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Les glaciers disparus de l’Apennin

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Emmanuel Jaurand

Apennin méridional et Apennin septentrional : contrastes du paleoenglacement aux deux extrémités de l’Apennin

Chapitre 7. L'Apennin au Sud de Naples : un paléoenglacement marginal

Texte intégral

1De la Campanie au détroit de Messine, la partie méridionale de l'Apennin décrit un arc allongé sur près de 500 kilomètres de longueur. Cet ensemble montagneux apparaît beaucoup moins imposant et uniforme que l'Apennin central.

2Tout d'abord, il s'agit d'un relief de moyenne montagne. Au Sud du Matese, l'isohypse 2000 m n'est dépassée qu'en deux endroits, dans les massifs du Sirino (2005 m) et du Pollino (2266 m). Au total, pour les trois régions de Campanie, de Lucanie et de Calabre, les surfaces d'altitude supérieure à 2000 m occupent une part cent fois moindre que dans les Abruzzes (0,03 % contre 2,8 %). Cette réduction des altitudes au Sud de l'Apennin est un lait d'importance capitale, premier responsable de la rareté et de la faiblesse des traces glaciaires. Vers Naples, la diminution de largeur de la chaîne apennine est déjà bien amorcée. La montagne, pratiquement absente des Pouilles, occupe moins de la moitié de la largeur de la péninsule. Il convient ainsi de souligner la proximité entre les plus hauts sommets apennins et la mer Tyrrhénienne, distants de quelques dizaines de kilomètres seulement : un tel dispositif explique l'abondance des précipitations actuelles, de l'ordre de 1500 à 3000 mm par an sur les principaux sommets. En Calabre, l'Apennin se réduit à deux dorsales montagneuses, puis une seule au Sud de l'isthme de Catanzaro : par temps clair, depuis le sommet du Monte Pollino, la vue peut embrasser la Calabre sur toute sa largeur, étranglée entre les mers Tyrrhénienne et Ionienne.

3L'Apennin méridional se subdivise entre les Apennins campanien, lucanien et calabrais, selon le découpage régional classique. Celui-ci ne répond pas à des critères morpho-structuraux. En effet, l'Apennin calcaire s'étend jusqu'au Nord-Ouest de la Calabre : les massifs calcaires forment des bastions montagneux isolés entre des bassins tectoniques et des secteurs de collines inscrits dans le flysch. Au-delà du Passo di Scalone (740 m) commence l'Apennin cristallin, qui n'atteint nulle part 2000 m d'altitude.

  • 1 Sur les traces glaciaires de l'Apennin au Sud de Naples ont été publiés les travaux suivants : G. (...)
  • 2 Dans sa thèse, M. Lippmann-Provansal (1987) a développé des arguments en faveur de l'existence au (...)

4La première mention de traces glaciaires dans l'Apennin au Sud de Naples a porté sur le Monte Sirino (G. de Lorenzo, 1892 et 1893) : sur l'ubac du massif, l'auteur a relevé une morphologie glaciaire typique, faite de plusieurs cirques et d'accumulations morainiques à blocs polis et striés. Il convient de rendre hommage à cet auteur pour la précision et la justesse de ses observations pionnières de terrain. Le reste de l'Apennin méridional offre quelques traces glaciaires moins claires que celles du Monte Sirino : ceci explique les reconstitutions restrictives de R. Biasutti (1916) pour le Monte Cervati ou de R. von Klebelsberg (1932) et P. Guérémy (1977) pour le Monte Pollino. A l'opposé, des auteurs ont multiplié et étendu considérablement les secteurs englacés : l'exagération manifeste d'E. Cortese (1928) qui faisait descendre des glaciers depuis l'Aspromonte jusqu'au niveau de la mer a été balayée de façon cinglante par B. Castiglioni (1929). Une révision à la hausse du paléoenglacement de l'Apennin méridional a été proposée par une thèse française récente à propos du massif campanien du Cervati (M. Lippmann-Provansal, 1987), et par les travaux d'un groupe de chercheurs de l’Université de Bari, menés au cours des aimées 70 et 80 sur l'Apennin calabrais (P. Acquafredda, F. Boenzi et G. Palmentola, diverses aimées) : pour la première fois, des traces glaciaires étaient signalées sur tous les sommets de la Calabre septentrionale et centrale. Une révision systématique du terrain nous a amené à considérer comme excessives de telles reconstitutions.1,2

Fig. 58 - Coupes géologiques du Sirino et du Pollino (Apennin lucanien)

Les massifs du Pollino et du Sirino : le paléoenglacement contrasté de l'Apennin lucanien

5Entre la plaine du Sélé et la Calabre, l'Apennin approche ou dépasse 2000 m d'altitude en quatre points : dans la presqu'île du Cilento au Monte Cervati (1898 m), à l'Est de Lagonegro dans le massif du Sirino (2005 m) et au Monte Alpi (1900 m), ainsi qu'aux confins de la Calabre, dans le massif du Pollino (2266 m). Dans le cas du Monte Cervati et du Monte Alpi, les traces glaciaires, peu claires, se limitent au maximum à des cirques ayant réaménagé une niche d'arrachement dans le premier cas, une tête de vallée dans le second. En revanche, les massifs du Sirino et du Pollino présentent une morphologie glaciaire sûre, précocement décrite pour le premier massif en raison de son caractère évident.

Des traces glaciaires paradoxalement contrastées

6Contrairement à ce que pourrait laisser supposer le gradient altitudinal existant entre les deux massifs, les traces glaciaires du Monte Pollino sont plus limitées en étendue et en tranche d'altitude que celles du Monte Sirino.

Les traces glaciaires de l'ubac du Monte Pollino (2266 m)

7Le massif du Pollino domine vers le Sud le bassin calabrais de Castrovillari par un escarpement de faille de près de 2000 m de commandement (fig.58). Orienté au SSW, cet escarpement ne présente dans sa partie haute aucune forme redevable à l'érosion glaciaire : le "cirque" cartographié sur l'adret du M. Pollino par F. Boenzi et G. Palmentola (1971, p. 140) n'est en fait qu'une vaste doline. Toutes les traces glaciaires apparaissent localisées sur le versant nord du Pollino, de la Serra del Prete (2180 m) à la Serra Dolcedorme (2266 m) (fig.59).

Fig. 59 - Les héritages glaciaires du Pollino (Apennin lucanien)

8Nous avons recensé sept cirques glaciaires, dont six exposés au Nord ou au Nord-Est (fig.61). La crête la plus basse présentant un modelé de cirque se situe à 2100 m d'altitude. La localisation des cirques sous les plus hauts sommets et dans des expositions favorables s'impose clairement. Dans l'ensemble, ces cirques apparaissent assez peu profonds, particulièrement ceux de l'ubac du Monte Pollino : encaissés d'une cinquantaine de mètres seulement par rapport à la surface moyenne du versant, ces deux cirques montrent également une faible largeur (250 m maximum) et une forme de chevron à pointe tournée vers l'amont. L'occupation de ces amphithéâtres à corniche sommitale par des glaciers est clairement attestée par les dépôts morainiques situés à leur base (photo no 21).

9Le Piano di Pollino et le Piano di Toscano sont en effet encombrés de bourrelets d'une dizaine de mètres de hauteur au maximum, hérissés de blocs et dessinant des grands arcs de cercle au droit des cirques. Ces formes, considérées comme des moraines par R. von Klebelsberg (1932) et N. Beck (1972) ont suscité la méfiance de plusieurs chercheurs. Ainsi, à la suite de R. Biasutti (1923), F. Boenzi et G. Palmentola (1971) les ont interprétées comme des roches moutonnées, ce qui est difficilement compatible avec le tracé continu de certains bourrelets sur plusieurs centaines de mètres, et surtout, formellement démenti par les quelques coupes naturelles existantes : celles-ci montrent clairement qu'il s'agit de formes d'accumulation, constituées de matériaux hétérométriques incluant de nombreux blocs calcaires ; les auteurs ont d'ailleurs ultérieurement reconnu leur méprise (F. Boenzi et G. Palmentola, 1975). Au Nord du Piano di Toscano, ces bourrelets arqués sont d'ailleurs dominés de plusieurs dizaines de mètres par des constructions morainiques latérales.

10D'autres bourrelets à blocs existent en contrebas du cirque du Nord-Est de la Serra Dolcedorme : dans le Piano di Acquafredda et le Piano di Fossa, P. Guérémy (1977) a hésité entre l'hypothèse morainique et celle d'un transport par des "coulées de blocs". Il nous semble difficile d'interpréter ces bourrelets comme l'extrémité de coulées de blocs dans la mesure où leur bord interne ceinture et domine des dépressions à peu près planes : ceci s'accorde bien avec l'ancienne présence d'une langue glaciaire. En outre, à la Scaletta, le dessin du bourrelet montre qu'il n’a pu être mis en place par solifluxion depuis les pentes qui le dominent immédiatement ; son tracé arqué à concavité tournée vers l'Ouest moule l'extrémité d'une langue glaciaire descendue de la Serra Dolcedonne (fig.59). Enfin, des accumulations morainiques existent en contrebas du cirque isolé de la Serra del Prete. Selon F. Boenzi et G. Palmentola (1971), il s'agirait de la moraine latérale d'un glacier de vallée provenant du Piano di Pollino. Nous excluons une telle hypothèse en raison de la pétrographie entièrement calcaire des éléments grossiers, à l'exclusion de tout élément de flysch ou de schiste, attestant une origine strictement locale : le tracé du bourrelet, visible tant sur le terrain que sur les photographies aériennes, montre qu'il s'agit de la moraine frontale du cirque de la Serra del Prete.

11Au total, les traces glaciaires du Pollino sont uniquement présentes sur le versant nord du massif : à des cirques élémentaires éraflant les sommets de plus de 2100 m correspondent des constructions morainiques typiques dont la plus basse est à plus de 1600 m.

Le modelé glaciaire généralisé du Monte Sirino (2005 m)

12Situé à mi-chemin des Monts Cervati et Pollino, le massif du Sirino dresse sa coupole isolée à moins de vingt kilomètres des rivages du Golfe de Policastro. Il correspond à une klippe de terrains à dominante calcaire d'âge triasique, reposant anormalement sur les terrains jurassiques plus tendres de la série de Lagonegro ; les calcaires de l'unité campanienne sont déformés en un dôme anticlinal complexe montrant de nombreux replis (P. Guérémy, 1972) (fig.58).

Fig. 60 - Les héritages glaciaires du Sirino (Apennin lucanien)

13Fait remarquable, une dizaine de cirques constituent un modelé généralisé autour de la pyramide sommitale (Montagna del Papa, 2005 m) (fig.60). Par contraste avec ceux du Pollino, ces cirques ne présentent pas une orientation au Nord systématique (fig.61) ; même, on notera une relative indifférence à l'orientation puisque là où elle dépasse 1900 m, la ligne de faîte domine des cirques installés en adret comme en ubac. Les cirques exposés au Sud ne peuvent être confondus avec de simples bassins de réception : le fond de ces amphithéâtres, large de 400 m, marque une nette rupture de pente au-dessus des incisions torrentielles actuelles. Pour le cirque de Timpa Scazzarido, exposé au Sud-Est, le seuil présente même une contre-pente liée à un bourrelet morainique transversal. Les cirques de l'ubac du massif rappellent les cirques en fauteuil les plus caractéristiques des Abruzzes : on relèvera l'ampleur des formes (près de 550 m de large pour le cirque composé oriental), la pente douce des planchers de cirque interrompue par des arcs morainiques stadiaires, dont celui qui retient les eaux du Lago Remimo.

14Les moraines du Monte Sirino se disposent en bourrelets parfaitement typiques par leur morphologie et leur constitution. Un vallum découvert par F. Boenzi et G. Palmentola (1972) est conservé au Nord-Est de Timpa Scazzarido : épais d'une trentaine de mètres, ce bourrelet au versant interne raide décrit des sinuosités visibles jusqu'à 1300 m d'altitude. Ailleurs, des cordons morainiques latéraux se signalent par leur continuité et leur puissance : à la suite de G. De Lorenzo (1893), on notera la moraine latérale de rive gauche de la Valle Niella, sur l'adret du massif, qui se suit sur une soixantaine de mètres d'épaisseur et 500 m de longueur jusqu'à 1400 m d'altitude (photo no 22). Comme toutes les autres moraines du massif, celle-ci montre en coupe une abondante farine glaciaire ; sa singulière couleur rosée reflète l'affleurement en amont des schistes et marnes rosâtres, conservés au-dessus des calcaires dans les synclinaux pincés de l'unité campanienne. Les blocs à faces polies et striées sont fréquents, ce qui peut s'expliquer par le grain fin des calcaires triasiques et la protection contre la dissolution permise par la matrice marneuse (J. Tricart et A. Cailleux, 1962). C'est de la moraine latérale de la vallée des Porcili que G. De Lorenzo (1892) a extrait le gros bloc strié visible à proximité de l'Institut de Géologie de Naples.

15Bien caractérisées et connues, les traces glaciaires du Monte Sirino apparaissent relativement plus développées que dans le Pollino. Dans le Sirino, les cirques existent jusqu'en adret sous des crêtes comprises entre 1900 et 2000 m seulement. Le versant méridionaldu Pollino, de plusieurs centaines de mètres plus élevé, est totalement dépourvu de marque glaciaire. Dans trois vallées du versant septentrional du Sirino, les moraines se suivent jusqu'à des altitudes égales ou légèrement inférieures à 1300 m (contre 1600 m pour la plus basse moraine du Pollino).

Un paléoenglacement inégalement intense et durable à l'avantage du Sirino

16Le contraste entre les deux massifs apparaît clairement lorsque l'on reconstitue leur remplissage glaciaire, à dessein d'évaluer l'ancienne limite topographique des neiges persistantes.

Fig. 61 - Diagramme d'orientation des cirques du Sirino et du Pollino (Apennin lucanien)

Un paléoenglacement spectaculaire dans le Sirino, médiocre dans le Pollino

17Les abondants restes morainiques du Monte Sirino permettent d'établir de manière assez sûre les limites de l'englacement maximal. Le massif était alors recouvert d'un petit glacier sommital à partir duquel divergeaient une série de glaciers de vallée, dont deux situés en plein adret. Au Sud de la Montagna del Papa, le glacier de la vallée Niella orienté au Sud-Sud-Est fondait vers 1400 m. Sur le versant nord du Sirino, les trois glaciers principaux fondaient à des altitudes encore inférieures, de l'ordre de 1250 à 1350 m ; le glacier du Nord de la Montagna del Papa était un vrai petit glacier de type alpin, issu de la jonction de deux grands glaciers de cirque, long de 3 km et émettant même une petite diffluence vers le Nord-Est (moraine vers 1400 m tranchée par la nouvelle route de Lauria). Le calcul de la limite topographique des neiges permanentes lors de la dernière expansion maximale donne un peu plus de 1600 m en ubac et un peu plus de 1700 m en adret ; la première valeur est comparable à celle estimée pour l'ubac du Matese.

18Dans le massif du Pollino, la rareté des moraines terminales rend plus délicate la fixation de l'altitude inférieure atteinte par les glaciers. Ainsi, pour le principal glacier qui emplissait les Piani di Pollino et di Toscano à partir de la confluence de plusieurs glaciers de cirque, on ne dispose que du témoignage des moraines latérales dominant les arcs de retrait. Elles indiquent l'existence d'environ 80 m d'épaisseur de glace au minimum dans les piani, ce qui a dû permettre à leur débouché la constitution d'une langue glaciaire ayant emprunté la vallée du Frido. La diminution d'épaisseur vers l'aval de la moraine latérale de rive gauche de Chiaromonte indique que le front glaciaire ne devait pas être très éloigné de l'altitude 1650-1700 m ; on obtient ainsi une longueur totale d'un peu plus de 3 km pour le glacier depuis le cirque nord-occidental de la Serra Dolcedonne. La valeur de 7 km avancée par G. Palmentola (1988) ne s'appuie sur aucun argument morphologique : vers l'aval, le profil en "U" de la vallée du Frido s'explique par un dispositif en graben et son fond est seulement encombré par les alluvions récentes du torrent et l'extrémité d'une grande coulée dans le flysch ayant emprunté la vallée ouverte au Nord du Colle Gaudolino (P. Guérémy, 1977). En outre, un point de comparaison intéressant est fourni à l'Est de la Serra Dolcedonne. La moraine que nous avons découverte en fond de vallée au lieu-dit la Scaletta (1620 m) présente les caractéristiques d'une moraine terminale (forme d'arc bien dessiné, modification du profil transversal de la vallée en aval) : elle a été déposée par un glacier de vallée descendu du cirque nord-oriental de la Serra Dolcedonne, long d'un peu moins de 2 km. L'altitude de cette moraine terminale permet d'évaluer l'ancienne limite topographique des neiges persistantes en exposition nord à un peu plus de 1900 m, valeur déjà proposée par R. von Klebelsberg (1932) et F. Boenzi et G. Pal mentola (1971).

19Le décalage de 300 m avec le Monte Sirino rend compte de la modestie du paléoenglacement du Pollino eu égard à son altitude : les glaciers ne s'y sont développés que sur l'ubac et fondaient à des altitudes relativement élevées, de 1600 m au minimum.

Une déglaciation complète plus tardive dans le Sirino que dans le Pollino

20Des cordons morainiques stadiaires repérables sur les ubacs du Sirino et du Pollino permettent d'y suivre une ou deux étapes de la déglaciation fini-würmienne (fig. 59, 60 et tableau no 8).

21Dans les vallées du versant nord du Monte Sirino se relèvent des moraines frontales situées à peu près à mi-distance entre les cirques et les moraines terminales : ils témoignent donc d'une réduction de moitié de la longueur des glaciers de vallée. Le bourrelet morainique de retrait du Sgarrone degli Scazzariddi est particulièrement remarquable par son versant interne montrant une pente de près de 30°, son tracé ondulé moulant l'ancien contour lobé du front glaciaire, et son raccord vers l'amont à une moraine latérale. Ces moraines de retrait, parmi lesquelles figure celle qui retient les eaux du Lago Remmo, permettent d'évaluer la limite topographique des neiges persistantes en exposition Nord au moment de leur dépôt. Celle-ci devait s'établir vers 1700-1750 m, ce qui représente une remontée de l'ordre de 100-150 m par rapport à son altitude lors la dernière expansion maximale : par comparaison avec le Gran Sasso et l'Apennin central, ces moraines peuvent donc être rapportées au stade apenninique I.

L.N. Limite topographique des neiges permanentes en exposition nord.
Tableau n o  8 - Les stades apenniniques de retrait dans l’Apennin lucanien

22Un seul bourrelet morainique transversal nettement plus élevé peut être attribué à un stade de retrait ultérieur : il s'agit de l'arc morainique qui ferme le cirque du Nord de la Montagna del Papa vers 1710 1720 m. Il indique une remontée de la limite topographique des neiges persistantes en exposition Nord de plus de 260 m par rapport à la dernière expansion maximale, ce qui permet de le corréler au stade apenninique IIa. Lors de ce stade à valeur fondamentale dans tout l'Apennin central, le massif du Sirino n'abritait donc plus qu'un unique glacier de cirque orienté plein Nord en contrebas du plus haut sommet.

23Dans le massif du Pollino, les bourrelets morainiques de retrait ne sont attribuables qu'au seul stade apenninique I. Il s'agit des moraines du Piano di Pollino et du Piano di Toscano, dessinant deux grands arcs distincts à la concavité tournée respectivement vers le cirque du Mont Pollino et celui du Nord-Ouest de la Serra Dolcedonne. Ils témoignent de la scission en deux courtes langues glaciaires du grand glacier composé qui emplissait l'ensemble des piani lors de l'expansion maximale ; les deux fronts glaciaires ont isolé entre eux une petite cuvette de décantation lacustre. Connue la moraine du Piano di Acquafredda également située vers 1800 m, les moraines stadiaires des piani di Toscano et di Pollino témoignent d'une remontée de la limite topographique des neiges persistantes en exposition Nord de l'ordre de 120-130 m par rapport à l'expansion maximale (stade apenninique I). On ne relève aucune moraine située plus en amont, ce qui laisse supposer une déglaciation totale du Pollino après le stade apenninique I ; tout au plus, un protalus rampart situé vers 2000 m au fond du cirque du Monte Pollino témoigne-t-il de son occupation par un simple névé, probablement lors du stade apenninique IIa (limite topographique des neiges persistantes en exposition nord située à quelques dizaines de mètres sous les plus hautes crêtes).

24L'on retiendra la différence d'intensité et de durée de l'englacement entre les deux principaux massifs de l'Apennin lucanien. Le massif du Sirino se singularise par un paléoenglacement développé à plus basse altitude et jusqu'en adret, ainsi que par le maintien d'un glacier de cirque lors du stade apenninique IIa, soit postérieurement à la déglaciation totale du Pollino. Un tel décalage ne laisse pas de surprendre compte tenu de la faible distance entre les deux massifs (40 km) et surtout, de la supériorité altitudinale du Pollino.

L'explication du contraste entre Sirino et Pollino : des facteurs locaux de l'englacement exacerbés au Sud de l'Apennin

25Il existe donc une supériorité relative du paléoenglacement du Sirino par rapport à celui du Pollino ; ou en déduit que le gradient altitudinal existant entre les deux massifs a été contrebalancé par d'autres facteurs locaux à l'origine d'un bilan glaciaire plus favorable pour le premier massif. Ces facteurs locaux tiennent principalement à la situation géographique et aux caractéristiques orographiques des deux massifs.

Importance paléoclimatique de la distance à la mer Tyrrhénienne

26Bien que faiblement éloignés l'un de l'autre à l'échelle de l'Apennin (40 km), les massifs du Sirino et du Pollino ont une situation géographique différente à moyenne échelle, qui a dû déterminer une inégalité de l'alimentation glaciaire.

27Le Monte Sirino s'élève à seulement 18 km des rivages du golfe de Policastro, dont il est séparé par des reliefs en moyenne deux fois moins élevés que lui et aérés de larges vallées ouvertes vers la mer ; son versant sud-occidental, présentant une dénivellation de 1800 m sur moins de 9 km, constitue donc le premier accident topographique majeur que rencontrent les flux d'origine tyrrhénienne (le libeccio). Or aujourd'hui, la côte du golfe de Policastro est la plus arrosée de toute l'Italie : au niveau de la mer, le volume annuel de précipitations y dépasse partout 1250 mm et l'isohyète 1500 mm touche la côte au droit du Monte Sirino (A. Mori, 1965). Sur les premières pentes du Monte Sirino, Rivello (450 m) reçoit 2050 mm de précipitations par an, dont 910 mm pour les seuls mois de décembre et de janvier, ce qui laisse supposer plus de 3000 mm sur les sommets du massif (R. Neboit-Guilhot, 1990). En raison du maximum pluviométrique de saison froide, la neige tombe en abondance et se maintient pendant 5 à 6 mois en moyenne autour des cimes ; au début de mai 1992, l'ubac du Sirino était encore entièrement enneigé au-dessus de 1500-1600 m.

28Le Monte Pollino est éloigné de la station de Pràia a Mare de 35 km, soit le double de la distance du Monte Sirino à la côte tyrrhénienne. Surtout, le Pollino est séparé de la mer par la chaîne côtière calcaire calabraise. Orientée NNW-SSE, large d'une vingtaine de kilomètres et culminant régulièrement entre 1500 et près de 2000 m, cette chaîne joue un rôle d'écran par rapport aux flux humides de la mer Tyrrhénienne. Au pied méridional du Monte Pollino, Castrovillari (362 m) reçoit moins de 900 mm de précipitations par an, soit moins de la moitié du volume enregistré en bas du Sirino. Le voisinage de la mer Ionienne n'apporte aucun surcroît d'humidité (moins de 600 mm de précipitations par an dans la plaine de Sybaris). Il existe ainsi entre les rivages tyrrhénien et ionien de la Calabre septentrionale un gradient de précipitations encore plus prononcé que celui observé entre les rivages tyrrhénien et adriatique de l'Apennin central.

29Les contrastes dans la répartition des précipitations actuelles sont liés à la configuration orographique de l'extrémité méridionale de l'Apennin calcaire : celle-ci permet d'opposer le Monte Sirino en position climatique de montagne bien exposée aux vents tyrrhéniens, au Monte Pollino en position relative d'abri. Sans s'attacher aux valeurs absolues des volumes de précipitations, il nous semble possible d'extrapoler au paléoclimat de l'époque glaciaire les gradients actuels des précipitations : ceux-ci permettent en effet de comprendre les variations de la limite des neiges permanentes déduites de la répartition altitudinale des modelés glaciaires. Ajoutons que lors des des glaciations quaternaires, en raison de la profondeur du Golfe de Policastro, le Monte Sirino était le massif englacé de tout l'Apennin le plus proche de la mer Tyrrhénienne, précédant les Alpes Apuanes. Il a dû bénéficier d'une alimentation neigeuse plus importante que le Pollino, pourtant plus élevé mais désavantagé par sa situation plus continentale, sous "l'ombre portée" de la chaîne côtière calabraise.

Des topographies pré-glaciaires inégalement favorables

30Les deux massifs possèdent également des caractéristiques orographiques inégalement favorables à une extension glaciaire importante.

31Dans le massif du Sirino, le modelé généralisé de cirques doit correspondre dans la plupart des cas à l'existence de bassins de réception pré-glaciaires, selon le schéma classique d'E. de Martonne (1948). En effet, ces cirques s'ouvrent à l'extrémité-amont de vallées divergentes depuis le coeur du massif et au profil longitudinal tendu ; aujourd'hui, l'érosion torrentielle reprend ses droits en défonçant les planchers de cirque et en en griffant les murailles. Dans le cas du grand cirque composé du Lago Remmo, le parallélisme des ailes du cirque et la pente douce du fond s'expliquent par des données morpho-structurales : la tête de vallée du cirque correspond à un fossé tectonique orienté Sud-Nord. Globalement, le sommet du Monte Sirino était donc cerné de formes en creux préglaciaires dérivant du compartimentage tectonique ou de l'action de l'érosion remontante, favorisée par l'étendue des affleurements de flysch autour du massif et la position déprimée des niveaux de base locaux du Noce et du Sinni.

32La morphologie de bloc faillé du Monte Pollino y a déterminé une plus grande dissymétrie du relief pré-glaciaire. L'adret correspond à un escarpement de faille dont la raideur a gêné l'accumulation de la neige. Les entonnoirs torrentiels y sont situés à plusieurs centaines de mètres sous les sommets ; ceux-ci dominent des corniches structurales (Serra Dolcedorme) ou des surface planes inclinées de 15-20° et recoupant en biseau les strates calcaires à pendage septentrional (Monte Pollino et Serra del Prete). Dans le premier cas, la neige a dû être régulièrement balayée par des avalanches et dans le second, son accumulation a été contrariée par l'exposition au soleil et au vent et la forme générale convexe du haut de versant.

33Sur l'ubac, le versant recoupe les strates calcaires sous un angle plus fort que le pendage : le Nord du Pollino correspond ainsi à un versant régularisé typique. Ailleurs, ce dispositif structural a dû favoriser des glissements en masse (P. Guérémy, 1977). Les paquets de strates déplacées visibles en contrebas des cirques du Nord-Est du Pollino et du Nord-Ouest de la Serra Dolcedorme pourraient signifier que ces cirques ont aménagé des niches d'arrachement ; le recours à un phénomène de glissement en planche des strates supérieures aurait le mérite d’expliquer la forme atypique des cirques du Monte Pollino. Au creux de ces niches d’arrachement peu profondes, situées sous des lignes de crêtes étroites, la neige s'est accumulée sur une épaisseur assez médiocre, de quelques dizaines de mètres au maximum. En outre, les petits glaciers de cirque ont conflué et se sont étalés dans le Piano di Pollino, susceptible d'être ensoleillé une bonne partie de la journée du fait de son éloignement des sommets. Et il se trouve à une altitude inférieure à l'ancienne limite des neiges permanentes : dans le Piano di Pollino, le glacier était déjà situé en zone d'ablation. Le dispositif topographique pré-glaciaire a donc gêné une avancée de la glace bien au-delà du Piano di Pollino.

34Par rapport au massif du Pollino, celui du Sirino était donc avantagé par la morphologie pré-glaciaire de ses sommets (existence de réceptacles profonds pour l'accumulation de la neige) ; notons également que le fort encaissement des vallées de l'ubac et de l'adret du massif y a permis une relative protection vis-à-vis de l'ensoleillement et une canalisation des flux de glace, dont la fonte a de fait été retardée.

Néotectonique et développement de l'étage glaciaire

35Il est enfin possible de faire appel au facteur néotectonique pour expliquer l'infériorité du paléoenglacement du Monte Pollino. Une faille de direction apenninique (WNW-ESE), disloquant un empilement de cinq nappes mises en place au Miocène, est à l'origine de l'escarpement méridional du Pollino. Le témoignage des niveaux bréchiques emboîtés au pied de l'escarpement et pour certains raccordés à des terrasses marines, indique un rejet quaternaire de la faille de 600 m au minimum ; en fait, si au mouvement différentiel de part et d'autre de la faille on ajoute le soulèvement des dépôts marins calabriens du compartiment affaissé, on obtient un gain d'altitude de 850 m au Quaternaire pour le massif du Pollino (J.-C. Bousquet et P. Guérémy, 1969 ; P. Guérémy, 1972 et 1977). C'est donc au cours du Quaternaire que le volume montagneux du Pollino s'est progressivement constitué : les gains d'altitude du massif lui ont permis de dépasser la limite climatique des neiges permanentes, ce qui s'est traduit par la constitution d'un englacement sur l'ubac.

36La rareté des dépôts quaternaires au pied méridional du Monte Sirino (bassin de Lagonegro) et l'absence de faille de ce côté du massif rendent difficile une reconstitution de son évolution néotectonique quaternaire. Nous nous permettons cependant de poser l'hypothèse d'une plus grande intensité de la néotectonique récente pour le massif du Pollino, au pied duquel certains éboulis würmiens ont été déformés, attestant un rejeu de la faille principale (J.-C. Bousquet et P. Guérémy, 1969). A partir de là, il est possible d'envisager un moindre avantage altitudinal du Pollino par rapport au Sirino avant le Quaternaire récent. Le décalage d'altitude entre les deux massifs, quasiment semblable à l'actuel au Würm récent, a pu être moins important lors des glaciations plus anciennes. La faiblesse de l'avantage orographique du Pollino au Quaternaire moyen constituerait un facteur supplémentaire (secondaire) permettant de comprendre la médiocrité relative de ses traces glaciaires. En effet, la faible profondeur des cirques du Pollino, contrastant nettement avec les formes de cirques en fauteuil du Sirino ("formes plus évoluées" selon F. Boenzi et G. Palmentola, 1972, p. 47) pourrait partiellement tenir à leur âge plus récent. L'infantilisme des formes glaciaires du Pollino pourrait provenir notamment du fait que ce massif ait subi un nombre de glaciations inférieur à celui du Sirino (seulement la ou les dernières glaciations).

37Nous avons conscience de la minceur des indices appuyant l'hypothèse d'un rôle de la néotectonique dans le moindre développement de l'étage glaciaire du Pollino. Si un tel paramètre est intervenu, il n'a fait que s'ajouter à deux facteurs principaux bien établis, tenant au relatif éloignement du massif par rapport à la mer Tyrrhénienne et à son orographie peu favorable à un englacement intense. Quoi qu'il en soit, le contraste entre les traces glaciaires du Sirino et du Pollino illustre l'exacerbation du jeu des facteurs locaux de l'englacement (position géographique et topographie pré-glaciaire des massifs) au Sud de l'Apennin : ceci est caractéristique d'un phénomène morphologique marginal, considéré à la limite de son aire d'extension.

L'Apennin calabrais : l'absence de trace glaciaire reconnaissable

38La puissante barrière du Pollino sépare la Calabre du reste de la péninsule. D'un point de vue orographique, cette région comprend tout d'abord la chaîne côtière calabraise qui longe la façade tyrrhénienne jusqu'au Sud de Cosenza et culmine au Nord dans sa partie calcaire (Cozzo del Pellegrino 1987 m et la Mula 1935 m). L'originalité morpho-structurale de la Calabre tient à l'extension des hauts-plateaux cristallins dans sa partie centrale (Sila culminant au Monte Botte Donato 1928 m) et méridionale (Serre et Aspromonte, ce dernier s'élevant au-dessus du détroit de Messine jusqu'à 1956 m au Montalto) (fig.2). L'Apennin calabrais ne comprend donc que des reliefs d'altitude inférieure à 2000 m : ceci constitue une valeur critique puisque nous avons estimé à un peu plus de 1900 m l'altitude de l'ancienne limite topographique des neiges persistantes en exposition nord pour le massif du Pollino. Il faut en outre compter avec la diminution rapide de la latitude vers l'extrémité de la péninsule, en liaison avec l'orientation franchement méridienne de la Calabre : ce désavantage latitudinal a-t-il pu être compensé par la situation plus "maritime" des massifs de l'Apennin calabrais ?

39La question se pose dans la mesure où des travaux italiens récents retiennent la présence de formes et de formations glaciaires dans la chaîne côtière calcaire et le massif de la Sila (F. Boenzi et G. Palmentola, 1972b, 1974 et 1975a), ce qui contredit l'avis de R. von Klebelsberg (1932) pour lequel le Pollino porte les modelés glaciaires les plus méridionaux de l'Apennin. Cette dernière opinion était communément admise, reprise par les manuels de géographie italiens (R. Almagia, 1959). Compte tenu de l'importance de la question de l'extension glaciaire et de l'absence de discussion des arguments des divers auteurs, nous avons entrepris un travail de relevé systématique des modelés des sommets calabrais.

La chaîne côtière calcaire calabraise : des modelés pseudo-glaciaires

40C'est à seulement une vingtaine de kilomètres au Sud-Ouest du Pollino que s'élèvent les points culminants de la chaîne côtière calabraise : celle-ci sépare la côte tyrrhénienne du bassin hydrographique du Crati, tributaire de la mer Ionienne. L'examen des modelés de La Mula (1935 m) et du Cozzo del Pellegrino (1987 m) nous conduit à nier l'existence des traces glaciaires signalées par F. Boenzi et G. Palmentola (1972b et 1975a).

La Mula : une niche d'arrachement et une formation de pente

41Sous le sommet pyramidal et isolé de la Mula (1935 m), s'ouvre vers l'Est-Sud-Est un amphithéâtre de près de 250 m de diamètre et dont le fond se tient vers 1700-1750 m. Celui-ci et la vallée qui le prolongent montrent une topographie chaotique en marches d'escalier, faite de replats étagés ou de petites cuvettes fermées (fig.62, en haut). L'ensemble s'achève par une pente plus raide du côté externe d'un bourrelet transversal situé à un peu moins de 1550 m, et de plus de 300 m de longueur. Une grande coupe ouverte sur le flanc externe du bourrelet laisse apparaître une formation hétérométrique riche en matrice fine. D'après la carte géologique au 1/100.000 de Castrovillati (no 221) et F. Boenzi et G. Palmentola (1972 et 1975), ce bourrelet serait une moraine frontale, et l'amphithéâtre d'amont un cirque glaciaire. Nos investigations nous amènent à proposer une interprétation différente.

42La formation détritique s'observe en coupe sur une vingtaine de mètres de hauteur à la faveur d'un glissement récent ; on peut y distinguer deux niveaux. Les premiers mètres sont constitués d'une brèche stratifiée comprenant essentiellement des cailloux anguleux et dont l'inclinaison est en accord avec la pente du versant actuel (environ 30°). Au-dessous apparaît sur au minimum une dizaine de mètres d'épaisseur une formation chaotique, incluant des cailloux et des blocs anguleux jusqu'à un mètre de longueur, et riche en matrice sablo-limoneuse claire. La brèche supérieure s'assimile clairement à une formation de pente et est forcément postérieure à la formation chaotique qu'elle recouvre. C'est en fait cette dernière qui pose un problème d'interprétation : en effet, le seul examen de la coupe ne permet pas de trancher entre l'hypothèse morainique et une hypothèse qui ferait de cette formation un banal dépôt de versait non stratifié.

43Un examen attentif du site morphologique de la formation montre que celle-ci ne constitue pas la masse même d'un bourrelet mais forme un simple voile sur le versait externe d'une croupe d'interfluve. Cette croupe qui se prolonge en fait sur plus d'un kilomètre vers le Nord, est directement inscrite dans la roche dolomitique, dont les baies se suivent nettement par endroits. Le versant interne de cette croupe montre d'ailleurs une pente moyenne de l'ordre de 5-10°, valeur bien faible pour un talus interne de moraine frontale ; la contre-pente correspond plutôt au rebord de dolines alignées sur le tracé d'une faille d'orientation SSW-NNE. Le broyage tectonique des dolomies, d'ailleurs relevé dans la légende de la carte géologique, peut expliquer la fourniture d'un abondait matériel fin que l'on retrouve dans les dépôts de versant. Il n'existe donc pas de bourrelet morainique au pied de la Mula, mais simplement une formation de pente hétérométrique recouvrant le versant externe d'une croupe rocheuse.

Fig. 62 - Les modelés pseudo-glaciaires de la chaîne côtière calabraise (Mula en haut ; Cozzo del Pellegrino en bas)

44Reste à éclaircir l'origine de l'amphithéâtre d'amont. Le premier replat situé en contrebas de cet amphithéâtre montre sur son rebord externe des strates en partie disloquées et inclinées de 30° vers l'amont, soit d'une dizaine de degrés de plus que la roche en place à pendage vers l'Ouest. L'existence d'une masse rocheuse affectée d'un glissement rotationnel au pied de l'amphithéâtre nous fait interpréter celui-ci comme une niche d'arrachement. En aval du premier replat, les replats et cuvettes successifs relèvent d'un grand glissement de terrain qui vient s'achever juste au-dessus des dolines évoquées plus haut. La formation chaotique décrite précédemment, et qui n'a pas les caractères d'une masse glissée, n'a donc pas de rapport avec la présence de l'amphithéâtre d'amont. Mais il faut reconnaître l'étonnante convergence de formes que constituait l'association à faible distance d'un amphithéâtre circoïde et d'une fonnation pour laquelle l'hypothèse morainique ne pouvait être exclue a priori. L'interprétation glaciaire pouvait cependant paraître suspecte en raison de l'exposition du cirque à l'Est-Sud-Est, contrastant avec l'absence de toute morphologie glaciaire en ubac.

Le Cozzo del Pellegrino : le modelé karstique des parties sommitales

45A la différence de la montagne de la Mula, le massif du Cozzo del Pellegrino ne présente guère de modelés ambigus. Les cirques et "niches d'excavation glaciaire" signalés par F. Boenzi et G. Palmentola (1975a, p. 969) jusque sous des sommets d'altitude inférieure à 1700 m correspondent à des têtes de vallée sculptées par la dissolution karstique (fig.62, en bas). L'ensemble du massif, composé des calcaires dolomitiques et dolomies triasiques, est littéralement criblé de champs de dolines. A l'Est du sommet, il n'existe nul amphithéâtre assimilable à un cirque, mais un ensemble de dolines alignées sur des failles d'orientation WSW-ENE ; à plus de 500 m en aval du sommet apparaît une ouvala aux contours sinueux typiques et dont le fond correspond en partie à la roche calcaire en place. Il est possible qu'un couvert neigeux important ait favorisé un tel développement des formes de dissolution karstique, mais celles-ci ne peuvent être confondues avec des modelés d'érosion glaciaire. Plus en aval, le profil "en U" de la vallée correspond à un dispositif tectonique en graben.

46Dans le reste du massif, pour lequel le boisement quasi-intégral gêne les observations, les "arcs morainiques" signalés par F. Boenzi et G. Palmentola (1975a) correspondent à des contre-pentes d'origine karstique (rebords de dolines) ; les "dépôts morainiques" visibles en coupe ne sont que des formations de pente riches en blocs. A 2 km au Nord du sommet du massif, ces mêmes auteurs ont décrit un "lambeau détritique cimenté, constitué de cailloux arrondis, polis et striés, noyés chaotiquement dans une matrice sableuse de couleur rose" ; ce lambeau "repose sur une surface striée et polie correspondant à une partie du fond de la vallée glaciaire" ; "il pourrait être retenu comme le lambeau résiduel d'une moraine pré-würmienne" (F. Boenzi et G. Palmentola, 1975a, p. 969 et 971). Cette interprétation chronologique se fonde sur l'aspect du dépôt et son recouvrement par une moraine de matrice grisâtre estimée würmienne. Nous n'avons malheureusement pas réussi à découvrir ce dépôt, "difficile à retrouver" selon F. Boenzi qui ne défend plus aujourd'hui l'interprétation exposée précédemment (comm. orale) ; il est vrai que la description du dépôt ne plaide guère en faveur de l'hypothèse glaciaire.

47En fait, les modelés décrits par F. Boenzi et G. Palmentola (1975a) dans le Cozzo del Pellegrino correspondent à des manifestations pseudo-glaciaires, pour la plupart redevables à la karstification superficielle. La chaîne côtière calabraise apparaît donc exempte de trace glaciaire : le massif du Pollino peut d'ores et déjà être considéré comme le massif, le plus méridional de l'Apennin calcaire qui présente une morphologie glaciaire.

L'Apennin calabrais cristallin : aucune marque glaciaire

48En raison de son altitude trop basse (Monte Cocuzzo 1541 m), la partie cristalline de la chaîne côtière calabraise ne recèle aucun modelé d'origine glaciaire. En revanche, la question peut légitimement se poser pour les hauts-plateaux de la Sila Grande et de l'Aspromonte qui dépassent de peu 1900 m d'altitude. L'englacement supposé de ces massifs a donné lieu à une littérature ancienne dans le cas de l'Aspromonte, plus récente dans le cas de la Sila.

La Sila : aspect pseudo-morainique d'une altérité et d'une formation torrentielle disséquée et altérée

49Les parties culminantes de la Sila présentent un aspect "vosgien" surprenant. La plus vaste forêt d'Italie (en latin silva) composée de sapins, de pins et de hêtres, recouvre de sa parure sombre une topographie de haut plateau bosselé. Celle-ci correspond à une surface d'aplanissement pré-oligocène tronquant les structures cristallines et bien conservée à l'Est du sommet du massif (P. Guérémy, 1972 et 1977). Au Nord du Monte Botte Donato, des vallées mûres rompent la monotonie du haut plateau. Examinant ces hautes vallées, R. von Klebelsberg (1932) n'y avait pas reconnu de trace glaciaire significative. Mais le long de la route des sommets (Strada delle vette) ouverte au début des aimées 1970, F. Boenzi et G. Palmentola (1974 et 1975a) ont identifié à deux endroits des formations qui seraient d'origine glaciaire : leur interprétation ne s'accompagne cependant pas d'une description des coupes visibles dans l'entaille de la route.

50La première coupe signalée par ces auteurs se situe à l'Est de la Serra Stella (1813 m), vers 1750 m d'altitude. Celle-ci montre une formation à dominante sableuse incluant quelques blocs de gneiss altérés, pour certains réduits à l'état de fantômes ; une grosse "boule" de gneiss de près de 3 m de diamètre et partiellement décomposée attire l'attention ; vers le haut de la coupe, la formation se compose exclusivement de matériaux fins partiellement argileux. Ce type de coupe se répète le long de la route, en des sites toujours dépourvus de toute forme circoïde en amont et en des expositions variées. Il s'agit là d'une coupe ouverte dans un manteau d'altérites dont la base n'est pas visible, et qui montre un gradient d'altération croissant vers la surface.

51Les autres formations signalées par F. Boenzi et G. Palmentola (1974 et 1975a) se regroupent sur l'ubac du Monte Botte Donato, autour de 1650-1700 m d'altitude. Le principal affleurement visible en coupe s'allonge en position d'interfluve entre les hautes vallées du Neto et du Cardone, sur plus de 600 m de longueur et une vingtaine de mètres de hauteur : la présence de blocs en surface jusqu'au sommet de la croupe indique que celle-ci est entièrement constituée par cette accumulation détritique. Les lacets de la route des sommets recoupent cette formation et fournissent de longues coupes malheureusement dégradées lorsque nous les avons observées (éboulement du sommet des coupes) ; en outre, ces entailles superficielles ne permettent pas de voir la surface de base de la formation. Quoi qu'il en soit, les coupes montrent de nombreux cailloux et blocs de gneiss généralement anguleux emballés dans une matrice fine partiellement argileuse. Alors que F. Boenzi et G. Palmentola (1974, p. 313) ne notent "aucune trace d'altération du dépôt", celui-ci offre une coloration ocre-rougeâtre de la matrice et de nombreux blocs présentent un cortex d'altération développé. Les coupes ne montrent en fait que la partie la plus altérée de la formation constituant la croupe d'interfluve.

52Le site morphologique de croupe d'interfluve et le maintien de nombreux blocs de gneiss au sein de cette formation très altérée nous font écarter l'hypothèse d'une simple altération sur place de la roche sous-jacente : celle-ci s'est plutôt développée aux dépens d'une formation déplacée et riche en blocs. Le problème porte donc sur la nature de l'agent responsable du transport de la formation : s'agirait-il d'un glacier, auquel cas la moraine serait latérale, ou d'un torrent qui aurait déposé des débris empruntés en amont à un manteau d'arène ? Les éléments exposés ci-dessus ne permettent pas de trancher puisque la formation non altérée n'est pas visible le long des coupes : on ne peut donc savoir si l'abondante matrice enrobant les blocs correspond à l'origine à de la farine glaciaire ou si elle résulte uniquement de l'altération d'une formation grossière. Cependant, la photographie reproduite dans l'article de F. Boenzi et G. Palmentola (1974, p. 312) nous fait douter de l'hypothèse morainique : la coupe franche de la formation, sur 5-6 m de hauteur, laisse en effet apparaître à plusieurs endroits des marques de regroupements granulométriques et de litages (parties de la coupe pauvres en matériaux fins et plus riches en blocs et cailloux, alignés le cas échéant), ce qui caractérise les dépôts opérés par les eaux courantes. Ayant examiné cette coupe alors qu'elle était encore en bon état, P. Guérémy (conun. écrite) "n'a jamais envisagé qu'il pouvait s'agir d'autre chose que d'un dépôt fluviatile".

53De surcroît, l'examen du site morphologique plaide également en faveur de l'hypothèse alluviale. En effet, il n'existe aucune topographie assimilable à un cirque sur l'ubac du Monte Botte Donato. Une morphologie de vallons étroits et en pente douce, domine, résultat de l'érosion régressive qui attaque la surface d'aplanissement fondamentale. Notre formation pourrait donc représenter le témoin d'un ancien remblaiement torrentiel ; disséqué par l'incision ultérieure, celui-ci s'est trouvé conservé en position d'interfluve entre les talwegs actuels, en rive gauche du Neto. L'altération du sommet de la formation s'accorde bien avec le laps de temps nécessaire à cette véritable inversion du relief alluvial. L'hypothèse alluviale a le mérite de s'accorder avec la morphologie dominante (actuelle et héritée) des hautes vallées de l'ubac du Monte Botte Donato. L'hypothèse morainique, en revanche, jure avec l'absence de tout modelé d'érosion glaciaire en amont, et doit être exclue d'après la coupe qui était visible il y a vingt ans. A la suite de P. Guérémy (1977, p. 481), nous retenons que la Sila "n'a pas été touchée par l'empreinte glaciaire".

L'Aspromonte

54Le problème d'éventuelles traces glaciaires couronnant la pointe extrême de la botte italienne, au-dessus du détroit de Messine, a déjà fait l'objet d'affirmations contradictoires. Paradoxalement, les partisans d'un englacement du massif n'ont jamais tiré leurs arguments de la morphologie du sommet (Montalto 1956 m), d'accès très difficile jusqu'à l'ouverture récente d'une route panoramique.

55Ainsi, E. Cortese (1928, p. 174) s'est-il fondé sur le "dépôt brun et fin des Piani d'Aspromonte,… ayant absolument l'aspect du matériel poudreux des moraines", pour reconstituer les quatre invasions glaciaires classiques, dont celle du Gunz qui aurait atteint la mer. Dans une réplique rapide, B. Castiglioni (1929) a dénoncé l'invraisemblance de l'argumentation précédente, remarquant qu'il n'existait pas de preuve d'absence ou de présence glaciaire sur l'Aspromonte. En fait, E. Cortese (1928) a manifestement pris pour morainiques les dépôts colluviaux accompagnant les niveaux marins soulevés formant une collerette discontinue autour de l'Aspromonte, et analysés par B. Dumas et al. (1981 et 1988).

56Sous le Montalto, existe un amphithéâtre semi-circulaire de près de 700 m de large, ouvert à l'Est-Nord-Est et dont le fond est occupé par un replat irrégulier incliné latéralement ; en aval, une rupture de pente très nette correspond à l'amont d'un bassin de réception torrentiel (Vallon de la Madonna). Selon P. Ergenzinger, (1990) l'amphithéâtre serait une niche d'arrachement, et la contrepente correspondrait au matériel glissé, fragmenté. Tout au plus aurait-on un "croissant de névé" entre l'abrupt de tête de la niche d'arrachement et la masse glissée. L'hypothèse glaciaire peut être écartée, encore que celle-ci n'ait jamais été soutenue par quiconque ! En effet, le caractère unique et l'imposante largeur de l'amphithéâtre excluent qu'il puisse correspondre à un cirque : on ne comprendrait pas qu'un cirque glaciaire aussi imposant que les plus grands cirques des Abruzzes se soit formé en exposition ENE alors que l'ubac du Montalto ne révèle la présence d'aucune autre forme comparable. Le replat qui occupe le fond de l'amphithéâtre montre une dissymétrie topographique incompatible avec l'hypothèse d'un bourrelet morainique ; l'aspect gondolé du replat et son assise penchée vers le flanc droit de l'amphithéâtre s'accordent bien avec l'hypothèse d'une masse glissée et disloquée.

57C'est à 3 km au Nord du Montalto, autour du Monte Cannavi (1668 m), que L. Lacquaniti (1949a) a identifié des "cirques glaciaires" installés en ubac connue en adret. Les formes signalées correspondent aux têtes des vallons qui incisent les deux versants opposés de la ligne de crête : ils présentent une morphologie torrentielle banale. F. Boenzi et G. Palmentola (1975a) ont également constaté l'absence de modelé glaciaire dans ce secteur comme sur le Montalto.

58L'absence de marque glaciaire dans l'Apennin calabrais cristallin s'explique par sa latitude méridionale et son altitude médiocre. Pour l'Aspromonte, il faut ajouter le concours de l'âge tardif du soulèvement du massif, dont le rythme a été évalué à environ 1 m par millénaire au Quaternaire (B. Dumas, P. Guérémy, R. Lhénaff et J. Raffy, 1981-1982). C'est dire qu'au Würm récent, et a fortiori lors des périodes de refroidissement plus anciennes, le désavantage altitudinal du massif s'est joint au facteur climatique (lié à la position en latitude) pour empêcher la constitution d'un englacement.

59De multiples modelés invoqués pour reconstituer l’ancienne extension des glaciers du Sud de l'Apennin nous sont apparus d'origine non glaciaire : ainsi les formes karstiques du Cozzo del Pellegrino, les arènes en place ou transportées de la Sila, et les niches d'arrachement de la Mula et du Montalto. En fait, au Sud de Naples, le paléoenglacement de l'Apennin est resté un phénomène morphologique extrêmement marginal, pratiquement limité aux seuls massifs du Sirino et du Pollino. Le Sirino et le Pollino ont été en effet les seuls massifs à abriter des glaciers de vallée, de trois à quatre kilomètres de longueur maximale. Pour le reste, le Monte Alpi (1900 m) et probablement le Monte Cervati (1898 m) ont abrité des glaciers de cirque en position d'ubac. Avantagé par la proximité du rivage tyrrhénien, le Sirino a connu un englacement relativement développé, y compris en adret. Lors du stade apenninique IIa, l'ubac du Sirino conservait l'unique glacier de tout l'Apennin au Sud de Naples. L'originalité du Sirino souligne la vigueur du gradient de continentalité au Würm.

60L'absence de trace glaciaire de l'Apennin calabrais est à relier avec l'élévation de la limite des neiges permanentes vers le Sud. Dans le massif du Pollino, qui porte les traces glaciaires les plus méridionales de la chaîne apennine, la limite topographique des neiges permanentes en exposition nord se tenait au Würm autour de 1900 m ; les sommets calabrais, plus hauts de quelques dizaines de mètres seulement, n'atteignaient pas l'altitude critique pour voir se développer un englacement. En revanche, l'altitude de l'Etna devait être suffisante pour y permettre la constitution d'un englacement, mais les explosions successives ont oblitéré d'éventuelles marques glaciaires, absolument méconnaissables aujourd'hui (G. Kieffer, 1985).

61Envisager à la suite les cas des extrémités sud et nord de l'Apennin, au volume orographique comparable, permet de faire ressortir l'inégalité de leur développement glaciaire. Le paléoenglacement extrêmement faible de l'Apennin au Sud de Naples contraste singulièrement avec celui des Alpes Apuanes et de l'Apennin du flysch, fort étendu et développé jusqu'à de faibles altitudes.

Notes

1 Sur les traces glaciaires de l'Apennin au Sud de Naples ont été publiés les travaux suivants : G. De Lorenzo (1892, 1893 et 1895) ; R. Biasutti (1916 et 1923) ; C. Crema (1922-1923) ; G. De Lorenzo et G. Dainelli (1923) ; E. Cortese (1928) ; B. Castiglioni (1929) ; H. Kanter (1930) ; R. von Klebelsberg (1932) ; F. Sacco (1941) ; L. D'Errico et L. Miraglia (1946) ; R. Miraglia (1948) ; L. Lacquaniti (1949a et b) ; N. Beck (1972) ; F. Boenzi et G. Palmentola (1971, 1972a et b, 1974, 1975a) ; P. Guérémy (1977) ; G. Palmentola et L. Pennetta (1979) ; P. Acquafredda et G. Palmentola (1984) ; M. Lippmann-Provansal (1987) ; G. Palmentola (1988) ; G. Palmentola, P. Acquafredda et S. Fiore (1990).

2 Dans sa thèse, M. Lippmann-Provansal (1987) a développé des arguments en faveur de l'existence au Würm, d'un glacier descendu jusqu'à seulement 950 m d'altitude au pied du Monte Cervati, dans l'Apennin campanien méridional. Les modelés décrits nous sont apparus redevables à l'activité de mouvements de masse complexes (glissements rotationnels, coulées de débris), favorisés par le substrat de flysch. Voir E. Jaurand, "Aspect pseudo-glaciaire des mouvements de masse dans l'Apennin calcaire : le cas du Mont Cervati (Campanie, Italie du Sud)", Géomorphologie : Relief, Processus, Environnement, 1995 (1), pp. 29-48.

Table des illustrations

Légende Fig. 58 - Coupes géologiques du Sirino et du Pollino (Apennin lucanien)
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Légende Fig. 59 - Les héritages glaciaires du Pollino (Apennin lucanien)
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/31425/img-2.jpg
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Légende Fig. 60 - Les héritages glaciaires du Sirino (Apennin lucanien)
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/31425/img-3.jpg
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Légende Fig. 61 - Diagramme d'orientation des cirques du Sirino et du Pollino (Apennin lucanien)
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/31425/img-4.jpg
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Légende L.N. Limite topographique des neiges permanentes en exposition nord.Tableau n o  8 - Les stades apenniniques de retrait dans l’Apennin lucanien
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/31425/img-5.jpg
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Légende Fig. 62 - Les modelés pseudo-glaciaires de la chaîne côtière calabraise (Mula en haut ; Cozzo del Pellegrino en bas)
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/31425/img-6.jpg
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