1L'analyse des flux techniques et économiques est effectuée en suivant la logique du fonctionnement des unités de production ; leur synthèse est faite pour apprécier les caractéristiques générales et particulières des organisations spatiales.

I- LES INTRANTS MATERIELS ET LES SYSTEMES D'APPROVISIONNEMENT : GEOGRAPHIE AMONT DES CENTRES SIDERURGIQUES LITTORAUX

A- LES MATIERES PREMIERES

1°- Les minerais

2Dans le procédé classique de fabrication de l'acier, celui de la réduction au coke empruntant la voie du haut-fourneau et du convertisseur, le minerai de fer représente la matière première fondamentale. Cette importance décisive est déterminée non seulement par la masse et le coût de cette matière mais aussi par ses multiples implications successives et cumulatives dans les domaines techniques et économiques. Du choix des minerais dans la charge des hauts-fourneaux dépendent les autres composantes du lit de fusion et par là les caractéristiques de la fonte, de l'acier et des sous-produits élaborés ainsi que les résultats de production et de productivité des différentes activités primaires. Réciproquement le procédé et l'équipement adoptés pour la fabrication du métal sont des éléments déterminants du lit de fusion et par conséquent du choix des minerais. Cette importance est telle que prioritairement toute usine sidérurgique exige d'un point de vue technique un approvisionnement minéralier régulier et stable sur les plans quantitatif et qualitatif et exige, d'un point de vue économique, un tel approvisionnement dans les meilleures conditions de sécurité et de prix.

3Traditionnellement l'intensité de ces exigences a été à l'origine d'un mouvement d'intégration récurrente de l'approvisionnement minéralier par l'activité sidérurgique. L'intégration peut être totale, technique, financière et spatiale, lorsque le centre sidérurgique utilise le minerai du gisement ferrifère sur lequel il est implanté et que mine et usine sont la propriété de la même entreprise. Dans la plupart des cas où existe une discordance spatiale entre l'extraction minière et la production sidérurgique, les exemples sont nombreux de prises de contrôle par les entreprises sidérurgiques dans les domaines de l'extraction, de la manutention et du transport des minerais, montrant la tendance constante de réalisation toujours plus poussée du processus d'intégration. Il en résulte un système simple de relations dont l'impact géographique est d'autant plus marqué que les flux sont peu nombreux, intenses, réguliers, stables et qu'ils s'expriment sur des distances relativement courtes en empruntant toujours les mêmes moyens de transport continental.

4Les usines sidérurgiques littorales étudiées présentent à cet égard des données communes et particulières qui les individualisent nettement par rapport à ce qui reste généralement considéré malgré sa rigidité comme un modèle d'organisation.

5Si l'approvisionnement en minerais est un élément déterminant de l'économie et un facteur influent de la très haute productivité des centres sidérurgiques littoraux, les flux qu'il détermine se caractérisent pour chaque usine non seulement par leur importance globale mais surtout et de façon apparemment paradoxale par leur nombre, leur diversité d'origine et par la faible intensité relative des formes d'intégration directe.

6Techniquement et économiquement la localisation et l'équipement, la création et le développement des usines littorales reposent prioritairement sur l'utilisation exclusive de minerais non phosphoreux et à haute teneur en fer, provenant d'outre-mer par rapport aux pays intéressés.

7Les exceptionnels résultats de productivité des procédés et des matériels adoptés au niveau des activités primaires, c'est-à-dire de la production de fonte hématite et d'acier LD à l'oxygène pur, sont avant tout fonction de la composition et de la préparation des charges du hautfourneau. Celles-ci requièrent de préférence des minerais ayant une teneur en fer de 56 à 72 %, de type hématite ou magnétite très faiblement phosphoreux, légèrement plus siliceux et alumineux que calcareux, aisément réductibles et répondant bien à la marche très poussée des installations modernes. A titre de complément sont également employés des minerais plus durs et un peu moins favorables mais aussi des minerais ayant subi un enrichissement sous forme de concentrés voire de préréduction sous forme de pellets. Par leur qualité, ces minerais permettent une diminution considérable des frais d'investissement (hauts fourneaux de grande capacité et aciérie LD), des frais de fonctionnement (diminution de la consommation de coke et de la production de laitier) et des frais d'entretien. Ces avantages sont d'autant plus évidents que la forte teneur permet de réduire considérablement la masse utilisée : moins de 1.250 kg en moyenne par tonne de fonte produite contre plus de 3. 000 kg pour les minerais de type lorrain.

8L'intérêt technique s'est trouvé renforcé sur le plan économique par la mise en évidence de très larges disponibilités sur le marché mondial du minerai de fer et surtout par les effets de la révolution des transports maritimes qui est à l'origine de la révélation de ces ressources lointaines et qui est responsable de leur valorisation croissante. La transformation continue des navires et les avantages qui en furent tirés sur le plan des taux de fret maritime ont permis, en dépit de fluctuations à caractère spéculatif particulièrement aux périodes de haute conjoncture économique, de répondre aux besoins des usines littorales à la fois sur le plan quantitatif et sur le plan qualitatif dans des conditions de sécurité et de prix qui ont été jugées intéressantes1.

9"Le coût du transport du minerai de fer a diminué de 30 à 55 % entre 1960 et 1970 selon les routes, grâce à l'utilisation croissante des transporteurs de vrac sec et à l'augmentation de leur taille... Le transport maritime a réduit les effets de la distance et par voie de conséquence permis aux importateurs de se dégager des seules sources d'approvisionnement les plus proches : la concurrence ainsi accrue entre les producteurs du minerai de fer a entraîné une baisse des cours de ce produit"2.

10A titre d'exemple on peut citer l'évolution du coût moyen du fret sur certaines grandes routes du minerai de fer entre 1960 et 1970 (en dollars/la tonne)3.

11Au début des années Soixante dix, chaque usine étudiée compte plus de 10 fournisseurs de minerai de fer : 4 ou 5 principaux interviennent de façon équilibrée mais variable, respectivement pour 10 à 20 % de l'approvisionnement total ; les autres jouent un rôle d'appoint. Ainsi chaque usine est en relation plus ou moins intense et régulière avec la presque totalité des grands pays exportateurs de minerai de fer à l'échelle mondiale. Traditionnellement une préférence est accordée aux pays fournisseurs les plus proches, c'est-à-dire aux pays bordiers de l'Atlantique et de ses mers annexes ; une préférence plus récente et qui s'affirme, concerne les pays de civilisation ou de colonisation blanches présentant une grande stabilité politique. Les livraisons les plus importantes proviennent des pays Scandinaves, du Brésil, du Canada, de l'Australie, du Libéria et de la Mauritanie ; le complément vient avec des valeurs variables d'une usine à l'autre, du Pérou, du Vénézuéla, de l'Angola, de l'Espagne, de l'Algérie, de l'URSS et de l'Afrique du Sud. La multiplicité des relations, la diversité des origines et la longueur des déplacements sont, avec la faiblesse relative des formes d'intégration, les données générales les plus marquantes de l'organisation du système d'approvisionnement minéralier.

12Moins de 10 % des livraisons de minerai de fer aux centres sidérurgiques littoraux ont pour base une prise de participation dans le capital des sociétés minières, que cette participation soit directe ou effectuée par l'intermédiaire d'une association ou d'un consortium international. L'essentiel s'effectue sur la base de contrats essentiellement commerciaux fixant la quantité, la qualité, le prix, les modalités d'enlèvement voire de transport et de livraison. Deux types de contrats sont à distinguer : les contrats à long terme portant sur l'achat de quantités importantes et régulières durant une période de plusieurs années et les contrats à court terme concernant soit des quantités très limitées, parfois à la capacité d'un seul navire minéralier, soit des quantités plus considérables mais à des conditions révisables à date fixe, généralement chaque année. De même que dans le domaine des achats la part des contrats de courte durée, qui à l'origine était très faible, tend à se renforcer, dans le domaine des transports la part des contrats d'affrètement "spot", c'est-à-dire au voyage, augmente par rapport aux contrats de longue durée et surtout par rapport à toutes les autres formes de contrôle total ou partiel de l'armement. Les navires, conçus en fonction des caractéristiques particulières de certains ports (écluses, canal, engins de manutention...), armés et affrétés spécialement pour effectuer constamment les mêmes rotations, ne transportent plus que des quantités relativement faibles par rapport à celles qui transitent par l'intermédiaire des navires minéraliers les plus vastes et les plus modernes, affrétés par les sociétés minières elles-mêmes ou par les grands armements spécialisés, particulièrement Scandinaves et japonais.

13Ces pratiques se sont beaucoup développées après 1970 lorsque s'est confirmée l'évolution avantageuse des taux de fret au voyage par rapport à celle des taux de fret à temps et ceci quelles que soient les fluctuations de la conjoncture. (Tableau n^o 31).

14La tendance à 1'intégration ne s'est accentuée qu'à la dernière étape de l'approvisionnement minéralier : le transbordement. Dans tous les cas, le contrôle et la privatisation des équipements et des services portuaires se sont renforcés, créant parfois des problèmes administratifs et sociaux qui seront présentés et expliqués dans l'étude de l'influence des centres sidérurgiques littoraux sur l’économie locale et régionale.

15Ces données qui caractérisent une situation et une tendance originales à la fois dans une optique spatiale et dans une perspective temporelle, doivent être nuancées et enrichies au niveau des différentes usines avant d'être explicitées et chargées d'une signification concernant l'organisation des systèmes de relations techniques et économiques propres à chaque usine sidérurgique.

16Malgré la faiblesse d'ensemble du processus d'intégration, son intensité variable et son évolution différente permettent de distinguer deux attitudes et deux systèmes d'organisation des relations en matière d'approvisionnement minéralier. L'attitude la plus libérale et le système le plus souple sont le fait des usines d'Ijmuiden et de Brême.

17Au lendemain de la première guerre mondiale, la création de l'usine d'Ijmuiden a été en partie déterminée par la volonté de profiter de la fonction de transit international des ports néerlandais en charbon à coke provenant de la Ruhr et en minerais à destination de la sidérurgie allemande. Dès l'origine la tradition mercantile du pays a fixé certains choix et les responsables de la KNHS ont trouvé avantageux de ne pas organiser un système d'approvisionnement particulier mais de tirer parti d'un marché préexistant en ce qui concerne à la fois le minerai et son transport maritime. Aucune participation n'a été prise ni dans les sociétés d'exploitation minière ni dans les sociétés de transport et l'alimentation du centre s'est effectuée par recours aux disponibilités offertes sur le marché, avec comme seule garantie, celle donnée par le nombre et la diversité des sources et par les contrats à long terme dans une proportion variant entre 50 % et 75 %. Dans leur multiplicité, leur importance relative et leurs origines, les flux minéraliers sont avant tout le reflet de l'extension et de la diversification progressives du marché mondial du minerai de fer. Avant la seconde guerre mondiale le minerai provenait essentiellement de Suède, d'Espagne et d'Afrique du Nord, dans les années soixante les pays d'Afrique Occidentale s'affirment nettement et dans les années soixante dix, alors que le nombre des fournisseurs augmente sans cesse, le Brésil et le Canada renforcent leurs livraisons et l'Australie s'impose de façon décisive.

18La même politique qui a permis à la KNHS de profiter pleinement de la diminution constante du prix des minerais jusqu'à la fin des années soixante, lui a permis également de bénéficier de la révolution des transports maritimes et durant la même période de l'affaiblissement consécutif des taux de fret. Jouant sur la concurrence que se sont livrés les grands armements spécialisés, indépendants ou contrôlés par les sociétés minières, la KNHS a limité son intervention à la modernisation constante de son port minéralier qui a toujours présenté les meilleures conditions d'exploitation et par conséquent les coûts de fonctionnement les plus favorables. Dès 1968, ce port d'usine entièrement privé était rendu directement accessible aux minéraliers de plus de 100.000 tonnes de port en lourd et dès le début des années soixante dix il était susceptible de recevoir le long de ses différents quais et de décharger simultanément quatre navires, deux jusqu'à 35.000 T et deux de 35 à 100.000 T : atout exceptionnel vis-à-vis d'un transport où la manutention est devenue plus importante que la distance dans la détermination du coût4. Le tonnage moyen transporté par les navires déchargeant le minerai et le charbon dans le port d'usine est passé de 46.000 T en 1973 à 55.000 T en 1975 et à 64.000 T en 1976. Quand après 1970 les prix des minerais et des taux de fret ont commencé à connaître des fluctuations considérables et déroutantes, l'amélioration de l'accessibilité, l’augmentation de la capacité de stockage et une nouvelle organisation du transport ont permis d'en atténuer les effets.

19En 1975 les responsables de l'usine néerlandaise attachaient plus d'importance à l'amélioration de leur port, c'est-à-dire à son adaptation continue à l'évolution des conditions techniques du transport maritime, qu'à l'apport de la Société Hoesch dans le cadre de la nouvelle entreprise ESTEL d'un patrimoine minier sous la forme d'une participation par l'intermédiaire du Konsortium Brasiliana (37,3 %) dans la Ferteco Mineraçao SA (Brésil) et par l'intermédiaire de la Liberiaerz-Beteiligungsgesellschaft (15,9 %) dans la Bong Mining Compagny (Liberia).

20De plus en plus, l'approvisionnement de l'usine littorale est coordonné avec celui des usines continentales du groupe. Le transport des minerais se fait par les navires les plus grands et les plus modernes possible qui s'allègent dans l'Europoort de Rotterdam des cargaisons destinées aux usines de Dortmund. Cette organisation qui valorise les avantages offerts par les navires les plus récents permet de bénéficier des prix d'achat et de transport les plus intéressants.

21L'excellente utilisation d'une exceptionnelle localisation géographique a permis à l'usine néerlandaise dont le coefficient matière a été volontairement placé à un haut niveau, de s'assurer un approvisionnement minéralier sans s'imposer les contraintes d'une intégration poussée. Cependant la modification des structures de l'entreprise place l'établissement dans un système de relations nouvelles qu'il n'a pas déterminées mais dont il peut éventuellement profiter et qu'il peut contribuer par la suite à développer. Aussi n'est-il pas étonnant que les responsables de la KNHS ne se soient pas opposés au développement du patrimoine minier du groupe ESTEL qui a participé à la fin de 1974 pour 11,3 % du capital, à la création d'une société d'étude et de recherche du minerai de fer en Côte d'ivoire et qui intervient pour 38 % dans le capital de la société de recherche minière "Exploration und Bergbau Gmbh".

22Pour des raisons différentes, la firme KLOCKNER a adopté, en ce qui concerne l'approvisionnement minéralier de son usine de Brême, une attitude comparable d'intégration limitée au contrôle du port de déchargement. Des facteurs techniques, économiques et géographiques ont joué de façon convergente pour limiter la consommation en minerais de fer de l'usine allemande : la substitution tardive de l'aciérie LD à l'aciérie Siemens-Martin qui consommait principalement des ferrailles, le retard apporté à la construction d'un atelier d'agglomération, la faible capacité de production des hauts-fourneaux ont poussé à l'utilisation des minerais les plus riches, principalement sous la forme de concentrés et de pellets. Cette tendance a été renforcée pour pallier les désavantages causés par la situation de l'usine et surtout sa mauvaise accessibilité maritime qui rendent préférable le recours aux matières premières les plus riches, de façon à diminuer la masse totale à transporter par voie terrestre entre le port minéralier de Weserport et l'usine elle-même. Ces caractéristiques qualitatives et quantitatives des besoins n'ont pas justifié une intervention directe de l'entreprise sous forme de participation dans les sociétés minières et dans les sociétés de transport : attitude nouvelle et situation originale pour une entreprise ayant pratiqué depuis sa création une politique très active de diversification par prise de contrôle, vers l'amont ou vers l'aval, des activités industrielles en relation plus ou moins directes avec l'industrie sidérurgique. (Cf. infra § Les relations techniques et économiques. § Les relations financières et décisionnelles).

23Les relations les plus suivies le sont surtout avec les grandes sociétés minières dotées d'installations d'enrichissement et de préréduction, principalement du Brésil, du Canada et de Suède avec lesquels sont passés des contrats à long terme, souvent en association avec d'autres sociétés allemandes, avant tout avec la Stahlwerke Peine Salzgitter AG. Ces associations existent également pour le règlement des questions relatives au transport maritime et à l'utilisation des équipements portuaires. Ainsi en est—il par exemple de l'affrètement des grands minéraliers dont une partie de la cargaison, destinée aux usines de la Ruhr, est déchargée dans 1'Europoort de Rotterdam et le reste destiné aux usines des entreprises Klöckner Werke AG et Stahlwerke Salzgitter AG est déchargé dans le Weserport de Bremerhaven5.

24L'intégration là encore a principalement concerné le port minéralier que l'entreprise a aménagé à Bremerhaven avec l'aide des autorités portuaires. La création de Weserport a permis à l'entreprise non seulement de profiter de l'évolution de frets orientée à la baisse par l'utilisation des gros porteurs mais aussi de diminuer les coûts de la manutention et du transport terrestre des matières premières. Afin de rentabiliser le matériel, Weserport, d'où sont partis en 1973, chaque mois, en moyenne 225 trains de 1.500 tonnes de minerais, est également utilisé pour l'approvisionnement d'autres usines de l'intérieur appartenant à différentes entreprises. Par contre Klôckner et ces autres entreprises ont recours au service des autres ports de la Weser : Brême (Industriehaven) pour les très petites unités venant essentiellement de Suède, Brake (jusqu'à 35.000 tdw), Nordenham (jusqu'à 65.000 tdw), ce qui permet d'éviter un éventuel encombrement de Weserport et de coûteuses attentes.

25L'approvisionnement minéralier des usines, belge et française, présente des formes d'intégration poussée en ce qui concerne à la fois l'exploitation minière et le transport maritime. Dans le cas de SidmarGand, l'intégration n'est jamais directe mais s'effectue dans le cadre de l'ensemble économique formé par le groupe industriel et le groupe financier auxquels l'entreprise sidérurgique est rattachée. Une partie de l'approvisionnement est assurée à partir du patrimoine minier de l'ARBED au Brésil, à savoir une participation directe (15 %) et indirecte (43 %) par l'intermédiaire de la Sidérurgica Belgo Mineira (Arbed 30 %) dans la SA Mineraçào de Trindade, c'est-à-dire la Samitri, une des plus importantes sociétés d'extraction et de traitement du minerai de fer au Brésil. Mais pour l'essentiel, les relations s'effectuent en fonction des disponibilités du marché mondial, avec la sécurité offerte pour une part importante par les contrats de livraison à long terme. Des contrats d'affrètement de longue durée ont été passés avec la Compagnie Maritime Belge du groupe de la Société Générale de Belgique qui a armé deux navires spécialement construits en fonction des dimensions de la nouvelle écluse de Terneuzen, le "Mineral Seraing" (56.865 T de port en lourd) et le "Mineral Gent" (69.687 T) ; de nombreux contrats sont également passés avec la CMB qui assure une part importante de l'approvisionnement des autres usines belges et qui peut affecter à ce transport de nombreux navires, dont le minéralier "Eecklo" de 42.000 T. Pour le reste, l'entreprise s'en remet aux armements choisis par certaines sociétés minières ou cherche sur le marché des frets les conditions les plus avantageuses.

26Là encore qu'il s'agisse des navires jusqu'à 60.000 T de port en lourd ou des barges en provenance de la rade de Terneuzen ou des installations de l'Europoort de Rotterdam, toutes les opérations de déchargement au quai ont été complètement intégrées au processus industriel et contrôlées par l'entreprise sidérurgique6.

27La volonté de réaliser aussi rigoureusement cette intégration caractérise la politique menée par Usinor au port de Dunkerque. Créé et exploité conjointement par l'entreprise sidérurgique et l'activité portuaire (Chambre de Commerce et d'industrie puis Port Autonome de Dunkerque), le premier quai minéralier répondait par son aménagement et son équipement à une double exigence, celle de pourvoir à l'approvisionnement d'USINOR et celle d'assurer pour le compte du port de Dunkerque le transfert du minerai vers les usines de 1'intérieur, du Nord, de Lorraine et de Sarre. La nécessité d'augmenter la capacité de déchargement pour faire face à la croissance générale des importations, allait permettre de dissocier les deux trafics et de réserver à USINOR ses propres quais. En 1972, le port sidérurgique, étendu et modernisé, était susceptible de recevoir simultanément deux minéraliers de la classe 50-55.000 T et deux minéraliers de la classe 100-125.000 T.

28Par contre l'intervention directe d'USINOR dans les autres secteurs de l'approvisionnement minéralier s'est atténuée. Lors de la conception et de la création de l'usine, une intégration poussée de toutes les opérations techniques et de tous les mécanismes économiques de la mine à l'usine, s'imposa comme le moyen d'assurer au meilleur prix et dans les meilleures conditions de sécurité et de stabilité l'alimentation de l'usine littorale. Cette intégration revêtit la forme d'une prise de participation directe d'USINOR et de la Société mère DENAIN-NORD-EST dans le capital de la MIFERMA et d'un important contrat à long terme avec la LAMCO, société minière du Liberia. Ainsi étaient couverts 80 % des besoins de l'usine à la première étape de son développement. Un contrat de très longue durée fut passé avec l'armement Dreyfus pour l'affrètement de trois navires minéraliers de 32.000 T de port en lourd qui furent spécialement construits pour couvrir par leur rotation régulière plus de 70 % des importations. L'évolution du marché mondial du minerai de fer et des frets maritimes modifièrent la politique de l'entreprise quand il s'est agi de pourvoir à l'augmentation des besoins de l'usine aux étapes ultérieures de sa croissance. Ceux-ci furent couverts par les abondantes et les intéressantes disponibilités du marché mondial alimenté par la mise en production de nombreuses mines nouvelles et les livraisons furent effectuées en ayant recours à des affrètements au voyage, moins coûteux que les affrètements intégrés et constamment en baisse jusqu'à la fin des années soixante, comme le montre l'évolution des taux de frets sur les principales relations durant cette période pour des navires de 40.000 T de port en lourd.

29Alors que la tendance des années soixante avait été fondamentalement celle d'une baisse constante et régulière, le début des années soixante-dix a été marqué par des fluctuations anarchiques et des hausses d'une ampleur exceptionnelle, touchant à la fois le minerai et le prix du transport maritime. Aussi pour assurer une partie de son approvisionnement USINOR a participé à la création d'une association qui étudie les possibilités d'exploitation des importants gisements de Côte d'ivoire et a continué à s'intéresser, à travers sa filiale Sovaco, à la Société des Mines de fer de Mekambo qui poursuit ses recherches au Gabon (Somifer). L'entreprise a cherché par là à maintenir un certain contrôle sur une part de ses approvisionnements, contrôle qu'elle a en partie perdu en 1974, au moins sur le plan économique, sinon sur le plan technique, lors de la nationalisation de la MIFERMA, devenue Société Nationale Industrielle et Minière, pour laquelle l'Etat mauritanien a promis une indemnisation à ses anciens actionnaires. Le même souci d'équilibre apparaît dans le domaine du transport où la flotte affrétée à long terme s'est enrichie en 1972 du "Léopold LD", construit spécialement par les chantiers navals dunkerquois, avec des tôles produites par le quarto d'USINOR-DUNKERQUE pour profiter au maximum de la nouvelle écluse Charles de Gaulle7. Cependant au fur et à mesure s'étend et se diversifie l'aire d'approvisionnement, la part des armateurs spécialisés, en particulier Scandinaves et japonais, ne cesse de s'accentuer.

30Ainsi pour son approvisionnement minéralier, chaque usine sidérurgique littorale étudiée présente certaines particularités en ce qui concerne l'importance, le nombre, l'origine des relations et surtout en ce qui concerne l'intensité du processus d'intégration technique et économique de ces flux par l'entreprise. Cette diversité de situations est le résultat de plusieurs facteurs tenant d'une part aux caractéristiques propres à l'établissement, à son équipement et à son accessibilité et d'autre part aux principes réglementant la politique économique générale de chaque entreprise, éventuellement au sein de son groupe industriel ou financier.

31Cette diversité ne saurait estomper les caractères généraux et fondamentaux : sur le plan sectoriel 1'augmentation constante du nombre des fournisseurs, la diminution corrélative de leur importance respective et, en dehors du domaine portuaire, l'atténuation des formes d'intégration directe ; ce à quoi correspond sur le plan spatial une extension de l'aire d'approvisionnement au sein de laquelle l'influence technique du centre sidérurgique se fait moins sensible à cause de flux qui globalement plus nombreux sont individuellement moins importants et moins assurés.

32L'attitude des entreprises responsables des centres sidérurgiques littoraux apparaît originale quand on la compare à la politique traditionnelle suivie par la majorité des entreprises ayant recours aux minerais exotiques. Les exemples sont en effet nombreux de l'intervention décisive des intérêts sidérurgiques dans la découverte et la mise en exploitation des mines et dans 1'aménagement des moyens de transport et d'embarquement, cette intervention s'effectuant sous forme de prises de participation directes ou par l'intermédiaire d'associations permettant de répartir et d'équilibrer les risques, risques d'une médiocre rentabilité économique et surtout d'une éventuelle nationalisation. L'intervention d'USINOR et d'ESTEL et indirectement de SIDMAR semble bien modeste, comparée à celle déjà ancienne des grandes entreprises sidérurgiques allemandes comme l'AUGUST THYSSEN AG, de la FINSIDER ou de la BRITISCH STEEL CORPORATION, de celle des très puissantes sociétés américaines comme la BETHLEEM STEEL et l'US STEEL CORPORATION qui possèdent le patrimoine minier le plus considérable du monde, de celle enfin, plus récente et très active, des sociétés japonaises qui s'intéressent prioritairement à tous les projets dans l'hémisphère sud. Cette originalité également sensible en matière de transport maritime a plusieurs causes.

33La création et le développement accéléré des usines littorales ont exigé des investissements dont l'importance et le rythme dépassaient les capacités financières de sociétés de dimensions moyennes qui étaient simultanément engagées dans de vastes mouvements de restructuration destinés à accroître leur puissance économique. En outre une importante intervention non seulement ne s'est jamais révélée nécessaire mais au contraire l'évolution conjoncturelle a été longtemps favorable à une participation des plus limitées. La découverte et la mise en exploitation de très nombreuses mines de fer, l'amélioration des conditions de manutention et surtout de transport maritime par minéraliers et par transporteurs de vrac de taille et de productivité sans cesse croissantes ont entraîné l'apparition sur le marché mondial de très grandes disponibilités, le renforcement des conditions de concurrence et jusqu'au début des années 1970 la quasi permanence d'une tendance générale à l'affaiblissement des prix. Une faible intégration devait permettre de faire bénéficier aux usines littorales les mieux situées, de façon immédiate et importante, de toute diminution des coûts d'approvisionnement sans pour autant mettre en question la sécurité de leur alimentation qui était assurée par la multiplicité des fournisseurs réels ou potentiels de minerais et de services. Les usines littorales étudiées ont pu ainsi tirer parti, sans investissement excessif, de l'accroissement général des échanges maritimes de minerais de fer à l'échelle mondiale où leur part reste proportionnellement modeste qu'elle soit appréciée par rapport à l'ensemble du trafic minéralier ou même par rapport au trafic engendré par les sidérurgies des pays où elles sont implantées. (Tableau n^o 33).

34Au début des années soixante dix, la profonde désorganisation de l'économie du monde occidental s'est traduite par d'énormes fluctuations des cours des matières premières et des frets maritimes renforcées par la turbulence monétaire aux effets très sensibles dans ces domaines où les paiements doivent s'effectuer de manière particulièrement complexe. Les nouvelles conditions, à la fois de forte tension dans la période de haute conjoncture et de profonde dépression dans la période de crise, ne devraient pas remettre en cause l'attitude des entreprises étudiées : la nationalisation des mines de fer du Vénézuéla et de Mauritanie, la création en 1975 d'une association des grands producteurs de minerai de fer comparable à l'OPEP, le renforcement de la puissance économique des sociétés minières qui leur permet de mener une politique éventuellement distincte voire différente des groupes sidérurgiques qui ont participé à leur fondation et surtout la crise de la sidérurgie ne sont pas des facteurs favorisant une intervention plus poussée dans le domaine minier il en va de même en ce qui concerne 1'affrètement maritime dont les taux resteront plusieurs années affaiblis par les effets conjugués de la crise économique et de la dépréciation du dollar.

35L'approvisionnement minéralier des usines littorales est à l'origine d'un système de relations qui s'organise à l'échelle mondiale : les flux sont de plus en plus nombreux, divers dans leur origine et leur longueur et du fait de leur faible intégration davantage de nature commerciale que de nature industrielle. À de rares exceptions près, qui redonnent à chaque usine une certaine spécificité du fait de son appartenance à l'espace particulier où elle est implantée et de sa dépendance par rapport à l'entreprise qui la dirige, l'impact spatial est faible et la consistance économique des relations est limitée, si ce n'est au niveau du port minéralier de plus en plus rigoureusement intégré au processus et à l'espace de production.

2°- Le coke et le charbon à coke

36Même dans les unités les plus productives rassemblées au sein des usines littorales, le coke représente dans le bilan matière de la production de fonte l'intrant, sinon le plus déterminant d'un point de vue technique, du moins le plus important sur le plan des coûts. Tous les moyens ont été utilisés pour diminuer le plus possible la mise au mille coke au niveau de la préparation des charges et du haut-fourneau et les résultats obtenus apparaissent exceptionnels (Cf. supra : § Des équipements à haute productivité. § Productions et productivité). Cependant 1'abaissement de la consommation relative semble avoir atteint des limites difficiles à franchir du fait de la convergence de facteurs techniques et économiques impératifs. Dans le haut-fourneau, le coke n'est pas seulement un agent thermique dont on peut atténuer le rôle en le remplaçant partiellement par des injections de fuel, de gaz naturel, de goudrons ou d'air à très haute température, il exerce surtout des fonctions physiques et chimiques dans le processus de réduction pour lesquelles il n'existe pas de produit de substitution. En outre l'augmentation considérable du prix des hydrocarbures a affaibli fortement 1'intérêt économique de leur inj ection dans des proportions considérables.

37Grands producteurs de fonte, les centres sidérurgiques littoraux sont malgré leur très faible mise au mille d'importants consommateurs de coke pour lesquels doivent être organisés des systèmes d'approvisionnement en cette matière irremplaçable et chère, présentant les meilleures conditions et garanties de stabilité, de sécurité et de prix. En réponse à ce même problème pratique, les systèmes adoptés, loin des schémas économiques théoriques, se caractérisent avant tout par leur complexité fonctionnelle, leur diversité spatiale et leur variabilité temporelle. Cette particularité des solutions s'explique par le fait que la question de 1'approvisionnement ne se pose pas seulement dans le cadre national au niveau de l'établissement, de l'entreprise voire de la branche d'activité, mais aussi et surtout dans le cadre international au niveau de la politique économique générale du gouvernement de chaque pays où les usines sont implantées et dans le contexte de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier. Chaque système est ainsi la synthèse de réactions à des nécessités techniques et économiques dans les limites fixées par des décisions législatives et réglementaires adoptées par chaque Etat dans des domaines très variés ayant parfois des exigences contradictoires. Dans chaque pays en effet, le problème du coke relève de la politique de l'industrie en général et de l'énergie en particulier, de la politique régionale et de la conversion des bassins houillers, de la politique des Affaires étrangères et du Commerce extérieur.

38Pour les entreprises responsables des centres sidérurgiques littoraux étudiés, le marché du coke ou plus précisément du charbon à coke est caractérisé de façon structurelle premièrement par l'insuffisance, plus ou moins affirmée dans le temps et selon les lieux, des ressources nationales et communautaires, deuxièmement par le moindre coût des charbons importés par rapport aux charbons autochtones. L'intérêt du recours aux charbons d'outre-mer particulièrement américains, s'est d'autant plus imposé que pendant une longue période et jusqu'à la crise de l'énergie ils se sont trouvés abondants et d'autant moins chers qu'ils étaient favorisés par l'évolution du transport maritime. Cependant et de façon variable selon les Etats, à 1'intérêt économique immédiat, s'oppose à court et à moyen voire à long terme, la nécessité de défense des charbons nationaux et communautaires. Dans ce but des subventions sont accordées par la CECA pour atténuer la disparité des prix entre charbons européens et charbons importés ; elles sont nécessairement limitées par l'attitude des pays qui comme l'Italie et les Pays-Bas refusent de payer de trop fortes compensations et perdre ainsi des avantages naturels ou acquis de leur propre situation. Des subventions complémentaires sont données par les pays directement concernés pour maintenir l'utilisation des produits de leurs charbonnages et pour pallier les effets du contingentement ou de l'interdiction des importations qui, aux yeux de leurs sidérurgistes, faussent les conditions de concurrence à l'intérieur du Marché Commun et les placent en situation d'infériorité sur le marché mondial. La limitation de l'importation a des conséquences non seulement économiques mais aussi spatiales : elle détermine au niveau local l'opportunité ou non de la construction d’une cokerie dans le centre sidérurgique littoral ; elle fixe, en cas de nécessaire alimentation en coke, les limites de l'aire d'approvisionnement en un produit qui du fait de sa friabilité supporte mal de longs déplacements et de nombreuses manutentions. La liberté d'un recours partiel ou total à l'importation entraîne l'organisation de systèmes comparables à ceux suscités pour l'alimentation en minerai de fer, mais compliqués par les profondes fluctuations des conditions présentées par le marché mondial. D'excédentaire jusqu'à la fin des années soixante, ce marché est devenu par la suite largement déficitaire. Cette donnée nouvelle a résulté de la correspondance, d'abord accidentelle puis volontairement entretenue, d'une part d'une demande en très forte augmentation due à la croissance accélérée de la sidérurgie japonaise et à l'ouverture plus grande de la sidérurgie européenne et d'autre part d'une restriction de l'offre, principalement du fait des Etats-Unis, premier producteur mondial, dont les mines ont connu une chute brutale de la productivité par suite d'un changement dans la législation concernant la sécurité du travail et la protection de l'environnement. La crise de l'énergie, la quasi indexation des fines à coke sur le prix des hydrocarbures, l'étroite interdépendance des taux de frets, le jeu de la spéculation sur les monnaies, devaient avoir des conséquences importantes. Le prix des fines à coke a connu une augmentation considérable sur tous les marchés y compris sur les marchés nationaux d'Europe Occidentale où les gouvernements ont trouvé là le moyen d'alléger leurs subventions.

39Ces prix ont poussé les fournisseurs à contrôler, à limiter et à orienter leurs expéditions pour assurer une durée plus longue à l'exploitation de leurs ressources et de leurs richesses soudainement valorisées.

40L'accentuation du caractère hyper-spéculatif du marché des fines à coke a incité les responsables des centres sidérurgiques littoraux à diversifier au maximum leurs sources d'approvisionnement et, comme cette possibilité est restreinte par le faible nombre des fournisseurs, à tenter une intégration aussi poussée que possible. L'essentiel des besoins en coke ou en charbon à coke est couvert par des contrats à long terme ; une part croissante est obtenue par des prises de participation dans des sociétés minières existantes voire par des mises en exploitation de mines nouvelles aux Etats-Unis et en Australie.

41Le nombre et la nature, la diversité et l'instabilité des facteurs déterminant l'organisation de l'approvisionnement des usines sont tels que l'analyse successive des différents systèmes adoptés est indispensable.

42Pour son approvisionnement en coke et charbon à coke, le centre sidérurgique néerlandais présente un réseau de relations caractérisé par sa grande extension et la complexité de son organisation. Cet état de situation est le résultat d'une évolution contrastée, reflet d'une volonté d'adaptation rapide aux fluctuations d'un marché instable très tôt constitué à l'échelle mondiale. Dès la conception de l'usine, la KNHS associe à la situation littorale une politique économique générale très libérale. La possibilité de s'alimenter en charbons étrangers transitant par les ports néerlandais est considérée comme un facteur essentiel de localisation maritime ; l'engagement d'utiliser en partie du charbon en provenance des mines du Limbourg9 sera lié à la compétitivité des prix nationaux et considéré moins comme une contrainte que comme un facteur de sécurité, technique et économique, apportant des compléments utiles sous forme de charbon ou de coke, selon les besoins variables de l'usine. Jusqu'à la guerre 1939-45, l'approvisionnement sera assuré sans difficulté par l'utilisation équilibrée de charbon et de coke allemands, anglais et néerlandais. La pénurie qui en Europe suivit les hostilités, justifia le recours aux charbons américains qu'autorisa nécessairement la Haute Autorité de la CECA. Jusqu'à la fin des années 60, la KNHS allait tirer un parti exceptionnel d'une source d'approvisionnement qui présentait comme intérêts majeurs : stabilité, sécurité et qualité à des prix inférieurs d'au moins 20 % aux prix européens.

43L'utilisation du charbon belge, un moment recherché, cesse en 1965 ; celle du charbon provenant du Limbourg très régulièrement affaiblie s'arrête en 1969 ; celle du charbon allemand se stabilise entre 25 et 30 % : principalement sous forme de coke pour compléter la capacité de production de l'usine littorale, au terme de contrats de longue durée passés avec la Ruhrkohle AG dans laquelle la KNHS participe indirectement (autrefois par l'intermédiaire de sa filiale D.H.H.U.10, ensuite par le biais de son partenaire Hoech dans ESTEL qui détient 7,8 % du capital de la grande société charbonnière allemande).

44Le bouleversement des conditions favorables offertes par le marché américain a parfois remis en cause non seulement les prix comme ceci fut souligné précédemment, mais aussi la régularité et la sécurité de l'approvisionnement. La baisse importante de la productivité dans les mines américaines consécutive à l'application de nouvelles lois sur les conditions de travail et la pollution, l'incapacité de certaines sociétés minières à respecter leurs engagements en période de forte demande, la multiplication des grèves entraînèrent de nombreuses ruptures de contrat, catastrophiques pour l'entreprise, obligée d'acheter parfois dans des conditions aberrantes des cargaisons disparates et coûteuses, mais indispensables. Les faiblesses du fournisseur américain trop exclusif et l'égalisation des prix à un très haut niveau sur le marché mondial, justifièrent une modification du système d'approvisionnement en charbon et en coke, dans le sens d'une diversification et d'une intégration plus poussées.

45La KNHS a participé en 1971 à la fondation de la Beckley Coal Mining Cy11, une société minière qui a mis en exploitation un gisement situé près de Beckley en Virginie occidentale, relié par voie ferrée au port charbonnier de Newport News, situé à 640 km. En 1974 l'entreprise fêtait la première livraison de son propre charbon. La KNHS a également créé en association avec des capitaux américains, l'ORENCO Inc, une société de prospection et d'exploitation minière, d'achat et de vente de produits minéraux dont le rôle est de trouver aux USA, au Canada, en Australie et au Brésil des charbons et des minerais, sous forme de participations dans la création et le développement des mines ou de contrats à long terme.

46Des contrats de ce type pour la livraison de fines à coke ont été passés avec une société du Queensland en Australie et dans le cadre du groupe ESTEL avec la Ruhrkohle AG à la fois pour des fines et du coke, pour lequel des engagements ont été pris avec des cokeries précisément désignées. Des contrats de longue durée n'ayant pu être passés avec la Pologne, le recours au charbon de ce pays est considéré comme une éventualité qui pourrait permettre de satisfaire des besoins supplémentaires, imprévus mais limités. Pour plus d'ssurance et de stabilité, la plupart des transports sont couverts par des contrats d'affrètement à long terme, y compris pour les transports fluviaux sur le système rhénan. Les flux maritimes et terrestres aboutissent aux installations de déchargement privées et intégrées au système de production industrielle, à l'intérieur de l'établissement.

47Etabli en fonction de la confrontation entre les besoins de l'établissement, la politique économique de l'entreprise et les conditions du marché mondial, le réseau de relations s'organise en éléments multiples et variés et se structure à l'échelle du monde mais tend, malgré l'éloignement et la diversité, à être de plus en plus contrôlé sur le plan technique et sur le plan économique.

48Les solutions adoptées pour résoudre le problème de l'approvisionnement en combustibles minéraux solides de l'usine KLÖCKNER-BREME sont très souvent à l'opposé de celles qui caractérisent l'usine néerlandaise. Démuni de cokerie, le centre sidérurgique allemand est alimenté en coke pour ses hauts-fourneaux, en fines et en poussière pour son atelier d'agglomération par trains complets quotidiens en provenance des cokeries minières de la Ruhrkohle AG situées dans l'est du grand bassin houiller allemand.

49. Unique, inscrite dans le cadre national, la relation est très intégrée techniquement sinon économiquement : si le transport est le fait de la Deutsche Bundesbahn dont le matériel effectue les rotations régulières, la livraison concerne les cokeries associées aux mines Victor Ickern, Kônigsborn et Werne qui appartenaient à la Klöckner Bergbau AG, ancienne filiale de la Klôckner Werke AG pour laquelle la société sidérurgique reçut 4,7 % du capital de la Ruhrkohle AG lorsque cette entreprise fut constituée en 1969 afin de rationaliser et de moderniser l'exploitation minière dans le bassin de la Ruhr, par fusion de toutes les anciennes sociétés de charbonnage.

50. Ce système régulier et sûr pour le fonctionnement de l'établissement mais coûteux pour l'entreprise s'explique moins par des raisons techniques et économiques que par des causes politiques et historiques. Si le gouvernement fédéral est intervenu dans la réorganisation profonde des charbonnages de la Ruhr et a ainsi libéré la sidérurgie allemande d'un secteur largement déficitaire, obligation est faite à la branche d'activité de s'approvisionner en charbon à coke de la Ruhr qui bénéficie en outre de subventions communautaires et nationales. Le prix du charbon allemand est indexé sur le prix libellé en mark des fines à coke, Cif Hambourg. Bien que la sidérurgie allemande bénéficie ainsi des mouvements à la baisse du dollar et à la hausse de la monnaie allemande, elle se plaint, Klôckner en particulier pour son usine littorale, de devoir payer son charbon beaucoup plus cher que ses concurrents et que ses partenaires de la CECA appartenant aux pays qui, comme les Pays-Bas ou l'Italie font largement appel aux charbons en provenance des pays tiers12. Parmi les sidérurgistes allemands, Klôckner est de ceux qui réclament avec le plus d'insistance l'autorisation de s'approvisionner, au moins pour une part, à l'étranger, et de pouvoir ainsi opérer les mêmes pratiques que les autres grandes sociétés sidérurgiques du monde occidental, se constituer aux USA, au Canada, en Australie et en Afrique du sud un patrimoine minier dans un secteur que l'on prévoit névralgique dans le moyen et le long terme.

51Si l'organisation générale de l'approvisionnement et ses coûts sont imposés par une autorité qui dépasse celle de l'établissement et de l'entreprise, puisque toutes les décisions sont prises au niveau de la branche et du gouvernement, les modalités pratiques sont déterminées par le poids du passé. Les bases d'approvisionnement sont restées les mêmes qu'avant la réorganisation de l'exploitation minière de la Ruhr, à savoir les cokeries minières que Klôckner avait créées autour de Castrop-Rauxel, avant même la construction du centre littoral pour répondre aux besoins de ses usines sidérurgiques intérieures = HagenHaspe, Georgsmarienhütte, et Osnabrück.

52Par rapport à ces structures extrêmes, les centres d'USINORDUNKERQUE et de SIDMAR-GAND présentent un système d'approvisionnement comparable, plus équilibré mais surtout plus complexe, à la fois pour des raisons techniques relatives à l'établissement et des raisons économiques et politiques au niveau de l'entreprise, de la branche d'activité et du gouvernement. Durant les premières années de leur fonctionnement, l'absence de cokerie a imposé une organisation très proche de celle adoptée par Klöckner ; par la suite, la création et le développement d'une cokerie intégrée ont permis de se rapprocher du système néerlandais, considéré comme le plus rentable et le plus apte à valoriser la localisation littorale.

53Avant 1972, date de mise à feu de sa cokerie, SIDMAR-GAND a dû organiser son approvisionnement en coke dans un marché national et européen très tendu à cause de l'insuffisance du potentiel de cokéfaction et surtout du faible développement voire du désinvestissement des sociétés houillères dans ce domaine. La base de l'alimentation fut assurée par une prise de participation dans le capital de "l'Association coopérative zélandaise de carbonisation"13 qui présentait l'intérêt de posséder une cokerie à destination sidérurgique, située certes aux Pays-Bas mais au bord du canal Gand-Terneuzen, à moins de 15 kilomètres des hauts-fourneaux ; le reste fut recherché en Campine auprès de la NV Kempense Steenkolenmijnen14, dans la Ruhr et pour des quantités faibles et fluctuantes dans le Borinage. La difficulté de pourvoir de façon cohérente aux besoins du centre sidérurgique littoral poussa même l'entreprise à faire réallumer une cokerie abandonnée (septembre 1969janvier 1972) à Grimbergen sur le canal de Vilvoorde au Nord de Bruxelles et à accélérer la réalisation de son propre équipement.

54Depuis, à l'exclusion du coke de Sluiskill dont le transport régulier s'effectue par barges poussées, l'approvisionnement concerne le charbon à coke qui provient principalement des USA, de l'Australie et de la Ruhr où sont passés des contrats à long terme et plus épisodiquement de Pologne, de Grande-Bretagne et d'Afrique du Sud.

55Le système d'alimentation de l'usine de Dunkerque a évolué dans le sens d'une multiplication des flux d'approvisionnement, d'une diversification de leur nature et de leur origine, d'une extension de leur longueur et d'un renforcement relatif du processus d'intégration économique.

56L'approvisionnement d'USINOR-DUNKERQUE est mixte, constitué pour 1'essentiel par des charbons importés et à titre de complément par du coke provenant du bassin houiller situé à près d'une centaine de kilomètres de l'usine littorale. Jusqu'au démarrage en 1970 de la puissante cokerie sidérurgique, les besoins considérables et sans cesse croissants de l'usine dunkerquoise dans les premières étapes de son développement furent presque uniquement couverts par des livraisons régulières des Charbonnages de France, les compléments étant recherchés en Allemagne et aux Pays-Bas. Une organisation d'une grande efficacité technique fut établie dans le cadre régional. Une cokerie houillère, celle de Lens, fut spécialement affectée et la totalité de sa production réservée pour satisfaire les exigences quantitatives et qualitatives des sidérurgistes. Les autres cokeries de 1'ouest du bassin houiller du Nord et du Pas de Calais étaient sollicitées pour des petites quantités permettant un ajustement précis à la demande qui représentait plus du quart de la capacité totale de cokéfaction de ce bassin. L'électrification et la modernisation de la voie ferrée Arras-Dunkerque permit d'effectuer le transport par trains complets, programmés chaque jour. (Ces trains de 2.500 tonnes utiles sont constitués de wagons spéciaux et forment les rames les plus longues de France)15.

57La création et le développement de la cokerie littorale entraînèrent une décroissance progressive de l'importance absolue et relative de ce mouvement d'approvisionnement. Celui-ci fut également influencé de manière négative par la diminution de la production et des réserves accessibles de charbon à coke et par l'affaiblissement d'une capacité de cokéfaction houillère non renouvelée après l'abandon des unités devenues obsolètes16. Cette substitution du charbon importé se fit dans le cadre de la Convention Etat-Sidérurgie et en accord avec les Houillères du Nord-Pas de Calais qui, pour respecter les contrats à long terme passés avec la sidérurgie régionale, furent elles aussi contraintes d'importer une part considérable des fines utilisées dans leurs propres cokeries (37 % du charbon enfourné en 1974). L'apport de fines à coke nécessaires à l'alimentation de la cokerie littorale se fait par l'intermédiaire de l'ATIC (Association Technique de l’Importation Charbonnière), organisme officiel, ayant le monopole des importations charbonnières en France. Les relations sont déterminées non seulement par les possibilités offertes sur le marché mondial mais également par les décisions des services officiels français qui agissent dans le cadre de la politique gouvernementale en matière de Commerce Extérieur ou d'Affaires Etrangères17. En outre pour assurer au mieux son approvisionnement, USINOR comme la KNHS est intervenu en 1974 pour se constituer en association avec d'autres entreprises un patrimoine minier. Particulièrement aux Etats-Unis, dans le district charbonnier de Virginie occidentale. Ainsi USINOR a participé à la constitution d'un Groupement d'Intérêt Economique, regroupant plusieurs sociétés sidérurgiques françaises et les Charbonnages de France, qui a pris une participation de 80 % dans la Société Hawley Coal Mining Corporation qui, déjà productrice de charbon, a commencé immédiatement ses livraisons. L'entreprise a en outre créé avec l'ATIC, la Société Beckley Lick Run (Usinor = 80 %) chargée de mettre en oeuvre l'exploitation d'un site vierge, localisé à proximité de la mine contrôlée par la KNHS. Le financement de ces investissements a été effectué à l'aide de capitaux issus du marché américain, en eurodevises à moyen terme et grâce à un prêt de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier. Cette intervention permet de contrôler une part importante des ressources recherchées aux USA qui couvrent entre le tiers et la moitié des besoins de l'usine littorale,-le reste provient prioritairement de Pologne avec laquelle le gouvernement a passé un contrat à long terme portant sur des quantités importantes, de la Ruhr par l'intermédiaire des Pays-Bas, de l'Australie et, pour des quantités 1imités, d'URSS et du Canada. Le transport est assuré, pour les principales relations, par des navires affrétés à long terme par l'ATIC qui s'est accordée avec des armateurs français, regroupés dans différentes associations dont la Société Cetramar qui a affecté plusieurs de ses navires à la relation France-Hampton Roads18.

58L'approvisionnement fut d'abord établi au niveau régional parce qu'il correspondait et aux intérêts d'USINOR qui pouvait, dans les étapes initiales et très coûteuses de sa création littorale, faire l'économie d'un investissement considérable, et aux intérêts des Houillères du Nord et du Pas de Calais qui avaient ainsi la possibilité de valoriser les potentialités offertes par les dernières réserves de charbon à coke et par un appareil de cokéfaction encore productif, et aux intérêts des deux parties qui pouvaient de ce fait bénéficier des aides apportées aux charbons nationaux et européens par les subventions du gouvernement français et de la Communauté Economique de Charbon et de 1'Acier.

59Le système a été modifié et organisé à l'échelle mondiale en fonction de nouveaux impératifs techniques et économiques, en fonction de nouvelles convergences d'intérêts, ceux de la Sidérurgie en général et d'USINOR en particulier, ceux des Charbonnages de France, de l'ATIC, de l'armement français et en fonction de multiples formes de l'activité gouvernementale dans le cadre de sa politique économique générale, mais aussi de sa politique particulière dans les domaines de l'énergie, de l'industrie ou du commerce extérieur, voire dans le cadre d'interventions encoreplus ponctuelles, par exemple au niveau du Plan Economique et Social (FDES).

60Les systèmes d'approvisionnement en coke et en charbon à coke se caractérisent par leur diversité et leur complexité dues aux interférences multiples de nombreux facteurs techniques, économiques et politiques dont l'action varie dans les différents cadres sectoriel, spatial et temporel où sont placées les usines. D'une façon générale, la tendance a été à l'atténuation des flux nationaux et communautaires donc des flux continentaux dont l'impact régional était d'autant plus fort qu'il concernait non seulement le transfert d'un pondéreux mais aussi des activités industrielles d'extraction d'une matière première et l'élaboration d'un produit. En contrepartie et avec le développement de la capacité de cokéfaction dans les usines littorales elles-mêmes, se sont étendues les liaisons outre-mer à la fois dans le sens d'une diversification et d'un éloignement croissants des sources et d'une plus grande intégration de certains flux, destinée sinon à contrôler les prix du moins à garantir une partie de l'approvisionnement. Pour l'alimentation en coke, parallèlement à une concentration de toutes les activités primaires au sein de l'usine, se renforce l'orientation maritime et ceci de façon d'autant plus nette que l'usine bénéficie d'une situation littorale intéressante et d'une accessibilité satisfaisante.

3°- Les fondants et les réfractaires

61Les matières minérales non métalliques, comme la castine, la dolomie ou la chaux qui sont utilisées à usage de fondants ou de réfractaires, représentent dans le bilan matière première des centres sidérurgiques littoraux des postes notables, relativement plus importants que dans le cas des usines en situation traditionnelle. En effet, l'emploi de minerais à très forte teneur exige, au niveau des ateliers d'agglomération et des hauts-fourneaux, l'apport de dolomie crue, de castine, de dunite et de chaux qui permettent de régler la basicité du lit de fusion, de contrôler la composition chimique du laitier et d'assurer ainsi sa fluidité et la pureté de la fonte. La castine et la chaux sont également utilisées comme additifs indispensables dans les convertisseurs des aciéries LD. La dolomie frittée et de plus en plus la magnésie sont des matières requises par la fabrication, souvent intégrée dans les usines littorales récentes, des réfractaires qui servent à garnir l'intérieur des convertisseurs, des mélangeurs, des wagons-poches et autres récipients employés dans la manutention des métaux en fusion.

62Pour s'assurer en ces matières pondéreuses une alimentation présentant les meilleures garanties de régularité, de sécurité et de prix, les responsables des usines ont établi des systèmes d'approvisionnement généralement simples et très contrôlés sur le plan technique et économique au niveau des carrières, des fours et des moyens de transport. Les éléments de diversité entre les solutions adoptées tiennent, là encore, à la situation relative de chaque centre par rapport aux éventuelles ressources naturelles dans le cadre régional ou national et par rapport à la préexistence d'une organisation réalisée pour la satisfaction des besoins de l'ensemble des usines sidérurgiques de l'entreprise ou du groupe industriel dans lesquels s'est inserré le centre sidérurgique littoral lors de sa création.

63La base d'approvisionnement d'USINOR-DUNKERQUE est localisée dans le Boulonnais, près de Caffiers, à moins de 80 kilomètres du centre sidérurgique dans une zone présentant d'énormes réserves en pierres calcaires de compositions diverses. Bien avant l'implantation du centre sidérurgique littoral, l'entreprise y avait acquis des terrains dont les ressources étaient exploitées par la Société "Dolomie et Magnésie de France", société émanant de l'association de plusieurs entreprises sidérurgiques mais contrôlée par USINOR. La création et la croissance de l'usine de Dunkerque devaient entraîner le développement parallèle de l'exploitation. Des carrières localisées à Rinxent, Hydrequent, Ferques et Réty, les matières brutes sont envoyées par camions à Caffiers, soit directement, soit indirectement après avoir été transformées dans les installations de Réty. Des trains, équipés d'un matériel appartenant à USINOR, effectuent la navette régulière et quotidienne entre Caffiers et l'usine littorale, parachevant une intégration très poussée à l'échelle régionale.

64Faute de ressources nationales, la KNHS a organisé un système d'approvisionnement, fondé sur les larges disponibilités offertes en Belgique, surtout par la région de Namur qui, éloignée de plus de 350 kilomètres présente l'avantage de pouvoir être atteinte par voie ferrée et par voie d'eau. Là, dans la vallée de la Meuse, l'entreprise néerlandaise s'est assurée l'essentiel de son alimentation en fondants et en produits pour réfractaires par la prise de contrôle à 50 % de la "SA des Carrières de Namèche" et à 1OO % de la "SA des Usines de Stéphenne" à Marche les Dames. Le complément étant fourni également par d'autres entreprises locales liées par des contrats à long terme, ce sont quotidiennement plusieurs trains complets qui, formés dans les gares de triage de Engis, Hémalle-sous-Huy et Marche les-Dames, sont dirigés vers Ijmuiden19. L'usine néerlandaise est également alimentée par péniches, pour une part variable en fonction de l'évolution des frets. L'insertion de la KNHS dans la Société ESTEL assure une sécurité supplémentaire par la mise à disposition éventuelle du potentiel de production contrôlé en Allemagne par Hoesch dans la Rheinische Westfälische Kalkwerke AG (79,5 %) à Dornsap et dans la Dolomitwerke Gmbh à Wülfrath (50 %).

65L'approvisionnement des usines de Brême et de Gand a été déterminé par l'existence, avant leur création, d'un système organisé dans le cadre de l'entreprise pour l'usine allemande et dans le cadre du groupe industriel pour l'usine belge. Les besoins de SIDMAR-GAND sont couverts par contrats à long terme passés avec des sociétés d'extraction et de valorisation des produits minéraux, contrôlés par les entreprises sidérurgiques belges ayant participé à la création de SIDMAR et dont l'emprise économique est très forte sur les ressources industrielles de la région située entre Charleroi et Liège. De Namur et de ses environs à Gand, les transports sont assurés principalement par chemin de fer, éventuellement par la voie d'eau.

66L'usine de Brême est alimentée par des établissements depuis longtemps intégrés dans le potentiel industriel de l'entreprise Klôckner et pour qui l'usine littorale n'est qu'un élément du marché de vente. C'est ainsi que la dolomie crue et frittée est livrée par la Dolomitwerk Salzhemmendorf Gmbh (75,2 %) située dans le Weserbergland à quelques 180 kilomètres de Brême, alors que la castine et la chaux sont fournies par la Piesbergersteinindustrie qui exploite, dans la région d'Osnabrück, les plus grandes carrières d'Allemagne fédérale et qui dépend de la Klöckner Durilit Gmbh, elle-même filiale à 100 % de la Klôckner Werke AG.

67Par rapport aux autres systèmes d'approvisionnement, ceux déterminés par les importants besoins des usines littorales en matières minérales à usage de fondants et de réfractaires se caractérisent non seulement par la simplicité, la rigueur et la permanence de leur organisation, mais aussi par leur caractère essentiellement continental. Si la valeur relative et absolue de ces matières est sans commune mesure avec celle des minerais, du coke et des ferrailles, l'extraction, le traitement et le transport de plusieurs centaines de milliers de tonnes de pondéreux, participent à l'ancrage dans l'espace régional, à des distances plus ou moins grandes, de l'activité de chaque centre sidérurgique littoral.

4°- Les ferrailles

68D'importantes quantités de ferrailles sont consommées par les centres sidérurgiques littoraux = 700.000 tonnes environ à SIDMAR-GAND en 1974, 1.300.000 tonnes la même année à IJMUIDEN pour assurer une production respective de 2.260.000 tonnes et de 5.380.000 tonnes d'acier brut. Ces ferrailles sont utilisées dans les hauts-fourneaux pour diminuer la mise au mille-coke et surtout dans les convertisseurs des aciéries LD, de façon indispensable pour assurer le processus de fabrication, et de façon complémentaire soit pour augmenter la production d'acier à partir d'une quantité de fonte donnée, soit pour en améliorer la qualité. La consommation relative de ferrailles, c'est-à-dire la quantité utilisée pour produire une tonne d'acier brut, peut donc varier dans de grandes proportions en fonction des programmes de fabrication et des transformations du potentiel de production de chaque usine ainsi qu'en fonction de l'évolution conjoncturelle des prix des différentes matières premières.

69Chaque usine sidérurgique trouve en elle-même son principal fournisseur de ferrailles par la récupération de tous les déchets métalliques à tous les stades de l'élaboration. Les déchets issus du traitement par broyage et triage magnétique des laitiers de hauts-fourneaux et d'aciéries, les poussières provenant des installations de dépoussiération des principaux équipements, les coulées de fonte excédentaire ou de qualité médiocre faites à l'air libre, les extrémités éboutées des lingots, les lingotières usagées, les chutes provenant de la préparation des brames, des plaques et des tôles, les battitures de laminage, etc, représentent des ferrailles très recherchées parce qu'elles sont récentes et peu altérées, de composition connue et permettant ainsi des dosages précis aux ateliers d'agglomération, aux hauts-fourneaux et aux aciéries où elles sont envoyées selon leurs dimensions. La capacité de production relative de ferrailles varie d'une usine à l'autre en fonction de la longueur et de la diversité de la chaîne technique, de son équipement en coulée continue et de l'intensité de l'automatisation dans les activités de laminage20. La capacité de production est d'autant plus faible que les installations de coulée continue sont importantes, que l'automatisation est poussée et que la chaîne technique est courte et peu ramifiée : ces données, en effet, entraînent respectivement la suppression des chutes de lingots et de l'apport en lingotières, l'abaissement considérable des refus pour défaut de laminage et la faiblesse des apports en sous-produits par la limitation des opérations d'élaboration et de transformation.

70Etant donné cette double variable, chaque usine présente un bilan ferraille spécifique qui peut être ou positif et ne nécessiter qu'un faible recours au marché extérieur ou fortement déséquilibré et entraîner alors l'obligation d'organiser rigoureusement un système d'approvisionnement. Les usines littorales étudiées donnent l’exemple de la diversité des cas possibles.

71L'usine SIDMAR-GAND, très spécialisée dans sa gamme de production d'aciers moyens pour emboutissage et dépourvue de coulée continue, est une usine excédentaire en ferrailles qui interviennent davantage dans ses livraisons que dans son alimentation. En 1974, par exemple, pour des raisons de qualités, elle a reçu de l'extérieur 34.000 T de ferrailles et elle en a expédié 115.000 T pour une consommation totale de 694.000 T dont 522.000 T provenaient directement du secteur des laminoirs.

72Dans sa conception originelle, 1'usine de Dunkerque devait également s'équilibrer en ferrailles et être même excédentaire à un point tel qu'Usinor s'était lié par contrat pour approvisionner l'Usine des Dunes de Leffrincoucke, en lui livrant 15 % de sa propre production de chutes. En fait, USINOR-DUNKERQUE est devenu rapidement et très largement déficitaire ; d'une part à cause d'une très forte consommation requise par une plus importante production d'acier d'une meilleure qualité qu'il n'était initialement prévu et d'autre part, à cause d'une production beaucoup plus limitée de chutes tant par l'efficacité générale des équipements que par le développement très rapide de la coulée continue et l'emprise croissante de l'automatisation. Il s'en est suivie une hausse rapide des ferrailles reçues de l'extérieur passant de 6.400 T en 1963 à 127.000 T en 1965 et à 245.000 T en 1972, ce qui représentait à cette date, près de 8 % des achats totaux en ferrailles de la sidérurgie française. Le poids de l'usine sur le marché est d'autant plus sensible que sa demande concerne essentiellement des ferrailles massives et de grande qualité. Ces ferrailles sont fournies par le marché national, accessoirement par quelques cargaisons exceptionnelles en provenance du Bénélux, d'Allemagne fédérale ou de Grande-Bretagne. La collecte des matières recherchées concerne principalement la Région du Nord et surtout la Vallée de l'Escaut, la Lorraine et la Région parisienne qui pourvoient sans difficulté majeure aux besoins de l'usine, alimentée par voie ferrée à des prix qui sont des prix mondiaux, déterminés par la sidérurgie américaine et par les sidérurgistes italiens, principaux preneurs sur le marché européen.

73Les usines néerlandaise et allemande sont en situation intermédiaire, ne faisant appel aux marchés extérieurs que pour des quantités d'autant moins grandes que leur chaîne technique est longue et diversifiée et que les fours Martin qui ont longtemps équipé ces usines ont tous été arrêtés. Les flux proviennent pour KLÖCKNER-BREME avant tout de l'est de la Ruhr et pour la KNHS-IJMUIDEN de la région d'Utrecht et du Rijnmond, c'est-à-dire des régions où la métallurgie lourde est très représentée et où les entreprises ont organisé leur réseau de ramassage par l'intermédiaire de filiales spécialisées dans le négoce à la fois des produits sidérurgiques et des ferrailles, comme aux Pays-Bas la Vereenigde utrechtsche Ijzerhandel BV, dépendant à 100 % de l'entreprise sidérurgique.

74Contrairement aux autres matières premières, les ferrailles n'ont pas déterminé l'organisation d'un système d'approvisionnement particulier : l'importance de l'auto-production, la possibilité de contrôler au moins en partie le recours à l'extérieur et le caractère diffus du marché de collecte en sont les causes principales ; cependant si l'usine littorale, comme celle d'USINOR-DUNKERQUE par exemple, effectue des achats réguliers, dans les mêmes zones géographiques à cause de la spécificité de ses besoins, les flux déterminés s'inscrivent principalement à l'échelle régionale sinon nationale.

5°- Les matières premières annexes et les travaux à façon

75Outre les matières fondamentales, les centres sidérurgiques littoraux utilisent des matières premières annexes par le caractère secondaire qu'elles représentent surtout en masse dans l'approvisionnement global des usines. La faiblesse relative des besoins en additifs métalliques tels les ferro-alliages et l'aluminium, en matériaux comme les sables pour hauts-fourneaux et les liants pour réfractaires, le gypse et le clinker pour les éventuelles cimenteries intégrées, ne détermine pas la création de flux de forte intensité que l'entreprise chercherait à contrôler économiquement. Cependant, comme les usines littorales ont les mêmes bases d'alimentation que les centres sidérurgiques traditionnels, la résultante des relations qu'elles nouent, contribue à renforcer les liens qui unissent les centres littoraux et les régions industrielles de l'intérieur particulièrement les régions sidérurgiques.

76L'approvisionnement des usines littorales est complété par une alimentation plus ou moins importante et régulière en demi-produits, lingots ou brames, dans le cadre de travaux de laminage à façon effectués pour le compte de tiers21. Cette activité de "sous-traitance" est très recherchée pour augmenter l'utilisation et par conséquent la productivité des grands équipements de laminage, principalement des trains à larges bandes à chaud qui, du fait de leur capacité initiale à Dunkerque et à Gand et de leur doublement récent à Ijmuiden et à Brême, offrent de grandes disponibilités.

77L'utilisation de ces possibilités est fluctuante dans le temps et très variable selon les centres car elle répond à des sollicitations dont les causes peuvent être fort diverses : les entreprises extérieures demandent le traitement d'une certaine quantité de leurs demi-produits soit parce qu'elles ne disposent pas d'installations permettant de fournir certaines qualités particulières (larges tôles d'acier spéciaux par exemple), soit parce que leurs installations se révèlent durant des périodes plus ou moins longues dans l'incapacité de répondre aux besoins pour des raisons techniques (travaux de réparation ou d'extension d'un train à bandes), pour des raisons économiques (marchés exceptionnels) ou pour des raisons sociales (grèves de longue durée). Les causes structurelles déterminent des apports réguliers en demi-produits, selon des modalités réglées par des contrats à long terme qui unissent les centres littoraux surtout à des usines en situation intérieure. Les causes conjoncturelles déterminent des apports accidentels, momentanés, souvent importants qui proviennent prioritairement d'autres usines littorales = en période de haute conjoncture principalement, les exemples sont nombreux des transferts de demi-produits pour travaux à façon entre les centres sidérurgiques étudiés et de leurs relations avec les centres maritimes Scandinaves, britanniques et espagnols. Une solidarité de fait s'est établie entre les entreprises possédant les usines littorales qui leur permet en cas de nécessité de répondre sans retard à leurs engagements commerciaux, de façon très économique grâce à la facilité et à la rapidité des échanges maritimes directs.

78Cette variabilité se reflète dans l'évolution fluctuante de l'importance des quantités de produits concernés ; par exemple à SIDMARGAND : 1970 = 108.000 T, 1971 = 1.500 T, 1972 = 103.000 T, 1973 = 95.000 T, 1974 : 47.000 T. Les relations les plus régulières ont été établies avec les usines de Charleroi et de Liège, spécialisées dans la production de produits plats et appartenant à l'entreprise COPEL22 dans le cadre des accords techniques et commerciaux passés entre les sociétés ayant participé à la création de l'usine littorale belge23.

79Pour USINOR-DUNKERQUE, les relations les plus suivies ont été nouées d'une part avec l'établissement d'Isbergues de la Compagnie des Forges de Chatillon-Commentry-Biache qui envoie ses brames d'aciers spéciaux à laminer sur le train à chaud de Dunkerque quand les largeurs de tôles demandées dépassent la possibilité de ses équipements et d'autre part avec les usines lorraines de la Sollac qui a passé avec Usinor des accords de coopération technique dans le domaine des produits plats.

80Un schéma très comparable caractérise le centre KLÖCKNER-BREME qui reçoit régulièrement les demi-produits à transformer pour le compte principalement de la KLÖCKNER-OSNABRÜCK et de la Stahlwerke Südwestfalen AG à Geschweid qui toutes deux produisent des aciers spéciaux. La mise en marche du nouveau train à larges bandes avec ses exceptionnelles capacités quantitatives et qualitatives devait par la suite permettre de développer des relations de même type avec l'usine Acerinox d'Algesiras en Espagne et les usines Grânges NYBY AB et Avesta Jernverks AB en Suède.

81Les travaux à façon effectués de manière régulière sont plus importants encore dans le cas de l'usine néerlandaise qui tire parti de son ancienneté, de la puissance et de la diversité de ses installations : 1972 = 581.000 T, 1973 = 553.000 T, 1974 = 491.000 T. La stabilité et la permanence caractérisent les flux en provenance de la région de Liège et surtout de celle de Dortmund où la KNHS possédait d'importants intérêts bien avant sa fusion avec HOESCH au sein de l'entreprise ESTEL dont les responsables encouragent le développement des échanges entre l'usine du littoral et les usines de la Ruhr, unies par une desserte ferroviaire cadencée à un rythme quasi quotidien.

82Au même titre que les relations d'alimentation en coke, en ferrailles et en matières premières annexes, les relations déterminées par les travaux à façon contribuent à développer l'horizon continental des usines littorales dont les systèmes d'approvisionnement en matières premières se structurent selon des modalités variables et avec des conséquences très différentes en ce qui concerne l'organisation de l'espace industriel, d'une part à l'échelle mondiale et d'autre part surtout à l'échelle régionale, dans le cadre national ou communautaire.

B- LES SOURCES D'ENERGIE ET LES FLUIDES DIVERS

83Par l'importance et la complexité de leur production, les centres sidérurgiques littoraux mettent en oeuvre d'énormes quantités d'énergie sous des formes variées qui répondent aux diverses exigences du processus de fabrication. Les usines utilisent selon leurs différentes propriétés, thermiques, mécaniques, électriques ou chimiques, les principales sources d'énergie suivantes : le charbon et le coke, les hydrocarbures liquides et gazeux, l'électricité et une partie des gaz combustibles récupérés au stade des cokeries et des hauts-fourneaux. La figure suivante représente les flux énergétiques suscités en 1973 par le centre KNHS-IJMUIDEN pour une production d'acier brut de 5.167.000 T. (Pour permettre les comparaisons les valeurs ont été converties en unités calofirifques : 1 Gcal = 1 Gigacalorie = 1 milliard de calories)24.

84Les valeurs relatives des différentes sources d'énergie utilisées varient selon les centres sidérurgiques en fonction de la nature et de l'importance des activités principales, annexes et secondaires, en fonction des particularités du milieu local concernant la mise à disposition de l'énergie, en fonction des prix et de leurs variations sur les différents marchés nationaux. Cependant autour de chaque usine s'organisent, de façon comparable, trois systèmes d'approvisionnement énergétiques distincts. Chacun de ces systèmes s'individualise par la nature et l'état des matières concernées, par les moyens de transport empruntés, par l'aire d'extension des flux engendrés et de façon synthétique par sa signification géographique. Le premier concerne les matières solides et pondéreuses, essentiellement le coke et le charbon qui, étant également des matières premières et fondamentales, ont été analysés dans le chapitre précédent. Le second, relatif à l'électricité et le troisième aux fluides énergétiques solides et gazeux, possèdent des caractères si différents que des études séparées leur seront consacrées. Par contre les nombreuses similitudes des principaux aspects concernant l'organisation des réseaux de fluides non énergétiques, particulièrement de l'eau et des gaz industriels, justifient que leur étude soit menée de façon parallèle.

1°- L'électricité

85A la fois gros consommateurs d'électricité, comme le montrent la figure précédente et les exemples suivants, et fournisseurs d'importantes quantités excédentaires de combustibles gazeux pouvant alimenter de puissantes chaudières, les centres sidérurgiques littoraux sont généralement en interdépendance étroite avec des centrales thermiques, situées à leur proximité, dont l'existence et la croissance furent et sont pour une large part fonction de la création et du développement de la sidérurgie.

86Les relations sont de deux ordres, le centre sidérurgique étant à la fois le premier client et l'un des premiers fournisseurs de ces centrales mixtes qui constituent des unités de première grandeur, intervenant de façon décisive dans 1'approvisionnement énergétique au niveau local et, par l'intermédiaire des réseaux d'interconnexion, au niveau régional.

87À l'usine littorale la plus importante, celle de la KNHS à IJMUIDEN, correspond l'une des plus puissantes centrales thermiques d'Europe Occidentale, celle de la P.E.N. (Provincial Electriciteitsbedrijf NoordHolland) dont la puissance installée atteignait 840.000 KW en 1970. La centrale, contiguë au centre sidérurgique, occupe un terrain bordant le canal de la Mer du Nord, en situation très favorable par rapport à la base de réfrigération des groupes et par rapport aux sources d'approvisionnement qui sont multiples = charbon importé, fuel lourd provenant de la raffinerie Mobil Oil localisée dans le port d'Amsterdam, gaz naturel originaire des gisements de Groningue, gaz de hauts-fourneaux et gaz de cokerie enfin, qui par deux énormes conduites de 2,40 m et 3,20 m de diamètre, sont transférés d'une usine à l'autre avec un débit maximum de 80.000 m3/heure. La centrale comprend deux unités de production distinctes équipées, l'une de deux groupes de 110 MW et d'un groupe de 130 MW (350 MW) et l'autre de deux groupes de 125 MW et d'un groupe de 140 MW (490 MW). Cet équipement a été réalisé progressivement et modernisé de façon régulière, parallèlement à la croissance de l'activité sidérurgique. La puissance installée à évolué comme suit :

88Avant 1931, l'usine sidérurgique s'auto-approvisionnait grâce à une petite centrale intégrée qui avait été construite en 1922 et les besoins de l'agglomération étaient couverts par une centrale privée construite en 1911 sur la rive sud du canal. La croissance des besoins industriels et urbains, l'augmentation des livraisons de gaz sidérurgiques, l'évolution des conditions techniques de production d'électricité renforcèrent une communauté d'intérêts entre l'entreprise sidérurgique et la société de production et de distribution d'énergie électrique qui devait aboutir à la construction puis au développement de la puissante centrale mixte de Velsen. En 1973, les livraisons de gaz sidérurgiques ont représenté 30 % de la valeur calorifique totale utilisée par la centrale qui, en lui cédant environ 40 % de sa production totale, a satisfait à 92 % des besoins en électricité de l'usine sidérurgique. L'usine produit elle-même le complément par l'intermédiaire d'une petite centrale d'appui constituée de trois turbines de 30 MW couplée avec la centrale P.E.N. et dont le rôle essentiel est d'alimenter, en cas d'accident grave sur le réseau, les équipements fondamentaux les plus vulnérables.

89Pour le centre sidérurgique néerlandais les problèmes d'approvisionnement en électricité sont réglés localement de façon semi-intégrée sur le plan technique et dans les meilleures conditions d'économie et de sécurité. La centrale en effet peut, d'une part moduler la répartition des combustibles qu'elle consomme en fonction de l'évolution de leur prix, d'autre part tirer parti, sur le plan des coûts, des économies d'échelle que lui permettent de réaliser et la taille de ses équipements et l'ampleur de son marché ; enfin elle peut être relayée dans le cas de panne importante par d'autres fournisseurs grâce à son interconnexion au réseau néerlandais et ouest-européen.

90Les organisations établies à Dunkerque et à Gand sont très proches sur de nombreux points.

91USINOR-DUNKERQUE est alimenté par une centrale EDF située entre l'extrémité nord-est du centre sidérurgique (à proximité des hauts-fourneaux), la raffinerie de pétrole BP et le bassin minéralier ; c'est-à-dire entre les sources de combustibles et la base de réfrigération. La centrale consomme en effet essentiellement les gaz sidérurgiques et le fuel lourd, elle emploie l'eau de mer pour le refroidissement de ses condenseurs. Bien que son alimentation soit mixte, que sa production soit destinée à satisfaire les besoins de toute l'agglomération et à s'intégrer dans le réseau régional et national, la centrale a vu ses principales caractéristiques déterminées par ses relations avec la sidérurgie. Cette centrale a été construite à partir d'octobre 1960 sur un radier de béton établi sur un terrain de faible dimension (8 ha) et de résistance médiocre provenant d'un ensablement postérieur à 1876, date de l'édification des jetées de l'avant-port. Les deux premiers groupes de 125 MW fonctionnant au gaz de haut-fourneau et au fuel ont été couplés au réseau respectivement en novembre 1962 et en juin 1963 ; le troisième et le quatrième groupe, également de 125 MW, qui consomment en outre le gaz de cokerie, ont été couplés en janvier et en avril 1969. La centrale très automatisée et employant moins de 200 personnes, a été une réponse très satisfaisante aux besoins de la croissance dunkerquoise durant sa "période sidérurgique". N'ayant pas de possibilités d'extension, elle sera relayée pour répondre aux exigences des étapes ultérieures du développement, à l'échelle locale et aussi à l'échelle régionale et nationale par la centrale nucléaire de Gravelines, en construction sur un terrain de 150 ha, à l'ouest du nouvel avant-port.

92À GAND, c'est la Société EBES, une des principales sociétés belges de production et de distribution d'énergie électrique, qui a réalisé la centrale de Rodenhuize, base de l'approvisionnement en électricité de l'usine SIDMAR25. Cette centrale est implantée au coeur de la zone industrielo-portuaire, au bord du canal Gand-Terneuzen, à 3 kilomètres au sud du centre sidérurgique auquel elle est reliée à la fois par les cables à haute tension et par les conduites de gaz de haut-fourneau et de cokerie. Pour sa localisation précise on a tenu compte d'impératifs nombreux, variés et parfois contradictoires ; pour le refroidissement : nécessité de se trouver éloignée de la vieille centrale de Langerbrugge (275 MW) qui, située sur la rive opposée 2 km à l'amont, réchauffe sensiblement les eaux du canal maritime, nécessité de pouvoir rejeter dans le Moervaart ses propres eaux chaudes de façon à ne pas perturber l'approvisionnement en eau industrielle du centre sidérurgique, pour l'alimentation : besoin d'être proche de Sidmar, de la raffinerie TEXACO qui livre le fuel lourd, de la voie ferrée par laquelle sont apportés les charbons ; pour les livraisons enfin : intérêt d'une localisation proche des grands consommateurs industriels et de la ligne à très haute tension qui, reliant les principales centrales de l'entreprise EBES, traverse le nord des Flandres belges.

93Cette centrale mixte fonctionnant au charbon, au fuel, au gaz de haut-fourneau et de cokerie, a été développée à partir de 1962 par adjonction successive de groupes de 125 MW qui ont été mis en service en 1964, 1965 et 1969. Un groupe de 300 MW complètera en 1978 un potentiel de production qui pourra être ultérieurement porté à une capacité de 1000 MW grâce aux disponibilités offertes par un terrain de 10O hectares qui permet non seulement l'implantation de nouveaux groupes mais aussi l'extension du parc de stockage de charbon et du bassin de décantation ainsi que la construction d'appareils de dépoussiérage et de réfrigérants. La sécurité de l'approvisionnement de SIDMAR-GAND est assurée par le couplage sur le plan local des centrales de Rodenhuize et de Langerbrugge et par leur interconnexion au réseau de l'EBES et aux autres réseaux principaux du Nord de la Belgique.

94L'usine KLÖCKNER-BREME est la seule à ne pas présenter de tels liens d'interdépendance et de complémentarité. Le découpage administratif au niveau des Lânder et, concernant la production et la distribution d'électricité, la répartition des concessions territoriales à des sociétés privées soucieuses de préserver leur exclusivité dans les zones attribuées, n'ont pas facilité la création et le développement simultanés de l'usine sidérurgique et d'une centrale thermique étroitement liées par des échanges constants d'approvisionnement respectif. Les besoins de la sidérurgie sont couverts à partir d'une centrale appartenant à la Stadwerke Bremen AG, société concessionnaire du marché de l'énergie dans la ville de Brême. Cette centrale, située dans le port de Brême, non loin de l'usine Klöckner est interconnectée avec les autres unités de production que possède l'entreprise dans toute l'agglomération et qui constituent un potentiel de production important, alimenté en combustibles très variés. L'ensemble de ces centrales — Kraftwerke Hafen, Kraftwerke Hastedt, Kraftwerke Vahr et Kraftwerke Weserwehr — a une capacité s'élevant à plus de 700 MW qui assure une grande sécurité d'approvisionnement encore renforcée par la possibilité de livraison rapide d'électricité par la société concessionnaire des environs de Brême, la Nordwestdeutschen Kraftwerke AG, qui possède une puissante centrale à Farge, au nord de l'agglomération. Quant au gaz de haut-fourneau, KLÔCKNER le livre à une centrale qu'elle a construite en commun, dans l'enceinte du centre sidérurgique, avec la Stadwerke Bremen AG et la Deutsche Bundesbahn pour alimenter en courant continu les grands axes ferroviaires qui s'organisent autour de Brême et dont le centre sidérurgique est un des principaux utilisateurs. Cette centraie, dotée en 1964 et 1965 de deux blocs de 50 MW, a été renforcée au début des années soixante-dix d'un bloc de 100 MW qui absorbe l'augmentation des livraisons de gaz de haut-fourneau en complétant son alimentation par des apports de gaz naturel provenant de la région d'Oldenburg.

95L'approvisionnement en électricité s'organise à l'échelle locale. Les échanges de gaz et d'énergie électrique ont une telle importance absolue et relative que l'implantation et la croissance des unités de production ont été effectués en recherchant la proximité dans l'espace et en respectant la plus grande simultanéité dans le temps. Les nécessités techniques relatives à la production, au transport et à la consommation des formes d'énergie ont imposé des solutions très similaires malgré la diversité des milieux locaux et la variété des structures financières des entreprises intéressées : société nationalisée en France, régie provinciale aux Pays-Bas, sociétés privées en Belgique et en Allemagne. Malgré leur rigueur, les impératifs techniques et économiques de la sidérurgie n'ont cependant pas abouti à une intégration totale contre laquelle ont joué l'évolution des conditions techniques et économiques de la production d'électricité d'origine thermique et les exigences de sécurité qui au contraire ont conduit à la réalisation d'interconnexions et par conséquent à l'insertion dans un réseau à l'échelle locale et régionale.

2°- Les fluides énergétiques - Les hydrocarbures liquides et gazeux

96Les hydrocarbures occupent une place plus importante dans l'approvisionnement énergétique des centres sidérurgiques littoraux que dans celui des usines traditionnelles. Cette originalité tient aux caractéristiques de l'équipement technique qui souvent a été conçu dès l'origine en fonction d'une possible utilisation de ces formes d'énergie et aux caractéristiques de la localisation géographique qui permet généralement la mise à disposition de ces combustibles à des conditions de prix intéressantes.

97Les hydrocarbures sont consommés surtout sous forme de fuel lourd et de gaz naturel. Ils sont utilisés principalement pour les injections au haut-fourneau afin de diminuer la mise au mille coke et pour le chauffage des fours aux différentes étapes du laminage à chaud ; ils sont également employés, dans le cas de la KNHS-IJMUIDEN, comme matière première de substitution au gaz de cokerie dans la fabrication de l'ammoniaque et des engrais26. Les quantités consommées n'ont cessé de s'accroître jusque dans les premières années soixante-dix où elles ont atteint des niveaux exceptionnels que la crise de l'énergie devait par la suite abaisser sensiblement, sans pour autant remettre fondamentalement en question la tendance générale.

98A USINOR-DUNKERQUE par exemple : en 1966, 89.000 T d'hydrocarbures furent consommés pour une production de 1.600.000 T d'acier brut ; en 1972, 524.000 T furent utilisées pour 3.360.000 T d'acier brut.

99L'importance relative des différents types d'hydrocarbures liquides ou gazeux dans la structure des approvisionnements est variable d'une usine à l'autre, selon sa localisation particulière par rapport à une raffinerie de pétrole et au réseau de transport de gaz naturel. Les centres qui ont été rapidement touchés par la mise en place progressive des réseaux de distribution de gaz naturel provenant des gisements d'Allemagne du Nord et des Pays-Bas, en particulier les usines d'Ijmuiden, de Brême et de Gand, ont tiré un grand profit de cette source d'énergie, riche, commode d'emploi et surtout d'un prix intéressant sinon par son niveau du moins par sa stabilité.

100Les relations déterminées par cet approvisionnement s'organisent à l'échelle locale, en un seul flux par matière, sans transcription apparente dans le paysage et sans intégration sur le plan économique. A Gand, à Ijmuiden et à Brême, le gaz naturel est amené par une conduite souterraine branchée directement sur le gazoduc majeur qui alimente l'ensemble de la région et dont seul le tracé a été influencé par le poids et la place du centre sidérurgique dans la zone industrielle et dans l'agglomération. En ce qui concerne le fuel, ces usines sont alimentées, à un de leurs appontements fluviaux spécialisés, par des péniches de 1.000 à 1.500 T de capacité, spécialement aménagées pour le transport des hydrocarbures lourds et à forte viscosité, à partir des raffineries situées dans leur port respectif : MOBIL OIL à Brême et à Amsterdam, TEXACO à Gand. Seul USINOR-DUNKERQUE, bénéficiant d'une plus grande proximité de la raffinerie BP est alimenté par conduites souterraines en fuel, en propane et en gaz de raffinerie.

3°- Les fluides non énergétiques

a/ Les gaz industriels

101Les centres sidérurgiques littoraux sont de grands utilisateurs d'oxygène pur qui est employé non seulement pour assurer le processus de réduction dans les aciéries LD27 dont elles sont uniquement équipées mais aussi et en quantités croissantes d'une part au stade du haut-fourneau pour enrichir le vent de soufflage et ainsi diminuer la mise au mille coke et d'autre part au stade du laminage pour l'oxycoupage et l'écriquage, manuel ou automatique, des brames. Alors que de nombreux autres gaz sont utilisés mais en quantités relativement modestes, l'azote est employée, elle aussi de façon massive, principalement au laminage à froid pour protéger de l'oxydation le métal placé dans les fours de recuit.

102Les besoins en gaz industriels, principalement en oxygène et en azote, ont augmenté beaucoup plus rapidement que la production d'acier brut, en relation avec la définition progressive de nouvelles utilisations et 1'amélioration constante des techniques de fabrication qui ont permis la mise au point d'unités de séparation de l'air de plus en plus puissantes et la réalisation d'économies d'échelle.

103Deux systèmes différents ont été adoptés pour répondre à la demande des usines littorales : l'un, où la production des gaz essentiels est totalement intégrée dans l'établissement sidérurgique, caractérise les centres anciens ; l'autre, où les gaz requis sont livrés par des unités de production extérieures et dépendant d'entreprises spécialisées, est le fait des centres les plus récents.

104L'intégration totale des unités de séparation de l'air dans les usines KNHS-IJMUIDEN et KLÖCKNER-BREME s'explique par la convergence dans les années cinquante d'une série de facteurs tenant à la fois à l'établissement sidérurgique et aux conditions techniques et économiques de la production des gaz industriels. Dans ces usines, les besoins massifs en oxygène et en azote ne se sont révélés que postérieurement à leur création et ne se sont développés que progressivement en relation avec la substitution échelonnée du procédé LD au procédé Siemens-Martin. La correspondance entre la faiblesse de la demande et la modestie des performances techniques des oxytonnes28 favorisa d'autant plus cette intégration que la politique des entreprises était à cette époque très orientée vers le contrôle étroit de toutes les opérations en relation directe avec l'activité sidérurgique et qu'il n'existait pas dans les environs proches d'autres sollicitations qui auraient rendu intéressante l'implantation, par une entreprise spécialisée, d'une usine indépendante approvisionnant un large marché. C'est dans le cadre de l'usine et en fonction de ses seuls besoins qu'ont été réalisés les investissements nécessaires. A Ijmuiden par exemple, trois ensembles de production ont été successivement créés : le premier dans les années cinquante, composé de 3 oxytonnes d'une capacité totale de 350 T/jour, le second dans les années soixante, composé de 2 oxytonnes de 440 T/j et de 2 oxytonnes de 800 T/j, le troisième doté en première étape, dans les années soixante-dix d'un oxytonne de 1.200 T/j. Ces unités couvrent tous les besoins en oxygène et en azote du centre sidérurgique, y compris ceux de l'usine d'engrais MEKOG ; les autres gaz industriels sont livrés par camions spéciaux par la Société spécialisée AGA, à partir de ses usines de Rotterdam.

105Quand intervient la décision de construire les usines sidérurgiques les plus récentes, les conditions relatives à l'intégration de la production de gaz ont complètement changé. Au fur et à mesure que s'est perfectionnée la technique de séparation de l'air, l'utilisation massive de l'oxygène et de l'azote s'est développée dans la sidérurgie et s'est étendue à de nombreuses autres activités industrielles dans les domaines chimiques et métallurgiques et la production des gaz industriels est devenue le fait d'entreprises spécialisées très puissantes.

106Lors de la création du centre sidérurgique de Dunkerque, existe une convergence d'intérêts évidente entre la Société USINOR qui cherche à se limiter aux seules activités spécifiquement sidérurgiques et à restreindre ses investissements annexes et la Société AIR LIQUIDE qui a entrepris la conquête et l'organisation d'un marché non seulement au niveau de Dunkerque et de ses environs proches mais à celui d'un vaste ensemble industriel qui comprend toute la Région du Nord, la Belgique et le sud de la Province de Hollande. Pour satisfaire les besoins d'USINOR-DUNKERQUE, à la première étape de son développement, AIR LIQUIDE a construit en 1961, sur un terrain de 12 hectares, sa première installation d'extraction des gaz de l'air, située à 500 mètres de l'usine sidérurgique à laquelle elle est reliée par des conduites souterraines. Cet établissement comprenant des postes de transformation d'électricité en liaison directe avec la centrale EDF, des équipements de séparation de l'air, des installations de liquéfaction, de stockage et d'expédition des gaz, fut d'emblée conçu pour permettre une extension progressive de grande envergure. Les étapes de sa croissance, en importance et dans le temps, furent celles de l'usine sidérurgique : 1961 = 1 oxytonne de 350 T/j de capacité. 1962 = I de 350 T/j. 1969 = 1 de 550 T/j. 1973 = 1 de 1.500 T/j. 1974 = 1 de 1.000 T/j. Avec une capacité quotidienne de 3.750 T, cette usine était en 1975 la plus puissante du monde occidental. Pour assurer en toutes conditions la sécurité et la régularité de l'approvisionnement d'USINOR-DUNKERQUE, l'usine d'AIR LIQUIDE a été dotée d'installations de stockage et a été jointe par oxyduc tout d'abord à l'usine de Denain puis intégrée dans un très vaste ensemble de production et de distribution d'oxygène qui comprend outre les centrales de Dunkerque et de Denain, celles de Mons, de Charleroi-Montignies et d'Anvers en Belgique, ainsi que celle de Moerdijk aux Pays-Bas qui sont interconnectées et reliées à leurs principaux clients par un réseau de conduites de plus de 650 kilomètres de long. Sur le plan local, la centrale approvisionne en oxygène USINOR-DUNKERQUE, VALLOUREC et l'usine des Dunes appartenant à CREUSOT-LOIRE et en azote USINOR-MARDYCK et la raffinerie des Flandres de la CFR. L'association entre USINOR et AIR LIQUIDE pour l'approvisionnement du centre sidérurgique littoral a été non seulement à l'origine de la création d'une centrale dunkerquoise à rayonnement limité mais aussi un élément déterminant dans la formation d'un exceptionnel système de production et de distribution de gaz industriels qui crée des liens de solidarité technique à l'échelle régionale et internationale. En même temps qu'il participe à l'ancrage continental de l'usine, ce système d'approvisionnement dont la création et l'organisation doivent beaucoup à l'usine littorale, représente un élément positif dans l'ensemble des infrastructures et des services offerts aux industries de diverses natures implantées ou susceptibles de l'être dans les régions situées autour des centrales de production ou traversées par les conduites de gaz29.

107L'alimentation de SIDMAR-GAND a été organisée de façon comparable. Une usine d'extraction des gaz de l'air a été construite en 1966 sur un terrain de 9 hectares, situé à 2,5 kilomètres de l'usine sidérurgique, en bordure du canal maritime Gand-Terneuzen et à proximité de la centrale électrique EBES qui pourvoit aux besoins en énergie. Cette usine a été établie par la SA AIR PRODUCTS, société de droit belge créée pour la circonstance par la Société américaine AIR PRODUCTS AND CHEMI— CALS INC30 (60 %) et par la SOCIETE GENERALE DE BELGIQUE et sa filiale SIBEKA (40 %). Dans un second temps, une filiale à lOO % de la société belge, l'AIR PRODUCTS NEDERLAND, a construit à Terneuzen une centrale de séparation de l'air destinée à fournir en oxygène et en azote l'ensemble pétrochimique DOW CHEMICALS NEDERLAND NV. Les deux unités de production, belge et néerlandaise ont été alors réunies par des conduites d'oxygène et d'azote qui permettent d'assurer aux principaux consommateurs la régularité et la sécurité des livraisons. Ces installations qui sont à la base de la stratégie de l'entreprise AIR PRODUCTS dans le Bénélux représentent également un équipement intéressant mis à la disposition des établissements industriels qui existent ou envisagent de se localiser dans les zones industrielles aménagées le long du canal maritime entre Gand et la mer, de part et d'autre de la frontière.

108L'évolution des conditions techniques et économiques de production et de consommation de l'intrant et la modification de sa nature d'intrant spécifique en intrant banalisé ont entraîné des différences dans les politiques d'équipement et par voie de conséquence dans la géographie de l'approvisionnement des usines sidérurgiques. Dans le cas de systèmes intégrés qui caractérisent les usines anciennes, l'usine est très indépendante du milieu à quel que niveau que ce soit, dans le cas de systèmes ouverts, au contraire, elle s'inscrit dans un réseau parfois très complexe de relations qui se nouent, non seulement à l'échelle locale mais de plus en plus à une échelle supérieure, régionale et dans certains cas internationale.

b/ L'eau industrielle

109La production sidérurgique requiert à tous les stades de la fabrication de considérables quantités d'eau. Lors de la conception d'USINORDUNKERQUE, les besoins de ce centre sidérurgique, pourtant dépourvu de cokerie et de train à froid, étaient estimés sans tenir compte d'aucun recyclage et d'aucune récupération à 24.500 m3/h pour une capacité initiale de production de 1.750.000 T d'acier brut par an31. Ces besoins étaient ainsi répartis :

110En 1969, la mise en marche de la cokerie et l'augmentation de la capacité de l'usine au niveau de 3 millions de tonnes d'acier brut par an portaient l'estimation de la quantité d’eau nécessaire à 30.000 m3/h, sans comprendre la consommation d'eau potable, importante dans un établissement rassemblant plusieurs milliers de personnes, ni celle des eaux de récupération.

111L'eau est utilisée pour de multiples usages comme le refroidissement des hauts-fourneaux, des lances d'aciéries et des moteurs de laminoirs, le traitement des produits aux différents trains de laminage, la récupération des sous-produits, la granulation des laitiers et des scories, le lavage des gaz ou l'alimentation des chaudières. Certaines de ces utilisations peuvent s'accommoder d'eau salée, d'eau saumâtre ou de qualité très médiocre ; d'autres au contraire exigent une eau filtrée, décarbonatée, stérilisée voire adoucie.

112Toutes les usines possèdent de ce fait des équipements de pompage, d'amenée et de préparation des eaux brutes, des circuits séparés de distribution des eaux selon leur qualité et leur destination, des installations de réfrigération et d'épuration des eaux utilisées, un système d'évacuation des eaux usées. Mais la consommation réelle de chaque usine varie selon la puissance de ses installations de recyclage et les possibilités de réutilisation. La consommation réelle est égale à la totalité des besoins quand le circuit des eaux est complètement ouvert, elle n'en représente qu'une faible proportion lorsque le circuit est intégralement fermé. Dans le premier cas, la consommation est énorme car l'usine n'emploie que des eaux neuves provenant de l'extérieur et qui sont rejetées après utilisation et épuration ; dans le second cas, où la totalité des eaux est recyclée, la consommation réelle est relativement faible puisqu'elle se limite à un appoint destiné à compenser les pertes inévitables et à effectuer les indispensables déconcentrations. Dans la première situation, le système d'approvisionnement s'impose sur le plan local voire régional par sa capacité et par son organisation qui peut être éventuellement simple lorsqu'à proximité existent des ressources naturelles suffisantes mais qui est le plus souvent complexe du fait de la fréquente discordance entre les besoins et les disponibilités ; ce qui rend nécessaire le recours à des ressources éloignées. Dans la seconde situation, l'appel à l'extérieur étant réduit, le système d'approvisionnement est modeste en taille, en complexité et en extension et son impact local ou régional est peu sensible.

113De grandes différences existent entre les usines étudiées à cause de la diversité des conditions naturelles en ce qui concerne les ressources en eau à l'échelle locale ou régionale et de la disparité des équipements de recyclage dont les caractéristiques dépendent principalement de la date de la création de l'usine et des modalités de son développement.

114L'usine KLÖCKNER-BREME a tiré parti de sa localisation sur les bords de la Weser dont le débit (débit moyen : 800 m3/s - débit d'étiage 100 m3/s) permet de répondre en toute circonstance à la demande de l'ensemble des équipements sidérurgiques. Le système originel — pompage dans le fleuve, préparation, utilisation, épuration grossière et rejet — a été progressivement perfectionné en fonction des exigences qualitatives croissantes des installations de production les plus modernes et d'une législation de plus en plus rigoureuse concernant la pollution des eaux. Actuellement la Weser reste la seule base d'alimentation en eau industrielle. Installée dans l'enceinte de l'usine, une station de pompage d'une capacité de 30000 m3/h fournit d'une part le circuit ouvert en eau brute qui continue à être massivement utilisée pour les usages banaux mais qui bénéficie d'une épuration poussée avant d'être rejetée dans le fleuve et approvisionne d'autre part, pour des quantités limitées et après préparation, le circuit en eau adoucie dont l'utilisation ne cesse de croître. La préparation et le dessalement de cette eau fluviale sont effectués dans une installation nouvelle (1974) qui met en oeuvre le procédé Lurgi par vaporisation. La capacité de production d'eau adoucie est de 100 T/h32 à partir de 360 T/h d'eau sale et saumâtre et de 15 T/h de vapeur récupérée au haut-fourneau.

115A la simplicité du système présenté par l'usine allemande qui a pu sans difficulté majeure s'adapter à l'évolution des conditions quantitatives et qualitatives de la demande interne et du rejet externe, s'oppose la complexité du système adopté à Ijmuiden. Celui-ci reflète à la fois la très grande faiblesse progressivement révélée des ressources locales et l'ancienneté de l'usine qui expliquent la juxtaposition de procédés disparates et, par l'effet d'inertie, la lenteur de la substitution des procédés les plus anciens par des procédés plus satisfaisants pour l'usine et son environnement. Jusqu'aux années cinquante, à 1'augmentation régulière mais limitée des besoins en eau, consécutive à une croissance constante mais lente de la production sidérurgique, une réponse fut donnée par l'extension et le perfectionnement progressifs du système d'approvisionnement originel. Celui-ci était basé sur l'exploitation des ressources locales et leur possible adaptation à la demande variée du processus de fabrication : eau douce extraite au pied des dunes littorales jouant le rôle de filtre naturel, eau saumâtre des puits profonds et du Canal de la Mer du Nord, eau de mer de l'avant-port pour les usages s'accommodant de l'eau salée. Le développement exceptionnel de l'usine et de ses besoins en eau nécessitèrent, compte tenu de l'épuisement et de la détérioration des nappes superficielles locales, l'adoption d'un autre système d'alimentation qui de complémentaire devait rapidement devenir essentiel. Ce système fut fondé sur le transport à moyenne et longue distance de l'eau d'un lac, 1'Alkmaardermeer, situé à quelques kilomètres et de l'eau du Rhin, pompée dans le Lekkanaal à Justfaas, à près de 80 kilomètres de l'usine33. L'eau, amenée par une double conduite, est mise en réserve dans les dunes entre Haarlem et Zaandvoort puis transférée au centre sidérurgique par une canalisation passant sous le Canal de la Mer du Nord et dont la disposition est telle qu'une alimentation de sécurité peut être assurée même en cas de panne de tous les appareils de pompage. En 1974, 34 millions de m3 d'eau du Rhin furent livrés à la KNHS-IJMUIDEN ; une quantité qui ne peut plus être augmentée dans des proportions importantes et suffisantes pour répondre aux besoins résultant d'une production d'acier élevée. Deux solutions ont été envisagées : d'une part la construction d'une nouvelle canalisation qui permettra cette fois d'utiliser les eaux de l'Ijsselmeer et d'autre part l'économie au niveau de la consommation par la fermeture progressive des circuits intérieurs, c'est-à-dire par le traitement et l'épuration des eaux qui sont entrepris dans le double objectif du recyclage et de la protection de l'environnement. Exigeant des investissements et des travaux importants, la réalisation du second objectif ne pourra être que progressive et ne permettra qu'à très long terme une simplification technique et une diminution de l'extension spatiale du réseau d'approvisionnement.

116Le système organisé pour l'alimentation d'USINOR-DUNKERQUE présente des caractéristiques très différentes s'expliquant à la fois par les données hydrologiques du milieu local et par le niveau d'efficacité atteint, au moment de la conception et de la création de l'usine, par la technique de recyclage des eaux. L'insuffisance des ressources naturelles de la plaine maritime flamande en eaux superficielles ou en eaux souterraines, par ailleurs fortement saumâtres à faible profondeur, la modestie des apports extérieurs par rivières et canaux, les possibilités très minces d'utilisation directe de l'eau de mer et les coûts excessifs de son dessalage, devaient conduire les responsables de l'alimentation en eau du centre sidérurgique à des options techniques originales et rigoureuses. Les choix ont consisté à fermer tous les circuits et à rechercher le meilleur taux de recyclage, à réduire les pertes et à régler au minimum les déconcentrations. Ils individualisent USINORDUNKERQUE dans la sidérurgie mondiale par la faiblesse de sa consommation et de sa pollution.

117Le centre sidérurgique comprend à 1'intérieur de lui-même une véritable usine à eau qui prépare, distribue, refroidit, épure, recycle d'énormes quantités d'eau et restreint ainsi au niveau de l'indispensable les prélèvements extérieurs et les rejets. Les installations internes se composent d'une station d'épuration et de traitement qui produit les différentes qualités d'eau nécessaires, de réseaux de distribution spécifique et de circuits fermés propres à chaque usage dans chaque atelier. Dans la plupart des cas ces circuits comprennent une station de pompage, un réfrigérant, un équipement d'épuration et des appareils d'utilisation. Le canal à grand gabarit Dunkerque-Valenciennes et son débouché dans le bassin maritime n'existant pas au moment de la construction d'USINOR-DUNKERQUE, c'est dans le canal de Bourbourg, à environ 5 kilomètres au Sud-Est de l'usine, que sont effectués les prélèvements qui alimentent également l'établissement AIR LIQUIDE et la centrale EDF. Les eaux usées, en provenance des vestiaires et des bureaux qui sont alimentés en eau potable par le réseau urbain, sont épurées et déversées dans l'arrivée d'eau brute à usage de production ; les eaux de pluies et les eaux de déconcentration des circuits fermés, dont une partie est directement utilisée pour le refroidissement de la machine à couler la fonte et la granulation du latier et des scories, sont rejetées par des égouts dans le bassin maritime. En cas de manque d'eau cette darse peut servir, par renversements des flux, de base d'alimentation pour les usages les moins exigeants sur le plan de la qualité.

118La consommation réelle du centre sidérurgique dunkerquois compte parmi les plus basses du monde = de 3 m3 à la tonne d'acier à la création de l'usine, elle est passée en 1975 à 1,7 m3/T alors que les consommations considérées comme normales varient de 50 à 150 m3/T et qu'en 1964 les consommations moyennes étaient encore de 180 m3/T aux USA et 250 m3/h en URSS. À cette consommation correspondent des prélèvements effectifs s'élevant à 6 millions de m3 en 197034 et à 7,3 millions de m3 en 1975, soit environ 20.000 m3 par jour. L'augmentation des prélèvements déterminée par la croissance prévue de la production sidérurgique ne devrait pas entraîner de modification du système d'approvisionnement propre à l'usine. Mais cette augmentation a représenté un facteur important dans les plans établis sous la direction et le contrôle du Syndicat Intercommunal pour l'alimentation en eau de la région de Dunkerque, l'Agence de Bassin Artois-Picardie et le Port Autonome de Dunkerque pour assurer de façon régulière la couverture des besoins en eau potable et en eau industrielle de l'agglomération dunkerquoise. À court et à moyen terme, les compléments d'eau potable demandés seront fournis grâce au perfectionnement des aménagements qui valorisent les ressources offertes par les nappes souterraines et les petites rivières des derniers contreforts de l'Artois, à proximité de Moulle, au SudOuest de Watten ; les compléments d'eau industrielle seront tirés du bief amont du canal de Bourbourg alimenté par l'Aa et ses affluents. À long terme l'ensemble des besoins en eau, potable et industrielle, seront couverts à partir d'un lac artificiel, le lac de Drincham, creusé à 15 kilomètres au sud de Dunkerque et approvisionné principalement à partir du Bassin de l'Escaut par le canal à grand gabarit dont certaines écluses commencent à être aménagées à cet effet.

119Les responsables du centre sidérurgique de Dunkerque sont parvenus à résoudre dans de bonnes conditions techniques et économiques un problème de plus en plus important par ses implications multiples en matière d'alimentation et de pollution35. Le recyclage poussé qui équivaut pour ainsi dire à une intégration technique et la limitation du recours à l'extérieur qui en résulte, ont déterminé la création d'un système d'approvisionnement d'une grande simplicité et d'une extension restreinte. Cependant les ressources locales sont si réduites que les prélèvements sidérurgiques futurs additionnés à ceux impliqués par la croissance industrielle et urbaine, nécessiteront des aménagements d'une telle ampleur qu'ils contribueront à renforcer les relations d'interdépendances régionales de l'établissement et du centre industriel.

120Cette interdépendance n'est pas aussi nette dans le cas de SIDMARGAND qui a pu bénéficier lors de sa création, non seulement de la même avance technique dont USINOR-DUNKERQUE a su tirer le meilleur parti mais aussi de la présence immédiate du canal maritime Gand-Terneuzen qui est utilisé comme une excellente base d'approvisionnement en eau industrielle. L'usine belge a été dotée d'un équipement très complet de traitement et de recyclage des eaux qui la rend économe et propre et qui, compte tenu de la très grande capacité du canal Gand-Terneuzen lui a permis de résoudre son problème d'approvisionnement de façon individuelle, c'est-à-dire presque totalement intégrée.

121L'alimentation en fluides non énergétiques, dont l'eau industrielle et les gaz industriels sont les exemples les plus significatifs, n'a pas en général été prise en compte dans le choix de la localisation des centres sidérurgiques littoraux. Les solutions aux problèmes qu'elle pose ont dans tous les cas été recherchées après que la décision d'implantation ait été prise. Cet approvisionnement n'en joue pas moins un rôle décisif dans le fonctionnement de ces usines et par là apparaît comme un facteur important d'interrelations entre l'établissement industriel et son milieu d'insertion local et régional. Les systèmes mis en place présentent une grande variété car leurs principales caractéristiques résultent de l'interférence de nombreux phénomènes, par exemple : les données hydrologiques du lieu, la date de création des usines par rapport à l'évolution des techniques de séparation de l'air, de traitement et de recyclage de l'eau, la politique des entreprises en matière d'intégration technique... etc. Malgré leur diversité, malgré le fait qu'ils utilisent et valorisent l'eau et l'air, ressources particulières, et qu'ils emploient des moyens de transport spécifiques et souvent invisibles, ces systèmes sont des éléments non négligeables de l'emprise continentale des centres sidérurgiques littoraux. Cette emprise varie en extension et en intensité selon que 1'usine est très autonome par rapport à son environnement (KLÖCKNER-BREME et SIDMAR-GAND pour l'eau industrielle - KLÖCKNER-BREME et KNHS-IJMUIDEN pour les gaz industriels) ou au contraire très interdépendants, soit parce qu'elle s'intègre dans un réseau de relations externes créateurs de solidarités techniques (USINOR-DUNKERQUE et SIDMAR-GAND pour l'oxygène, KNHS-IJMUIDEN pour l'eau) soit parce qu'elle entraîne indirectement, par son poids relatif, la modification des caractéristiques du milieu à l'échelle locale et régionale (USINOR-DUNKERQUE pour l'eau).

C- LES EQUIPEMENTS, LES MATERIELS ET LES SERVICES TECHNIQUES

122Pour assurer son fonctionnement sur le plan technique, l'activité industrielle requiert au stade de l'établissement, outre des mouvements de matières premières, d'énergie et de fluides divers, des apports d'équipements de matériels et de services techniques qui participent à la création, l'entretien et l'extension du potentiel de production. Ces exigences sont particulièrement nombreuses pour les centres sidérurgiques littoraux dont la plupart des caractéristiques techniques ont joué en faveur de leur amplification. Plus que toutes les autres industries de base, la sidérurgie utilise un équipement lourd considérable, soumis à des contraintes particulièrement fortes qui rendent indispensable un travail constant d'entretien, de réparation et de renouvellement. Plus que toutes les autres usines sidérurgiques, les centres littoraux ont été concernés à cause du rythme rapide de leur extension et des besoins particuliers provenant de leur modernisme et du haut niveau de leur productivité. Trois types de mouvements peuvent être distingués en tenant compte de la nature du produit concerné, de sa destination fonctionnelle, de l'intensité et de la régularité des apports : ceux relatifs aux équipements neufs destinés à la réalisation du potentiel de production, ceux concernant les matériels de fabrication qui doivent être remplacés avec une périodicité variable, enfin les transferts impliqués par l'entretien et la réparation de ces équipements et de ces matériels.

123Ces relations se distinguent des systèmes d'approvisionnement précédemment étudiés par la très grande diversité des produits concernés, l'irrégularité des quantités et des valeurs, la discontinuité chronologique dans les livraisons, donc par des caractères qui limitent les possibilités d'utilisation dans leur sens étroit et traditionnel des concepts de flux et de systèmes d'approvisionnement. Cependant l'importance du phénomène, l'existence de correspondances entre les relations, la similitude avec des situations analysées dans les chapitres précédents, incitent à analyser ces relations avec la même méthode qui nécessite de considérer l'ensemble des relations fonctionnelles et surtout de saisir leur niveau et leurs modalités d'organisation.

1°- Les équipements neufs

124Durant les vingt années 1955-1975, les centres sidérurgiques de Dunkerque, Ijmuiden, Gand et Brême ont représenté des centres d'investissement, des chantiers de construction et des points de concentration d'équipements industriels comptant parmi les plus importants d’ Europe Occidentale. L'ampleur et la rapidité de leur croissance ont suscité un appel, sinon permanent et régulier, du moins souvent très pressant et sans longues interruptions auprès de toutes les branches industrielles productrices de biens d'équipement lourd en général et d'installations sidérurgiques en particulier. Cette sollicitation a revêtu des formes variées selon les centres, surtout en fonction de leur ancienneté, du rythme de leur évolution et de leur localisation par rapport à leurs éventuels fournisseurs.

125La conception générale d'USINOR-DUNKERQUE à la première étape de sa constitution, la coordination des recherches, la répartition des commandes, l'ordonnancement et le suivi des chantiers de construction et de montage ont été confiés à une société unique d'ingéniérie : la SOFRESID ou "Société française d'étude d'installations sidérurgiques". Cette société d'ingéniérie générale et spécialisée, contrôlée en partie par USINOR sur le plan financier, a joué un rôle de coordination entre d'une part les responsables de l’usine sidérurgique et d'autre part les industriels chargés soit de la livraison d'éléments ou de sous-ensembles soit de la construction totale d'un ensemble comme un haut-fourneau ou une chaîne d'agglomération. Le long passé sidérurgique d'USINOR et l'expérience de relations anciennes avec les fournisseurs des équipements recherchés, le cadre surtout national dans lequel s'était jusqu'alors exprimée la société d'ingéniérie devaient jouer très nettement en faveur du choix des fournisseurs nationaux et parmi ceux-ci en faveur des industriels régionaux. La part relativement faible des commandes passées à l'étranger concerna essentiellement des équipements particuliers dont quelques fournisseurs américains, allemands, anglais et autrichiens se sont faits les spécialistes quasi incontestés. La région Rhône-Alpes, la région parisienne et la Lorraine dans une moindre mesure furent les origines les plus fréquentes avec la région du Nord qui joua un rôle de premier ordre à partir des établissements spécialisés de l'agglomération lilloise, du Valenciennois et de la vallée de la Sambre.

126Le développement des ateliers centraux dans l'usine littorale elle-même, la création induite de quelques ateliers et établissements industriels dans l'agglomération dunkerquoise ne devaient pas modifier sensiblement aux différents moments de la croissance rapide du centre sidérurgique, le schéma établi au moment de sa création. Commandés par la même société d'ingéniérie, les équipements ont été pour la plupart livrés par les mêmes fournisseurs dont la relative proximité a empêché que ne s'effectuent d'une part une intégration certaine par l'usine sidérurgique et d'autre part une induction réelle sur le plan local.

127Dans le cas de SIDMAR-GAND les conditions techniques de création et de développement ne furent pas exactement semblables et suscitèrent une organisation légèrement différente des livraisons d'équipement. L'ingéniérie générale de l'usine fut confiée à un consortium de deux bureaux d'étude : la SOFRESID qui apportait les fruits de son expérience dunkerquoise et TRACTION et ELECTRICITE, importante société d'ingéniérie belge, contrôlée par la Société Générale de Belgique et par conséquent intégrée dans le même groupe financier que SIDMAR, son commanditaire. En outre, les responsables de chaque division de la future usine furent davantage associés à sa conception et à sa réalisation. La diversité des initiatives ne fut pas un obstacle à la cohérence et à la perfection, mais elle favorisa sans aucun doute une parcellisation plus poussée des équipements et une dispersion plus grande des fournisseurs à l'échelle internationale et nationale avec des origines privilégiées, en particulier les agglomérations industrielles de Charleroi et surtout de Liège où les solidarités techniques, économiques, financières et personnelles exercèrent des influences des plus sensibles. La croissance progressive de l'usine flamande qui résulta dans ses premières étapes du perfectionnement très poussé des équipements existants plus que de la multiplication des équipements nouveaux, favorisa une certaine forme d'intégration des travaux nécessités par l'extension à l'intérieur même de l'usine. Cette tendance qui s'exprime par l'augmentation des effectifs des services de recherches, des travaux neufs et des ateliers centraux aboutit à assurer par le personnel de l'usine l'étude des projets d'équipement et le montage des éléments ou des sous-ensembles commandés à l'extérieur. Cette tendance s'est trouvée renforcée pendant la période de forte dépression suivant 1975, durant laquelle, pour éviter des licenciements, une partie de l'effectif fut utilisée non seulement à l'entretien mais aussi au développement du potentiel de production.

128Dans les usines les plus anciennes, cette tendance à l'intégration est généralement plus affirmée, avec des particularités bien marquées dues à la spécificité de la place occupée et du rôle joué par chaque établissement au sein de chaque entreprise.

129Deux facteurs jouent un rôle déterminant pour KLÖCKNER-BREME : d'une part l'ampleur et la diversité du potentiel industriel représenté par la totalité des établissements de l'entreprise qui à ce stade ont peu à peu déterminé l'instauration de traditions dans les relations avec les fournisseurs, surtout nationaux, d'équipements industriels généraux ou sidérurgiques ; d'autre part dans le cadre de l'entreprise KLÖCKNERWERKE AG et dans le cadre plus vaste du groupe KLÖCKNER and Co, la présence de secteurs ou de filiales dont l'activité est précisément l'élaboration des matériels et des équipements recherchés. À de rares exceptions près, représentées par des éléments ou des sous-ensembles très particuliers pour les extensions les plus récentes qui peuvent éventuellement provenir de fournisseurs étrangers très spécialisés, les équipements viennent pour l'essentiel du Rheinisch-Westfälisches Industriegebiet, ainsi que d'Osnabrück où Klöckner possède son principal établissement de constructions mécaniques.

130Pour la KNHS, l'intégration s'effectue surtout à l'intérieur de l'établissement industriel lui-même. L'étude des caractéristiques techniques de l'usine a montré l'exceptionnelle importance des services de recherches et d'études et du service des travaux neufs. L'ancienneté du centre sidérurgique et son unicité à l'échelle nationale ont dans ce domaine contribué également à la recherche d'une certaine autarcie qui limite le recours à l'extérieur. L'ingéniérie étant en grande partie assurée par les ingénieurs et les techniciens de l'établissement, la réalisation d'une partie des équipements et leur montage général sont souvent effectués par les ouvriers de l'usine, dirigés et aidés par le personnel en régie que délèguent les entreprises extérieures livrant le reste des matériels. Pour les équipements précisément sidérurgiques, les fournisseurs sont pour la plupart des étrangers et d'origines très diverses ; pour les équipements industriels généraux la part des fournisseurs nationaux est plus importante, provenant surtout des grandes villes de la Randstad : Amsterdam, Rotterdam et Utrecht ; pour les équipements banaux de petite dimension, l'agglomération peut intervenir de façon appréciable. À titre d'exemple, les dépenses extérieures relatives à la construction du dernier haut-fourneau, le HF 7, ont été faites pour 19 % à l'étranger, pour 15 % dans l'agglomération et pour 66 % dans le reste des Pays-Bas.

2°- Les matériels de fabrication

131Le fonctionnement d'unités de production industrielle aussi vastes et aussi complexes que les centres sidérurgiques littoraux exige un matériel de fabrication extraordinaire par sa masse et sa variété, allant de la vis à bois et du composant électronique aux lingotières et aux cylindres porteurs du slabbing. En 1975, les magasins centraux de SIDMAR-GAND furent étendus et aménagés de façon à pouvoir stocker plus de 88.000 pièces différentes, utilisées en quantités et à un rythme variable ; Ces besoins impliquent des relations d'approvisionnement très nombreuses dont la signification est fonction de la nature, l'importance, la spécificité du matériel concerné.

132Cependant on constate de façon générale qu'une partie de ces relations a les mêmes origines que celles qui sont destinées à alimenter les autres établissements sidérurgiques de l'entreprise concernée ou éventuellement des entreprises rassemblées au sein du même groupe financier. Ces relations se nouent surtout au niveau national ou régional, rarement au niveau local ou international, avec une organisation très proche de celle évoquée pour la fourniture des équipements.

133Ainsi USINOR-DUNKERQUE par exemple est-il approvisionné en lingotières par l'établissement Châtillon-Coimnentry-Biache, situé à Isbergues, à quelques dizaines de kilomètres du littoral mais qui fournissait déjà tous les centres de l'entreprise. Il en est de même pour SIDMAR-GAND qui s'approvisionne en cylindres de laminoirs, à Sclessin-Ougrée près de Liège, auprès de la S.A. SAFAK, une société spécialisée dans la production des cylindres pour l'industrie sidérurgique qui, contrôlée par la Société Générale de Belgique, pourvoit aux besoins des principales sociétés sidérurgiques belges et luxembourgeoises. C'est également le cas pour KLÔCKNER-BREME qui, sur le plan de l'approvisionnement en matériel, s'intègre dans un système de relations qui est organisé par le siège social de Duisbourg, au mieux des intérêts généraux de l'entreprise en tenant compte non pas de son seul établissement littoral mais de la totalité de ses usines. Là encore la KNHS-IJMUIDEN s'individualise du fait de sa position particulière d'établissement sidérurgique longtemps unique au sein de l'entreprise, dominant au niveau national et englobé tardivement dans un ensemble industriel international.

134Ces caractères expliquent quelques données originales, comme l'intégration dans l'établissement même de la fabrication de certains matériels ou comme la recherche menée avec HOESCH, dans le cadre de la nouvelle société ESTEL, de fournisseurs communs qui seront éventuellement différents des fournisseurs respectifs précédents puisque devant répondre à de nouvelles exigences de quantités, de coûts de production et de coûts de transport. Un exemple d'intégration peut être donné par la création en 1973, dans l'enceinte de l'usine, d'un atelier de fabrication de lingotières qui, avec une capacité initiale de 125.000 T/an pourra même subvenir à une partie des besoins des établissements allemands de Hoesh. Un exemple de changement sera donné par la nouvelle répartition des fournisseurs en cylindres de laminoirs dont la détermination fait l'objet d'études au niveau des groupes de coordination établis par la direction commune d'ESTEL.

3°- Les services techniques

135L'entretien des équipements et des matériels représentent dans le cas des centres sidérurgiques une grande activité qui revêt des formes multiples. On distingue l'entretien exceptionnel qui concerne les opérations dont la périodicité est supérieure à un an et l'entretien courant qui regroupe les interventions continues ou se répétant plusieurs fois dans l'année ; les premiers représentent en moyenne moins de 25 % des dépenses, les seconds plus de 75 %. On distingue également les services généraux que l'on retrouve dans tous les établissements industriels et les services spécifiques qui s'appliquent à l'équipement et au matériel proprement sidérurgiques. L'importance de l'entretien courant et des services spécifiques a conduit traditionnellement dans la sidérurgie à une très forte intégration à l'intérieur des établissements36.

136Mais dans les centres sidérurgiques récents et particulièrement dans les centres littoraux, une partie de l'entretien est sous-traitée en faisant appel à des entreprises extérieures qui viennent effectuer sur place les travaux ou qui reçoivent dans leurs établissements les pièces à réparer. L'importance de la sous-traitance, impliquant ou non un transfert matériel, varie selon certaines caractéristiques de l'établissement, de l'entreprise et du milieu local et régional.

137Tous les facteurs ont convergé pour renforcer l'intégration au sein de la KNHS-IJMUIDEN : l'âge, l'importance, la complexité de l'établissement entraînent une telle ampleur de tous les types de travaux d'entretien que leur réalisation par les ateliers centraux est apparue de loin comme la solution la plus rentable ; l'ancienneté de l'entreprise dont la politique a visé au continuel renforcement de cette usine qui a longtemps représenté l'élément essentiel sinon unique du potentiel de production ; les possibilités limitées tant sur le plan quantitatif que qualitatif du milieu industriel local et régional. Cependant cette intégration n'exclue pas toutes relations avec l'extérieur : la KNHS fait appel aux services de près d'une centaine d'entreprises, surtout situées dans l'Ijmond ou à proximité, la plupart de dimensions très modestes voire de structure artisanale, dans de nombreuses spécialités, particulièrement dans la mécanique, l'électricité, le bâtiment et les travaux publics. Cette organisation permet à l'entreprise de faire face dans les meilleures conditions au caractère fluctuant de certains travaux, soit du fait de la production elle-même, soit du fait de la conjoncture économique. Tout affaiblissement de la demande est alors répercuté beaucoup moins sur l'effectif de l'entreprise que sur le niveau d'activité des entreprises sous-traitantes.

138Au contraire USINOR-DUNKERQUE est représentatif de ces usines nouvelles où une part appréciable, pouvant dépasser 20 %, des travaux d'entretien est sous-traitée de façon constante, qu'il s'agisse d'heures de travail effectuées à l'intérieur de l'établissement sidérurgique ou de réparations de pièces dans les ateliers des entreprises intéressées. Les relations ont été établies principalement au niveau local et régional. Sur le plan dunkerquois des accords ont été passés soit avec des établissements industriels implantés de longue date comme l'usine des Dunes de Creusot-Loire, les ateliers de constructions et de réparations navales, Ateliers et Chantiers de France-Dunkerque, Beliard Crighton et Cie, Flandres Industrie, soit avec des entreprises ayant participé à la construction de l'usine et qui, comme Delattre Levivier, Herlicq ou Entrepose, ont gardé à Dunkerque des ateliers localisés à l'intérieur de l'établissement sidérurgique ou sur la zone industrielle de Grande-Synthe, soit avec des entreprises spécialisées dans l'entretien des bâtiments et des grands équipements industriels qui se sont implantés sur le littoral où s'est développé un marché de travaux trop particuliers ou trop dangereux pour que les entreprises de production industrielle les confient à leurs propres services d'entretien. Dans le cadre régional, les relations ont été établies avec les établissements plus anciens d'USINOR qui, comme celui de Denain, possède des ateliers centraux beaucoup plus développés.

139Les centres sidérurgiques KLÖCKNER-BREME et SIDMAR-GAND présentent des caractéristiques intermédiaires avec une intégration plus poussée et des relations plus limitées sur le plan local que dans le cas d'USINOR-DUNKERQUE et avec des relations à moyenne distance plus nombreuses que dans le cas de la KNHS-IJMUIDEN, surtout avec Osnabrück pour l'usine allemande, avec le Sillon Sambre-Meuse pour l'usine belge.

140Les relations techniques nécessitées par la construction, l'extension et l'entretien des centres sidérurgiques littoraux sont dans l'ensemble très marquées par l'appartenance de ces usines à des entreprises et à des groupes industriels et financiers possédant, à des distances n'excédant pas deux à trois cents kilomètres, un potentiel industriel important qui a déterminé depuis de nombreuses années la formation de systèmes de solidarités techniques et économiques dans lequel l'usine littorale s'est insérée.

141Sur ce plan, l'ancrage continental de toutes les usines littorales étudiées est rendu évident par l'importance globale des liaisons.

142Celles-ci sont établies à différents niveaux spatiaux : le niveau de l'établissement dans les cas d'intégration totale, le niveau local, régional ou extra-régional dans les cas d'intégration partielle, technique ou financière, ou dans les cas de relations simples de fournisseurs à clients. Les niveaux peuvent être classés en fonction du nombre et de l'intensité des relations qui s'y expriment. La hiérarchie entre les niveaux permet de renforcer l'individualisation de chaque centre et surtout de préciser, au moins dans la géographie des intrants, les zones d'influence dont l'extension et l'organisation sont spécifiques de chaque usine.

Conclusion

143Les centres sidérurgiques littoraux exigent pour leur fonctionnement, c'est-à-dire pour assurer d'une part la création, l'extension et l'entretien des équipements et d'autre part la production elle-même, l'apport constant de quantités considérables d'intrants matériels dont l'importance et la valeur sont proches de celles des principales matières premières et sources d'énergie qui sont généralement les seules à être prises en compte dans la plupart des études économiques et géographiques. Ce mouvement se traduit par la formation de flux nombreux, s'organisant en systèmes et convergeant vers chacune des usines.

144L'étude de ces flux et de ces systèmes permet de définir un espace industriel, caractérisé comme espace de relations techniques, dont l'individualisation et l'organisation sont d'abord et avant tout le fait de l'établissement industriel, défini comme centre de production ayant ses exigences spécifiques sur le plan technique.

145Cette étude montre également que cet espace de relations se structure à différents niveaux selon des modalités qui sont en partie commune à toutes les usines mais qui sont en majorité particulières à chacune d'entre-elles. En effet pour répondre aux mêmes problèmes théoriques d'approvisionnement, les solutions sont parfois identiques mais le plus souvent différentes, car dans la réalité pratique interviennent des facteurs très influents comme par exemple les caractéristiques du milieu local et régional, les divers aspects de la politique économique des gouvernements, la stratégie des entreprises qui interfèrent constamment et dont les résultantes varient dans le temps et selon les lieux, même si l'étude ne concerne qu'une période relativement courte et même si les localisations semblent appartenir globalement à un ensemble homogène par ses données générales, économiques et politiques.

146La géographie des intrants matériels des centres sidérurgiques littoraux étudiés se caractérise avant tout par une importance moins grande des relations maritimes lointaines que celle qu'on pouvait pressentir à partir des études générales sur la sidérurgie littorale et au contraire par une intensité beaucoup plus forte que prévue des relations continentales.

147Certes les relations avec l'outre-mer qui concernent la matière première essentielle et une part notable de la source d'énergie principale, représentent par leur masse, leur permanence et leur valeur des faits fondamentaux, mais leur rôle est davantage décisif sur un plan économique général au niveau des groupes industriels et des Etats que sur le plan géographique au niveau des établissements et des localisations précises. En effet, et de façon apparemment paradoxale, l'approvisionnement en minerai de fer et en charbon à coke des usines littorales tend à se différencier de moins en moins de 1'alimentation d'une part sans cesse croissante de la sidérurgie continentale de l'Europe occidentale qui pour se maintenir s'adresse aux mêmes fournisseurs. En même temps que la spécificité des relations s'estompe, celles-ci pour des raisons de sécurité et de coût sont partagées en flux plus nombreux, plus dispersés, plus orientés vers les pays de civilisation ou de colonisation blanches, assumés par des groupements d'entreprises, nationales ou plurinationales, parfois dans le cadre d'accords commerciaux passés au niveau des gouvernements entre les Etats intéressés.

148Par contre les usines littorales étudiées ont déterminé la formation de systèmes particulièrement denses de relations continentales qui leur sont propres et qui sont parmi les facteurs les plus actifs de leur influence sur l'organisation de l'espace.

149Sur ce plan également chaque usine affirme son originalité. Pour l'appréhender on a cherché dans des tableaux synthétiques à caractériser les niveaux auxquels s'organisent les relations techniques en leur accordant une note pour chaque système d'approvisionnement, en fonction de l'intensité des mouvements constatés (O = inexistant, I = très faible, 2 = faible, 3 = moyenne, 4 = importante, 5 = très importante, 6 = exclusive). Une certaine pondération a été introduite en donnant une valeur triple à la matière première essentielle et à la source d'énergie la plus importante. Les bilans que permettent d'établir ces tableaux, même approximatifs et seulement indicatifs, sont évocateurs des particularités de chaque usine, considérée non plus comme centre de production mais comme point de convergence de relations techniques.

150L'usine néerlandaise se caractérise par les valeurs les plus fortes aux relations lointaines non seulement maritimes mais également continentales ; expressives d'une excellente valorisation des qualités intrinsèques du site, de la situation et des réseaux de transport ainsi que de l'utilisation croissante des possibilités offertes par le rapprochement toujours plus étroit avec la sidérurgie allemande dans le cadre du groupe ESTEL. Elle s'individualise aussi par l'importance du processus d'intégration totale qui accroît la puissance intrinsèque de l'établissement et limite son influence au niveau local et régional.

151KLÖCKNER-BREME présente un tout autre schéma, beaucoup plus proche de celui offert par les centres sidérurgiques intérieurs que par les usines littorales, avec des relations lointaines très réduites au profit de relations établies prioritiarement à l'échelle nationale et régionale.

152Les systèmes d'approvisionnement d'USINOR-DUNKERQUE se structurent également de façon différente avec une intensité particulière aux niveaux de la Région du Nord et de l'agglomération dunkerquoise.

153Quant à SIDMAR-GAND, avec des relations maritimes et une intégration dans l'établissement comparables, elle s'individualise surtout par 1'importance de ses liaisons avec les régions sidérurgiques de son arrière-pays où les sociétés qui ont participé à sa création possèdent un grand patrimoine économique.

154Dans le cas du centre néerlandais qui nous est apparu comme l'usine la plus proche du modèle théorique, l'analyse des niveaux d'organisation spatiale des relations d'approvisionnement est confirmée par la distribution géographique des dépenses effectuées pour assurer la production. (C'est-à-dire les dépenses faites en paiement de tous les intrants y compris les services n'impliquant pas de transfert de produits mais exclus les salaires et les coûts sociaux). En 1975, ces dépenses étaient effectuées pour 11,1 % dans 1'agglomérations de l'Ijmond, pour 9,2 % dans le reste de la province de Noord-Holland, pour 29,2 % dans le reste des Pays-Bas, pour 50,5 % enfin à l'étranger, à la fois en Europe et outre-mer.

155L'étude des éventuelles correspondances avec les niveaux d'organisation spatiale des réseaux de distribution permettra de cerner avec plus de rigueur et de précision les aires à l'intérieur desquelles les centres sidérurgiques littoraux exercent une influence décisive sur le plan technique et économique.

II- LES EXTRANTS MATERIELS ET LES SYSTEMES DE DISTRIBUTION : GEOGRAPHIE AVAL DES CENTRES SIDERURGIQUES LITTORAUX

156De même que les flux d'approvisionnement, établis en systèmes et en réseaux convergents, créent une géographie amont des centres sidérurgiques littoraux, les flux de distribution des extrants matériels, par leur nature, leur nombre, leur importance et leur organisation, définissent une géographie aval dont la connaissance permet de mieux appréhender les caractéristiques de l'organisation spatiale propre à chaque usine étudiée et celles de l'organisation spatiale de l'activité industrielle en général.

157Comme le révèle l'étude des unités techniques, des potentiels et des productions, le processus de fabrication sidérurgique présente la particularité de comprendre plusieurs opérations successives, différentes les unes des autres, aboutissant à chaque étape à des productions qui, lorsqu'elles restent à l'intérieur de l'usine, sont à considérer comme productions intermédiaires mais qui, lorsqu'elles en sortent, constituent les multiples et divers extrants matériels. Ces extrants peuvent être classés en fonction de leur nature, de leur valeur et de leur usage, en trois catégories principales : celle des produits, comme la tôle mince laminée à froid ou la tôle galvanisée, directement utilisables par les industries métallurgiques ou éventuellement par les particuliers ; celle des demi-produits qui, comme la fonte liquide, les brames ou les bobines de tôle laminée à chaud, nécessitent une élaboration ultérieure dans d'autres établissements sidérurgiques, celle des sous-produits enfin qui, comme le gaz de haut-fourneau ou le laitier, se prêtent à des activités de simple récupération ou de valorisation plus poussée. Chaque catégorie d'extrants est à l'origine de la création de flux, de systèmes et de réseaux particuliers, justifiant des études séparées qui seront menées comme dans les chapitres précédents, en partant des bases techniques et économiques pour aboutir aux niveaux, géographiques.

158Le tableau suivant donne pour USINOR-DUNKERQUE en 1974 la répartition, en nature et en importance, des expéditions réalisées à partir d'une production de 3.943.000 T de fonte et de 4.221.000 T d'acier brut.

A- LES SOUS PRODUITS

159À différents stades du processus de fabrication sidérurgique sont engendrés des sous-produits dont les destinations, sur les plans technique et géographique, peuvent être fort diverses. L'importance de la récupération, l'intensité de la valorisation, l'ampleur des éventuels marchés de vente dépendent des caractéristiques propres à chaque sousproduit et aux conditions particulières de sa production, de l'évolution de la conjoncture économique le concernant ou concernant les produits concurrents, de la politique de l'entreprise sidérurgique en matière d'intégration ou de celle des entreprises extérieures spécialisées.

1°- Le laitier de haut-fourneau

160Produit de fusion de la gangue des minerais, des fondants et des impuretés de coke, le laitier de haut-fourneau par sa contexture physique et ses caractéristiques chimiques (silicate double d'alumine et de chaux) se prête à différentes transformations :

• brusquement refroidi dans un fort courant d'eau à la sortie du haut-fourneau, il est granulé et peut alors soit servir de matière première de base à la fabrication d'un excellent ciment, soit être directement injecté dans les centrales à béton dont l'emploi se généralise sur tous les grands chantiers, soit être utilisé comme composant majeur dans la fabrication de la laine de verre.
• lentement refroidi, le laitier qui traditionnellement délaissé constituait les crassiers sidérurgiques, peut être employé après concassage et criblage comme matériau de construction des routes, des voies-ferrées et des ouvrages portuaires.

161En fait on constate dans les utilisations du laitier des différences sensibles selon les centres sidérurgiques littoraux : les activités de valorisation sont plus poussées et sont généralement intégrées dans le cas des usines les plus anciennes alors que l'emportent dans les usines les plus récentes les activités de simple récupération qui sont confiées à des entreprises extérieures spécialisées.

162Autour de l'usine KNHS-IJMUIDEN, très représentative du premier type de mise en valeur, a été développé un système diversifié exploitant toutes les possibilités.

163- Le laitier granulé est transféré directement des hauts-fourneaux à une cimenterie située dans l'enceinte du centre sidérurgique et en bordure du canal de la Mer du Nord qui permet dans d'excellentes conditions l'apport des compléments d'approvisionnement et une large part des expéditions. Construite dès 1930, cette cimenterie appartenant à la CEMIJ (Cementfabriek Ijmuiden NV), filiale commune de la KNHS (50 %) et de l'ENCI (Eerste Nederlandse Cernent Industrie NV Maastricht), fut depuis agrandie et modernisée régulièrement pour atteindre une capacité annuelle de 1.300.000 T de ciment métallurgique. Couvrant près de 20 % des besoins nationaux, cette cimenterie est l'une des plus importantes des Pays-Bas. Développée aux limites des possibilités offertes par le terrain sur le site d'Ijmuiden, elle a été complétée en 1965 par une unité comparable dans sa spécialisation que la KNHS a fait construire dans la zone portuaire de Rotterdam par une autre de ses filiales, la Cementfabriek Rozenburg NV (ROBUR). Cette création a légèrement modifié l'organisation des marchés de la cimenterie sidérurgique,-si pour quelques spécialités la distribution atteint et dépasse les frontières nationales, pour l'essentiel des produits l'aire de vente privilégiée s'est rétrécie dans les parties rhénanes du pays pour concerner principalement le nord et le centre de la Randstad, facilement accessibles par tous les moyens de transport quelle que soit la présentation des ciments : en vrac ou en sacs.

164- Le laitier non granulé est cédé à une importante société néerlandaise spécialisée dans la production des matériaux de construction et les travaux publics, le Pelt en Hooykaas NV. Installée dès 1933 à l'intérieur du centre sidérurgique, cette entreprise traite par broyage, criblage et mélange, l'ensemble de la production de laitier. Les différents matériaux d'empierrement sont vendus dans le cadre régional, étant très recherchés dans ces provinces de Hollande qui traditionnellement font appel pour leurs grands travaux d'infrastructure aux carrières des pays Scandinaves, du Massif schisteux rhénan ou des Ardennes belges.

165De 1597 à 1968, une partie du laitier de haut-fourneau devait servir de matière première à la fabrication de la laine de verre. Un atelier fut créé à 1'intérieur du centre sidérurgique par la Nederlandse Steenwolfabriek NV dont les principaux actionnaires étaient la KNHS (40 %), Pelt en Hooykaas NV (40 %) et Nederlandse Participatie Maatschappij (18 %). Gênée dans son fonctionnement et bloquée dans sa croissance par l'extension des équipements sidérurgiques, cette activité cessa à Ijmuiden en 1968 et fut transférée près de Roermond dans le Limbourg.

166Malgré ce départ et bien que leur développement ne puisse plus être envisagé, soit par manque de place, soit pour des raisons propres à l'évolution de l'économie et de la géographie des différents produits élaborés, la récupération et la valorisation du laitier déterminent une activité industrielle appréciable entraînant d'importants flux de produits s'organisant principalement à l'échelle locale et régionale.

167KLÖCKNER-BREME présente des données comparables : le laitier servant de base à la fabrication du ciment et à la préparation des matériaux d'empierrement. Ces activités sont cependant moins considérables à cause d'une production plus limitée de laitier consécutive d'une part aux différences de capacité et d'autre part à la plus grande utilisation d'agglomérés et de pellets au haut-fourneau. Par contre ces activités sont davantage intégrées puisqu'elles sont directement le fait de la Klöckner-Werke AG. Lors de la création de l'usine littorale, l'entreprise a hérité sur le même site de l'ancienne cimenterie de la Norddeutsche Hütte qu'elle a par la suite modernisée. L'atelier est bien situé, à proximité des bacs de granulation et en bordure de l'Industriehafen qui permet une alimentation commode en matières premières complémentaires et l'expédition d'une partie des productions. Celles-ci sont principalement distribuées sur le plan local et régional, surtout dans le bassin de la Weser. Elles participent à l'approvisionnement de plusieurs usines de la Klöckner Durilit Gmbh, particulièrement celles d'Osnabrück et de Bremerhaven qui produisent à partir d'extrants provenant d'autres établissements du groupe industriel des éléments préfabriqués intervenant dans l'industrie de la construction.

168Dans les usines nouvelles le système établi à partir du laitier présente des aspects sectoriels et spatiaux différents. Contrairement aux usines anciennes, les usines récentes ont employé dès leur création des minerais à forte teneur, des agglomérés et des pellets, elles ont procédé à la préparation des charges et ont utilisé des hauts-fourneaux à haute productivité. En résultèrent une diminution considérable de la production relative de laitier et un affaiblissement corrélatif de l'intérêt économique d'une valorisation poussée37. La volonté des entreprises de concentrer leurs investissements sur les activités spécifiquement sidérurgiques joua contre l'un des éléments les plus classiques du traditionnel processus d'intégration technique.

169A Dunkerque, USINOR a confié le traitement de son laitier de haut-fourneau à une entreprise indépendante, la SA Gagnereaud Père et Fils qui opère à l'intérieur de l'usine sidérurgique. L'essentiel du laitier est commercialisé sous forme de matériaux d'empierrement et de mélange ternaire (béton bon marché constitué de laitier concassé, de laitier granulé et de chaux) et distribué principalement par camions sur les grands chantiers de l'agglomération et de la région, dans un rayon ne dépassant par 75 kilomètres. Les relations avec les cimenteries régionales sont limitées à des livraisons épisodiques de laitier granulé effectuées par trains complets. Spécialisée dans la fabrication des ciments alumineux, la cimenterie Lafarge Fondu International construite en 1974 dans la zone industrielle de Mardyck est, malgré la proximité, sans liaison technique avec la sidérurgie.

170Les conditions locales ont permis à Gand une induction plus poussée. Comme USINOR, SIDMAR a confié tous ses travaux de récupération à une firme spécialisée : la Société Beremet créée par des capitaux belges, français et anglais38. Employant près de 200 personnes et un parc important d'engins particuliers, l'entreprise travaille dans le centre sidérurgique, à tous les stades de la production. Sous sa forme granulée, le laitier trouve localement des débouchés intéressants. D'abord livré surtout à la CBR (Cimenteries CBR Cementbedrijven) pour sa vieille cimenterie de Langerbrugge et à sa filiale, la SA Interbéton, gérant des centrales à béton sur les grands chantiers, le laitier est principalement transporté depuis 1974 vers la nouvelle cimenterie CBR de Gand construite au bord du canal maritime à proximité même du centre sidérurgique qui en est une de ses principales bases d'alimentation avec la fabrique de Lixhé pour le clinker et l'Allemagne rhénane pour l'anhydride. À partir de cette nouvelle unité, le ciment métallurgique est distribué non seulement sur le plan local et régional mais aussi sur une plus vaste échelle selon la stratégie commerciale de la CBR qui, directement ou indirectement par l'intermédiaire de ses filiales, joue un rôle important sur le marché du ciment en Belgique, aux Pays-Bas et en République Fédérale Allemande.

2°- Les gaz de cokerie et de haut-fourneau

171Au haut-fourneau, le procédé de réduction libère à chaque opération d'énormes quantités de gaz = en 1974, les 5 hauts-fourneaux en fonctionnement à Ijmuiden ont émis pour une production de fonte de 4,8 millions de T, 8,5 milliards de m3 de gaz soit environ 1 million de m3 par heure. Sec, de faible pouvoir calorifique, produit de façon intermittente, le gaz de haut-fourneau, après avoir été dépoussiéré et stocké pour la régulation, peut servir de combustible dans les emplois n'exigeant pas une rapide et forte montée en température.

172La cokéfaction du charbon s'accompagne de l'émission de gaz de cokerie, gaz riche, chargé de matières en suspension et doté d'un fort pouvoir calorifique. La valorisation de ce sous-produit comprend d'une part la récupération suivie d'une transformation plus ou moins poussée des principaux composants, (goudrons, benzol, naphtaline, ammoniac... etc) et d'autre part son utilisation comme combustible.

173Dans tous les centres sidérurgiques littoraux, une partie de ces gaz, importante et sans cesse croissante depuis la crise de 1 énergie, est auto-consommée en servant à de multiples usages comme le réchauffage des cowpers, des batteries de fours à coke, des fours de laminoirs, l'alimentation des chaudières, la production de vapeur … etc. En 1973, à Ijmuiden le pourcentage d'autoconsommation était de 48 % pour le gaz de haut-fourneau et de 76 % pour le gaz de cokerie. Les surplus sont transférés, sur le plan local, par d'énormes conduites aériennes aux centrales électriques mixtes qui en retour approvisionnent les usines sidérurgiques en énergie électrique39. En 1973, la KNHS-IJMUIDEN a livré à la centrale PEN, 3,6 millions de Gigacalories, représentant environ 1.700 millions de Kwh, soit plus de 80 % de sa consommation.

174Dans les cokeries modernes de Dunkerque et de Gand, le traitement du gaz se limite à la destruction de l'ammoniac et à la récupération des goudrons et de quantités relativement faibles de naphtaline et de benzol qui sont vendus à des usines chimiques dans le cadre régional.

175A Ijmuiden, la situation actuelle est comparable dans ses aspects généraux bien qu'elle soit le résultat d'une évolution qui fut totalement différente. Durant de longues années, les sous—produits de la cokéfaction servirent de fondement à une activité industrielle intégrée et furent à l'origine d’une grande influence économique régionale. En 1929 était mise en service, à l'intérieur du centre sidérurgique, à proximité immédiate de la cokerie et des ateliers d'épuration, une usine d'engrais (sulfate d'ammoniaque, nitrate de chaux, ammonitrate, engrais composés) utilisant le gaz de cokerie comme base de fabrication de l'ammoniac. Cette usine était le fait de la Société MEKOG (Maatschappij tot Exploitatie van Koksovengassen NV) crée en 1928 par l'entreprise sidérurgique KNHS et la société pétrolière De Bataafsche Petroleum Maatschappij NV. Elle devait rapidement devenir une des plus importantes usines d’engrais aux Pays-Bas, employant en 1967, 1190 personnes et produisant 564.000 T d'engrais contenant 145.000 T d'azote. La découverte du gaz de Groningue d'une part et la mise au point de nouveaux procédés de fabrication de l'ammoniac d'autre part, devaient avoir pour conséquence l'affaiblissement des liens techniques et financiers associant les entreprises chimique et sidérurgique. Si la production d'engrais a été maintenue à Ijmuiden, elle est maintenant réalisée essentiellement à partir du gaz naturel provenant des gisements de Schlochteren, complété à partir de 1976 du gaz "haute calorie" des gisements de Bergen. Sur le plan financier, la KNHS a été amenée à restreindre sa participation financière dans le capital de MEKOG qui, pour imposer sa prééminence sur le plan national et s'affirmer sur le plan mondial, a dû développer une stratégie indépendante de celle de sa société mère. Devenue la Verenigde Kunstmestfabrieken Mekog-Albatros NV (VKF) par fusion avec la société Albatros Superfosfaatfabrieken NV, puis l'Unie Van Kunstmestfabrieken BV, elle s'est en particulier associée à la Badische Anilin und Sodafabriek AG (BASF) pour construire à Pernis 1'un des plus grands complexes européens de production d'engrais et a entrepris d'étendre ses ramifications par des prises de participation dans de nombreuses sociétés spécialisées en Europe et dans le reste du monde, surtout aux Etats-Unis, au Canada et en Afrique du Sud.

176Malgré la disparition des liens techniques et l'affaiblissement des liens financiers, l'activité chimique autrefois intégrée est restée sur le site en continuant à jouer un rôle important à la fois dans son cadre économique et dans le cadre spatial de son environnement.

177Par contre a complètement cessé en 1968 le rôle régional que l'entreprise jouait par ses livraisons aux collectivités publiques de gaz de cokerie sous forme de gaz d'éclairage ou gaz domestique. Jusqu'en 1965, date à laquelle fut prise la décision gouvernementale de substituer le gaz naturel au gaz de cokerie, le réseau de distribution établi à partir de la NHS s'était ramifié dans l'Ijmond et le Zaanstreck et étendu jusqu'à Hoorn, Alkmaar, Haarlem, Hillegom et Amsterdam. En contre-partie, l'entreprise sidérurgique reçut une concession de recherche de gaz naturel en Mer du Nord, qu'elle utilisa avec la Steenkolen Handelsvereeniging NV, l'Amoco Netherlands Petreoleum Cy et la Gelsenkirchener Bergwerks AG. Cette recherche devait aboutir en 1972 à la découverte d'un gisement intéressant à 120 kilomètres au Nord-Ouest de Den Helder et quelque temps plus tard à sa mise en exploitation par une entreprise nouvelle : la NV Nordwinning Kl 3, associant aux capitaux de la KNHS (Hoogovens Delstoffen BV) des capitaux d'Etat et des capitaux privés d'origine néerlandaise, allemande, anglaise et américaine. Au terme de la construction d'une conduite sous-marine et d'une station de distribution établie dans la dune littorale à Callantsoog, les premières livraisons sur le marché national furent effectuées en 1976.

3°- Les autres sous-produits

178D'autres sous-produits sont également récupérés mais leur masse, leur valeur et les possibilités de leur valorisation sont plus limitées. Certains d'entre eux, comme par exemple le sulfate de fer ou les scories d'aciéries sont simplement récupérés et vendus, le plus souvent à des entreprises implantées de longue date dans l'agglomération ou dans la région et qui y trouvent un complément d'approvisionnement intéressant ; d'autres comme les déchets métalliques d'aciéries sont réutilisés après traitement sous forme d'additifs à différents stades de la fabrication du métal. Cette activité de récupération qui s'exerce dans l'enceinte du centre sidérurgique est le plus souvent confiée à des entreprises spécialisées qui effectuent les travaux en sous-traitance = à Dunkerque, la Compagnie Industrielle de Récupération des Métaux (CIRM, filiale de la Compagnie Française des Ferrailles) ; à Gand, la Société Beremet ; à Ijmuiden, la Société Heckett Holland NV.

179Dans les usines littorales comme dans tous les centres sidérurgiques le processus de fabrication entraîne la formation de nombreux sous-produits, divers par leur nature, leur importance et leur potentialité de valorisation. Concernant la destination de ces sous-produits, la comparaison avec les situations traditionnelles fait apparaître un certain nombre de différences techniques, économiques et géographiques.

180On constate techniquement un racourcissement des chaînes techniques concernant toutes les activités de valorisation qui se réduisent parfois à de simples récupérations. Cette évolution résulte soit d'un changement des modalités quantitatives ou qualitatives de génération des sous-produits consécutifs à la mutation technologique de la production sidérurgique ; soit d'un changement affectant la valeur relative du produit issu de cette valorisation par rapport à ses produits concurrents.

181Economiquement on enregistre un affaiblissement du processus d'intégration financière : la transformation étant généralement de plus en plus confiée en sous-traitance à des entreprises extérieures spécialisées.

182Géographiquement, ces transformations se sont traduites par un resserrement de l'aire d’expression spatiale des relations de distribution qui ne dépassent que très rarement le niveau régional. La valorisation moins poussée des sous-produits a joué en faveur du renforcement des relations au niveau local ; le développement de l'auto-consommation a entraîné l'augmentation des relations intégrées à l'intérieur des usines. Bien que son importance, sa diversité et son extension tendent à se restreindre, le système de relations organisé à partir de l'usine néerlandaise continue à s'individualiser nettement par rapport à celui de Klöckner-Brême fondé sur une gamme de sous-produits plus limitée et à ceux de Sidmar-Gand et d'Usinor-Dunkerque qui, constitués plus récemment, se sont organisés sur des bases techniques et économiques différentes.

B- LES DEMI-PRODUITS

183A chaque étape du processus de fabrication sidérurgique qui est par nature fractionné (agglomération, haut-fourneau, aciérie, slabbing, train à chaud) correspond un produit intermédiaire qui est considéré comme demi-produit lorsqu'il est expédié vers d'autres usines sidérurgiques pour y subir les stades d'élaboration ultérieurs. Les demi-produits se présentent donc sous des formes variées : agglomérés, fonte liquide et solide, lingots d'acier, brames, bobines de tôle laminée à chaud et non parachevée.

184La part des demi-produits dans l'ensemble des livraisons d'une usine est fonction des principales caractéristiques de son potentiel technique, sa spécialisation et l'état d'équilibre entre ses différents équipements. Cette proportion varie sous l'influence de toute modification, voulue ou accidentelle, de ce potentiel technique et en fonction de la capacité de l'usine à s'adapter aux fluctuations de la demande extérieure, que celle-ci provienne des usines appartenant au même groupe industriel ou de clients sidérurgistes étrangers à l'entreprise.

185Cette variabilité tenant à la fois à ses données structurelles concernant l'établissement, son insertion dans l'entreprise et sa situation relative dans l'ensemble sidérurgique régional et national et à la fois aux données conjoncturelles du marché des demi-produits sidérurgiques, des différences sensibles apparaissent entre les centres littoraux. Deux types d'usines peuvent être distingués :

• d'une part les usines où les demi-produits occupent dans les livraisons une place proportionnellement importantes ; la géographie des expéditions est très marquée par l'organisation spatiale de la branche d'activité qui en est fortement influencée en retour dans ses données sectorielles et spatiales. Il s'agit là d'usines à orientation surtout continentale dont l'influence sur la sidérurgie intérieure est directe et de ce fait déterminante.
• d'autre part les usines où les demi-produits occupent dans les livraisons une place nettement plus modeste : la géographie des expéditions est alors définie prioritairement par les exigences du négoce et présente ainsi moins de simplicité et de stabilité. La vocation première de ces usines est l'exportation, particulièrement l'exportation lointaine de produits et éventuellement de demi-produits sidérurgiques, par la voie maritime. Les relations avec la sidérurgie intérieure n'ont pas été conçues comme prioritaires et l'influence qu'y exercent ces usines littorales est indirecte et moins évidente.

186Cependant cette distinction encore très nette tend peu à peu à s'estomper. En effet, au fur et à mesure que s'affirment les avantages des usines littorales, surtout au stade des activités primaires grâce à une valorisation sans cesse améliorée de leur situation et de leur équipement, toutes ces usines sans exception sont appelées à développer de façon notable la proportion de demi-produits dans leurs expéditions.

187Le centre sidérurgique d'USINOR-DUNKERQUE est très représentatif du premier type d'usine ; les demi-produits intervenant régulièrement pour environ 75 % des expéditions. L'analyse précise des principales relations établies en 1974 permet de dégager les caractéristiques les plus significatives.

188L'usine dunkerquoise participe à l'approvisionnement des centres sidérurgiques intérieurs à tous les niveaux du processus de fabrication.

189Les expéditions concernent non seulement des minerais déchargés classés et stockés sur les installations portuaires d'USINOR, mais également des agglomérés et des charges préparées dans les ateliers de l'usine. 3.585.000 T de matières brutes ou semi-élaborées ont été expédiées principalement vers les usines de la Société : Denain en premier lieu mais également les usines lorraines de Longwy et de Thionville. Si 40 % des livraisons à Denain sont faites par convois poussés sur le canal à grand gabarit Dunkerque-Valenciennes, le reste est effectué par trains lourds complets en profitant de l'exceptionnelle infrastructure le long de l'axe Valenciennes-Thionville autant pour les livraisons proches, par exemple à l'usine d'Isbergues appartenant à la Compagnie des Aciéries et des Forges de Neuves-Maisons-Commentry-Biache, que pour les expéditions plus lointaines aux usines mosellanes.

190Sur les 286.000 T de fonte livrées en 1974 par USINOR-DUNKERQUE, 228.000 T l'ont été sous forme liquide à l'Usine des Dunes, appartenant à Creusot-Loire, située à Leffrincoucke. Chaque jour, de façon régulière depuis la mise à feu des hauts-fourneaux, un train composé de wagons-poches spéciaux transporte le métal en fusion sur la vingtaine de kilomètres séparant les deux usines, de part et d'autre de l'agglomération dunkerquoise. Réglementée par contrat de longue durée, cette transaction qui s'est substituée aux livraisons de ferrailles primitivement prévues, présente une grande stabilité contrastant avec les ventes de fonte solide qui sont très fluctuantes en quantité, en durée et en destination, à l'intérieur de l'entreprise, principalement à Denain et à Valenciennes, à Longwy et à Thionville, ou à l'extérieur dans la CECA ou à la grande exportation.

191Il en va de même pour les lingots d'acier dont les expéditions ont varié dans les années 70 de 10.000 à 50.000 T annuelles, en fonction d'une demande souvent due à des raisons techniques : réfection d'aciérie (24.000 T à la KNHS en 1970) ou mise en marche de slabbing dans de nouvelles usines (10.000 T à la Solmer en 1974).

192Le développement de la capacité de production d'acier brut et surtout de la coulée continue a permis d'augmenter considérablement les livraisons de brames qui de 142.000 T en 1969 passèrent à 375.000 T en 1972 et à 541.000 T en 1974. L'essentiel, 510.000 T en 1974, est destiné à l'alimentation exclusive à partir de 1973, du train quarto de la tôlerie forte de Longwy. Le reste participe aux échanges inter-usines qui sont fréquents mais qui, portant sur des qualités particulières, ne concernent que des quantités limitées : les principaux destinataires sont l'usine de Denain et celles de la Sollac.

193Les bobines de tôle, laminée à chaud et non parachevée, constituent le principal extrant de l'usine dunkerquoise : 2.275.000 T en 1974. Les usines de la Société possédant des trains de laminage à froid représentent les plus grands clients : Montataire dans la Région Parisienne à proximité du plus vaste marché de consommation (990.000 T) et Mardyck aux portes de l'usine littorale (300.000 T). Les relamineurs français, pour une grande part associés à USINOR par contrat de fourniture de longue durée, constituent un débouché important et régulier de l'usine littorale : 797.000 T en 1974. Les usines concernées sont :

• dans le Nord, celles d'Isbergues et de Biache Saint-Vaast (Cie des aciéries et Forges de Neuves-Maisons-Commentry-Biache), de Maubeuge (Vallourec et Fabrique de Fer) de Hautmont (Vallourec), de Beautor dans l'Aisne (Aciérie et Laminoirs de Beautor) et dans les Ardennes de Blagny Carignan (Société des Hauts-Fourneaux de la Chiers) et de Sedan (Vallourec),
• dans l'Est, les usines d'Hagondange (Société des Aciers fins de l'est), d'Ebange et de Florange (Sollac) et de Strasbourg (Laminoirs de Strasbourg),
• dans l'Ouest, l'usine de Basse-Indre (les Etablissements J.J. Carnaud et Forges de Basse-Indre). A ces usines qui possèdent des équipements de laminage à froid et des installations de traitement et de parachèvement des tôles, s'ajoutent les ateliers de préparation de certains marchands de fer qui peuvent commercialiser en plus de la gamme des tôles minces laminées à froid, des tôles moyennes, de premier ou de second choix, planées, cisaillées et refendues. Cette clientèle, localisée dans les grandes régions industrielles et les principales agglomérations, était prenante de 65.000 T de bobines en 1974. Cette même année, 123.000 T de bobines étaient exportées dont 67.000 T vers l'Italie, 23.000 T vers les USA, 14.000 T vers la RDA et 10.000 T vers la RFA. Dans les années 1970-75, ces pays étaient les demandeurs principaux et réguliers, mais pour des quantités et dans des proportions variant chaque année. Les usines de la Société ont reçu en moyenne 60 à 65 % des expéditions de bobines (avec des taux extrêmes de 55 et de 75 %), les relamineurs associés de 25 à 30 %, les autres clients nationaux environ 5 %, les pays importateurs de 2 à 10 %.

194Dans les autres usines littorales, les livraisons de demi-produits ne revêtent pas une telle importance. Cependant les efforts de rationalisation faits dans toutes les entreprises et dans tous les groupes sidérurgiques qui se traduisent par une concentration accrue de la production sur les équipements les plus rentables, c'est-à-dire les plus productifs sur le plan technique et les mieux situés sur le plan géographique, selon le bilan économique des coûts d'accessibilité aux différents marchés, conduisent au renforcement progressif du rôle de fournisseur en demi-produits que les usines littorales sont amenées à jouer vis-à-vis des usines continentales, celles-ci se spécialisant de plus en plus dans les activités de laminage, de parachèvement et de transformation.

195En 1974, les expéditions de demi-produits ne représentaient guère plus de 5 % des expéditions totales de l'usine littorale belge, mais les projets d'extension de SIDMAR-GAND, en particulier ceux relatifs au doublement de la capacité de production de fonte et d'acier brut, reposent en premier lieu sur la volonté de couvrir par des livraisons provenant de l'usine littorale flamande une part notable de l'approvisionnement des usines luxembourgeoises de l'ARBED.

196A Ijmuiden, cette évolution a été plus précoce et ses manifestations sont plus apparentes, même si le phénomène par ses valeurs absolues et relatives ne s'affirme pas avec la même ampleur et la même netteté qu'à Dunkerque. La puissance et la diversité du potentiel technique de l'usine, les modalités de son exceptionnelle croissance ont toujours permis à la KNHS de répondre sans difficulté majeure aux demandes fluctuantes du marché mondial des demi-produits sidérurgiques.

197Cette réponse qui autrefois se traduisait principalement par des expéditions de fonte en gueuses40 ou de lingots d'acier, s'exprime davantage, surtout depuis le renforcement considérable de la capacité des slabbings et des trains à larges bandes, par des expéditions de brames et surtout de bobines laminées à chaud.

198Les livraisons de demi-produits relèvent de trois types de relations. D'une part les relations d'ordre commercial ; elles concernent principalement les livraisons de bobines à des relamineurs qui ont trouvé en l'usine néerlandaise un fournisseur satisfaisant. Les expéditions les plus importantes s'effectuent à destination des principaux pays sidérurgiques de la CECA et pour une part régulièrement croissante vers les Etats-Unis. Les livraisons de bobines qui sont précédées d'un apport de lingots et de brames dans le cadre de contrats de laminage à façon constituent des relations plus complexes et de nature industrielle.

199Celles-ci se sont particulièrement développées avec la Belgique, la République Fédérale Allemande, la Norvège et l'Espagne. Enfin, depuis que la KNHS contrôle la presque totalité de la branche d'activité au niveau national et qu'elle s'est associée à HOESCH pour former le quatrième ensemble sidérurgique européen, s'ajoutent les relations résultant de la nouvelle fonction de l'usine littorale, considérée comme base d'approvisionnement stable et régulière des usines intérieures du groupe ESTEL. Si les livraisons de billettes à l'ancienne usine DEMKA d'Utrecht restent modestes, celles de lingots, de brames, de bobines aux trains de laminoirs de Dortmund se sont élevées à 240.000 T en 1973 et à 440.000 T en 1974 ; selon les prévisions, elles devraient atteindre 1.000.000 de T en 1980. L'organisation des flux d'expédition de demi-produits, à partir de l'usine néerlandaise, a connu une double transformation durant la décennie 1965-1975 :

• une augmentation globale, forte et continue, faisant passer leur proportion dans le total des livraisons de moins de 10 à plus de 30 %,
• un accroissement plus sensible des mouvements aux destinations continentales qui ont dépassé les mouvements aux destinations lointaines.

200Conçue comme usine intégrée à vocation fondamentalement exportatrice, l'usine KLÖCKNER-BREME s'est longtemps caractérisée par la très grande diversité de ses livraisons où les produits sidérurgiques les plus élaborés occupaient la place dominante et où au contraire les demi-produits étaient relativement peu représentés. Les difficultés rencontrées sur les marchés d'exportation, sans cesse accentuées par les fluctuations monétaires et la hausse continue de la monnaie allemande ont orienté la croissance de l'usine littorale dans le sens d'un renforcement des activités primaires et du laminage à chaud et ont ainsi favorisé une modification sensible de la structure de ses expéditions en faveur des demi-produits. Cette transformation se traduit par des livraisons de fonte liquide et d'acier lingot à l'usine Klöckner de Georgsmarienhütte, près d'Osnabrück où la production de métal est appelée à cesser ; elle apparaît surtout dans l'augmentation considérable des livraisons de bobines laminées à chaud qui en 1975 interviennent pour près de 54 % des expéditions de laminés. Ces livraisons devraient encore s'accroître après la prise de contrôle de 1'"Eisenwerk Gesellschaft Maximilianshütte MbH", devenue effective à partir du 1-1-1977 ; jusqu'alors réglementées par des contrats commerciaux à long terme avec une entreprise qui, indépendante, maintenait une certaine pluralité de ses fournisseurs, elles pourront, intégrées au sein d'un seul groupe industriel, se développer jusqu'à couvrir l'essentiel de l'alimentation des laminoirs des usines intérieures, en particulier l'usine de galvanisation et de parachèvement de Salzgitter et les usines bavaroises de Sulzbach-Rosenberg et de Haidhof qui outre le laminage à froid, réalisent toutes les activités de traitement et de revêtement des tôles fines et moyennes.

201L'importance des livraisons de demi-produits est une donnée expressive de l'ancrage continental des usines littorales qui nouent des relations d'autant plus nombreuses et importantes avec l'arrière-pays que le potentiel technique de l'entreprise et du groupe comprend, outre l'usine littorale bien placée pour effectuer les productions primaires dans les meilleures conditions de coûts, plusieurs usines intérieures pouvant être spécialisées dans les activités de laminage. L'éloignement entre les usines n'est pas un facteur ni discriminant, ni dissuasif si l'infrastructure ferroviaire est susceptible de supporter de lourds trains complets dont les mouvements sont organisés de façon cadencée.

202Le plus significatif est l'exemple fourni par USINOR-DUNKERQUE dont les livraisons de demi-produits portent annuellement sur plusieurs millions de tonnes d'acier, à des distances variant entre quelques dizaines et quelques centaines de kilomètres, en utilisant presqu'exclusivement la voie ferrée. En 1974, chaque jour ouvrable voyait au départ des faisceaux de triage de l'usine littorale entre 4 et 5 trains complets chargés de 2.500 T de minerais et d'agglomérés à destination des usines de l'Escaut et de la Moselle, 1 train spécial composé de wagons-torpilles transportant la fonte liquide à Leffrincouke, au moins 1 train de 1.500 T de brames pour la tôlerie forte de Longwy, deux trains complets de 2.500 T pour Montataire41, 2 navettes de 700 T pour Mardyck, au moins 1 train de 1.250 T de bobines à destination des usines des principaux relamineurs français dans les régions du Nord et de l'Est.

C- LES PRODUITS SIDERURGIQUES

203La catégorie des produits plats qui constitue la spécialisation essentielle, sinon exclusive de toutes les usines littorales, présente une très large gamme. Les variables qui interviennent dans la spécification des différents produits sont en effet multiples et souvent interdépendantes ; elles procèdent :

• de la nature même de l'acier utilisé,
• des différentes opérations de laminage effectuées,
• de la présentation en plaques ou en bobines,
• des dimensions en épaisseur, largeur, longueur,
• des traitements de surface opérés et des revêtements appliqués (galvanisation, étamage, grenaillage, peinture, laquage, plastification, etc...).

204Les types traditionnellement établis : tôles fortes et moyennes – tôles minces et laminées à chaud – tôles fines laminées à froid – tôles revêtues – sont des distinctions commodes à usage statistique mais qui reflètent mal la réalité technique et économique et son expression géographique. Selon qu'il est destiné aux industries des biens d'équipements ou à celles des biens de consommation, qu'il est consommé en quantités importantes et régulières ou au contraire faibles et fluctuantes, selon qu'il est commercialisé directement par l'entreprise industrielle ou par l'intermédiaire d'un négoce plus ou moins hiérarchisé, selon enfin qu'il est normalisé ou qu'il répond à des exigences particulières, chaque produit est l'objet d'une géographie de la distribution qui lui est propre.

205L'étude des flux, des systèmes et des réseaux est d'autant plus difficile qu'à la complexité du phénomène s'ajoute l'instabilité qu'imposent et le caractère concurrentiel des marchés et l'influence très grande de la conjoncture économique qui touche la sidérurgie de façon toujours retardée mais amplifiée et souvent désordonnée. Or, c'est sur les questions relatives à la distribution que 1'information est la plus difficile à obtenir ; d'une part à cause du secret des affaires qui n'est pas un vain mot dans aucun des quatre pays étudiés et d'autre part à cause de sa dispersion à travers les différents services commerciaux de l'entreprise et du groupe.

206Ces données générales et le fait que chaque usine s'affirme par les particularités de son potentiel technique et la spécificité de son insertion dans le milieu économique régional et national, conduisent à préférer à une analyse fondée sur les types de produits, une étude synthétique des différents sytèmes organisés autour de chaque usine, en fonction de leur complexité croissante.

1°- Les systèmes à composantes simples

207Avant tout spécialisée dans la fabrication de demi-produits, USINOR-DUNKERQUE ne livre que des quantités relativement faibles de produits finis. Représentant moins de 25 % du total des extrants, ces produits sont constitués pour l'essentiel de tôles fortes en plaques et dans une moindre mesure de tôles fines et moyennes laminées à chaud et parachevées. Ces produits, avant tout destinés aux industries des biens d'équipement lourd, sont l'objet de transferts peu nombreux mais importants et réguliers qui s'opèrent prioritairement dans le cadre national et plus précisément sur le plan local et régional.

208Les expéditions de tôles fortes ont suivi la montée régulière de la production du quarto qui, fonctionnant en continu au début des années 70, fut utilisé ensuite à un niveau proche de sa capacité maximale : 101.000 T en 1963

209287.000 T en 1966

210502.000 T en 1966

211593.000 T en 1975

212Le marché intérieur étant très déficitaire, les exportations sont d'abord restées limitées et irrégulières ; elles se sont peu à peu développées avec l'accroissement de la production pour se stabiliser à un niveau proche de 20 %, (25,2 % en 1972 - 18,5 % en 1970). Les principaux transferts sont effectués vers la Norvège, les Pays-Bas, l'Italie, la RFA et les USA ; les livraisons vers la Belgique, la Grande-Bretagne, la Suède, la Pologne et l'URSS sont plus faibles et plus instables.

213En absorbant régulièrement entre 40 et 45 % des expéditions, le marché local est d'une exceptionnelle importance. Il se compose avant tout de gros clients industriels qui se fournissent en tôles fortes directement au centre sidérurgique, les uns pour assurer leur fonctionnement, les autres pour effectuer la création ou le développement de leur potentiel technique. Les premiers dont la demande est continue, sinon forte et régulière comprennent :

• des établissements industriels anciens qui ont trouvé avec l'implantation de l'usine sidérurgique littorale un fournisseur nouveau et plus économique ; il s'agit principalement des chantiers navals qui la plupart effectuent, outre la construction et la réparation navales, une activité complémentaire de construction métallique de plus en plus diversifiée : Chantiers de France - Dunkerque SA - Beliard Crighton et Cie SA - Ateliers et Chantiers Ziegler Frères - Flandres Industries.
• des établissements industriels plus récents42 pour lesquels l'existence d'USINOR-DUNKERQUE a été un facteur de localisation plus ou moins déterminant, qu'ils dépendent ou non des mêmes groupes industriel et financier ; les plus significatifs sont : l'importante fabrique de gros tubes soudés de Vallourec, les deux usines de la CMP (Constructions Métalliques de Provence) qui, dans les zones industrielles de Grande-Synthe et de Mardyck, réalisent des équipements lourds de chaudronnerie industrielle et les chantiers de la CFEM (Compagnie Française d'Entreprises Métalliques) qui construisent dans le bassin de Mardyck des plateformes maritimes de recherche et d'exploitation des hydrocarbures. Les seconds clients industriels dont la demande est beaucoup plus fluctuante sont constitués par les vastes travaux d'extension et de modernisation des infrastructures portuaires et par les créations et les développements de certains grands établissements industriels comme la raffinerie CFR (Compagnie Française de Raffinage), USINORMARDYCK ou le terminal pétrolier du nouvel avant-port de Gravelines. À cela s'ajoutent les livraisons d'ordre commercial au dépôt-atelier de la SLPM (Société Lorraine de Produits Métallurgiques) qui diffuse après un traitement plus ou moins poussé les tôles de premier et de second choix sur le plan local et régional.

214Le marché de la région du Nord représente également un débouché considérable puisque s'y trouve constituée une intense concentration d'établissements industriels spécialisés dans la fabrication des tubes, la chaudronnerie et la tôlerie industrielles, la construction ferroviaire... etc. Les livraisons directes, à l'échelle nationale ne concernent que quelques clients industriels réguliers comme les usines à tubes de Pont à Mousson et les Chantiers navals de St-Nazaire et de la Ciotat ainsi que quelques dépôts-ateliers du négoce, en particulier celui de la SLPM de Lyon.

215Les tôles fines et moyennes, laminées à chaud sur le train à bandes, parachevées et présentées sous forme de tôles cisaillées ou de bobines "skin-passées" constituent le second produit fini d'USINORDUNKERQUE. Les expéditions, croissantes mais restant limitées, (101.000 T en 1969, 290.000 T en 1974) sont destinées pour 80-85 % au marché national avec une distribution plus diffuse mais non pas fondamentalement différente de celle des tôles fortes. Les exportations, encore très faibles, concernent surtout les USA qui constituent peu à peu un débouché régulier pour les bobines et pour des quantités variables, souvent faibles et irrégulières, la Chine, l'URSS, la Pologne, l'Italie et la Suisse qui se montrent preneurs de tôles cisaillées.

216Le système de distribution des produits organisé à partir d'USINORDUNKERQUE présente des caractéristiques simples et bien affirmées. Etablis à partir de deux types de produits, d'ailleurs très proches, destinés avant tout aux biens d'équipements lourds qui de façon générale se concrétisent par des établissements industriels de forte capacité, les flux qui représentent l'essentiel des expéditions sont concentrés, la plupart du temps importants, stables et directs. Ils s'expriment surtout dans le cadre local et régional et ceci d'autant plus que l'entreprise occupe en France une position dominante puisqu'elle possède les deux plus importantes tôleries fortes et qu'elle peut ainsi organiser au mieux de ses intérêts la géographie de son réseau de ventes. La réalisation des projets d'extension de la tôlerie forte et du parachèvement, suspendue par la crise, aurait dû entraîner une augmentation sensible des exportations, en particulier par l'intermédiaire des sociétés de négoce qu'USINOR a créés à cet effet aux Etats-Unis, en RFA et en Italie, mais sans remettre en question le fondamental ancrage continental de l'usine littorale.

217Bien qu'il soit très différent par la nature, la structure et la destination des expéditions, le système de vente des produits de SIDMARGAND présente la même simplicité d'organisation que celle d'USINORDUNKERQUE.

218Cette simplicité résulte principalement de la forte spécialisation de l'usine belge dans une gamme restreinte de produits finis. Bien que leurs augmentations soient prévues, les expéditions de demi-produits et les travaux à façon restent encore très faibles par rapport aux livraisons de produits finis qui comprennent d'une part les tôles fines, moyennes et fortes laminées à chaud sur le train à bande et parachevées, et d'autre part les tôles fines laminées à froid. En fait, l'usine n'a pas cessé d'accentuer sa spécialisation dans la livraison de tôles fines pour emboutissage profond, c'est-à-dire des tôles en acier LD d'une certaine qualité, laminées à froid et présentées dans les dimensions les plus courantes en feuilles ou en bobines, pour une utilisation privilégiée dans la construction automobile et plus limitée dans la fabrication des emballages et des mobiliers métalliques et dans celle des appareils ménagers et des équipements sanitaires. Cette spécialisation qui se traduit par une diminution absolue et relative des livraisons de produits laminés à chaud s'explique par des raisons techniques, c'est-à-dire par la volonté d'utiliser au mieux l'excellente productivité des deux trains de laminage à froid et par des motivations commerciales définies non pas à l'échelle de l'entreprise mais à celle du groupe industriel responsable de la création et de la gestion de l'usine littorale43.

219A l'origine SIDMAR-GAND a été conçu par les entreprises qui se sont associées dans sa création davantage comme un centre de fabrication de produits pour lesquels elles étaient jusqu'alors mal placées sur les marchés internationaux que comme un centre de livraison de demi-produits destinés à l'alimentation des différents trains de laminage des usines intérieures. Cette spécialisation fut d'autant plus renforcée que, d'une part les produits ont été longtemps vendus par l'intermédiaire des sociétés commerciales des entreprises constituantes : SA COLUMETA (Luxembourg) - SA COCKERILL-OUGREE (Seraing) - EURINTER SA (Flémalle-Haute) - SCHNEIDER (Paris) - ACCIAIERE ET FERRIERE LOMBARDE FALCK (Milan) et que d'autre part ces mêmes entreprises s'associèrent en 1967, avec l'accord de la Haute Autorité de la CECA, dans un Bureau Central de Ventes qui groupait les commandes par grandes spécifications et répartissait leur exécution en fonction de l'état de charge et surtout de l'efficacité technique des différents équipements de l'ARBED, de COCKERILL-OUGREE-PROVIDENCE, de SIDMAR-GAND et des Aciéries et Laminoirs de Beautor qui étaient reliées par la voie de participations financières croisées au sein du groupe financier de la Société Générale de Belgique. C'est à l'intérieur de ce cadre très large, à la fois industriel et financier, qu'ont été fixées les caractéristiques techniques et économiques du centre littoral mais aussi les caractéristiques géographiques essentielles de son marché de vente qui s'est organisé prioritairement à l'exportation. Cette orientation majeure fut maintenue par la suite, même lorsque sur le plan économique l'influence de l'ARBED se renforça et que sur le plan commercial SIDMAR acquit plus d'indépendance.

220Destinataire pour des proportions variant de 12 à 20 % des expéditions de SIDMAR-GAND, la Belgique n'occupe que le 6ème ou le 7ème rang des pays clients. Les marchés, local, régional et national, sont d'importance comparable dans leur respective faiblesse. Le principal et l'un des rares clients gantois est l'établissement TMT (Travail Mécanique de la Tôle) qui emploie 300 personnes à la fabrication des fûts et des emballages métalliques. La mise en marche de SIDMAR-GAND a été un élément très positif pour l'entreprise transformatrice qui trouve sur place un approvisionnement qui provenait auparavant de la vallée de la Meuse. L'implantation originelle, datant de 1929, a été abandonnée pour une localisation plus satisfaisante au bord du canal circulaire de Gand (le Ringvaart), par lequel s'effectue en majeure partie l'alimentation en bobines. Sur le marché belge, faible demandeur des spécialités de l'usine littorale, les positions occupées par les fournisseurs traditionnels, souvent associés aux entreprises contrôlant SIDMAR, n'ont pas été attaquées.

221L'essentiel de l'effort commercial a été fait à l'exportation qui absorbe 80 à 90 % des expéditions. Pour les 2/3 les livraisons s'effectuent dans les pays de la CECA, en particulier en RFA, en France dont les grands constructeurs automobiles sont d'importants clients, en Italie où s'individualisent les relations spéciales avec la FALCK, aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne. Le 1/3 restant est destiné à la grande exportation avec une clientèle fluctuante mais traditionnelle, en Suède, en Espagne et aux U.S.A. et surtout avec un nouveau débouché en URSS dont la construction automobile est devenue un des plus gros clients de l'usine littorale belge : 45.950 T de tôles en 1972 - 90.100 T en 1973 - 210.510 T en 1974 - ont été expédiées, principalement à Togliattigrad, sur la Kama, par des navires soviétiques qui empruntent le système des Cinq Mers pour atteindre par la Baltique ou la Mer Noire la récente usine géante de construction d'automobiles située près de Kouibychev.

222Dans leur grande majorité les relations commerciales de SIDMAR-GAND se nouent à longues et à très longues distances, sur un marché international d'autant plus instable qu'il est celui d'un produit avant tout utilisé par les industries des biens de consommation, sans aucun doute les plus sensibles à l'évolution de la conjoncture. Cependant cette variabilité est beaucoup plus évidente dans les quantités expédiées que dans les destinations elles-mêmes qui conservent souvent une certaine fixité. Bien que quelques uns d'entre eux soient considérables, les flux dans leur majorité ne concernent que des quantités unitaires moyennes qui sont transférées, dans une forte proportion par la voie maritime, vers les régions et surtout vers les centres industriels qui comptent parmi les plus actifs d'Europe Occidentale, voire d'URSS et des USA.

2°- Les systèmes à composantes multiples

223Les systèmes établis à partir des centres littoraux les plus anciens présentent une plus grande complexité causée principalement par la diversité des produits engendrés qui possèdent chacun un marché et une géographie des ventes particuliers.

224Cette complexité est d'autant plus évidente dans le cas de KLÖCKNERBREME que se modifient dans les années 1970 les données fondamentales, sectorielles et spatiales, de son marché des ventes, parallèlement à la modification progressive de son potentiel technique et de son environnement économique. D'une manière générale, les expéditions du centre sidérurgique allemand se caractérisaient traditionnellement par la prédominance des produits finis (80 % des livraisons de laminés dans les années 1960) et parmi ceux-ci par la supériorité très nette des produits les plus élaborés, dans les présentations les plus soignées = tôle mince, fer blanc, tôle galvanisée. (Figure n^o 47). À partir du début des années 1970, on assiste à une diminution régulière de l’importance relative des expéditions de produits par rapport à celles des demi-produits qui deviennent majoritaires en 1975. Cette diminution relative correspond non seulement à une croissance exceptionnelle des livraisons de bobines laminées à chaud, mais aussi à une grande stabilité des livraisons de tôles fines et à un affaiblissement constant des tôles fortes et moyennes.

225À cette modification structurelle correspond un changement d'ordre spatial : le taux d'exportation supérieur à 60 % dans les années 1960-1965 est devenu inférieur à 45 % dans les années 1970-1975, bien qu'une partie des expéditions de demi-produits s'effectue vers l'étranger, en particulier vers la Scandinavie et vers l'Espagne. Les flux lointains de produits sidérurgiques qui étaient surtout à destination des Etats-Unis, de l'Amérique du Sud, des pays Scandinaves et méditerranéens, ont reculé au profit des flux nationaux. Ce resserrement quantitatif des aires de marché n'a pas eu son correspondant à l'intérieur de la RFA. Les ventes dans le cadre local et régional sont restées anormalement faibles, moins de 5 %, surtout si l'on tient compte des activités industrielles présentes dans l'estuaire de la Weser. Là en effet sont rassemblés de nombreux établissements qui, des chantiers navals aux conserveries, sont de grands consommateurs de produits plats. En fait, lorsque KLÖCKNER s'installe à BREME, ces usines existent déjà et sont, pour la plupart contrôlées par d'autres groupes sidérurgiques44, ce qui est très fréquent en Allemagne où les entreprises sidérurgiques ont toujours pratiqué une politique d'intégration poussée à l'amont et à l'aval de leur activité. L'implantation du centre sidérurgique littoral entraînera d'autant moins de modifications dans les relations techniques et financières existantes que KLÔCKNER orientera sa politique économique générale davantage dans le sens de la concentration horizontale et de la diversification que dans le sens de l'intégration verticale. Plus de 95 % des ventes de produits sidérurgiques sur le marché national s'effectuent à des distances supérieures à 100 kilomètres, c'est-à-dire dans les traditionnelles régions métallurgiques de l'Allemagne centrale et méridionale où tous les producteurs allemands de produits plats trouvent la plus grande part de leurs débouchés.

226Si l'insertion en 1972 de la KNHS à l'intérieur du groupe multinational ESTEL, a entraîné rapidement une augmentation sensible de la part des demi-produits dans les expéditions totales du centre littoral néerlandais, elle n'a pas encore déterminé de profondes modifications de l'organisation spatiale des ventes des produits sidérurgiques. Celle-ci est d'autant plus complexe que les livraisons sont massives et très variées et que le recours à l'exportation est une nécessité vitale, tant sont considérables les différences entre les productions et la capacité d'absorption du marché national. Durant les années 1970-1975, les expéditions de laminés se sont élevées à environ 4 millions de tonnes : 4.180.000 T en 1973 - 4.263.000 T en 1974 - 3.575.000 T en 1975 du fait de la crise. Dans cet ensemble, les demi-produits, sous forme de bobines laminées à chaud, ont représenté en moyenne 37 % avec une tendance à l'augmentation rapide ; les tôles fines laminées à froid 32 %, également en fort accroissement ; le fer blanc 11 %, stable après avoir doublé entre 1960 et 1970 ; la tôle galvanisée 2 %, une production nouvelle ; les aciers marchands et les fils-machine, stables aux environs de 9 %.

227A la croissance des expéditions a correspondu une hausse du taux d'exportation qui est passé de 50 % en 1964 à 58 % en 1968, 74 % en 1971 et 77 % en 1975. Ainsi dans les années 1970-1975, le marché national a absorbé en moyenne 25 % des expéditions, les pays de l'Europe des Neufs 50 % et les autres pays étrangers 25 %. Durant cette période, les principaux clients ont été par ordre décroissant la République Fédérale Allemande, l'Union Belgo-Luxembourgeoise, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l'Italie, l'Espagne et les pays Scandinaves.

228Des distinctions peuvent être établies selon les principaux produits. Le taux d'exportation dépasse 80 % pour les tôles fines qui sont principalement expédiées vers les USA (30 %), la RFA (20 %), la Grande-Bretagne (17 %), la Suède (7 %) ainsi que vers l'Italie, la Belgique, la France et la Suisse. Le fer blanc est exporté à plus de 60 %, en particulier vers l'U.E.B.L., la RFA, l'Italie et l'Espagne. Les tôles fortes et moyennes sont exportées pour environ 50 % surtout vers l'U.E.B.L., la RFA, la France, la Suède, la Norvège et l'Italie.

229Par opposition, la part des expéditions sur le marché national paraît très modeste. Dans ce cadre, les ventes sont le reflet de la répartition géographique de l'industrie métallurgique nationale. Sur le plan local, les livraisons se limitent à quelques milliers de tonnes, elles sont inférieures à 20 % dans un rayon de 50 kilomètres, inférieures à 50 % dans un rayon de 100 kilomètres. Les principaux flux sont dirigés vers les établissements industriels de certaines firmes dépendant financièrement de l'entreprise. Pour les produits plats, le plus gros client est l'entreprise BV Verenigde Buizenfabrieken Vbf, un des plus importants producteurs européens de tubes dont les usines sont situées à Maastricht, Arnhem, Oosterhout et Blérick. Pour les produits longs, les livraisons les plus massives concernent les établissements de l'ancienne Demka et de ses filiales qui ont été totalement intégrées à la KNHS ; en particulier les usines d'Utrecht et de Blérick.

230Depuis la création d'ESTEL, un groupe de coordination constitué d'experts nommés par les directions de Hoesch et de la KNHS a été chargé de développer les relations internes non seulement au sein du secteur production mais aussi entre les secteurs production et transformation, à la fois aux Pays-Bas et en Allemagne. Même si elles sont appelées à s'accroître, les relations intégrées au niveau des produits devraient rester relativement secondaires dans l'économie du centre littoral dont les fonctions essentielles consistent d'une part à couvrir de façon économique, par des expéditions de demi-produits, une proportion sans cesse croissante de l'alimentation des usines intérieures qui se spécialisent dans les activités de laminage et s'orientent vers la transformation, d'autre part à assurer de façon tout aussi satisfaisante une proportion toujours plus grande des flux d'exportations de l'ensemble du groupe.

Conclusion

231De même qu'ils sont le point de convergence d'un grand nombre de flux matériels d'approvisionnement, les centres sidérurgiques littoraux sont le point de divergence de flux matériels constituant selon leur nature, leur importance, leur régularité, l'intensité de leur contrôle et leur destination, des systèmes et des réseaux permettant de définir et de délimiter des aires de relations privilégiées. C'est à l'intérieur de celles-ci que s'exerce l'influence du centre sidérurgique non seulement comme facteur économique mais éventuellement comme facteur d'organisation de l'espace.

232L'étude des flux et des systèmes de distribution montrent que les espaces de relations techniques aval se structurent, comme les espaces de relations techniques amont à différents niveaux, selon des modalités qui sont à la fois communes à toutes les usines et propres à chacune d'entre elles. Les données générales s'expliquent par l'influence qu'exercent de façon uniforme et la nature des produits sidérurgiques et la situation littorale. Généralement les flux sont d'autant plus concentrés, importants, de faible longueur et de nature industrielle qu'ils concernent le transfert de sous-produits ou de produits n'ayant subi qu'une élaboration peu poussée et destinés aux industries des biens d'équipement lourd ; ils sont d'autant plus nombreux, diffus, de grande amplitude et de nature commerciale qu'ils concernent les produits finis les plus élaborés. De même, toutes les usines littorales, par leur localisation, sont amenées de manière plus ou moins rapide et décisive à affirmer successivement ou simultanément, d'une part leur fonction exportatrice privilégiée et d'autre part celle de pourvoyeur en demi-produits des usines sidérurgiques intérieures.

233Cependant ces caractères n'exercent qu'une influence limitée par rapport au rôle que jouent en faveur de l'individualisation de chaque centre, sa spécialisation technique, sa place au sein du potentiel de l'entreprise et du groupe, son insertion dans la sidérurgie régionale et nationale, son environnement industriel sur le plan local et régional.

234Pour appréhender l'originalité de la géographie des extrants matériels de chaque centre littoral, on a cherché dans des tableaux synthétiques comparables à ceux utilisés dans l'étude précédente, à caractériser les niveaux auxquels s'organisent les relations techniques et économiques aval en accordant une note pour chaque système de distribution, en fonction de l'intensité des mouvements constatés (O = inexistante, - = très limitée ou très épisodique, I = très faible mais régulière, 2 = faible, 3 = moyenne, 4 = importante, 5 = très importante, 6 = exclusive). Une certaine pondération a été introduite en donnant une valeur triple au flux le plus important et le plus significatif ; dans les totaux, on a donné un point lorsque s'additionnent deux signes — indiquant des relations modestes ou irrégulières. Les bilans que permettent d'établir ces tableaux, même approximatifs et seulement indicatifs, comme ce fut le cas pour les relations amont sont évocateurs des particularités de chaque usine considérée comme centre de relations techniques et économiques de distribution.

235C'est USINOR-DUNKERQUE qui offre l'originalité la plus affirmée par comparaison avec le modèle théorique qui représente les usines littorales comme prioritairement tournées vers l'exportation lointaine et par rapport aux autres usines étudiées qui, possédant chacune leur personnalité n'en sont pas moins très proches l'une de l'autre. L'usine française est remarquable par 1'exceptionnelle intensité de ses relations continentales à l'échelle locale, régionale et nationale et corrélativement par la très grande faiblesse de ses relations lointaines, en particulier maritimes. USINOR-DUNKERQUE s'est avant tout intégrée dans l'économie de la sidérurgie et de l'industrie métallurgique en général du Nord et de l'Est de la France et c'est dans cet espace relativement restreint qu'elle applique directement une influence déterminante. Cependant, à plus ou moins long terme, en fonction de la durée effective de la crise économique dans les pays d'économie capitaliste qui retarde l'accroissement prévue de la production sidérurgique, la tendance est à l'élargissement des aires de vente. Cette ouverture sera non seulement nécessaire pour écouler les surplus de production réalisés mais elle sera favorisée par la diversification de la gamme des produits offerts, en particulier dans les domaines de la tôle fine laminée à froid et du fer blanc qu'a permis la tardive création d'USINOR-MARDYCK et qu'augmentera encore son futur développement.

236Pour toutes les autres usines les relations lointaines l'emportent largement sur les relations à l'échelle locale et régionale qui sont fort limitées. Mais, contrairement à USINOR, la tendance n'est pas à l'augmentation des relations maritimes et à l'élargissement des aires de vente mais plutôt à un accroissement des relations continentales, particulièrement de celles qui peuvent être établies dans le cadre du potentiel industriel des entreprises et des groupes.

237La croissance prévue de la production concerne avant tout les activités primaires et c'est principalement la fonction de pourvoyeur en demi-produits des usines sidérurgiques intérieures qui semble devoir être accentuée. Pour KLÖCKNER-BREME, les flux s'organiseront davantage encore dans le cadre national où l'entreprise s'est étendue par la voie de différentes fusions. Pour SIDMAR-GAND, l'espace concerné dépassera la Belgique pour s'étendre au Luxembourg et au Nord de la France, c'est-à-dire là où ARBED et le groupe de la Société Générale de Belgique possèdent la plus grande part de leur patrimoine. Pour la KNHS, c'est dans le cadre du groupe ESTEL, que s'intensifieront les relations aux Pays-Bas et en République Fédérale Allemande.

238Pour toutes les usines, l'évolution se fait dans le sens d'un meilleur équilibre non seulement entre les productions et entre les fonctions, mais aussi entre l'importance relative des différents niveaux d'organisation spatiale des ventes. La crise de la sidérurgie européenne a rendu encore plus indispensable le maintien de cette orientation qui seule permet d'envisager la reprise d'un fonctionnement normal des unités de production dont le potentiel technique a été établi en fonction d'objectifs commerciaux qui restent identiques d'un point de vue qualitatif même s'ils doivent être souvent revus d'un point de vue quantitatif.

CONCLUSION

239Comme l'avait précédemment révélé l'étude des centres et des espaces de production, les usines sidérurgiques littorales, par la nature et l'importance de leur activité, apparaissent comme des centres de relations techniques et économiques de premier ordre.

240Pour rappel, l'intensité du phénomène peut être à nouveau évoquée par la masse des intrants et des extrants matériels qui, par exemple en 1974, représentait pour la KNHS-IJMUIDEN : 23,3 millions de tonnes et par le nombre de flux qui la même année entraînaient le mouvement de 1671 navires de mer, 14103 péniches, 91985 wagons et 99500 camions.

241Si l'étude de la nature, de la valeur et du mode de transfert des principaux flux est intéressante pour caractériser les espaces de production, l'étude de leurs origines et de leurs destinations permet de définir et de délimiter les espaces de relations techniques et économiques.

242La connaissance des systèmes et des réseaux amont et aval et l'appréhension de leurs niveaux d'organisation spatiale sont indispensables pour saisir l'influence économique des usines littorales. En effet, cette influence économique directe dépend des niveaux d'organisation spatiale des relations techniques : elle est d'autant plus forte et plus décisive que les flux sont nombreux, importants et qu'ils s'exercent à faible distance dans un espace restreint.

243Une synthèse globale des niveaux d'organisation spatiale des relations techniques et économiques montre que si pour toutes les usines littorales étudiées les relations maritimes lointaines sont primordiales, soulignant ainsi l'intérêt de la situation littorale et l'efficacité de son utilisation, chaque usine est originale par le classement de l'importance relative des niveaux d'organisation spatiale des relations terrestres (Tableau n^o 47). Cette originalité est soulignée par la répartition des moyens de transports utilisés pour le transfert des intrants et des extrants matériels que l'on se permet de rappeler ici. (Tableau n^o 48).

244USINOR-DUNKERQUE s'individualise par l'importance fondamentale des niveaux local et régional où l'impact de l'usine sera décisif. Par contre l'usine KNHS-IJMUIDEN noue l'essentiel de ses relations à longue et très longue distance et son influence directe sera pratiquement inexistante sur le plan local et régional à cause d'une très forte intégration à l'intérieur de l'établissement. Entre ces deux extrêmes, les usines SIDMAR-GAND et KLÖCKNER-BREME occupent une position intermédiaire avec dans le cas allemand une importance particulière du niveau national et dans le cas belge une faiblesse toute aussi remarquable du niveau régional.

245Ces distinctions fondamentales qui tiennent aux différences de potentiel technique, de situation géographique et d'environnement économique s'expliquent surtout par le rôle attribué à chaque centre sidérurgique littoral dans la stratégie des firmes.

246Pour saisir et comprendre ce rôle une étude des usines au sein de leurs systèmes de relations financières et décisionnelles s'avère indispensable.