Version classiqueVersion mobile

Les campagnes limousines du XIVe au XVIe siècle

 | 
Jean Tricard

Chapitre VI. Bilan d'une reconstruction : étapes, limites, responsabilités

Texte intégral

Plaintes et jalons de hasard…

1Après l'étude des divers éléments qui concourent à la reconstruction du Limousin rural ou l'entravent, vient l'heure du bilan. La société limousine a-t-elle réussi, comme la société bordelaise, la société parisienne ou la société lyonnaise par exemple, à surmonter les crises et à remettre en valeur ses campagnes ? Il s'agit de prendre la mesure de cette reconstruction et, éventuellement, de ses limites. Ce problème majeur a été souvent posé tout au long de cette étude. Il faut maintenant regrouper les indices, apporter des conclusions d'ensemble, mesurer la responsabilité des uns et des autres dans l'évolution des campagnes limousines des années 1350 aux années 1500.

  • 1 La critique du mémoire de madame de Montrésor a été faite dans le chapitre IV consacré à la « démo (...)
  • 2 Le mémoire d'Alain d'Albret s'appuie – quand il n'en manipule pas les chiffres – sur les enquêtes (...)
  • 3 Le père DENIFLE a réuni les plus beaux morceaux de cette littérature de plainte et de combat. Cert (...)

2Une telle ambition paraît légitime, pour ne pas dire indispensable. Elle se heurte pourtant, une fois encore, à la médiocrité des sources. Les instruments de mesure précis et satisfaisants manquent cruellement. Il n'existe aucun tableau de l'état du Limousin au début du XIVe siècle – sinon peut-être celui qui a été dressé par les avocats de madame de Montrésor1. Celui que nous possédons pour la fin du siècle suivant est partiel et presque autant sujet à caution2. Entre les deux, il y a seulement des sources ponctuelles et parfois presque dérisoires. Si l'on ne se contente pas des plaintes traditionnelles et intéressées des suppliques et des actes de doléances sur la « ruine » systématique des campagnes3, on en est réduit à choisir les rares comptes donnant des indications sur la rentrée plus ou moins difficile des redevances ou sur la situation financière de telle ou telle seigneurie.

Jalons pour la mesure d'une reconstruction

Premières difficultés et revenus synodaux (deuxième moitié du XIVe siècle)

  • 4 A.D. Hte Vienne, Sem. 61.
  • 5 Idem, Sem. 63.

3Le document fiscal le plus ancien qui permet, indirectement, de se faire une opinion sur l'état des campagnes limousines est un relevé des redevances épiscopales dues à l'évêque par les églises du diocèse de Limoges aux synodes diocésains de la Pentecôte et de la Saint-Luc de 1362. Il est suivi d'autres listes indiquant aussi redevances payées et redevances impayées de 1363 à 1365, tantôt lors du synode de Pentecôte, tantôt lors de celui de la Saint-Luc. On mettra en parallèle ces premiers chiffres avec ceux des années 1383-1385, au synode de la Pentecôte4. Enfin cette situation du XIVe siècle sera comparée avec celle de la première moitié du XVe siècle, à travers l'étude des revenus diocésains de 1431 à 14435.

4Il est à peine nécessaire de souligner les bornes d'une telle source pour notre propos. Les rédacteurs notent, parfois dans le plus grand désordre, pensions, redevances synodales et parâtres. Ces redevances ecclésiastiques n'ont, à l'évidence, qu'un rapport indirect avec les redevances rurales. Leur montant est faible. Leur non-paiement peut autant s'expliquer par la négligence et la mauvaise volonté des contribuables que par un état de crise. En revanche, cette documentation a l'avantage de fournir des indications précises et chiffrées à la fois sur les divers horizons du diocèse et sur sa globalité. Elle concerne essentiellement des cures de campagnes et, à cet égard, peut donner quelques indices sur l'évolution de la situation rurale à divers moments des deux siècles de la fin du Moyen Age.

  • 6 Le traité de Brétigny est de 1360 ; un « retour de peste » frappe les pays du centre-ouest en 1361 (...)
  • 7 « non solvit » a été systématiquement indiqué dans les registres synodaux du XIVe siècle.
  • 8 Les pays montagneux de l'est sont défaillants. Signe de crise ou misère éternelle ?
  • 9 On ne possède pas les chiffres des synodes de Pentecôte pour 1363 et 1364.

5Les premiers comptes des années 1362-1365 se situent au lendemain du traité de Brétigny et au moment d'un retour de peste majeur6. Le Limousin est déjà entré dans la crise et les recettes des synodes de Pentecôte et de la Saint-Luc portent un premier témoignage sur le décalage entre les revenus épiscopaux théoriques et leur niveau réel. Le rédacteur a en effet précisé, au moins pour certaines années, ce qui avait été effectivement perçu et ce qui ne l'avait pas été7 : 90 l.t. environ devaient rentrer dans les caisses de l'évêque à chaque synode. Or il ne rentre que 83 l.t. 17 s. au synode de Pentecôte 1362, 51 l.t. 10 s. au synode de la Saint-Luc, soit un revenu total de 135 l.t. sur les 180 l.t. espérées. Une perte globale de l'ordre de 25 %, inégalement répartie d'ailleurs8. Mais les revenus épiscopaux rentrent-ils jamais en totalité, crise ou pas ? De plus, les pertes sont moins sévères lors des deux années suivantes au synode de la Saint-Luc, et ne représentent que 10 % des revenus attendus en 1363, 16 % en 13649. Enfin en 1365, année pour laquelle nous avons les chiffres du synode de Pentecôte et la « somme universelle », cette dernière est de 158 l.t., soit 87 % des sommes exigées. Cette situation est en léger progrès par rapport à celle de 1362. Elle confirme surtout des conclusions antérieures : le Limousin paraît supporter assez vaillamment les premières décennies des « malheurs des temps » et ni les dévastations ni les reconstructions, s'il y en a déjà eu, ne sont encore de grande ampleur.

6Si l'on compare cependant la situation des divers archiprêtrés du diocèse, on constate surtout une dégradation dans l'archiprêtré d'Aubusson, sur les médiocres plateaux marchois de l'Est : rien n'y est payé en 1363 et 1365 à la Saint-Luc. Plus étonnant, la situation se gâte aussi quelque peu dans certains archiprêtrés du Bas-Limousin : aucun versement de l'archiprêtré de Nontron, il est vrai bien exposé au chevauchées venues de l'Aquitaine. Dans l'archiprêtré de Vigeois, les rentrées d'argent, encore dans la moyenne en 1363, se font rares ensuite. Ce n'est peut-être qu'une lacune ponctuelle, comme l'on en constate ailleurs, un signe de mauvaise volonté de l'imposable autant qu'un signe de l'appauvrissement réel du pays.

7Une quinzaine d'années plus tard, les registres des revenus synodaux de Pentecôte attestent un nouvel affaiblissement des rentrées fiscales. Il n'est allé dans les caisses épiscopales que 41 l.t. 1/2 en 1383, 40 l.t. en 1384, 33 l.t. 1/2 l'année suivante. La baisse n'est pas spectaculaire, mais continue. Surtout, les rentrées en argent ne représentent plus qu'entre 36 et 45 % des impositions. En moins d'une génération, les recettes ont subi une perte moyenne de l'ordre du quart. On peut, cette fois, y voir plus sûrement les premiers indices d'une situation qui se dégrade peu à peu.

8Cette dégradation ne se fait pas partout au même rythme en Limousin, comme on peut le constater en étudiant les rentrées fiscales archiprêtré par archiprêtré.

  • 10 Lubersac, Corrèze, ch.-l. cant., arr. Brive ; Vigeois, ch.-l. cant., arr Brive.
  • 11 Elle est rejointe, l'année suivante, par l'église de Dampniat ; Lissac-sur-Couze, Corrèze, cant. L (...)
  • 12 Donzenac, Corrèze, ch.-l. cant., arr. Brive.
  • 13 Jean LARTIGAUT rappelle que, dès 1372, une bulle avait réduit de moitié les décimes pour les évêch (...)

9D'un côté, des régions apparemment en grande difficulté déjà, de l'autre des régions mieux loties. A la première catégorie appartiennent, dès les années 1380, les régions de Brive, Lubersac et Vigeois en Bas-Limousin10. En 1383, l'archiprêtré de Brive, qui compte vingt-huit églises, ne verse que 17 %, des sommes demandées ; cinq églises seulement ont apporté leur contribution. L'année suivante, seule l'église de Lissac verse quelques sous11. En 1385, les versements diminuent encore ; ils ne représentent plus que moins de 10 % des sommes exigées. L'archiprêtré voisin de Vigeois est à peu près aussi mal en point. Sur ses trente-sept églises, cinq seulement ont fait un versement, seule l'église de Donzenac l'a fait chaque année de 1383 à 138512. Dans l'archiprêtré de Lubersac, treize églises ont fait un versement une année ou l'autre ; le total des recettes ne représente que 12 % des sommes dues. Même si l'ont sait combien la levée de ces redevances épiscopales entraînait, systématiquement, résistances, faux-semblants et plaintes exagérées sur la ruine des églises, on ne peut éviter de penser que la situation est déjà difficile dans les campagnes du Bas-Limousin dans les années 1380-139013.

  • 14 La Meyze, Hte Vienne, cant. Nexon, arr. Limoges.

10On l'imagine d'autant plus aisément que – les ruses des mauvais payeurs étant les mêmes partout – les rentrées d'argent sont meilleures alors en Haut-Limousin et, partant, l'état des campagnes. Dans l'archiprêtré de Saint-Junien, sur quatre-vingt-cinq églises mises à contribution, cinquante-quatre ont payé leur part, dont plus de la moitié les trois années. Si bien que les sommes versées représentent 61 % de l'impôt exigé en 1383, 76 % en 1384, 57 % en 1385, soit 65 % en moyenne. L'archiprêtré de la Meyze14, qui se situe au sud de l'actuel département de la Haute-Vienne jouit, il est vrai, d'une situation un peu moins favorable : quinze églises sur trente et une participent à l'effort fiscal et règlent un peu moins de la moitié des redevances exigées.

  • 15 Saint-Paul, Hte Vienne, cant. Pierre-Buffière, arr. Limoges ; La Porcherie, cant. Saint-Germain-le (...)

11Les deux petits archiprêtrés des environs de Limoges, Saint-Paul et la Porcherie15, sont dans un état moins enviable encore. Dans l'archiprêtré de Saint-Paul, 10 % seulement des impôts exigés entrent dans les caisses épiscopales, trois églises sur vingt-cinq y ont contribué.

12Le rendement de l'impôt épiscopal est à peine supérieur – 16 % en moyenne – dans l'archiprêtré de la Porcherie. Seules quatre églises sur trente et une y ont participé.

13En fait, si l'évêque de Limoges jouit encore de revenus synodaux corrects, il les doit surtout aux redevances payées par les églises de l'archiprêtré de Bénévent, associant pays du Haut-Limousin et de la Marche : cinquante-sept églises sur soixante-dix-sept se sont mises à jour de leur imposition au moins une année sur trois et trente-sept l'ont fait chaque année : du coup, les versements atteignent 80 % du total idéal.

14Dans les années 1380-1390 s'amorcerait donc une dégradation inégale de l'état des campagnes. A des îlots apparemment peu touchés encore par la baisse des revenus et les premiers effets des « malheurs des temps » s'opposent d'autres régions qui en ont davantage souffert, « Montagne limousine » d'abord, région de Limoges et Bas-Limousin ensuite. Le tournant du siècle s'annonce déjà difficile, malgré les premiers efforts de reconstruction.

Un point à la fin du XIVe siècle : l'état de la seigneurie de Veyrac en 1378

  • 16 « Confiscation et connaissance d'une seigneurie... » p. 123-140.

15En cette fin de XIVe siècle, on a l'occasion de comparer, pour la première fois, ces conclusions générales à celles que l'on peut tirer de l'étude d'un cas particulier – ne serait-ce que pour en mesurer l'exemplarité. Il s'agit d'une enquête sur l'état de la seigneurie de Veyrac, près de Saint-Junien, en 137816.

16La condamnation à mort et l'exécution de Guy de Veyrac pour traîtrise et la confiscation de ses biens ont entraîné l'ouverture d'une enquête par le sénéchal du Limousin. Elle est menée sur le terrain par deux agents du juge de Saint-Junien dans les domaines limousins, marchois et berrichons du seigneur de Veyrac. Elle vise à préserver les intérêts du justicier royal, du nouveau seigneur, Pierre de Bournazel, et de la famille de Veyrac, notamment en matière de douaire et de dot. On peut penser qu'elle a été menée avec sérieux, les enquêteurs se fondant à la fois sur des « rolles et terriers anciens » et sur des témoignages oraux.

17L'enquête permet de dresser, d'abord, une sorte de tableau de la « seigneurie idéale », dans laquelle seraient encaissées toutes les redevances et payées toutes les charges. Ce tableau constitue un précieux point de départ et de comparaison avec la situation réelle des choses en 1378. Il n'évoque, sans doute, que les grandes masses des revenus seigneuriaux et des charges seigneuriales. Il montre néanmoins l'importance de la location des terres et des redevances serviles – au moins, dans ce dernier cas, en Berry – dans le revenu seigneurial. L'accensement des tenures doit rapporter 110 l.t. par an, les revenus serviles presque autant – si la redevance du « bien » est effectivement perçue chaque mois. Ces deux postes constituent, en principe, les 2/3 des bénéfices seigneuriaux. S'y ajoutent, plus modestement, les revenus des fours et des moulins, des vignes et des bois, des dîmes enfin. Le tout devrait rapporter quelque 300 l.t. chaque année au seigneur de Veyrac.

18L'enquête précise également les charges qui pèsent sur la seigneurie. Les traditionnelles donations pieuses, rentes testamentaires et fondations de vicairies au profit de l'église de Veyrac représentent 20 % des charges seigneuriales. Les rentes dotales en faveur des femmes de la famille, le double. Des rentes constituées forment les 40 % qui restent. Guy de Veyrac a vendu, à une date inconnue, une rente de 100 s.t. au « cardinal de Saragosse », Guillaume d'Arfeuille, grand personnage limousin de la cour pontificale, pour 100 l.t.. C'est de loin, la plus grosse opération financière menée par Guy de Veyrac. Il a vendu d'autres rentes plus modestes à un autre seigneur limousin, Rampnos de Pompadour, au chapitre du Dorat et à deux bourgeois de Limoges. Ces charges financières ne sont, au total, ni très nombreuses ni très lourdes puisqu'elles ne représentent que 20 % des revenus théoriques de la seigneurie.

19Avec la crise, les choses deviennent cependant un peu plus difficiles pour le seigneur de Veyrac. Selon les témoins, guerres et pestes – remontant aux années 1360 – ont fait grand mal à la seigneurie, particulièrement à ses terres limousines et marchoises : 36 % des « rentes » paysannes ne sont plus réglées, dont près de 50 % en Limousin et en Marche. Plus de la moitié des tenanciers limousins ne versent plus aucune redevance et la situation n'est guère meilleure en Marche. Seuls les Berrichons payent régulièrement leurs » devoirs ».

20Les tenanciers limousins sont-ils particulièrement négligents ou ont-ils disparu de la seigneurie, migrants ou morts ? La nature du document rend la distinction malaisée. Cependant, lorsque le rédacteur indique « vacat » devant une tenure et ne précise plus le nom du tenancier, on peut penser que celui-ci est mort ou parti chercher fortune ailleurs et n'a pas été remplacé. Il y a quatorze cas de ce genre à Veyrac, ce qui correspond à la disparition du tiers des tenanciers. Peu d'autres, apparemment, ont pris leur suite. Le déficit en hommes est important, le nombre de terres inexploitées sans doute aussi.

21Il y a donc baisse spectaculaire des revenus seigneuriaux mais inégalement répartie dans l'espace. Les pertes sont de l'ordre de 80 % en Limousin, 50 % en Marche, de moins de 10 % en Berry, si les tenanciers y règlent toujours leurs redevances serviles.

22Le poids des charges se fait plus rudement sentir dans la seigneurie appauvrie : à Veyrac, elles dépassent largement les revenus annuels et représentent désormais 116 % de ceux-ci alors qu'elles devraient, en théorie, n'en constituer que le quart, à peine. En Marche, elles dévorent 80 % des revenus. Elles ne sont supportables que dans les domaines berrichons et n'y comptent que pour 11 % des revenus, un pourcentage pratiquement sans changement depuis les années 60.

23Au total, les charges ne sont pas encore écrasantes en 1378, puisqu'elles ne représentent qu'un peu plus du quart des revenus de l'année. Mais le seigneur ne doit cette situation encore supportable qu'à l'archaïque prélèvement servile réalisé non en Haut-Limousin – où les serfs ont pratiquement disparu – mais en Berry. Combien de seigneurs limousins avaient-ils cette chance ?

24Les conclusions de cette enquête vont, sur un plan local, dans le même sens que celles de l'enquête générale qui la précédait : la baisse des revenus seigneuriaux ne suffit pas à faire crier à la ruine à la fin du XIVe siècle. Pierre de Boumazel, le nouveau maître du « Château de Veyrac », se trouve encore, comme d'autres, à la tête d'un « capital dormant » non négligeable. L'enquête estime à 1500 l.t. la valeur de sa seigneurie foncière et justicière. Ce chiffre trop rond peut être discuté. Il n'est pas, en tout état de cause, l'indice d'une seigneurie sans valeur. Malgré les premières difficultés et les premiers départs, la campagne n'est pas exsangue. L'essentiel de la crise et du temps des malheurs est, il est vrai, encore à vivre.

Ravages et reconstruction : des résultats sélectifs (première moitié du XVe siècle)

25Notre documentation s'étoffe quelque peu au XVe siècle, notamment en matière de comptes seigneuriaux. Ceux-ci donnent la possibilité de mesurer de plus près l'évolution de la rentrée des redevances et, partant, l'état des campagnes entre 1400 et 1450. Un demi-siècle traversé, comme on l'a vu, de calamités et de tentatives de redressement.

  • 17 « Limites... · p. 6-31 ; A.D. Hte Vienne, fonds du Chapitre cathédral de Limoges, G 3 ; Sem. 60 et (...)

26L'analyse s'appuie essentiellement sur les comptes des baylies du Chapitre cathédral de Limoges – qui possède des terres partout en Limousin – et sur les recettes des synodes diocésains des années 1431 à 144317.

  • 18 Les recettes en avoine sont de 80 ras avoine en 1400, de 54 ras avoine en 1424 (cf. Les anciennes (...)

27Les recettes de la grande baylie du Chapitre cathédral de Limoges concernent, avant tout, la région de Limoges et les pays de l'ouest, les moins mauvaises terres du Limousin. Elles sont, en règle générale, en nette progression des années 1400 aux années 1450. Sans doute, les recettes en avoine – assez secondaires – reculent-elles entre 1400 et 142518. Mais le cas est unique. Les recettes en froment doublent de 1402 à 1450. Elles restent cependant à un niveau modeste – 80 setiers – car les véritables « terres à froment » sont rares. Les redevances en nature essentielles sont les redevances en seigle. Elles quintuplent et passent de 122 à 613 setiers. Les recettes en argent décuplent presque, de moins de 17 l.t. en 1402 à près de 132 l.t. en 1450.

28A l'intérieur de la grande baylie, l'étude de recettes particulières montre une progression générale mais qui n'est pas partout de même envergure et de même style. A La Chapelle-Blanche, dans l'ouest du Limousin, si les recettes en seigle doublent durant cette période, les recettes en argent sont multipliées par dix-huit. Près de Limoges, à Boisseuil et Eyjeaux, les revenus en froment et en seigle quadruplent, les recettes en argent font plus que doubler. Dans ces régions, aux sols moins médiocres qu'à l'est et aussi plus proches de l'œil du maître, la reconstruction a marqué des points après les moments de crise aiguë du début du siècle.

  • 19 37 setiers en 1448 contre 52 setiers en 1405.
  • 20 Graphique des revenus de la baylie de Vignols, « Limites... » p. 22, fig. 3 c
  • 21 Ibid.

29En Bas-Limousin, dans les bonnes terres du bassin de Brive, les revenus de la baylie de Vignols témoignent à la fois des embarras d'une région ravagée et des potentialités d'une région aux sols riches. Selon le poste de redevances analysé, l'évolution est différente : les recettes en froment sont plus basses en 1448 qu'en 140519. Elles ont connu un creux marqué dans les années 1415-1425 en particulier, diminuant de moitié par rapport au début du siècle. Une remontée s'amorce ensuite. En revanche, le chapitre peut davantage compter sur l'avoine et le seigle, surtout. Il y a progression d'une centaine de setiers de seigle de 1405 à 1424, de plus de quatre cent entre 1405 et 144820. Les recettes en seigle triplent presque entre le début et le milieu du siècle. Les rentrées en argent sont irrégulières21. Une bonne année – une recette de 53 l.t. en 1421 – contraste avec d'autres qui le sont moins. La progression est hésitante jusqu'en 1447 – la barre des 25 l.t. est alors franchie sans retour. Au milieu du siècle, on atteint enfin les 40 l.t., ou presque. Un progrès de 50 % en quelques années seulement. Les rentrées de vin – particulièrement sensibles aux calamités naturelles et humaines – sont soumises à des hauts et des bas perpétuels : elles sont à 48 saumades en 1405, plongent à 4 saumades en 1422, pour remonter à 150 saumades en 1448. L'ensemble laisse une impression de fragilité et d'une reprise économique – ou, au moins fiscale – souvent remise en cause. Témoignage de progrès soumis aux aléas de chaque récolte.

  • 22 Sauf en 1403 où elles tombent à 3 l.t.
  • 23 Graphique des revenus de Razès, « Limites... ». p. 22, fig. 3 a

30Cette situation est pourtant bien supérieure à celle que connaissent alors les baylies des plateaux orientaux et de la » Montagne limousine ». A Razès, en bordure de cette zone, les redevances en froment stagnent autour de 30 setiers entre 1401, la meilleure année, et 1450, quand elles ne s'effondrent pas à presque rien, comme de 1434 à 1436. Les recettes de seigle, les plus significatives sur ces sols pauvres, se situent entre 45 setiers en 1401 – une « mauvaise année » toute particulière – et 192 setiers en 1445. Elles retombent à 110 setiers en 1449. Le redressement n'est pas assuré. L'évolution des recettes en argent le montre cruellement. Il faut parler de recul à leur propos. Entre 1402 et 1424, elles se tiennent entre 6 et 8 l.t. environ22. Elles baissent ensuite de 1434 à 1446 à 3 l.t. 1/2 en moyenne, remontent à grand peine à 5 l.t. 1/2 en 1449 et 1450. Dans cette baylie des marges des plateaux, il y a stagnation quand il n'y a pas dégradation pendant un demi-siècle23.

  • 24 Ibid. fig. 3 b. ; Saint-Goussaud, Creuse, cant. Bénévent-L'Abbaye, arr. Guéret.

31Plus on s'enfonce dans l'arc montagneux de l'est, véritable « croissant infertile » du Limousin, plus les signes d'échec se multiplient. Dans la baylie de Saint-Goussaud, par exemple24. Ne parlons pas du recul des redevances en froment, elles ont toujours été dérisoires. Mais les recettes en avoine reculent de 60 % de 1401 à 1434. Les progrès, lorsqu'ils existent, sont très faibles et comme du domaine du passé dès les années 1440. En 1400, les recettes en argent ne représentaient que 4 % des recettes idéales ; elles remontent à 30 % environ en 1420 ; elles retombent ensuite à 15 % en 1430. Même évolution pour le seigle : 11 % seulement des rentrées idéales en 1400, près de 40 % en 1412 et 1420 mais 25 % seulement en 1430.

32Les choses ne se présentent pas mieux à Laurière ; le froment recule – mais le seigneur en demande si peu ; seigle et avoine stagnent. La courbe des rentrées d'argent se caractérise par son irrégularité. Partie de bas en 1400 – 15 % seulement des sommes exigées ont été encaissées – elle marque cependant une tendance à la hausse jusque dans les années 1420 pour retomber ensuite à un chiffre plus bas que ceux du début du siècle – 8 %. En une génération, c'est une évolution qui n'est pas sans rappeler celle des recettes de Saint-Goussaud, du redressement fragile à la rechute. La crise s'abat avec une particulière violence sur cette zone déshéritée des campagnes limousines. A quelques signes de relèvement succèdent de nouveaux indices négatifs, comme d'abandon de la partie.

33Ainsi s'instaure un contraste régional entre les terrains de l'ouest, du sud et de la région de Limoges où la reconstruction a des effets positifs et les monts de l'est où l'on constate un déclin agricole progressif, surtout à partir des années 1430.

  • 25 42 l.t. sur 180 l.t.

34Cette impression de réussite et d'échec mêlés se confirme si l'on reprend les comptes des synodes diocésains de la première moitié du XVe siècle. Les chiffres des sommes effectivement encaissées sont inférieurs à ceux du milieu et même de la fin du XIVe siècle. S'ils progressent de moitié dans le second quart du XVe siècle, ils ne représentent encore que 25 % des sommes exigées25.

35Dans le détail, on retrouve les contrastes régionaux précédemment relevés : bonne tenue des archiprêtrés de l'ouest et des environs de Limoges, un peu moins satisfaisante en Bas-Limousin, franchement mauvaise dans les archiprêtrés de l'est, sauf, dans une certaine mesure, dans l'archiprêtré de Bénévent.

  • 26 Le bourg de « Saint-Priest · mentionné dans les comptes capitulaires doit correspondre, après véri (...)

36On peut, enfin, faire le point au milieu du XVe siècle en exploitant les comptes des baylies du Chapitre cathédral en 1444 et en comparant le pourcentage des redevances perçues aux recettes idéales à l'ouest du Limousin (La Chapelle-Blanche), dans la région de Limoges (Boisseuil et Eyjeaux), aux marges des plateaux (Razès) et dans la montagne (Saint-Priest-Palus)26 :

  • 27 Le calcul des pourcentages des redevances versées en froment à Razès et à Saint-Priest-Palus n'a p (...)

redevances en argent

seigle

froment27

La Chapelle-Blanche

100 %

73 %

15 %

Boisseuil

85 %

72 %

25 %

Eyjeaux

60 %

33 %

13 %

Razès

41 %

50 %

(78 %)

Saint-Priest-Palus

27 %

0 %

(70 %)

37A La Chapelle-Blanche, il y a des indices d'une restauration en voie de réussir. Toutes les redevances en argent y ont été réglées. Même si l'année 1444 est exceptionnellement bonne et pas forcément exemplaire, il y a là un signe de meilleure santé des campagnes. D'autant plus qu'une grande majorité des redevances en seigle a aussi été versée. Seules les redevances en froment, en nombre plus réduit, sont encore à la traîne. Mais avec des rentrées de l'ordre de 85 % pour le couple majeur, argent et seigle, le seigneur capitulaire pouvait-il espérer mieux ?

38Dans la région de Limoges, la situation est plus complexe, la réussite en balance, variant pratiquement avec chaque paroisse : elle est bonne à Boisseuil où rentrent pratiquement les 3/4 des redevances majeures, moins satisfaisante à quelques kilomètres de là, à Eyjeaux, où les recettes en grain sont à la traîne des recettes en argent ; c'est le contraire à Balezis et Uzurat, aux portes mêmes de Limoges. Des tenures de faible rapport ont aussi disparu des comptes. Si la reconstruction est en cours, elle est loin d'avoir fait disparaître toutes les traces de crise dans une région qui en a beaucoup souffert.

39Du coup, le bilan de la baylie de Razès n'apparaît pas si médiocre : les rentes en argent et en seigle y rentrent à moitié, ou presque, au seuil des « mauvais pays » de l'est. Les quelques setiers de froment y sont toujours versés. Signes d'une attention particulière accordée aux rares bonnes terres ?

40Le sort des plateaux et de la « Montagne limousine » est plus mal connu : les comptes des baylies de Saint-Goussaud et Laurière ont disparu, sans que l'on puisse, évidemment, en conclure que ces terroirs ont été totalement abandonnés. Le seul témoignage chiffré est apporté par le compte de Saint-Priest-Palus, dans la montagne creusoise. Si l'on s'y bat encore pour sauver les rares champs de froment, aucune redevance en seigle n'a été versée en 1444, alors que c'est la seule céréale adaptée à la médiocrité, quasi générale, des sols. Le quart seulement des recettes en argent est entré dans les caisses capitulaires. Surtout, les deux tiers des tenures ont disparu des comptes. Sont-elles à l'abandon et considérées par le seigneur comme définitivement perdues pour l'agriculture ? La friche envahit-elle une bonne partie du terroir ? Si ces quelques chiffres étaient exemplaires de la situation générale des zones montagneuses de l'est, ils confirmeraient – faisant suite à ceux des périodes précédentes – un abandon progressif et résigné de cette zone répulsive des campagnes limousines.

41S'il y a bien au milieu du XVe siècle un Limousin en voie de redressement plus ou moins avancé, il y a aussi un Limousin de plus en plus livré à son mauvais sort. Ses seigneurs considèrent-ils déjà que leurs sacrifices n'y sont pas rentables et donc inutiles ?

D'une conjoncture favorable à des tensions nouvelles (deuxième moitié du XVe siècle)

42Les années 1450 ne marquent pas, à l'évidence, la fin des efforts pour remettre les campagnes en état. L'étude de l'évolution du montant de la rente seigneuriale s'impose donc encore dans la mesure où elle constitue, indirectement, le seul indice chiffré des résultats obtenus. Elle est, cependant, lourdement handicapée par la disparition des derniers comptes touchant l'est de la province. Le destin économique de la partie déjà la plus mal en point devient impossible à connaître par les chiffres. Un net redressement paraît pourtant peu vraisemblable, compte-tenu du processus d'abandon progressif analysé plus haut.

43Le reste des campagnes connaît, semble-t-il, une évolution en deux temps, le premier favorable, le second qui l'est beaucoup moins.

  • 28 Graphique de la grande baylie, « Limites... » p. 23 fig. 3 d
  • 29 Ibid.

44Une première phase de progrès dure jusqu'aux années 1475-1480. Partant de moins bas, elle n'a pas les mêmes allures spectaculaires que celle de la période précédente, même dans l'ouest. Dans les comptes généraux de la grande baylie du Chapitre cathédral de Limoges, les redevances versées en seigle avaient passé le cap des 600 setiers en 1444, alors qu'elles n'étaient qu'à 120 setiers au début du siècle, à 225 setiers en 1424. Elles dépassent les 700 setiers en 1460, atteignent les 800 setiers en 1480, après un pic majeur de 1 000 setiers en 147828. Les recettes en argent étaient de 130 l.t. en 1450. Elles progressent jusqu'en 1479 pour dépasser les 150 l.t29.

  • 30 Les tenures disparues des comptes de Boisseuil et Eyjeaux ne reparaissent pas, à une exception prè (...)
  • 31 « Limites... » p. 22, fig. 3 c

45Si l'on reprend l'étude des comptes des baylies paroissiales, on constate que tous les chiffres évoluent à la hausse modérée jusqu'aux années 1475. Une hausse, régulière et bénéfique pour les producteurs, qui a ses nuances locales. A la Chapelle-Blanche, les redevances en seigle avaient doublé de volume entre 1402 et 1454 ; elles progressent d'un quart ensuite. L'apparition de nouvelles tenures – autre signe de bonne santé et d'élargissement de l'espace cultivé – entraîne même une légère croissance des recettes en argent. Dans la région de Limoges, les choses sont un peu moins satisfaisantes30. A Boisseuil et Eyjeaux, cependant, les recettes en froment augmentent de quelques setiers jusqu'en 1473. Les rentes en seigle avaient presque quadruplé entre 1402 et 1450 ; elles augmentent encore de 25 %, comme les rentes en argent. A Vignols, si les redevances en argent plafonnent presque depuis le milieu du siècle, la hausse des redevances en grains se poursuit jusque dans les années 146531.

46Le ralentissement de la hausse dans toutes ces paroisses de l'ouest ou du sud du Limousin est cependant inférieur au ralentissement général relevé dans les comptes de la grande baylie. On peut donc penser qu'il est plus fort encore dans les « pays perdus » de l'est.

47Le mouvement stagne ou même s'inverse dans le dernier quart du siècle. Les recettes en argent avaient dépassé les 150 l.t. dans la grande baylie capitulaire en 1473 ; elles sont encore au même niveau en 1481 ; elles sont au-dessous de cette barre en 1481 et à 153 l.t. en 1507 seulement. Les recettes en froment montent à 199 setiers en 1481 mais retombent à 178 setiers dix ans après, à 174 setiers en 1507. Les recettes en seigle perdent près d'une centaine de setiers entre 1481 et la fin du siècle et stagnent encore au début du suivant. A Vignols, les derniers progrès de la recette des grains datent de 1463, de 1476 à Boisseuil et Eyjeaux ; à la Chapelle-Blanche, aucune progression après les années 1480.

  • 32 Graphique des forléaux (Annexe I, p. 212-213). Les forléaux ont déjà été étudiés dans le premier c (...)
  • 33 Ibid.
  • 34 En 1482, le setier de froment valait 1 l.t. soit 3 s.t. de moins qu'en 1504 ; le setier de seigle (...)

48L'étude des forléaux de Limoges32 apporte de précieux compléments d'information sur l'évolution de la production et du marché des céréales et sur le retour des crises frumentaires à la fin du siècle ; sans doute ne retrouve-t-on plus les grandes flambées des prix et les pics élevés qui caractérisaient la courbe des forléaux au début du siècle – l'instabilité monétaire n'est d'ailleurs plus la même. Mais, à partir des années 1480, il y a une suite de « mauvaises années » comme on n'en avait plus connu depuis une génération. Depuis les années 1440, aucune médiocre récolte n'avait fait repasser le setier de grain au-dessus de la livre. Le prix officiel du setier de froment se tenait entre 3 et 16 s.t. et le setier de seigle restait dans une fourchette de 10 s.t.. Une phase de montée régulière dans la longue durée culmine en 1479· En revanche, une nouvelle phase de crise se déclenche dès 1480 et se poursuit encore au XVIe siècle, suite confuse de hausses brutales et de baisses éphémères. Le prix du setier de froment est multiplié par 300, celui du setier de seigle par 566. Petit répit ensuite entre 1487 et 1490, où les prix des céréales retrouvent leur niveau des années 1475. Dès 1491, les prix flambent de nouveau, particulièrement de 1496 à 150833, avec un pic des prix en 1504 : le setier de froment vaut alors, officiellement, 1 l.t. 3 s. et le setier de seigle 16 s.t. 3 d.. Il faut remonter à 1482 et aux débuts de la crise pour retrouver des prix aussi élevés34.

  • 35 GANDILHON (R.), La politique économique de Louis XI, Paris, 1972, p. 143 ; GAUSSIN (P.R.), Louis X (...)
  • 36 CHARBONNIER (P.), « Une autre France... » p. 543.
  • 37 LE MENE (M.), « La conjoncture économique angevine sous le règne de Louis XI », CHEVALIER (B.) et (...)

49Le Limousin ne connaît donc pas le sort de régions comme le Bordelais ou l'Ile-de-France qui, reconstruction réussie, profitent à plein du renversement de la conjoncture européenne à la fin du XVe siècle35. Après un moment de relative et courte euphorie dans le troisième quart du siècle, le Limousin traverse de nouvelles difficultés. Les premiers signes de crise se manifestent dans les années 1480 et se développent encore au siècle suivant. A cet égard, le cas du Limousin s'apparente à celui de l'Auvergne, la province voisine, qui connaît alors de nouvelles tensions36 ou à celui de l'Anjou37. Ni dans l'espace ni dans le temps, la situation agricole de la province n'a été ni longtemps ni pleinement satisfaisante. Une restauration partielle des campagnes n'a pas suffi à assurer un véritable et durable redressement de l'économie rurale du Limousin. Le fléchissement a été rapide, les bons résultats vite compromis.

Bilan de l'état des campagnes limousines à la fin du XVe siècle

50A la fin du XVe siècle, on peut penser que les jeux de la reconstruction sont faits, les positions acquises. Il est temps de tenter de dresser un bilan des reconstructions, de faire le point sur l'état des campagnes, d'en analyser les évolutions et les permanences.

51Aucune source ne permet d'aboutir à des conclusions incontestables. Plusieurs, en revanche, apportent des témoignages partiels, parfois partiaux, parfois contradictoires, des comptes aux terriers en passant par le récit d'un voyageur ou les actes d'un grand procès.

Le témoignage optimiste d'un voyageur

  • 38 DEPREZ (J.), « Jérôme Münzer et son voyage dans le Midi de la France en 1494-1495 »·, Annales du M (...)

52Un seul témoin juge que les campagnes limousines à la fin du XVe siècle sont en bon état. C'est un voyageur et un étranger : Jérôme Münzer fait le voyage de Toulouse à Limoges en février 1492. Il a trouvé les campagnes qu'il a traversées florissantes, particulièrement autour d'Uzerche et de Limoges, où poussent belles vignes et beau froment38. Quel crédit accorder à ce récit flatteur ? Février n'est pas le meilleur mois pour juger de la prospérité des champs et des vignobles. Les petites pousses vertes sans doute aperçues par le voyageur peuvent être aussi bien du seigle que du froment – l'un lui est peut-être plus familier que l'autre. Au-delà de ces considérations agronomiques, ce récit peut porter témoignage sur la reconstruction de « bons pays » et des zones péri-urbaines. Témoignage bienveillant et rapide d'un homme qui ne fait que passer, qui n'a ni le temps, ni l'occasion, ni l'envie peut-être, de connaître les campagnes du Limousin profond. C'est le témoignage sur l'état d'un itinéraire, non d'une région entière.

  • 39 GUIBERT (L.), « Supplique du consulat de Limoges ·, Archives Historiques du Limousin, t. 3, p. 148

53Cette réserve faite, le récit de Jérôme Münzer est moins suspect que le mémoire dans lequel les consuls de Limoges, paraphrasant presque une célèbre supplique des chanoines de la cathédrale, prétendent que la cité de Limoges est restée inhabitée pendant soixante-quinze ans, si ce n'est « par des pêcheurs, des mariniers et autre menu peuple en petit nombre »39.

Plusieurs Limousins ? Les images contrastées d'un procès

  • 40 Cf. chapitre sur la démographie p. 89-96.

54Peut-on espérer découvrir des indications plus complètes et plus fiables dans les actes du procès opposant, à la fin du siècle, le vicomte de Limoges, Alain d'Albret à Charlotte de Montrésor, procès que l'on a déjà présenté ? On a dit combien il était délicat d'exploiter deux mémoires contradictoires, dont l'un pousse tout au noir, pour les besoins de sa cause, alors que l'autre peint une « vicomté idéale ». Il faut faire la part de l'exagération réciproque, mais rappeler aussi que le dossier d'Alain d'Albret s'appuie sur des enquêtes de terrain menées dans le dernier quart du XVe siècle par les receveurs du vicomte de Limoges dans leurs propres châtellenies. On a constaté que ces enquêtes n'étaient pas toujours aussi complaisantes pour la cause vicomtale que le mémoire final et serrent parfois les réalités locales de plus près40.

  • 41 A.D. Pyrénées Atlantiques, E 667 et 669.

55Dans son traité, Alain d'Albret expose que « pendant la guerre des Anglais » tous les châteaux vicomtaux ont été détruits, les terres sont restées en friche. Il ajoute que le pays est demeuré quasi inhabité et que, pendant de très longues années, la vicomté n'a rapporté aucun revenu : « en Périgord et en Limousin, où est assise la vicomté, les gens sont merveilleusement pauvres ». Après ce tableau classique de la ruine de ses possessions, le vicomte de Limoges conclut que le peu de valeur de ses châtellenies rend leur restauration plus onéreuse qu'utile. Elle avait, apparemment, été entreprise pourtant, puisqu'Alain d'Albret avoue en définitive un revenu annuel de 6 000 l.t. dans sa vicomté. Estimation si basse qu'elle est contredite par le « revenu estimé » de 1494, réalisé à partir des enquêtes châtelaines : celui-ci se monte à 8 000 l.t. environ41. Madame de Montrésor considérait, pour sa part, que la vicomté devrait rapporter 15 000 l.t.. Si l'on applique à ces chiffres de mauvaise foi le « coefficient d'exagération » déjà imaginé lors de l'étude des feux, on en arrive à un écart d'un bon tiers entre les deux estimations, reflet, peut-être, de la distance entre une « vicomté heureuse » des débuts du XIVe siècle et une « vicomté souffrante », près de deux siècles plus tard. Madame de Montrésor ne nie pas entièrement les difficultés traversées par la vicomté, même si elle feint de les attribuer, d'abord, aux négligences de son adversaire ; Lorsqu'elle évoque l'état des terres, elle note que « le dit monseigneur ne les a point méliorées, par aucune réparation ni acquisition ». Elle sait aussi que leur remise en valeur a été tributaire de » faulte ou habondance d'habitans qui ont esté ou non esté en un long temps selon les adventures de pestes, de guerre ou faulte d'icelles ». Telle forêt, vaste d'une centaine de séterées, pourrait « être arrentée pour vingt setiers de blé au moins » si on l'avait mise en terre labourable. Ce n'est manifestement pas le cas et le saltus l'emporte sur l'ager. Le temps est plus au retour des friches qu'aux nouveaux défrichements.

56Sous la plume des avocats de la plaignante, ces aveux discrets – avant tout destinés à discréditer l'adversaire – ont un poids particulier : ils disent que toutes choses ne sont pas rétablies dans la vicomté au moment du procès.

57Les défenseurs de monsieur d'Albret le confirment avec outrance : tous les beaux « châteaux rochers » décrits par madame de Montrésor comme des bâtiments de grand prix ont été occupés par les Anglais, réduits en ruine et leurs rares tours branlantes encore debout ne valent plus que quelques livres. Les étangs sont vides, leurs digues rompues. Les moulins sont abattus. Comment faire le partage entre les nécessités de la plaidoirie et les réalités du terrain ? Comment, au-delà de la description d'une nature aristocratique – dans laquelle comptent d'abord le château, la « belle forêt » et ses « bêtes noires ou rousses », les revenus des étangs et des moulins – connaître l'état des champs ?

58Les enquêtes châtelaines répondent, en partie au moins, à la question. Si elles n'échappent pas toujours aux stéréotypes, elles donnent aussi des indications plus concrètes sur l'état des populations et des campagnes. On peut parfois les confronter à ce que l'on sait, par ailleurs, sur l'histoire récente de tel ou tel terroir. Enfin, le montant des revenus de la châtellenie, mis en rapport avec son étendue, donne des indications vraisemblables sur son degré de fortune et de restauration.

59A l'aune de ces enquêtes, le Haut-Limousin – amputé il est vrai de sa partie ouest la plus riche – fait assez piètre figure. Seule la châtellenie d'Aixe présente, pour sa taille, des éléments positifs, avec ses quelque cinq cents feux et ses 400 l.t. de revenus en 1491. Souvent victime du passage des bandes, elle a eu pour atouts la proximité de Limoges – tour à tour dangereuse et favorable – la présence d'une voie de communication fluviale – la Vienne – les « bonnes terres » de la vallée. Elle n'a perdu, avec les corrections d'usage, que 28 % de ses plus hauts revenus.

60Les châtellenies rurales du cœur du Limousin, Chalucet, Chalus, Courbefy sont, apparemment, en situation plus précaire. Aucun receveur ne donne d'estimation de revenus, madame de Montrésor non plus, ce qui est plus inquiétant encore pour leur état. Un enquêteur écrit que la châtellenie de Chalucet est « de médiocre importance et en ruine ». Formule traditionnelle et peut-être outrée en fin de siècle mais à laquelle la multiplication des conflits autour du château donne un certain ton de vérité. Françoise de Montrésor ne laissait-elle pas échapper que des défrichements indispensables n'y avaient pas été menés à bien ?

61Plus au sud du Haut-Limousin, les châtellenies de Saint-Yrieix et de Château-Chervix ont, sans doute, mal pansé leurs plaies : la châtellenie de Saint-Yrieix est presque de la même taille que celle d'Aixe et l'estimation de 1491 ne lui accorde pourtant que 100 l.t. de revenu. La châtellenie de Château-Chervix surtout est, de toutes, celle qui a subi les plus grosses pertes : elle aurait perdu près de la moitié de ses revenus. Madame de Montrésor, elle-même, reconnaît que le château « va en décadence » et que les « étants » ne sont pas « mis en nature ». Le receveur d'Alain d'Albret ajoute, non sans vraisemblance, « que les villages sont très pauvres, en pays infertile et de médiocre revenu ».

  • 42 La paisson pourrait rapporter 400 l.t. selon madame de Montrésor, alors que le revenu n'est que de (...)
  • 43 Messieurs Robert Sauzet, professeur d'Histoire moderne, et Patrick Sauzet, professeur de linguisti (...)
  • 44 La « Montagne limousine » n'est pas l'Oisans. On retrouve pourtant dans ce mémoire comme un écho d (...)

62A l'est de ces terroirs, enfin, la châtellenie de Masseret porte un nouveau témoignage sur l'abandon des plateaux et de la « Montagne ». Son revenu a baissé de 40 % environ. Françoise de Montrésor indique pourtant qu'il y avait là autrefois des foires. C'est surtout un pays de forêts, où la paisson, seule, pourrait rapporter gros42. L'enquêteur du vicomte de Limoges ajoute, non sans quelque vérité sans doute, sous le gonflement et l'emphase, que cette châtellenie est « la plus pauvre de la Guyenne », et ne produit ni vin ni froment. Ses habitants, dépourvus de tout « héritage » vivent, pour la plupart, de mendicité. Les foyers y sont bordiers et « bélugues » – savoureux mot de langue d'oc qui évoque un feu réduit à une étincelle – aveu de la plus grande pauvreté43. C'est le sort des communautés de montagne qui est évoqué ici44.

63L'état du Bas-Limousin vicomtal est meilleur, sans être partout satisfaisant. Aucune châtellenie n'a un revenu qui égale le « revenu idéal » indiqué dans le mémoire de madame de Montrésor. Les châtellenies de Nontron, Auberoche ou Ségur ont subi des pertes sévères, entre 35 et 40 % de leur revenu. Les autres comme Ans, Ayen, Excideuil, Peyzac – les châtellenies du sud-ouest aux sols plus riches – le tiers environ. La petite châtellenie de Genis-Moruscle, au cœur du Bas-Limousin vicomtal, s'en tire avec 25 % de perte seulement. Il y a dans cette partie de la vicomté – plus périgourdine que limousine à bien des égards – des signes de redressement que l'on ne rencontre que rarement en Haut-Limousin. La châtellenie d'Ayen et ses voisines sont « fleurs... de pays », comme l’écrit un avocat et les résultats de la reconstruction s'en ressentent.

  • 45 A.D. Pyrénées Atlantiques, E 656.

64Un dernier document des archives de la vicomté confirme ces oppositions régionales et ces réussites inégales : en 1475, Alain d'Albret avait réclamé aux états de la vicomté l'octroi d'un subside à l'occasion du mariage de Jeanne de Bretagne, sa belle-sœur. Ceux-ci octroyèrent 2 870 l.t. réparties entre les diverses châtellenies. L'essentiel de la contribution fut demandé aux châtellenies du Bas-Limousin, pas à celles du Haut-Limousin : la châtellenie de Saint-Yrieix ne fut taxée que pour 60 l.t., comme la petite seigneurie de Génis-Moruscle, Châteaux-Chervix pour 100 l.t., Aixe et Masseret pour 200 l.t. alors que la taxe moyenne est de 250 l.t. et atteint 300 l.t. en Bas-Limousin. Aucune contribution ne fut demandée aux châtellenies de Courbefy, Chalus et Chalucet45. Etaient-elles jugées trop en ruine encore pour participer, même modestement, à l'effort financier commun ? On pourrait y voir le symbole d'un Limousin rural qui se passe de plus en plus de l'autre, de gré ou de force.

Reconstruction et aspect des campagnes : campagnes nouvelles ou campagnes éternelles ?

Cultures et paysages : une restauration à l'identique

  • 46 Dans les comptes capitulaires, lorsqu'une parcelle est laissée en jachère, le rédacteur précise pa (...)

65Il ne semble pas qu'il y ait eu alors une évolution des techniques de mise en valeur du sol. Il est possible de repérer, à travers certains comptes, le rythme de mise en culture et en jachère d'une même parcelle pendant quelques années46. Il atteste la fidélité du monde rural à l'assolement biennal, en fait bien adapté à la pauvreté des sols et, sans doute, des moyens de culture.

66Les productions restent les mêmes, pour l'essentiel. Dans le domaine des grains, le seigle demeure la première céréale, comme on l'a vu à travers l'étude de l'évolution des redevances en nature. Il est bien adapté à la médiocrité générale des sols, à la rudesse du climat. L'avoine, plus présente que le froment, reste cependant secondaire. L'orge est rare. Le froment, on l'a dit, est trop exigeant pour la qualité des sols. A l'est particulièrement, c'est une rareté. D'autant plus prestigieuses, on tente de sauver en priorité les quelques « terres à froment » du terroir comme le montrent les comptes. Dans la région de Limoges et surtout à l'ouest et au sud, sur les bas plateaux et dans les vallées, sa culture se développe davantage sans jamais concurrencer celle du seigle.

  • 47 A.D. Hte Vienne, 4 E 1, 3 fo 93 (16 octobre 1471). La formule revient deux fois le même jour. Il s (...)
  • 48 « La tenure... » p. 32.
  • 49 Ibid., p. 28.
  • 50 Terriers O Domina et Tue Hodie (DELAUME (L.), Edition du cartulaire de l'évêché de Limoges, fin XI (...)
  • 51 De 1468 à 1472, douze terres de Saint-Bonnet, dans le terrier des seigneurs des Cars, sont accensé (...)

67La viticulture est encore pratiquée partout et chacun veut et peut boire le vin de sa vigne. Elle est cependant particulièrement développée en zone suburbaine et dans les terroirs de l'ouest et du sud où sols et climat sont mieux adaptés à cette production. Elle paraît avoir subi un certain recul, comme l'attestent les formules « terres autrefois vignes »47. Mais le nombre de celles-ci n'est pas si grand. Il est fait parallèlement mention, jusque dans le terrier de Grandmont de 1496, de « terres à replanter en vignes ». Ce terrier décrit pourtant, dans la majorité des cas, des tenures situées sur les plateaux de l'est. La vigne y compte encore pour 10 % environ des parcelles volantes. Dans le terrier de Salagnac de 1491, sur les plateaux marchois, il n'y a pas trace de vignoble48, alors que dans celui de la Chapelle-Blanche, de la même année, la vigne occupe 13 % des parcelles et 5 % du terroir49. Deux siècles auparavant, les deux premiers terriers connus de l'évêque de Limoges, qui couvrent tous les horizons du Limousin, indiquent que la vigne représente entre 12 et 20 % des parcelles volantes50. La comparaison entre ces quatre terriers, compte tenu de leur localisation différente dans l'espace limousin, amène à conclure que s'il y a eu un léger recul de la viticulture, particulièrement à l'est, il y a eu, aussi, reconstruction51. La vigne demeure présente dans l'économie domestique limousine.

  • 52 Le monde des métiers du cuir est également très important à Limoges (PEROUAS (L.), dir., Histoire (...)

68A travers l'étude du commerce des bestiaux, des baux à cheptel et des contrats de métayage, on a déjà pu mesurer la place que tenait l'élevage dans les activités agricoles. La participation de la bourgeoisie, l'importance du « monde de la viande et du cuir », bouchers, tanneurs, corroyeurs, dans une petite ville comme Saint-Léonard confirment la chose52. Cependant, la progression de l'élevage, bovin en particulier, est freinée par une relative insuffisance du nombre des prés et des prairies. Ce handicap ne se dément pas tout au long de la période : au début du XIVe siècle, les prés représentent entre 15 et 25 % du nombre total des parcelles volantes – qui ne constituent pas, à elles seules, l'ensemble du terroir cultivé – dans les terriers épiscopaux. A la fin du XVe siècle, les prés représentent 15 % des parcelles de La Chapelle-Blanche et 8 % des surfaces agricoles, 20 % des parcelles de Salagnac et 15 % des surfaces cultivées – les herbages étant le seul et mince atout des plateaux de l'est. Là encore, les progrès sont modestes.

  • 53 Les études entreprises par J.C. PEYRONNET et A. CORBIN sur les campagnes limousines aux XVIIIe et (...)
  • 54 PEYRONNET (J.C.), Dépouillement de « l'état des fonds » ; CORBIN (A.), Archaïsme et modernité en L (...)

69Dans ces conditions, les paysages ruraux n'ont pratiquement pas changé. A travers les terriers, les registres notariaux et l'étude des confronte cités dans les actes, apparaît un paysage de bocage quasi immuable à l'est comme à l’ouest. Les paysages de Salagnac ressemblent beaucoup à ceux de Saint-Léonard-de-Noblat ou de La Chapelle-Blanche, même si les petites zones de vignoble que l'on trouve ici se font plus rares là. Un habitat de hameau en ordre lâche au centre du terroir, le petit jardin « posé » derrière chaque maison et jouxtant le jardin et le verger du voisin, la mosaïque dominante des petits champs de seigle clos de murets de pierre, parcourue par tout un réseau de petits chemins, les zones vertes des prés en bordure des cours d'eau, les landes et les bois à la périphérie enfin53. Des paysages perdurables jusqu'à l'époque moderne et même au XIXe siècle54.

De la « tenure-bloc » à la « tenure parcellaire » : de vieilles structures en voie d'éclatement ?

  • 55 « La tenure... » p. 33-38.

70Dans ces paysages immuables, la tenure paysanne évolue. On en trouve désormais deux types dans les campagnes limousines, la « tenure-bloc » et la « tenure parcellaire », qui peuvent coexister dans certaines régions du Limousin55.

  • 56 Terriers épiscopaux Tue Hodie et O Domina ; « La tenure... » p. 30.
  • 57 Ibid., p. 20-25.

71La plus ancienne est, sans doute, la « tenure-bloc ». Dominante dans tout le Limousin au début du XIVe siècle, si l'on en juge par les terriers épiscopaux, elle est particulièrement présente dans les terroirs des plateaux de l'est et la « Montagne », conservatoires des formes anciennes, à la fin du XVe56. Elle est en revanche supplantée par la « tenure parcellaire » dans les campagnes de l'ouest57.

  • 58 Le vocabulaire notarial, naturellement conservateur, assimile ce type de tenure à l'antique mansus(...)
  • 59 Les tenures-blocs de Salagnac mesurent entre neuf et quarante hectares alors que les tenures parce (...)

72La « tenure-bloc » correspond au « mansus sive locus », ou au « village » de nos documents58. Les éléments qui la constituent ne sont que rarement précisés, de même que ses dimensions. Comme si sa composition et sa taille étaient anciennes, immuables et de notoriété publique, rendant impossible toute contestation. Elle comprend manifestement toutes les composantes du paysage agricole. Le « lieu » de Cloux, qui est décrit par exception, est constitué de soixante séterées de champs, dix journaux de pré, soixante séterées de terre en friche et abrite trois maisons – un écart – certainement flanquées de leur jardin. Quelquefois, le notaire se contente de donner la surface globale de la tenure et d'en énumérer les éléments. Ainsi, Pierre Fabre, Jean Clément et Pierre Bartholomée sont-ils tenanciers du « lieu » de Monteil d'une superficie de trente séterées avec maisons, granges, jardins, bois, terres cultivées ou incultes. Au total, des ensembles fonciers généralement de bonne taille59, ramassés dans le terroir, qui correspondent à des hameaux et à leurs campagnes environnantes, souvent tenus par des communautés paysannes.

  • 60 Etienne Petot et ses comparsonniers, par exemple, tiennent la moitié du mas de la Forêt alors que (...)

73Ces tenures subissent cependant des partages, au gré de l'évolution des familles de tenanciers, des ruptures, des arrivées et des départs, des redistributions de tenures seigneuriales aussi. Certaines comparsonneries de la seigneurie de Grandmont tiennent, par exemple, un demi-« mas » et quelquefois moins60. Le mouvement n'est pas à sens unique et certaines familles tentent de reconstituer l'unité du mas familial. Cependant, la tendance dominante est à la division de la « tenure-bloc ». L'histoire mouvementée des campagnes aux XIVe et XVe siècles peut y avoir joué un rôle.

74Les « tenures-blocs » sont souvent flanquées de « tenures parcellaires », comme on le voit dans les terriers de Grandmont, Salagnac ou Saint-Moreil. Ces dernières, beaucoup plus morcelées, sont composées de parcelles volantes de terres, prés, vignes ou bois, dispersées aux quatre coins du terroir. Elles ont aussi, en général, une superficie inférieure à celle des tenures-blocs, de l'ordre de trois hectares en moyenne dans la seigneurie de Salagnac. La tenure de Gilbert Bartholaud – une des plus grosses tenures parcellaires puisqu'elle mesure dix hectares – ne compte pas moins de vingt parcelles dont trois de jardins, quatorze de terres, trois de prés. Celle de Martial Chassagnard, qui n'a que quatre hectares environ, en possède autant. Le contraste est fort entre ces deux types de tenures qui coexistent pourtant dans une même seigneurie.

  • 61 « La tenure... » p. 26.

75A l'ouest en revanche, la tenure-bloc a disparu du terrier de La Chapelle-Blanche et seule y existe la tenure parcellaire. Parfois de grande taille, ici, et toujours autant morcelée. La plus grosse a près de trente hectares et pas moins de quarante-deux parcelles, vingt-neuf terres, quatre prés, cinq jardins, un verger, trois vignes ; une autre, de vingt et un hectares, a quinze parcelles de terre, trois de pré, trois de vigne, deux de jardin. Jean Couturier, qui n'exploite qu'une tenure de trois hectares, a neuf parcelles de terre. Ces parcelles sont très dispersées, en règle générale : sur les quarante-deux parcelles de la plus grosse tenure, quatre seulement sont mitoyennes et l'ensemble se répartit sur une trentaine de « terroirs » – pour reprendre la formule du terrier – différents61.

76L'opposition entre pays de tenures parcellaires et pays de tenures-blocs recoupe, une nouvelle fois, l'opposition entre » bons pays » de l'ouest et « mauvais pays » de l'est, reconstruction réussie là, en partie manquée ici, évolution des structures foncières d'un côté, conservation des formes anciennes de l'autre.

77Mais les « bons pays » sont plus rares en Limousin que les « mauvais ». C'est une des raisons majeures de la réussite limitée de la restauration des campagnes limousines. Ce n'est pas la seule.

Reconstruction manquée et recherche des responsabilités

Conditions naturelles et émigration

78Depuis le début de cette étude, on a constamment mis en avant les handicaps naturels du Limousin, insisté sur la médiocrité générale, ou presque, des sols, sur la rudesse du climat, sur les contraintes de la vie en moyenne montagne. On y revient ici, une dernière fois pour souligner combien ces conditions de vie rébarbatives ont pu encourager de nombreux paysans à quitter le pays, à partir du moment où l'occasion leur en était offerte. Comment auraient-ils pu hésiter – surtout lorsqu'ils habitaient les zones particulièrement répulsives de l'est – entre la remise en valeur sans grand encouragement de terres infertiles aux rendements dérisoires et le mirage d'une belle installation, ailleurs ? Comment n'auraient-ils pas choisi d'échapper à la menace permanente de la « mauvaise année » pour s'établir sur de vastes tenures où l'effort de reconstruction serait, à terme, payé de belles récoltes ? Cette émigration de misérables a renforcé à l'intérieur même du Limousin les oppositions entre régions restaurées et régions abandonnées. L'est du pays n'est sans doute pas devenu un véritable désert humain et les villages totalement abandonnés sont rares, dans l'état de nos connaissances. Mais c'est une partie, au moins, des terroirs qui est livrée à la friche. Ce ne sont ni les paysans restés sur place – pas obligatoirement les plus dynamiques- ni les rares immigrants, venus des régions voisines tout aussi pauvres, qui peuvent y porter entier remède. Ils choisissent de sauver d'abord les quelques parcelles de « bonne terre ». Le reste retourne à la lande et à la forêt. Pauvreté des terres et émigration des hommes ont scellé le sort mauvais d'une partie des campagnes limousines.

79L'importance du phénomène migratoire est, ainsi, de nouveau soulignée. Il est une des clefs de l'échec de beaucoup d'entreprises de reconstruction. Le Limousin rural ne paraît pas avoir été ce réservoir démographique capable de revitaliser à la fois les campagnes françaises en ruine et les siennes propres. Lorsque les paysans limousins choisissent de partir, c'est à leur profit et aux dépens de leurs campagnes. La force même des communautés familiales paysannes, qui apparaît, a priori, comme un des rares atouts de la région se retourne contre les intérêts de celle-ci à partir du moment où l'émigration se fait en corps et où le départ d'une grosse famille crée un grand vide et un exemple à suivre. La diffusion des nouvelles et l'annonce de la réussite au loin de quelques-uns a, dans bien des cas, dû pousser d'autres à tenter l'aventure. Ils n'avaient pas, en fait, beaucoup à perdre.

Le poids de la fiscalité

80L'indifférence mêlée d'exigence des plus hautes autorités religieuses et civiles a constitué un autre handicap. Le pape et le roi avaient d'autres soucis, quel que soit l'idéal du bon prince, que la reconstruction des campagnes limousines. Ils n'y lèvent pas moins l'impôt.

  • 62 La papauté « limousine » appartient plus au milieu qu'à la fin du XIVe siècle.
  • 63 Jean Lartigaut cite des remises de décimes qui sont accordées à la fois à tous les diocèses de la (...)

81La papauté avignonnaise a souvent été présentée, avec une exagération certaine, comme une « papauté limousine ». Elle n'a pas fait preuve d'un intérêt particulier pour le sort du Limousin62. Avec le développement de l'administration pontificale et de ses besoins d'argent toujours croissants, les collecteurs pontificaux s'indignaient plutôt des médiocres rentrées d'impôts. Tout au plus pouvait-on s'attendre, à force de suppliques, à quelques remises fiscales. Rien qui distingue vraiment le sort du Limousin de celui des provinces voisines ravagées63.

  • 64 « Confiscation et connaissance d'une seigneurie... » p. 128.

82Si beaucoup d'hommes originaires du Limousin ont fait carrière à Avignon, peu ont mis leur crédit au service de leur province – le cas du cardinal de Saragosse, Guillaume d'Arfeuille, reste isolé qui prête une grosse somme à Guy de Veyrac sous forme de rente constituée64.

83La fiscalité royale s'est montrée, elle aussi, exigeante au XVe siècle, sans faire disparaître toute fiscalité seigneuriale, on l'a vu avec la vicomté de Limoges.

  • 65 Cf. annexe V, « le roi et l'impôt » p. 24 5-250.
  • 66 FLANDIN-BLETY (P.), « Le tocsin des populaires (Limoges 1431) », Les entreprises et les hommes, mé (...)

84La fiscalité indirecte s'est manifestée, notamment, par des « aides au dauphin », puis au roi65. Elle a été mal supportée, en Limousin comme ailleurs, par les populations. La seule émeute connue en Limousin au XVe siècle, par le témoignage d'une lettre de rémission, est provoquée, fort classiquement, par la levée d'une aide et les bruits alarmants qui courent à son sujet dans le petit peuple des villes et des campagnes. La lettre de rémission est en effet accordée à un « laboureur de Limoges », Jehan Dardet. Elle raconte la fureur des « populaires », retenus aux champs alors que se tient l'assemblée commune, le bruit de la rumeur qui annonce qu'ils vont être écrasés par de nouvelles taxes sur le vin, le tocsin qui sonne, les paysans et les vignerons qui se répandent dans la ville, l'invective à la bouche, Jean Dardet insultant l'évêque de Maillezaie, commissaire du roi à l'imposition des aides. Ce « tocsin des populaires » de 1431 traduit l'exaspération des imposables et la lourdeur, réelle ou supposée, de la fiscalité indirecte66.

85Les tailles, si elles rentrent correctement, risquent aussi d'amputer sérieusement les revenus des imposables. Les Etats du Limousin, ou du Haut et du Bas-Limousin séparés, en consentent de considérables et de nombreuses jusqu'en 1451.

86Les premières levées d'impôt sont d'abord justifiées par les besoins de la guerre en Limousin : les Etats du Bas-Limousin votent deux tailles de 5 000 l.t. en 1435 et 2 446 l.t. en 1439, les Etats du Haut-Limousin une troisième de 5 000 l.t. pour la délivrance de Domme – c'est la grande affaire du temps – Mareuil et Courbefy ; en 1439, les Etats du Bas-Limousin accordent encore 5 000 l.t. pour « reprendre Thenon et résister au comte de Huntington ». Enfin, en 1443, les Etats du Haut-Limousin consentent une taille de 11672 l.t. pour mener la « guerre au pays » et reprendre les forteresses du Quercy et du Périgord.

  • 67 Le duc d'Anjou, lieutenant du roi en Limousin, reçoit 200 l.t. en novembre 1434, octroyées par les (...)

87Les causes nationales prennent alors le relais, expédition de Guyenne, en septembre 1442, et surtout « entretien » de la frontière de Normandie. Pour cette dernière, les Etats du Haut-Limousin accordent, entre janvier 1441 et septembre 1442, une dizaine de milliers de livres, les Etats du Bas-Limousin quatorze mille environ. S'ajoutent, à chaque réunion, des sommes généralement plus modestes, « pour frais et affaires du pays », 6 742 l.t. en juillet 1440 ou 2 274 l.t. « pour frais et dons » – autre rubrique traditionnelle67.

88A partir de mars 1442, les Limousins doivent payer pour éviter le passage sur leur territoire des troupes royales en route pour la Guyenne ou en revenant. C'est une taille de 2 000 l.t. en Bas-Limousin en 1442 « pour que les gens de guerre ne passent pas... allant au siège de Tartas avec le roi » ; 13 000 l.t. en février-mars 1445 « pour éviter que les gens de guerre ne viennent piller le pays ».

89Enfin, de 1445 à 1451, ce sont les tailles pour le paiement des « lances » et de la nouvelle armée royale.

  • 68 En juin 1438, la part du Haut-Limousin est ramenée de 12000 l.t. à 9000 l.t. dans une taille royal (...)

90Au total, ce sont au moins 240 000 l.t. qui sont demandées, de 1419 à 1451, au Bas-Limousin, 210 000 l.t. au Haut-Limousin. Lorsqu'on possède le chiffre de la taille exigée du Limousin et celui de la taille générale des pays de Languedoïl – ce qui n'est pas toujours le cas – on constate que la participation du Haut et du Bas-Limousin à l'impôt royal se situe entre 3 % et 9 % de la taille globale. Le Limousin n'est guère plus écrasé de tailles que les autres. Mais c'est déjà beaucoup pour un pays dont le roi reconnaît, en 1439, la « misère des habitants »68. A cette époque, le Limousin n'est certainement pas seul à connaître un manque d'argent. Les exigences royales, même réduites, l'aggravent encore pourtant.

Les responsabilités limousines : les choix du Clergé

91Il serait cependant trop facile de prétendre que les ratés de la reconstruction ne sont dus qu'aux exigences exagérées d'institutions ou d'hommes extérieurs à la province. Les Limousins, eux-mêmes, ont aussi leur part de responsabilité.

92La politique des seigneurs limousins en matière de reconstruction a joué un rôle décisif dans la réussite ou l'échec d'une remise en valeur des campagnes qui s'est faite dans le cadre de la seigneurie.

  • 69 « Comparsonniers et reconstruction rurale... » p. 38.

93Les seigneurs ecclésiastiques possèdent, on l'a vu, une grande part de la terre limousine. A ce titre, ils ont souffert de la crise et des malheurs des temps. La trentaine « d'unions d'églises » prononcées au cours du XVe siècle, comme l'union du prieuré de La Beille à l'abbaye de Saint-Augustin atteste de la ruine persistante de certains de leurs domaines69. Ils ont, d'autre part, proposé des politiques de réduction des rentes qui n'étaient pas sans mérite et qui ont facilité la reconstruction d'une partie, au moins, de leur temporel. Ont-ils eu l'illusion que ces sacrifices étaient suffisants ? Ne pouvaient-ils consacrer une plus grande part de leurs capitaux à la reconstruction des campagnes ? On a constaté, notamment à travers l'étude des affaires des notaires ruraux, que cette participation financière était beaucoup plus modeste que l'on aurait pu le croire.

94On sait que l'Eglise a nuancé depuis longtemps ses positions de principe à l'égard de l'argent. Il faut donc imaginer que les grands propriétaires ecclésiastiques limousins ont eu d'autres priorités qu'un soutien financier d'envergure au relèvement des campagnes. Animer la charité publique, enrichir les trésors d'église, reconstruire les églises dévastées ont pu leur apparaître, par exemple, comme des objectifs prioritaires qui exigeaient de fortes dépenses.

  • 70 A.D. Hte Vienne, 3 G 543 et 544. Les « cornues » sont des pains en forme de Y, fabriquées au momen (...)

95Les comptes du Chapitre cathédral de Limoges montrent la fréquence et l'importance des charités et des distributions publiques. La distribution de vivres et d'argent tout au long de la période constitue un poste majeur des dépenses des diverses baylies. La baylie des anniversaires ou la baylie des cornues – au temps des Rameaux – assurent des charités périodiques70. Elles paraissent particulièrement indispensables en un temps de misère où le nombre des « pauvres à nourrir » augmente sans cesse.

  • 71 Buste-reliquaire de sainte Valérie, « Légende dorée du Limousin, les Saints de la Haute-Vienne », (...)
  • 72 Parmi les œuvres religieuses réalisées entre le milieu du XIVe siècle et la fin du XVe, on peut ci (...)

96L'enrichissement des trésors d'église, une des traditions les plus chères au clergé médiéval, n'a pas été complètement interrompu par la crise : entre 1365 et 1375, par exemple, a été réalisé un des chefs d'œuvre de l'orfèvrerie du temps, un buste-reliquaire de sainte Valérie « en argent doré, émaux translucides et opaques, pierres précieuses, rubis, émeraudes, pierres colorées, pierres d'eau, portant les armoiries en émail de Charles V, Louis II, Jeanne et Jean Ier de Bourbon »71. D'autres pièces maîtresses de la sculpture ou de l'orfèvrerie religieuse datent du XVe siècle72. Ces quelques pièces, dont nous ignorons le prix, ne suffisent pas à mesurer exactement l'effort financier fait par l'Eglise pour enrichir ses trésors. Il peut cependant y avoir là une source de thésaurisation de la richesse ecclésiastique.

  • 73 ARBELLOT (F.), « Comptes de reconstruction de la Cathédrale de Limoges en 1443 et du prieuré d'Aur (...)
  • 74 FAGE (R.) et GRANET (abbé), Archives Historiques du Limousin, t. 3, 1888, p. 124.
  • 75 Saint-Gervais, Hte Vienne, c de Videix, cant. et arr. Rochechouart ; Saint-Cyr-sur-Gorre, c Gorre, (...)
  • 76 Darnac, Hte Vienne, cant. Le Dorat, arr. Bellac, Larche, Corrèze, ch.-l. cant., arr. Brive ; Saint (...)
  • 77 NADAUD (J.), Pouillé du diocèse de Limoges, Limoges 1888.

97Les dépenses ecclésiastiques majeures paraissent avant tout liées à la politique de reconstruction des églises dévastées et en ruine. D'importants travaux ont été menés au XVe siècle à la cathédrale de Limoges et au prieuré d'Aureil73. Surtout, les autorités ecclésiastiques ont entrepris une politique de reconstruction des bâtiments religieux qui a commencé très tôt : en avril 1406, le roi lui-même – qui apparaît ici en prince protecteur des populations et en chef de l'Eglise – interdit que l'on lève des tailles en Limousin pour reconstruire les églises car « les populations ont esté gravement grevez et dommagiez »74. Le mouvement prend de l'ampleur en 1458. Cette année-là, l'évêque de Limoges, Jean Barton, ordonne de rebâtir les églises de Saint-Gervais, Saint-Cyr-sur-Gorre, Challac et Saint-Priest-les-Vergnes75. Autre vague de restauration d'églises en 1474 : c'est le tour des églises de Darnac, Larché, Saint-Hilaire-Taurieux et de Notre-Dame de Beaulieu76. Jean Barton de Montbas, qui succède à son parent sur le siège épiscopal, donne une impulsion nouvelle à cette politique à partir de 1486. Il n'y a pratiquement plus une année sans reconstruction d'églises, vingt entre cette date et 1489, seize entre 1490 et 1499. Au total, on trouve trace dans le pouillé du diocèse de Limoges de soixante-dix églises, chapelles et hôpitaux restaurés de 1458 à 149977. Autant de chantiers qui exigent des gros capitaux. L'Eglise a ainsi choisi des objectifs prioritaires. Les sommes nécessaires à la reconstruction des églises ont manqué à la reconstruction des campagnes.

  • 78 Les Barton font reconstruire le château de Massenon près d'Ahun en 1482 ; le château de Vicq-sur-B (...)

98Enfin, certains grands personnages d'Eglise ont consacré une partie de leurs revenus à des chantiers d'aménagement de leurs demeures. C'est le cas de la famille Barton en 1482. D'autres grands ecclésiastiques en font de même dans leur châteaux de Fraisse ou de Vicq-sur-Breuil78. L'argent va à l'aménagement de la demeure des champs, non des campagnes.

99Ce n'est pas l'activité de quelques individus, comme tel prêtre ou tel chanoine de Saint-Léonard, qui peut compenser cette carence financière du clergé limousin.

Les initiatives de la noblesse et leurs bornes

100Les seigneurs laïcs se montrent plus actifs, en règle générale. Ils ont participé aux sacrifices communs en pratiquant, eux aussi, une politique de « modération des cens » qui a contribué à la restauration d'une partie de leurs fiefs, au moins. Tous ont fait des sacrifices, petits écuyers léonards comme grands seigneurs de Pompadour ou des Cars. Sans en exagérer le montant financier, ces concessions ont pu creuser un trou dangereux dans certains petits budgets aristocratiques.

101Surtout, la noblesse s'est mêlée de près aux problèmes financiers des ruraux. C'est vers leur seigneur, plus que vers les bourgeois de la ville voisine, que se tournent d'abord les paysans pour obtenir quelque argent. Cet appel n'est pas toujours resté sans réponse. Les nobles se sont également soutenus les uns les autres. Les solidarités aristocratiques ont souvent été des solidarités financières.

102Cette attitude d'ouverture aux besoins financiers des autres n'a pas été sans risque. L'endettement nobiliaire n'est pas un mythe. A travers les registres des notaires ruraux, on voit certaines familles, comme celle des Daniel, passer – peut-être par générosité excessive et insouciance du lendemain – du camp des prêteurs au camp des emprunteurs en un siècle. Du coup, l'aristocratie limousine qui avait marqué de son empreinte les premières tentatives de reconstruction de la fin du XIVe siècle – on pourrait alors parler d'une « reconstruction aristocratique » – joue un moins grand rôle dans la reconstruction du XVe, même si certains de ses membres y participent encore activement.

103L'aristocratie limousine connaît donc des difficultés grandissantes, avec l'acuité et la longueur de la crise – un phénomène qui ne lui est pas propre. Ces difficultés, pourtant, ne sont pas synonymes d'une ruine générale.

104Il convient de distinguer, d’abord, le sort des grands seigneurs, gros propriétaires terriens, et des autres.

105Seul le témoignage de madame de Montrésor, dont on connaît les partis-pris, est négatif sur le sort des premiers. Elle crie à la ruine de la vicomté, à l'aliénation des domaines. S'il n'est pas exclu, dans une certaine mesure, que la crise, alliée à une politique de faste et à une certaine négligence, ait mis Alain d'Albret en difficulté, sa prétendue ruine n'est pas certaine ni obligatoirement exemplaire ; l'étude des archives de certaines autres grandes lignées aristocratiques comme les Peyrusse des Cars ou les Pompadour amène à conclure que l'on n'y trouve trace ni de ventes d'envergure ni d'achats considérables. La famille de Veyrac – que l'on peut classer dans la moyenne aristocratie – connaissait dès la fin du XIVe siècle une baisse des revenus fonciers et devait recourir à l'emprunt. Mais ces emprunts n'étaient ni d'un nombre ni d'un montant très élevé. Ils étaient contractés auprès de grands personnages ecclésiastiques ou laïques plus qu'auprès de bourgeois. Aucune aliénation foncière n'était encore indispensable, apparemment.

106Si donc cette grande aristocratie est amenée à emprunter – c'est aussi le cas des seigneurs de Turenne et de leurs vassaux à la fin du XVe siècle – il lui reste un important « capital dormant » de seigneuries foncières et banales. La réaction seigneuriale, qui caractérise les dernières années du siècle, marque à la fois son besoin de capitaux, le maintien de son emprise sur les campagnes limousines et son souci de recouvrer tous ses droits, voire la prise de conscience qu'elle peut exiger davantage de la partie restaurée de ses fiefs.

107Le sort de la petite aristocratie est souvent moins confortable. A travers les registres notariaux, on suit les difficultés de certaines familles de petits chevaliers ou d'écuyers comme les Jornet qui, au fil des emprunts, passent sous la dépendance financière de bourgeois. Il n'est pas toujours sûr que le déclin date obligatoirement de la « crise de la fin du Moyen Age ». Celle-ci n'a fait qu'accentuer parfois des embarras financiers antérieurs : on le verra plus loin pour quelques familles aristocratiques du Bas-Limousin.

  • 79 Le château de Chantemille est construit à partir de 1494 par Louis du Puy ; la maison forte de Vey (...)

108S'agit-il d'un mouvement général ou, seulement, de destins familiaux ? Sans doute, une partie de la piétaille nobiliaire est-elle obligée d'emprunter, de vendre des rentes, de recourir aux « prêts amicaux » et aux prêts sur gages, de vendre quelques parcelles ou un « lieu ». Pour un petit propriétaire terrien, ce sont des choses qui comptent. Mais ces opérations se font souvent, comme le montrent les registres ruraux, auprès d'autres petits nobles. Des écuyers ont encore assez de fortune pour animer la reconstruction de leur canton au XVe siècle, comme ce Martial Davenne si actif dans sa région de Chalus. Vendre un lopin de sa seigneurie ou emprunter de l'argent peuvent constituer aussi bien des signes d'un moment difficile à passer que de la ruine définitive de la famille. Ils sont encore moins synonymes de la ruine de tout un groupe social. A partir des années 1480 s'ouvrent des chantiers pour la reconstruction de maisons seigneuriales79. Comment une petite noblesse désargentée en aurait-elle assuré le financement ?

109Dans la seconde moitié du XVe siècle, la noblesse tient encore solidement les campagnes malgré l'appauvrissement progressif d'une partie de ses membres. Celui-ci est déjà suffisamment grave : si le seigneur est toujours en place, il n'a plus, dans tous les cas, les moyens financiers suffisants pour faciliter la remise en état de ses domaines.

Modestie des ambitions bourgeoises

  • 80 WOLFF (Ph.), « Une famille du XIIe au XVIe siècle, les Ysalguiers de Toulouse », Mélanges d'Histoi (...)

110La bourgeoisie ne prend que très petitement le relais de la noblesse dans les campagnes. Ce n'est pas une bourgeoisie de grande envergure ni par le nombre, ni par le volume des affaires, ni par le tempérament, si l'on en juge par ses livres de raison. On ne saurait lui demander un comportement à l'italienne, ni même à la toulousaine ou à la lyonnaise80.

  • 81 CHEVALIER (B.), Les bonnes villes de France du XIVe au XVIe siècle, Paris 1982, p. 40 et 41 et car (...)

111Une seule grande ville dans la région : Limoges. Elle compte parmi les vingt premières villes de France aussi bien au début du XIVe siècle que deux siècles plus tard81. Mais les autres « villes » du Limousin ne sont que de petites agglomérations qui ne doivent leur statut urbain qu'à la présence d'un consulat. L'activité commerciale s'en ressent, la puissance et la fortune des » bourgeois et marchands » aussi.

  • 82 GUIBERT (L.) éd., Le livre de raison d'Etienne Benoist, p. 30-33.

112La bourgeoisie de Limoges, la seule à posséder d'assez gros moyens financiers – si l'on en juge par le montant de la dot de ses filles à marier – ne fait pas montre d'un très grand intérêt pour le monde rural. Elle possède sans doute, comme les Benoist, quelques domaines dans un rayon d'une vingtaine de kilomètres autour de la ville, mais son influence ne se fait guère sentir au-delà. La banlieue de la ville est le domaine d'élection de ses achats fonciers. Etienne Benoist n'est peut-être pas le seul à suivre le conseil de son ancêtre qui lui recommandait de ne pas trop acheter de terre et de ne pas traiter d'affaires avec les élites rurales82. A quoi bon s'embarrasser de domaines qui coûtent gros à reconstruire et rapportent peu ? Le manque de rayonnement de la bourgeoisie limougeaude et sa faible participation à la vie des campagnes ont constitué un des handicaps majeurs de la reconstruction des campagnes limousines.

  • 83 LORCIN (M. Th.), op. cit. p. 379.

113Les notables ruraux des petites villes du Limousin, Saint-Léonard, Saint-Junien, Brive ou Beaulieu, n'ont pas les moyens financiers des gens de la grande ville. Ils n'en jouent pas moins un rôle plus actif dans les campagnes – proximité oblige. Il n'y a cependant pas parmi eux l'équivalent de ces Chapuis de Condrieu, grands acheteurs des campagnes lyonnaises au XVe siècle83. Si leurs ressources financières sont limitées, leur prudence ne l'est pas moins. Comme le montrent certaines réflexions du « journal » de Gérald Tarneau de Pierre-Buffière, ces bourgeois connaissent bien les campagnes limousines et leur médiocrité : ce ne sont pas des arguments en faveur de la multiplication des achats de terres. Comme pour les bourgeois de Limoges, la banlieue et les proches campagnes – que l'on peut facilement surveiller – sont leurs terrains de prédilection. Au-delà commence le risque inutile.

  • 84 « Présence de la bourgeoisie dans les campagnes... » p. 5-13.

114Lorsque ces bourgeois interviennent dans les campagnes, c'est davantage comme prêteurs – voire comme usuriers – qu'en tant que propriétaires fonciers. Par le biais des baux à cheptel, des prêts sur gages, des rentes constituées et des « prêts amicaux », ils font des affaires avec les seigneurs et les paysans et gagnent quelques zones d'influence. Mais, là encore, les sommes mises en jeu sont trop modestes pour que l'on puisse faire de ces bourgeois, en règle générale, de véritables promoteurs de la reconstruction rurale84.

  • 85 De véritables « entrepreneurs », animateurs et bénéficiaires de la reconstruction se rencontrent a (...)

115Dans cette médiocrité générale, peut-on au moins trouver une ou deux fortes personnalités, quelques familles dynamiques qui seraient comme ailleurs animatrices du relèvement rural et les bénéficiaires de la crise85 ?

  • 86 « Présence de la bourgeoisie... » p. 714-721 ; « Les Massiot et leur livre de comptes... » p. 15-1 (...)

116En Haut-Limousin, seuls les Massiot de Saint-Léonard, bien campés sur tout un arsenal de prêts, bien possessionnés dans la région de Saint-Denis-des-Murs, bailleurs avisés de contrats à cheptel en ont presque l'allure86. Mais leur zone d'influence et leurs investissements financiers demeurent réduits. Ce ne sont des bourgeois conquérants qu'à l'aune d'un piètre dynamisme général.

  • 87 GANE CB.) éd., Le cartulaire des Boussac, mémoire de maîtrise, Université de Limoges, 1976 ; RIBIE (...)

117On a cm, un temps, avoir trouvé en Bas-Limousin des personnages d'une autre dimension : il s'agit de la famille Boussac de Tulle. Elle a fait dresser l'état de ses acquisitions foncières et de ses rentes pendant deux siècles, du XIIIe siècle aux années 143087. Ce « cartulaire des Boussac » est impressionnant. Il compte plus de cent cinquante opérations, acquisition de près d'une quarantaine de « mas », d'une dizaine de borderies, d'une cinquantaine de terres, d’une quinzaine de prés et autant de bois, d'une dizaine de vignes, sans compter les jardins et les vergers. La plupart ont été achetés et plus souvent encore enlevés à réméré à des seigneurs endettés qui n'ont pas pu rembourser leurs dettes aux Boussac. Parmi ces débiteurs, des grandes familles et des petits nobles comme le chevalier Guillaume Vigier qui fait « donation » forcée de ses biens de Gimel, Chaumeil et Saint-Bonnet-Elvert à Guillaume Boussac. Par les prêts à réméré plus que par les achats, la famille se constitue un beau patrimoine foncier autour de Tulle, dans un rayon d'une vingtaine de kilomètres autour de la ville. Ces bourgeois tullois font figure de grands seigneurs et sont d'ailleurs anoblis par Charles V en 1370.

118Cette date, glorieuse pour la famille, marque pourtant le début de ses difficultés. L'étude chronologique serrée de ses acquisitions foncières interdit, en fait, de voir dans les Boussac une famille bénéficiaire de la « crise de la Guerre de Cent Ans », profitant des embarras financiers de l'aristocratie du Bas-Limousin pour s'emparer de leurs terres. Si les Boussac ont bien exploité les difficultés de certains nobles, il faut faire remonter celles-ci à la seconde moitié du XIIIe siècle. Dans le dernier quart de ce siècle, ils réalisent l’essentiel de leurs acquisitions d'envergure. Dans le tiers des cas, il s'agit de « mas », auxquels s'ajoutent quelques borderies et vingt-cinq terres.

119Le rythme des acquisitions se ralentit déjà dans la première moitié du XIVe siècle, même s'il reste soutenu jusque dans les années 1360 – début des temps de malheur en Limousin. Si le cartulaire des Boussac garde trace de soixante-cinq nouveaux gains fonciers, ceux-ci sont souvent moins considérables que dans la période précédente : une dizaine de mas contre vingt-cinq au XIIIe siècle et une majorité de terres volantes, essentiellement situées dans les campagnes des environs de Tulle et souvent achetées à des paysans. Guillaume Boussac acquiert aussi auprès de ce ces derniers une trentaine de rentes constituées.

  • 88 Pour la période 1400-1439, plus aucune indication directe d'achat, de simples reconnaissances – qu (...)
  • 89 Signe des temps : Guillaume III Boussac avait refusé en 1351 le déguerpissement de Martial de Peys (...)
  • 90 Il y a cinq modérations mais aussi, au début du XVe siècle, quelques tentatives d'augmentation de (...)
  • 91 Un seul achat de rente constituée entre 1400 et 1438.

120Ce sont les dernières manifestations d'un dynamisme qui ne survit pas à la montée de la crise. Des années 1370 aux années 1430 – qui marquent la fin du « cartulaire » – les achats se font rares88. Les Boussac, nobles de fraîche date, se comportent comme la plupart des seigneurs : c'est le temps des plaintes, des procès et des arrangements avec les tenanciers. Les Boussac réclament le paiement des arrérages, traînent en justice leurs paysans qui ne paient pas leurs redevances et ne respectent pas les droits seigneuriaux. Ils donnent l'image de seigneurs procéduriers et exigeants89, désormais sur la défensive. Les réductions de rentes qu'ils accordent avec parcimonie à quelques tenanciers ne paraissent pas suffisantes pour retenir ceux-ci à coup sûr90. Les achats de rentes constituées se font rares91. Surtout, les Boussac vendent à leur tour – une opération qui n'apparaissait pas jusqu'alors dans leur cartulaire. Ces ventes sont les indices d'une situation financière qui n'est plus florissante. En témoigne plus précisément la vente, pour une grosse somme, de la maison familiale. Le sacrifice d'un élément du patrimoine familial particulièrement sacré ne peut s'expliquer que par de graves soucis de trésorerie. Les temps sont durs pour les Boussac comme pour les autres et les ventes forcées remplacent les acquisitions d'envergure antérieures à la crise.

121Les Boussac ont eu leur belle époque – plus que toute autre famille de notables connue – et leur dynamisme en affaires n'a pas été un leurre. Mais ce dynamisme appartient désormais au passé et date du XIIIe siècle et du début du XIVe, pas de la fin du siècle et du commencement du suivant. Les Boussac sont forcés à la défensive, comme beaucoup d'autres seigneurs du temps. Loin d'être des bénéficiaires de la crise, ils en sont plutôt les victimes. Ils ne font, en fait, jamais figure d'animateurs de la reconstruction des campagnes.

122Par prudence et manque de capitaux à la fois, la bourgeoisie limousine a, dans une large mesure, manqué le rendez-vous de la restauration du pays.

La reconstruction des humbles : peu de moyens, peu de bénéficiaires

123Les élites sociales sur la réserve ou en position financière de plus en plus délicate, le monde artisanal et le monde paysan étaient dans l'impossibilité de rebâtir seuls les champs.

124Dans une région où l'activité urbaine est faible, les artisans comptaient peu, en nombre et en ressources. Leurs rares achats fonciers se faisaient dans la banlieue. Tout au plus peut-on s'étonner de la passivité des vignerons et surtout des métiers de la boucherie et du cuir qui tiennent pourtant une place de choix dans la société des villes et des bourgs.

  • 92 Il faudrait cependant savoir quand ces Périgord se sont installés à la Chapelle-Blanche. Il n’est (...)
  • 93 « La tenure... » p. 26.
  • 94 « Limites... » p. 21.

125Les paysans ont surtout à offrir leurs bras et des équipes de travail. Il n'y a pas parmi eux un groupe de « riches laboureurs » capables d'animer sur le terrain et financièrement à la fois la remise en culture des terres. Les « coqs de village » sont rares. Il s'en trouve quelques exemples, avant tout, dans certains terroirs privilégiés du pays : c'est le cas des Périgord – peut-être des migrants venus de la province voisine, pour une fois92, à La Chapelle-Blanche. En 1488, Imbert Périgord est à la tête de la plus grosse tenure de la seigneurie, trente hectares et pas moins de quarante-deux parcelles93. On peut penser que les générations familiales successives ont profité des malheurs des temps et des autres pour arrondir peu à peu leur exploitation : en 1403, Gérard Périgord a reçu l'investiture de deux maisons et jardins et de trois vignes en friche94. Un autre gros tenancier de La Chapelle-Blanche, Pierre Gandoy, tient vingt et un hectares en 1484 ; au début du siècle, son ancêtre, Jean Gandoy, a reçu une maison et son jardin en 1406, une terre en 1407. A Vignols, un beau terroir viticole du Bas-Limousin, certains tenanciers arrondissent aussi leurs possessions : Elie de Lobeille reçoit cinq vignes et une masure entre 1404 et 1405, Elie Mestre deux terres en 1390, deux autres en 1399.

  • 95 « Confiscation et connaissance... » p. 134.
  • 96 « Crise et renaissance rurale... » p. 276.

126Ce sont de petites réussites et pourtant rares dans le contexte limousin, réservées à quelques paysans choisis, vivant dans les beaux terroirs. Ailleurs, les plus chanceux et les plus dynamiques – souvent des familles élargies – reçoivent tout au plus un mas ou quelques lopins de terre pour compléter leur exploitation95. Rien qui ressemble à la réussite de la famille Mousnier dans la seigneurie poitevine de Vaussais et Montjean. En 1402, les Mousnier ne tenaient qu'un moulin. Il fut probablement à l'origine de leur fortune. En 1460, le procureur seigneurial leur accense un « albergement » – équivalent poitevin de la tenure-bloc – un pré et un bois contre la promesse de construire une maison en quatre ans. En 1466, ils reçoivent des bois et des terres en friche – à charge pour eux de remettre en culture ce qui leur a été confié. En 1476, ils sont à la tête d'une des plus belles tenures de la seigneurie avec le domaine de la Brunelle, deux autres albergements, des terres, des prés, des « boys, brousses et désert », encore des zones à remettre en culture, peut-être96. Aucune famille paysanne du Limousin n'a eu chance semblable.

127Dans ces conditions, la paysannerie limousine, souvent livrée à elle-même, n'a pas eu les moyens de réussir une remise en valeur satisfaisante de ses terres. Les solidarités de hameau sont fortes et l'on se prête souvent entre voisins. Mais ce sont des prêts de petite valeur qui épuisent pourtant rapidement les possibilités financières du prêteur. La reconstruction en Limousin qui, à certains égards, est une reconstruction entre paysans, pâtit du manque de réserves monétaires de ses principaux acteurs.

Régions sauvées et régions abandonnées, un consensus de fait ?

128Les Limousins, le bilan final le confirme, étaient mal armés pour réussir la restauration de leurs campagnes. Au fil des temps, de la crise et des échecs, se dessine peu à peu un « Limousin utile » – région de Limoges, bas plateaux de l'ouest et Bas-Limousin – constitué par les moins mauvais pays. Il s'oppose de plus en plus à un « Limousin à l'abandon », composé des zones les plus répulsives – hauts plateaux de l'est et « Montagne limousine ». Il semble se dégager de la société limousine une sorte de consensus implicite pour se contenter de résultats partiels et locaux, pour éviter les efforts jugés sans espoir par expérience.

129L'appauvrissement progressif des uns, la prudence des autres, le manque de moyens de tous font de la reconstruction limousine une reconstruction sélective dont les véritables bénéficiaires sont rares. Ceux qui veulent faire fortune s'en vont ailleurs, ceux qui restent se résignent à n'être que des gagne-petit.

Notes

1 La critique du mémoire de madame de Montrésor a été faite dans le chapitre IV consacré à la « démographie et au solidarités paysannes ». Si le gonflement des chiffres ne fait pas de doute, procès oblige, il se tient, comme on a tenté de le montrer, dans des limites acceptables par un tribunal. On ne peut totalement repousser l'hypothèse selon laquelle ces chiffres auraient été inspirés par la lecture d'archives anciennes antérieures au début de la crise du XIVe siècle.

2 Le mémoire d'Alain d'Albret s'appuie – quand il n'en manipule pas les chiffres – sur les enquêtes préalables de ses agents dans leur châtellenie. Ces enquêtes préalables constituent, probablement, les éléments les plus solides et les plus fiables du dossier.

3 Le père DENIFLE a réuni les plus beaux morceaux de cette littérature de plainte et de combat. Certains textes évoquent, à leur manière, la situation des églises du Limousin. Comme la célèbre supplique des chanoines de la cathédrale de Limoges qui décrit avec complaisance la ruine et la désertion de la Cité de Limoges après sa prise par le Prince Noir (DENIFLE (H.), op. cit., p. 299). Alfred LEROUX a fait justice de ces exagérations intéressées (LEROUX (A.), « Le sac de la Cité de Limoges », p. 155-233).

4 A.D. Hte Vienne, Sem. 61.

5 Idem, Sem. 63.

6 Le traité de Brétigny est de 1360 ; un « retour de peste » frappe les pays du centre-ouest en 1361-1363 (BIRABEN (J.N.), op. cit., p. 378).

7 « non solvit » a été systématiquement indiqué dans les registres synodaux du XIVe siècle.

8 Les pays montagneux de l'est sont défaillants. Signe de crise ou misère éternelle ?

9 On ne possède pas les chiffres des synodes de Pentecôte pour 1363 et 1364.

10 Lubersac, Corrèze, ch.-l. cant., arr. Brive ; Vigeois, ch.-l. cant., arr Brive.

11 Elle est rejointe, l'année suivante, par l'église de Dampniat ; Lissac-sur-Couze, Corrèze, cant. Larché, arr. Brive ; Dampniat, cant. Malemort-sur-Corrèze, arr. Brive.

12 Donzenac, Corrèze, ch.-l. cant., arr. Brive.

13 Jean LARTIGAUT rappelle que, dès 1372, une bulle avait réduit de moitié les décimes pour les évêchés de Limoges, Tulle et Cahors éprouvés par les guerres, les mortalités et les tempêtes (LARTIGAUT (J.), op. cit., p. 36). La célèbre « informatio caturcensis » décrit, avec la complaisance habituelle, la ruine du Quercy, proche du Limousin (Ibid., p. 35-45).

14 La Meyze, Hte Vienne, cant. Nexon, arr. Limoges.

15 Saint-Paul, Hte Vienne, cant. Pierre-Buffière, arr. Limoges ; La Porcherie, cant. Saint-Germain-les-Belles, arr. Limoges.

16 « Confiscation et connaissance d'une seigneurie... » p. 123-140.

17 « Limites... · p. 6-31 ; A.D. Hte Vienne, fonds du Chapitre cathédral de Limoges, G 3 ; Sem. 60 et 63.

18 Les recettes en avoine sont de 80 ras avoine en 1400, de 54 ras avoine en 1424 (cf. Les anciennes mesures locales... de la Haute-Vienne, p. 11).

19 37 setiers en 1448 contre 52 setiers en 1405.

20 Graphique des revenus de la baylie de Vignols, « Limites... » p. 22, fig. 3 c

21 Ibid.

22 Sauf en 1403 où elles tombent à 3 l.t.

23 Graphique des revenus de Razès, « Limites... ». p. 22, fig. 3 a

24 Ibid. fig. 3 b. ; Saint-Goussaud, Creuse, cant. Bénévent-L'Abbaye, arr. Guéret.

25 42 l.t. sur 180 l.t.

26 Le bourg de « Saint-Priest · mentionné dans les comptes capitulaires doit correspondre, après vérifications, à Saint-Priest-Palus (Creuse, cant. Bourganeuf, arr. Guéret) et non à Saint-Priest-Taurion, proche de Limoges, comme on l'avait cru d'abord (« Limites... » p. 27).

27 Le calcul des pourcentages des redevances versées en froment à Razès et à Saint-Priest-Palus n'a pas grande signification statistique : l'ensemble des redevances théoriques en froment se réduit à quelques setiers. Le moindre versement donne, en pourcentage, l'impression trompeuse que la situation est satisfaisante. Aussi ces pourcentages ont-ils été présentés entre parenthèses. En revanche, leur persistance montre, comme on le verra plus loin, avec quel soin on conservait les quelques lopins de « terre à froment » sur les plateaux infertiles de l'est.

28 Graphique de la grande baylie, « Limites... » p. 23 fig. 3 d

29 Ibid.

30 Les tenures disparues des comptes de Boisseuil et Eyjeaux ne reparaissent pas, à une exception près. La progression des redevances est peut-être, aussi, une conséquence de la rigueur nouvelle de la perception des redevances, qui caractérise la fin du XVe siècle. Mais n'est-ce pas là, en même temps, un signe de la meilleure santé agricole de ces terroirs ?

31 « Limites... » p. 22, fig. 3 c

32 Graphique des forléaux (Annexe I, p. 212-213). Les forléaux ont déjà été étudiés dans le premier chapitre du mémoire comme indices de « mauvaises années » et de famines en puissance.

33 Ibid.

34 En 1482, le setier de froment valait 1 l.t. soit 3 s.t. de moins qu'en 1504 ; le setier de seigle 15 s.t. soit 1 s. 3 d.t. de moins qu'en 1504.

35 GANDILHON (R.), La politique économique de Louis XI, Paris, 1972, p. 143 ; GAUSSIN (P.R.), Louis XI, roi méconnu, Paris, 1976 ; BOUTRUCHE (R.), op. cit., p. 437 ; FOURQUIN (G.), op. cit., p. 443-447, 502-503. La situation en Normandie paraît moins favorable (BOIS (G.), op. cit., p. 318-329).

36 CHARBONNIER (P.), « Une autre France... » p. 543.

37 LE MENE (M.), « La conjoncture économique angevine sous le règne de Louis XI », CHEVALIER (B.) et CONTAMINE (Ph.) dir., La France de la fin du XVe siècle, renouveau et apogée, Tours, 1985, p. 50-60.

38 DEPREZ (J.), « Jérôme Münzer et son voyage dans le Midi de la France en 1494-1495 »·, Annales du Midi, janv. 1936, p. 53-79 ; PERRIER (A.), « L'itinéraire de Jérôme Münzer à travers le pays limousin-, Bulletin soc. Lettres, Sciences, Arts de la Corrèze, t. 54, 1937, p. 31-37.

39 GUIBERT (L.), « Supplique du consulat de Limoges ·, Archives Historiques du Limousin, t. 3, p. 148.

40 Cf. chapitre sur la démographie p. 89-96.

41 A.D. Pyrénées Atlantiques, E 667 et 669.

42 La paisson pourrait rapporter 400 l.t. selon madame de Montrésor, alors que le revenu n'est que de 200 l.t

43 Messieurs Robert Sauzet, professeur d'Histoire moderne, et Patrick Sauzet, professeur de linguistique, m'ont indiqué le sens de « bélugue ». Je les en remercie bien sincèrement.

44 La « Montagne limousine » n'est pas l'Oisans. On retrouve pourtant dans ce mémoire comme un écho des doléances des habitants du village de Saint-Christophe-en-Oisans lors d'une révision des feux de 1428 (ALLIX (A.), L'Oisans au Moyen Age, Paris, 1929, p. 186-187).

45 A.D. Pyrénées Atlantiques, E 656.

46 Dans les comptes capitulaires, lorsqu'une parcelle est laissée en jachère, le rédacteur précise parfois qu'elle ne doit pas de cens « pro isto anno ». Elle en paie l'année suivante.

47 A.D. Hte Vienne, 4 E 1, 3 fo 93 (16 octobre 1471). La formule revient deux fois le même jour. Il s'agit d'anciennes vignes de Saint-Léonard. La disparition de vignes n'est donc pas un phénomène réservé aux plus mauvaises terres. Les terroirs autour de Saint-Léonard étaient réputés pour leur vignoble et Jean Massiot donne des conseils de spécialiste pour son entretien (« Présence de la bourgeoisie... » p. 715 et note 34).

48 « La tenure... » p. 32.

49 Ibid., p. 28.

50 Terriers O Domina et Tue Hodie (DELAUME (L.), Edition du cartulaire de l'évêché de Limoges, fin XIIIe-début XIVe s., thèse de 3e cycle, Paris, 1980).

51 De 1468 à 1472, douze terres de Saint-Bonnet, dans le terrier des seigneurs des Cars, sont accensées « ad plantandam vineam » ou « pro faciendo vineam ». Un effort particulier est fait entre 1470 et 1472 : ce type d'acte constitue alors la majorité des accensements. Durant la même période, on ne trouve que deux contrats d'accensement de terre « pro faciendo pratum », ce qui confirme la relative pénurie de prés signalée plus loin (A.D. Hte Vienne, fonds des Cars, no provisoire 9728 f. 20, 27 vo, 51, 52, 54 vo, 56, 75, 77, 78 vo 108, 114, 195, 215).

52 Le monde des métiers du cuir est également très important à Limoges (PEROUAS (L.), dir., Histoire de Limoges, p. 108). On peut y joindre le monde des bouchers.

53 Les études entreprises par J.C. PEYRONNET et A. CORBIN sur les campagnes limousines aux XVIIIe et XIXe siècles montrent la permanence des paysages depuis le Moyen Age. Seule a augmenté la part des prés à l'époque moderne, sans doute avec les progrès de l'élevage.

54 PEYRONNET (J.C.), Dépouillement de « l'état des fonds » ; CORBIN (A.), Archaïsme et modernité en Limousin (1845-1880), Paris, 1975, p. 21-27.

55 « La tenure... » p. 33-38.

56 Terriers épiscopaux Tue Hodie et O Domina ; « La tenure... » p. 30.

57 Ibid., p. 20-25.

58 Le vocabulaire notarial, naturellement conservateur, assimile ce type de tenure à l'antique mansus que l'on peut traduire par « mas », même si ce mot n'est que peu employé en Limousin. Le mot « village » y est synonyme de hameau ou d'écart.

59 Les tenures-blocs de Salagnac mesurent entre neuf et quarante hectares alors que les tenures parcellaires y sont beaucoup plus petites, de l'ordre de trois hectares.

60 Etienne Petot et ses comparsonniers, par exemple, tiennent la moitié du mas de la Forêt alors que Pierre, Bartholomée et Guillaume de la Forest tiennent l'autre (« Frérèches et comparsonneries... » p. 124).

61 « La tenure... » p. 26.

62 La papauté « limousine » appartient plus au milieu qu'à la fin du XIVe siècle.

63 Jean Lartigaut cite des remises de décimes qui sont accordées à la fois à tous les diocèses de la région, Limoges, Tulle et Cahors, victimes de la même misère, bénéficiaires des mêmes modérations fiscales. On peut faire remarquer que de grands personnages de la curie avignonnaise sont originaires de ces trois diocèses.

64 « Confiscation et connaissance d'une seigneurie... » p. 128.

65 Cf. annexe V, « le roi et l'impôt » p. 24 5-250.

66 FLANDIN-BLETY (P.), « Le tocsin des populaires (Limoges 1431) », Les entreprises et les hommes, mélanges offerts à Guy Chambon, Paris, 1992, p. 237-276.

67 Le duc d'Anjou, lieutenant du roi en Limousin, reçoit 200 l.t. en novembre 1434, octroyées par les Etats du Haut-Limousin (cf. annexe V, le roi et l'impôt).

68 En juin 1438, la part du Haut-Limousin est ramenée de 12000 l.t. à 9000 l.t. dans une taille royale « à cause de la misère des habitants ».

69 « Comparsonniers et reconstruction rurale... » p. 38.

70 A.D. Hte Vienne, 3 G 543 et 544. Les « cornues » sont des pains en forme de Y, fabriquées au moment des Rameaux. La tradition s'est maintenue jusqu'au XXe siècle.

71 Buste-reliquaire de sainte Valérie, « Légende dorée du Limousin, les Saints de la Haute-Vienne », Cahiers du patrimoine, no 36, 1993, p. 114-119.

72 Parmi les œuvres religieuses réalisées entre le milieu du XIVe siècle et la fin du XVe, on peut citer une statue de sainte Valérie du début du XVe siècle (Ibid., p. 108-109), un buste reliquaire de saint Etienne de Muret, peut-être l'œuvre d'un orfèvre toscan (Ibid., p. 155), un vitrail de sainte Valérie portant sa tête à saint Martial, réalisé dans la seconde moitié du XVe siècle pour l'église abbatiale de Solignac (Ibid., p. 95-96).

73 ARBELLOT (F.), « Comptes de reconstruction de la Cathédrale de Limoges en 1443 et du prieuré d'Aureil de 1457 à 1460 », Bulletin historique et philologique, année 1910, p. 418-440.

74 FAGE (R.) et GRANET (abbé), Archives Historiques du Limousin, t. 3, 1888, p. 124.

75 Saint-Gervais, Hte Vienne, c de Videix, cant. et arr. Rochechouart ; Saint-Cyr-sur-Gorre, c Gorre, cant. Saint-Laurent-sur-Gorre, arr. Rochechouart ; Saint-Priest-lès-Vergnes, Creuse, c Saint-Fiel, cant. et arr. Guéret.

76 Darnac, Hte Vienne, cant. Le Dorat, arr. Bellac, Larche, Corrèze, ch.-l. cant., arr. Brive ; Saint-Hilaire-Taurieux, cant. Argentat, arr. Tulle.

77 NADAUD (J.), Pouillé du diocèse de Limoges, Limoges 1888.

78 Les Barton font reconstruire le château de Massenon près d'Ahun en 1482 ; le château de Vicq-sur-Breuil est commandé en 1511 par Jean de Salagnac, protonotaire du Saint-Siège. C'est une des premières manifestations de la Renaissance en Limousin ; le château du Fraisse est reconstruit pour Jean de Moustier-Marainville, évêque de Bayonne (CASSAN (M.), Le temps des guerres de religion en Limousin (vers 1550-vers 1630). Thèse de doctorat d'Etat, Paris IV-Sorbonne, 1993, vol. 1, p. 176-179).

79 Le château de Chantemille est construit à partir de 1494 par Louis du Puy ; la maison forte de Veyvialle, dans la région de Saint-Léonard, est aménagée par les Daniel. Elle est cependant vendue ensuite aux Massiot – encore un signe des prétentions et des difficultés mêlées des Daniel. Un château est édifié à Champagnac-la-Rivière entre 1484 et 1520 par Jean Boschaud de Brie. Une maison forte est édifiée à Saint-Maurice de la Souterraine par une famille d'écuyers, les Blanchard. Le château de la Brousse, près d'Auzances, est acheté en 1520 par un écuyer, Antoine de la Gorce (Ibid., p. 176-179).

80 WOLFF (Ph.), « Une famille du XIIe au XVIe siècle, les Ysalguiers de Toulouse », Mélanges d'Histoire sociale, no 1, 1942, p. 731-741 ; idem, « La fortune foncière d'un seigneur toulousain au milieu du XVe siècle, Jacques Ysalguier », Annales du Midi, Toulouse, t. 70 n’41, janv. 1958 p. 89-99 ; FEDOU (R.), Le terrier de Jean Jossard, co-seigneur de Chatillon d'Azergue (1430-1463), Paris, 1966 ; Idem, « Une famille aux XIVe et XVe siècles, les Jossard de Lyon », Annales E.S.C., p. 461-480.

81 CHEVALIER (B.), Les bonnes villes de France du XIVe au XVIe siècle, Paris 1982, p. 40 et 41 et cartes hors texte : « Le tissu urbain en 1330 d'après la répartition des couvents des quatre ordres mendiants » (LE GOFF (J.), « Ordres mendiants et urbanisation », Annales E.S.C., 1970) et « Le tissu urbain en 1538 » d'après la taxe levée sur les villes pour la solde de l'infanterie » (Ordonnances du roy de France, règne de François Ier, t. IX, février 1538).

82 GUIBERT (L.) éd., Le livre de raison d'Etienne Benoist, p. 30-33.

83 LORCIN (M. Th.), op. cit. p. 379.

84 « Présence de la bourgeoisie dans les campagnes... » p. 5-13.

85 De véritables « entrepreneurs », animateurs et bénéficiaires de la reconstruction se rencontrent ailleurs, en Saintonge ou dans l'Ouest, par exemple. Remarquons qu'ils ne sont pas des bourgeois : Bertrand d'Ardillon dont l'action a été analysée par J. GLENISSON est un « ancien homme de guerre » (GLENISSON (J·), « La reconstruction agraire en Saintonge méridionale au lendemain de la Guerre de Cent Ans », Revue de la Saintonge et de l'Aunis, 1975, t.1, p. 65-102) ; le second, étudié par J.L. Sarrazin, est un clerc, SARRAZIN (J. L), « Frère Jean Gauget, les activités d'un rassembleur de terres en pays de Rais vers le milieu du XVe siècle », Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest, 1981, 402, p. 135-156.

86 « Présence de la bourgeoisie... » p. 714-721 ; « Les Massiot et leur livre de comptes... » p. 15-18.

87 GANE CB.) éd., Le cartulaire des Boussac, mémoire de maîtrise, Université de Limoges, 1976 ; RIBIERAS (I.), Economie et société en Limousin au Bas Moyen Age, les Boussac de Tulle et leur patrimoine de 1242 à 1339, mémoire de maîtrise, Université de Limoges, C.R.H.M., 1991. Ces deux travaux ont apporté de précieux renseignements. L'interprétation que l'on fait du document – notamment au plan chronologique – est cependant légèrement différente de celle d'I. RIBIERAS.

88 Pour la période 1400-1439, plus aucune indication directe d'achat, de simples reconnaissances – qui peuvent être largement décalées dans le temps par rapport à l'achat (RIBIERAS (I.), tableau p. 180-185).

89 Signe des temps : Guillaume III Boussac avait refusé en 1351 le déguerpissement de Martial de Peysserges ; Guillaume IV Boussac accepte celui d'Antoine Laborderie en 1432. Pas plus que les autres seigneurs, il n'a les moyens de retenir celui qui veut aller chercher fortune ailleurs (Ibid., p. 168).

90 Il y a cinq modérations mais aussi, au début du XVe siècle, quelques tentatives d'augmentation de redevances. Il n'est pas étonnant que certains tenanciers déguerpissent (Ibid. p. 180-185).

91 Un seul achat de rente constituée entre 1400 et 1438.

92 Il faudrait cependant savoir quand ces Périgord se sont installés à la Chapelle-Blanche. Il n’est pas, non plus, exclu que cette famille soit limousine et tire son nom d’une émigration temporaire en Périgord.

93 « La tenure... » p. 26.

94 « Limites... » p. 21.

95 « Confiscation et connaissance... » p. 134.

96 « Crise et renaissance rurale... » p. 276.

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de caractères.
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search