Les ligues urbaines dans le Sud de l’Empire
Plaidoyer pour la reprise de l’enquête sur les associations de villes médiévales — Résumé —
p. 719-720
Texte intégral
1L’histoire des ligues urbaines (Städtebünde) est loin d’être une page blanche. Inscrite depuis plus d’un siècle parmi les préoccupations de l’histoire des institutions (Verfassungsgeschichte) et de l’histoire régionale (Landesgeschichte), elle obéit à des codes de recherche et d’exposition. Il est d’autant plus important de les connaître que ceux-ci formatent non seulement l’historiographie, mais encore les éditions de sources.
2L’histoire des ligues est une histoire institutionnalisée et institutionnalisante, qui a été associée à de nombreux enjeux politiques. Depuis le xixe siècle, les ligues urbaines médiévales ont été au cœur des débats sur le développement de l’État et de ses structures. Étaient-elles l’expression de particularismes qui entravaient la marche vers l’État moderne ? Furent-elles au contraire le laboratoire d’une vie politique « bourgeoise » innovatrice et libre, ou, comme on le lit maintenant, l’étape nécessaire à la sauvegarde de l’Empire et à sa mutation étatique (staatliche Verdichtung) ? Partant, les relations entre les ligues (urbaines ou plus générales) et le Reich forment le fil rouge de tous les travaux. Il semble extrêmement difficile d’y échapper, tant les concepts de Bund/Bündniss sont chargés d’une référence à l’État. Cependant, depuis peu, le décloisonnement national et l’essor des approches réticulaires permettent de prendre pleinement conscience des effets indésirables induits par cette approche : bornage a priori de systèmes de relations mouvants mais inscrits dans le temps long, exagération de spécificités régionales, focalisation sur les « grandes ligues », voire création de « mythes » comme la Décapole… Dépasser ces problèmes sans nier la dimension politique des ligues ni les apports de recherches séculaires suppose un changement de concepts, le passage des « ligues urbaines » aux associations de villes.
3Une longue enquête collective et comparative s’amorce tout juste pour des espaces allant de la Confédération helvétique à la Franconie, en passant par la Souabe et la Haute-Rhénanie. La réflexion sur le contrat politique offre l’occasion de réfléchir à de nouveaux angles d’approche.
4Ma communication portera dans un premier temps sur les questions de terminologie, de définition et donc de typologie. Les sources révèlent dès le premier tiers du xiiie siècle des formes d’association et de contrats entre villes dans le Sud de l’Empire. Peut-on opérer un classement sur la base des termes désignant ces conventions ? L’historiographie allemande, qui a repris en cela les classifications fournies par l’histoire du droit, a mis en exergue le rôle du serment pour distinguer les simples accords et contrats (Verträge ; Abkommen) des ligues (Bünde, Bündnisse). On peut cependant se demander si la distinction est opératoire dans la pratique. Nos typologies contemporaines gagneraient peut-être à considérer aussi les principes de classement médiévaux.
5En s’associant, les villes membres acceptent de se soumettre à des contraintes collectives définies plus ou moins collégialement. On s’interrogera sur les représentations que l’on avait d’un tel collectif (est-il lui-même un corps ?). Les principes guidant la conduite collective sont-ils relativement uniformes au-delà de la diversité des associations ? Dans les faits, nombreuses sont les villes à quitter une association en cours. Les argumentaires alors déployés permettent de mieux cerner les limites de l’engagement volontaire dans la sujétion. On tentera, à l’appui de plusieurs exemples, d’en cerner les logiques.
6Il s’agira enfin de revenir sur la dimension politique des associations urbaines et leur rôle dans la genèse de l’État moderne. Dans quelle mesure les associations de villes furent-elles porteuses d’un idéal politique ? Quel rapport entretiennent-elles avec la politique impériale et les institutions d’Empire naissantes ?
Auteur
Université Marc Bloch – Strasbourg II
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