Des peaux pour tous. Artisanat et commerce de détail à Dijon au XVe siècle
p. 353-364
Texte intégral
1Les acteurs du commerce international et les fournisseurs des princes apparaissent plus souvent dans les archives médiévales que les artisans ou commerçants chez qui s’approvisionnent les gens de condition plus médiocre. L’analyse du vestiaire des paysans bourguignons1, tout comme le début d’une étude du costume citadin confirment la diffusion très large des vêtements fourrés, en particulier dans les garde-robes féminines2. La riche série des inventaires dijonnais3 comporte quelques documents concernant l’élaboration et le commerce des peaux à fourrure4 qui, même s’ils ne peuvent être considérés comme représentatifs de l’ensemble du négoce ou de la préparation des pelleteries à Dijon, ouvrent des aperçus sur une activité mal connue à ce niveau. Les petits ateliers, avec leur outillage et leurs stocks de peaux de qualité courante, revivent à travers ces feuillets. L’équipement nécessaire pour l’apprêt des peaux, la nature et la valeur de ces dernières, le niveau d’investissement de l’artisan sont des données rarement disponibles dans les archives de la France du Nord. Pour cette raison, une transcription complète de l’analyse des biens trouvés dans l’atelier, ou du moins des items qui se rapportent au travail ou au commerce des fourrures, est donnée en annexe.
2Certains des documents sont malheureusement fragmentaires. Seule la première feuille concernant Jeannin Lepuilleux (F) est conservée ; aucun des biens qui y sont énumérés ne correspond au métier spécifié dans l’entête du document. Le fragment anonyme E a été retenu parce qu’y sont mentionnés un outil et des matières premières « servant au mestier de pelletier ». Les inventaires du mercier Jean Huot (C) et du notaire Guiot Girardot (D) livrent, quant à eux, des informations sur le commerce des peaux à fourrure pratiqué par des étrangers au métier de « pelletier de peaux ». Contrairement à Henry Troignart (A) ou Rolin Malfert (H), Étienne de Paris (B) n’est pas désigné comme tel, mais le fait que lui ait été confiée, par un « pelecenier », la garde d’un sac de toile où était serrée une somme rondelette appartenant à la confrérie des pelletiers concourt, avec le contenu de son « ouvreur », à confirmer son appartenance à l’un ou l’autre de ces métiers. L’absence chez lui de tout outillage ou matière première destiné à l’apprêt des peaux tendrait à le rapprocher des « peleceniers ». Cependant son inventaire a été dressé après partage entre sa veuve et ses héritiers ; les peaux et fourrures inventoriées dans son atelier ne représentent donc pas forcément la totalité de son équipement professionnel. En revanche, l’inventaire détaillé et complet de l’atelier d’Amiot Huot, « pelecenier » (G) montre que son activité ne se confond pas avec celle des « pelletiers » ; son seul outil, une paire de forces, et son petit stock de peaux variées le vouent à la coupe et à la couture de pelleteries. Bien que trois documents soient des inventaires de tutelle (A, G, H), leur rédaction intervient avant le partage des biens entre la veuve ou le veuf et les enfants mineurs. Cette manière de faire inhabituelle donne, par chance, l’occasion d’analyser un stock ou un atelier complet.
De l’équipement aux procédés techniques
3Tous les ateliers sont situés en ville, aussi ne faut-il pas s’étonner qu’aucune installation ou objet ne se rattache aux premiers traitements5. Le trempage des peaux, avant que soient raclés les fragments de chair qui y adhèrent encore, puis le « mouillage » dans des mixtures nauséabondes étaient probablement réalisés hors de la ville, le long d’un cours d’eau, comme les travaux des tanneurs6. Rien non plus n’évoque dans ces ateliers le graissage côté cuir destiné à assouplir les peaux. En revanche les opérations ultérieures sont représentées par leur outillage. Peut-être la « bousse a tenoier peaux » (A) se rattache-t-elle au foulage au pied ? La « triballe » (A) se retrouve dans le dictionnaire de l’abbé Jaubert7, définie comme « un instrument semblable à la maque utilisée pour travailler le chanvre », elle doit servir à assouplir les peaux au sortir du foulage. Le chevalet de bois sur lequel la peau est étendue après cette opération, côté chair au-dessus est aussi présent (A). Le « couteau a echarner » manque, mais cet outil de petites dimensions8 a dû être omis volontairement, comme le sont en règle générale les couteaux domestiques. Il en va de même des baguettes utilisées ensuite pour frapper les peaux et en relever le poil.
4C’est au dégraissage des fourrures qu’est destiné le « molin a tourer peaulx » (H). Ce mécanisme simple est composé d’un tonneau, traversé par un axe terminé par une manivelle, soutenu de façon à pouvoir tourner comme une roue. Les fourrures y sont placées, saupoudrées de plâtre pulvérisé, de craie ou encore de sable. Les nombreuses mentions d’agneaux « platres » (B, D) et le tonneau plein de craie (E) confirment cette pratique. Ensuite, les peaux sont battues à nouveau pour éliminer la poussière de craie ou de plâtre avant d’être « tirees au fer ». L’instrument appelé « lame » au XVIIIe siècle, long de plus de 60 cm, large de 20 environ et « qui a le taillant en dos d’ane » est, sans doute à cause de ces caractéristiques, appelé « faulx » par le rédacteur de l’inventaire anonyme E ; c’est probablement le même type d’outil que l’on retrouve chez Rolin Malfert (H) sous le nom de « fer de pelletier ». Certaines peaux délicates échappaient aux traitements les plus rudes. En lieu de « mouillage » on leur appliquait un « confit », composé de farines de céréales trempées d’eau ou d’huile, dans lequel elles passaient plusieurs jours, ce qui explique la présence du « tenot a conffir » (A). Elles étaient ensuite séchées puis « tirees au fer », comme les autres.
5L’établi et la table (A), les forces (G, H) sont employés pour découper les pelleteries avant le montage des morceaux mais, comme c’est souvent le cas chez les tailleurs, aiguilles, fil et dés à coudre sont omis.
La composition des stocks
6Seule espèce animale représentée dans tous les inventaires, l’agneau emporte largement la première place, mais les stocks sont quantitativement très différents. C’est par centaines que les ovins sont décomptés et évalués chez Étienne de Paris (B) et Guiot Girardot (G), alors que leur nombre n’atteint même pas la dizaine chez les autres pelletiers. Chez ces deux personnages, et surtout chez le second, l’inventaire précise par toute une série de qualificatifs le stade et le type d’élaboration des peaux : agneaux « confits », « platres », ou les catégories marchandes : agneaux « de recepte », de « chavons » ( ?) (D) ou encore « cuirons » et « tondus » (B). Lorsque la couleur des fourrures est précisée, le blanc domine, puisque deux mentions seulement concernent de l’agneau noir (A, C).
7La liste des peaux à fourrure rencontrées chez ces artisans ou commerçants est proche de celle établie d’après les vêtements fourrés des Dijonnais9. Le lapin arrive en seconde position dans les deux cas. Cependant il figure en quantités très inférieures à l’agneau dans les stocks professionnels ; la plupart du temps, les peaux sont déjà montées (D, G) ; dos et ventres sont utilisés séparément. La diffusion des autres peaux à fourrure chez ces artisans ou commerçants s’écarte peu de la liste relevée d’après l’analyse des vêtements. Pourtant, deux pelleteries de qualité grossière, mouton et blaireau, ne figuraient pas parmi les doublures ou parements de l’échantillon vestimentaire dijonnais ; l’hermine et la loutre non plus, sans doute parce que ces pelleteries recherchées et coûteuses étaient destinées à une clientèle étroite, très aisée ; reste à Dijon un grand absent, le chevreau, dont les paysannes faisaient volontiers usage au XIVe siècle10.

8Les peaux se présentent à divers stades de leur préparation, crues, confites ou « platrees », prêtes à l’emploi probablement quand aucun qualificatif ne leur est attribué, et parfois déjà découpées, comme les « dos » de bièvre ou de renard (H) ou les « cuissettes » d’agneau (D). Le plus souvent, les morceaux sont déjà assemblés par « quartiers », « pans » ou « pieces » de « testes de gris » (A), « piéz de renard » (H) ou « ventre de conil » (G), ou montées en « manteaux » ou en « pennes » composés de « cuissettes », de « dos », de « ventres » de couleur uniforme ou, pour jouer du contraste, de « dos et ventres » d’écureuils (G)11.
9Quelques « viéz peaulx » figurent dans l’inventaire de Jean Huot (C) ; il n’est pas rare en effet que des objets de seconde main soient vendus par les merciers. Il s’agit dans le cas présent de pelleteries de qualité courante : agneau, lapin, chat, renard et renardeaux. Chez un pelletier (H) la présence de fourrures déjà portées va à l’encontre des règles qui ont cours dans les autres métiers de l’habillement, où l’emploi de matériaux neufs est habituellement prescrit. Ici les seules fourrures « vieilles » sont parmi les plus prisées : menu-vair et martre. Les archives princières attestent d’ailleurs l’habitude de transformer et faire passer d’un vêtement à l’autre des fourrures de prix, même lorsqu’il s’agit de vêtir les plus hauts personnages. Il faut noter aussi que les pelleteries de valeur, gris, menu-vair, martre et castor, ne sont représentées dans nos inventaires que sous des formes relativement modestes : fourrures usagées, mais aussi petits morceaux, tels les « chipiéz » de gris et de menu-vair (H) et les « pieces » de castor (H) ou de martre (G). Quant aux « pourfil » d’hermine (H) et « manches de letisse » (B), il s’agit à coup sûr de bandes relativement étroites et non d’amples doublures comparables à celles des vêtements princiers. En tout cas, aucune des fourrures vraiment précieuses et à la mode au XVe siècle : martre zibeline, genette ou agneau de Calabre, n’est représentée dans nos inventaires.
10L’assemblage de certaines peaux laisse déjà deviner l’emploi auquel elles étaient destinées. Le caractère ornemental s’exprime dans le « pourfil d’hermine » (H) ; cette fourrure de luxe prend la forme de bande mince utilisée pour border les vêtements de dessus. Les « paires de manches de laitisse » (B), blanches également, appartiennent aussi au vestiaire féminin de luxe. Tout comme certains vêtements d’étoffe d’usage courant – pourpoints, chausses ou chaperons – des doublures ou des pelissons prêts à porter figurent dans les « ouvreurs » dijonnais. L’« habit » de gorges de renards (H) n’est sans doute pas destiné à un vêtement clérical ; l’une des rares occurrences de ce vocable dans les inventaires dijonnais désigne un déguisement. Les pelissons tout prêts se rencontrent dans plusieurs stocks, toujours en petit nombre, et confectionnés dans des matériaux modestes : mouton, chat domestique, lièvre et, pour les très jeunes enfants, agneau. Il s’agit en effet d’un vêtement invisible, porté entre la chemise et le vêtement de dessus12, seul emploi de pelleteries accessible à toutes les catégories sociales.
Valeur du stock et de l’équipement professionnel
11Les seuls chiffres significatifs à cet égard sont ceux qui peuvent être calculés à partir des inventaires complets d’Henry Troignard (A), Amiot Huot (G) et Rolin Malfert (H). Si la valeur totale des biens meubles est comparable chez les deux premiers, de l’ordre de 35 et 37 F13, le stock et l’outillage du premier atteignent à peine la somme de 7 F, celle du second monte à 12 F. Beaucoup plus aisé, Rolin Malfert possède pour 87 F de biens meubles. Avec un stock de fourrures s’élevant à 33 F et son outillage prisé 2 F, son investissement professionnel dépasse nettement le tiers de sa fortune mobilière, alors que cette part équivalait au cinquième des biens d’Henry Troignart et à peine au quart dans le cas d’Amiot Huot. Quant aux négociants, les peaux représentent très peu de chose parmi les biens du mercier Jean Huot. En revanche, le stock du notaire Guiot Girardot, montant à 55 F environ, dépasse largement ceux des pelletiers et « peleceniers ». Le document qui le concerne étant dépourvu de formule de clôture, il est impossible d’affirmer que la totalité de ses biens meubles y figure. Telle quelle, la liste et prisée de ses biens, dressée après partage et comportant donc théoriquement la moitié de ses biens, atteint un montant de 70 F, ce qui situe ce personnage dans une tout autre sphère que les artisans. A Dijon, comme à Paris et à Londres, les pelletiers et « peleceniers » sont bien, comparés aux marchands, des « artisans très modestes… sans la moindre envergure financière »14.
12L’emplacement où nos personnages exercent leur métier ne semble pas en relation directe avec la valeur du stock ou les types de fourrures mis en vente. Henry Troignart, qui tient boutique dans le quartier des vignerons, Grande Rue Saint-Nicolas, et Jean Huot, dont l’atelier de « pelecenier » fait face à la chapelle ducale, en plein centre ville, gèrent des affaires de volume comparable et leurs fortunes mobilières sont d’un montant analogue. Toutefois le stock de ce dernier est un peu plus fourni et les peaux de variétés plus recherchées. Par comparaison avec les affaires de Rolin Malfert, on constate que son aisance permet à ce dernier d’investir dans des fourrures plus coûteuses, plus diverses et plus appréciées.
13Les mentions, toujours trop succinctes mais précieuses, de ces inventaires replacent aussi nos pelletiers dans un environnement professionnel où les solidarités semblent fortes. Pelletiers et « peleceniers » interviennent dans les affaires familiales de leurs confrères, l’un comme curateur d’un orphelin mineur (A), les autres comme témoins ou experts-priseurs lors de l’inventaire. Un nom revient sans cesse, celui de Colin de Marliens15, priseur en 1423 (B) et 1428 (D) ; il est nommé curateur du fils d’Amiot Huot (G) en 1439, puis de la fille de Malfert en 1442. Cet homme faisait sans nul doute partie des notables du métier et, probablement aussi, de la confrérie des pelletiers.
Inventaires de pelletiers ou de stocks de pelleteries conservés aux Archives départementales de la Côte-d’Or (Fonds de la justice de la mairie de Dijon)
A- Henry Troignart (1420 ?)
14Inventaire fait le jeudi XIIIe jour de novembre…des biens demeurés […]16 de feu Henry Troignart, jadis peletier de peaul […] en la Grant Rue Saint Nicolas, a la requeste de […] peleçonnier17, demorant a Dijon, curateur d’Estevene[…] frere, enfens moindre d’ans enffens de Ysabel vesve […] a elle demeuréz du corps dudit feu Henry G[…] elle se dit estre grosse et ensinte ; desquels […] aucun partaige maiz ont esté tauxés et […] desdits vesve et enffens par gens ayant […] par serment en la maniere cy apres declairee. Pr[esents…]Orgeret, Guillemote sa femme, Henry Billey […]Guroy et autres.
15Fol. Lv
16[U]ne establoye, ung chevallot de bois, une table a […] piéz.
17[…] une triballe18 tauxee deux gros dont la moitié compete [comjme dessus.
Item une bousse a tenoier peaulx( ?), ung tenot19 a conffir20…
fol. 2
18Item vint peaulx tant de moutons que de ta[içons21(?)…] peaulx d’agneaulx dix huit gros, dont […] comme dessus.
Item quatre petis peliçons22 d’aigneaulx blans a en[fant] huit gros, dont la moitié compete comme dessus.
Item deux peaulx de megis, deux aigneaulx, quatre […] savaiges, tout tauxé ensemble huit gros, dont la moit[…] compete comme dessus.
Item ung manteault et demi d’aigneaulx noirs taux[…] trois frans, dont la moitié compete comme dessus.
Item pour ung cartier de testes de gris23, cinq gros et […] la moitié compete comme dessus.
19Tous lesquels biens cy devant inventoriés ont esté laissés en garde a ladite vesve parmi ce qu’elle a pr[…] d’en rendre bon compte et reliqua toutefois que requise en sera par iceulx moindres ses enffants ou a ceulx q[…] d’eulx auront cause. Et de ce a obligié tous s[…]biens a la court de ladite maerie et a toute autres pour plus grans surté de ce ledit Jehan Orgeret s’est […] et establit plaige et en a semblablement obligié ses biens a la court de ladite maerie et a tout […] Presens ledit curateur, Guillaume Grandete et autres.
20(ADCO, B II/356, cote 10, pièce X, a. 1420 ?)
B – Étienne de Paris (1423)
21Inventaire fait… le XVe jour de septembre l’an mil IIIIc vint et trois, des biens demorés du decéz de feu Estienne de Paris, trouvéz en l’ostel ou demorait a Dijon a son vivant ledit feu Estienne, assis a Dijon devant l’ostel de feu maistre Nycolas Lejolietet, a la requeste de Humbert Thierry # [en marge : # procuteur de ladite ville, au proffit de ceulx des hoirs dudit feu Estienne ou de ceulx a qui ilz devront appartenir ailleurz, en partaige avec Agneau jadis femme dudit feu Estienne, lesquelx ont esté prisiés et tauxés par Jehan Demoingeot et Guillemin Griadet cy dessus. Presens a ce ladite Augnés, Jehan Lepicotet, Odot Racine, Jehan de Marrigney et messire Eudes Ventret prestre], Cy aprés s’ensuiguent les tauxacions des biens demeurés de la succession de feu Estienne de Paris, a cui Dieu pardoint, fetes par les personnes ci aprés escriptes par Jehan Demoingot, [rayé : Guillemin] Greadet, [rayé : Jehan Maraingney, Colin de Marlien, Jehan Laillot et Jehan de Varennes, pelletiers] demourans a Dijon, fete le quatriesme jour du mois de septemble mil IIIIcXXIII.
22En l’ouvreur24 dudit hostel
Et premierement deux cens trois quarterons d’aigneaulx blans confiz, tauxéx par les dessusdits a la somme de cinq frans et demi pour ce | V F et demi. |
Item soixante et une peaul tant de cuirons comme de tonduz, tauxéx par les dessus nomméz | III F demi. |
Item deux cens et douze peaulx d’aigneaulx palletreez25, tauxéz par les dessusdits [rayé : nomméz a la somme de sept frans, pour ce] | VII F. |
Item ung pelleçon de lievre et demie panne de vantres de connis26 tauxéz par les dessus nommees [rayé : a la somme de deux florins pour ce] | ung F et VIII g. |
Item plusieurs cuissotes d’aigneaulx abatues, tauxees par lesdiz dessus nommés [rayé : dix gros, pour ce] | X gros. |
Item II paires de mainches de laitisses viéz tauxees par les dessusdiz II F dont la moitié compete a ladite vesve | I F. |
23Item a l’on trouvé oudit hostel XVI F de gros, floible monnoye, en ung petit saichot de toille, que la femme dit estre es confreres de la confraierie es peletiers et iceulx avoir esté baillés en garde audit feu Estienne par Mermet le pelecenier27.
24Lesquelx biens cy dessus inventoriés ont aujourd’ui XVIe jour dudit mois de sep tembre l’an que dessus, esté baillés en garde par Monseigneur le maire a Jehan de Marrigny et a Odot Racine de Chenoves, demorant a Dijon, lesqelx et chacun d’eulx les ont promis rendre et remectre es mains dudit Monseigneur le maire ou la ou il appartendra toutes foiz que requis en seront et ont obligié chacun pour le tout leurs biens de rendre lesdits biens en la valeur et tauxation d’iceulx.
25(ADCO, B 11/356, cote 11, pièce XXXVII, a. 1423)
C – Jean Huot (1428)
26Inventoire fait le XXme jour de novembre mil IIIIc vint et huit…des biens demorés du decéz de feu Jehan Huot jadis mercier, trouvéz en l’ostel ou demorait ledit feu Huot, assis a Dijon devant l’eglise de Notre-Dame joingnant a la maison de feu Jehan de Bar sur Aube d’une part et le chemin commun d’autre part, au proffit Amiot Huot, frere dudit Jehan, et partiz par ledit procureur avec Alix vesve dudit feu Jehan, et on iceulx biens esté tauxés par les nomméz cy après, gens aians a ce congnoissance et par serment. Presens Thomassin Le Roy, Pierre Champeaulx, sergens de la maierie de Dijon. Commis a la garde desdits biens Guillaume Brulebeau.
27Fol. 2.
Item II peaulx de regnars, VIII peaulx d’aigneaulx tant noires que blainches et XVI autres viéz peaulx tant de conis, chas, que petis regnardeaulx, tauxé par les dessusdits [Guillaume Brulebeau et Andrieu Chevillars, mercier] | VI gros. |
28(ADCO, B II/356, cote 14, pièce XXXIII, a. 1428)
D – Guiot Girardot (1428)
29Inventoire fait le lundi XXIIe jour de novembre mil IIIIcXXVIII…des biens demeurés du decéz de feu Guiot Girardot, jaidiz notaire, trouvés en la maison ou il demeuroit en la rue darrieres Notre-Dame, qui fut a feu Jehanin Pillot, a la requeste de Jehan Bisot, clerc, notaire, curateur de Odote, Adeline et Guiot, moindre d’ans, enfans dudit feu Guiot, du corps de Hugote jaidis sa femme et partis par ledit curateur avec ladite vesve et tauxés par les nommés cy apres gens ayans en ce cognoissance et par serment. Presens Perrenote femme de Martinet Esperonnot, mere de ladite Hugote, Jehan Lehuvet dit de Bere et aultres.
30Premierement en une chambre haulte ferant28 sur la rue
Quatre cens LXIIII peaulx d’aigneaulx confites, le cent tauxé par Guilemin Grindel et Colin de Marliens | II F demi. |
Item deux cens d’aigneaulx de recepte, le cent tauxé III F demi, vaillent | VII F. |
Item deux cens d’aigneaulx de chavons29 ouvrés, le cent tauxé III F, vaillent | VI F. |
Item deux cens vint peaulx d’aigneaulx palletrees de recepte tout tauxé ensamble ainsi que gisent | VII F. |
31fol. 1v
Item ung cent et demi d’aigneaulx que palletré que non palletré bout pour bout, le cent tauxé III F, vaillent | III F demi. |
Item IIIIxx chanons de toutes peaulx, tauxés par les dessusdits | II florins. |
Item ung pelisson de mouton, tauxé par les dessusdits | X gros. |
Item ung pelisson de chas privés30 tauxé par les dessusdits | I F. |
Item quatre pannes de dos de conis tauxées par lesdits, la piece II F, vaillent | VIII F. |
Item une panne de ventree de conis tauxé par les dessusdits | I F. |
Item ung manteal de cuissetes d’aigneaulx blans tauxé par les dessusdits | II p demi. |
Item ung manteal d’aigneaulx blans tauxé par les dessusdits | II florins. |
Item ung manteaul de dos et vantre d’escureulx tauxé par les dessusdits III F demi, dont la moitié compete a ladite vesve et l’autre moitié ausdits moindres ainsi pour le droit desdits moindres | XXI gros. |
Item une panne de conis tauxée par les dessusdits | II F. |
Item Vc de cuissetes d’aigneaulx blans a ouvrer tauxés par les dessusdits | VI gros. |
32(ADCO, B II/356, cote 14, pièce XXXIV, a. 1428)
E – Fragment anonyme et non daté
Item une viéz faulx servant au mestier de pelletier31 tauxée par ledit Basement | II blans. |
33En la chambre de costé ledit ouvreur
34(ADCO, B 11/356, cote 15, piece XXVIII)
G – Amiot Huot (1439)
35Inventaire fait le samedi XXIIIe jour de may l’an mil IIIIcXXXIX … des biens demeuréz du decéz et succession de feu Amiot Huot, jadis peleçonnier, demourant a Dijon devant Saint Estienne dudit lieu, lequel inventaire a esté fait a la requeste de Colin de Marliens aussi peleçonnier, curateur de Anthoine, moindre d’ans, filz dudit feu Amiot par lui procréé ou corps de Jehannote sa femme #[en marge : desquelx biens n’a esté fait aucun partaige mais ont esté] tauxés au prouffit de ladite vesve et enffent par Jehan Basement, potier d’estain et Guillemin Rolant, gens aians a ce congnoissance et par serment, par la maniere cy apprés escripte. Presens Jehan Gosselin, sa femme mere dudit feu Amiot, Estienne Morelet et plusieurs autres.
Fol. 2v | En l’ouvreur dudit Amiot estant devant la chappelle de mondit seigneur le duc a Dijon ont esté trouvé les biens cy aprés inventoriés, tauxés par les devant nomméz au prouffit de ladite vesve et moindre |
36Premierement ung coffre de noiers garny de deux serrures tauxé par ledit Basement deux F dont ***
37Item pour tout le chipier34 dudit ouvreur, tauxé par Guillemin Rolant deux frans demi, dont
38Item une panne de conis, tauxee dix huit gros, dont ***
39Item trois pans d’escureulx, tant doz et ventres, tauxés deux F demi, dont ***
40Item trois petis manteaulx d’orillart35 noirs, tauxés deux F, dont ***
41Item ung manteau d’aigneaulx blans crespés, tauxé II F, dont ***
42Item ung quartier de ventre de conis, ung autre petit quartier de quay36 de martres, tauxé tout ensemble ung F, dont ***
43Item deux paires de forces, tauxees ensemble 4 escureulx cru deux gros, dont ***
44Aujourd’uy XXIIIe jour de may CCCCXXXIX, les biens contenuz en l’inventaire cy dessus declairé ont estéz baillés a ladite vesve, laquelle les a promis rendre audit moindre ou a ceulx qui de lui auront cause et obligation. Pleige Girart Lemoingne demorant a Dijon pour ladite vesve. Expedié par Pierre Baudot, presens Jehan Rinbustel et Jaques Baudot demorant audit Dijon.
45(ADCO, B II/356, cote 20, pièce XVII, 2e inventaire, a. 1439)
H – Rolin Malfert (1442)
46Rolin Malfert
47Inventoire fait le mercredi Ve jour de decembre l’an mil CCCCXLII… des biens meubles qui estoient communs entre Rolin Mafert peletier de peaulx et feu Phelippote jadis sa femme au jour du trespassement d’icelle, trouvéz en son [hostel, barré] domicilie, desquelx biens n’a esté fait aucun partaige maiz ont esté tauxés par gens ayans a ce cognoissance et par serment en la maniere cy aprés declairee au prouffit dudit Rolin et de Claude sa fille moindre d’ans, a lui demeuree du corps de ladite feue Phelippote. Presens et a la requeste de Colin de Mellien, peletier de peaulx, curateur de ladite moindre.
48Fol. 1.
Item XLVIII pieces de penne de bievres, tauxees | III F. | |
Item XVI doz de regnars, tauxés | I F. | |
Item quatre agneaulx blans, tauxés | III g. | |
Item ung porfy37 d’ermines, tauxé | IV F. | |
Item cinq doz de bievres, tauxés | VI g. | |
Item ung peu de chipiéz de pelleterie, tant de gris, menuz vers38 comme autres, tauxés | I F | |
Item ung pend de viéz menuz vers contenant environ cinq quarterons, tauxé | II F. | |
Item ung habit de gorges de regnars, tauxé | IIII F. | |
Item une panne d’escureux, ventres et doz, tauxé | ΙΙΙΙ F. | |
Item ung pend de pieces de viéz martres, tauxé | III g. | |
Item ung manteaul de ventres de regnars, tauxé | II F demi. | |
Item une panne d’escureux roiges, tauxée | III F. | |
Item quatre peaulx de taçons blans, tauxées | VI g. |
49fol. 2
Item deux peaulx de regnars, ung leurre39 et ung leurrot, une fouyne basse40, XX peaulx de conis, tauxé tout | I F. |
Item ung manteaul de doz de chaz saulvaiges, tauxé | I F. |
Item ung autre manteaul de chas saulvaiges, tauxé | IF. |
Item ung pend de cuissettes d’aigneaulx blans, tauxé ensemble une pieces de pitoul43 | II F. |
Item une pieces de piéz de regnars et de testes d’escureulx, tauxés | I F. |
50Tous lesquels biens cy devant inventoriés sont demeuréz en garde audit Rolin Mafeur, pere de ladite moindre, lequel en a pris en lui la […]et de la moitié d’iceulx a promis rendre bon compte […] touteffois que requis en sera a ladite moindre, elle estant en aige parfait, ou a ceulx qui d’elle auront cause. Et de ce a obligé tous ses biens a la court de ladite maerie [,..]a toutes autres. Et pour plus grant seurté de ce Hen[…]Villey peletier de peaulx demeurant audit Dijon, lequel en a semblablement obligé tous ses biens a la court de ladite maerie et a tous autres presens, et du conseil dudit Colin curateur ci devant nommé.
51(ADCO, B II/356, cote 22, pièce XXV, a. 1442)
Notes de bas de page
1 M. Closson, P. Mane, F. Piponnier, Le costume paysan au Moyen Age, sources et méthodes, L’ethnographie, 1984, p. 291-308.
2 F. Piponnier, Matières premières du costume et groupes sociaux, Bourgogne XIVe-XVe siècle, in Inventaires après décès et ventes de meubles, M. Baulant, A. J. Schuurman et P. Servais éd., Bruxelles, 1988, p. 272-290.
3 F. Piponnier, Inventaires bourguignons (XIVe-XVe siècle), in Probate Inventories, a new source for the historical study of wealth, material culture and agricultural development, A.A.G. Bijdragen 23, Wageningen, 1980, p. 127-139.
4 Fonds de la justice de la mairie de Dijon aux Archives départementales de la Côte-d’Or, B II/356 :
A1420 ( ?)Henry Troignart, pelletier de peauxcote 10, pièce XB1423Estienne de Pariscote 11, pièce XXXVIIC1428Jehan Huot, merciercote 14, pièce XXXIIID1428Guiot Girardot, notairecote 14, pièce XXXIVE?Fragment anonymecote 15, pièce XXVIIIF1432Jehannin Lepuilleux dit Cotedefer, pelletier (fragment)cote 16, pièce XIVG1439Amiot Huot, « pelecenier »cote 20, pièce VIIH1442Phelippote, femme de Rolin Malfert, pelletier de peauxcote 22, pièce XXV
5 R. Delort, Le commerce des fourrures en Occident à la fin du Moyen Âge, 2 vol., Rome, 1978, p. 713-722.
6 F. Piponnier, Les Dijonnais et l’eau, MEFRM, 104 (1992), p. 481-494.
7 Abbé Jaubert, Dictionnaire raisonné universel des arts et métiers, Paris, 1773, t. III, p. 426-427.
8 Selon l’abbé Jaubert ses dimensions étaient de 4 pouces de long et 1 et demi de large.
9 F. Piponnier, op. cit., 1988, p. 283.
10 Dans les inventaires paysans, la moitié des pelissons dont le matériau est précisé sont en chevreau.
11 Le Terrier l’Évêque de Cambrai (fin XIIIe siècle, illustré de dessins au trait) montre l’aspect bigarré que présentent les « plichons d’escureuil » ; la page relative aux fourrures est publiée dans R. Delort, op. cit., p. LXVI.
12 Pour cette raison les représentations iconographiques en sont exceptionnelles ; un bon exemple est procuré par le Terrier l’Évêque (cf. n. 11). Son mode d’utilisation ressort clairement du récit rapporté par O. Redon, Suffilello de Montalto, voleur, ou le strip-tease de la comtesse d’Artois,, Médiévales, 29 (1995), p. 83-86, p. 84.
13 Les chiffres ont été arrondis au franc supérieur.
14 R. Delort, op. cit., p. 790. À Dijon aussi, le métier ne reçut que tardivement ses statuts, en 1579, cf. A. V. Chapuis, Les anciennes corporations dijonnaises. Règlements, statuts, ordonnances. Mémoires de la société bourguignonne de géographie et d’histoire, XXII (1906), p. 279-284.
15 Marliens, actuellement commune du canton de Genlis à une vingtaine de kilomètres au sud-est de Dijon.
16 Les mots ou lettres manquants, parce que la partie droite des feuilles de papier est déchirée, sont remplacés par des points de suspension entre crochets. Les points de suspension sans crochets indiquent les coupures effectuées lors de la transcription.
17 Pelissonnier : fabricant de pelissons. Nos documents les distinguent des « pelletiers de peaux », mais suggèrent qu’ils appartenaient à la même confrérie (voir inventaire B).
18 Instrument utilisé pour assouplir les peaux ointes et foulées, analogue à la maque des teilleurs de chanvre.
19 Tenot : cuveau. C’est le terme employé habituellement pour les cuveaux à lessive.
20 Apprêter les peaux dans un « confit » composé de farines mêlées d’huile ou de graisse.
21 Taisson : blaireau.
22 Vêtement de fourrure porté sur la chemise, sous la cotte ou la robe.
23 Dos gris bleuté de l’écureuil changeant originaire d’Europe orientale, cf. R. Delort, op. cit., p. 42.
24 Ouvreur : atelier, mais aussi boutique.
25 Plâtrés : dégraissés au plâtre.
26 Connis : lapins.
27 Les « peleceniers » semblent bien appartenir à la confrérie des pelletiers.
28 Férant : donnant sur.
29 Ou « chanons » ( ?).
30 Chats privés : peaux de chats domestiques.
31 Il s’agit sans doute du fer de pelletier.
32 Poinceon : tonneau.
33 Craie : employée, comme le plâtre ou le sable pour dégraisser les pelleteries.
34 Petits morceaux.
35 Il paraît peu vraisemblable que ce terme désigne le lièvre (oreillard) dont le pelage n’est ni noir, ni même sombre. Une autre piste est suggérée par la mention d’« orillons de martres », donc de petits morceaux prélevés sans doute sur les oreilles de l’animal, cf. M. Mollat, Les affaires de Jacques Cœur, 2 vol., Paris, 1952, p. 30.
36 Queue ?
37 Pour-fil : bande de fourrure destinée à être disposée en bordure des vêtements.
38 Ventre blanc, bordé de gris bleuté de l’écureuil changeant, cf. n. 22.
39 En Bourgogne, ce terme désigne la loutre, cf. R. Delort, op. cit., p. 29.
40 L’adjectif « basse » correspond-il à une caractéristique morphologique de l’animal, ou d’un animal de la même famille comme la belette, ou encore à une peau de qualité inférieure ?
41 Instrument composé d’un tonneau pivotant horizontalement sur un axe dans lequel les pelleteries sont brassées avec de la poudre de plâtre, de craie ou du sable pour être dégraissées.
42 Ainsi décrit dans le Dictionnaire de l’abbé Jaubert, au XVIIIe siècle : « lame longue de 25 pouces, large de 5, qui a le taillant en dos d’âne », utilisée pour « tirer » les peaux et les rendre plus souples après dégraissage.
43 Il s’agit sans doute d’une peau de putois, « pitois » en patois bourguignon, cf. G. Taverdet, Les patois du canton de Saint-Seine-l’Abbaye, Dijon, 1983, p. 66.
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