Joseph Bergin a dénombré que 78 % sont issus de la noblesse, 120 ont avec elle des liens familiaux, de sorte que l’épiscopat est une affaire de famille. Un tiers est d’origine parisienne à l’heure où s’affirme la supériorité culturelle de Paris sur la province. Tous ces ingrédients sociaux confortent le prestige de la charge épiscopale. Si l’on se place au niveau du clergé paroissial rural, la prééminence cléricale découle de ce que les clercs sont progressivement devenus des horsains à l’époque moderne, certes à des degrés divers selon les provinces. Mais nul ne doute que cette étrangeté a facilité cet écart sans lequel il n’est pas de prééminence. Certes dans les terres à prêtres comme l’ouest, l’Auvergne ou la Franche-Comté, les clercs sont du cru, ce qui ne veut pas dire du village. Mais dans le sud-ouest, le sud-est, dans le Bassin parisien, le curé est souvent venu de plus loin. Dans la plupart des cas au xviie siècle, le curé et les vicaires sont issus de la ville, de l’artisanat, de la bourgeoisie ou de la noblesse. Dans le diocèse d’Aix en 1677-1685, 15 % sont fils de nobles, 24 % de bourgeois rentiers, 23 % de professions libérales ou du milieu de la robe. De même l’ordre des capucins, pourtant proche du peuple dans la pastorale, recrute dans le monde citadin38. Or cette différence d’origine, constate Gourreau de La Proustière, conduit le peuple des campagnes tel celui de Villiers-le-Bel a être plus docile au curé qu’à Paris, où les marguilliers sont puissants39. Il n’en demeure pas moins qu’il a dû batailler pour obtenir d’être placé en tête des personnes à qui les marguilliers rendent les comptes alors que le prévôt et son lieutenant lui disputaient la préséance. La chute des vocations après 1760 se manifeste surtout par la désaffection de ces catégories sociales et par la ruralisation du recrutement. La prééminence est contestée au moment où les élites sociales se retirent de l’institution cléricale.
37Les mérites personnels ou héréditaires du clerc sont donc aussi à considérer lorsqu’on veut apprécier sa prééminence sociale. Mais il convient en définitive de cerner en quelles circonstances et comment la société reconnaît cette supériorité. L’institution ecclésiale donne des moyens et des signes, le prêtre se propose de les valoriser en fonction de sa capacité personnelle, mais c’est en définitive la société qui se dispose à accepter ou non cette préséance cléricale selon qu’elle y trouve ou pas son compte.
Une construction sociale
- 40 Ibid., p. 101.
38Parler de prééminence du clerc suppose son acceptation par le public et même la participation d’un public à sa construction et à sa reconnaissance ; on ne peut pas faire comme si seuls le magistère de l’institution et les mérites individuels du clerc établissaient son aura sociale. L’éminence cléricale est aussi une production sociale qui répond à des besoins plus ou moins collectifs. La fama sanctitatis de tel saint, la réputation de tel ou tel prédicateur érigent aussi le public et les fidèles en juge. La prééminence relève de la fabrique sociale pour pasticher une formule de Marina Caffiero. Les clercs ont tout à la fois besoin de ce crédit auprès de la population et en même temps le craignent. D’un côté, c’est la preuve de leur ascendant, mais de l’autre, il risque de les inféoder à leur troupeau. Comme l’écrit d’expérience Gourreau de La Proustière : « le peuple est assez docile quand vous leur êtes complaisant… le contraire survient, tout est perdu40 ».
- 41 J.-M. Sallmann, Naples et ses saints à l’âge baroque (1540-1750), Paris, Presses universitaires de (...)
- 42 A. Burkardt, Les clients des saints. Maladie et quête du miracle à travers les procès de canonisat (...)
39Un premier terrain d’observation de ce processus complexe de la construction de la prééminence est celui de la fama sanctitatis. Se dégageant du modèle hagiographique et de sa fabrication institutionnelle, les études récentes tendent à ne pas considérer exclusivement les qualités du saint et l’intention pastorale de l’Église mais surtout le processus social qui conduit à la cristallisation de la fama. L’analyse des témoins et des miraculés est à ce titre particulièrement évocatrice. La réputation n’a souvent pas besoin d’attendre le trépas. 40 % des miracles napolitains sont produits du vivant des saints et manifestent des dons thaumaturgiques, prophétiques ou caritatifs. Après la mort, la réputation ne se propage pas seulement par la publication de vie, mais aussi par le bouche à oreille. L’analyse sociologique des saints napolitains montre le poids des témoignages de la noblesse et du clergé (60 % des témoins)41. En France, François de Sales, Jean Baptiste Gault sont défendus par le témoignage d’un public dévot, d’origine marchande ou officière, souvent de femmes42. Bref la fama sanctitatis découle de l’action des familles charnelle et spirituelle qui y trouve un surcroît de prestige, tant pour ordres religieux que lignages aristocratiques. Jean-Michel Sallman a ainsi magistralement démontré que la sainteté napolitaine était une production aristocratique et nullement la conséquence d’un peuple superstitieux du Mezzogiorno.
40La réputation joue aussi un rôle important dans l’obtention des charges. Certes, on invoque souvent la recommandation. Ainsi les évêques de Louis XIV ont souvent des appuis ministériels et 20 % d’entre eux ont eu des charges de cour. Mais ce n’est qu’un marchepied et un tiers des évêques de Louis XIV ont été vicaires généraux et ont ainsi dû se frotter à l’expérience pastorale. Ainsi pour faire carrière, il faut surtout avoir réussi dans le gouvernement des hommes, c’est-à-dire être parvenu à diriger un troupeau, au pire sans scandale, au mieux avec éloge.
- 43 I. Brian, Prêcher à Paris sous l’Ancien Régime…, op. cit., p. 81-85.
- 44 Ibid., p. 115.
- 45 Ibid., p. 160.
- 46 Ibid., p. 93.
- 47 Ibid., p. 99 et 248. M. Fumaroli, « Sacerdos sive oratore, orator sive histrio », dans id., Héros e (...)
- 48 I. Brian, Prêcher à Paris sous l’Ancien Régime…, op. cit., p. 256.
41Le jugement du public, n’en déplaise à l’Église, est donc aussi à prendre en compte dans l’obtention de certaines charges ou dans la notoriété de certains clercs. Isabelle Brian l’a magistralement montré pour les prédicateurs parisiens aux xviie et xviiie siècles. Un coup de pouce, un appui, de l’entregent peuvent certes les faire monter en chaire. Mais ensuite leur succès dépend de l’appréciation de leur talent par le public. Ce sont les marguilliers, c’est-à-dire les laïcs, qui réservent parfois quatre à cinq ans à l’avance les meilleurs ténors pour les avents et les carêmes, n’hésitant pas à les appâter avec un bon salaire43. À Saint-Paul vers 1785, une station de carême est rémunérée 800 lt contre 50 à Sainte-Marguerite44. Les registres de la fabrique de la paroisse parisienne de Saint-André-des-Arts montrent que les marguilliers veulent un prédicateur célèbre car c’est l’assurance de louer toutes les chaises et de dégager du profit. Les fidèles goûtent les nouvelles têtes, redoutent la routine et sont peu désireux de voir leur curé monter en chaire dans ces grands cycles45. Un éditeur, fondateur de la presse, Théophrase Renaudot, lance même une liste des prédicateurs qui devient une sorte d’officiel des spectacles de la prédication et qui est publié chaque année46. Économie ecclésiale, réputation cléricale et public sont étroitement imbriqués. Même si le prédicateur ne doit pas prêcher lui-même, mais l’Évangile, Marc Fumaroli a montré la rivalité analogique au xviie siècle entre l’histrio, le comédien et l’orator puisque le rêve de l’un comme de l’autre est de mourir en scène ou en chaire, sous les ovations du public, comme le père Boursoul en 174847. La plus grande crainte d’un prédicateur est de n’avoir pas de public48.
- 49 Philippe Gourreau de La Proustière, Mémoires, éd. par B. de Buffévent, op. cit., p. 125.
42Mais même un simple curé de village doit faire avec l’opinion de ses ouailles. Gourreau de La Proustière juge qu’il est estimé de ses peuples mais pas aimé49. Ce fils de parlementaire parisien recherche la considération de ses paroissiens qu’il juge pourtant inférieurs à lui ; si leur insulte ne le touche pas comme pourrait le faire celle de Parisiens, s’il ne recherche pas à nouer des relations amicales avec eux de crainte de se compromettre dans des conflits d’intérêts particuliers, la bonne estime de ces paroissiens lui renvoie le sentiment d’un devoir accompli. L’examen de 306 candidats à des cures relevant de la collation de l’abbaye de Saint-Denis montre que 62 % des candidats mettent en avant leur expérience comme vicaire et leur familiarité avec la paroisse qu’il convoite. Mais en même temps, cela ne semble pas constituer pour les collateurs un argument décisif.
- 50 Y. Castan, Honnêteté et relations sociales en Languedoc (1715-1780), Paris, Plon, 1974.
43Cette reconnaissance par les fidèles rend possible le rôle de médiation du clerc où se construit et se reconnaît sa prééminence. Celle-ci offre au curé de jouer les médiateurs au sein du village. Un tiers des accords signés devant notaire (infrajudiciaire) dans le Languedoc sont préparés par les curés50. Ils interviennent dans les désordres des familles (adultère, violence conjugale, grossesse illégitime) comme dans les conflits de voisinage.
- 51 Philippe Gourreau de La Proustière, Mémoires, éd. par B. de Buffévent, op. cit., p. 109 et 149.
- 52 Ibid., p. 493.
44Mais le curé est aussi un intermédiaire avec ce qu’Henri Mendras appelait la société englobante par rapport au village. Il transmet les doléances vers les autorités extérieures. Gourreau de La Proustière intervient pour éviter le passage des soldats dans son village en 1649 et pour alléger la taille en 165451, mais se garde bien d’entrer dans la répartition fiscale au sein du village. Il écrit au lieutenant de police de Paris en 1668 lorsque la peste se propage dans sa communauté et obtient un chirurgien tandis que lui-même et son vicaire se dévouent auprès des malades52. Le pouvoir royal s’en sert comme un informateur pour ses enquêtes ou pour la distribution de secours médicaux, voire pour l’installation de cours d’obstétrique en 1767 lorsque cette science se confronte au savoir des matrones.
- 53 Ibid., p. 150.
45Enfin le curé ou l’évêque, loin de n’être qu’un acteur essentiel de l’organisation caritative, agit aussi comme un évergète. Gourreau utilise son autorité pour faire paver les rues, édifier une fontaine53. Le peuple, dit-il, aime les prêtres qui font des « réparations publiques ».
- 54 Ibid., p. 457.
- 55 Bernard Dompnier, Enquête au pays des frères des anges…, op. cit.
- 56 Philippe Gourreau de La Proustière, Mémoires, éd. par B. de Buffévent, op. cit., p. 229.
46Mais si le clerc déplaît car il est non-résident, immoral, scandaleux, autoritaire, mauvais ménager, il s’expose à être isolé, diffamé ; la société en appelle à la réforme du clergé ou alors conteste son magistère. Gourreau de La Proustière souligne qu’à Montmorency les peuples sont accoutumés de faire les maîtres et font peu de cas des prêtres54 ; il pointe tout d’abord la protection seigneuriale accordée aux protestants. Disputés dans leur magistère par les pasteurs et le sacerdoce universel, les clercs catholiques ont riposté en organisant des controverses qui sont des duels visant à disqualifier l’adversaire pour retrouver une prééminence intellectuelle55. Mais Gourreau accuse aussi l’intervention de réseaux de femmes dévotes et mystiques de diminuer l’autorité sacerdotale et confie qu’il apprécie peu les dévotes « qui veulent juger les ecclésiastiques et s’intriguent de tout56 ».
- 57 Ibid., p. 217.
47La prééminence cléricale est donc un combat dans le champ de la notabilité : il faut faire avec le seigneur du lieu, les coqs de village, et l’ensemble des fidèles. Curé de Villiers-le-Bel, bien né, proche d’un cardinal, Gourreau estime ainsi avec lucidité et satisfaction sa condition : « on est content dans un état médiocre, un peu obéi, un peu obéissant57 ».
- 58 T. Tackett, La Révolution, l’Église, la France. Le serment de 1791, Paris, Éd. du Cerf, 1986.
48La prééminence cléricale est donc un mélange d’élection divine transmise par l’institution, de qualités personnelles morales et intellectuelles mais aussi d’agrément et de reconnaissance populaires. L’Église prétend imposer mais en fait elle propose et les fidèles disposent. Cette tension éclate lors de la Révolution lorsque l’Assemblée nationale décide de supprimer les ordres religieux et met la cura animarum ou l’épiscopat au suffrage, comme n’importe quelle magistrature civile de juge ou d’élu de la nation. La hiérarchie refuse cette constitution civile du clergé. Mais le choix de prêter ou non le serment montre que les curés se sont déterminés non pas tant en conscience individuelle ou collective, mais en fonction de l’attitude de leurs ouailles envers la Révolution. Le serment est devenu un référendum58. La prééminence du clerc est tributaire de la reconnaissance sociale.
Notes
1 Philippe Gourreau de La Proustière, Mémoires, éd. par B. de Buffévent, Paris, Fédération des sociétés historiques et archéologiques de Paris et de l’Île-de-France, 1990, p. 125.
2 É. Motte-Roffidal, Histoires sacrées. Mobilier des églises marseillaises et aixoises au xviiie siècle, Aix-en-Provence, Publications de l’université de Provence, 2008, p. 205.
3 Les conciles de Rouen en 1581, de Reims en 1583 ont rappelé l’interdiction de l’accès au chœur pour les laïcs, à la seule exception du patron ou seigneur qui y a un banc. Le chœur est un accès réservé comme la chambre des rois. La distinction des places en l’église pour les clercs et les laïcs, Paris, 1682, p. 31 et 51. Ce texte a connu plusieurs éditions au milieu du xviie siècle. Sur la question du banc patronal dans le chœur, voir Daniel Jousse, Traité du gouvernement spirituel et temporel des paroisses, Paris, Debure, 1769, p. 65 et 297.
4 Jean Grancolas, Traité de la messe et de l’office divin, Paris, J. Vincent, 1713, p. 265.
5 B. Chedozeau, Chœur clos, chœur ouvert. De l’église médiévale à l’église tridentine (France, xviie-xviiie siècles), Paris, Éd. du Cerf, 1998.
6 J.-M. Le Gall, « Catalogues et séries de vies d’évêque dans la France moderne. Lutte contre l’hérésie ou illustration de la patrie ? », dans F. Bougard, M. Sot (éd.), Liber, gesta, histoire. Écrire l’histoire des évêques et des papes de l’Antiquité au xxie siècle, Turhout, Brepols, 2009, p. 367-406.
7 Daniel Jousse, Traité du gouvernement spirituel…, op. cit., p. 179, 205, 210, 214, 217, 220 et 224.
8 Ibid., p. 234.
9 N. Lemaitre (dir.), Histoire des curés, Paris, Fayard, 2002.
10 Philippe Gourreau de La Proustière, Mémoires, éd. par B. de Buffévent, op. cit., p. 112 et 117.
11 L. Trichet, Le costume du clergé. Ses origines et son évolution en France d’après les règlements de l’Église, Paris, Éd. du Cerf, 1986.
12 Id., La tonsure. Vie et mort d’une pratique ecclésiastique, Paris, Éd. du Cerf, 1990.
13 J.-M. Le Gall, Un idéal masculin ? Barbes et moustaches (xve-xviiie siècle), Paris, Payot, 2011, chap. 1.
14 Quod si probum et honestum virum barba decet, sacerdotem quoque cui totius probitatis et honestae vitae exemplar esse debet ante alios addecere non temere forsan opinabimur. Piero Valeriano, Pro sacerdotum barbis, Paris, C. Wechelus, 1533, p. 5.
15 Gravitatis et auctoritatis barbae attulerint (ibid., p. 5 et 7).
16 Veteres illi gravissimi quidem viri cum barba et sapientiam et bonos mores esse conjonctos arbitrabantur (ibid., p. 11).
17 J.-M. Le Gall, Un idéal masculin…, op. cit., chap. 4.
18 Comam vero et barbam ne studiose nutriant. Barba a superiore labro ita recidatur ut pili in sacrificio missa Christi domni corpus et sanguinem sumptionem non impediant (Gaston Chamillard, De corona, tonsura et habitu clericorum, Paris, Josse, 1659, p. 41).
19 Poco importa la segregatione et distinctione dell’habito se perseveraremo nelle pratiche et conversationi secularesche et mondane (Acta ecclesiae Mediolanensis, Milan, 1583, p. 305).
20 Ristauriamo in effeto l’antico uso nostro di radere la barba con questa vera risolutione che con deponere la barba deponiamo insieme hormai ogni ostentatione et vana confidanza della prudenza et della fortezza mundana et ogni stima di noi medesimi et ogni altra superbia et con il dispreggio di questo commune ornamento della faccia rinonciamo a gli ornamenti vani et allé glorie de gli uomini (ibid., p. 385 vo).
21 Sur l’épiscopat au xviie siècle, voir les deux livres de J. Bergin, The Making of the the French Episcopate (1589-1661), New Haven, Yale University Press, 1996, et Crown, Church and Episcopate under Louis XIV, New Haven, Yale University Press, 2004.
22 F. Waquet, Le latin ou l’empire d’un signe (xvie-xxe siècle), Paris, Albin Michel, 1998.
23 C. Michon, La crosse et le sceptre. Les prélats d’État sous François Ier et Henri VIII, Paris, Tallandier, 2008.
24 D. Roche, Le Siècle des lumières en province. Académies et académiciens provinciaux (1680-1789), Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1978, t. 1, p. 337.
25 É. Motte-Roffidal, Histoires sacrées. Mobilier des églises…, op. cit., p. 109-110.
26 Philippe Gourreau de La Proustière, Mémoires, éd. par B. de Buffévent, op. cit., p. 125.
27 Sur la violence oratoire, D. Crouzet, Les guerriers de Dieu. La violence au temps des troubles de religion (vers 1525-vers 1610), Seyssel, Champ Vallon, 1990.
28 M. Fogel, Les cérémonies de l’information dans la France du xvie au milieu du xviiie siècle, Paris, Fayard, 1989.
29 Sur la prédication, voir I. Brian, Prêcher à Paris sous l’Ancien Régime (vers 1640-vers 1780), mémoire d’habilitation à diriger des recherches dirigé par A. Cabantous, université Paris 1, 2010 (à paraître en 2013 chez Garnier). Sur la rivalité entre l’éloquence des prédicateurs et des magistrats, M. Fumaroli, L’âge de l’éloquence. Rhétorique et res literaria de la Renaissance au seuil de l’époque classique, Genève, Droz, 1980.
30 Philippe Gourreau de La Proustière, Mémoires, éd. par B. de Buffévent, op. cit., voir p. 255, mais aussi p. 226-230.
31 P. Burke, « Istruzioni per diventare santo durante la Controriforma », dans id., Scene di vita quotidiana nell’Italia moderna, Rome, Laterza, 1988, p. 63-81.
32 J.-M. Le Gall, « Y-a-t-il un honneur des clercs ? », dans H. Drévillon, D. Venturino (éd.), Penser et vivre l’honneur à l’époque moderne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 281-300.
33 Philippe Gourreau de La Proustière, Mémoires, éd. par B. de Buffévent, op. cit., p. 144.
34 M. Bataillon, Les jésuites dans l’Espagne du xvie siècle, Paris, Les Belles Lettres, 2009.
35 R. Ricard, La « conquête spirituelle » du Mexique. Essai sur l’apostolat et les méthodes missionnaires des ordres mendiants en Nouvelle-Espagne, Paris, Institut d’ethnologie, 1933, p. 270-276.
36 J.-M. Le Gall, « La virilité du clerc », dans A. Corbin, J.-J. Courtine, G. Vigarello (dir.), Histoire de la virilité, Paris, Seuil, 2011, p. 213-222.
37 Richelieu, Testament politique, éd. par F. Hildesheimer, Paris, Société de l’Histoire de France, 1995, p. 89.
38 B. Dompnier, Enquête au pays des frères des anges. Les capucins de la province de Lyon aux xviie et xviiie siècles, Saint-Étienne, Publications de l’université de Saint-Étienne, 1993.
39 Philippe Gourreau de La Proustière, Mémoires, éd. par B. de Buffévent, op. cit., p. 103.
40 Ibid., p. 101.
41 J.-M. Sallmann, Naples et ses saints à l’âge baroque (1540-1750), Paris, Presses universitaires de France, 1994.
42 A. Burkardt, Les clients des saints. Maladie et quête du miracle à travers les procès de canonisation de la première moitié du xviie siècle en France, Rome, École française de Rome, 2004.
43 I. Brian, Prêcher à Paris sous l’Ancien Régime…, op. cit., p. 81-85.
44 Ibid., p. 115.
45 Ibid., p. 160.
46 Ibid., p. 93.
47 Ibid., p. 99 et 248. M. Fumaroli, « Sacerdos sive oratore, orator sive histrio », dans id., Héros et orateurs. Rhétorique et dramaturgie cornélienne, Genève, Droz, 1990, p. 449-491.
48 I. Brian, Prêcher à Paris sous l’Ancien Régime…, op. cit., p. 256.
49 Philippe Gourreau de La Proustière, Mémoires, éd. par B. de Buffévent, op. cit., p. 125.
50 Y. Castan, Honnêteté et relations sociales en Languedoc (1715-1780), Paris, Plon, 1974.
51 Philippe Gourreau de La Proustière, Mémoires, éd. par B. de Buffévent, op. cit., p. 109 et 149.
52 Ibid., p. 493.
53 Ibid., p. 150.
54 Ibid., p. 457.
55 Bernard Dompnier, Enquête au pays des frères des anges…, op. cit.
56 Philippe Gourreau de La Proustière, Mémoires, éd. par B. de Buffévent, op. cit., p. 229.
57 Ibid., p. 217.
58 T. Tackett, La Révolution, l’Église, la France. Le serment de 1791, Paris, Éd. du Cerf, 1986.
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