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Introduction

p. 125-126


Texte intégral

1Les historiens médiévistes travaillant sur l’Italie communale se sont efforcés de replacer l’évolution de la production écrite et des modes institutionnels de gestion documentaire dans le cadre politique des régimes gouvernementaux urbains qui se succèdent entre la fin du xie siècle et les années 1350. Les phases, rythmes et conformations de la production documentaire ont été ainsi l’objet d’une description et d’un commentaire qui trouvaient leur place dans une histoire politique et culturelle du pouvoir médiéval. La période podestatale, ouverte à la fin du xiie siècle, en cherchant à diminuer les tensions compétitives des seigneurs par la désignation d’un technocrate étranger en charge de l’exécution impartiale des décisions gouvernementales, a concouru de manière décisive à l’autonomisation d’un champ administratif doté de ses propres outils et promoteur de formes nouvelles d’évaluation de l’action publique. Tout en reprenant une part de ces acquis historiographiques, je m’efforcerai de ne pas réduire indûment les dissemblances entre l’espace de l’Italie centro-septentrionale et celui du Bas-Languedoc. Le régime du podestat est inconnu dans le Midi languedocien1 et le processus d’autonomisation progressive d’une sphère administrative emprunte des chemins différents. Les décrire implique de mener une enquête précise sur les savoirs et les savoir-faire que mobilisent les gouvernants et leurs officiers pour produire les outils écrits indispensables à l’exercice effectif du pouvoir souverain. Ces inventions, qui relèvent dans une large mesure du bricolage2, ne sont jamais l’application pratique d’un projet conçu et maîtrisé ex ante3, même si des instruments de formalisation théorique – en particulier juridiques4 – ont pu être mobilisés à l’occasion pour répondre aux situations rencontrées. Les chapitres trois, quatre et cinq, qui forment la deuxième partie de ce volume, proposent trois approches complémentaires de l’évolution conjuguée des pratiques documentaires et du système de gouvernement de la ville. Après avoir retracé l’évolution de la tenue des livres à Montpellier entre le xiie et le xive siècle et analysé les inventions typologiques afférentes, j’envisagerai le cas singulier des thalami dans le rapport qu’ils entretiennent avec les cartulaires de la période précédente. Cette mise au point sera complétée par un dernier chapitre concernant la politique archivistique menée par les autorités urbaines à partir des années 1250.

Notes de bas de page

1 Pour la Provence, voir Simone Balossino, Formes du pouvoir dans les communes de la basse vallée du Rhône ( xiie siècle-milieu du xiiie siècle) : l’exemple d’Arles et d’Avignon, thèse, université de Florence/EHESS, 2007.

2 Au sens où, pour un autre objet qui est le mythe, Claude Lévi-Strauss emploie ce terme dans La pensée sauvage, Paris, 1985 [1962], p. 33-36. Le bricolage désigne l’élaboration d’ensembles structurés, non pas à partir d’autres ensembles structurés – singulièrement à partir d’une théorie –, mais en recombinant des objets ou parties d’objets échus en héritage.

3 Sans préjuger d’une maîtrise ex ante du projet par les acteurs, certains médiévistes adoptent cependant un parti pris fonctionnaliste qui regarde l’accroissement des outils écrits du gouvernement, à partir de la fin du xiie siècle, ainsi que le perfectionnement de leur gamme typologique, comme répondant aux besoins des institutions en la matière. Cette approche va souvent de pair avec une vision finalisée du processus décrit, dont l’aboutissement est identifié à la forme historique de l’État moderne.

4 On retrouve ici l’influence du milieu des juristes conseillers qui, formés au droit savant, aidaient les consuls à la gestion quotidienne de la ville ; sur ces hommes, voir Albert Rigaudière, « L’essor des conseillers juridiques… », art. cité.

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