1Si les aspects économiques et humains de la main-d’œuvre sont en partie déterminés par ses origines au recrutement, ils sont également influencés, et ceci d'une façon plus profonde et plus durable, par les caractères de sa résidence. Les mentalités et les comportements sont marqués par les conditions de travail,-ils le sont aussi par les conditions de vie en général qui sont en rapport direct avec le logement et l'habitat.

2De la même manière, l'influence qu'exerce l'établissement industriel sur 1'espace géographique par 1'intermédiaire de la main-d’œuvre est avant tout fonction de la résidence de son personnel : la nature, l'intensité et la signification de cette influence dépendent de l'extension et de l'organisation de l'aire de résidence. La répartition, la distribution spatiale des salariés sont déterminées autant par les caractéristiques du milieu que par la politique de l'entreprise, définie à partir de ces conditions, en matière de recrutement, de logement, de transport des salariés, c'est-à-dire en matière d'insertion régionale.

I- L'INTERVENTION DES ENTREPRISES DANS LE DOMAINE DU LOGEMENT

3L'usine, la cité ouvrière, le tissu urbain inorganisé qui ne mérite pas le nom de ville : une image caractéristique des vieilles régions industrielles, particulièrement minières et sidérurgiques, d'Europe Occidentale. Cette juxtaposition, cette étroite interpénétration de l'habitat et du travail sont 1'expression d'un état momentané des rapports mouvants qui s'établissent entre l'individu, l'entreprise industrielle et la collectivité publique pour la résolution du problème du logement. Lors de la révolution industrielle, les conditions techniques, économiques, sociales et administratives sont telles que dans ce domaine l'entreprise impose sa domination sur l'individu et sur la collectivité. Pour des raisons techniques liées à l'activité (travail en postes-travail continu) ou à l'individu (faible possibilité de déplacement), pour des raisons économiques ou administratives (inexistence ou faible capacité des investisseurs immobiliers, privés ou publics) ou pour des raisons de politique sociale (paternalisme), la grande entreprise a souvent intégré le logement de ses salariés. Ce faisant, l'établissement industriel renforce son rôle d'élément déterminant de la personnalité et de l'organisation de l'espace car il fixe les structures non seulement du travail, mais aussi de l'habitat de 1'individu.

4L'évolution des conditions techniques et économiques influençant la vie de l'entreprise et de l'établissement sidérurgiques, l'évolution des conditions sociales et administratives influençant la vie de 1'individu ou de la collectivité publique ont modifié les rapports de force, mais pas de façon telle que les problèmes aient pu être partout résolus de façon identique. L'intervention de l'entreprise industrielle est très variable ; elle est indispensable à connaître pour comprendre l'influence de l'établissement industriel sur son environnement humain et urbain, pour comprendre certaines structures et certains comportements de la main-d'oeuvre, certaines caractéristiques du milieu géographique concerné.

5Dans les grandes agglomérations, dans les régions densément peuplées et fortement urbanisées où le marché immobilier est large, varié et dynamique, la création d'un important établissement industriel ou l'augmentation rapide de son effectif peuvent ne pas poser directement à 1'entreprise responsable le problème du logement de son personnel. La question doit être résolue par l'individu en fonction des disponibilités en logements créées par les investisseurs privés et les organismes publics spécialisés. L'entreprise peut être appelée ou non, en fonction des différents règlements législatifs, à participer indirectement (impôt, contribution patronale etc.) à la solution globale d'un problème qu'elle a posé en des termes particuliers. L'influence de l'établissement est diffuse et indifférenciée.

6Par contre, sur les marchés limités ou tendus, la création d'un grand nombre d'emplois entraîne de tels déséquilibres, quantitatifs ou qualitatifs, entre les besoins en logements et les disponibilités immobilières du milieu proche que le problème n'est pas seulement ressenti par l'individu et la collectivité, mais également et de façon très directe par 1'entreprise. À ce niveau le problème peut devenir pour elle essentiel : le logement est en effet de plus en plus un des éléments fondamentaux du cadre et du mode de vie de l'individu ; au même titre que le salaire ou les conditions de travail, il conditionne souvent et le recrutement et le comportement du personnel. L'entreprise doit alors intervenir de façon active : les modalités de son intervention peuvent être très différentes en fonction des spécificités de la proche région, des exigences de la croissance de son effectif et des particularités de sa politique ; les conséquences en sont toujours déterminantes.

7Dans les deux cas où les centres sidérurgiques ont été implantés dans ou à proximité d'organismes urbains importants, Brême et Gand, 1'intervention des entreprises dans le domaine du logement a été limitée, voire inexistante. Par contre, à Ijmuiden et à Dunkerque, les entreprises ont été contraintes de participer activement à la résolution de problèmes délicats, nés des réactions particulières de la main-d’œuvre et du milieu. Entre la main-d’œuvre et l'établissement, les relations sont alors plus complexes et plus profondes ; entre l'usine et le milieu, les interférences sont plus nombreuses et plus intenses.

1°- Une intervention décisive : IJMUIDEN et DUNKERQUE

8Dans le domaine du logement, l'entreprise néerlandaise a défini et appliqué, sous l'impérieuse nécessité de sa croissance accélérée, une politique de plus en plus active et diversifiée. Recrutant une part notable de son personnel hors du cadre régional, augmentant le recours à la main-d’œuvre étrangère, ce qui implique un changement de résidence et la fixation à courte ou moyenne distance de l'établissement, l'entreprise fut très souvent obligée de proposer de façon quasi simultanée un logement pour chaque emploi. Or le marché immobilier dans l'Ijmond, bien que très actif tant dans le domaine public que dans le domaine privé, s'est rapidement révélé incapable de répondre à cette exigence. L'accentuation du décalage entre l'offre et la demande, préjudiciable à l'entreprise, l'a poussée à agir directement pour accélérer la réalisation d'une solution satisfaisante quantitativement et qualitativement. Les décisions sont prises au plus haut niveau, celui du Conseil de Direction de l'entreprise qui a créé en son sein une "Commission Logement". Celle-ci après consultation d'une Commission paritaire spécialisée où les questions précises sont étudiées sous tous leurs aspects, tant économiques que sociaux, est chargée de définir la politique générale, de fixer les formes d'intervention et de dégager les moyens financiers nécessaires. L'application des mesures ainsi mises au point est principalement le fait d'une société filiale, la NV Huizenbezit Breesap. Cette entreprise a pour fonction de réaliser ses propres programmes de construction, d'aider les salariés à accéder à la propriété, de trouver auprès des organismes immobiliers publics et privés des contrats de location. Les logements neufs, achetés ou loués, et les logements rendus disponibles par le mouvement du personnel sont répartis entre les salariés inscrits sur une liste de demande, en fonction de critères socio-économiques, par une division du service du personnel.

9Pour résoudre le problème du logement qui a conditionné en grande partie le recrutement de son nouveau personnel et la stabilité de la main-d’œuvre en place, l'entreprise a employé diverses formes d'intervention, différentes pour la main-d1oeuvre néerlandaise et la main-d’œuvre étrangère. Pour le personnel néerlandais, on peut distinguer trois formes d'action : la recherche de contrats de location, l'achat de logements, l'aide à l'accession à la propriété.

10La KNHS s'est adressée aux principaux organismes de construction, publics et privés, les municipalités et les sociétés immobilières, pour qu'ils construisent un grand nombre de logements dont une part importante serait réservée à son personnel sous forme de location. Les autorités municipales sont aux Pays-Bas maîtresses d'œuvre des programmes de construction publique dont elles assurent la responsabilité financière et technique. Dans le cadre d'une loi datant de 1901 et révisée en 1921 portant sur la résolution des problèmes du logement aux Pays-Bas, l'Etat attribue chaque année des subventions pour la suppression des taudis, l'amélioration des habitations anciennes et surtout pour la construction de logements sociaux en nombre suffisant. C'est au niveau gouvernemental que sont fixés le montant global de l'aide et sa répartition entre les différentes communes qui ont formulé des demandes. Les municipalités doivent obligatoirement réaliser les programmes autorisés et aidés suivant les directives de leur plan d'aménagement urbain avalisé par les autorités provinciales et gouvernementales. Ces logements, propriété municipale, sont presqu'essentiellement construits en immeubles collectifs : ils offrent des loyers modérés et réglementés, des charges restreintes. L'entreprise est intervenue auprès des municipalités de l'Ijmond, puis auprès des communes plus éloignées de l'usine, en particulier dans le Noord-Kennemerland pour qu'elles tirent parti, à son profit, de cette législation. Cependant, les possibilités de construction dans ce domaine sont restées trop limitées pour couvrir tous ses besoins et la KNHS s'est tournée également vers les sociétés immobilières ou sociétés d'investissement qui bâtissent pour leur propre compte des immeubles locatifs de standing varié, bénéficiant ou non de l'aide de l'Etat. L'entreprise sidérurgique cherche à acquérir dans ces immeubles des droits de location de longue durée pour son personnel. En contrepartie de contrats établis en général pour vingt ans, la KNHS participe financièrement mais à fond perdu, soit en payant une partie des coûts de construction, soit en versant un complément au loyer payé par le salarié. Du fait de l'insuffisance de ce système, elle a été obligée d'agir plus directement et de se constituer également son propre patrimoine immobilier. Malgré la faible rentabilité de tels investissements et la responsabilité sociale qui découle de cette forme d'intervention, la KNHS a dû maintenir et même développer cette politique qui présente malgré tout quelques avantages ; par exemple celui de mieux adapter l'offre à la demande ainsi que celui de déterminer librement la localisation des logements d'une partie de ses salariés. Enfin, et de façon de plus en plus active, durant la période de croissance, la KNHS a tenté de résoudre le problème du logement par une aide accrue en faveur de l'accession à la propriété et une valorisation de toutes les possibilités offertes par les municipalités, le gouvernement et les services sociaux de la CECA. C'est ainsi que l'entreprise consent des prêts à faible taux d'intérêt, garantit des prêts hypothécaires auprès des communes et des organismes bancaires spécialisés et permet par son intervention de concrétiser la contribution financière de la CECA1.

11Cette politique d'aide à l'accession à la propriété tend à se substituer à la politique de prise en charge totale ; l'entreprise cherche ainsi à atténuer sa responsabilité sociale vis-à-vis de ses salariés en tant que travailleurs et en tant qu'habitants de communes dominées par l'activité industrielle. L’ouvrier ne se voit plus imposer son lieu de résidence et son type de logement, il devient plus autonome psychologiquement et sociologiquement alors que sa dépendance économique s'accroît.

12En ce qui concerne les travailleurs étrangers, deux solutions ont été adoptées : en fonction du statut de 1'ouvrier, de sa situation de famille et de son ancienneté. Lorsqu'après avoir rempli son contrat d'un ou deux ans, le travailleur étranger exprime le désir de continuer à, travailler dans l'établissement et de s'implanter aux Pays-Bas avec sa famille, il bénéficie des mêmes avantages que le travailleur néerlandais, pour la location ou l'achat d'un logement selon les modalités précédemment exposées. Pour faciliter l'intégration de ces familles étrangères, l'entreprise essaie de les répartir dans les différentes communes de l'Ijmond, en veillant à éviter un trop grand éloignement et tout regroupement excessif. Elle espère, grâce aux cours de langue et à la formation professionnelle, grâce à l'action d'organismes privés qui se préoccupent de leurs problèmes d'adaptation, grâce surtout aux enfants qui fréquentent les écoles néerlandaises, que l'assimilation de ces travailleurs se fera sans trop de difficultés. Sans pouvoir préjuger de la portée réelle de cette politique, force est de constater que le nombre de salariés étrangers optant pour une implantation familiale aux Pays-Bas est de plus en plus important. Lorsque l'ouvrier est célibataire ou lorsque marié, il est venu seul pour sa période initiale d'une ou deux années, l'entreprise met à sa disposition une chambre dans un ensemble de logements collectifs réservés aux étrangers. Pour ces travailleurs dont la plupart ne resteront que quelques années à la KNHS, c'est le contraire de l'intégration qui a été recherché. L'entreprise a regroupé les ouvriers selon leur nationalité. Dans chaque ensemble, on a tenté de recréer l'atmosphère du pays d'origine : les ouvriers disposent d'une cantine, d'un bar, d'une épicerie offrant des spécialités nationales, d'une salle de cinéma où sont projetés des films dans leur langue, de salles de réunion, de délassement, de sports gui leur sont propres. Dans les années soixante, l'entreprise confrontée à la nouveauté et à l'ampleur du phénomène adopta des solutions variées et originales : elle amarra dans un des ports de l'usine un ancien paquebot, l'"Arosa Sun" qui accueillit jusqu'à 450 personnes par chambres de 2 ou 3 et une vaste péniche transformée en immeuble flottant de 5 étages, "Casa Marina", elle loua l'hôtel "Westerduin" dans la petite station balnéaire de "Wijk aan Zee" proche de l'usine, aménagea une ancienne église en foyer-hôtel. La permanence du recours aux travailleurs émigrés la conduisit à réaliser des constructions plus durables et plus importantes, sous forme de foyers hôtels, avec la participation de la CECA et des services spécialisés dans l'accueil et l'aide aux travailleurs étrangers. Ces foyers hôtels bien aménagés ont peu à peu remplacé les premiers équipements : les immeubles flottants qui étaient des signes originaux du paysage industriel de l'Ijmond ont été vendus et remorqués en 1973 vers Bremerhaven alors que les inaugurations se succédaient à Heerhugowaard (Casa del Norte), à Beverwijk (Casa Ibérica), à Alkmaar (Casa Arosa) et qu'une nouvelle construction était programmée à Heemskerk. L'occupation des foyers a ainsi évolué.

13En 1974, 1495 places étaient occupées sur les 1858 disponibles ; en 1975, 1037 sur 1693.

14Chaque année, l'entreprise n'a cessé de mettre à la disposition de son personnel un nombre croissant de logements : la moyenne annuelle a augmenté de façon importante, passant de 230 environ de 1951 à 1955, à 600 de 1956 à 1960, 950 de 1961 à 1965, 1150 de 1966 à 1970. Dans ces propositions, deux types doivent être distingués, d'une part des logements neufs qui ont été soit achetés directement par l'entreprise ou par les salariés grâce aux facilités financières offertes par la KNHS et la CECA, soit retenus dans les programmes municipaux ou privés et qui auront comme premier occupant un salarié de l'entreprise (constructions neuves) ; d'autre part, des logements acquis ou retenus les années précédentes et qui sont rendus libres par le départ d'un salarié accédant à la propriété individuelle, obtenant un logement plus grand ou quittant l'entreprise (mouvement). Si l'on excepte les logements entrant dans la catégorie "mouvement" dont le nombre croît naturellement au fur et à mesure qu'augmente le patrimoine immobilier de l'entreprise (c'est-à-dire l'ensemble des logements qu'elle a acquis ou pour lesquels elle possède des droits de location) et dont l'existence est fondamentale au seul point de vue des questions afférentes au personnel, la KNHS est directement ou indirectement à l'origine de la construction d'un nombre toujours plus considérable de logements neufs. En moyenne, elle a mis chaque année à la disposition de son personnel 199 logements neufs entre 1951 et 1955, 437 entre 1956 et 1960, 591 entre 1961 et 1965, 568 entre 1966 et 1970. C'est dire par ces chiffres l'extraordinaire facteur d'urbanisation que l'entreprise représente en elle-même. Certains de ces logements sont édifiés, sans l'intervention financière de la KNHS, par les municipalités dans le cadre de la loi 1901-1921 ; ils représentaient 85 % des logements pour la période 1951-1955, 77 % pour 1956-1960, 47 % pour 1961-1965, 47 % pour 1966-1970. L'action de l'entreprise est devenue prépondérante ; elle lui a permis de résoudre dans de meilleures conditions les problèmes cruciaux posés par l'augmentation rapide de son effectif dans un cadre urbain aux possibilités de développement autonome relativement limitées. L'évolution des rapports annuels entre embauches et mises à disposition de logements, entre emplois nouveaux et logements neufs sont expressifs de cette amélioration (Tableau n^o 119).

15À la fin de 1972, la KNHS régissait un ensemble de 8011 logements ; elle en possédait, elle ou ses filiales, 1662, elle avait des contrats de location de longue durée sur 2139 logements construits par les sociétés immobilières et sur 2013 logements construits par les municipalités, elle avait des droits de première occupation sur 2197 logements construits par les municipalités ou les offices publics et semi-publics. Par cet ensemble, par les foyers hôtels et par les logements acquis avec son aide, en accession à la propriété, l'entreprise assurait un logement à plus de 50 % de son personnel.

16A cette date, si l'on excepte les maisons acquises par le personnel en accession à la propriété dont la majorité est localisée à l'initiative des intéressés, l'entreprise disposait d'un parc de logements considérable répartis dans un grand nombre de localités. Dans cette dispersion, deux regroupements principaux peuvent être effectués : l'un formé des communes de l'Ijmond et des communes proches de l'usine, l'autre à Alkmaar et autour de cette ville, principalement à Oudorp, Heerhugowaard et Schoorl situées à plus de 25 kilomètres. Cette dissémination et ce relatif éloignement s'expliquent par les modalités de la croissance urbaine de l'Ijmond et de ses environs et par l'évolution de la politique de l'entreprise vis-à-vis des problèmes du logement de son personnel. Dans un premier temps, c'est-à-dire de la fin de la guerre à 1965, l'entreprise a tiré parti, dans le domaine de la construction publique comme dans celui de la construction privée, de l'extraordinaire urbanisation des communes de l'Ijmond. En même temps que les municipalités et les sociétés immobilières mettaient à sa disposition des logements neufs sous forme de location, elle concentrait son propre effort de construction sur les communes proches de l'établissement, à la fois au Nord (Velsen-Noord, Beverwijk, Heemskerk) et au Sud du Canal de la Mer du Nord (Velsen-Zuid, Driehuis, Santpoort).

17L'évolution de l'offre en logements municipaux fut très expressive du remplissage graduel de l'Ijmond r les plus nombreuses mises à disposition furent d'abord le fait de Velsen, puis de Beverwijk et enfin d'Heemskerk. Le mouvement se ralentit à partir de 1965 : l'offre insignifiante à Velsen et Beverwijk devient irrégulière à Heemskerk. Par contre, elle se fait de plus en plus importante à Alkmaar et dans les localités voisines, particulièrement à Oudorp et Heerhugowaard, voire à Schagen, situées à des distances considérables de l'établissement industriel. Parallèlement, c'est dans ces mêmes communes que l'entreprise concentre ses programmes immobiliers. Les raisons de ce changement sont multiples. Les premières résultent de la situation atteinte dans l'Ijmond : les possibilités diminuent du fait de la saturation progressive de l'espace à bâtir et la tendance de la population à atteindre les limites quantitatives fixées par les organismes d'aménagement et qui ne peuvent être dépassées ; en outre, si numériquement l'agglomération est près d'atteindre la taille qui semblait optimale pour atténuer les effets de domination de l'activité industrielle, qualitativement, les résultats ne sont pas jugés pleinement satisfaisants par les responsables des questions sociales de la KNHS. Le déséquilibre dans les structures socio-économiques, l'insuffisance du niveau des services, les caractères particuliers de l'ambiance urbaine créent indirectement des responsabilités à l'entreprise qui n'a pas la possibilité de les assumer. Les secondes raisons tiennent à la prise de conscience de ces problèmes et de leurs conséquences : l'entreprise préfère ne pas renforcer cette "ville de l'acier" qui vit trop au rythme et sous la dépendance de l'usine et rechercher des implantations, certes plus éloignées, mais où les inconvénients d'une trop forte concentration sont estompés. Les responsables ont choisi deux types de localisation, correspondant à deux formes d'intervention différentes. D'une part, ils se sont intéressés à Alkmaar qui présente de nombreux avantages. La vieille ville-marché au cœur de sa région, autrefois essentiellement rurale, se transforme harmonieusement en véritable centre urbain, doté d'un dynamisme économique autonome à la fois secondaire et tertiaire. La ville se développe et tend à devenir le coeur d'une active agglomération de première importance : elle s'étoffe dans le domaine des services, son influence se renforce et s'étend. Dans cette ville, équilibrée dans ses structures, équipée de façon satisfaisante, agréable dans son paysage et son atmosphère, l'entreprise a trouvé et un cadre de vie agréable pour son personnel et les logements qu'elle recherche sous forme de contrats de location proposés par la municipalité et les promoteurs privés. L'usine est à la fois très lointaine et très proche. Très lointaine car la distance supprime non seulement sa présence matérielle mais aussi son poids économique et surtout psychologique ; très proche car l'autoroute Haarlem-Velsen-Alkmaar permet au salarié de se rendre rapidement à son travail, qu'il utilise les cars mis à sa disposition par l'entreprise ou, ce qui est de plus en plus fréquent, un moyen de transport individuel. D'autre part, les responsables se sont intéressés à des communes plus modestes comme Oudorp ou Heerhugowaard qui bénéficient de la proximité des services d'Alkmaar et où l'entreprise est susceptible de trouver des logements ou des possibilités de construction : maisons individuelles, immeubles collectifs, foyers hôtels pour travailleurs immigrés2. Les communes situées entre l'Ijmond et Alkmaar, principalement Uitgeest, Akerslot et Castricum, recèlent un potentiel plus limité mais accueillant davantage de constructions en accession à la propriété. (Figure n^o 78).

18L'entreprise, tout en diversifiant les modalités de son intervention dans le domaine du logement, valorise les dernières possibilités offertes par l'agglomération en terminant dans l'Ijmond les programmes entrepris de longue date et accentue sa politique de déplacement vers le Nord du logement de son personnel dont 1'intégration devrait être facilitée par l'éloignement, la dispersion et l'implantation dans ou à proximité d'une ville qui par sa situation, sa taille et sa personnalité se soustrait à l'influence du centre sidérurgique. L'entreprise néerlandaise intervient de façon décisive dans la résolution du problème que pose le logement de ses salariés. Cette intervention date de l'apparition de déséquilibres flagrants entre les besoins en main-d’œuvre de l'établissement et les ressources du marché du travail local et régional, entre les besoins en logements d'un personnel d'origine extérieure et les capacités de réaction du marché immobilier. L'intensité de cette intervention a varié en fonction de l'évolution de ces déséquilibres qu’a constamment entretenus jusqu'à la crise un développement soutenu, mais effectué par étapes du fait des impératifs techniques. Ses modalités dépendent du nombre, de la nature, et de l'ampleur des possibilités d'actions communes qu'offrent la législation néerlandaise, l'attitude des municipalités et des promoteurs, la réglementation communautaire ; elles varient également selon l'attitude des salariés qui refusent de plus en plus les conditions oppressives de l'habitat collectif au sein d'une ville dominée par une activité industrielle. À cette attitude correspond le développement de la politique d'accession à la propriété ainsi que la politique de dispersion et de diffusion de l'habitat dans un espace de plus en plus étendu. Les fondements ne sont pas seulement philanthropiques, l’intérêt de l'entreprise converge avec les désirs des salariés : l'accession à la propriété, l'éloignement et la dispersion sont des gages de stabilité interne et externe, des facteurs de productivité. L'organisation de l'espace de résidence qui à l'origine n'était pas appréhendé comme un impératif, l'est de plus en plus comme une nécessité sociale et économique : c'est à une conclusion identique que sont parvenus les responsables du service du personnel d'USINOR-DUNKERQUE.

19Dès les premières études concernant une éventuelle implantation sidérurgique à Dunkerque, le problème du logement se posa de façon immédiate. Le marché immobilier dans l'agglomération se caractérisait avant tout par ses insuffisances (Cf. § Influence urbaine). La construction tardive, lente, sans envergure et sans inspiration, se révélait depuis la fin de la guerre, incapable de satisfaire les besoins pourtant limités d'une population au rythme de croissance modeste et d'une activité économique au dynamisme modéré. La création d'une grande unité de production industrielle ne pouvait donc se concevoir sans une intervention directe et très marquée de l'entreprise intéressée dans la construction de logements sociaux. La taille prévue du centre sidérurgique projeté laissait présager un nécessaire recours à une masse importante de main-d’œuvre d'origine extérieure à l'aire traditionnelle des relations quotidiennes de travail de l'agglomération dunkerquoise et rendait par là-même nécessaire la mise à disposition, d'un potentiel adéquat de logements réservés. Le projet initial de la "Société Dunkerquoise de Sidérurgie" qui faisait état d'un effectif de 2.500 personnes prévoyait la construction et la réservation de 1.500 logements : soit un exceptionnel rapport entre le nombre d'emplois à créer et le nombre de logements à réserver qui reflète bien les exigences du milieu telles qu'on pouvait alors les appréhender. Malgré les changements apportés à la taille de l'usine, à la première étape de sa construction, la reprise du projet de la SDS par USINOR n'entraîna pas de modification du programme de logements. Alors qu'à ce stade initial, l'effectif passait de 2.500 à 4.000 personnes, on maintenait les 1.500 logements répartis en 1.000 maisons individuelles et 500 appartements en immeubles collectifs. L'étude approfondie du projet, la mise au point des modalités de sa réalisation et de sa gestion donnèrent à l'entreprise l'occasion d'exprimer les principes de sa politique sociale sur le plan spatial. C'est par opposition au paternalisme traditionnel de la sidérurgie en général et de l'entreprise en particulier que cette politique a été définie3. Cette opposition est basée sur la conviction de plus en plus répandue que pour l'entreprise, la collectivité publique et l'individu, il est préférable que l'entreprise n'intervienne pas dans la vie de l'individu hors de son travail ; et ceci autant pour des raisons économiques que pour des raisons sociales. Cependant, compte tenu des insuffisances du milieu local et son incapacité à résoudre seul les problèmes posés, compte tenu du poids de la tradition dans ce domaine sur les structures mentales individuelles et collectives, un moyen terme devait être trouvé entre la prise en charge complète et le détachement absolu. L'entreprise ne doit pas créer des équipements ou des services à l'usage exclusif de son personnel, mais elle doit susciter, favoriser par son initiative et sa participation financière la réalisation ou le développement de ces équipements et de ces services à l'usage de toute la collectivité où s'insèrent ses employés. En ce qui concerne le logement, cette attitude devait se traduire par l'abandon des notions de logement de fonction et de cité d'usine. C'est-à-dire que l'entreprise se refusait à lier de façon directe et étroite emploi et logement en proposant à ses employés, moyennant un loyer fixé par elle, un logement dont elle serait ou locataire ou surtout propriétaire. Pratique courante et très répandue dans les autres usines de la Société, celle du logement de fonction ne fut retenue à Dunkerque que pour les cadres supérieurs dont un certain nombre se sont d'ailleurs détachés. Cependant, pour qu'au moins pendant la période de forte embauche, puisse exister une certaine coïncidence numérique et chronologique entre sa création d'emplois et la mise à disposition de logements à ses employés, USINOR se devait d'intervenir de façon importante. Cette intervention auprès des services publics, des collectivités locales, des sociétés de construction publiques et privées visait à réserver la quantité de logements prévus dans un programme de construction suffisamment vaste pour que s'effectue sans trop de difficultés l'intégration des travailleurs de la sidérurgie, des "gens venus d'ailleurs", dans l'agglomération dunkerquoise. Se donnant, par son action et sa participation financière qui dépassait largement la contribution patronale réglementaire, un simple droit de réservation, l'entreprise pensait pouvoir se dégager en proposant à chaque individu intéressé le choix entre location et accession à la propriété et en lui laissant ensuite le soin de régler directement avec les services adéquats les modalités pratiques de sa location ou de son acquisition. En ayant ainsi la possibilité de proposer un logement simultanément à un emploi, l'entreprise pensait à la fois assumer ses responsabilités sociales et répondre aux exigences de son recrutement. En proposant, au prix du marché, les logements intégrés dans des ensembles banaux, l'entreprise pensait éviter aux individus les inconvénients du paternalisme et ainsi s'éviter les inconvénients du regroupement trop exclusif de ses salariés.

20Conformément aux désirs d'USINOR, le programme de logements fut réalisé dans le cadre de l'agglomération4. Mais la réglementation concernant la construction et l'urbanisation et l'extrême morcellement physique et "politique" de l'agglomération firent opter pour la solution la plus commode et la plus efficace compte tenu de l'exigence du calendrier, sinon la plus satisfaisante sur le plan de l'urbanisme en général et de l'agglomération en particulier : celle d'une ZUP qui, étant donné la capacité qu'elle devait offrir, prit immédiatement la taille d'une ville nouvelle. En effet, pour permettre l'intégration souhaitée des 1.500 logements réservés à la sidérurgie, on s'arrêta à une opération d'ensemble de 4.900 logements. La localisation du programme s'imposa d'une façon qui parut évidente : à proximité du centre sidérurgique, de ses annexes et des zones industrielles réservées aux activités diversifiées, sur les communes de Grande-Synthe. Evidente parce qu'il semblait alors que la conjonction travail-habitat était très souhaitable pour l'individu et pour l'entreprise, particulièrement dans la sidérurgie où une part importante de la main-d’œuvre travaille en postes ; évidente parce que dans ces communes la densité d'occupation était faible, trop faible même pour atteindre, sans une urbanisation plus intense, un niveau d'équipements et de services satisfaisant évidente aussi parce que cette nouvelle masse urbaine équilibrait à l'Ouest une agglomération trop peu structurée, une agglomération dont on fixait ainsi une des principales limites à l'extension.

21L'étude et la réalisation de l'opération, particulièrement sur le plan des infrastructures et de l'équipement public, furent confiées à la Société d'Equipement du Département du Nord. Deux architectes, agréés par le Ministère de la Construction, établirent le plan masse de la zone d'habitation des Nouvelles Synthes qui fut déclarée ZUP par arrêté ministériel du 2 mars 1961. Les responsables s'arrêtèrent à un total de 4.900 logements, répartis en 2.800 collectifs et 2.100 individuels. Pour que les logements prévus dans son programme soient réalisés dans des délais convenables et avec un synchronisme au moins relatif avec le démarrage de ses installations, USINOR passa des accords pour le programme locatif avec l'Office Départemental d'HLM et lui versa le complément habituellement demandé à l'organisme qui suscite la construction et, pour le programme d'accession à la propriété, avec la Société Immobilière des Deux Synthes, représentation locale de la Caisse des Dépôts et Consignations. Le financement s'effectuait en associant les prêts du Crédit Foncier (43 %), de la Caisse des Dépôts (42 %), de la CECA (10 %) et de l'entreprise (5 %) (sous forme d'emprunt à la Caisse des Dépôts et Consignations). Seule la SCIC semblait pouvoir par la puissance de ses moyens réaliser rapidement un programme aussi vaste dans un laps de temps aussi court. Pour tenir les délais impartis, cette société appliqua à la zone des Nouvelles Synthes des choix de construction, sur le plan technique et esthétique, déjà opérés dans certains de ses autres programmes et les réalisa avec les entreprises qui travaillaient déjà pour elle sur des chantiers de la Région Parisienne.

22Les maisons et les appartements commencèrent à être livrés au printemps 1962. Jusqu'à la fin de 1963, les mises à disposition de logements suivirent avec un certain retard certes, mais aussi une réelle régularité, l'évolution de l'effectif. À cette date, le programme originel d'accession à la propriété fut révisé en baisse et, de là jusqu'en 1968, s'accentua le divorce entre les mises à disposition et les créations d'emplois. Pour le personnel et pour l'entreprise, un grave problème de logement allait se poser ; il eut des répercussions profondes sur les relations sociales au sein de l'établissement, sur l'intégration du personnel dans l'agglomération, sur le recrutement de la main-d’œuvre nouvelle. Ce problème détermina le besoin de définir et d'appliquer une politique différente qui changea complètement les relations entre l'individu, l'usine et l'agglomération.

23Dans cette véritable ville dont la construction allait durer plusieurs années, les premiers logements à être terminés furent ceux qui étaient destinés au personnel USINOR, que ce soit sous forme de maisons individuelles du programme de la SCIC ou sous forme d'appartements en location dans les immeubles HLM. Les locations, dont le coût était conforme à la réglementation concernant ce type de logement, parurent chères en comparaison avec les loyers demandés dans les cités traditionnelles des usines intérieures. La prime d'installation n'atténua pas cette réaction collective contre le coût trop élevé d'un mode de vie nouveau qui présentait quelques avantages mais aussi des faiblesses et des inconvénients dont celui d'être imposé à l'individu. Cette réaction d'opposition fut beaucoup plus apparente encore envers le programme d'accession à la propriété. L'originalité des constructions par rapport aux traditions régionales, par exemple l'emploi de béton, et d'éléments de décoration en bois, ou la disposition irrégulière des maisons les unes par rapport aux autres, créa un sentiment de méfiance. Les malfaçons résultant d'une construction trop rapide muèrent l'insatisfaction en véritable hostilité. L'esthétique, la qualité des maisons et par là leur prix furent sévèrement critiqués.

24À tel point que le programme fut arrêté à 800 au lieu de 1000 et seuls trois candidats à l'accession se présentèrent ! Une organisation de défense se créa (Association Communautaire et Sociale de Grande Synthe) et des procès furent intentés. L'entreprise sidérurgique dut intervenir et accepter de servir d'intermédiaire entre son personnel et la société immobilière. Pour atténuer les effets néfastes de ce conflit, USINOR accepta de jouer le rôle de séquestre. Le programme fut placé en location simple et USINOR, en payant la différence entre les deux types de loyers, s'engagea elle-même dans une accession à la propriété qu'elle voulait primitivement éviter. Pour expliquer cet échec, plusieurs causes peuvent être avancées ; d'abord des causes accidentelles : elles ont tenu aux modalités de préparation et d'exécution du programme. Des délais trop courts entraînèrent des insuffisances qui cristallisèrent un sentiment d'insatisfaction. Des causes profondes aussi, liées aux mentalités : l'individu se sentait forcé à s'engager dans une opération dont il ressentait l'importance, mais qui n'exerçait pas une très forte séduction, il se sentait obligé d'accepter une maison dont il ne pouvait choisir ni la localisation, ni les caractéristiques, ni le prix. Le refus général n'était pas une condamnation du principe de l'accession à la propriété, mais celui d'un programme particulier qui fut rejeté pour son inadaptation aux exigences des personnes intéressées et pour la signification dont il fut chargé.

25Cet échec eut des conséquences graves pour l'entreprise. La responsabilité de la direction de 1'usine fut considérée comme évidente par le personnel intéressé et cela contribua fortement à tendre les relations sociales. Dans les revendications, le problème du logement fut sans cesse évoqué et l'image de marque de l'établissement en fut considérablement ternie. Le recrutement s'en ressentit ; les difficultés éprouvées pour réussir le transfert des ouvriers des anciennes usines vers le littoral trouvent là leur principale explication. Dans l'appréciation, dans le jugement requis par les candidats à l'embauche auprès des ouvriers de l'usine de Dunkerque, les aspects négatifs furent surtout déterminés par les conditions de vie dans la ville nouvelle et principalement par les conditions de logement. (Cf. § Le recrutement du personnel). La création et l'action d'un Comité de Défense des Locataires de Grande Synthe exprimèrent la gravité du problème. Durant la première période de stabilisation dans la croissance de l'effectif, la direction de l'établissement se borna à augmenter ses réservations dans les programmes locatifs et à permettre à un nombre relativement limité de salariés l'accession à la propriété dans les programmes alors peu nombreux offerts dans la région.

26La décision d'accroître et de diversifier la production et, ce faisant, d'augmenter considérablement les effectifs durant les années 1970-1975 obligea à repenser le problème du logement et à mettre au point de nouvelles formes d'intervention. Pour éviter le renouvellement des difficultés précédentes qui tenaient aux carences des programmes de logement, mais aussi et surtout à une réaction psychologique profonde, l'entreprise chercha à établir un dialogue entre ses responsables et les représentants du personnel. De cette concertation résulta en février 1970 la parution d'un "Mémorandum sur l'habitat". Ce document rédigé en commun par les responsables de l'entreprise, les représentants qualifiés du personnel au Comité d'Entreprise et les services sociaux de l'établissement, exprime des souhaits en matière d'habitat... et de ce fait, bien que ce ne soit pas là son objet comme le précise le texte, exprime par comparaison les reproches formulés à l'encontre de ce qui fut précédemment fait. Malgré son caractère de simple mémorandum, le document prit l'importance d'une véritable charte qui implicitement engagea les deux parties en présence : les représentants du personnel et les responsables de l'établissement. Par ces derniers le document fut considéré comme un garant dans la politique qu'ils avaient décidé de mener et qui allait se révéler à la fois par des actions directes de l'entreprise (prêts, achats de terrain etc...) et par des interventions auprès des autorités publiques ou des promoteurs privés. Le Mémorandum formule un certain nombre de souhaits concernant d'une part les programmes de logements et d'autre part les logements eux-mêmes.

27Pour que l'intégration des hommes soit possible et éventuellement facile, des programmes aux dimensions modestes semblent de loin préférables à la concentration en quelques programmes importants, même si ceux-ci doivent s'intégrer dans de vastes ensembles urbains. Cette option fondamentale implique la dispersion et le relatif éloignement par rapport au lieu de travail. La localisation des programmes de construction doit se faire en fonction des équipements existants ou programmés et d'une possible animation socio-culturelle. Un éloignement de 10 à 15 kilomètres semble acceptable dans la mesure où les déplacements vers l'usine et le centre de l'agglomération ne sont pas trop difficiles.

28En ce qui concerne les logements, 75 % devraient être réalisés sous forme de maisons individuelles dont une proportion variant entre le 1/3 et le 1/4 réservée à l'accession à la propriété. Les maisons comme les appartements devraient être aussi variés que possible, en taille et en équipement, pour pouvoir correspondre à la diversité des intéressés et de leurs moyens et pour éviter les différentes formes de ségrégation sociale basée sur le revenu, la race, l'âge ou la situation familiale. Quelle que soit sa catégorie le logement devrait offrir une pièce bien isolée phoniquement, pouvant être aisément occultée et ventilée pour permettre le repos des salariés travaillant en postes.

29Enfin, et dans tous les domaines, c'est la diversité qui est réclamée pour que 1'individu soit libre de son choix : diversité des localisations, des programmes et des logements. C'est d'ailleurs sur cette conclusion que se termine le Mémorandum : "La possibilité de choix semble être une condition essentielle à la satisfaction du personnel".

30La direction de l'établissement n'a pas renoncé aux principes fondamentaux de sa politique originelle ; mais forte de son expérience antérieure et de sa meilleure connaissance du milieu, elle a changé les modalités de son intervention. Elle a maintenu son refus du paternalisme et de l'intégration, c'est-à-dire son refus de la prise en charge d'un problème ne concernant pas seulement ses propres salariés. Elle a augmenté l'importance de son intervention mais elle a continué à déléguer les pouvoirs qui lui revenaient aux organismes privés et publics dont elle a suscité et soutenu l'action. Elle a modulé cette intervention en fonction de la diversité des besoins et des salariés, elle 1'a surtout déconcentrée et diffusée dans un espace plus étendu : c'était là une exigence exprimée dans le Mémorandum, c'était là aussi son intérêt. Dans la première période, elle avait surtout cherché à assumer ses responsabilités vis-à-vis de l'agglomération où s'implantait l'établissement et ce fut aux dépens de ses salariés et aussi à ses dépens car les insuffisances lui furent avant tout reprochées. Dans un second temps elle a préféré agir dans l'intérêt de ses salariés et dans son propre intérêt, aux dépens de l'agglomération et de ses composantes avec lesquelles les relations n'ont pas été toujours faciles.

31Face aux besoins différenciés des individus et par là face aux exigences multiples de l'entreprise qui les a en partie assumés, indirectement du moins, les collectivités locales de l'agglomération n'ont eu souvent que des possibilités d'action très limitées et surtout des structures d'action trop rigides, soit du fait de l'inadaptation des réglementations administratives, soit du fait des oppositions de principes ou de personnes au niveau des dirigeants. Pour éviter les effets gênants de cette discordance, l'entreprise a maintenu et même renforcé son action indirecte mais selon de nouvelles modalités. Compte tenu de l'augmentation des besoins liés à la croissance de son effectif, l'entreprise a maintenu sa politique de réservation de logements dans les programmes locatifs de l'agglomération et plus particulièrement dans ceux des Nouvelles Synthes. Ces appartements, par le coût de leurs loyers, par leur localisation à proximité de l'usine et dans le cadre d'une ville nouvelle, peuvent être demandés par certaines catégories de salariés. Ils peuvent également servir d'appartements relais pour les travailleurs non originaires de la zone de ramassage. Avant d'opter pour une solution plus durable, la location près de l'usine dans une ville dotée au moins des équipements primaires permet d'attendre et de se déterminer à partir d'une connaissance plus approfondie du milieu. Malgré les insuffisances qualitatives des logements et des programmes, les appartements de ce type sont indispensables. Leur nombre dans 1'agglomération dunkerquoise resta longtemps inférieur aux besoins. Durant la période de forte croissance de l'effectif, l'écart quantitatif fut toujours trop important entre les demandes et les réalisations. Sur le plan financier, la part accordée à Dunkerque dans l'enveloppe régionale fut considérable, mais cette enveloppe elle-même resta constamment insuffisante et les dotations exceptionnelles des organismes d'Etat furent trop tardives. C'est seulement quand l'usine aura réalisé l'essentiel de son développement et que ses besoins s'affaibliront sous l'effet de la crise économique que l'agglomération saura offir, grâce aux mesures extraordinaires enfin prises pour éviter que la crise du logement ne suscite de graves mouvements sociaux, ce type de logements en quantité suffisante. En outre le système du prix-plafond, inadéquat compte tenu de la spéculation foncière contre laquelle peu d'actions efficaces ont été menées, a limité la qualité des opérations au stade de l'appartement, de l'immeuble ou de l'ensemble. Le système d'autorisation de programme, mal adapté aux exigences particulières des zones de développement rapide, a limité la portée de ce système de construction de logements. Pour l'individu, l'entreprise et la collectivité, ce processus pourtant essentiel a présenté des défauts et des lacunes qui furent difficiles à atténuer.

32Pour l'entreprise, le système d'accession à la propriété a offert par contre de nombreux avantages. Aucune attribution générale, aucune enveloppe globale ne détermine le nombre de bénéficiaires éventuels du Crédit Foncier ; les prix-plafonds au-delà desquels les prêts sont refusés, dépassent de façon générale le coût des catégories de maisons recherchées ; il n'y a donc pas de contingentement arbitraire. Le nombre d'opérations est fonction de l'importance des demandes des individus et essentiellement, au cas où celles-ci seraient particulièrement nombreuses, de la masse financière que l'entreprise s'est décidée à allouer pour l'attribution de prêts complémentaires. Ainsi, non seulement l'entreprise peut fixer le nombre des opérations, mais elle peut aussi en fixer les caractères essentiels : types, organisation, localisation. Elle se donne ainsi les moyens de satisfaire les exigences de sa main-d’œuvre exprimées dans le Mémorandum : 75 % des logements en maisons individuelles, isolées ou jumelées, dont un tiers à un quart en accession à la propriété, dispersées en programmes de dimensions raisonnables, de composantes variées, à proximité des équipements et en liaison aisée avec l'usine et l'agglomération. Elle supprime ainsi un des éléments de conflit avec sa main-d’œuvre dont elle facilite le recrutement et renforce la stabilité. Par l'accession à la propriété, elle se donne des garanties dans ce domaine ; le départ de l'entreprise entraînant l'obligation de remboursement immédiat des prêts complémentaires accordés. Conscients de l'intérêt présenté par cette formule, l'entreprise l'a considérablement développée après 1970 : elle a décidé d'accorder chaque année environ 250 prêts dont le montant maximum était à cette date de 23.000 Frs chacun, remboursables en 20 ans (11.500 Frs sans intérêt – 11.500 Frs avec un intérêt dégressif de 3 %). Dans ses autres usines, USINOR accordait alors des prêts beaucoup moins nombreux et d'un montant nettement moins élevé : 9.000 Frs. Bien qu'il s'agisse là d'une avance sur la contribution patronale du 1 %, l'effort financier effectué est incontestable. D'autant plus que l'entreprise, outre sa participation financière, intervient de façon plus complète : elle suscite des candidatures, informe, aide, conseille les postulants éventuels, achète et réserve dans l'aire de ramassage de son personnel des terrains susceptibles d'être rétrocédés soit aux autorités publiques pour la réalisation d'équipements, soit aux sociétés promotrices responsables de la construction de logements. Pour s'assurer de l'indispensable diversité des programmes et des constructions, USINOR a cherché à ce que les sociétés de construction soient assez nombreuses. Cette exigence fut facilement satisfaite, étant donné l'intérêt qu'offre à ces sociétés la présence d'un important potentiel de candidats ayant des ressources financières régulières et assurées, de réservations de terrains et même de facilités de trésorerie. Par ces formes nouvelles d'accession à la propriété, l'entreprise en permettant la satisfaction des besoins d'une grande partie de son personnel ouvrier, non seulement s'assure de certains avantages sur le plan humain : stabilité et état d'esprit de la main-d’œuvre en place, facilité d'embauche de nouvelles forces de travail, mais encore elle se donne plus d'indépendance vis-à-vis de l'agglomération et des municipalités qui la dirigent.

33Ces procédés ne peuvent cependant pas répondre, dans toutes les circonstances, aux besoins et aux possibilités de toutes les catégories de salariés. Malgré son désir d'équilibrer les structures par âges, d'améliorer les structures par qualifications de son effectif et de favoriser le recrutement local, le service du personnel fut contraint de recruter durant la période de forte embauche une quantité très importante de main-d’œuvre célibataire, constituée soit de jeunes, soit de personnes plus âgées et mariées qui sont venues seules à Dunkerque pour y travailler avant de décider de s'y installer avec leur famille. Pour cette main-d’œuvre l'entreprise a participé à la construction de foyers hôtels pour célibataires. USINOR comme précédemment a joué un rôle important tout en renonçant à l'appropriation exclusive ; l'entreprise a suscité une action interprofessionnelle qui a intéressé les principales entreprises industrielles dunkerquoises dont l'extension a posé des problèmes de logement, les entreprises de Travaux Publics qui œuvrèrent sur les grands chantiers industriels et portuaires et la Chambre de Commerce et d'industrie qui représentait non seulement les entreprises existantes mais encore les entreprises potentielles. Sous la direction de la Chambre Consulaire et sous le contrôle de la Préfecture du Nord et du Ministère de l'Equipement, deux sociétés spécialisées dans la construction et la gestion de foyers ouvriers se sont lancées dans la réalisation d'un programme très important. Ces sociétés (ADATRN : association d'aide aux travailleurs de la Région du Nord et la SONACOTRA) organisent le financement de la façon suivante : 50 % = Prêt du Crédit Foncier, 25 % = Prêt du Fonds d'Action Sociale, 25 % = Participation des entreprises ; elles fixent en accord avec les entreprises la localisation et le plan masse des réalisations en fonction des disponibilités foncières, des exigences de l'Agence d'Urbanisme de la Communauté Urbaine et de l'attitude des municipalités. Ces foyers hôtels regroupent en général 250 à 300 chambres individuelles (7 à 9 m2) dans deux à trois immeubles de type HLM (R + 4). Les chambres sont groupées par 10 autour d'une cuisine et d'un ensemble sanitaire. Chaque immeuble possède une ou plusieurs salles de réunion et de délassement. À l'intérieur de chaque foyer, les chambres sont attribuées en fonction de la participation patronale, mais toujours aux ouvriers de plusieurs entreprises différentes. Cette diversité est également recherchée dans les âges et éventuellement dans les origines régionales et nationales. Par ses apports en capitaux et en terrains, par son importante participation financière, par son action auprès des services responsables, USINOR est intervenue de façon décisive bien qu'à terme elle ne souhaitait pas loger dans ces conditions une part importante et croissante de son personnel, ce qui aurait signifié en effet l'échec de sa politique de recrutement et d'intégration locale et régionale.

34Enfin, l'entreprise a maintenu le système de réservation de logements de fonction pour ses cadres supérieurs, tout en cherchant à 1'atténuer en favorisant également pour cette catégorie de personnel l'accession à la propriété.

35Ainsi, à cause de l’insuffisance du marché immobilier local, USINOR a été contraint de participer activement à la résolution du problème posé par le logement d'une grande partie de son personnel. Après avoir opté pour un mode d'intervention indirecte dont les résultats furent décevants, elle a choisi d'agir d'une façon plus personnelle et mieux adaptée aux besoins de ses salariés.

36En 1972, c'est près de 43 % du personnel en place qui était concerné par l'intervention de l'entreprise dans le domaine du logement. En 1965 la proportion était sensiblement la même : 45 %. Depuis la création de l'usine, l'entreprise exerce donc une influence essentielle que ce soit en achetant ou en louant des logements de fonction, en réservant des logements dans les programmes locatifs ou des places dans les foyers hôtels pour célibataires, en aidant à l'accession à la propriété.

37Les mises à disposition de ces logements ont évolué parallèlement à la création d'emplois et à l'évolution corrélative de l'embauche, mais à un rythme plus lent et selon une courbe retardée et plus régulière. (Figure n^o 79).

38La décision et la réalisation d'une embauche s'effectuent plus rapidement que la décision et la réalisation d'un logement. Les problèmes administratifs, financiers et techniques l'expliquent en grande partie. Il faut ajouter que pour l'établissement la simultanéité des deux phénomènes, embauche et logement, n'est pas considérée comme une nécessité a priori et absolue. Le besoin ne se fait sentir qu'a posteriori dans la mesure où le rapport embauche d'origine extérieure/embauche d'origine locale est défavorable et que la réalisation de l'embauche est subordonnée à la proposition d'un logement. Il s'en suit un décalage chronologique entre les deux courbes, particulièrement sensible en période de forte embauche.

39L'importance relative des différents types de logements, définis selon la nature de l'intervention de l'entreprise, a évolué durant la période étudiée en relation avec les difficultés éprouvées pour résoudre le problème et avec les modifications de la politique patronale et de l'attitude ouvrière à cet égard. En 1972, les logements se répartissaient ainsi : 4,8 % de logements de fonction, 66,4 % de logements réservés dans les programmes locatifs et les foyers hôtels, 30,8 % de logements aidés en accession à la propriété.

40La contribution patronale réglementaire (1 %) et exceptionnelle donne à 1'entreprise un droit de réservation de logements dans certains programmes HLM de l'agglomération. Au fur et à mesure de leur livraison, les appartements sont confiés au service logement de l'établissement qui se charge de leur répartition. Leur nombre augmente selon les possibilités des offices de construction déterminées par les enveloppes d'attribution des pouvoirs publics : il était de 468 en 1965 et de 1067 en 1972 (Cf. Tableau n^o 121). En outre la société gère, sous le régime de la location, le parc des maisons individuelles de la SCIC aux Nouvelles Synthes. En dehors de toutes les questions de procédure qui ne se règlent que très lentement et dans un souci d'apaisement, USINOR reçoit de ses salariés le loyer simple basé sur la réglementation HLM, paie au promoteur le complément de la location-vente et se rend propriétaire de l'ensemble en 30 ans. Le nombre des maisons concernées s'élevait à 766 en 1972 ; il n'augmentera pas car, en dehors de cette contrainte qu'elle s'est imposée, l'entreprise persiste dans son attitude de refus de la propriété. Par contre, elle a cherché à accroître son potentiel de chambres pour célibataires. Outre les chambres qu'elle gérait dans des immeubles collectifs normaux de l'agglomération, au nombre de 200 en 1972, USINOR prévoyait de s'en réserver près d'un millier durant la période de croissance accélérée. L'importance absolue et relative de ce genre de logement devait ensuite décroître avec la stabilisation de l'effectif et de son vieillissement naturel.

41Par contre, le nombre des maisons individuelles acquises en propriété avec 1'aide de 1'entreprise devrait continuer à augmenter à un rythme rapide. Au fur et à mesure que s'estompaient les effets de l'échec du programme des Nouvelles Synthes et comme l'exprimait nettement le Mémorandum sur le logement, la volonté d'acquérir une maison individuelle dont on a choisi la plupart des caractéristiques n'a pas cessé de se renforcer. Cette tendance fut accentuée par la politique de l'entreprise et les modalités de son action, financières ou publicitaires. Argument de déplacement de la main-d’œuvre de ses anciennes usines ou de recrutement de main-d’œuvre âgée ou formée provenant de l'extérieur, cette formule est également celle qui intéresse le plus la main-d’œuvre en place, dès qu'elle atteint un certain âge, qu'elle se crée une famille comprenant plusieurs enfants, qu'elle s'est assurée de son adaptation professionnelle. De la création de l'usine au début de 1972, la Société a accordé à son personnel 968 prêts directs et 124 par l'intermédiaire du CIL. En 1972, elle se proposait pour la période de forte embauche d'octroyer annuellement 250 prêts nouveaux.

42La politique d'accession à la propriété devait connaître un incontestable succès, en particulier auprès du personnel qui par sa stabilité manifestait son accord implicite avec les conditions offertes par 1'usine et par le milieu. Une enquête réalisée par le service du personnel à la fin de l'année 1971 et portant sur près de 1000 accessionnaires, révélait l'importance particulière des personnels âgés de 25 à 35 ans, ayant 2 ou 3 enfants, appartenant aux catégories ouvriers et maîtrise et possédant une ancienneté supérieure à 5 ans. Pour ces personnels, une relation étroite est évidente entre taux élevé d'accession à la propriété et faible taux de mobilité : elle est à la fois le fait de l'individu et naturellement de l'entreprise qui subordonne l'octroi et la permanence du prêt complémentaire à la présence dans l'établissement.

43De façon permanente, directement ou indirectement, l'entreprise intervient dans le logement d'une grande partie de son personnel. Ce faisant, elle influence sa répartition géographique.

44Dix ans après la création de l'établissement, la répartition des logements pour lesquels l'entreprise est intervenue, sous une forme ou sous une autre, se caractérisait par une forte concentration. Les deux communes de Grande et de Petite Synthe, et particulièrement le grand ensemble des Nouvelles Synthes, rassemblaient 67 % de ces logements. Le reste se répartissait dans un grand nombre de communes, rassemblées dans l'agglomération (21 %) ou dispersées dans l'ensemble de la zone de ramassage (12 %). Cette répartition particulière s'explique par l'importance relative des différents types de logements et le comportement spatial qui est propre à chacun d'eux. Les logements locatifs dans la gestion desquels intervient le service du logement de l'établissement sont essentiellement localisés dans le programme des Nouvelles Synthes. Maisons individuelles de la SCIC, appartements et chambres pour célibataires en collectifs HLM, dont la destination était surtout le personnel USINOR, ont été implantés près de l'établissement pour répondre à ce qui fut alors considérée comme une nécessité impérative de l'activité sidérurgique et comme une forte exigence de la main-d'oeuvre : la proximité habitat-travail. Par contre les logements de fonction, principalement réservés aux cadres, sont localisés dans la partie centrale de l'agglomération, la mieux équipée, ou sa partie occidentale la plus éloignée, mais aussi la plus résidentielle. En ce qui concerne les logements en accession à la propriété, la répartition est beaucoup moins concentrée (voir Fig. n^o 81) : 35 % à Grande et Petite Synthe, 38 % dans les autres communes de l'agglomération, 27 % dans le reste de la zone de ramassage. Malgré cette plus grande dispersion générale, le poids relatif des communes limitrophes reste important ; cela tient à l'attitude des promoteurs des premiers programmes d'accession à la propriété qui, pour des raisons de sécurité, ont joué la carte d'une relative proximité de l'établissement.

45Les orientations définies dans le Mémorandum, reflet des vœux de l'entreprise et des souhaits des salariés, devaient les années suivantes modifier cette répartition. En 1972, les demandes de prêts complémentaires pour l'accession à la propriété concernaient pour 12 % seulement les communes de Grande et de Petite Synthe pour 28 % les autres communes de l'agglomération, pour 60 % le reste de la zone de ramassage. La saturation de l'espace à proximité de l'établissement sidérurgique par extension soit de l'habitat soit des zones d'activité portuaire et industrielle, la politique foncière de l'entreprise, l'attitude des promoteurs qui au lieu de lancer de vastes programmes à proximité de l'établissement préférèrent les multiplier en les implantant près des centres de services, même modestes, tous ces facteurs ont contribué à accentuer la dispersion et la diffusion dans un espace plus large d'une quantité croissante de logements. Dans une moindre mesure, il en fut de même pour les immeubles locatifs de type HLM,-la fin du programme des Nouvelles Synthes, la densification progressive de l'habitat dans l'agglomération, les options prises par le Livre Blanc et le SDAU devaient accentuer cette déconcentration des logements réservés aux salariés de l'établissement. En ce qui concerne les foyers hôtels pour célibataires destinés aux salariés des grandes usines dunkerquoises, leur localisation s'est effectuée non seulement en fonction des désirs des entreprises mais également de l'attitude des municipalités. L'intérêt des salariés et celui des entreprises étaient en faveur d'une localisation à l'intérieur de l'agglomération ; la dispersion périphérique ou excentrique des réalisations et des projets montre que l'intérêt du monde du travail n'est pas toujours celui des autorités municipales. En 1972, deux foyers hôtels étaient en exploitation à Petite Synthe et à Téteghem, trois étaient en construction à Saint Pol, Rosendael et Petite Synthe, trois en projet à Condekerque-Branche, Loon-Plage et Gravelines.

46De nombreux facteurs, variés et même parfois contradictoires, ont convergé pour renforcer la dispersion des logements réservés à ses salariés, une dissémination voulue et favorisée par la direction de 1'établissement.

47Les insuffisances du marché immobilier dans l'agglomération dunkerquoise et son aire d'influence, les difficultés rencontrées pour y répondre ont contraint l'entreprise à intervenir d'une façon active pour résoudre le problème du logement de ses salariés. L'importance et les modalités de cette intervention sont telles que l'entreprise détermine de façon directe et indirecte la résidence d'une grande partie de son personnel. Ce faisant, elle joue un rôle essentiel dans l'extension et l'organisation de l'espace concerné que ce soit au niveau urbain ou au niveau rural, sur le plan local ou régional.

2°- Une intervention limitée voire inexistante : GAND et BREME

48Si à Ijmuiden et Dunkerque, les déséquilibres et les discordances entre croissance industrielle et croissance urbaine ont conduit les entreprises à une action en matière de logements sociaux, directe et importante et par voie de conséquence spécifique et orientée dans le sens de leur intérêt propre, à GAND et à BREME les conditions locales ont permis aux sociétés SIDMAR et KLÖCKNER de mettre en application le principe, alors nouveau dans l'industrie sidérurgique européenne, de refus des formes les plus apparentes du paternalisme traditionnel.

49Une attitude s'affirme qui cherche à faire correspondre au modernisme de l'usine dans ses aspects techniques et économiques une nouveauté dans ses aspects sociaux et dans les comportements humains qu'elle détermine. L'entreprise ne doit intervenir que dans les domaines relevant directement de la production industrielle ; ses responsabilités sociales s'expriment à l'intérieur de l'établissement et se limitent aux conditions de travail, de rémunération et éventuellement de formation. Hors de l'espace du travail, les responsabilités sociales doivent être assumées par les collectivités publiques dont dépend le salarié, la commune et la province, et par le salarié lui-même. Cette volonté de désengagement commune à toutes les entreprises n'a pu être concrétisée de façon évidente et rigoureuse que là où l'établissement industriel par sa taille et son rythme de croissance a pu s'intégrer à l'organisme urbain et à son environnement proches sans créer de perturbations majeures dans le marché immobilier, c'est-à-dire là où l'agglomération urbaine principale dépassait 300.000 habitants et s'entourait à proche distance de plusieurs villes, petites et moyennes, dont l'ensemble comptait plus de 500.000 habitants.

50À Gand, s'ajoute comme facteur d'explication la position de force acquise et maintenue par l'établissement sur le plan local et régional : les conceptions de la direction de l'entreprise SIDMAR ont pu s'imposer à la collectivité et aux individus intéressés parce que l'usine a été chargée d'une signification psychologique, sociologique, voire politique. Elle fut l'incarnation de la sidérurgie gantoise et flamande, créatrice d'emplois et de richesses, élément de prestige et de puissance. L'entreprise est cependant intervenue, mais de façon indirecte et limitée, en s'associant à une réalisation collective regroupant les participations financières des collectivités publiques : Etat, Province, Commune et celles des représentants de l'activité économique : entreprise et CECA.

51L'étude prospective des influences de l'implantation d'un centre sidérurgique dans la région gantoise, menée par une Commission de spécialistes à la requête de la CECA et du Conseil Economique de Flandre Orientale avait conclu en l'impérative nécessité de construire un nombre important de logements ouvriers dans la zone du Canal de Gand-Terneuzen5. Il semblait en effet que pour répondre aux besoins de la nouvelle usine sidérurgique, les ressources du marché du travail local seraient insuffisantes et rendraient nécessaire le recours à une main-d'oeuvre éloignée de l'établissement. Du fait des distances envisagées et d'une organisation inadéquate des réseaux de voies de communication et des services de transport, le déplacement quotidien d'une quantité importante de main-d'oeuvre apparaissait difficilement envisageable et la migration définitive indispensable. On évalua ainsi à 2.000 le nombre de logements sociaux réservés à SIDMAR à implanter de 1965 à 1970, sur un ou deux sites, à proximité de l'usine. Mais, malgré l'importance de ces besoins présumés, aucune action d'envergure ne fut lancée avant ou pendant les travaux de construction de l'usine que ce soit du fait de l'entreprise, des autorités publiques ou des sociétés privées de construction. Si dans le domaine économique, les administrations nationales, provinciales et locales surent prendre les mesures adéquates pour résoudre rapidement et efficacement tous les problèmes qu'entraîne un investissement industriel de cette nature et de cette taille, dans le domaine social, et en particulier dans le domaine du logement, elles s'en tinrent aux modalités définies par la législation et la réglementation courantes. Au moment de la construction du centre sidérurgique, aucune mesure spéciale ne fut envisagée ni prise pour financer et réaliser en un temps très court les logements sociaux nécessaires. Ces habitations devaient être construites par l'intermédiaire de la Société Nationale du Logement, organisme public à financement d'Etat chargé en Belgique de la construction des logements sociaux à usage locatif. La difficile adéquation des exigences pratiques des salariés de la sidérurgie dans la région gantoise et des réglementations théoriques, l'insuffisance des moyens financiers de la Société Nationale du Logement furent cause de difficultés et de retards. Le crédit de 150.000.000 FB accordé par la Haute Autorité de la CECA, dans le cadre de ses programmes de développement et de conversion, pour financer plus de la moitié du coût d'un programme de 500 logements sociaux, joua un rôle important, autant psychologique que financier. Cette intervention extérieure permit de concrétiser en partie les projets initiaux. Elle détermina la promulgation d'un arrêté royal nuançant les conditions d'attribution des logements sociaux (arrêté du 3-7-1967) et elle incita SIDMAR et la Société Nationale du Logement à compléter le financement du programme de la Commission Européenne.

52Ce programme fut réalisé par la Société Nationale du Logement et livré durant les années 1968-1970, en deux opérations distinctes, implantées dans les communes les plus proches de l'établissement. A Zelzate, la réalisation est constituée d'un immeuble de 8 étages offrant 64 appartements et d'un groupe de 86 maisons. A Wachtebeke, accolées en petits groupes et disposées de façon régulière mais aérée, 350 maisons forment une grande cité située à la bordure, un peu à l'écart, de la bourgade ancienne.

53Dès la fin des constructions, il apparut que le programme n'aurait qu'un faible succès auprès des salariés de l'entreprise. Nécessaire, mais non réalisé au moment de la grande embauche, il se révéla d'un intérêt tout à fait minime quand la croissance de l'usine se stabilisa à un rythme modéré. Les ouvriers, recrutés en grande partie dans le bassin de main-d'oeuvre, préfèrent dans leur majorité garder leur logement ou chercher à en acquérir un dans leur lieu de résidence traditionnel, plutôt que de venir s'installer à proximité de l'usine. Aux ouvriers de la région gantoise, l'inconvénient des migrations quotidiennes semble préférable aux inconvénients de la vie en cité ouvrière, auxquels l'histoire économique des Flandres ne les a pas habitués. Les salariés préférèrent résoudre le problème de leur logement de façon individuelle, en séparant autant que faire se peut l'habitat du travail. Aussi, malgré la modestie de la réalisation par rapport aux besoins présumés, des logements réservés restèrent longtemps disponibles.

54L'existence d'un potentiel de logements sert cependant et les salariés et l'entreprise : les salariés, parce qu'il existe une pression même légère sur le prix des loyers dans la région ou du moins dans la zone du Canal ; l'entreprise, parce qu'il sert d'argument et d'atout pour faciliter le recrutement de son personnel. Quand elle éprouve quelques difficultés à trouver sur place certaines catégories d'ouvriers, elle peut lier à l'offre d'emploi une offre de logement, ce qui est souvent essentiel même si le logement offert ne doit servir à la personne recrutée que durant un court laps de temps.

55L'échec relatif de ce programme où d'ailleurs elle n'est intervenue que de façon indirecte, fut considéré par l'entreprise comme une preuve du bien-fondé et de la valeur de sa politique générale. En fait, il montre surtout la réussite de sa politique de recrutement qui tient autant aux caractères particuliers de ce qui devint peu à peu son bassin de main-d'oeuvre qu'à la rapide appréciation de cette originalité par les responsables de son service du personnel. La possibilité de recruter dans une aire géographiquement restreinte mais diffuse un personnel homogène dont l'entreprise ne modifie en dehors du travail que fort peu le comportement, est un facteur essentiel de réussite de l'insertion sociale de l'établissement dans son milieu géographique. Réussir mieux, en offrant indirectement une possibilité de logement à moins de 15 % de son personnel, que certaines entreprises qui interviennent plus directement pour plus de 50 % de leur personnel tient autant au milieu géographique qu'aux caractères de l'activité économique et à la politique de l'entreprise.

56À Brême, l'entreprise sidérurgique s'est détachée de la question logement contrairement à ce que fut sa politique dans ses anciennes usines de l'intérieur ; cette attitude s'explique par la concordance heureuse dans l'espace et dans le temps d'une conception théorique en matière de politique sociale et d'une situation concrète en matière de logements sociaux et d'équipements collectifs.

57En 1955, alors que s'effectue progressivement la mise en marche de l'usine, la ville de Brême connaît dans le secteur de la construction de logements une activité exceptionnelle : elle est alors le plus vaste et le plus dynamique chantier de construction de logements de la République fédérale d'Allemagne. Le Sénat de la Ville Hanséatique de Brême qui représente aussi bien le gouvernement du Land que la municipalité, assume la responsabilité et la direction de la reconstruction et du développement d'un port dont le potentiel a été anéanti à près de 85 % et d'une ville dont 59 % des logements ont été détruits par les bombardements de 1944-1945. L'ampleur de la tâche était telle que des mesures furent prises sur les plans techniques, économiques et financiers : une loi spéciale6 réglementant un système d'amortissements, de prêts à intérêt et de cautionnements fut votée par le Land. Elle atténua les obstacles juridiques et financiers, permit la conception de très vastes projets, la création de puissantes sociétés de construction, la réalisation d'ensembles urbains variés, vastes et cohérents. Les logements furent livrés à un rythme dépassant parfois 10.000 par an, soit dans les anciens quartiers reconstruits et remodelés, soit dans des nouveaux faubourgs prenant les dimensions de véritables villes nouvelles comme les cités-jardins de Vahr, d'Hüchting ou de Neustad. Il fut livré à Brême : 33.629 logements de 1950 à 1954, 43.595 de 1955 à 1959, 33.596 de 1960 à 1964, 30.225 de 1965 à 19697. Assumé à un tel niveau, le problème du logement ne concerne plus l'entreprise et l'établissement qui peuvent s'en désintéresser. Chaque salarié fixe individuellement sa résidence, en fonction de ses possibilités et de ses exigences personnelles, profitant des disponibilités variées offertes par une agglomération comptant en 1970 607.200 habitants et par une région proche où se rassemblent plus d'un million de personnes.

58Dans le cas de l'usine allemande et de l'usine belge, le logement n'est pas un facteur agissant directement sur le recrutement et le comportement de la main-d'oeuvre ni dans un sens positif ni dans un sens négatif. Indirectement cependant, cette non-intervention exerce une influence importante sur la répartition spatiale de la maind'oeuvre et par là même sur sa mentalité et sa stabilité. À Brême les salariés dans leur majorité résident dans la ville ou ses annexes proches où l'offre en logements est satisfaisante. Ils ont un état d'esprit et un mode de vie urbain, leur attachement à l'établissement sidérurgique est d'autant plus faible que d'autres secteurs d'activite ou d'autres branches industrielles sont susceptibles d'offrir des emplois aussi facilement accessibles et présentant des conditions de travail moins contraignantes. A Gand, les salariés ont dans leur majorité une résidence semi-rurale car c'est le semis de petites villes flamandes qui offre le potentiel de logements le plus riche. Les contraintes sur l'homme sont moins sensibles lorsque celui-ci a un mode de vie qui se définit dans un cadre semi-campagnard, elles sont d'autant moins ressenties que l'emploi sidérurgique n'est pas concurrencé par d'autres plus satisfaisants ou plus accessibles, surtout lorsqu'un système de transports spécifique a été instauré. Dans cette optique, l'organisation d'un tel système est un facteur aussi déterminant dans l'influence spatiale de l'activité industrielle que l'intervention dans le domaine du logement.

II- LES SYSTEMES DE TRANSPORT

59Seule parmi les centres sidérurgiques étudiés, l'usine KLÖCKNER de Brême n'est pas à l'origine de la création d'un système particulier de transports des salariés. Cette originalité s'explique par la politique de désengagement propre à l'entreprise et par les conditions locales qui en ont rendu possible l'application. Ces aspects favorables tiennent à la position centrale de l'usine au sein de l'ensemble urbain formé par l'agglomération et les petites villes proches qui en sont les satellites, à son faible éloignement relatif par rapport aux principaux programmes immobiliers du Land de Brême et sa situation exceptionnelle au sein d'un réseau de transports publics. Comme terminus d'une importante ligne de transport intra-urbain en relation par des correspondances multiples avec la plupart des différents quartiers de la ville et comme station sur les lignes ferroviaires exploitées par la Bundesbahn reliant la gare centrale de Brême aux principales communes de la partie Nord de l'agglomération et par Osterholz-Scharmbeck à l'avant-port Bremerhaven (Cf. Figure n^o 82), l'établissement est accessible aux salariés qui pour différentes raisons n'utilisent pas un moyen de transport individuel. Malgré les difficultés qu'elle a rencontrées pour assurer le seul renouvellement de son effectif, l'enteprise s'en est tenue au libre jeu des forces agissant sur le marché de l'emploi local et régional, elle a préféré avoir recours à la main-d'oeuvre étrangère sur laquelle les moyens de pression sont plus nombreux et plus efficaces que la création d'un réseau de transport particulier sur une main-d'oeuvre allemande potentielle habitant dans un espace rural relativement éloigné.

60L'intervention directe dans le transport des salariés s'est imposée aux autres entreprises comme moyen nécessaire et condition indispensable d'exécution de leur politique de recrutement et de logement du personnel. Cette prise en charge a été en outre déterminée par les incompatibilités existant entre les besoins spécifiques des établissements sidérurgiques et les possibilités offertes par les services de transports publics, quels que soient leurs statuts : sociétés nationales de chemin de fer, sociétés municipales, sociétés en régie etc. L'incompatibilité est généralement insurmontable car elle repose sur des discordances multiples. La discordance est dans la plupart des cas spatiale : les lignes de transports publics, dans leurs points de départ et d'arrivée et dans leurs tracés, répondent à des objectifs souvent très différents. Ces réseaux sont à la fois reflet et moyen de l'organisation intérieure et de l'influence extérieure de la ville ; ils ont été établis en relation avec les fonctions urbaines dominantes, fonctions administratives et commerciales, voire culturelles et hospitalières, et avec leur localisation dans l’espace urbain, localisation souvent unique et centrale, très rarement multiple et diffuse. L'aire de résidence de la main-d'oeuvre sidérurgique peut être très distincte, par son extension et sa disposition, de l'aire d'influence urbaine : son pôle c'est-à-dire l'établissement lui-même est toujours nettement séparé, très éloigné parfois du centre ville, plus de quinze kilomètres par exemple dans le cas de l'usine SIDMARGAND. La discordance est toujours fonctionnelle : les horaires de travail de la main-d'oeuvre sidérurgique ne correspondent pas aux horaires de l'activité urbaine en général ; les salariés travaillant en horaires de jour sont peu nombreux par rapport à ceux qui travaillent selon le système de postes ou celui des feux continus et par nature ces salariés sont ceux qui ont le moins recours aux transports collectifs (Cf. § Le travail sidérurgique - les horaires de travail). Les horaires du travail posté sont tels qu'ils ne peuvent être intégrés dans l'organisation d'une ligne régulière de transports publics que dans certains cas exceptionnels et dans des conditions de rentabilité douteuse pour le transporteur. La discordance est souvent d'ordre administratif : les réseaux de transport public intra-urbains ou péri-urbains sont dans leurs principales caractéristiques des compromis entre des exigences de service public et des exigences de rentabilité ou d'équilibre budgétaire discutés par les municipalités et les entreprises assumant le service de transport ; ces compromis établis en fonction de législation et de réglementation confuses sont d'une très grande rigidité que même les bouleversements urbains entraînés par la croissance industrielle parviennent difficilement à modifier. À Dunkerque par exemple, la concession accordée à la société responsable8 des transports publics a longtemps concerné un périmètre dit périmètre d'agglomération qui n'englobait ni l'usine sidérurgique, ni les Nouvelles Synthes où résidait une part notable des salariés d'USINOR ; il était en outre interdit aux sociétés desservant les extensions ouest de l'agglomération dunkerquoise d'établir des relations satisfaisantes avec l'ensemble du périmètre d'agglomération. Les incohérences qui résultèrent de cette situation empêchèrent toute possibilité d'utilisation acceptable des différents réseaux par les salariés de la sidérurgie9.

61L'intervention directe de l'entreprise est d'autant plus importante que les discordances sont marquées. A Dunkerque, USINOR a passé des contrats avec des sociétés privées de transport par autocar pour ses lignes de ramassage établies à l'intérieur ou à l'extérieur de l'agglomération. Ce n'est que très tardivement, dix ans après la création de l'usine, qu'un accord fut passé avec la SNCF pour la mise en place d'un service particulier d'autorail direct entre le bassin houiller (Bruay, Béthune, Lens) et l'usine sidérurgique du littoral. Ce service particulier qui permit d'intégrer l'ouest du bassin houiller dans la zone de recrutement et dans la zone de résidence de la main-d'oeuvre sidérurgique, devait cesser en 1974, trois ans après sa création. L'absence de relations ferroviaires de type banlieue entre Dunkerque et les bourgs voisins ou les villes comme Calais et Saint-Omer, l'éloignement entre la gare principale et l'usine avaient jusqu'en 1975 empêché toute utilisation de ce moyen de transport. L'organisation d'une desserte ferroviaire cadencée entre Dunkerque et Calais, grâce à une subvention de la DATAR dans le cadre de l'aménagement de la région littorale, ne devait pas connaître un succès convaincant. Il fallut très rapidement diminuer le rythme de rotation du "Métrodunes" dont l'utilisation est restée très en-deça de toutes les prévisions. Les liens entre Dunkerque et Calais sont demeurés très ténus à l'exception du mouvement de main-d'oeuvre industrielle et, dans ce domaine, le transport ferroviaire tardivement implanté a présenté une trop grande rigidité par rapport aux exigences de l'industrie et aux conditions du milieu. A Ijmuiden, la KNHS a passé des contrats avec des sociétés privées pour le ramassage de ses salariés hors de l'agglomération (Cf. Figure n^o 83) ; à l'intérieur de celle-ci, c'est la société responsable des transports urbains qui a organisé ses lignes et ses services en fonction des extensions urbaines et des horaires de l'industrie sidérurgique. Le poids de l'usine et sa situation dans l'agglomération sont tels que les exigences de l'entreprise ont pu être satisfaites. Il en est de même, mais dans une moindre mesure, à Gand où SIDMAR est parvenue à obtenir une modification du tracé et des horaires de certaines lignes qu'exploitaient des sociétés de transports publics entre Gand et les villes proches telles que Saint Nicolas, Lokeren et Eeklo. En dehors de ces relations traditionnelles, le service de ramassage est assuré par des sociétés de transport privées avec lesquelles l'entreprise a passé des contrats.

62L'utilisation du service de transport proposé par les entreprises est très différente en intensité selon la répartition spatiale des résidences, la difficulté d'accès par les moyens de transport individuel et de transport collectif. Les taux moyens d'utilisation étaient en 1971 de 23 % de l'effectif total pour SIDMAR, de 25 % pour la KNHS et de 57 % pour USINOR. L'utilisation intensive est surtout le fait du personnel ouvrier, du personnel en résidence éloignée, du personnel travaillant en feux continus. En 1972, le taux d'utilisation était de 26 % pour l'ensemble du personnel de la KNHS, il était supérieur à 60 % pour le personnel résidant en dehors de l'agglomération ; ces proportions représentaient alors plus de 6.000 personnes (Figure n^o 83). Pour USINOR, le taux qui était de 30 % pour les salariés habitant la commune de Grande Synthe, était proche de 100 % pour les salariés résidant aux extrêmes limites de la zone de ramassage. Le taux d'utilisation varie en fonction de l'évolution des conditions d'accessibilité à l'usine et de l'extension des aires de recrutement et de résidence, il tend à croître, aux dépens des moyens de transport individuel, bicyclettes, vélomoteurs, motos qui régressent également en faveur de l'automobile pouvant être utilisée de façon collective (Figure n^o 84).

63Cette augmentation du taux d'utilisation correspond à une transformation progressive des réseaux de ramassage. L'exemple de SIDMARGAND est significatif à cet égard (Figure n^o 85) : les premières lignes ont été établies dans une zone située entre l'agglomération gantoise et la frontière néerlandaise, de part et d'autre du canal Gand-Terneuzen, à l'écart des influences directes et traditionnelles de Gand, Anvers, Bruxelles et dans une moindre mesure de Bruges. D'année en année, les lignes ont été multipliées, allongées et modifiées dans leur tracé pour réaliser un drainage de plus en plus intense et rigoureux en fonction de l'accroissement des besoins en personnel. Il en a été de même pour les autres usines (Figure n^o 87) Evitant les espaces dominés par les grands centres urbains, comme Amsterdam et Haarlem, le réseau de la KNHS s'est épanoui dans toutes la partie septentrionale de la province de Noord-Holland, ne laissant à l'écart aucune ville et aucun village qui deviennent têtes de lignes dès que le nombre de salariés assure la rentabilité d'une ligne nouvelle. Le réseau USINOR a connu les mêmes transformations : ménageant les zones de résidence et de recrutement des établissements industriels anciennement implantés qui s'organisaient principalement à l'est et au sud de l'agglomération et où les lignes USINOR ont été diminuées en nombre et raccourcies en extension, il a été particulièrement développé à l'ouest et au sud-ouest où la plupart des centres sont touchés par une ou plusieurs lignes en fonction des horaires de travail (Figure n^o 86).

64Les plus grandes longueurs de lignes dépassent 40 kilomètres pour SIDMAR et USINOR, 70 kilomètres pour la KNHS10. La durée du voyage sur de telles distances peut dépasser une heure, voire approcher une heure trente (Tableau n^o 122). Ajouté à ce temps, celui requis pour se rendre du logement au point d'arrêt de l'autocar, ou celui programmé entre l'heure d'arrivée à l'usine et l'heure du poste, la durée qui s'écoule entre le départ de l'habitation et le commencement du travail peut être supérieure à deux heures, dans certains cas à deux heures trente. Des salariés ont ainsi une journée de travail longue de plus de douze heures, parfois de plus de treize.

65Des inconvénients apparaissent qui s'expriment principalement en termes de fatigue pour les salariés et en termes de coût pour l'entreprise. En outre, les comportements se modifient : jusqu'à une certaine distance, l'éloignement et la dispersion sont considérés comme bénéfiques pour le salarié dont le mode de vie est moins marqué par l'activité industrielle et par l'entreprise qui trouve ainsi une main-d'oeuvre qui a moins tendance à pratiquer l'amalgame de ses mécontentements, qui est moins sensible aux mots d'ordre revendicatifs et qui est par la force des choses moins mobilisable par les organisations syndicales et les partis et mouvements politiques. Au delà de cette distance, les fatigues supplémentaires sont telles qu'un renversement s'opère dans l'appréciation des personnes sujettes au déplacement, considéré de plus en plus comme une épreuve supplémentaire justifiant une rémunération complémentaire ou un abaissement de la durée du travail. Ces nouvelles revendications qui peu à peu s'expriment avec davantage de force, si elles sont en tout ou partie satisfaites, contribuent à rapprocher les points extrêmes du réseau d'abord éloignés au maximum permis par l'intérêt économique, calculé en tenant compte du coût du transport et aussi de la productivité de la main-d'oeuvre qui tend à diminer avec l'augmentation de sa fatigabilité et la détérioration de ses comportements.

66Peu à peu une limite s'impose, résultat d'un équilibre où interviennent les caractères de l'infrastructure, les conditions pratiques du transport, les mentalités qui peuvent varier dans le temps et d'une région à l'autre.

67Repoussée dans les périodes où les besoins en main-d'oeuvre sont considérables et où les ressources proches s'avèrent insuffisantes, la limite tend à se rapprocher dans les périodes où ces besoins s'affaiblissent. C'est pendant une période d'intense développement que fut mis en place le service d'autorail direct qui permit d'étendre le réseau de transport d'USINOR-DUNKERQUE à des distances supérieures à 75 kilomètres. Son remplacement par un service d'autocars correspondit à un fléchissement de la demande et à une diminution de l'utilisation. Une détérioration du marché du travail dans les zones périphériques facilite 1'extension, tout comme une amélioration sensible des infrastructures de circulation. À Dunkerque par exemple, la création d'une autoroute ou d'une voie rapide entre le littoral et le bassin houiller permettrait de renforcer, si le besoin s'en faisait sentir, l'emprise du centre sidérurgique sur une zone très éloignée.

III- EXTENSION ET ORGANISATION DES AIRES DE RESIDENCE

68L'aire de résidence de la main-d'oeuvre d'un établissement sidérurgique est déterminée dans ses caractéristiques principales par l'attitude de l'entreprise concernant le recrutement, le logement et le transport des salariés ; cette attitude, élément fondamental de la politique d'insertion régionale, étant elle-même établie sous la forme d'un compromis entre les aptitudes du milieu environnant et les exigences quantitatives et qualitatives de 1'entreprise en matière de productivité de la main-d'oeuvre.

69S'en remettant au libre jeu des forces agissant sur le marché de l'emploi et le marché du travail local et régional, du moins en ce qui concerne les aspects spatiaux sinon sectoriels de sa main-d'oeuvre, l'entreprise KLÔCKNER a laissé à Brême se constituer spontanément l'aire de résidence de ses salariés. Celle-ci apparaît sans originalité par rapport à celle que s'est constitué l'ensemble économique brêmois et à l'intérieur de celui-ci, les différents établissements qui constituent le pôle industriel de la zone portuaire. Cette aire de résidence se caractérise avant tout par sa concentration, pour l'essentiel au niveau même de l'agglomération de Brême où se rassemble 79,8 % du personnel et pour le reste au niveau d'un nombre restreint d'unités urbaines qui regroupent un nombre important de salariés (Figure n^o 82) • L'absence de dispersion et de diffusion en milieu rural n'exclue pas un certain éloignement de la main-d'oeuvre, puisqu'en 1970, 47,7 % des salariés habitent à plus de 10 kilomètres de l'usine dont 5,4 % à plus de 30 kilomètres (Tableau n^o 123). Cette situation s'explique par l'exceptionnel allongement, sur près de 40 kilomètres, du tissu urbain de l'agglomération brêmoise et par l'utilisation de la voie ferrée comme moyen de transport, ce qui permet des résidences plus lointaines, mais impose leur rassemblement auprès des points d'arrêts des trains, c'est-à-dire auprès des gares des villes les plus importantes.

70Les aires de résidence des autres usines offrent des caractéristiques très différentes qu'expriment clairement et leur cartographie et les tableaux représentant l'éloignement, la concentration ou la dispersion au niveau communal (Tableau n^o 124).

71Les faits essentiels résident dans la multiplicité et la dispersion des centres de résidence qui atteignent leur maximum dans le cas d'USINOR-DUNKERQUE : 230 communes concernées en 1972 ! (Figure n^o 88). La répartition de la main-d'oeuvre dans ces centres révèle cependant certaines formes de concentration, différentes selon les établissements. Le poids des grosses communes de résidence, surtout de celles qui composent l'agglomération où l'unité sidérurgique est implantée, est très sensible dans le cas de l'usine néerlandaise, beaucoup plus faible dans le cas de l'usine belge qui bénéficie de la distribution la plus équilibrée. Si l'usine française est à cet égard en situation intermédiaire, elle s'individualise alors par l'importance relative des résidences éloignées qui ne cesse de se renforcer avec l'augmentation du recours à la main-d'oeuvre de zones en difficulté économique qui restent cependant des zones d'habitat comme le Calaisis et l'ouest du bassin houiller dont on essaie même de renforcer la fonction résidentielle11.

72La communauté des caractères principaux s'explique par la ressemblance des situations générales et la similitude des politiques d'entreprise en matière d'insertion régionale. Toutes ces usines sont localisées dans des zones à forte densité où les unités de peuplement de taille moyenne, gros villages, bourgs et petites villes, sont relativement nombreuses mais réparties dans un espace réel autour de l'usine toujours limité (par rapport à l'espace théorique qui se développe sur 360° autour d'un point) par des contraintes naturelles comme le littoral ou des contraintes administratives comme les frontières nationales. Cette restriction de l'espace entraîne une extension considérable des aires de résidence lorsque la politique de recrutement des entreprises favorise autant que faire se peut l'embauche d'une main-d'oeuvre locale et régionale qui conserve sa résidence traditionnelle et lorsque la politique du logement de ces entreprises favorise de plus en plus la dispersion et l'éloignement des logements réservés à leurs salariés.

73L'originalité des caractères secondaires s'explique par la particularité des milieux géographiques et l'ancienneté des établissements sidérurgiques. En ce qui concerne l'usine néerlandaise, la plus ancienne, les tendances à l'extension et à la diffusion ne sont apparues que tardivement dans son histoire et ne se sont renforcées qu'après 1960 (Figure n^o 91). Auparavant, la résidence des salariés était très concentrée à proximité de l'usine, dans des communes dont on saturait progressivement les capacités d'accueil (Cf. § Influence urbaine). Pour l'usine française, la concentration originelle fut moins forte mais ses méfaits furent plus rapidement ressentis et ce fut très tôt dans l'évolution que se manifestèrent et s'accentuèrent les tendances à l'éloignement et à la dispersion. Si en chiffres absolus, le nombre des salariés d'USINOR-DUNKERQUE habitant l'agglomération va en augmentant : 1966 : 3048 - 1969 : 3711 - 1970 : 4084 - 1971 : 4404, les valeurs relatives qu'il représente diminuent rapidement ; respectivement : 77,1 %, 65,9 %, 62,9 %, 61,5 % et 57,3 %. En 1975 le nombre était de 5152, il représentait 48,7 % de l'effectif. Pour SIDMAR-GAND, usine la plus récente, la dispersion est fondamentale dès la création de l'établissement ; le phénomène s'affirme avec le développement de l'unité de production dont les exigences sont satisfaites par un recrutement mené de façon approfondie et systématique, communes après communes, en fonction de leur éloignement croissant.

74Pour atténuer les effets du phénomène de domination sociale et ainsi faciliter sur le plan humain l'intégration de l'établissement dans la région, les entreprises par leur politique de recrutement, de transport et de logement cherchent à diffuser au mieux l'influence de l'établissement dans une aire spatiale aussi étendue que possible.

CONCLUSION : BASSIN DE MAIN-D'OEUVRE ET ZONE DE DOMINATION

75Les aspects sectoriels de la main-d'oeuvre sidérurgique, structures et comportements, dépendent à la fois des exigences de l'activité industrielle exprimées au niveau de l'établissement et des réponses spécifiques des milieux géographiques à ces demandes.

76Les relations entre l'activité économique et l'espace géographique se nouent ponctuellement au lieu de travail, mais se réalisent dans deux aires d'extension différente, l'aire de recrutement et l'aire de résidence. La zone de correspondance ou de recouvrement de ces deux aires est le bassin de main-d'oeuvre de l'établissement industriel12. C'est dans ce bassin de main-d'oeuvre que les responsables des centres sidérurgiques cherchent à recruter la plus grande partie de leur effectif parce que la main-d'oeuvre qu'ils y trouvent conserve la plupart du temps son logement et se trouve moins perturbée dans son mode de vie, parce que cette main-d'oeuvre habituée à la présence de l'usine est plus apte à s'accoutumer aux conditions de travail qu'elle impose, parce que cette main-d'oeuvre possède ainsi un potentiel d'efficacité économique plus grand13. C'est dans ce bassin de main-d'oeuvre que les responsables des centres sidérurgiques cherchent à organiser la résidence de la main-d'oeuvre par le recrutement, par la politique du logement, par la création d'un réseau de transport, de façon là encore à en améliorer les comportements, particulièrement la stabilité. C'est dans ce bassin de main-d'oeuvre que l'entreprise cherche à assurer la fixation, la conservation et le renouvellement de sa force de travail.

77Le bassin de main-d'oeuvre est donc sur le plan humain la zone d'influence directe de l'établissement industriel. C'est là que le centre sidérurgique modifie le plus les données relatives à la population (caractères structurels, conditions et modes de vie) et par ce moyen agit sur toutes les composantes de la personnalité et de l'organisation de l'espace.

78Les responsables des centres sidérurgiques littoraux ont été amenés par la nécessité et l'intérêt à accroître au maximum l'extension des bassins de main-d'oeuvre et à en fixer l'organisation par une intervention sur la localisation des programmes de logements neufs et une détermination rigoureuse des modalités de transport des salariés. Cette intervention, sa nature et son intensité, sont d'autant plus sensibles qu'il existe une importante discordance entre taille et rythme de développement de l'unité industrielle et les disponibilités humaines locales et régionales. Dans les cas où le chemin de fer permet par ses qualités propres d'augmenter les distances et de reculer encore les limites du ramassage, à la zone de drainage continu peuvent s'ajouter des poches discontinues, spatialement peu étendues car limitées aux proches environs des gares principales. D'une façon générale, à l'intérieur du bassin de main-d'oeuvre, l'influence de l'établissement décroît avec l'éloignement. Mais cette atténuation est très irrégulière, elle varie sous l'action de nombreux facteurs tenant à la fois aux caractéristiques du milieu et à la politique de l'entreprise. Elle est nuancée, par exemple, par la répartition de la population, sa densité et ses formes de regroupement, par la localisation des activités économiques et les modalités de leur concurrence sur le marché du travail, par l'efficacité de l'intervention de l'entreprise en matière de logement et de transport.

79La zone d'influence réciproque, sur le plan humain, entre l'activité industrielle et l'espace géographique ne se limite donc pas à l'environnement proche de l'établissement sidérurgique, mais elle s'étend à l'ensemble du bassin de main-d'oeuvre, avec à l'intérieur de celui-ci de grandes variations d'intensité. Ces variations peuvent être appréhendées par 1'appréciation de ce que représente, au niveau de chaque commune du bassin de main-d'oeuvre, le nombre de salariés de l'établissement sidérurgique habitant dans la commune par rapport à l'ensemble de la population active de cette commune et, pour plus de précision encore, compte tenu des caractéristiques fondamentales de l'emploi dans l'usine littorale, ce que représente le nombre de salariés masculins du centre étudié par rapport à la population active masculine. Ces critères permettent de distinguer différentes aires d'influence, particulièrement celle où cette influence est déterminante pour la qualification de l'espace : la zone de domination.

80Ce phénomène de domination devient sensible dès que la main-d'oeuvre sidérurgique dépasse un seuil que l'on peut situer aux environs de 7 % de la population active totale et de 10 % de la population active masculine ; il est très apparent lorsque les taux s'élèvent respectivement à 10 % et 15 % ; il est excessif lorsqu'ils atteignent 20 % et 25 % (Cf. Livre III, Ière partie : la croissance économique, 2ème partie : le développement régional). Certains centres sidérurgiques n'exercent de tels effets de domination que de manière limitée, en extension ou en intensité, soit parce que la main-d'oeuvre sidérurgique réside dans un ensemble urbain de très grande taille, soit parce qu'elle se répartit régulièrement dans un grand nombre de communes. A Brême, seul le quartier de Vegesack (voir Figure n^o 35) dans la partie Nord de la ville où habitaient en 1970 plus de 1.250 salariés de l'usine KLOCKNER, semblait dominé : la main-d'oeuvre sidérurgique y représentait 7,9 % de la population active totale (PAT) et 12,2 % de la population active masculine (PAM). Un peu plus apparente est la domination de l'usine SIDMAR qui concernait en 197014 surtout les deux communes limitrophes du centre sidérurgique : Wachtebeke (25,3 % PAT - 32,6 % PAM) et Zelzate (16,2 % PAT - 21,1 % PAM) et, avec une netteté moindre, les communes proches surtout à l'ouest du Canal Maritime : Assenede (9,2 % PAT - 11,9 % PAM), Ertvelde (7,6 % PAT - 9,6 % PAM), Kaprijke (6,9 % PAT - 9,1 % PAM). (Voir Figure n^o 36). Ce sont les centres sidérurgiques les plus importants et dont le rythme de croissance a été le plus rapide qui se caractérisent par la domination la plus forte, malgré la volonté très nettement affirmée et l'intervention considérable de leurs responsables pour l'atténuer. Aux Pays-Bas15, le phénomène est apparent au niveau de l'agglomération : Ijmond (27,6 % PAT - 32,8 % PAM), avec des différences entre les communes relativement faibles : Heemskerk (37,9 % PAT - 44,5 % PAM), Beverwijk (31,0 % PAT - 36,9 % PAM), Velsen (21,1 % PAT - 25,3 % PAM), ainsi que dans tout le Noord-Kennemerland (7,3 % PAT - 9,3 % PAM), avec des pourcentages très élevés dans certaines communes : Akerslot (18,6 % PAT - 22,8 % PAM), Oudorp (13,3 % PAT - 16,9 % PAM), Egmond aan Zee (11,1 % PAT - 14,3 % PAM), Uitgeest (10,2 % PAT - 12,8 % PAM), beaucoup moins dans une ville importante comme Alkmaar (7,7 % PAT - 10,2 % PAM). On peut retrouver une forte intensité à des distances éloignées dans les communes où l'entreprise sidérurgique intervient de façon décisive, comme à Heerhugowaard (12,5 % PAT - 15,7 % PAM) où le nombre de salariés de la KNHS ne cesse d'augmenter : 511 en 1969 ; 1358 en 1972 ; 1496 en 1972 ; 1496 en 1973 ; 1512 en 1974. Dans la région dunkerquoise, le phénomène n'est pas aussi marqué car l'intervention dans le sens de l'éloignement et de la dispersion a été plus précoce et plus forte, surtout après que les méfaits de la concentration originelle aient été enregistrés non pas au niveau de l'agglomération puisque les taux, en 1968, y étaient de 7,1 % PAT - 9,9 % PAM, mais dans les communes de Petite Synthe qui commençait seulement à être influencée sensiblement (12,3 % PAT - 14,9 % PAM) et surtout de Grande Synthe où les taux étaient excessivement élevés (43,1 % PAT - 51,7 % PAM). En 1975 une nouvelle commune était concernée : Loon Plage (14,5 % PAT - 18,4 % PAM), alors que le phénomène progressait légèrement à Petite-Synthe (17,0 % PAT - 22,5 % PAM) et régressait à Grande-Synthe (35,0 % PAT - 43,8 % PAM).

81Les relations nouées par l'intermédiaire de la main-d'oeuvre entre l'activité industrielle et l'espace géographique s'expriment dans les aires, bassin de main-d'oeuvre et zone de domination, à l'intérieur desquelles doit être étudiée l'influence qu'exerce le centre sidérurgique sur la croissance économique et le développement régional.