Avant le contrat social
|Annexes. Résumés des communications non publiées
Traités et paix entre Armagnacs et Bourguignons : les valeurs de l’engagement
— Résumé —
Texte intégral
1Entre 1409 et 1419, on recense 9 accords de paix principaux entre les princes en lutte dans le royaume de France, souvent sous la forme d’une ordonnance royale reprenant les points négociés. La multiplicité de ces paix de fortune, de ces accords d’un temps, ces paix de l’entre-deux-meurtres, a servi dans l’historiographie à produire des jugements sur les princes du temps, pour dire leur fourberie ou leur « internationalisme » dépassé. Il paraît aujourd’hui plus productif de les prendre au sérieux comme des pratiques politiques largement modelées par les acteurs (voir le volume Laurent Bourquin et Philippe Hamon (dir.), La politisation. Conflits et construction du politique depuis le Moyen Âge, Rennes, 2010).
2À vrai dire, du point de vue documentaire, les textes des accords eux-mêmes, les ordonnances, doivent être pensés dans une forme de débauche scripturaire qui les entoure. Un accord de paix suscite de nombreux serments, fixés sous différentes modalités par écrit, d’autres ordonnances pour assurer l’ordre qui doit découler de la pacification, des lettres d’abolition et parfois des traités d’alliance. Il y a encore à faire savoir la paix sous la forme, d’abord, de mandements de publication, puis des proclamations mêmes.
3Ces accords s’inscrivent dans un continuum de rapports de force et ils sont loin de s’imposer à tous les protagonistes, ainsi de la négociation de La Tombe ou de celle de Saint-Maur en 1418. Ensuite cette dimension processuelle se marque par une longue mise en place rituelle et documentaire de la paix, à travers les serments et publications, qui prend parfois plusieurs mois. Enfin ces traités sont pensés en série par les acteurs, en lien les uns avec les autres. Il se crée comme un temps propre de la paix, faisant de l’activité pacificatrice une forme de pratique sociale sans beaucoup d’interruption. Les traités précédents sont souvent rappelés dans le texte même du nouveau, à Auxerre (1412) comme pour la paix d’Arras (1414-1415). La mise en série s’interrompt avec le meurtre de Jean sans Peur en 1419 qui forme un nouveau point origine.
4Ces traités et accords sont créateurs d’une temporalité politique spécifique. D’abord parce qu’ils doivent effacer le passé de la querelle, « mettre en oubli les choses passées », sous la forme du pardon du roi, comme de celui des princes entre eux. Aux accords s’ajoutent des « abolicions » selon différentes modalités, symboliques, politiques et matérielles. L’« abolicion » apparaît comme un véritable signe de paix. Les accords construisent encore un temps affectif, détaché du présent comme en témoigne l’omniprésence du vocabulaire de l’amitié et de l’amour dans les textes. Ces mots de l’affect tiennent de la parenté, réelle et fictive, et, aussi, du contrat. Amitié et amour justifient les accords, désignent l’acte d’alliance lui-même (comme à Pouilly en 1419). Le caractère normatif et contractuel des termes affectifs n’efface pas, pour autant, les acceptions liées aux relations fortes portées par les termes d’amour et d’amitié (voir les travaux de Klaus Oschema). L’amitié est aussi considérée comme un état durable qui doit découler des accords, comme il n’aurait jamais dû être interrompu. Effaçant le passé, rappelant l’éternité du lien affectif, les accords produisent aussi du futur, en particulier dans la nécessaire lutte à venir contre les Anglais.
5C’est une multiplicité de serments, des princes, comme des sujets qui doit sanctionner et valider ces traités. Ceux-ci accordent une large place, dans leur texte même, à la procédure sermentaire. Ces procédures évoluent d’un traité l’autre, comme les rites qui les sanctionnent. L’innovation politique est ici perpétuelle aussi bien dans les mises en scène que dans l’extension donnée à la participation politique. Ainsi les accords de paix, loin d’être de simples « contrats » répétés et, donc sans portée, deviennent, dès lors, de véritables pratiques politiques en constante réélaboration.
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