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Laurent Feller
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Troisième partie. Pillages, razzias, vols et recels : formes de l’échange non commercial

Pillage et pouvoirs aux marges orientales de la Germanie ottonienne (919-1024)

Rodolphe Keller

Texte intégral

  • 1 Widukind, Res gestae Saxonicae, III, 44 et 46, édité par P. Hirsch, Monumenta Germaniae Historica (...)
  • 2 Ibid., III, 44, p. 125 : Rex autem cum intellexisset bellum ex adverso esse et post tergum novissi (...)
  • 3 Ibid., III, 42, p. 122 : Eo anno Sclavi, qui dicuntur Uchri a Gerone cum magna gloria devicti, cum (...)

1Le 10 août 955, à la limite de la Bavière et de l’Alémanie, au cœur du royaume de Germanie, eut lieu la célèbre bataille du Lechfeld, au cours de laquelle le roi Otton Ier écrasa les Hongrois, mettant ainsi un terme à des invasions qui duraient depuis un demi-siècle. Widukind de Corvey, l’un des principaux témoins du monde germanique au xe siècle, nous en livre le récit, dans son histoire des Saxons, les Res gestae Saxonicae, œuvre rédigée autour de 9701. D’après son récit, après plusieurs attaques hongroises, l’armée royale se trouvait en difficulté. Le roi Otton envoya alors le duc Conrad le Roux avec ses troupes, qui « s’empara des captifs, arracha le butin, et repoussa l’armée pillarde des ennemis2 ». Les Hongrois étaient ainsi perçus – et présentés – par les chroniqueurs du xe siècle comme des barbares pilleurs, à l’instar des Sarrasins ou des Normands, ce qui a contribué à former l’image, encore vivante aujourd’hui, d’un Occident chrétien postcarolingien assailli et dévasté par des hordes barbares. Cependant, ces populations n’avaient pas l’exclusivité de ces pratiques. Le duc Conrad lui-même avait, l’année précédente, participé à une expédition contre un groupe slave appelé les Uchri. D’après Widukind, on en ramena « un grand butin » et « une grande joie frappa la Saxe3 ».

  • 4 G. Duby, Guerriers et paysans, Paris, 1973, p. 60-69. Auparavant, P. Grierson avait déjà souligné (...)
  • 5 Parmi une abondante bibliographie, il importe de signaler l’important article de J. Hannig, « Ars (...)
  • 6 T. Reuter, « Plunder and tribute in the Carolingian Empire », Transactions of the Royal Historical (...)

2G. Duby, dans un essai sur l’économie médiévale, insistait déjà sur l’importance de ces pratiques. Il évoque, pour le haut Moyen Âge, un « monde sauvage […] tout entier dominé par l’habitude du pillage et par les nécessités de l’oblation ». Le don et le pillage « gouvernent pour une très large part les échanges de biens4 ». Il est vrai que dans la vision de G. Duby, cette « économie du pillage, du don et de la largesse » s’opposait dans une certaine mesure à la renaissance de l’économie de marché aux xie et xiie siècles et s’inscrivait dans un paradigme mutationniste qu’il importe de nuancer. Cependant, les remarques sur le pillage gardent d’autant plus leur intérêt que, si la thématique du don est désormais bien prise en compte dans les recherches sur les sociétés du haut Moyen Âge5, ce n’est en revanche pas le cas du pillage en tant que tel. On doit à T. Reuter la première réflexion d’ensemble sur l’importance du pillage et plus généralement sur les pratiques assimilées à la notion de prédation (pillage de biens, capture d’êtres humains, prélèvement tributaire)6. Pour ce dernier, l’essentiel des guerres carolingiennes avait davantage pour finalité l’obtention de richesses que la conquête du territoire ennemi. La guerre comportait une dimension économique essentielle, dans la mesure où elle était la source d’importants transferts de richesses, qui contribuaient à l’organisation des pouvoirs et à l’entretien de groupes armés par les élites. De ce point de vue, les pratiques prédatrices avaient un caractère fonctionnel dans les sociétés du haut Moyen Âge. T. Reuter allait jusqu’à proposer une intéressante hypothèse, selon laquelle la relative stabilité du pouvoir franc oriental, au ixe siècle, comparé à celui de Francie occidentale, s’expliquait par la situation frontalière qui permettait un enrichissement déterminant pour le fonctionnement du pouvoir royal.

  • 7 La domination ottonienne s’établit essentiellement sur des populations généralement qualifiées de (...)
  • 8 Sur l’ensemble germanique au xe siècle et sur la politique orientale des Ottoniens, voir T. Reuter (...)
  • 9 G. Althoff, « Saxony and the Elbe Slavs in the tenth century », dans T. Reuter (éd.), The New Camb (...)

3La problématique de la dimension économique des pratiques prédatrices, de leur importance dans la structuration des rapports sociaux, de la manière dont elles s’inscrivent dans le fonctionnement des pouvoirs, trouve tout son intérêt dans l’analyse des relations germano-slaves au xe siècle. Le royaume de Germanie connaît alors une situation politique relativement stable, sous l’impulsion des souverains ottoniens (919-1024). Avec l’accession au pouvoir royal du duc de Saxe Henri l’Oiseleur en 919, l’ensemble politique issu de l’héritage de Louis le Germanique entre en effet dans une dynamique de puissance qui en fait l’un des acteurs majeurs dans l’Occident chrétien du xe siècle, particulièrement face à la royauté de Francie occidentale, de plus en plus affaiblie. Cela se reflète dans une politique très active au niveau des marges orientales du royaume, qui se traduit par un effort de contrôle des groupes slaves situés dans la région délimitée par l’Elbe et la Saale à l’ouest, et l’Oder à l’est7. Cette frontière orientale est marquée par des conflits très fréquents, dans lesquels intervient un facteur ethnico-culturel, ainsi qu’un facteur religieux. Les populations slaves demeurent en grande partie païennes au xe siècle, ce qui contribue à expliquer la dynamique particulière qui anime cette région. Dans le cadre de leur politique orientale, les Ottoniens mènent un effort de christianisation, par un important soutien aux activités missionnaires ainsi qu’à l’implantation de structures ecclésiastiques locales, avec notamment la fondation de l’archevêché de Magdeburg en 9688. Cependant, le domaine slave, bien que nominalement encadré par le système des marches, est en fait très mal contrôlé. G. Althoff remarque ainsi que, contrairement à la vision en vigueur dans l’historiographie germanique jusqu’aux années 1970, le domaine slave ne fait pas réellement l’objet d’une politique d’intégration administrative approfondie9. On assiste plutôt à une situation troublée et à la présence d’acteurs très différents, parfois opposés. Dans ce contexte, les pillages sont fréquents et leur analyse permet de mieux comprendre l’équilibre des pouvoirs dans la région.

Groupes armés, partage et distribution du butin

  • 10 Annales Mettenses priores, a. 796, édité par B. von Simson, MGH, SS rer. Germ. in us. schol., 10, (...)

4Malgré la fréquence des attestations de pillages et d’autres pratiques de prédation, il est relativement rare de disposer d’informations précises concernant les acteurs qui en bénéficient ainsi que les réseaux d’échanges qui se constituent autour de la distribution du butin. On ne peut donc avancer que peu de choses à propos des modalités de sa circulation. Les sources ne livrent par exemple aucune information concrète sur sa thésaurisation par le pouvoir royal ou les pouvoirs princiers. Cependant, les informations dont on dispose dans le cas d’autres contextes géographiques ou chronologiques donnent à penser qu’une part importante du butin slave contribue aux rentrées des trésors royaux. De même, plusieurs éléments concernant le pouvoir carolingien ou les principautés slaves montrent que l’Église bénéficie de largesses qui trouvent leur origine dans les pillages. En 796, par exemple, après la conquête du hring avar, une partie du butin fut distribuée par Charlemagne non seulement aux fidèles laïcs, mais également au clergé, d’après les Annales de Metz10.

  • 11 Widukind, Res gestae Saxonicae, op. cit., I, 35, p. 50 : obsidens urbem quae dicitur Gana, vicesim (...)
  • 12 Ibid., III, 68, p. 143 : urbis predam suis militibus donavit… Hermann Billung est en charge de la (...)
  • 13 Thietmar, Chronicon, V, 34, édité par R. Holtzmann, MGH, SRG NS, 9, Berlin, 1935, p. 258 : Tunc de (...)

5Les informations dont nous disposons montrent surtout que les guerriers des armées impliquées dans les conflits orientaux figurent parmi les principaux bénéficiaires. Widukind de Corvey, dans ses Res gestae Saxonicae, ou Thietmar de Merseburg, auteur d’une chronique rédigée dans les années 1010, évoquent à plusieurs reprises le partage ou la distribution du butin au sein de l’armée, après une expédition victorieuse. En 929, la prise de la ville slave de Jahna aboutit à la distribution du butin aux guerriers par le roi Henri Ier11. La même pratique est attestée à d’autres reprises, par exemple en 967, lors de la conquête de la ville abodrite d’Oldenbourg par Hermann Billung12. En 1003, après la destruction de la ville d’Ammerthal, au nord de Regensburg, par le roi Henri II, ce sont des captifs polonais qui font l’objet d’un partage13. La participation des guerriers aux bénéfices de la prédation apparaît ainsi comme un élément important dans le fonctionnement des armées germaniques confrontées au domaine slave. Il est possible d’en comprendre certains mécanismes, à condition de tenir compte de l’ensemble des cas connus pour la Germanie ottonienne.

  • 14 Grégoire de Tours, Historiarum decem libri, II, 27, édité par B. Krusch, MGH, SS rer. Merov. I, vo (...)
  • 15 Widukind, Res gestae Saxonicae, op. cit., III, 36, p. 121 : Pecus omne urbis loco herboso delatum, (...)
  • 16 Voir la note 11.
  • 17 Widukind, Res gestae Saxonicae, op. cit., III, 20, p. 115 : omnemque pecuniam ducis suis militibus (...)

6Le partage du butin s’inscrit dans une tradition ancienne, attestée dans de nombreuses sociétés du haut Moyen Âge, le récit le plus connu étant sans doute celui de Grégoire de Tours sur le vase de Soissons. Contrairement à ce que le récit de Grégoire suggère pour les armées franques de la fin du ve siècle14, l’on ne trouve pas ici de règles fixes concernant les modalités du partage. Le vocabulaire employé par Widukind et Thietmar semble renvoyer à deux types de pratiques. Dans certains cas, le récit évoque une réelle logique de partage, au sens d’une division sur une base égalitaire. C’est ce que l’on observe lors d’un conflit interne au monde germanique, dans les années 950, lors de la révolte de Liudolf de Souabe contre le roi Otton et son frère Henri, duc de Bavière. En 953, Liudolf s’empare de la ville de Regensburg, capitale ducale. En 954, le duc Henri de Bavière pose le siège devant la ville. Le bétail entourant la ville est alors capturé et partagé (divisum est) entre les alliés – ou compagnons (socii)15. Cependant, le vocabulaire suggère le plus souvent une logique de distribution opérée par le chef. Ainsi, lors de la prise de Jahna par Henri Ier en 929, le butin est donné par le roi aux guerriers (preda […] militibus tradita)16. En 953, lorsque Liudolf de Souabe s’empare de la ville de Regensburg, il distribue le trésor ducal à ses soldats17. À nouveau, l’initiative de la distribution revient au chef. Ces variations de vocabulaire suggèrent l’existence de pratiques différenciées concernant le butin, une logique de partage coexistant avec une logique de distribution, mais il n’est pas possible de tirer des conclusions générales sur leur importance respective ou sur le contexte sociologique dans lequel les différentes pratiques sont susceptibles d’avoir lieu.

  • 18 Widukind, Res gestae Saxonicae, op. cit., II, 11, p. 75.
  • 19 Voir la note 12.

7En revanche, il faut relever que les récits ont en commun d’associer les pratiques relatives au traitement du butin avec les différentes formes de rapports sociaux qui structurent les groupements militaires, ce qui tend à souligner l’importance de l’aspect économique dans la nature de ces groupes. Les récits de partage du butin évoquent souvent les liens horizontaux existant entre membres d’une suite militaire ou d’une armée. En 938, lorsque Thankmar se révolte contre son frère Otton Ier, il s’empare d’une forteresse, et donne ensuite le butin aux commilitonibus18. Le fonctionnement interne des groupes armés est encore plus fréquemment explicité par un vocabulaire évoquant le rapport entre le chef et ses guerriers, qui se manifeste à l’occasion du partage du butin, comme le montre bien le récit de Widukind à propos de la prise de la ville abodrite d’Oldenbourg par Hermann Billung en 967. Celui-ci fit alors don du butin de la ville à ses guerriers (suis militibus donavit)19. La distribution du butin par un chef militaire à ses hommes prend donc – du moins, dans certains cas – la forme du don, par lequel se manifeste sa fonction redistributive. Ces éléments suggèrent que les pratiques de partage et de distribution du butin contribuent à l’affirmation, voire au renforcement des liens internes au groupe et constituent ainsi un facteur de cohésion et de hiérarchisation des suites militaires.

  • 20 Annales Quedlinburgenses, a. 995, édité par M. Giese, MGH, SS rer. Germ. in us. schol. 72, Hanovre (...)
  • 21 Ibid., a. 997, p. 492-493 : Quos contra commotus imperator Ztodoraniam, quam vulgo Heneldum vocant (...)

8L’importance de ces échanges dans le fonctionnement des groupes militaires se manifeste par une représentation du pouvoir qui valorise grandement le butin et sa distribution. Les pillages sont souvent mis en avant dans les sources, par des formules stéréotypées, qui expriment une conception du pouvoir dans laquelle la valeur d’un chef militaire se mesure au butin rapporté. Les Annales de Quedlinbourg relatent une expédition d’Otton III en 995 contre les Abodrites et les Lutices en ces termes : « le roi Otton III envahit avec une grande armée les Abodrites et certaines terres des Wilzes, et les dévasta par des incendies et des pillages20. » Les mêmes annales signalent, deux ans plus tard, qu’il a mené une expédition dans le territoire des Slaves Hevelli : « Il pilla [le territoire des Slaves] et rentra victorieux à Magdeburg21. »

  • 22 Par exemple, Annales regni Francorum, a. 796, édité par F. Kurze, MGH, SS rer. Germ. in us. schol.(...)
  • 23 Éginhard, Vita Karoli, 13, édité par R. Rau, Quellen zur Karolingischen Reichsgeschichte, vol. 1, (...)
  • 24 Notker le Bègue, Gesta Karoli magni imperatoris, II, 1, édité par R. Rau, Quellen zur karolingisch (...)

9La fréquence de ce type de récit suggère l’existence d’un effort de communication organisée par les pouvoirs autour de leur activité guerrière, avec une insistance particulière sur la richesse des butins, qui témoignent de leur succès et légitiment leur action. Le pillage du trésor avar par Charlemagne représente le modèle par excellence de ce type de mise en scène. Lors de la conquête du hring avar par Charlemagne en 796, un important butin est ramené à Aix-la-Chapelle. Le grand nombre de sources qui l’évoquent montre la forte résonance de cet événement et s’explique sans doute par une volonté déterminée du pouvoir carolingien de faire connaître l’immensité du trésor pris dans les plaines pannoniennes22. L’historiographie carolingienne, comme par exemple la biographie de Charlemagne par Éginhard, se fait l’écho de cet effort23. Quatre-vingts ans plus tard encore, une anecdote de Notker le Bègue témoigne de l’importance donnée à l’événement24.

  • 25 Widukind, Res gestae Saxonicae, op. cit., III, 68, p. 143 : Milites Wichmanni variis poenis afflix (...)

10Cette nécessité de mise en scène de la victoire se traduit par des pratiques cérémonielles publiques qui impliquent l’exposition du butin, comme on peut l’observer lors de la conquête d’Oldenbourg par Hermann Billung. Après sa victoire, il donne une part du butin à ses hommes, fait fondre publiquement une statue cultuelle païenne et offre au peuple un grand spectacle avant de revenir « victorieux » dans sa patrie25. Cet épisode montre que la distribution du butin elle-même s’inscrit dans la mise en scène du pouvoir et contribue donc à sa légitimation. Les bénéfices du pillage ne sont donc pas exclusivement matériels, mais comportent une large dimension symbolique, particulièrement affirmée dans le contexte particulier des confrontations germano-slaves. En effet, la destruction d’une statue cultuelle païenne témoigne de l’importance, dans ces conflits, du facteur religieux, qui contribue sans doute à la fréquence des pratiques prédatrices, dans la mesure où elles sont alors pleinement légitimes, ce qui semble plus ambigu dans les conflits entre chrétiens.

Les pouvoirs ottoniens face au pillage

  • 26 Widukind, Res gestae Saxonicae, op. cit., III, 8, p. 108-109.

11Si un grand nombre d’acteurs présents dans le domaine germano-slave tire un profit matériel et symbolique du pillage, certains éléments tendent à montrer que celui-ci n’a pas la même importance pour tous les pouvoirs agissant dans ce cadre. La royauté ottonienne semble ainsi peu impliquée dans des expéditions visant exclusivement l’acquisition d’un riche butin. Bien sûr, lors des mouvements des troupes royales en territoire slave, des pillages se produisent, mais ils ne semblent pas représenter la motivation première de ces expéditions. Ils ont lieu souvent à l’initiative des troupes elles-mêmes, après les combats, lorsque celles-ci s’emparent des armes, chevaux et autres biens de l’ennemi, ce que le roi ne peut pas toujours contrôler. En 950, lors d’une expédition contre le dux Boleslav de Bohême, le roi Otton Ier, considérant la situation du moment, préfère retarder la bataille, par crainte que ses guerriers ne courent un danger excessif en spoliant l’armée adverse26. Tout semble ainsi indiquer que le pillage ne représente pas un facteur déterminant des expéditions royales.

  • 27 Ibid., I, 35, p. 48.
  • 28 Ibid., p. 49-50 : irruit super Sclavos qui dicuntur Hevelli, et multis eos preliis fatigans, demum (...)
  • 29 Ibid., p. 50 : signa vertit contra Dalamantiam, adversus quam iam olim reliquit ei pater militiam, (...)
  • 30 Ibid., p. 50-51 : Post haec Pragam adiit cum omni exercitu, Boemiorum urbem, regemque eius in dedi (...)
  • 31 Ibid., I, 17, p. 27-28 : Dalamanci vero inpetum illius ferre non valentes conduxerunt adversus eum (...)
  • 32 Ibid., I, 36, p. 54 : Postera autem luce movent signa urbi prefatae ; urbani vero arma deponunt, s (...)
  • 33 Widukind, Res gestae Saxonicae, op. cit., III, 53, p. 132 : Aderat et legatio barbarorum tributa s (...)

12Cependant, dans un certain nombre de cas, ces expéditions donnent lieu à des pratiques prédatrices que l’on ne peut expliquer uniquement par la contingence de la situation. À cet égard, il est intéressant d’analyser l’expédition d’Henri Ier en 929. Celle-ci s’inscrit dans un contexte de renforcement du pouvoir royal. Les incursions hongroises, qui ont durement touché le royaume germanique pendant le premier quart du xe siècle, sont moins nombreuses depuis la conclusion d’une paix en 92327. Henri mène plusieurs réformes de l’appareil militaire qui lui permettent de lancer une importante expédition dans les territoires slaves en 929. Pour commencer, il s’empare de la place forte de Brennaburg (actuelle Brandebourg), située sur le territoire des Slaves Hevelli28. Il attaque ensuite la ville de Gana, située, d’après Widukind, sur le territoire des Slaves Dalaminzi, ce qui donne lieu à un pillage : non seulement l’armée d’Henri s’empare des biens, mais elle massacre et capture également une partie importante des habitants. D’après Widukind, le roi fait exterminer les puberes et il s’empare des pueres et puellae29. Après la capture de cette ville, il poursuit l’expédition vers la Bohême. Il se saisit de la ville de Prague, avant de recevoir la soumission du duc Venceslas et d’imposer un tribut sur la Bohême30. Sur les trois opérations militaires, il est étonnant de constater qu’une seule donne lieu à un pillage de civils, ainsi qu’au massacre (non justifié militairement) d’une partie des habitants : c’est la prise de Gana, dans le territoire des Dalaminzi. Il est possible que, dans ce cas précis, Widukind donne des détails qu’il omet sciemment ou ignore dans les autres situations. Cependant, il est possible de proposer une autre interprétation. Les Dalaminzi se distinguaient en effet des autres groupes slaves, dans la mesure où, lors des invasions hongroises de 906, ils avaient participé aux expéditions de pillage, en tant qu’alliés (ou tributaires ?) des Hongrois31. La Saxe avait alors dû souffrir d’importantes destructions. Le pillage de Gana de 929 peut alors être interprété comme une forme de vengeance, ce qui expliquerait le massacre d’une partie des habitants. Un mécanisme similaire se reproduit quelques mois plus tard, lorsque plusieurs groupes slaves, menés par les Redarii, se révoltent contre le tribut qui leur a été imposé et attaquent la ville saxonne de Walsleben. Un certain Bernard, en charge de ces régions, est alors envoyé par le roi contre la ville de Lenzen sur l’Elbe, importante forteresse wilze. Il parvient à s’emparer de la ville sans combat, en négociant avec les habitants. En plus du butin de la ville, il fait de nombreux captifs, qu’il fait décapiter le jour suivant. Les Annales de Corvey précisent que les morts étaient au nombre de 80032. Le massacre d’un si grand nombre de captifs, qu’il eût été aisé de déporter ou d’asservir dans des domaines germaniques, exprime ici encore une logique de vengeance, que l’on voit à l’œuvre également lors d’un autre épisode, intervenu pendant le règne d’Otton Ier. En 955, après la victoire du Lechfeld, Otton conduit une expédition en territoire slave pour en reprendre le contrôle. Des légats slaves, venus à la rencontre d’Otton, proposent alors une paix, en se déclarant prêts à payer un tribut. Otton refuse, car les Slaves doivent d’abord payer l’« injure » (iniuriam) qui a été faite. Il fait alors dévaster les territoires slaves par son armée33.

  • 34 La question mérite naturellement une analyse plus approfondie. On peut déjà noter que la fréquence (...)
  • 35 Sur les prélèvements tributaires à l’est de l’Elbe et de la Saale, voir K. Leyser, « Ottonian Gove (...)

13On peut certes opposer à cette lecture des textes la possibilité d’une présentation orientée des événements par Widukind, qui tendrait à masquer la dimension purement économique des pillages en les inscrivant dans une logique de vengeance. Toutefois, cela reviendrait à porter un regard anachronique sur les auteurs germaniques du xe siècle. De nombreux éléments montrent que le pillage n’a aucun besoin d’être légitimé, en tout cas lorsqu’il se produit contre des populations slaves païennes34. La domination de la royauté ottonienne dans les territoires slaves comporte certes un important aspect économique, mais le pouvoir royal privilégie d’autres formes de prélèvements de richesses. Les expéditions d’Henri Ier et de ses successeurs ont essentiellement pour but l’imposition de tributs aux populations slaves installées entre l’Elbe et l’Oder. L’Église est également partie prenante du contrôle des territoires slaves, par l’imposition de la dîme, dans les régions les mieux contrôlées, particulièrement après la mise en place d’évêchés comme à Brandebourg et Havelberg en 94835.

  • 36 Voir les notes 20 et 21.
  • 37 Thietmar, Chronicon, op. cit., III, 17, p. 118.

14Il résulte de ces constatations que les épisodes de pillage dans le cadre d’expéditions royales tendent à se concentrer dans les périodes de crise de la domination germanique dans cette région. La soumission des populations slaves est assez bien assurée jusqu’aux années 980. En 983, l’importante révolte des Lutices change la donne et provoque une disparition durable de la présence ottonienne dans une grande partie du domaine slave. Cette révolte, motivée sans doute par les prélèvements tributaires, mais également par des relations globalement difficiles avec les pouvoirs locaux, ouvre un cycle de violences qui se caractérise par des pillages fréquents menés par l’armée royale en territoire slave, par exemple en 995 et 99736, tout autant que par les Lutices contre les églises slaves ou les forteresses frontalières37.

  • 38 Voir la note 3.
  • 39 À moins qu’il ne s’agisse des Vucrani évoqués par Adalbert, dans la Continuatio Réginonis, op. cit (...)

15La problématique se pose différemment pour les grands pouvoirs situés aux marges orientales du royaume. La dynastie des Billung, établie à la tête de la Saxe et titulaire d’une importante marche au nord-est du royaume, ou le margrave Gero, en charge de la grande marche orientale (Ostmark), qui s’étend de la Saale à l’Oder, se trouvent dans une position d’autonomie importante et mènent leur propre politique slave. Ils sont impliqués dans une conflictualité larvée et fréquente vis-à-vis des populations locales, qui tranche avec la rareté des expéditions royales. Dans ces conditions, ces pouvoirs frontaliers sont susceptibles de figurer parmi les principaux bénéficiaires des transferts de biens liés au pillage. En 954, par exemple, le margrave Gero mène une expédition contre les Slaves Uchri et rapporte un important butin38. Aucune raison particulière n’est donnée pour cette expédition et les sources ne mentionnent aucune rébellion slave, ce qu’elles ne manquent généralement pas de faire. Par ailleurs, ce groupe ne figure pas parmi les gentes slaves assujetties au tribut pendant le règne d’Henri Ier39.

  • 40 Thietmar, Chronicon, op. cit., VII, 19, p. 418.
  • 41 Ibid. : Dux vero Bernhardus cum suis imperatori ad auxilium, sicut ei prius iussum est, venire cum (...)
  • 42 Ibid. : Othelricus quoque, qui cum Bawariis ad cesarem venire debuit, ob multas causarum qualitate (...)
  • 43 Ibid. : Heinricus autem Orientalium marchio cum Bawariis comperiens Bolizlavi milites iuxta se pre (...)
  • 44 Ibid. : Et quamvis hii imperatorem non comitarentur, tamen fidele servitium sua vicinitate ostendu (...)
  • 45 Voir sur la question T. Lienhard, « Les chiens de Dieu ». La politique slave des Mérovingiens et d (...)

16Ces expéditions de pillage représentent probablement un facteur de tensions avec le pouvoir royal, comme le suggère un épisode intervenu dans le cadre du conflit entre l’empereur Henri II et le dux de Pologne, Boleslav le Vaillant40. Lors des opérations de 1015, plusieurs Grands doivent rallier l’empereur avec leurs forces et se mettent effectivement en marche, comme, par exemple, le duc de Saxe Bernard Billung. Or, celui-ci se retire, sans rejoindre l’empereur, après avoir « dévasté » les lieux41. Thietmar signale également la présence d’Ulrich, duc de Bohême, et d’Henri, marquis de la marche orientale bavaroise (Orientalium marchio). Le premier abandonne le théâtre des opérations pour des raisons non précisées, mais avant de repartir, il s’illustre dans le pillage de la ville de Biesnitz, sur l’Elbe, et capture un millier d’hommes42. Le second, apprenant que des troupes de Boleslav avaient réuni un important butin, les attaque et s’en empare à son tour, avant de repartir, sans rejoindre l’empereur43. Thietmar présente ces actes comme illustrant la fidélité des Grands, malgré leur désistement44. À moins qu’il ne s’agisse d’ironie ? Dans tous les cas, cet épisode reflète sans doute une approche différente des pouvoirs en présence face aux conflits orientaux. Cela s’inscrit dans la continuité de l’équilibre des pouvoirs que l’on peut constater déjà dans la Francie orientale du ixe siècle, lorsque les titulaires des grands commandements frontaliers mènent leur propre politique, souvent en contradiction avec celle de Louis le Germanique45.

17On retrouve des phénomènes similaires à un niveau inférieur de la hiérarchie des pouvoirs. Il faut tenir compte ici de la situation particulière des territoires slaves sous domination germanique. Celle-ci se matérialise certes localement par le système des marches et par la présence d’hommes au service du pouvoir ottonien installés dans les burgwarden – des forteresses en charge d’un territoire aux mains de représentants du pouvoir royal. Cependant, en dépit de l’idée – désormais remise en cause – d’une armature administrative stricte dans le domaine slave, il apparaît que le rôle exact de ces représentants locaux est mal connu. On constate surtout l’existence de personnages établis localement, mal contrôlés, au statut imprécis, qui représentent un facteur d’instabilité, du fait des conflits dans lesquels ils sont impliqués et des pillages incessants qui en résultent.

  • 46 Thietmar, Chronicon, op. cit., VI, 50, p. 336-338.
  • 47 Il est également neveu de Thietmar de Merseburg, ce qui doit évidemment inciter à la prudence. Cep (...)
  • 48 Thietmar, Chronicon, op. cit., VI, 49, p. 336 : Consilio enim eius et auxilio urbs patris eius et (...)
  • 49 Ibid., VI, 50, p. 336 : ut predixi, Boemios adversum nos insurgentes ad Citicensem perduxit aeccle (...)
  • 50 Cela ressort du croisement de plusieurs passages. Ibid., VIII, 21, p. 518 : Non longe post Ekkihar (...)
  • 51 Ibid., VI, 53, p. 340 : Herimannus et Ekkihardus confratres castellum quoddam iuxta Salam situm, q (...)

18C’est ce qu’illustre le cas du comte Dedi, un puissant de la région de Merseburg, dont l’identification est incertaine, mais qui est probablement apparenté aux comtes de Hassegau. À une date inconnue, entre 990 et 1004, Dedi obtient d’Otton III le comté de Merseburg et, dans la foulée, le burgward de Zörbig, dans la marche de Lusace, en plein territoire slave46. En 1009, un conflit éclate entre ce personnage et Werner, margrave du Nordmark47, au cours duquel Dedi attaque et pille une forteresse de Werner, avec un petit groupe d’hommes, avant d’être tué par ce dernier48. À l’occasion de ce récit, on apprend également que vers la fin des années 970, ce même personnage avait attaqué l’église de Zeitz avec un groupe de Bohémiens et pillé la région, dans des conditions obscures49. Thietmar lui-même doit faire face aux margraves de Meißen, Hermann et Ekkehard, et se plaint des pillages dont se rendent coupables leurs hommes depuis leurs burgwarden50. Dans un tout autre contexte, Thietmar nous apprend que, suite à un conflit avec Guncelinus, un autre puissant de la région, Hermann et Ekkehard s’emparent de la forteresse où ce dernier avait entreposé des richesses et se partagent le trésor51. L’instabilité permanente du domaine slave est ainsi nourrie par des acteurs qui, bien que nominalement intégrés dans le système des marches ottoniennes, agissent en fait de manière indépendante et pour lesquels les actes de pillage sont fréquents, même à l’encontre des autres acteurs ottoniens de la région.

  • 52 Voir la note 48.
  • 53 Voir la note 49.
  • 54 Thietmar, Chronicon, op. cit., V, 34, p. 258 : Venienti autem tunc regi ad locum, qui Hatheresburg (...)

19Il faut en effet également remarquer que les activités de ces acteurs locaux ne semblent pas orientées contre des groupes spécifiquement identifiés comme Slaves. Tout semble indiquer qu’à cette échelle, la dimension ethnique ou religieuse perd de l’importance comme facteur de conflit. Ces personnalités s’appuient sur des groupes armés locaux, organisés sur une base similaire à celle de la Gefolgschaft classique, peut-être sous la forme de son équivalent slave, la družina, au sein desquels on observe une certaine diversité ethnique. Il est possible que le groupe de Bohémiens, que le comte Dedi emmène piller l’église de Zeitz, corresponde à un groupe de ce type52. Les margraves Hermann et Ekkehard mènent leurs opérations avec des hommes que Thietmar qualifie de satellites, ou milites, parmi lesquels se trouvent probablement des Slaves recrutés localement, comme le suggère la présence du miles Budizlavus parmi leurs hommes53. De la même manière, on trouve des Slaves au service d’un certain Maganus. En 1003, ce vassal d’Henri de Schweinfurt participe à la révolte contre le nouveau roi, Henri II. Après avoir attaqué une colonne royale, il s’empare du trésor, qu’il partage immédiatement avec ses hommes, au sujet desquels la suite du récit semble indiquer qu’il s’agit de Polanes54.

  • 55 C. Lübke, « Fremde im frühmittelalterlichen Ost-und Mitteleuropa », dans A. Demandt (éd.), Mit Fre (...)

20Les éléments dont on dispose suggèrent ainsi que ces pouvoirs établis localement sont suffisamment intégrés pour former des groupes armés sur la base de structures sociales locales. La fidélité des membres de leurs suites armées repose sur des pratiques prédatrices qui contribuent à leur cohésion et permettent leur entretien, plutôt que sur des attributions de terre, comme c’est le cas dans l’Europe occidentale postcarolingienne, marquée par le développement des relations féodo-vassaliques. C. Lübke a constaté, en Europe orientale, la même relation entre activités prédatrices et formation de groupes armés fondés sur des liens de type gefolgschaftlich. Il note en effet l’apparition de suites armées, souvent constituées en partie d’étrangers venant du monde germanique, qui n’étaient pas rémunérés en terre, mais par la participation aux gains obtenus par l’activité guerrière, tributs et butins, ce qui tendait à renforcer le lien entre le chef militaire et les membres de sa suite. Ces groupes auraient également joué un rôle important dans le processus de formation des principautés slaves55.

Conclusion

21Il apparaît donc que les conflits qui marquent les marges orientales du monde germanique au xe siècle trouvent leur origine dans les caractéristiques des structures de pouvoir en place, plutôt que dans la dimension ethnique ou religieuse des confrontations. Les pratiques prédatrices, globalement très fréquentes, ont une importance qui varie selon les pouvoirs considérés : peu mises en œuvre par les armées royales, elles le sont plus activement par les armées princières et surtout par de petits groupes armés installés aux frontières. Le schéma proposé par T. Reuter pour l’ensemble du monde carolingien, celui d’une meilleure stabilité du monde germanique par rapport à la Francie occidentale s’expliquant par sa situation frontalière, semble ainsi se reproduire à une plus grande échelle, au sein même du monde germanique. Dans l’ensemble multipolaire qu’est le royaume ottonien, les grands ensembles orientaux représentent des pôles du pouvoir dont la puissance repose sur leur situation géographique, et se manifeste par une politique slave autonome, ainsi que par une fréquente contestation du pouvoir royal. Localement, on observe l’apparition de groupes armés, ethniquement diversifiés, qui semblent organisés essentiellement en vue de l’acquisition de richesses par le biais de pratiques prédatrices qui fournissent les moyens de leur reproduction. Mais le développement de ces groupes ne représente au fond qu’un aspect particulier des nombreuses caractéristiques de ces sociétés de la frontière, si marquées par leur situation de marginalité par rapport aux grands pôles du pouvoir.

Notes

1 Widukind, Res gestae Saxonicae, III, 44 et 46, édité par P. Hirsch, Monumenta Germaniae Historica (désormais MGH), SS rer. Germ. in us. schol., 60, Hanovre, 1935, p. 123-128.

2 Ibid., III, 44, p. 125 : Rex autem cum intellexisset bellum ex adverso esse et post tergum novissima agmina periclitari, misso duce cum quarta legione captivos eripuit, predam excussit latrocinantiaque hostium agmina proturbavit. Fusis latrocinantibus undique adversariorum agminibus, signis victricibus dux Cuonradus ad regem revertitur.

3 Ibid., III, 42, p. 122 : Eo anno Sclavi, qui dicuntur Uchri a Gerone cum magna gloria devicti, cum ei presidio esset dux Cuonradus a rege missus. Preda inde ingens ducta ; Saxoniae laetitia magna exorta.

4 G. Duby, Guerriers et paysans, Paris, 1973, p. 60-69. Auparavant, P. Grierson avait déjà souligné l’importance de formes de transferts autres que commerciaux, comme le don, le pillage ou le vol, dans la circulation des biens au haut Moyen Âge, voir P. Grierson, « Commerce in the Dark Ages : A critique of the evidence », Transactions of the Royal Historical Society, 5, 9, 1959, p. 123-140.

5 Parmi une abondante bibliographie, il importe de signaler l’important article de J. Hannig, « Ars donandi. Zur Ökonomie des Schenkens im frühen Mittelalter », dans R. Van Dülmen (éd.), Armut, Liebe, Ehre. Studien zur historischen Kulturforschung, Francfort-sur-le-Main, 1988, p. 11-37. Voir également l’apport important d’un récent colloque sur la question, organisé par le CEM d’Auxerre : E. Magnani (éd.), Don et sciences sociales. Théories et pratiques croisées, Dijon, 2007.

6 T. Reuter, « Plunder and tribute in the Carolingian Empire », Transactions of the Royal Historical Society, 5, 35, 1985, p. 75-94.

7 La domination ottonienne s’établit essentiellement sur des populations généralement qualifiées de segmentaires ou tribales, à l’exception de la Bohême, qui, comme la Pologne, connaît alors un processus de formation d’un pouvoir princier lié à l’ascension des Premyžlides. Voir P. Urbańczyk, « Early state formation in East Central Europe », dans F. Curta (éd.), East Central and Eastern Europe in the Early Middle Ages, Ann Arbor, 2005, p. 139-150.

8 Sur l’ensemble germanique au xe siècle et sur la politique orientale des Ottoniens, voir T. Reuter, Germany in the Middle Ages, 800-1056, Londres, 1991, p. 142-150, 160-166, 174-180, 253-264 ; J. Fried, Der Weg in die Geschichte. Die Ursprünge Deutschlands bis 1024, Francfort-sur-le-Main/Berlin, 1994, p. 450-632.

9 G. Althoff, « Saxony and the Elbe Slavs in the tenth century », dans T. Reuter (éd.), The New Cambridge Medieval History, t. III : c. 900-1024, Cambridge, 1999, p. 267-292.

10 Annales Mettenses priores, a. 796, édité par B. von Simson, MGH, SS rer. Germ. in us. schol., 10, Hanovre/Leipzig, 1905, p. 81 : Porro reliquam partem optimatibus, clericis sive laicis, ceterisque fidelibus suis largitus est…

11 Widukind, Res gestae Saxonicae, op. cit., I, 35, p. 50 : obsidens urbem quae dicitur Gana, vicesima tandem die cepit eam. Preda urbis militibus tradita, puberes omnes interfecti, pueri ac puellae captivitati servatae… Jahna se trouve sur un affluent de l’Elbe, entre Leipzig et Dresde.

12 Ibid., III, 68, p. 143 : urbis predam suis militibus donavit… Hermann Billung est en charge de la Saxe depuis sa nomination au titre de princeps militiae par Otton Ier en 936. Initialement représentant d’Otton Ier en Saxe, son statut évolue progressivement vers un pouvoir de type ducal. Voir G. Althoff, « Saxony and the Elbe Slavs in the tenth century », art. cité.

13 Thietmar, Chronicon, V, 34, édité par R. Holtzmann, MGH, SRG NS, 9, Berlin, 1935, p. 258 : Tunc destructa penitus eadem [urbe] divisaque inter suos Poleniorum multitudine, rex inde ad Crusni castellum…

14 Grégoire de Tours, Historiarum decem libri, II, 27, édité par B. Krusch, MGH, SS rer. Merov. I, vol. 1, Hanovre, 1951, p. 71-73. G. Althoff doute cependant de l’existence de règles fixes concernant le partage au sein de l’armée franque, en dépit du récit de Grégoire. Voir G. Althoff, Verwandte, Freunde und Getreue. Zum politischen Stellenwert der Gruppenbindungen im früheren Mittelalter, Darmstadt, 1990, p. 146.

15 Widukind, Res gestae Saxonicae, op. cit., III, 36, p. 121 : Pecus omne urbis loco herboso delatum, qui erat inter Rain et Donou fluvios, sed a fratre regis Heinrico captum et inter socios divisum est. Urbani crebris preliis triti fame quoque periclitari coeperunt.

16 Voir la note 11.

17 Widukind, Res gestae Saxonicae, op. cit., III, 20, p. 115 : omnemque pecuniam ducis suis militibus divisit. Le continuateur de la chronique de Réginon de Prüm évoque l’événement dans des termes similaires : et Radasbonam intromissus omnes eius ibi thesauros diripuit suisque rapiendos distribuit. Adalberti Continuatio Réginonis, a. 953, édité par F. Kurze, MGH, SS rer. Germ. in us. schol. 50, Hanovre, 1890, p. 167.

18 Widukind, Res gestae Saxonicae, op. cit., II, 11, p. 75.

19 Voir la note 12.

20 Annales Quedlinburgenses, a. 995, édité par M. Giese, MGH, SS rer. Germ. in us. schol. 72, Hanovre, 2004, p. 486 : Rex quoque tertius Otto cum magno exercitu Apodritos et quasdam Wlotaborum terras invadens incendiis et depraedationibus plurimis vastavit…

21 Ibid., a. 997, p. 492-493 : Quos contra commotus imperator Ztodoraniam, quam vulgo Heneldum vocant, egregiam inter Sclavanicas terram, magno invasit exercitu, vicit, praedavit victorque in Magadeburch, praecipuam Saxoniae urbem, gloriose subintravit.

22 Par exemple, Annales regni Francorum, a. 796, édité par F. Kurze, MGH, SS rer. Germ. in us. schol. 6, Hanovre, 1895, p. 98-101 ; Annales Mettenses priores, op. cit., a. 796, p. 81 ; Annales Laureshamenses, a. 796, édité par G. H. Pertz, MGH, SS, 1, Leipzig, 1826, p. 37 ; Annales Alamannicorum, a. 796, édité par G. H. Pertz, MGH, SS, 1, Leipzig, 1826 p. 48.

23 Éginhard, Vita Karoli, 13, édité par R. Rau, Quellen zur Karolingischen Reichsgeschichte, vol. 1, Darmstadt, 1987, p. 180-182.

24 Notker le Bègue, Gesta Karoli magni imperatoris, II, 1, édité par R. Rau, Quellen zur karolingischen Reichsgeschichte, vol. 3, Darmstadt, 1960, p. 376-378.

25 Widukind, Res gestae Saxonicae, op. cit., III, 68, p. 143 : Milites Wichmanni variis poenis afflixit, urbis predam suis militibus donavit, simulacro Saturni ex aere fuso, quod ibi inter alia urbis spolia repperit, magnum spectaculum populo prebuit victorque in patriam remeavit.

26 Widukind, Res gestae Saxonicae, op. cit., III, 8, p. 108-109.

27 Ibid., I, 35, p. 48.

28 Ibid., p. 49-50 : irruit super Sclavos qui dicuntur Hevelli, et multis eos preliis fatigans, demum hieme asperrima castris super glaciem positis cepit urbem quae dicitur Brennaburg fame ferro frigore. Cumque illa urbe potitus omnem regionem…

29 Ibid., p. 50 : signa vertit contra Dalamantiam, adversus quam iam olim reliquit ei pater militiam, et obsidens urbem quae dicitur Gana, vicesima tandem die cepit eam. Preda urbis militibus tradita, puberes omnes interfecti, pueri ac puellae captivitati servatae.

30 Ibid., p. 50-51 : Post haec Pragam adiit cum omni exercitu, Boemiorum urbem, regemque eius in deditionem accepit […] Igitur rex Boemias tributarias faciens reversus est in Saxoniam.

31 Ibid., I, 17, p. 27-28 : Dalamanci vero inpetum illius ferre non valentes conduxerunt adversus eum Avares, quos modo Ungarios vocamus, gentem belli asperrimam.

32 Ibid., I, 36, p. 54 : Postera autem luce movent signa urbi prefatae ; urbani vero arma deponunt, salutem tantummodo deposcunt ac merentur. Inermes igitur urbe egredi iussi ; servilis autem conditio et omnis pecunia cum uxoribus et filiis et omni suppellectili barbarorum regis captivitatem subibant. […] fuere qui dicerent barbarorum ducenta milia caesa. Captivi omnes postera die, ut promissum habebant, obtruncati. Voir également Annales Corbeienses, a. 929, édité par G. H. Pertz, MGH, SS, 3, Hanovre, 1839, p. 4 : facta est pugna valida iuxta flumen quod vocatur Alpia contra Sclavos, in qua prostrati sunt de paganis 120 milia, captivi vero 800.

33 Widukind, Res gestae Saxonicae, op. cit., III, 53, p. 132 : Aderat et legatio barbarorum tributa socios ex more velle persolvere nuntians, caeterum dominationem regionis velle tenere ; hoc pacto pacem velle, alioquin pro libertate armis certare. Imperator ad haec respondit : pacem quidem eis nequaquam negare, sed omnimodis dare non posse, nisi iniuriam perpetratam digno honore ac emendatione purgarent. Omniaque vastando et incendendo per illas regiones duxit exercitum… Il faut cependant noter une interprétation différente donnée à cet épisode par S. Rossignol, qui y voit une volonté de limiter l’expansion abodrite sur les autres groupes slaves de la région. Voir S. Rossignol, « Dominatio regionis. Die Politik der Ottonen gegenüber den Slawen an Elbe und Ostsee in komparatisticher Sicht », Ethnographisch-Archäologische Zeitschrift, 48, 2007, p. 225-260.

34 La question mérite naturellement une analyse plus approfondie. On peut déjà noter que la fréquence des mentions de pillages dans les sources semble conforter ce point de vue. On peut évoquer également un récit de Widukind (Res gestae Saxonicae, op. cit., I, 4), une sorte de mythe des origines des Saxons. Ce récit, qu’il faut interpréter à la lumière de la volonté de Widukind de légitimer la prise de pouvoir des Saxons dans l’ensemble oriental, à la suite des Francs, représente un véritable condensé idéologique. D’après le texte, les Saxons, après avoir conclu un traité avec les Thuringiens et s’être engagés à cesser tout pillage, invoquent l’absence d’avantages économiques et décident finalement la rupture du traité : Ictumque est foedus eo pacto, quo haberent Saxones vendendi emendique copiam, ceterum ab agris, a caede hominum atque rapina abstinerent. Stetitque illud foedus inviolabiliter multis diebus. Cumque Saxonibus defecisset pecunia, quid venderent aut emerent non habentibus, inutilem sibi pacem esse arbitrabantur.

35 Sur les prélèvements tributaires à l’est de l’Elbe et de la Saale, voir K. Leyser, « Ottonian Government », dans Medieval Germany and its Neighbours, 900-1250, Londres, 1982, p. 69-102, ainsi que S. Rossignol, « Dominatio regionis… », art. cité.

36 Voir les notes 20 et 21.

37 Thietmar, Chronicon, op. cit., III, 17, p. 118.

38 Voir la note 3.

39 À moins qu’il ne s’agisse des Vucrani évoqués par Adalbert, dans la Continuatio Réginonis, op. cit., a. 934, p. 159.

40 Thietmar, Chronicon, op. cit., VII, 19, p. 418.

41 Ibid. : Dux vero Bernhardus cum suis imperatori ad auxilium, sicut ei prius iussum est, venire cum nequivisset, per pedites clam missos ei eventum rei et necessitatem inobedientiae indicens, vastatis circumquaque iacentibus locis, domum rediit.

42 Ibid. : Othelricus quoque, qui cum Bawariis ad cesarem venire debuit, ob multas causarum qualitates dimisit. Et quamvis hii imperatorem non comitarentur […] Othelricus quandam urbem magnam Businc dictam petiit et in ea non minus quam mille viros absque mulieribus et liberis capiens, incendit eandem et victor remeavit.

43 Ibid. : Heinricus autem Orientalium marchio cum Bawariis comperiens Bolizlavi milites iuxta se predam fecisse, protinus insequitur et ex hiis fortiter resistentibus octingentos occidit predamque omnem resolvit.

44 Ibid. : Et quamvis hii imperatorem non comitarentur, tamen fidele servitium sua vicinitate ostendunt.

45 Voir sur la question T. Lienhard, « Les chiens de Dieu ». La politique slave des Mérovingiens et des Carolingiens, thèse de doctorat, Lille, 2003, p. 297-415.

46 Thietmar, Chronicon, op. cit., VI, 50, p. 336-338.

47 Il est également neveu de Thietmar de Merseburg, ce qui doit évidemment inciter à la prudence. Cependant, ce lien de parenté n’empêche pas le chroniqueur de condamner les agissements de Werner autant que ceux de Dedi, dans le cadre du même récit.

48 Thietmar, Chronicon, op. cit., VI, 49, p. 336 : Consilio enim eius et auxilio urbs patris eius et nostra Walmerstidi, Sclavonice autem Ustiure, eo quod Ara et Albis fluvii hic conveniunt, vocata combusta est et depopulata…

49 Ibid., VI, 50, p. 336 : ut predixi, Boemios adversum nos insurgentes ad Citicensem perduxit aecclesiam. Ubi cum hiis vastando circumquaque perlustrans, ad ultimum captivam matrem suam hostis, non filius, cum caetera adduxerat preda. Post haec reconciliatus regis efficitur III. Ottonis… Voir également, ibid., III, 18, p. 120 : Temporibus hiis [977 ?] ecclesia Citicensis a Boemiorum exercitu Dedi duce capta est et depredata…

50 Cela ressort du croisement de plusieurs passages. Ibid., VIII, 21, p. 518 : Non longe post Ekkihardus, iuvenis ac ideo immaturus, in burgwardo suimet Rochelenzi dicto arduas munitiones ad capiendas ibidem feras instinctu Budizlavi militis sui parat. Hoc ego postea comperiens pacienter tuli et, ne sic agere vellet, per internuncium meimet, fratrem eius, postulavi. Ibid., VIII, 22, p. 518 : Tunc redii ad curtem supramemoratam ; ibidemque VII dies cum manerem, audivi, quod milites Ekkihardi meis minarentur sociis. Ibid., VIII, 23, p. 520 : Episcopatus in hiis partibus constituti ab eorum potentia sunt nimium depressi ; et nos eorum procuratores, si contra Deum et iusticiam eius voluntati eorum in cunctis satisfacimus, honorem et aliquam utilitatem habemus ; sin autem, contempnimur et, sicut nobis nullus aut regnet aut imperet dominus, depredamur.

51 Ibid., VI, 53, p. 340 : Herimannus et Ekkihardus confratres castellum quoddam iuxta Salam situm, quod Guncelinus unice sibi dilectum muris et presidio firmavit bonisque innumerabilibus replevit, ex improviso manu valida circumdantes expugnant et, divisa omni congerie, radicitus illud deiciunt ac incendio consumunt.

52 Voir la note 48.

53 Voir la note 49.

54 Thietmar, Chronicon, op. cit., V, 34, p. 258 : Venienti autem tunc regi ad locum, qui Hatheresburgdi dicitur, omnem thesaurum suum se precedentem Maganus, comitis predicti miles, cum suis corripit ac tum intra se dividentes ad Amardelam civitatem letus revertitur. Quos rex pone insecutus possedit compositisque bellorum instrumentis eos vitam solum reddita urbe et preda fidis intercessoribus postulare compulit. Tunc destructa penitus eadem divisaque inter suos Poleniorum multitudine, rex inde ad Crusni castellum…

55 C. Lübke, « Fremde im frühmittelalterlichen Ost-und Mitteleuropa », dans A. Demandt (éd.), Mit Fremdem leben. Eine Kulturgeschichte von der Antike bis zur Gegenwart, Munich, 1995, p. 108-121.

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