1Outre les transformations qu'elle apporte aux fonctions urbaines par son intervention souvent décisive dans les activités économiques, l'usine sidérurgique littorale est susceptible d'influencer sensiblement toutes les autres caractéristiques de l'agglomération où elle est implantée, en particulier ses composantes démographiques et leur évolution, ses structures et son organisation spatiales, les comportements sociaux et la vie urbaine.

2Mais, comme sur le plan économique, cette détermination est très variable car elle dépend de nombreux facteurs liés aux données propres à l'établissement, à celles de l'organisme urbain et aux modalités particulières de leurs interrelations. Elle est principalement fonction de la localisation de l'unité de production par rapport à l'agglomération, de leur individualité et de leur importance respectives, des circonstances dans lesquelles se sont exercées les pressions de l'établissement industriel et des particularités de la réponse de l'entité urbaine. L'influence de l'industrie sur la ville n'est pas uniforme. Au type d'industrialisation que représentent la création et le développement des usines sidérurgiques littorales ne correspond pas un type strictement défini d'urbanisation. Ni la nature de l'activité, ni ses structures techniques et économiques n'induisent automatiquement un type de ville spécifique. Mais dans la mesure où les conditions sont réunies, de localisation, de taille et de politique, pour qu'apparaisse et se confirme un phénomène de domination de l'industrie sur la ville, l'influence peut alors être d'une ampleur et d'une profondeur considérables.

3Aussi une distinction essentielle s'impose-t-elle entre, d'une part les situations créées dans l'Ijmond et à Dunkerque où les unités industrielles les plus grandes et celles qui ont connu le rythme d'expansion le plus rapide se sont imposées au sein d'agglomérations relativement faibles par leur taille et leur cohésion et qui en furent bouleversées et, d'autre part les situations présentées à Brême et à Gand où les unités de production, plus petites, se sont développées à un rythme lent, à l'extérieur voire à l'écart d'agglomérations très puissantes qui n'ont pas été touchées de façon apparente.

I- INFLUENCE SUR LES COMPOSANTES ET SUR L'EVOLUTION DEMOGRAPHIQUES DES AGGLOMERATIONS

4La création et le développement du centre sidérurgique n'ont de conséquences démographiques significatives au niveau de 1'agglomération que dans la mesure où ils y entraînent directement ou indirectement une forte concentration de population nouvelle qui par ses caractères propres modifie les données préalables de l'évolution. Cette concentration n'est pas obligatoire, elle ne s'effectue que dans certaines circonstances tenant à l'établissement industriel et au milieu d'insertion, à la stratégie de l'entreprise en matière de recrutement, de logement et de transport et à la politique des autorités publiques en matière d'urbanisme et d'aménagement régional.

5L'existence de l'Ijmond comme agglomération urbaine ; sa croissance accélérée qui fut l'une des plus rapides aux Pays-Bas de 1950 à 1970, l'arrêt de la progression et enfin l'actuelle diminution de la population s'expliquent avant tout par le rôle direct et indirect qu'a joué le centre sidérurgique sur le plan démographique. (Figure N^o 117).

6Lorsqu'en 1918 est fondée la KNHS et que commencent les travaux de construction de l'usine littorale, l'embouchure du Canal de la Mer du Nord connaît l'amorce d'une urbanisation suscitée par les retombées progressives de la mise en fonctionnement de cette infrastructure majeure (1886) mais qui n'a pas modifié sensiblement la dominante rurale et résidentielle de la région. En 1920, l'ensemble qui allait constituer l'Ijmond comptait près de 40.000 habitants répartis en plusieurs noyaux. Au sud du canal, on distingue alors - le "Vieil Ijmuiden" qui s'est constitué autour du port de pêche et qui va se forger une personnalité par le rassemblement de toutes les activités et de la population liées à la mer - Ijmuiden-Est qui reçoit les nouveaux arrivants appelés par les immenses travaux de construction des infrastructures de transport et de réaménagement rural - le vieux village de Velsen et des hameaux résidentiels comme Driehuis et Santpoort qui dans leur site de dunes boisées accueillent les demeures de la riche bourgeoisie d'Haarlem et d'Amsterdam. Sur l'autre rive, un nouveau centre d'habitation se formait à Velsen-Nord autour des récentes usines et surtout de la plus importante, la papeterie Van Gelder, alors que Beverwijk avec plus de 11.000 habitants prenait l'allure d'une petite ville en développant ses fonctions de centre de commerce, de services divers et de résidence et que Heemskerk restait un village qui par souci de préserver son intégrité, refusait les effets du dynamisme industriel et se tournait vers les petits centres d'économie traditionnelle situés au nord : Uitgeest et Castricum.

7Jusqu'à la seconde guerre mondiale l'impact du centre sidérurgique, dont les effectifs vont rester limités et s'accroître lentement à cause de la crise économique et des modalités de l'industrialisation à cette époque, va concerner principalement la commune de Velsen et les centres d'habitat les plus proches. Le processus d'urbanisation touche prioritairement Ijmuiden-Est et Velsen-Nord pour les ouvriers alors que les employés et les cadres se voient proposer des logements à Berverwijk ou les recherchent dans des lieux de résidence plus éloignés et plus agréables. En 1940 l'ensemble dépasse 75.000 habitants, juxtaposant des unités de taille variable, disparates par leurs fonctions, diverses par leurs compositions et leurs comportements sociaux et que la sidérurgie contribue à individualiser soit en les dominant soit en amenant des réactions de défense.

8Les bombardements de la guerre qui détruisirent plus du tiers des habitations allaient provoquer à la fin des hostilités un besoin considérable de logements qu'augmentaient les exigences sans cesse accrues du centre sidérurgique dont les plans de développement devaient se succéder à un rythme soutenu. Les modalités d'aide de l'Etat à la construction, l'attitude des municipalités concernées, les révisions en hausse des objectifs de population dans les plans d'aménagement régional et la politique de l'entreprise longtemps favorable à la concentration de son bassin de main d'oeuvre, entraînèrent un mouvement d'urbanisation qui transforme complètement l'Ijmond.

9De 1950 à 1970 les constructions nouvelles se multiplient dans ce qui peu à peu devient une agglomération urbaine offrant l'essentiel des logements mis à disposition des salariés de la sidérurgie au rythme de 199 par an durant la période 1950-1955, 437 entre 1955-1960, 591 entre 1961-1965, 568 entre 1966-1970. Alors que la domination de la sidérurgie ne va pas cesser de se renforcer sur le plan des structures et du fonctionnement de l'ensemble économique, sa pression va s'exercer dans le domaine démographique jusqu'en 1970 où un seuil est atteint. (Tableau n^o 146).

10La saturation progressive de l'espace, la réalisation des objectifs quantitatifs de la planification urbaine, la modification du comportement des salariés par rapport à leurs conditions de logement et de vie, la transformation des modalités de recrutement et de la stratégie spatiale de l'entreprise quant à l'organisation de son bassin de main d'oeuvre, vont alors entraîner l'arrêt de la croissance urbaine et même enclencher le début d'un phénomène de contraction.

11La correspondance entre les évolutions de l'emploi domicilié et de la population est très étroite : la population atteint son maximum en 1971 (indice 167)-(lOO en 1950), il en va de même pour l'emploi domicilié (indice 298), pour la proportion de logements que réserve l'entreprise (1970 : 70 % dans l'Ijmond) et pour le pourcentage représenté par 1'emploi KNHS par rapport à la population active masculine totale (1971 : 32,8 %).

12À partir de cette date la KNHS accentue alors la diffusion du dynamisme urbain dans le cadre régional, en particulier dans le Nord-Kennemerland, à Alkmaar et dans ses environs. Décisif pour le développement régional, ce changement d'attitude stoppe la croissance de l'Ijmond dans ses limites traditionnelles mais contribue à l'élargir en lui donnant une extension nouvelle qui intègre, au moins sur le plan fonctionnel sinon spatial, les communes limitrophes de Uitgeest et de Castricum. Ces communes ont, avec une intensité moindre, pris le relais de Velsen, de Beverwijk et d'Heemskerk qui furent successivement bouleversées par le processus de croissance. (Tableau N^o 147).

13Dans l'Ijmond en effet, l'impact de la KNHS est d'autant plus évident qu'on 1'analyse au niveau communal. Chaque commune a connu une période de croissance, de stabilisation puis de diminution, en fonction de son éloignement, du moment où elle a accepté l'expansion et de la rapidité d'évolution du phénomène. Pour Velsen la croissance est très forte de 1945 à 1965, elle se ralentit dans la décennie suivante,puis elle s'inverse et la diminution va en s'accélérant. Pour Beverwijk, la période de croissance est 1955-1965, celle de la stabilisation est plus courte et l'affaiblissement débute dès 1970. Pour Heemskerk, la croissance plus tardive dure jusqu'en 1975 et tend à se renverser à partir de cette date.

14Dans tous les cas l'évolution est identique. La croissance démographique se nourrit d'abord d'une immigration de jeunes adultes qui par leurs enfants rajeunissent la pyramide des âges et augmentent l'accroissement naturel. Le ralentissement puis l'arrêt de l'immigration entraînent le vieillissement de la population, l'abaissement de l'accroissement naturel et peu à peu l'inversion du solde migratoire par le départ des gens âgés qui cherchent une autre résidence pour leur retraite. Le phénomène se renforce avec 1'abaissement du taux de natalité et 1'augmentation de la mobilité de la population qui atteint dans l'Ijmond un niveau élevé. La structure par âges et les composantes de l'évolution démographique de chaque commune montrent clairement les mécanismes de ce mouvement régulier. (Tableaux n^o 148 et 149).

15À cause de la mobilité, l'Ijmond a une population jeune et peu enracinée. Au recensement de 1960, 44,4 % des habitants y étaient nés, au recensement de 1971 la proportion était de 42,5 % ; elle atteignait 51,5 % à Velsen, 40 % à Beverwijk et 33 % à Heemskerk.

16L'arrêt de l'immigration massive devrait peu à peu modérer l'originalité d'Heemskerk la dernière commune de l'Ijmond, dans son acception traditionnelle, à avoir été touchée par l'influence de la KNHS : les taux élevés de nuptialité, de fécondité et de natalité, le nombre d'enfants par famille et le nombre de personnes par logement se rapprocheront progressivement de la moyenne de l'agglomération dont la population devrait décroître régulièrement ; les effets de l'affaiblissement de l'emploi dans le centre littoral accentuant ceux de la tendance fondamentale que constitue le départ d'un nombre croissant de personnes recherchant, en particulier vers le Nord de la province, des conditions de logement et des conditions d'existence leur paraissant plus satisfaisantes.

17L'uniformisation est encore plus sensible en ce qui concerne la population active, les structures socio-économiques et la composition sociale. Régissant directement à la fois le peuplement et l'activité économique, leurs structures et leur évolution, la KNHS est là encore le facteur de détermination essentiel. La domination s'est accrue parallèlement à l'augmentation de la population. Au recensement de 1971, 27,6 % de la population active résidente dans l'Ijmond était employée dans l'usine littorale, 32,8 % de la population active masculine, 9,5 % de la population active féminine. Pour chaque commune les données respectives étaient :

18Velsen : 21,1 % - 25,3 % - 7,1 %

19Beverwijk : 31,0 % - 36,9 % - 10,7 %

20Heemskerk : 37,9 % - 44,5 % - 13,8 %

21Ces valeurs étaient nettement supérieures à celles du recensement précédent. Tous les critères permettant de caractériser la population active reflètent la force de l'emprise. Le taux d'activité masculine est élevé : 57 %, le taux d'activité féminine est bas : 17 %. Le monolithisme économique provoque d'intenses migrations de travail à l'intérieur et vers l'extérieur de l'agglomération. En 1971 travaillaient dans leur commune 65 % des actifs de Velsen, 39 % de Beverwijk, 20,5 % d'Heemskerk ; étaient migrants quotidiens 19 % des actifs de Velsen, 46 % de Berverwijk, 66 % d'Heemskerk. À l'intérieur les déplacements convergent vers le centre sidérurgique ; vers l'extérieur les principales destinations sont les grands centres économiques voisins : le Zaanstreek offrant des emplois industriels plus variés, en particulier pour les femmes, Haarlem et Amsterdam une gamme très large d'emplois en particulier dans le domaine des services. Avec la stabilisation des emplois domiciliés de la KNHS, la forte prépondérance du secteur secondaire devrait décroître régulièrement au profit du secteur des services, en particulier des services publics qui connaissent le développement le plus rapide. Le secteur primaire qui subsiste principalement sous la forme d'une horticulture très intensive a vu ses effectifs diminuer plus rapidement encore que ne l'ont fait les terres cultivées accaparées par l'urbanisation. Malgré l'augmentation rapide, du moins jusqu'à la crise, de l'emploi des travailleurs étrangers, la proportion d'étrangers dans la population totale ne s'est pas accrue de façon sensible (5,5 % en 1971) du fait de l'évolution de la politique du logement de l'entreprise qui en matière de dispersion s'est également appliquée aux foyers des travailleurs étrangers. La population active est composée pour plus de 83 % d'ouvriers et d'employés. Si l'usine sidérurgique a une structure d'emplois relativement ouverte et enregistrant une nette progression des niveaux de qualification supérieurs, la composition sociale de l'agglomération n'en est pas moins très uniforme. Le salaire moyen est élevé, au-dessus de la moyenne nationale, en léger retrait seulement par rapport aux maxima atteints à Amsterdam et dans le Rijnmond,-mais le revenu moyen par habitant est faible, très en dessous de la moyenne nationale. Les hauts revenus sont peu nombreux et leur valeur moyenne voisine avec les valeurs les plus basses enregistrées dans le pays. L'emploi féminin étant peu fréquent, le revenu familial se réduit souvent au seul salaire du père de famille. Il en résulte un niveau de vie général très moyen et un mode de vie homogène qui se nuance cependant selon les communes et selon les quartiers en fonction de l'influence qu'exerce l'usine littorale sur les structures spatiales de l'agglomération.

22Les modalités de 1'influence du centre sidérurgique sur la démographie urbaine, c'est-à-dire de la relation industrialisation-urbanisation du point de vue de la population, apparaissent clairement dans l'Ijmond où le phénomène de domination a atteint une telle intensité que tous les autres intervenants ont vu leur action oblitérée. Jusqu'au moment où son renforcement a été stoppé en même temps que la croissance urbaine par des décisions relevant de l'entreprise, des autorités publiques et des habitants, l'action de l'usine s'est affirmée avec toujours plus de rigueur tant sur un plan quantitatif que sur un plan qualitatif. Le centre sidérurgique a fait naître et s'accroître rapidement une agglomération de taille respectable mais où l'absence de différenciation économique et sociale, parmi d'autres insuffisances qui seront ultérieurement étudiées, est à l'origine des problèmes qui n'ont pu être résolus qu'au niveau régional.

23L'action directe du centre sidérurgique sur l'évolution et les structures démographiques de l'agglomération dunkerquoise a été de même nature et s'est effectuée selon des mécanismes comparables ; mais bien que très importante intrinsèquement, elle n'a pas été aussi exclusive et n'a pas connu une intensité aussi exceptionnelle que dans l'Ijmond. Les causes de cette différence tiennent principalement aux conditions d'insertion de l'unité industrielle dans l'ensemble urbain. L'agglomération où a été créé USINOR-DUNKERQUE présentait, malgré la faiblesse de ses structures urbaines préexistantes, une plus grande taille et une personnalité plus complexe, et elle ne dut accueillir que des effectifs proportionnellement plus limités. Le personnel de l'usine dunkerquoise est moins nombreux et c'est précocement que sa dispersion et sa diffusion dans un large espace régional furent recherchées et encouragées. L'appréciation précise des seuls effets de l'influence directe est rendue délicate par le fait que la croissance urbaine résulta également de l'intervention d'autres facteurs, par ailleurs plus ou moins indirectement modulée par le centre sidérurgique littoral.

24Globalement, par lui même et par les retombées humaines de la croissance économique qu'il a entraînée, USINOR-DUNKERQUE a provoqué une augmentation de population, rapide et considérable, qui s'est traduite par une poussée d'urbanisation dans toute la zone littorale et plus particulièrement par un développement notable de l'agglomération dunkerquoise. C'est dans le cadre de cette entité géographique, étendue progressivement sur 11 communes, que sera effectuée l'étude de démographie urbaine bien que, comme il sera vu ultérieurement, les fusions de communes, la constitution de la Communauté Urbaine de Dunkerque et la délimitation du Schéma Directeur d'Aménagement et d'Urbanisme imposent, par leur valeur administrative et ce qu'elle représente, l'existence de nouvelles unités spatiales dont la réalité ne cesse de s'affirmer et qui seront prises en compte dans l'étude des transformations de l'organisation de l'espace urbain et de l'espace régional.

25L'arrivée d'USINOR à Dunkerque a accentué la croissance démographique déjà soutenue d'une agglomération dont le dynamisme reposait à la fois sur un accroissement naturel élevé (jeunesse de la population, taux de natalité 25,4 ‰ en 1954) et sur un solde migratoire largement positif (pression sur l'environnement rural pour la reconstruction du port et de la ville). L'arrivée massive à la fin des années cinquante et au début des années soixante d'immigrants jeunes (cf. : moyenne d'âge au recrutement) augmente notablement les excédents démographiques qui permettent à Dunkerque de se classer parmi les agglomérations urbaines de plus de 100.000 habitants les plus dynamiques de France.

26De 1954 à 1975, la population passe de 98.434 à 164.826 habitants avec des taux annuels moyens d'accroissement de 3,3 % entre 1954 et 1962, 2,2 % entre 1962 et 1968, 2,0 % entre 1968 et 1975. (Tableau N^o 150).

27La permanence du rajeunissement et le maintien d'une forte natalité vont soutenir la croissance jusqu'au début des années 1970 ; celle-ci va cependant peu à peu ralentir sous l'effet de la diminution du solde migratoire et de ses répercussions : léger abaissement du taux de natalité (1975 = 23 ‰) et léger vieillissement de la population.

28L'influence directe d'USINOR est particulièrement évidente dans les communes qui dès sa mise en marche ont accueilli le plus grand nombre de salariés de l'usine littorale. A Grande-Synthe, l'arrivée brutale des effectifs sidérurgiques va de pair avec une croissance qui s'emballe au rythme d'accroissement annuel moyen de 10,5 % de 1954 à 1962 et de 56,4 % de 1962 à 1968 puis se calme à la suite de la diminution de la construction des logements et du début d’un certain reflux des salariés de l'établissement hors de la commune. En 1975, les 1676 salariés d'USINOR domiciliés représentaient 35,0 % de la population active totale et 43,8 % de la population active masculine. En 1968, 51 % de la population totale avait moins de 20 ans contre 35 % dans l'agglomération.

29A Petite-Synthe (englobée administrativement dans la commune de Dunkerque en 1971) la croissance a été plus lente et plus régulière : + 3 %, + 3,8 %, + 13,3 %, parallèlement à une montée décalée et plus progressive des effectifs sidérurgiques qui, atteignant 1433 personnes en 1975, représentaient 17 % de la population active totale et 22,5 % de la population active masculine.

30La diminution du rythme de croissance de l'agglomération dans la dernière période intercensitaire est à mettre en relation avec le changement de politique sociale de l'entreprise en matière de recrutement, de logement et de transport. La forte poussée des effectifs entre 1970 et 1974 ne se traduit pas au niveau de l'agglomération, elle se ressent à l'échelle plus large de la Communauté Urbaine, du SDAU et de l'ensemble du bassin de main d'oeuvre dans lequel le personnel s'est réparti. À l'encontre des décisions du Schéma d'Aménagement et même de la réalisation des programmes de logements dont un nombre appréciable devient disponible après 1975, la croissance démographique concerne un espace très étendu aux dépens d'une agglomération qui n'a pas réussi à tirer parti de sa forte expansion pour se doter d'un réel pouvoir attractif par ses équipements, son animation et son ambiance urbaine. L'arrêt de la croissance de la sidérurgie et ses graves effets sociaux dans une ville où les nouveaux arrivants sur le marché du travail sont très nombreux devraient encore diminuer la valeur positive du solde migratoire et déterminer une stabilisation de la tendance.

31L'influence s'est également faite sentir sur les caractéristiques de la population active et sur la structure sociale. L'usine littorale et le type de croissance qu'elle a induit ont accentué certaines données traditionnelles de l'agglomération.

32Le taux d'activité est resté faible du fait de la jeunesse de la population et du niveau de l'emploi féminin. Malgré une légère amélioration en fin de période, le taux d'activité des femmes est resté anormalement bas alors que le taux d'activité masculin est très élevé à cause de l'entrée précoce des jeunes hommes sur le marché du travail et de l'apport important d'immigrants constitués en majorité d'adultes, jeunes et célibataires.

33En 1968 les étrangers représentaient 2,7 % de la population totale, en retrait par rapport à 1962 où la proportion atteignait 3,7 %.

34La population active résidente est surtout occupée dans l'industrie l'expansion du secteur secondaire n'ayant pas suscité, comme l'étude des transformations des activités économiques 1'a précédemment montré, de progression dynamique du secteur tertiaire. Après un léger rattrapage, le rythme d'augmentation a déçu tous les espoirs et toutes les prévisions.

35La population se caractérise par une très grande mobilité géographique à la fois sur le plan des migrations définitives et sur celui des migrations alternantes. Entre 1962 et 1968, à une immigration de 25.108 personnes correspondit une émigration de 13.396 personnes. Au recensement de 1975, les migrations alternantes appréciées au niveau du S.D.A.U., et donc très en deçà de celles qui s'effectuent au niveau de l'agglomération, s'élevaient à 7820 vers le S.D.A.U., en provenance des régions de Calais (52 %), Hazebrouck (19,5 %), Lille (7 %), Béthune (6,7 %) et à 2880 dont 960 femmes, à partir du S.D.A.U. vers Lille (25,7 %), St Orner (22,9 %), Calais (16,3 %), Hazebrouck (13,9 %).

36La structure socio-professionnelle montre l'écrasante majorité de la population ouvrière. La proportion des employés et surtout celle des cadres moyens augmentent, mais l'importance des patrons du commerce et de l'industrie régresse alors que celle des professions libérales et des cadres supérieurs n'évolue que très lentement. La structure sociale apparaît homogène et uniforme par la prédominance des classes basses et moyennes. Au recensement de 1975, 90,9 % des actifs étaient des salariés. Même si le salaire moyen est relativement élevé, classant Dunkerque au 4ème rang des agglomérations françaises sans compter Paris et Lyon, les revenus de la population sont très bas. Le revenu par individu, étant donnés le faible taux d'emploi féminin et le grand nombre d'enfants par famille, est particulièrement faible, tout comme le revenu global au niveau de l'agglomération à cause des caractéristiques particulières de la structure sociale.

37Entraînée avant tout par l'implantation et l'expansion du centre sidérurgique littoral, la croissance économique de Dunkerque s'est traduite par un essor démographique qui dans les premières phases du processus a surtout concerné l'agglomération. L'influence a été d'une telle vigueur par ses données quantitatives et chronologiques que la personnalité de l'agglomération s'en est trouvée complètement modifiée dans tous ses aspects humains. Cette domination qui fait de l'agglomération dunkerquoise un ensemble plus proche des villes ouvrières des vieilles régions industrielles que des métropoles portuaires de la Mer du Nord, s'exprime également dans toutes les autres composantes de la structure et de la vie urbaines et s'en trouve ainsi renforcée.

38Le contraste est manifeste avec le rôle réduit que les centres sidérurgiques ont été amenés à jouer dans la démographie des agglomérations de Brême et de Gand. Plusieurs facteurs ont agi pour restreindre l'action et la rendre difficilement appréciable.

39La constitution de l'effectif de l'usine allemande a été réalisée d'une manière lente et régulière sans que l'entreprise intervienne dans le domaine du logement et du transport de son personnel, ce qui a exclu toute migration et toute concentration de population effectuées avec ampleur et rapidité qui sont les conditions indispensables d'une influence spécifique. En outre, même si en 1974, plus de 75 % du personnel habitait l'agglomération, la distorsion était trop grande entre l'importance de l'effectif total : 7.014 personnes et celle de l'organisme urbain : 583.352 habitants pour que l'on puisse saisir à ce niveau l'apport démographique du personnel sidérurgique dont on a par ailleurs noté la relative jeunesse et la mobilité. Réparti spontanément, le personnel est disséminé dans l'ensemble de l'agglomération ; dans le quartier le plus concerné, celui de Vegesack où l'on comptait en 1970 38.023 personnes et où les salariés de la sidérurgie représentait 12,2 % de la population active masculine, l'évolution et les structures de la démographie locale ne sont pas différentes de celles que l'on peut constater dans les autres quartiers qui furent aménagés durant la même période de reconstruction et d'extension urbaine ; c'est-à-dire pendant la même phase d'une opération d'urbanisme conçue et menée de façon globale et systématique au niveau d'une agglomération où de 1948 à 1974 furent livrés 175.000 logements neufs dont 67 % de logements sociaux.

40A Gand la faiblesse de l'influence au niveau de l'agglomération résulte de l'extrême dispersion du personnel dont en 1970 seulement 20 % résidait dans cet ensemble urbain qui comptait 245.405 habitants. Là encore ce sont le mode de constitution de 1'effectif et les politiques du recrutement, du logement et du transport qui ont été déterminants. La création et le développement de l'usine n'ont pas agi de façon notable sur la population de l'agglomération qui a globalement continué à décroître régulièrement en se déplaçant surtout vers les périphéries ouest et sud. Le rôle a été plus important à l'échelle régionale, dans les communes urbaines ou rurales qui du fait de leur proximité, de leur accessibilité ou de leur taux d'emplois ont fourni à Sidmar les contingents de salariés les plus nombreux.

II- INFLUENCE SUR LES STRUCTURES ET L'ORGANISATION SPATIALES DES AGGLOMERATIONS

41Le centre sidérurgique peut être un facteur actif de structuration et d'organisation de l'espace urbain c'est-à-dire être à l'origine de l'apparition, de l'affectation et de la répartition de nouvelles formes d'occupation du sol, consacrées soit à la production, à la résidence ou à la récréation. Il peut être responsable de l'élaboration d'un cadre de vie particulier par la détermination non seulement des conditions d'habitat mais des conditions de vie en général, à l'échelle du quartier comme à celle de l'agglomération.

42Cette action est celle qu'exercent les centres sidérurgiques dans l'Ijmond et à Dunkerque où les modalités d'insertion ont permis au phénomène de domination économique de se confirmer sur le plan démographique et sur le plan spatial.

43L'étude des cas permet de dégager les aspects généraux des mécanismes qui peuvent régir les relations dominantes de 1'industrie sur la ville, elle permet surtout d'apprécier les capacités de réaction du milieu aux contraintes industrielles en fonction des conditions d'urbanisation et de l’efficacité de la planification urbaine.

A- L’IJMOND

44Tout a concouru dans l'Ijmond, qu'il s'agisse des données naturelles, des héritages historiques, des caractéristiques administratives ou qu'il s'agisse de l'unité industrielle, de sa puissance et du rythme accéléré de sa croissance, pour que les structures et l'organisation spatiales de l'ensemble urbain soient l'expression spectaculaire sinon caricaturale de 1'influence prééminente du centre sidérurgique.

45Malgré la définition et l'application précoces de mesures précises d'une planification urbaine et régionale qui tenait prioritairement compte des pressions exercées par l'usine littorale et de leurs incidences multiples, sectorielles et spatiales, l'agglomération qui s'est rapidement agrandie, présente sur le plan de l'aménagement et de l'urbanisme, à côté d'incontestables réussites, un certain nombre de défauts et d'insuffisances qui ne lui permettent pas d'offrir le cadre et le milieu de vie répondant aux exigences d'une population toujours plus sensibilisée aux problèmes de l'environnement.

1°- Les conditions d'urbanisation

46Lorsqu'après la seconde guerre mondiale la KNHS rendit publics ses projets d'expansion à long terme qui envisageaient à l'horizon des années 1980 une production de 7 millions de tonnes d'acier brut et un effectif de 20.000 personnes, l'écart entre l'ampleur du phénomène industriel et les capacités d'adaptation du site apparut tel que le gouvernement décida d'appliquer à l'Ijmond en toute priorité les mesures nouvellement arrêtées concernant l'aménagement du territoire aux Pays-Bas et de faire établir sans délai des plans d'aménagement permettant de concilier les intérêts économiques et sociaux, locaux et régionaux qui se manifestaient dans cet espace convoité à cause de sa position dans le cadre de la Randstad Holland et de l'Ouest du Pays, mais fragile à cause de son cloisonnement et de son inorganisation.

47Dans L'Ijmond se succèdent parallèlement au rivage trois zones naturelles qui, selon leurs caractéristiques, ont servi à des modes d'occupation variés et ont favorisé la disposition longitudinale des premières formes de rassemblement humain et des premiers axes de circulation :

• les dunes, de un à trois kilomètres de large et d'une altitude moyenne d'environ 20 mètres ; elles jouent un double rôle capital : de défense contre les attaques de la mer et de réserve d'eau douce. Elles n'ont été que très peu altérées sauf dans leur partie centrale par l'implantation du centre sidérurgique, le creusement du port de pêche et les premiers ensembles d'habitat qui leur furent associés.
• la geest : zone de terres fertiles et protégées qui a très tôt attiré un peuplement varié de paysans et d'horticulteurs, de commerçants qui valorisaient les productions locales en tirant parti des voies de communication qui s'y trouvaient rassemblées et également des représentants des classes aisées d'Amsterdam et d'Haarlem trouvant dans un paysage valloné et en partie boisé un cadre résidentiel agréable.
• les polders : aménagés du XVème au XIXème siècle, consacrés essentiellement aux activités agricoles, surtout à l'élevage sauf dans les parties les plus nouvellement conquises qui sont le domaine de la grande culture.

48Ce découpage naturel favorable à un aménagement linéaire a été transformé avant même 1'essor de la sidérurgie par les grands aménagements d'infrastructures, par l'emprise au sol des nouvelles activités économiques et par la disposition de certaines zones d'habitation. Le débouché du Canal de la Mer du Nord, les écluses et les ports constituent une coupure de près d'un kilomètre dans sa plus grande largeur qui sépare, sinon sur le plan économique du moins sur le plan urbain, l'Ijmond en deux parties distinctes. Les passages peuvent s'effectuer par les écluses, un système de bacs et le tunnel autoroutier et ferroviaire de Velsen mais avec des contraintes de temps, de distance ou de limitation de taille et de poids. L'autoroute et les voies-ferrées Alkmaar-Haarlem forment un blocage vers 1'intérieur et obligent au rassemblement des infrastructures transversales en quelques axes importants qui aggravent le cloisonnement. Celui-ci est encore renforcé par la barrière que constitue sur plusieurs kilomètres la succession des grandes unités industrielles et par 1'individualisation sur la rive sud de l'ensemble économique organisé autour des bassins du port de pêche.

49A ces facteurs de fractionnement s'ajoutent les effets du découpage administratif qui distingue trois communes établies perpendiculairement au zonage naturel : Heemskerk, Beverwijk et Velsen, elle-même scindée en deux parties inégales de part et d'autre du canal maritime. Ce partage est d'une grande importance dans un pays où les rivalités entre communes ont toujours été très vives et accusées par les différences de structures sociologiques et d'attitudes face à la croissance économique. Les premiers plans d'aménagement furent d'ailleurs étudiés dès 1935 au niveau de chaque commune sans que le service de coordination intercommunale fondé selon les prescriptions de la loi de 1931 parvienne à réaliser l'accord des différentes municipalités. Au lendemain des hostilités, même lorsque les responsabilités de l'aménagement furent confiées par le gouvernement aux autorités provinciales, les premiers projets concernant les deux parties de l'agglomération de part et d'autre du canal (Ijmond-Noord et Zuid-Kennemerland) furent conçus dans une optique très strictement locale et se révélèrent totalement inadaptés lorsque furent connues les prévisions de croissance du centre sidérurgique et envisagées les multiples implications que ne manquerait pas d'entraîner une brutale expansion.

50Face à la puissance d'affirmation du phénomène industriel qui allait impliquer une intervention de l'entreprise, de la Province et de l'Etat, partie prenante à la fois sur le plan économique et sur le plan géographique, l'Ijmond se présentait sans unité administrative et sans cohérence spatiale, avec trois communes aux conceptions divergentes et un nombre encore bien plus élevé de noyaux de peuplement rural et urbain différents. Au sud du canal de la Mer du Nord :

• les villages de Velsen, Driehuis et Santpoort qui outre leurs fonctions de centres ruraux devaient répondre à une demande accrue d'origine interne et externe comme centres de résidence aisée.
• la ville d'Ijmuiden-Est qui prit rapidement les caractères d'une ville ouvrière. Touché par les bombardements aériens, son centre fut reconstruit et restructuré selon un plan d'urbanisme rigoureux qui lui donna une attractivité plus grande.
• le vieil Ijmuiden qui peu à peu allait perdre sa personnalité liée à la présence du port de pêche à cause de 1'affaiblissement de ce secteur économique.

51Au nord :

• le quartier ouvrier de Velsen-Nord qui évolua sous l'unique influence des grands établissements industriels proches.la petite ville de Beverwijk où longtemps coexistèrent dans une attitude de défiance et dans des unités d'habitation distinctes des catégories sociales différentes, l'ancienne bourgeoisie née des activités des services traditionnelles, la bourgeoisie nouvelle de l'industrie et du commerce, les employés et les ouvriers dont le nombre allait croître rapidement.
• le hameau de Wijk aan Zee qui dans un creux de la dune allait se transformer en petite station balnéaire dont la signification pour les loisirs allait être sans commune mesure avec la modestie des constructions et des installations.
• le village d'Heemskerk au nord qui cherchait à préserver son indépendance et son individualité.

2°- La planification urbaine

52Les plans régionaux concernant l'Ijmond ont été étudiés, promulgués et révisés conformément à la réglementation de l'aménagement du territoire et à son évolution durant la période 1950-1975 où la croissance économique correspondit à une attention sans cesse plus soutenue aux problèmes du cadre de vie, surtout dans cette région de "l'Ouest du Pays" où le processus de concentration économique et humaine fut particulièrement actif.

53Les plans régionaux ou Streekplans,

• de 1'Ijmond-Noord (publié en 1956, révisé en 1962),
• du Zuid-Kennemerland (publié en 1957, révisé en 1965 et 1970),
• du Noordzeekanaalgebied (premier projet en 1967)

54dont on ne retiendra que les données relatives à l'Ijmond furent établis par les services provinciaux d'aménagement en tenant compte des grandes options prises par le gouvernement en matière de développement économique et d'organisation de l'espace, des principaux choix effectués par les députés de la Province de Nord-Hollande et des demandes exprimées au niveau local par les individus, les associations et les municipalités.

55Ces plans n’ont pas de valeur juridique mais leur rôle est capital dans la conception, l'orientation et la fixation des plans communaux, le plan de structure et le plan d'affectation du sol qui seul est opposable au tiers.

56Ces plans répondent à différents objectifs :

• d'une part à la volonté affirmée dans les principales notes gouvernementales relatives à l'aménagement du territoire et plus précisément dans les travaux de la Commission pour l'Ouest du Pays de créér à l'embouchure du Canal de la Mer du Nord un pôle de croissance industriel et urbain basé sur le développement prioritaire des industries de base, s'intégrant le mieux possible parmi les autres ensembles géo-économiques de cette partie nord de la Randstad Holland (Haarlem, le Zaanstreek, Amsterdam et son extension portuaire) et facilitant les échanges au sein de la province pour atténuer les disparités et les déséquilibres entre le sud doté d'un dynamisme longtemps jugé excessif et le nord restant encore trop exclusivement rural.
• part au désir formulé à tous les niveaux et surtout localement de constituer une agglomération importante par la taille, cohérente par l'organisation, agréable par l'architecture, attractive par les équipements et susceptible ainsi de répondre sans inconvénient social à l'expansion industrielle, principalement de la sidérurgie.

57Ces plans furent conçus et révisés en fonction des données du milieu, naturelles, économiques, sociales et administratives, des exigences exprimées par tous les intérêts en présence, de l'évolution des besoins économiques et des nécessités sociales. Ils comportent des décisions à caractère impératif concernant les formes d'utilisation du sol (répartition des zones industrielles, des zones d'habitat, des zones vertes, des voies de circulation) et des propositions à caractère indicatif concernant la programmation, la nature et la qualité des réalisations (par exemple les caractères d'un nouveau quartier, la forme et la densité des constructions, l'importance des services administratifs, commerciaux, culturels, etc). Ils présentent une solution de conciliation entre la demande des éléments en expansion et la réserve des éléments menacés, entre la pression de l'industrie, de l'habitat et de la circulation et la défense des espaces ruraux et des espaces côtiers ; ils s'expriment par un plan d'affectation des sols. (Figure N^o 1 118).

58- Les plans d'aménagement reflètent l'importance accordée au facteur économique prépondérant : l'industrie, à qui l'on a réservé de larges possibilités d'extension ; d'une part à la sidérurgie et d'autre part aux industries nouvelles que l'on cherchait à attirer pour valoriser les avantages offerts par la zone portuaire et pour diversifier la nature et les structures industrielles locales trop spécialisées.

59Tous les besoins en espace de la sidérurgie ont été satisfaits à la fois en superficie, en disposition et en localisation. Les extensions ont été permises à la fois le long du canal jusqu'en bordure de l'avant-port et vers le Nord, par delà Wijk aan Zee, sur la zone de dunes, pour des raisons techniques (résistance du sol) et économiques (pas d'emprise sur la zone cultivée), avec comme seul inconvénient la présence d'une coupure routière servant de cordon ombilical à la petite station balnéaire. Sur le pourtour, des terrains ont été réservés pour les industries annexes en étroite relation avec la sidérurgie : sous-traitants, prestataires de service, etc.

60Compte tenu du poids de la sidérurgie, une option fut prise pour un développement limité d'une autre industrie de base en bordure du canal maritime. Ce projet d'industrie chimique lourde fut par la suite englobé dans le plan d'aménagement de la zone industrielo-portuaire d'Amsterdam et dans le cadre plus général de la planification spatiale du Noordzeekanaalgebied. Pour les industries de transformation, il était prévu d'étendre et de densifier deux zones industrielles existantes, au sud en bordure des bassins du port de pêche, au nord dans le quartier du Pijp. La modestie de la réserve foncière montre bien que les responsables n'avaient guère d'illusion sur les possibilités de diversification de l'économie industrielle gênée par la domination de la sidérurgie et par la concurrence des centres voisins traditionnellement spécialisés dans les activités souhaitées : Haarlem, le Zaanstreek, Amsterdam. L'expérience fut tentée, mais comme l'a montré l'étude des structures et du fonctionnement de l'ensemble économique, elle n'eut guère de portée.

61A la croissance industrielle devait correspondre sur le plan urbain une agglomération de grande taille et d'organisation rationnelle. D'un point de vue quantitatif, celle-ci devait accueillir 175.000 habitants, 110.000 au nord du canal et 65.000 au sud, soit la plus grande partie de la population induite par l'augmentation prévue des emplois industriels, l'immigration et l'accroissement naturel devant permettre une modération des migrations alternantes. D'un point de vue qualitatif, celle-ci devait se transformer en une véritable ville offrant des habitations conformes aux goûts et aux besoins des nouveaux habitants, des équipements complets, commerciaux, culturels et récréatifs, une ambiance urbaine agréable dont l'apparition serait facilitée par la formation d'un centre nouveau : la City. Un grand intérêt était attaché à la réalisation de ce centre qui devait être à la base de l'animation d'une ville que l'on souhaitait voir devenir variée quant aux fonctions, aux structures sociales et aux comportements humains.
La décision fut prise de contrôler l'urbanisation au sud du canal pour préserver la coupure la plus nette possible entre l'Ijmond et Haarlem et pour maintenir le caractère résidentiel en garantissant les zones vertes et les espaces ruraux. Ijmuiden pouvait s'étendre jusqu'en bordure de la dune mais les petits noyaux de Velsen, Driehuis et Santpoort ne pouvaient qu'être densifiés. Le nord du canal devait recevoir la plus grande part de l'augmentation prévue de la population qui d'abord fixée à 175.000 fut ramenée à 140 puis à 110.000 habitants. Outre une légère progression des noyaux existants de Velsen-Nord et de Wijk aan Zee, le projet délimitait un très vaste espace à urbaniser de plus de 1.000 hectares ayant la forme d'un triangle du sud de Beverwijk à la limite nord de la commune d'Heemskerk où l'on prévoyait une coupure verte dissociant l'agglomération des villages d'Uitgeest et de Castricum. Séparé du centre sidérurgique par des espaces ruraux protégés et par des ceintures boisées, le nouvel ensemble urbain devait grandir autour de la City qui fut localisée au coeur de l'espace à urbaniser, à la limite des deux communes intéressées : Heemskerk et Beverwijk.

62- La circulation faisait l'objet d'une attention particulière dans un espace où se croisaient d'importants flux d'hommes et de marchandises :

63- des flux de circulation régionale et même nationale, en particulier l'axe fluvio-maritime du Canal de la Mer du Nord essentiel pour l'économie portuaire et industrielle d'Amsterdam et l'axe autoroutier et ferroviaire unissant le nord et le sud de la Province.

64- des flux de circulation locale en fonction de l'activité économique particulière et de la vie d'une agglomération nécessairement en relation étroite avec les centres de services proches : Amsterdam, Haarlem et Alkmaar.

65Les options choisies réservaient des possibilités d'aménagement du Canal, organisaient le débouché du nouvel axe routier en provenance du Coentunnel qui devait à la fois structurer le centre urbain projeté et améliorer ses relations avec le Zaanstreek et Amsterdam, prévoyaient une nouvelle jonction ferroviaire du centre sidérurgique vers le nord et une voie routière périphérique à l'unité industrielle pour faciliter ses relations à l'intérieur et vers l'extérieur de l'agglomération.

66Face aux éléments dynamiques que le plan cherche à concentrer pour éviter toute diffusion anarchique et incontrôlée et pour interdire les interpénétrations trois types d'espaces sont l'objet d'une attention particulière :

• les espaces agricoles et les espaces boisés que l'on cherche à maintenir et même à renforcer sinon dans leur superficie du moins dans leur spécificité pour ménager une ceinture verte à la périphérie de l'agglomération, entre les zones industrielles et les zones d'habitat, entre certains noyaux d'habitation.
• les espaces de dunes dont on a cherché à préserver l'intégrité en dehors de l'extension permise de la sidérurgie au nord et d'un léger développement urbain au sud.
• l'espace côtier réservé à la récréation et au tourisme que l'on a maintenu à l'état naturel sauf en deux points où sont rassemblés les équipements d'ailleurs sommaires : Wijk aan Zee et Ijmuiden-ouest.

67Le mérite essentiel de ces plans d'aménagement est d'avoir été promulgués et révisés avant et pendant l'expansion industrielle et urbaine et d'avoir ainsi permis l'utilisation rationnelle de l'espace disponible. Cependant, entre le reproche fondamental que l'on peut formuler à l'encontre de plans qui ne fixent pas impérativement la qualité de certains modes d'occupation du sol, ne règlent pas la chronologie d'exécution et ne prévoient pas les moyens de la réalisation, des critiques sont à exprimer sur certains choix, en particulier sur ceux concernant la localisation, la forme et l'importance de la principale masse urbaine. Celle-ci se trouve trop près du centre sidérurgique, sous l'influence directe des vents dominants et doit être obligatoirement traversée par d’énormes flux de circulation. La situation est surtout alarmante à Wijk aan Zee, littéralement contourné par les installations de stockage et de production les plus récentes et les plus puissantes, très marqué par la pollution de l'air, dont on cherchera à assurer la survie en rehaussant et en boisant les dunes. Une contradiction apparaît également évidente entre la recherche affirmée d'une diversification économique et sociale et le manque de terrains réservés et aménagés à cet effet ainsi que l'absence de toute décision impérative concernant la création d'un véritable centre urbain.

68La croissance de l'Ijmond allait s'effectuer selon la lettre sinon selon l'esprit de ces plans régionaux et présenter de ce fait à côté d'incontestables réussites en particulier en ce qui concerne la croissance portuaire et industrielle et la réalisation de certains quartiers, bien des défauts et des insuffisances à la fois dans les conditions de fonctionnement de l'ensemble économique et dans la préservation du cadre de vie.

3°- Les caractéristiques urbaines

69Dans l'Ijmond, parmi les multiples agents intervenant dans la croissance urbaine et au sein desquels l'entreprise sidérurgique occupe une place capitale, deux s'imposent en dernier ressort pour fixer les modalités d'exécution des plans et diriger l'organisation de l'espace : l'Etat et les communes. De l'Etat dépendent non seulement les décisions relatives aux grands travaux d'infrastructure mais également le financement et la répartition des programmes de logements aidés ou primés et des services publics nationaux y afférant ; des communes relèvent les principaux choix en matière d'urbanisme.

70Pour permettre la formation d'une agglomération homogène où les problèmes urbains puissent trouver plus aisément une solution, pour faciliter l'apparition d'une véritable ville dotée des équipements en rapport avec une population qui devait dépasser 150.000 habitants, la Province et l'Etat multiplièrent les tentatives de révision des limites administratives, de fusion des trois communes ou de création d'une autorité supérieure d'agglomération. Aucun projet n'aboutit, chaque commune, en particulier Berverwijk et Heemskerk, refusant toute formule n'assurant pas sa prééminence ou ne préservant pas son indépendance. Le poids des traditions religieuses, sociales, politiques s'est maintenu malgré l'essor et la mobilité démographiques dont on a par ailleurs noté les effets d'uniformisation. C'est donc au niveau de chaque commune que furent traitées la plupart des questions posées par les exigences urbaines de la croissance industrielle et c'est de cette situation que proviennent certaines insuffisances des réponses qui leur furent données.

71À l'exception, d'une part de la reconstruction précoce du centre d'Ijmuiden-est et de la rénovation des quartiers centraux du vieil Ijmuiden et de Beverwijk commencée de manière modeste après 1970 et d'autre part de la densification progressive des petits noyaux de Wijk aan Zee au Nord, de Driehuis et de Santpoort au Sud, la croissance urbaine s'est effectuée essentiellement par juxtaposition d'ensembles d'habitations, voire de quartiers entiers constitués de plusieurs centaines, parfois de plus d'un millier de logements construits de façon coordonnée.

72Ces modalités d'urbanisation donnent une très grande unité au paysage urbain qui provient avant tout du caractère récent des formes architecturales et des choix urbanistiques, qu'il s'agisse de la régularité des immeubles de 2, 4, 6, 8 ou 12 étages, de la variété dans les types et les formes de répartition des maisons unifamiliales, indépendantes ou accolées, ou de l'aération du tissu urbain que procurent la largeur des voies, l'extension des pelouses et des parcs, le maintien de plans d'eau, l'existence de terrains de sport et de récréation. La nouveauté est plus apparente de la partie centrale de l'agglomération vers les extrémités nord et sud, du coeur des communes vers leur périphérie. A Ijmuiden où les possibilités d'extension étaient réduites on passe ainsi d'ion tissu très dense de maisons individuelles ou de petits immeubles jointifs à la juxtaposition d'immeubles de taille sans cesse plus élevée qui finissent par constituer sur la bordure de la dune un véritable grand ensemble. À Beverwijk où près de 60 % des logements ont été construits après la guerre et surtout à Heemskerk où cette proportion atteint 90 %, les disponibilités en espace et la possibilité de répondre à la préférence sans cesse réaffirmée pour la maison individuelle ont permis de limiter la part des immeubles collectifs à 58 % à Beverwijk et à 37 % à Heemskerk. Dans cette commune, l'évolution est apparente entre le quartier central constitué par le vieux village qui se donne des allures commerçantes, les quartiers proches constitués d'alignements monotones d'immeubles de 4 étages en bordure de canaux ou de larges rues avec des plantations, les quartiers intermédiaires où des hauts immeubles dominent les différentes formes d'association de maisons familiales et enfin les quartiers les plus récents où les architectes ont varié le plus possible la disposition des maisons individuelles qui sont rarement alignées, mais associées en petits groupes autour de places, de terrains de jeux ou d'espaces de verdure.

73Dans tous les quartiers, à l'exception des vieux centres en rénovation et de quelques zones où subsistent des constructions d'avant guerre souvent délaissées, dans les quartiers anciens où la présence d'arbres et d'arbustes estompent les défauts d'une architecture répétitive ou dans les quartiers nouvellement construits où l'effort d'aménagement est plus sensible, la qualité des logements et les soins apportés à traiter leur environnement sont évidents et apparaissent comme des données très positives dans des communes où les logements sociaux et les logements primés représentent respectivement 47,5 % et 21,5 % des logements totaux (Heemskerk. Recensement 1971). À cela s'ajoute la qualité des équipements relatifs à la satisfaction des besoins individuels, quotidiens et de premiers niveaux dans les domaines scolaire, commercial et sportif.

74En contrepoint, il faut noter le faible attrait des immeubles les plus grands, la monotonie de certains quartiers, leur cloisonnement et parfois leur isolement du fait de leur localisation excentrique. Si à Beverwijk l'extension urbaine se fit en tenant compte du projet de construction d'une City que l'on voulait sur le territoire de Beverwijk mais à proximité d'Heemskerk, l'attitude de cette commune qui préféra réaliser l'essentiel de son urbanisation autour de son propre centre, puis vers le nord, entraîna la mise à l'écart de quartiers qui se trouvent ainsi éloignés de tout centre de services.

75Le retard apporté à la réalisation de cette City entraînant le renforcement des petits centres existants, la révision en baisse des objectifs de peuplement à cause de l'évolution de la politique de recrutement de l'entreprise et à cause de l'attitude des salariés de plus en plus tentés par d'autres lieux de résidence, les progrès de la motorisation qui permet au plus grand nombre d'accéder plus facilement aux services des grandes villes voisines, entraînèrent l'abandon d'un projet qui était seul susceptible de donner à l'Ijmond une autonomie véritable et une organisation cohérente et seul capable de lui permettre d'entrevoir une vraie promotion urbaine. Cet échec a renforcé l'éclatement et sinon le sous-équipement, du moins le déséquilibre entre des équipements de première nécessité qui sont très dispersés à travers les différents quartiers et des équipements de niveau plus élevé et de nécessité moins immédiate qui ne peuvent se justifier à l'échelle de chacune des communes. Chaque ville a son propre centre commercial, le long de la Lange Nieuwe Straat à Ijmuiden, de la Breestraat à Beverwijk, dans le coeur d'Heemskerk, ses propres services administratifs, sociaux et autres, mais aucune ne peut offrir dans quelque domaine que ce soit un facteur de cohésion, un facteur de centralité.

76L'attitude des municipalités est également en partie responsable de délais excessifs dans la résolution de certains problèmes d'aménagement urbain ou de l'adoption de solutions critiquables par rapport au plan et à l'intérêt de l'agglomération. En favorisant ou en n'interdisant pas de façon rigoureuse l'urbanisation aux limites nord et sud de l'agglomération, les communes ont laissé se dénaturer les coupures vertes qui devaient nettement séparer l'Ijmond des villages du NordKennemerland et de l'agglomération d'Haarlem. Cette propension à la coalescence diminue encore les possibilités d'unification en accentuant les tendances centrifuges dont certaines trouvent leur origine dans l'encombrement de la partie médiane de l'agglomération. Les problèmes de circulation sont très intenses dans l'Ijmond où le centre sidérurgique ajoute ses flux à ceux déjà très importants des relations nordsud entre Alkmaar et Haarlem et des relations est-ouest entre Amsterdam et l'Ijmond. Le nord de l'agglomération souffre particulièrement de la concentration des trafics et de leurs croisements sur un petit nombre d'axes et de points névralgiques qui sont très souvent saturés. La construction d'une route périphérique au centre sidérurgique, l'aménagement des points d'entrées et de sorties, la création d'une voie rapide en direction du Coentunnel et la liaison ferroviaire prévue vers le nord auraient permis d'atténuer les nuisances qu'entraîne une circulation souvent ralentie, parfois chaotique d'une masse impressionnante d'unités de transports dont les mouvements sont fonction du rythme industriel.

77Dans plusieurs domaines, les modalités d'exécution des plans n'ont pas permis à certaines options théoriquement bonnes d'être réalisées ou au contraire ont aggravé les défauts de choix en eux-mêmes discutables. La croissance du centre sidérurgique a altéré la fonction touristique des plages de Wijk aan Zee et d'Ijmuiden qui directement ou indirectement se trouvent marquées par les diverses formes de péjoration de l'espace par l'industrie. La fréquentation des plages demeure importante mais elle est surtout le fait des habitants de l'Ijmond qui s'accommodent tant bien que mal d'un environnement si particulier et d'un équipement qui est resté élémentaire. Les touristes, autrefois très nombreux, provenant de la Randstad et même de l'étranger, en particulier d'Allemagne Fédérale, se tournent plus volontiers vers les plages du Nord-Kennemerland qui ne souffrent pas d'un voisinage aussi gênant et qui ont bénéficié d'un aménagement plus poussé.

78Comme l'a montré l'étude des pollutions et des nuisances, après être restée longtemps neutre, l'appréciation de la population sur la qualité de son environnement commence à se dégrader. Souvent la critique et la répréhension englobent à la fois l'industrie et l'aménagement urbain, les contraintes de l'activité sidérurgique et celle de l'habitat collectif, les pollutions industrielles et l'inefficacité des coupures vertes. La publication, faite avant la crise, des projets d'extension de l'usine jusqu'à une capacité de 10 à 11 millions de tonnes a entraîné des réactions multiples qui ont montré la transformation des jugements et des attitudes vis à vis de l'usine et de l'agglomération. Des formes de rejet apparaissent ou se précisent qui poussent certains travailleurs de l'Ijmond à rechercher des conditions d'habitat plus favorables dans les parties les plus agréables de l'agglomération ou à l'extérieur dans un cadre de vie moins dominé, à des distances assez grandes du lieu de travail. À l'échelle locale, ces comportements se traduisent par la diminution du peuplement des zones les plus anciennes et les plus concernées par les nuisances industrielles et par une pression des catégories sociales les plus favorisées sur les quartiers les moins touchés par l'industrie et la récente expansion urbaine, surtout au sud du Canal à Driehuis et à Santpoort où se sont rassemblés les cadres supérieurs, les professions libérales, les directeurs de l'industrie et du commerce. Une ségrégation sociale vient encore renforcer un fractionnement dont les fondements sont si nombreux qu'il est devenu l'un des facteurs expliquant les particularités de la vie et de l'animation urbaines.

B- DUNKERQUE

79À Dunkerque la création et le développement du centre sidérurgique littoral, la croissance industrielle et portuaire en grande partie liée et l'accroissement démographique qui en résulta ont provoqué un agrandissement et un profond bouleversement de l'agglomération.

80L'extension a été surprenante par ses dimensions et sa rapidité. En 1955 l'agglomération se relevait lentement des ruines de la guerre, elle comptait près de 90.000 habitants vivant principalement de l'activité d'un port de commerce de taille moyenne et d'un potentiel industriel peu à peu reconstitué, ses problèmes urbains se posaient davantage à l'échelle de chacune des six communes qui la constituaient qu'à celle d'une grande unité urbaine homogène. En 1975, l'ensemble urbain associe une zone industrielo-portuaire comptant parmi les plus vastes et les plus actives d'Europe Occidentale à une agglomération dynamique de plus de 165.000 habitants où les questions d'aménagement spatial se traitent au sein d'une Communauté Urbaine groupant les 195.000 habitants de 18 communes et même au niveau d'un Schéma Directeur d'Aménagement et d'Urbanisme (SDAU) concernant près de 250.000 habitants de 51 communes étendues de la frontière belge à l'Aa, du littoral à la couronne des bourgs de la Flandre maritime et de la Flandre intérieure : Gravelines, Bourbourg, Watten, Wormhoudt et Hondschoote.

81Simultanément l'agglomération a subi une véritable mutation de ses structures et de son organisation. D'immenses portions d'espaces ont reçu une nouvelle affectation et connu de nouveaux modes d'occupation, de vastes ensembles aux fonctions diverses, de production, d'échanges, d'habitat et de loisirs ont été créés, juxtaposés, imbriqués, reliés ou découpés par un grand nombre de voies de circulation qui, à cause du retard et des faiblesses de la planification, constituent un organisme urbain encore à la recherche d'un équilibre et d'une cohésion qui font toujours défaut et qui l'empêchent d'offrir à ses habitants un cadre et une qualité de vie satisfaisants.

82Les points communs sont nombreux avec l'Ijmond, en particulier le décalage fondamental entre la puissance d'affirmation de l'activité industrielle et la faible capacité de réaction urbaine qui trouve ses origines dans les caractéristiques naturelles, historiques, humaines et administratives du milieu d'accueil, dans la priorité et la primauté accordées aux phénomènes économiques sur les phénomènes humains et dans les contradictions qui se révèlent entre les intérêts en présence.

83Mais les différences sont également sensibles entre la situation néerlandaise où le centre sidérurgique, plus important mais unique s'est imposé progressivement dans le cadre d'une planification de concertation et la situation dunkerquoise où l'usine sidérurgique, de taille inférieure, a été l'élément moteur d'une croissance économique plus rapide et plus complexe dont les formes d'expression se sont imposées d'une façon d'autant plus brutale et contestable qu'elles n'ont été que tardivement contrôlées et intégrées dans un aménagement dont les choix ont varié en fonction de l'évolution des rapports de force, de la conjoncture politique locale et nationale et dont l'efficacité reste contestée.

84L'ampleur et le rythme accéléré de la transformation des structures spatiales incitent à faire une analyse préalable des conditions variables dans lesquelles s'est effectuée l'urbanisation, avant de dresser un bilan à un moment où l'arrêt d'une trop forte expansion économique durant quelques années et le ralentissement d'une croissance urbaine effrénée permettent, malgré l'apparition de nouveaux problèmes sociaux, d'aborder la résolution des questions urbaines davantage sous leurs aspects qualitatifs que quantitatifs.

1°- Les bases de la croissance urbaine

85Lorsqu'est prise la décision de construire le centre sidérurgique, l'agglomération dunkerquoise présente des faiblesses particulières de taille et d'organisation. Au premier abord, les investisseurs ne les ont pas considérées comme un obstacle ou une gêne à une création industrielle et à un agrandissement portuaire devant dans une première étape rester circonscrits et les responsables locaux ont pensé que la situation ne pourrait que s'améliorer sous les effets attendus du développement économique. Par la suite ces faiblesses se révéleront à l'origine de graves discordances entre les exigences d'une croissance exceptionnelle et les capacités de réaction d'un organisme urbain déficient et dominé.

86Alors que se poursuit la reconstruction des ruines de la guerre qui tend à reproduire l'ancienne structure urbaine, l'agglomération a peu à peu regroupé 11 communes où l'on peut distinguer :

87- d'une part une zone agglomérée, formée de communes urbanisées de façon relativement dense autour du point de contact entre le port et le croisement des principaux axes de communication (Dunkerque, Malo les Bains, Rosendael, Condekerque-Branche, Saint Pol sur Mer, Petite-Synthe).

88- d'autre part une zone d'interdépendance constituée de communes semi-rurales se rattachant peu à peu au noyau central (Grande-Synthe, Fort Mardyck, Cappelle la Grande, Leffrincoucke).

89Rien d'une métropole, ni même d'une grande ville mais une agglomération de 78 km2, d'une longueur de 13 km d'est en ouest et d'une profondeur moyenne de 2 kilomètres sauf dans sa partie centrale où elle pénétré du nord au sud sur plus de 6 kilomètres le long du principal axe de circulation la reliant à l'intérieur. Une disposition linéaire impliquée par les avantages du cordon dunaire sur la basse plaine humide, un étalement favorisé par la prédominance de la maison individuelle et par la dispersion de l'habitat traditionnel correspondant surtout en périphérie à l'importance des activités agricoles et maraîchères, un tissu urbain très lâche avec la persistance de champs, de jardins, de portions de dunes, de no'mans land hérités de la dernière guerre mondiale, caractérisent une agglomération dont la personnalité et l'organisation sont alors surtout marquées par le cloisonnement : cloisonnement physique, administratif et humain. L'espace urbain est découpé par une multitude de watergangs et surtout de canaux et de voies-ferrées qui le fragmentent en un très grand nombre de petites unités. Les limites administratives participent également à cet émiettement dont la résultante principale est l'absence de liaisons, de complémentarités, de solidarités fonctionnelles au sein de l'agglomération. Chaque commune possède son individualité sur le plan des activités de production et d'échanges et une quasi autonomie sur le plan des services, en particulier commerciaux. Dunkerque apparaît certes comme le coeur de l'ensemble, comptant l'essentiel des services administratifs et des services de commandement sur le plan économique ainsi que d'importants établissements industriels, mais elle reste avec ses 25.000 habitants une petite sous-préfecture de province. Elle ne l'emporte que de très peu sur les autres communes du centre de l'agglomération qui, pour des raisons tenant à leur histoire, à leur spécialisation fonctionnelle et à leurs compositions sociales, défendent leur indépendance. C'est à ce niveau et dans ce contexte que sont traitées les questions urbaines et qu'est posé le problème de l'insertion du centre sidérurgique.

90Alors que personne ne pressent les modalités et surtout le rythme d'expansion de l'unité industrielle que l'on va implanter et surtout que personne n'envisage le futur proche de Dunkerque comme pôle industrielo-portuaire majeur, des décisions vont être prises, souvent de façon impromptue, qui engagent irréversiblement 1'avenir. A l'exception de la Chambre de Commerce et d'industrie et de ses services d'études, dont le rôle sera important, aucun organisme privé ou public qui soit en mesure d'envisager un aménagement à l'échelle de l'agglomération. Un plan d'urbanisme est alors dressé par l'architecte agréé dont l'action va consister à coordonner des décisions prises au coup par coup par les différentes administrations, principalement au niveau ministériel et par les grandes entreprises. Le poids d'Usinor est alors considérable qui détermine directement ou indirectement les orientations maîtresses : le sens de l'extension portuaire, la disposition des zones industrielles, le tracé des grands axes de circulation, les caractéristiques des nouvelles zones d'habitat. La pression est d'autant plus forte que les délais d'exécution impartis sont très courts et que l'urbanisme est placé par la force des choses à la remorque des exigences de l'industrie. Si les choix sectoriels et spatiaux révèlent dans le domaine économique une très grande rationalité qui permettra ultérieurement d'intégrer aisément les premières réalisations à la future zone industrielo-portuaire, les choix urbains sont discutables, même s'ils furent imposés par une réglementation inadaptée concernant la construction et l'urbanisation, par l'urgence et par un besoin d'efficacité face à une agglomération qui ne proposait pas d'autres alternatives. Ils se résument alors à la création d'une nouvelle entité urbaine, à 5 kilomètres du centre de Dunkerque et à proximité de l'usine sidérurgique, sous forme d'une ZUP, "Les Nouvelles Synthes" établie sur les deux communes de Grande-Synthe (88 hectares) et de Petite-Synthe (77 hectares), destinée à accueillir environ 18.000 habitants dans près de 4.900 logements.

2°- La crise urbaine

91Les défauts rapidement révêlés de ce programme de construction allaient, par les réactions qu'ils provoquèrent, participer au déclenchement d'une véritable crise urbaine. Les premières réalisations effectuées à Grande-Synthe cristallisèrent contre elles toutes les oppositions : présence oppressive de l'usine par la proximité et par l'emploi (1967 : 67 % des actifs travaillent à USINOR dont 63 % en feux continus), éloignement du centre aggravé par une mauvaise organisation des transports en commun, monotonie urbanistique et architecturale du grand ensemble, mauvaise qualité des constructions et de l'environnement urbain, faiblesse criante des équipements sociaux, culturels et commerciaux. Le refus d'accession à la propriété, les procès engagés, les problèmes sociaux et politiques eurent d'autant plus de résonnance qu'ils intervenaient dans un marché du logement en situation de pénurie. La sous-estimation des besoins, le manque de crédits, l'absence d'une politique d'envergure tant sur le plan de la conception que sur celui de la décision, l'improvisation et l'empirisme au niveau des communes comme au niveau des offices HLM et de la Société d'Equipement du Nord qui étaient les principaux intervenants, furent à la base de l'aggravation des insuffisances quantitatives et qualitatives du milieu local. De 1962 à 1970, les livraisons de logements dans l'agglomération ne dépassèrent pas 1.500 logements par an quand une moyenne de 2.700 était indispensable. Alors même que la demande augmentait, la mise à disposition de logements en zones opérationnelles diminuait de 670 logements par an entre 1961 et 1965 à 385 logements par an entre 1966 et 1970. Ceci se traduisit par la persistance des taudis et des habitations provisoires, le développement des logements en caravanes et surtout comme le confirmèrent les résultats du recensement de 1968 par la surpopulation des logements et leur faible niveau de confort.

92Sur le plan spatial, l'émiettement de l'agglomération tendait à se confirmer, aggravé par l'affaiblissement du centre, l'incohérence des transports en commun, et les difficultés de circulation alors qu'apparaissaient et s'accentuaient le clivage et le déséquilibre entre l'ouest de l'agglomération où se concentraient la croissance industrielle et portuaire et les grands ensembles sociaux et 1'est qui sans devenir une zone de résidence privilégiée n'en recevait pas moins.1'essentiel des logements non aidés et des équipements effectifs ou projetés dans les domaines de la santé et des loisirs.

93La discordance entre les faiblesses de l'agglomération et les exigences de la croissance économique apparut pleine de menaces sociales et politiques lorsque prirent forme les projets de doublement de capacité du centre sidérurgique littoral, de construction de l'usine de Mardyck, d'extension de Creusot-Loire et surtout de création de la zone industrielo-portuaire où prévoyaient de s'installer entre autres la raffinerie Total et surtout l'usine d'alumine de Péchiney-Kaiser. Une réforme de toutes les structures d'intervention s'avéra indispensable pour réaliser au cours du VIème Plan une extension et un aménagement urbain qui rendent humainement supportables les effets d'une très forte croissance industrielle. Ces modifications furent l'occasion de conflits entre les organismes, les institutions au niveau local, régional et national, entre les partis politiques, les organisations syndicales et ce qu'ils représentaient sur le plan social. Ces conflits ont fait l'objet de nombreuses études socio-économiques et sociologiques dont on retiendra ici l'essentiel en rapport avec la recherche et plus précisément avec le rôle du centre sidérurgique dans l'aménagement urbain1.

3°- Les nouvelles conditions d'urbanisation

94La nécessité s'imposa impérativement de répondre à la croissance économique et surtout à ses changements de rythme et d'échelle par une planification urbaine qui, disposant de moyens financiers, techniques, administratifs considérablement accrus, puisse être autre chose qu'une médiocre adaptation a posteriori des retombées humaines du développement portuaire et industriel.

95À cette obligation répondit une intervention massive et multiforme de l'Etat. Son action s'exerça de façon systématique dans le domaine de l'aménagement à destination économique par l'intermédiaire du Port Autonome responsable de la zone industrielo-portuaire et du Ministère de l'Equipement responsable des grandes infrastructures de circulation terrestre. Il en alla de même en matière d'aménagement à destination sociale par le biais des organismes d'études, de décision et de financement du logement et des équipements urbains. En ce qui concerne le logement par exemple, Dunkerque bénéficia alors du doublement des fonds HLM, d'une dotation départementale accrue et d'une dotation exceptionnelle de 2.000 logements par la DATAR, du classement de la Communauté Urbaine en zone II B, de la création de nombreuses ZAD et de crédits spéciaux pour l'achat des terrains concernés,-mais en contrepartie les directives d'aménagement se firent plus pressantes de la part du Préfet, de l'OREAM, des commissaires pour les opérations spécialisées, des missions interministérielles, des ministères de l'Equipement et du Logement, en fonction d'options plus générales relatives à l'ensemble du littoral, voire à l'ensemble de la Région du Nord.

96Simultanément se renforça le mouvement de réorganisation des structures administratives locales qui devait aboutir à l'agrandissement de la commune de Dunkerque et à la formation puis à l'extension de la Communauté Urbaine. La crise urbaine favorisa les progrès d'un mouvement apparu lors de l'arrivée d'Usinor, le mouvement du Grand Dunkerque qui cherchait par la voie de la fusion de communes à créer une entité urbaine plus conséquente et mieux équipée, capable de constituer une ville centre dotée d'un centre ville à l'échelle de l'industrie et du port. Rassemblant à l'origine toutes les organisations voyant dans le modèle classique de la grande ville, la meilleure solution aux problèmes d'une agglomération mal structurée aux prises avec une croissance anarchique, le mouvement ne tarda pas à se politiser et à perdre de son efficacité lorsque s'opérèrent les premières fusions communales et surtout lorsque parallèlement fut fondée la Communauté Urbaine de Dunkerque qui engloba la nouvelle commune centre dans un très vaste ensemble où les communes périphériques devinrent majoritaires. Par la fusion de Malo les Bains en 1969, de Rosendael et de Petite-Synthe en 1971, Dunkerque devint une commune de plus de 80.000 habitants cherchant à s'imposer comme tête d'une agglomération élargie, apte à recevoir le haut de la hiérarchie des services. C'est également avec la volonté d'équilibrer la croissance industrielle et portuaire que se constitua le 1er Janvier 1969, la Communauté Urbaine de Dunkerque, première communauté urbaine volontaire de France. Groupant en 1977, 18 communes sur 35 kilomètres de la frontière belge à Gravelines, étendue sur 24.300 hectares et comptant plus de 197.000 habitants, la C.U.D. est dirigée par un Conseil de 50 membres ayant de nombreuses compétences et responsabilités en matière de logements, de voierie, de transports, d'équipements scolaires, d'approvisionnement en eau, d'assainissement et d'environnement. Avec l'Agence d'Urbanisme de la Région Dunkerquoise (AGUR) qui est son organisme d'étude, la CUD joue un rôle capital dans l'aménagement et l'urbanisme, en intervenant dans la définition du Schéma Directeur d'Aménagement et d'Urbanisme (SDAU), en aidant à l'élaboration des Plans d'Occupation des Sols (POS), en étant responsable des Zones d'Action Concertée (ZAC) et en constituant des réserves foncières surtout pour la création des zones vertes et de loisirs.

97La planification urbaine et l'aménagement régional portent la marque de ces transformations de structures qui correspondent à la fois à l'amplification des phénomènes et à l'évolution du rapport des forces en présence qui tentent de 1'emporter en élargissant le cadre spatial de leurs influences. À ce stade l'entreprise n'intervient plus de façon institutionnelle ; son action s'effectue par des pressions exercées au niveau des instances gouvernementales pour répondre à des besoins qui ne lui sont plus spécifiques, en particulier pour tout ce qui est en rapport avec les infrastructures techniques ou pour lui permettre d'organiser son bassin de main d'oeuvre selon sa propre politique qui, pour des raisons analysées préalablement, est devenue plus favorable à la diffusion et à la dispersion en milieu rural et dans les bourgs qu'à une forte concentration urbaine au niveau dunkerquois.

4°- La planification urbaine

98Dans le Livre Blanc de l'OREAM pour la Région du Nord, Dunkerque était considéré pour l'industrialisation comme un pôle de croissance majeur, mais pour l'urbanisation seulement comme un élément de la région urbaine littorale qui devait se constituer dans le triangle Dunkerque, Calais, Saint-Omer. Cette option sous-entendait au développement limité de l'agglomération dunkerquoise ; à la fois quantitativement, une partie de la croissance étant transférée dans l'urbanisation de la couronne des bourgs (Gravelines, Bourbourg, Bergues, Wormhoudt, Hondschoote) et qualitativement, les équipements supérieurs étant partagés avec Calais et Saint-Omer. Sur le plan local, il était prévu de réserver l'ouest à l'industrialisation, l'est à l'urbanisation et aux loisirs, avec sur la périphérie, préservation de la zone rurale qui comprenait deux zones touristiques, l'une au sud, l'autre à Gravelines... dont le poumon vert devait par la suite être sacrifié à la construction de la centrale nucléaire.

99Dans le Livre Blanc de l'AGUR, rendu public en 1970, les options d'aménagement sont sensiblement différentes car le choix décisif est celui d'une forte concentration de la croissance urbaine sur l'agglomération qui doit y trouver le moyen d'assurer sa cohésion. Le Livre Blanc défend la conception de la ville centre et du centre-ville bien équipés. L'étude est très poussée qui prévoit l'articulation de quatre quartiers centraux : le quartier balnéaire et de plaisance à Malo les Bains, le quartier tertiaire sur le Bassin du Commerce remblayé, le quartier d'animation autour d'un ensemble monumental l'Agora prévu sur la place du théâtre et le quartier d'accueil à proximité de la gare. Dans les divers choix d'urbanisation proposés reviennent des constantes qui montrent la préférence des auteurs pour une densification de l'habitat à proximité du centre, pour une localisation à l'est et au sud des aménagements destinés à la détente et aux loisirs, pour une faible extension à l'ouest et pour une structuration de l'ensemble par un réseau dense de voies rapides et d'autoroutes est-ouest (rocade urbaine sud, rocade littorale, autoroute E₅ Calais-Ostende) et de radiales atteignant le centre en particulier par le sud-est.

100Ces documents furent à la base de la réflexion qui devait aboutir à la rédaction du SDAU. Ce Schéma Directeur est la synthèse d'une multitude de contraintes naturelles, d'exigences techniques et de choix politiques qui ont évolué dans le temps en fonction des majorités formées au niveau de chaque commune et de la Communauté Urbaine de Dunkerque. S'il fut établi en 1972 et accepté en 1974, le SDAU influença l'aménagement dès le début des discussions préliminaires.

101- Partant d'une très forte croissance industrielle et portuaire, le SDAU affirme une volonté de localiser l'essentiel de la croissance urbaine sur l'agglomération elle-même, surtout sur sa périphérie immédiate de façon à préserver la qualité de l'espace rural dont les villages ne devraient connaître qu'un développement prudent et coordonné et les bourgs un développement contrôlé au moins en première étape et selon leur éloignement.

102- Concernant les activités économiques, le SDAU entérine la croissance industrielle et portuaire à l'ouest et consacre la disposition et l'organisation des espaces qui lui furent affectés ; il garantit le maintien d'une agriculture active devant s'adapter à l'évolution des nouveaux marchés et proclame son engagement à promouvoir et à favoriser le développement du secteur tertiaire en confortant le centre et en y réalisant une importante plate-forme tertiaire par l'agencement du bassin du commerce.

103- Pour atténuer l'enclavement et les cloisonnements, est prévue la mise en place d'infrastructures puissantes entre les zones d'activités et les zones d'habitat, entre les différentes parties de la C.U.D., entre Calais et la frontière belge et la réalisation de pénétrantes vers le centre de l'agglomération selon des tracés très voisins de ceux que proposait le Livre Blanc.

104- L'option fondamentale en matière d'habitat réside dans le privilège accordé à un mode d'urbanisation, les ZAC, et à leur disposition en couronne autour des zones d'habitat existantes y compris à l'ouest, au coeur de l'ensemble industriel. A la densification des communes centrales, à l'extension des constructions résidentielles à Malo les Bains, Zuydcoote et Bray-Dunes s'ajoutent le développement des communes ouvrières de l'ouest dont il est prévu leur enrichissement sur le plan architectural et sur le plan fonctionnel, leur protection par la multiplication des ceintures vertes et leur accès à des loisirs décentralisés, particulièrement autour des plans d'eau prévus au sud de Bourbourg, de Grande-Synthe, de Cappelle la Grande, Bergues, Coudekerque-Branche et Leffrincoucke.

105-Trois opérations importantes de protection et de création "d'espaces naturels" sont prévues ; à l'est la protection des dunes, au sud et à l'ouest la constitution par plantations massives du Bois des Forts de Dunkerque à Bergues, du Bois de Prédembourg à l'ouest de Grande-Synthe.

106L'élaboration et l'acceptation du SDAU imposent un cadre, à l'action de tous les intervenants dans la transformation des modes d'occupation de l'espace, elles ne suppriment pas leurs contradictions et leurs conflits qui réapparaissent au stade des engagements de dépenses et des réalisations. Les décisions d'aménagement urbain peuvent voir leur efficacité réduite par des actions s'exerçant à l'extérieur des limites de compétence de la CUD : il en va ainsi de la politique du logement d'USINOR qui a pu être qualifiée d'anti-SDAU par la préférence accordée à la dispersion en milieu rural qui par ailleurs est également désirée par de nombreux maires et de nombreux agriculteurs, des promoteurs et une part croissante des salariés ; il en va de même des oppositions internes comme celle de la commune de Dunkerque à la majorité des communes périphériques, en particulier des communes rurales et des communes ouvrières, qui peuvent se traduire par des priorités ou des retards dans l'exécution de certains projets dont la portée et la signification s'en trouvent modifiées.

5°- Les réalisation et les tendances d'évolution à court terme

107Alors qu'en 1975, la crise économique touche très fort la presque totalité des activités dunkerquoises, le VIème Plan se termine et avec lui l'exceptionnel effort de construction qui, après la très forte expansion industrielle et portuaire, est le second facteur à avoir bouleversé l'espace et le paysage urbain dunkerquois. De 1971 à 1975, 18.112 logements ont été construits dans le SDAU contre 6.711 durant le Vème Plan soit 2,7 fois plus ; en moyenne 3.600 logements par an et 5.052 logements pour l'année record de 1975. (Tableau N^o 155 et N^o 156). Le volume des constructions neuves a été tel qu'on est alors passé d'une situation de pénurie à une situation de détente et de relative fluidité permettant le renouvellement du parc ancien, la disparition des habitations provisoires et le desserrement. L'augmentation sensible du taux de logements vacants qui rejoint la moyenne nationale peut être considéré comme un bon indice du degré de satisfaction des besoins quantitatifs globaux, même s'il laisse dans l'ombre la possibilité de non satisfaction de certains besoins sectoriels. (Tableau N^o 157).

108La construction a été prioritairement celle des logements aidés. Entre 1968 et 1975, 93,90 % des logements construits dans la CUD ont bénéficié d'une aide de l'Etat contre 63,20 % pour la moyenne nationale : 70,15 % de logements du secteur HLM, 23,75 % de logements avec primes,-c'est-à-dire avant tout des logements sociaux dont la médiocre qualité à la fois au niveau du bâti et de son environnement, s'est trouvée ici encore dépréciée par la forte charge foncière impliquée par les conditions particulières du milieu et par la très grande rapidité de l'exécution. Parmi ces constructions, 6 foyers pour travailleurs célibataires ont été édifiés : 2 à Petite-Synthe, 1 à Saint-Pol, à Loon-Plage, Ccudekerque-Branche, Rosendael et Téteghem. Une part importante de la construction a été réalisée en zones opérationnelles : zones de rénovation (Z R) et surtout zones à urbaniser en priorité (ZUP) et de plus en plus en fin de période et pour l'avenir en zones d'actions concertées (ZAC). Entre 1961 et 1975, 37,6 % des logements construits dans le SDAU l'ont été dans les zones opérationnelles : 84 % en immeubles collectifs, 16 % en maisons individuelles, la plupart du temps dans des ensembles de très grandes dimensions : Nouvelles-Synthes (5.783 logements), Malo les Bains (1.371), Dunkerque-les-Glacis (1.070), Saint-Pol Mairie (901), Dunkerque-Banc Vert (778), Dunkerque-Jeu du Mail (480). De 1971 à 1975, 91 % de la construction effectuée en zones opérationnelles a été faite en collectifs, répondant à la quantité des demandes mais niant les préférences partout exprimées pour la maison individuelle. La construction a concerné l'ensemble de l'agglomération mais a touché surtout 7 communes ou anciennes communes : Petite-Synthe et Grande-Synthe, Coudekerque-Branche, Saint Pol sur Mer, Malo les Bains, Dunkerque et Rosendael. Avec des quantités de logements moins spectaculaires, des communes comme Cappelle la Grande, Leffrincoucke, Zyndcoote et Téteghem ont connu des rythmes d'évolution supérieurs à 25 % entre les deux recensements. C'est surtout l'ouest de l'agglomération qui s'est le plus développé en recevant la part la plus importante des logements aidés : 82 % des logements du type HLM et 16,5 % des logements non aidés, contre respectivement 18 et 83,5 % pour la partie est. Ainsi est apparu et s'est renforcé un clivage entre l'ouest de l'agglomération qui a dans une très forte majorité une population ouvrière et l'est ou se sont regroupées les catégories les plus aisées mais dont le nombre et le niveau social ne permet cependant pas de parler de véritable ségrégation sociale.

109Parallèlement la construction s'est portée, contrairement aux recommandations du SDAU, sur le monde rural où les demandes qualitatives, principalement la demande de maisons individuelles, ont pu être mieux satisfaites. En 1971 7 % des logements livrés dans le SDAU le furent dans le monde rural, 23 % en 1973, 15 % en 1975, 35 % en 1976. Les bourgs de Bergues, Bourbourg et Wormhoudt en ont été les principaux bénéficiaires mais aussi de nombreux villages dont le rythme d'augmentation a été particulièrement rapide entre 1971 et 1976 comme Hoymille, Spycker, Steene, Brouckerque, Uxem et Esquelbeck.

110Pour mieux répondre à tous les aspects de la demande, les réalisations à effectuer dans les ZAC devraient à l'avenir présenter, à l'exception de la ZAC du Méridien à Malo les Bains, des ZAC Mairie et Jardin de Saint-Pol sur Mer, la majorité sinon la totalité des constructions en logements individuels qu'il s'agisse des ZAC Village d'Armbouts-Cappel, Victor-Hugo à Coudekerque-Branche, du Polder à Gravelines, du Chapeau Rouge à Téteghem et du Courghain à Grande-Synthe.

111Le projet du Courghain, comprenant 5.063 logements (1.450 en collectifs, 2.511 en individuels et 1.102 en intermédiaires) à réaliser à Grande-Synthe, symétriquement à la ZUP par rapport à la RN 40 a été l'objet d'une cristallisation des attitudes sur la scène dunkerquoise. Contre lui se sont opposés USINOR, le Préfet et les grands services ministériels qui craignaient de voir se reproduire et s'accentuer les conséquences fâcheuses sur le plan social et politique de l'échec de la première ZUP, la commune de Dunkerque qui redoutait de voir s'accentuer le déséquilibre de l'agglomération au profit de l'ouest et s'affaiblir les chances de promotion de son centre. Pour lui s'est prononcé le maire de Grande-Synthe qui en est l'initiateur et la majorité des maires de la CUD qui lui ont apporté leur appui. Pour le maire de Grande-Synthe, ouvrier et délégué syndical à USINOR, qui a entrepris depuis 1971, surtout en augmentant considérablement les patentes et taxes professionnelles payées par les entreprises industrielles et en se lançant dans une politique hardie d'emprunts, de réaliser de très nombreux équipements sociaux, le Courghain devrait permettre de démontrer que dans la construction du logement social la médiocrité n'est pas une fatalité. Durant plusieurs années une équipe pluri-disciplinaire de l'AGUR a travaillé avec la participation des habitants de Grande-Synthe pour définir les données du projet qui devait associer un habitat de qualité et des équipements à l'échelle d'une commune qui au stade ultime devrait atteindre 50.000 habitants, les organiser autour d'un centre commun à la ZUP et à la ZAC, avec une armature de rues piétonnières desservant des quartiers agrémentés de parcs, de lacs et de canaux, protégés des nuisances industrielles par une coupure verte de 150 mètres de large. En 1977 étaient livrés les premiers logements et ouvert le premier équipement collectif d'envergure, une polyclinique à but non lucratif de 202 lits.

6°- Faiblesse de la ville centre et du centre-ville

112Dans cet ensemble urbain de plus en plus étendu, de plus en plus constellé de grands ensembles, marqué par les barres et quelques tours et parsemé de lotissements de petites maisons individuelles, la commune centre ne parvient pas à s'affirmer et à imposer un centre ville à l'échelle du pôle industriel et portuaire et d'un groupement de plus de 20.000 habitants.

113Ni l'exceptionnelle croissance économique, ni l'explosion démographique et l'extension de l’agglomération n'ont suscité le développement espéré du centre ville pourtant considéré comme vital pour assurer la cohésion, l'animation et la promotion de l'ensemble urbain.

114C'est que dans aucun domaine une pression suffisante ne s'est exercée pour entraîner une forte progression du tertiaire supérieur. Dans le domaine économique, les activités industrielles et portuaires, à cause de leur nature et de leurs structures techniques et économiques, ont assuré leur expansion non seulement en ne faisant pas appel au milieu local mais encore en affaiblissant très souvent ses capacités antérieures. Dans le domaine social, le tassement enregistré de la structure socioéconomique et l'absence d'amélioration du revenu familial imposent un niveau de vie et un mode de consommation qui excluent la nécessité d'un recours à des équipements élevés en situation centrale. Au contraire de nombreux facteurs ont agi dans le sens d'un affaiblissement du centre, en particulier la concurrence de la périphérie et le retard apporté à l'amélioration de son accessibilité tant par l'aménagement de voies de circulation que par l'organisation d'un réseau de transports en commun satisfaisants.

115Aucun des grands projets élaborés au cours de la période de croissance n'a été réalisé : les opérations Agora, Bassin du Commerce, Dunkerque-Plaisance ont été abandonnées et même l'exécution du projet de construction d'un centre administratif pour lequel la CUD avait lancé un concours international tarde à être engagée. Seule expression des années d'euphorie, la Tour du Reuze qui a été élevée sur la place du Minck, à la jonction du port et de la ville et qui comprend des bureaux, un restaurant, un hôtel 3 étoiles et une galerie marchande. Peu d'équipements ont connu un réel enrichissement et le retard et la médiocrité traditionnels se sont proportionnellement aggravés. Si Dunkerque a enregistré l'ouverture d'un important hôpital, d'un institut universitaire de technologie, il a perdu sa gare maritime qui a été transférée dans le port ouest. Sur le plan commercial, seule l'hôtellerie a sensiblement évolué avec l'ouverture d'hôtels de standing au centre et à la périphérie ; si le niveau d'ensemble des commerces a progressé, le centre, déjà peu étoffé, a perdu un grand magasin alors que deux hyper-marchés étaient créés à la périphérie ouest, l'un à Saint-Pol sur Mer, l'autre à Grande-Synthe. Et ce ne sont pas les agences de banques et de compagnies d'assurance dont le nombre s'est accru qui ont modifié la tendance du centre à s'appauvrir quantitativement et qualitativement. Autant que de l'absence de grandes réalisations qui auraient pu en augmenter l'attractivité, le centre a souffert de trop longs délais de réalisation des infrastructures routières de pénétration qui devaient rompre certains isolements et de mise en place d'un réseau cohérent de transports en commun. C'est seulement en 1976 que la CUD est parvenue à imposer la restructuration d'un réseau jusqu'alors totalement inadapté à l'évolution de l'urbanisation : le périmètre urbain desservi a été élargi pour englober les extensions récentes, 7 lignes ont été établies qui desservent la périphérie, joignent directement les extrémités nord et sud, est et ouest de l'agglomération avec trois points de correspondance sur un parcours commun dans la partie centrale.

116L'amélioration des conditions de circulation et de transports devrait permettre d'atténuer les inconvénients d'une opposition qui s'est approfondie sur le plan social et qui a été systématisée par les conflits politiques à l'intérieur de la Communauté. Les résultats du recensement de 1975 ont confirmé la tendance au renforcement des disparités entre l'ouest et l'est, entre l'ouest et le centre de l'agglomération. Par exemple dans les communes et anciennes communes de Grande-Synthe et de Petite-Synthe, les ouvriers représentent respectivement 65,5 et 62 %, les employés 13,2 et 15 %, les cadres moyens 10,5 et 12 %, les professions libérales et les cadres supérieurs 3,6 et 3 %, les patrons du commerce et de l'industrie 0,9 et 3 % alors qu'à Dunkerque et à Malo les Bains les patrons du commerce et de l'industrie représentent respectivement 16 et 8 %, les professions libérales et les cadres supérieurs 7 et 15 %, les cadres moyens 13 et 17 %, les employés 17 et 18 %, les ouvriers 38 et 34 %. Cette situation entraîne le freinage voire le blocage des grands aménagements de services ou de loisirs qui/pourraient être réalisés à l'est mais qui avantageraient encore davantage la partie de l'agglomération déjà la plus favorisée ou plus exactement la moins perturbée par la domination industrielle.

117Ces clivages et ces oppositions, ajoutées aux capacités financières limitées de la CUD retardent les acquisitions des dunes et des terrains destinés aux loisirs et à la protection de la nature. L'ensemble de l'agglomération continue à souffrir de l'insuffisance des espaces boisés et du faible attrait d'une zone littorale sous-équipée, altérée par les méfaits de la pollution sur la qualité des eaux, de l'air et du paysage, menacée par les effets de l'érosion des plages qui s'est manifestée à la suite de la modification des courants provoquée par les extensions portuaires. Déjà Malo les Bains a vu nettement s'affaiblir sa fonction traditionnelle de villégiature par la dégradation de ses caractéristiques balnéaires et urbaines. Et beaucoup d'habitants de l'agglomération de Dunkerque en songeant à ce qu'offrent les dunes royales de Belgique, espèrent en la réalisation de la base de loisirs et de nature de la Flandre Maritime qui autour de Bray-Dunes, de Leffrincoucke à la frontière belge, équilibrerait ce que l'industrie et le port ont ravi à la population entre Dunkerque et Gravelines.

118Alors que dans l'Ijmond, le centre sidérurgique n'a pas cessé de renforcer sa domination et d'accentuer sa détermination de toutes les composantes démographiques, socio-économiques, architecturales et urbanistiques d'une agglomération qu'on a pu qualifier de "ville de l'acier", à Dunkerque l'influence de l'unité industrielle, pour être très importante, n'a pas été aussi exclusive et n'a pas atteint une telle intensité. L'usine littorale a déclenché puis ensuite soutenu de façon indirecte par la croissance industrielle et portuaire qu'elle a pour une large part suscitée, un mode d'urbanisation dont les autres facteurs, naturels, historiques, administratifs et politiques ont contribué à préciser les caractères particuliers en conservant une force propre suffisante.

119Cependant bien que l'entreprise urbaine ait modifié considérablement sa politique de logement et par là sa politique urbaine, les conditions de son implantation, ses premières interventions dans l'organisation spatiale de l'agglomération, l'importance croissante qu'elle a acquise sur le plan économique et social ont continué à peser sur la définition de la presque totalité des caractéristiques urbaines qui se trouvent aussi marquées de près ou de loin par l'usine littorale, soit parce qu'elles sont sous sa domination soit parce qu'elles ont été établies en adaptation ou parce qu'elles se sont affirmées par opposition.

C- LES CAS D'INDIFFERENCE RELATIVE

120La différence est grande avec le centre sidérurgique de Brême dont l'influence sur la structuration et sur l'organisation spatiales de l'agglomération est très réduite. Certes l'usine littorale constitue l'unité la plus vaste de l'ensemble industriel qui s'est constitué au nord des installations portuaires et représente ainsi, statiquement, compte tenu de sa localisation et de ses dimensions, une donnée de premier ordre du plan de l'organisme urbain, mais sa présence et son développement sont restés extérieurs aux transformations qu'a connu l'agglomération.

121Cette faiblesse tient naturellement aux faits de situation et d'environnement mais surtout à ce que l'usine n'est intervenue fonctionnellement ni dans la modification des infrastructures, ni dans la création et la répartition de nouvelles masses urbaines à usage de production, de résidence ou de récréation. La situation à l'extrémité nord-ouest du port de Brême, à 11 kilomètres du centre-ville, son environnement à très faible densité de population, rural pour l'essentiel ou industriel et portuaire, sa séparation des zones d'habitat renforcée par la coupure du fleuve et des rivières et par celle des voies ferrées placées sur de hauts remblais ont contribué à rendre le centre sidérurgique étranger à l'organisme urbain. Cette indifférence a été accentuée par le fait que l'agglomération a réalisé sa mutation tant sur le plan économique que sur le plan urbain de façon autonome par rapport à la sidérurgie. C'est d'une part le port et d'autre part la ville qui ont été les moteurs principaux d'une évolution qui spatialement a concerné des lieux souvent très distincts, parfois même très éloignés du centre sidérurgique, en particulier sur la rive sud où se sont étendues les nouvelles installations portuaires et dans les parties nord-ouest et surtout sud-est de l'agglomération où a été réalisée une extraordinaire croissance des zones d'habitat. La reconstruction de la ville après les bombardements de la seconde guerre mondiale et son expansion ultérieure ont été dirigées par le Land de la Ville libre Hanséatique de Brême qui a mené là l'opération d'urbanisme contrôlé la plus considérable de la République Fédérale Allemande. L'organisation de l'espace urbain a fait l'objet d'une planification précoce qui a pu séparer les zones d'activités des zones de résidence grâce à la disposition linéaire d'une agglomération qui s'étend sur plus de 40 kilomètres, le long de la vieille chaîne de dunes et sur le rebord septentrional de la geeste, au bord de la Weser et de la Lesum et grâce à la mise en place rapide d'un réseau de circulation facilitant les déplacements.

122Situé tangentiellement par rapport au principal axe de circulation et au principal axe d'urbanisation mais dans sa partie la plus étroite, le centre sidérurgique est bien relié à l'agglomération mais il ne l'influence guère si ce n'est en accentuant, comme cela fut noté dans l'étude des pollutions et des nuisances, les défauts de petites zones d'habitat situées à l'est dans une relative proximité et qui connaissent une évolution démographique négative.

123Le rôle de SIDMAR à Gand a été plus effectif tout en ne concernant que certaines composantes de la structure et de l'organisation de l'espace urbain. Comme l'ont montré les précédentes analyses, l'unité industrielle a été l'un des facteurs déterminants de la formation de la zone industrielo-portuaire le long du canal Gand-Terneuzen, en particulier sur sa rive droite. Par sa localisation à près de 20 kilomètres du centre-ville, le centre sidérurgique a poussé à la création d'un espace essentiellement consacré au développement des installations portuaires et industrielles. Cette influence qui s'applique également à la configuration de cet espace pourrait encore être confirmée, si la conjoncture le permettait, par la réalisation de la nouvelle liaison maritime entre Gand et la mer au gabarit de 125.000 tonnes. Intervenant dans la mise en place de nouvelles infrastructures de circulation et dans l'apparition de nouveaux flux de transport, il a contribué à une transformation de la vie de relations à l'intérieur de l'agglomération, à la fois dans le déplacement des hommes et des marchandises, mais en n'y agissant pas dans les domaines du logement, de l'habitat, des affaires urbaines en général, son influence se trouve considérablement réduite par rapport à celle d'USINOR à Dunkerque et de la KNHS dans l'Ijmond.

CONCLUSION : L'influence sur la vie urbaine

124Dans les plus grandes agglomérations, la séparation spatiale, la dissociation fonctionnelle et le rapport de taille entre la sidérurgie et la ville ont permis aux deux entités d'évoluer de façon relativement indépendante et surtout d'éviter que n'apparaissent des faits de domination de l'industrie sur l'organisme urbain. Dans les données de cette situation relative réside pour la ville l'intérêt de pouvoir tirer parti de l'apport direct et indirect du centre sidérurgique en matière économique et sociale, sans être touchée par les effets d'une excessive puissance de l'activité industrielle qui est susceptible de perturber tous les équilibres du milieu. L'avantage est également évident pour l'unité industrielle qui peut bénéficier de nombreuses économies externes sans devoir prendre des responsabilités et des engagements, contraignants ou coûteux, dans le fonctionnement de l'ensemble urbain. Il en est de même pour les salariés qui ressentent de façon positive une nette distinction entre le lieu de travail et le cadre de vie, entre les conditions de travail et le mode de vie.

125Dans les cas contraires, c'est-à-dire lorsque les centres sidérurgiques ont été implantés au sein d'agglomérations relativement petites et manquant d'une véritable cohérence et se sont imposés par leur taille, leur rythme de croissance et éventuellement leur pouvoir d'entraînement, la sidérurgie a exercé une véritable domination. En lui-même et par l'intermédiaire des flux qu'il génère, l'établissement industriel détermine soit de façon quasi unique comme dans l'Ijmond, soit comme à Dunkerque de façon moins exclusive mais toute aussi rigoureuse par la nature et le mode de croissance économique qu'il a entraînés, non seulement les données fondamentales, statiques et fonctionnelles de l'ensemble économique mais aussi l'évolution démographique de la population, ses caractéristiques socio-économiques et son niveau de vie, le type d'urbanisation en particulier les conditions d'habitat, la qualité des équipements, l'organisation de l'espace urbain et enfin les comportements sociaux et la qualité de la vie dans l'agglomération.

126Dans de telles situations, l'emprise de l'établissement industriel se prolonge et s'amplifie à l'extérieur de l'espace de production par le pouvoir qu'il exerce directement ou indirectement dans la plupart des instances qui régissent la vie de l'agglomération au niveau local, régional ou national. Dans l'Ijmond aucun problème qui ne soit posé et résolu sans qu'interviennent des représentants, officiels ou non, de l'entreprise sidérurgique ; qu'il s'agisse par exemple de l'organisation des transports publics, du ramassage et du traitement des ordures, des égoûts et de la sécurité publique, l'action de la KNHS est partout effective quelle que soit la forme qu'elle revêt et la manière dont elle s'exprime : prise en charge totale ou partielle, aide technique ou financière, conventions particulières avec les administrations ou les sociétés privées, médiations entre les autorités intéressées, pressions sur les intervenants... etc.

127À Dunkerque l'ingérence est sans doute moins constante et moins systématique, mais USINOR représente dans l'agglomération un pouvoir très réel même s'il n'est pas institutionnalisé comme aux Pays-Bas. Celui-ci s'exerce par l'intermédiaire de représentations et de contrôles qui expriment ses exigences au sein des organismes économiques locaux et par le moyen de pressions sur l'autorité politique, principalement au niveau national et régional.

128L'action sur l'animation locale est moins sensible. Dans l'Ijmond elle revêt surtout la forme de dons et de subventions aux multiples associations, à l'exception des groupements politiques et religieux, qui sont à la base de la vie collective. Elle se traduit également par quelques manifestations traditionnelles qui connaissent un grand succès populaire, en particulier un concours international de sociétés musicales, un tournoi d'échecs et des journées de fêtes pour les jeunes et les familles. Ces formes héritées d'un paternalisme qui par ailleurs tend à disparaître, sont inconnues à Dunkerque. À la création du centre sidérurgique, les responsables d'USINOR ont cherché dans les communes les plus concernées à favoriser l'existence de sociétés de sports, de loisirs ou de culture qui ne soient pas réservées à ses salariés et qui faciliteraient l'assimilation. Ces tentatives n'ayant pas eu de résultats positifs, on en revint à la conception générale des oeuvres sociales assumées par le comité d'établissement.

129Dans l'Ijmond et dans certaines parties de l'agglomération dunkerquoise, l'influence se fait pesante par le mode d'existence qu'impose l'activité sidérurgique aux salariés, à leur famille et à la collectivité. Le travail posté et surtout le travail en feux continus ne ponctuent pas seulement les déplacements de plusieurs milliers de personnes entre le lieu de travail et leur lieu d'habitation, il manque intensément la façon de vivre de la majorité des habitants. Ce prolongement des contraintes du travail dans la vie quotidienne est d'autant plus mal supporté qu'il est vécu d'une façon collective dans un espace où la sidérurgie impose sa présence parfois de façon physique et presque toujours par l'uniformisation qu'elle entraîne du niveau de vie, du cadre et du mode de vie.

130La distanciation entre le travail et la résidence est alors recherchée non plus entre l'usine et la ville mais entre la ville et la campagne à la fois par les salariés qui préfèrent, même au prix de longs déplacements, vivre dans des conditions moins oppressives et par l'entreprise qui trouve ainsi le moyen d'éviter les conséquences d'une trop forte concentration de salariés dont les comportements à l'intérieur de l'établissement peuvent être radicalisés par l'insatisfaction profonde que leur procurent leurs conditions d'existence. Certaines modalités de l'influence régionale, en particulier celles qui résultent de l'extension du bassin de main d'oeuvre, trouvent ainsi leur origine dans les aspects négatifs de l'influence qu'exerce parfois la sidérurgie sur le plan urbain.