Le banquet de Pauline Schmitt Pantel
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Texte intégral
1Réunissant chercheurs français et étrangers, jeunes doctorants et professeurs émérites, ce volume collectif entend rendre hommage à l’œuvre de Pauline Schmitt, une année après son départ en retraite. Après un premier « banquet » célébré en son honneur, en octobre 2010, nombreux sont ceux, parmi ses étudiants, ses collègues et ses amis, qui ont en effet tenu à lui offrir une contribution originale.
2À n’en pas douter, cet enthousiasme général tient à plusieurs éléments. Au rayonnement scientifique de son œuvre, tout d’abord : si nous avons laissé le soin à d’autres de mettre en perspective l’apport de ses recherches, la variété des thèmes abordés dans cet ouvrage permet immédiatement de prendre la mesure de l’ampleur de ses vues et de la diversité de ses intérêts : loin de se cantonner aux seuls banquets publics, Pauline Schmitt a profondément renouvelé l’approche de sujets classiques – telles les mœurs des tyrans, les fêtes et les pratiques religieuses, par exemple –, tout en s’employant à défricher de nouveaux champs de recherche : pionnière de l’histoire des femmes et du genre, elle a été aussi à l’initiative d’une autre façon d’écrire l’histoire du politique en Grèce ancienne.
3Le nombre et la diversité des contributeurs reflètent aussi le rôle de passeur qu’elle a joué durant de nombreuses années, faisant dialoguer chercheurs, disciplines et générations. Car Pauline Schmitt s’est toujours tenue à la croisée de plusieurs mondes, réconciliant l’anthropologie et l’histoire, le centre Louis Gernet et la Sorbonne, les universités d’Amiens, de Paris 7 et de Paris 1. Si nous devions établir la lignée intellectuelle de Pauline Schmitt, elle serait double et même, pour parler comme les anthropologues, bilatérale : comme l’a bien montré Jérôme Wilgaux, les liens de parenté et la transmission se font tout autant par les femmes que par les hommes. Par les hommes, elle tiendrait à la fois de Jean Pouilloux, de Pierre Vidal-Naquet et de Jean-Pierre Vernant, alliant la rigueur du raisonnement historique et l’ouverture aux sciences sociales ; par les femmes, elle s’inscrirait dans le sillage de Claude Mossé et de Michelle Perrot, dans cette chaîne de femmes professeures qui se sont efforcées de changer l’Université et ses pratiques. Et c’est forte de ce bagage, de cet héritage, de ces liens forgés durant toutes ces années – de Lyon à Paris 7, puis d’Amiens à Paris 1 –, que Pauline Schmitt a pu « éduquer » plusieurs générations d’étudiants et de doctorants, qu’elle a élevés et nourris comme une mère et un père athéniens.
4La convivialité de ce « banquet » réuni autour de Pauline Schmitt témoigne enfin de sa manière inimitable d’enseigner et de transmettre, que beaucoup ont découverte en assistant à son séminaire à l’université Paris 1, ou en l’écoutant lors de voyages d’études, en Turquie et en Grèce. Et c’est précisément la professeure et la directrice de recherches dont nous voudrions esquisser le portrait, nous faisant le porte-voix de ses élèves, passés et présents.
5De la pédagogue, il y aurait beaucoup à dire. Ceux qui ont assisté à certains de ses cours connaissent son talent rare pour synthétiser en termes simples, mais jamais simplistes, une chose aussi compliquée que la notion d’évergétisme ou les subtilités du polythéisme grec. Ses écrits révèlent d’ailleurs ce même souci de clarté – à l’instar du manuel rédigé avec Louise Bruit sur la religion grecque, qui reste indémodable, comme en témoignent les nombreuses rééditions et traductions en langues étrangères. À l’intérieur d’un amphithéâtre parisien ou sur les gradins d’un théâtre grec, se dégage de ses interventions un sentiment d'évidence et de sécurité. C’est sans nul doute cette parole chaleureuse, savante mais jamais intimidante, qui a conduit de très nombreux étudiants et étudiantes à la suivre en master et en thèse.
6Toujours disponible alors que ses obligations allaient croissant au fil des ans, rédigeant les lettres de recommandation dans la demi-heure, Pauline Schmitt a dirigé ses élèves en sachant leur fixer de grands caps à suivre, tout en les mettant en garde contre certains écueils et, en particulier, l’enfermement dans un seul type de source ou la tentation de l’érudition pour elle-même, certes rassurante, mais souvent vide de sens. Loin de s’attarder sur les lacunes bibliographiques, les coquilles ou les espaces insécables, elle s’est toujours employée à faire sortir ses doctorants de leurs routines de pensée et pour prendre le risque de croiser les sources et les approches.
7Mais au-delà du suivi individuel, nombreux sont les étudiants qui ont bénéficié collectivement de l’engagement de Pauline Schmitt dans l’animation de la recherche. Ses élèves lui doivent ainsi d’avoir mené leurs recherches dans des conditions exceptionnelles, grâce à l’invention d’un lieu d’échanges inédit : l’équipe « Phéacie », créée en 2001, avec Louise Bruit et associant autour des universités Paris 1 et Paris 7 des chercheurs de tous horizons. Ce fut le point de départ d’une aventure extraordinaire, qui permit à toute une « classe d’âge » de pousser et de croître à l’abri d’une équipe de recherche de petite taille, fonctionnant sur un mode démocratique et offrant à chacun une formidable liberté d’initiative.
8Grâce à elle, des doctorants ont ainsi eu la chance fantastique d’animer des axes de recherches ou d’organiser des colloques. Sur le plan institutionnel, Pauline Schmitt n’a cessé de se battre pour que ses élèves obtiennent des allocations de recherche, des postes d’ATER, des bourses à l’étranger, mais aussi des financements pour la reprographie de leurs thèses.
9Nul hasard donc si elle a accepté, pendant quatre ans, de diriger l’École doctorale d’histoire de Paris 1, y investissant beaucoup d’énergie pour financer des missions de recherche, des voyages d’études et des publications organisées par ou pour les doctorants. En somme, Pauline Schmitt a promu d’autres pratiques d’enseignement et d’encadrement de la recherche, et a su les institutionnaliser au sein même de la vénérable Sorbonne. Il faut dire qu’étant la première professeure d’histoire ancienne de l’université Paris 1, elle ne pouvait manquer, par sa seule présence, de perturber quelque peu l’ordre ritualisé de l’andrôn !
10Ce souci des autres, Pauline Schmitt l’a manifesté non seulement sur le plan scientifique, mais aussi dans un art consommé de la convivialité : on ne sort pas indemne d’une thèse d’État sur les banquets publics ! Durant toutes ces années, beaucoup de chercheurs français et étrangers ont bénéficié de son hospitalité généreuse, au point d’être parfois hébergés à demeure. Et nous sommes nombreux à savoir que ce volume n’est ni le premier, ni le second « banquet de Pauline ». Les banquets de Pauline, les banquets chez Pauline, ont ponctué toutes les fins d’année universitaire, pour fêter l’été, pour célébrer la naissance d’un bébé « phéacien » et, tout simplement, pour le plaisir d’être ensemble. Aussi ce banquet de mots n’est-il qu’un modeste contre-don pour remercier Pauline de son enseignement, de son ouverture d’esprit, de son militantisme et, tout simplement, de sa manière de faire de l’histoire et de la transmettre.
Table des illustrations
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Légende | Pauline Schmitt Pantel sur le chantier archéologique de Moio della Civitella |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/32391/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 446k |
© Éditions de la Sorbonne, 2012