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Le village médiéval et son environnement

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Laurent Feller
, 
Perrine Mane
, 
Françoise Piponnier

Le finage

De la villa au castrum : l'habitat rural dans la châtellenie dauphinoise d'Albon de la fin de l'Antiquité au XIIe siècle

Jean-Michel Poisson

Note de l’éditeur

Il s'agit ici des premiers éléments d'une enquête historique et archéologique sur Albon, menée dans le cadre de l'UMR 5648 (directeur : P. Guichard), à laquelle participent également M. Bois, J. De Meulemeester, Ch. Mazard, M. Palué, ainsi que F. Chartrain, dont le Répertoire chronologique des sources textuelles de l'histoire d'Albon et de son mandement, en cours de réalisation, a été particulièrement utile pour la réalisation de cet article.

Texte intégral

1Le territoire composant l'ancienne châtellenie d'Albon est situé en bordure du Rhône, à une trentaine de kilomètres au sud de Vienne. Il occupe la partie nord du département de la Drôme, aux confins de l'Isère. C'est une entité naturelle composée de la portion de plaine fluviale au débouché de la Valloire, vallée sèche qui relie les Alpes depuis le seuil de Rives jusqu'au cours du Rhône. Cette superficie d'une centaine d'hectares environ est donc limitée au nord par le coteau qui longe le Dolon, au sud-est par la vallée de la Galaure et à l'est par les reliefs plus élevés et boisés qui s'élèvent entre Valloire et Galaure. À l'ouest, la limite est formée par le Rhône sauf sur la longueur du terroir de Champagne, sur la rive droite, qui fait partie de la châtellenie.

2Le relief est composé d'une série de terrasses de cailloutis, étalés par les eaux en avant des glaciers provenant des Alpes et drainées par des ruisseaux comme les Collières, l'Argentelle et le Bancel. La terrasse würmienne la plus basse et plate, de Saint-Rambert à Andancette, fournit les terres les plus légères et les plus fertiles. La partie centrale est occupée par une terrasse moyenne (altitude 200 m) portant Anneyron et, au sud, une longue terrasse plus élevée et plus accidentée qui comporte aussi des couches d'argile bleue. Sur la rive droite, c'est un fragment de plaine en bordure des collines du Vivarais, limité au sud par le Châtelet d'Andance et au nord par le rétrécissement de la vallée. Cette particularité topographique lui a valu le toponyme Campagna. Ici la circulation nord-sud est barrée au niveau d'Andance ; en revanche s'y branche une vallée d'accès au plateau d'Annonay.

  • 2 F. Bourdier, Le bassin du Rhône au quaternaire, Paris, 1962 ; M. Chenevoy et alii, Carte géologique (...)

3Le sol est fait de sédiments d'origine glaciaire et de terres alluviales riches, plus légères sur la terrasse inférieure au nord et à l'ouest, plus caillouteuses sur les terrasses supérieures au sud et à l'est. L'ensemble est bien drainé par une série de ruisseaux2. On est donc dans une zone propice à l'agriculture : céréales en plaine, cultures arbustives et vigne sur les collines, c'est le « jardin du Viennois » des auteurs de l'époque moderne. Du point de vue économique, on est dans une zone de carrefour : sur la rive gauche, l'ancienne voie d'Agrippa reliant Lyon et Vienne à la Provence est un axe de circulation nord-sud à l'échelle européenne ; dans le sens est-ouest viennent s'y joindre les routes en provenance des cols alpins et de la vallée de l'Isère par la Valloire jusqu'à un point de franchissement du Rhône en direction du Vivarais.

  • 3 Voir C. Mazard, Châteaux à motte et évolution du peuplement : de l'ager au mandement. Quelques exem (...)
  • 4 Paroisses et communes de France. Dictionnaire d'histoire administrative et démographique, Drôme, Pa (...)

4Le cadre politique est fourni par les limites du mandement d'Albon, appelé comté d'Albon à l'époque moderne, bordé au nord par celui d'Anjou, à l'est par celui de Moras et au sud par ceux de Vals et de Chateauneuf-de-Galaure3. Aujourd'hui ce territoire est réparti entre cinq communes : Albon, Andancette, Anneyron et Saint-Rambert-d'Albon (Drôme), auxquelles il faut ajouter celle de Champagne (Ardèche). La majeure partie de ce territoire a été constituée à la Révolution en un canton d'Albon (chef-lieu : Saint-Romain), comprenant une vaste commune d'Albon et celle de Mantaille. La première regroupait les paroisses de Saint-Romain, Saint-Martin, Saint-Philibert, Anneyron (commune en 1809), Saint-Rambert (commune en 1840), Andancette (commune en 1872). La commune de Mantaille a été supprimée en 1809 et rattachée à celle d'Anneyron4.

  • 5 J. Brun-Durand, Dictionnaire topographique du département de la Drôme, Valence, 1891 ; A. Clouzot, (...)

5Du point de vue de la géographie ecclésiastique, ce territoire de l'archidiocèse de Vienne, archiprêtré de Saint-Vallier, comportait une dizaine de paroisses au Moyen Âge : Saint-Romain (la plus ancienne, mentionnée dès le VIe siècle), Saint-André d'Andancette (mentionnée au IXe siècle), Saint-Martin et Saint-Philibert (églises de prieurés de Tournus mentionnées depuis le XIIe siècle), Saint-Rambert (église d'un prieuré de l'Ile-Barbe mentionnée depuis le XIIe siècle), Saint-Michel (chapelle puis église dépendant de Toumus, mentionnée depuis le XIIe siècle), Notre-Dame d'Anneyron (église d'un prieuré de Saint-Pierre de Vienne mentionnée depuis le XIIIe siècle), Saint-Laurent de Mantaille (ancienne église mentionnée au XIIe siècle, devenue chapelle dépendant de la paroisse de Saint-Sorlin au XIVe siècle), Notre-Dame (prieuré de Marette fondé au XIIIe siècle sur le territoire d'Andancette, dépendant de Saint-Ruf), Saint-Pierre de Champagne (église d'un prieuré depuis le XIe siècle5. On le voit, il s'agit d'un mandement de grandes dimensions (le plus grand du bailliage de Saint-Marcellin), si l'on compare avec les châtellenies limitrophes : Moras (six paroisses : Moras, Epinouze, Manthes, Saint-Sorlin, Lens-Lestang, Lapeyrouse-Momay) ; Châteauneuf-de-Galaure (sans doute cinq : Châteauneuf, Saint-Bonnet-de-Galaure, Mureils, Montchenu et Saint-Martin-d'Août) ; Vals (quatre paroisses : Fay, Laveyron, Saint-Barthelemy-de-Vals, Sainte-Uze).

  • 6 J. Sautel, Carte archéologique de la Gaule Romaine, XI, Drôme, Paris, 1957.
  • 7 M Le Glay, Informations archéologiques, dans Gallia, 31, 1973 ; J.-M. Lurol, Rapport de fouilles ef (...)
  • 8 A. Blanc, Andancette, dans Bulletin de la Société archéologique de la Drôme, 1927-28 ; L.-B. Morel,(...)

6Cette région, fortement romanisée, fut occupée densément à l'époque galloromaine, surtout dans sa partie plane, au contact du Rhône6. La localité de quelque importance est à cette époque Saint-Vallier (Ursolis), et la Table de Peutinger présente au nord de celle-ci la mention de Figlinis. Ce centre de production de céramique n'a pas été localisé avec précision et il est à identifier, selon les auteurs, avec les lieux-dits Le Cappa (commune de SaintRambert-d'Albon) ou La Tulandière (commune d'Andancette)7. Les trouvailles de surface effectuées en grand nombre depuis le XIXe siècle montrent une grande densité d'occupation du sol non seulement à l'emplacement des agglomérations existantes au Moyen Âge - Saint-Romain d'Albon, Andancette, Saint-Rambert - mais également disséminées sur l'ensemble de la zone s'étendant au nord et à l'ouest du coteau d'Albon. Il s'agit de sites qualifiés par les auteurs de trouvailles de villae (sur la commune d'Anneyron : à Coinaud, Rapon, Les Clotières, Cages, Les Percivaux, Les Petites-Pierres, Les Desmeures ; sur celle de Saint-Rambert-d'Albon : La Tulandière), d'indices de sites d'habitat (“hypogée” à La Béraudière et aux Cotons-sur-Anneyron, “constructions” à Montarus sur Andancette, au Moulin du Temple et à Saint-Philibert-sur-Albon), ou d'artisanat (four à chaux à La Volozière-sur-Anneyron ; four - à céramique ? - chez Bille à Andancette, au Cappa sur Saint-Rambert), d'inhumations (aux Cros et aux Gras-sur-Anneyron), ou de la présence de mobilier en surface (céramique à Coussieux-sur-Anneyron, fragment de statue aux Trois-Maisons-sur-Albon). Enfin on signale aussi de nombreuses traces d'aménagements : voies à Marcoz-sur-Albon, aux Cros-sur-Anneyron, à Bancel-sur-Andancette ; “chenaux enterrés” à Blachette-sur-Andancette et à Lantufet-sur-Albon8.

  • 9 Ces faits, associés à la présence d'argile, devraient faire préférer ce site pour l'identification (...)
  • 10 Ces trois derniers éléments sont les seuls conservés : voir les relevés dans S. Bert, op. cit. à la (...)

7Sans entrer dans le détail de ces informations, du reste très imprécises quant à la datation, l'interprétation, la description et l'emplacement exact, on peut constater que ces indices sont majoritairement groupés dans deux zones : la première va du Rhône à la hauteur d'Andancette jusqu'à Saint-Romain d'Albon en comprenant la plaine entre les deux villages, c'est-à-dire le cours inférieur du Bancel. La seconde s'étend au nord d'Anneyron dans la plaine parcourue par le ruisseau de Collières. Si, dans cette dernière, l'occupation antique semble avoir pris la forme d'établissements ruraux de modeste importance, par contre on note la présence de vestiges plus importants, et plus concentrés, à l'emplacement des villages d'Andancette et de Saint-Romain d'Albon. À Andancette, une densité majeure de vestiges à l'emplacement du village actuel, au bord du Rhône (éléments maçonnés, fragment d'inscription avec moulure, amphores et céramiques sigillées, trésor monétaire - 150 monnaies de Valérien-, statue de Mercure en bronze), et de zones d'inhumations au nord (avec récipients de verre) et au sud (avec épitaphe sur cippe), indiquent la présence d'un habitat plus important, peut-être une petite agglomération, située sur la voie d'Agrippa (trouvaille d'une borne milliaire)9. À Saint-Romain d'Albon, la même constatation s'impose, avec en plus la présence d'éléments à caractère nettement monumental : fut de colonne, fragments de statues (pied en marbre, tête de femme), éléments de mosaïque, chapiteau à feuilles d'acanthe, pierre de parement calcaire avec trou de louve, auge sépulcrale d'enfant creusée dans un fragment d'entablement de marbre blanc10. Ces éléments se rapportent, selon toute vraisemblance, à une importante villa d'époque impériale installée à l’emplacement du village actuel, sur un premier replat de la terrasse d'Albon en bordure de la plaine (lieu-dit Beauregard, altitude 170 m). La qualité architecturale des éléments présents, qui n'a pas d'équivalent dans ce territoire, est à rapprocher du fait que les indices de la présence d'habitats (villae ou autres) sont assez fréquents sur le territoire d'Anneyron mais absents sur celui d'Albon. Il y a donc tout lieu de penser que la villa située à Saint-Romain d'Albon était à la tête d'un vaste domaine foncier s'étendant le long du Rhône entre Saint-Rambert et Andancette, alors que la Valloire présentait un semis de petits établissements ruraux assez peu distants les uns des autres. Il n'est pas impossible non plus qu'à l'emplacement d'Andancette se soit trouvé un établissement complémentaire de la grande villa : site d'étape sur la voie romaine, point de franchissement du Rhône face à Andance, lieu de production artisanale et de commercialisation des produits du domaine.

  • 11 J. Duc, Essais historiques sur la commune d'Albon, Valence, 1900 ; J. Roman, Restes d'une basilique (...)
  • 12 F. Descombes, Recueil des inscriptions chrétiennes de la Gaule, XV, Viennoise du Nord, Paris, 1985, (...)
  • 13 J. de Font-Réaulx, Un nouveau sarcophage chrétien, dans Bulletin des amis de Vienne, 25-26, 1930, p (...)

8Cette esquisse peut être confortée par des éléments qui appartiennent à la période IVe-VIe siècle. Dans ce même village de Saint-Romain d'Albon a été mis au jour vers 1875 un vaste édifice religieux à l'emplacement de l'actuel cimetière, à la sortie nord du village, en bordure de la route. Les dégagements effectués ont montré qu'il s'agissait d'un bâtiment de grandes dimensions, à nef unique, avec abside semi-circulaire, construit en galets et en blocs de molasse, auquel étaient adossées au nord et au sud deux constructions. Dans celles-ci ainsi qu'à l'extérieur au sud se trouvaient une vingtaine de sarcophages, de forme trapézoïdale pour la plupart11. L'un d'entre eux, avec alvéole céphaloïde, est aujourd'hui enchâssé dans la fontaine située derrière le chevet de l'église. Des inscriptions funéraires de 467, 516 et 631 ont fourni des éléments de datation supplémentaires pour ce monument, aujourd'hui disparu12. Par ailleurs, un certain nombre de fragments lapidaires présents à la commanderie de Lachal (commune d'Épinouze), semblent bien provenir du même site, et appartiennent notamment à un sarcophage en marbre de Carrare décoré du motif de l'Anastasis et datable de la fin du IVe siècle13.

  • 14 Les canons des conciles mérovigiens (VIe-VIIe siècle), J. Gaudemet, B. Basdevant (éd.), dans Source (...)

9Après les longs débats qui ont occupé les érudits locaux à la fin du siècle dernier, et en particulier grâce à ces découvertes et à leur interprétation par J. Duc, il ne fait plus de doute aujourd'hui qu'il faille situer à Saint-Romain d'Albon le lieu de la tenue du concile d'Épaone par l'archevêque de Vienne en avril 51714. Il est vraisemblable que cette église funéraire a eu pour origine un édifice du culte établi dans la grande villa du Bas-Empire. Ce lieu d'Épaone, siège paroissial, a été choisi par saint Avit non seulement, comme il le dit lui-même dans sa lettre de convocation, en raison de sa position centrale dans le royaume burgonde, mais aussi parce que, situé dans un domaine dépendant de son Église, il offrait, sans doute encore à cette époque, un cadre monumental apte à accueillir une assemblée de cet ordre. On le voit, les éléments semblent concorder pour affirmer l'existence d'un centre domanial et d'un ensemble architectural majeur à Saint-Romain d'Albon durant la période qui s'étend du Bas-Empire jusqu'à l'époque mérovingienne.

  • 15 E. Baluze, Capitularia regum francorum, Paris, 1677, col. 1433-34.
  • 16 U. Robert, Cartulaire du Pape Calixte II (1119-1124) : essai de restitution, Paris, 1891, I, no 13. (...)
  • 17 C. Blanchard, J. Marion, Andancette, Andancette, 1972.

10Le VIIe siècle semble avoir été une période d'abandon pour cette zone, si l'on en juge par les informations contenues dans le diplôme de Louis le Débonnaire de 831. Celui-ci restitue à l'archevêque de Vienne le vicum qui dicitur Eppaonis (...) ubi erant etiam ecclesie destructe et discoperte, quarum sunt vocabula sancti Andree Apostoli et Sancti Romani Martyris15. Il faut entendre par là le territoire [de l'ancienne villa] d'Épaone, comprenant alors les deux paroisses de Saint-Romain et de Saint-André d'Andancette. L'identification de cette dernière est confirmée par une bulle de Calixte II qui énumère les possessions de l'abbaye de Toumus en 1119 : dans le diocèse de Vienne, l'église Saint-André est mentionnée à côté des autres églises du territoire d'Albon, Saint-Philibert, Saint-Romain et Saint-Michel16. L'emplacement de ces deux églises mentionnées au IXe siècle peut être identifié : Saint-Romain est l'ancienne église du concile de 517, “fouillée” au XIXe siècle, et Saint-André est repérable au lieu-dit Le Couvent à 500 m à l'est de l'actuel centre du bourg d'Andancette. Sa présence est signalée sur le cadastre du XIXe siècle et des vestiges de maçonnerie, probablement médiévale, sont encore visibles aujourd'hui au milieu de constructions rustiques récentes. L'église paroissiale a été édifiée à son emplacement actuel en 184517. On constate ainsi un processus de déplacement de l'agglomération en direction du Rhône - depuis le site médiéval - dont l'achèvement est illustré par la construction d'une nouvelle église au XIXe siècle, l'ancienne se trouvant désormais isolée dans la campagne. Il n’est d'ailleurs pas impossible que le site du village médiéval, au lieu dit Le Couvent, ait été déjà le résultat d'un déplacement vers l'ouest depuis le site antique, au contact de la voie qui, à cet endroit, se détache de la rive du fleuve à cause d'une ancienne courbe (Andance = ad ansam Rhodani).

  • 18 Plan dans J. Duc, op. cit. à la note 11 ; croquis dans A. Steyert, Nouvelle histoire de Lyon et des (...)
  • 19 R. Poupardin, Recueil des actes des rois de Provence (855-928), Paris, 1920, no III.
  • 20 Id., Ibid., no VII, VIII ; U. Chevallier, Régeste dauphinois, Valence, 1913, I, col. 124.
  • 21 Id., Ibid., I, col. 139 ; G. Poupardin, Le royaume de Provence sous les carolingiens (855-933), Par (...)

11Si l'occupation humaine apparaît ancienne et assez dense dans la partie occidentale de notre région, il semble bien que, jusqu'à l'époque carolingienne, la partie orientale, plus accidentée et plus éloignée des voies de communication, ait été peu peuplée : les indices archéologiques remontant à l'Antiquité sont inexistants dans la bibliographie. Cette zone, couverte d'une importante forêt dont témoignent aujourd'hui encore les restes (forêt de Mantaille au sud de Moras, bois des Blains, du Four, Dey, Rigaud, Bois Rôtis au sud-est d'Anneyron, bois de Lune, de Rival à l'est de Saint-Martin, etc.) était sans doute alors inhabitée. En plein cœur de cette zone forestière se trouve le site de Mantaille, qui se présente de nos jours sous la forme des vestiges d'un château médiéval implanté sur un éperon saillant dans la vallée du Bancel (altitude 273 m)18. La première mention de cet établissement est un diplôme du roi Charles de Provence en faveur de l'Église de Vienne, de 858, émis en ce lieu : actum in Mantelo villa19. Plusieurs autres diplômes des rois de Provence sont datés de Mantaille : 861 (14 juillet), actum Mantalo publice ; (22 août) : actum Mantalo ; 863 (30 avril) : actum Mantoliae villa publica20. En 879 s'y réunit une assemblée de prélats et de grands qui élit le comte Boson, roi de Bourgogne (apud Mantalam territorii Viennensis)21. Ces différents actes montrent que ce domaine du fisc comprenait une résidence royale où les souverains carolingiens de Bourgogne résidaient volontiers, sans doute pour y pratiquer la chasse. Le statut public du lieu et, sans doute, une certaine importance au plan architectural, l'avaient fait choisir pour y tenir ce plaid. Il est vraisemblable aussi que l'endroit ait bénéficié de son caractère central dans le royaume de Bourgogne au même titre qu'Épaone, à 5 km de là, plus de trois siècles auparavant pour rassembler les évêques.

  • 22 Id. Chevallier, op. cit. à la note 21, I, col. 144-145 (acte de 883).
  • 23 Id., Ibid., col. 148.

12Il semble qu'au point de vue “politique” le site de Mantaille ait éclipsé à l'époque carolingienne celui d'Albon, alors sans doute en déclin comme on l'a vu. Il n'y a cependant pas eu de transfert de compétences administratives : Albon est chef-lieu d'un ager du pagus de Vienne22, ce qui montre bien que là sont la zone la plus peuplée et les organes de l'administration locale, la résidence royale de Mantaille - isolée en pleine forêt - ne servant qu'au séjour épisodique de la cour. Après son accession au trône d'ailleurs, Boson se sépare de Mantaille : il en fait don au comte Thibert qui la restitue à son tour à l'Église de Vienne (887-890)23.

  • 24 Id., Ibid., col. 143. Biens donnés par l'archevêque à Saint-Barnard de Romans en 908 : coloniam una (...)
  • 25 J. Μabillon, De re diplomatica libri VI, Paris, 1681, no 132.

13C'est également au cours de ce IXe siècle qu'apparaissent d'autres noms de lieux habités dans le territoire d'Albon. Anneyron (villa et loco ubi dicitur Anarionis) se présente déjà comme une petite agglomération rurale : les biens donnés par un certain Arlulfe en 883 à l'Église de Vienne consistent en plusieurs bâtiments (aedificiis, casa indominicata, cum casis) ainsi que des vignes, des prés et des moulins24. Rapon (villa en 926) est un hameau près d'Anneyron25.

  • 26 L. d'Achery, Spicilegium veterum aliquot scriptorum, 1655-77, III, p. 363. Le fait qu'il s'agisse d (...)
  • 27 J. Dufour, Recueil des actes de Robert Ier et de Raoul, rois de France (922-936), Paris, 1978, no 3 (...)
  • 28 J. Duc, op. cit. à la note 11, a voulu voir dans le censier dauphinois de 1267 (Probus, troisième e (...)
  • 29 J. Duc, op. cit. à la note 11, p. 22.
  • 30 U. Chevallier, op. cit. à la note 20, no 1070.

14L'identification de Tortilianum est plus complexe : la proximité de cette villa avec Albon est attestée par une charte de 887-890 par laquelle l'archevêque de Vienne rétrocède au comte Thibert la villa Ebaonem sive Tortillianum26. Cette expression pourrait indiquer qu'à cette époque le lieu d'Épaone porte deux noms ou qu'il est en train d'en changer. À l'appui de cette interprétation on peut indiquer que si le nom de Tortillianum apparaît encore par la suite (924 : in pago Viennensi, Tortilianum cum appendiciis ; 926 : villam Tortilianum... cum omnibus edificiis27), celui d'Épaone disparaît de la documentation, comme si le déclin de cet habitat, attesté par la charte de 831, s'était poursuivi au cours du IXe siècle, malgré le maintien d'un statut de cheflieu d'ager, jusqu'à disparaître au profit d'un nouvel établissement, situé dans le territoire de l'ancienne villa, nommé Tortillianum et qui pouvait n'être qu'une simple curtis28. D'ailleurs la charte de 887/90 insiste sur l'obligation, pour le bénéficiaire, de restaurer les églises ruinées : quae deserta sunt restaurando, quae destituta aedificando, et quae non sunt vestita revestiendo29. De plus, une charte de 926 insiste sur les déprédations subies par la villa : fructum in ea subeuntium enormem devastationem30. On constate également sur le terrain que l'église paroissiale actuelle de Saint-Romain, si elle porte la même dédicace que celle mentionnée en 831, n'est pas située à l'emplacement de l'église où s'est tenu le concile de 517. Il est probable que le déplacement s'est produit au plus tôt à la fin du IXe siècle, époque à laquelle l'église est mentionnée comme en ruine, et à partir de laquelle, nous l'avons vu, l'habitat périclite. Le changement - provisoire - du nom d'Épaone en Tortillianum peut être mis en rapport avec ce déplacement, d'environ 200 m au reste. Le terminus post quem pour l'érection de la nouvelle église Saint-Romain pouvant être le XIIe siècle, comme semblent l'indiquer les éléments les plus anciens de son architecture - croisée du transept et base du clocher - et la date de 1119 à laquelle elle apparaît à nouveau dans la documentation.

  • 31 Op. cit. à la note 16.
  • 32 Id., Ibid.
  • 33 Cf. note 16.

15Dans une étude récente, I. Cartron a démontré les liens étroits existant entre les rois de Bourgogne - et en particulier Boson - et l'abbaye SaintPhilibert de Toumus, qui sont à l'origine de la constitution par cette dernière d'un important domaine dans la région de Mantaille et d'Albon31. Si le détail de ces possessions ne nous est connu que par une bulle de confirmation de 1119, il est vraisemblable que leur acquisition est de peu postérieure à l'élection de Boson, au même titre que celles de Bourgogne, de Genevois ou de Tricastin, pour lesquelles on possède des actes du dernier tiers du IXe siècle32. Si l'on retient cette hypothèse, on peut utiliser l'énumération de la confirmation pontificale pour évaluer les biens acquis par l'abbaye bourguignonne dans le territoire qui nous occupe : cellam (...) Sancti Martini de Aziaco cum cimiterio, (...) cappellam sancti Michaelis de Albon, (...) ecclesiam sancti Philiberti de Minniaco, ecclesia sancti Romani, sancti Andree, ecclesia sancti Ferreoli33. Aux églises déjà mentionnées de Saint-Romain [d'Albon] et Saint-André [d'Andancette], s'ajoutent au moins trois autres dans le périmètre de ce qui sera le mandement d'Albon.

  • 34 Actuellement Saint-Martin-des-Rosiers, hameau de la commune d'Albon. U. Chevallier (éd.), op. cit. (...)

16Il faut, à la suite de J. Brun-Durand, identifier la mention de Saint-Martin d'Azieux dans l'église Saint-Martin [d'Albon], siège d'un prieuré de Toumus jusqu'au XVIe siècle34. La mention de la villa d'Azieux, située à 5 km au sud, dans la vallée de la Galaure, pouvant résulter d'une erreur ou d'un déplacement du toponyme vers le sud. L'habitat installé auprès de cette église, sur le versant nord de la vallée du Bancel, se présente aujourd'hui sous la forme d'un modeste hameau. L'église, en grande partie reconstruite au XIXe siècle, possédait autrefois une abside semi-circulaire visible sur le cadastre ancien.

  • 35 Actuellement Saint-Michel, lieu-dit de la commune d'Anneyron. U. Chevallier (éd.), op. cit. à la no (...)
  • 36 Aujourd'hui Saint-Philibert, hameau de la commune d'Albon. Sur l'église, voir P. Carlier, Saint-Phi (...)

17La chapelle Saint-Michel d'Albon était située à 750 m au nord-est de la tour d'Albon, où des vestiges mentionnés sur le cadastre du XIXe siècle (« mine de la chapelle St Michel ») sont décelables en surface, à quelques mètres au nord de la route d'Albon à Anneyron35. Le fait que cette chapelle ne semble pas avoir acquis de droits paroissiaux avant la fin du Moyen Âge, indique la présence à cet endroit d'une communauté sans doute très modeste. L'église Saint-Philibert [d'Albon], siège d'un prieuré de Toumus, a sans doute été fondée par les moines bourguignons, comme en témoigne le vocable. L'existence du toponyme Minniaco, aujourd'hui disparu, est probablement l’indice de la présence d'une communauté regroupée autour de l'église paroissiale, sur un versant dominant au sud la vallée du ruisseau de Blacheronde (et aujourd'hui l'autoroute A7). L'église à nef unique, construite en moellons de grès, dont les éléments les plus anciens peuvent remonter à la fin du XIIe siècle (nef à contreforts et portail), a subi de nombreuses transformations à partir du XIVe siècle, notamment l'allongement vers l'est et la construction d'un chevet polygonal en molasse36.

  • 37 P. Juénin, Nouvelle histoire de l'abbaïe royale et collégiale de Saint-Filibert et de la ville de T (...)
  • 38 U. Chevallier (éd.), op. cit. à la note 24, app. no 10.
  • 39 Recueil des chartes de l'abbaye de Cluny, A. Bernard, A. Bruel (éd), Paris, 1888, I, no 39.
  • 40 J.-M. Poisson, J. De Meulemeester, Albon 1996, rapport de fouilles, Lyon, 1996 (Service régional de (...)

18L'emplacement de l'église Saint-Ferréol n'a pas pu être encore identifié avec certitude. Il semble bien cependant qu'il faille la placer dans le ressort d'Albon, étant donné sa place dans l'énumération de 1119. Ce martyr du IIIe siècle est une figure marquante du christianisme viennois, ce qui explique la fréquence de cet hagiotoponyme dans le diocèse. Le Dictionnaire topographique de J. Brun-Durand en signale six dans le département de la Drôme, mais aucun dans le diocèse de Vienne, omettant celui-ci, qui est d'ailleurs mentionné de façon certaine dans une autre charte, de 1037, concernant la donation à l'abbaye de Tournus de l'ecclesia Sancti Ferreoli que est sita in archiepiscopati viennensi, cum suis decimis et monte in quo ipsa ecclesia fundata est37. L'église Saint-Ferréeol la plus proche connue est celle des Sablons (commune de Chanas, Isère) à 4 km au nord-ouest de Saint-Rambert-d'Albon sur la rive gauche du Rhône. Elle est mentionnée en 895-896 dans une donation à Saint-Maurice de Vienne : capella et ecclesia S. Fereoli in villa vel loco Sablonis38 et dépend du prieuré de Serrières en Vivarais. Il semble bien qu'il faille attribuer à ce même lieu la mention d'une charte de 935 in pago Viennense, in loco qui dicitur in Riveria, in parochia sancti Ferreole, ultra Rhodano fluvium, étant donné la référence marquée à la proximité du fleuve39. En revanche, on doit convenir que les mentions de 1037 et 1119 se rapportent à une autre église, située dans le mandement d'Albon, dépendant de Toumus, et implantée sur un site de relief. Les vestiges de la chapelle castrale mis au jour sur le site de la Tour d'Albon en 1996 pourraient concerner cette église et le monte in quo ipsa ecclesia fundata est, cette dernière précision pouvant être mise en relation avec la création du site castrai au XIe siècle ainsi qu'on le verra plus loin40.

  • 41 J. Roman, Deux chartes dauphinoises inédites du XIe siècle, dans Bulletin de l'Académie delphinale,(...)
  • 42 G. de Manteyer, op. cit., à la note 21, p. 23-28 (1009).
  • 43 A. Bernard, A. Bruel (éd.), op. cit. à la note 39, IV, no 3542. Avant cette date : Wigo [Guigues le (...)

19Peu avant l'an mille, ce territoire qui avait donc connu un abandon partiel aux VIIe et VIIIe siècles, apparaît comme couvert d'un réseau assez dense d'habitats ruraux qui, pour une part ont pour origine des établissements galloromains (Andancette, Saint-Romain d'Albon, Anneyron), mais qui comporte aussi des points de peuplement nouveaux, situés probablement sur la seconde et la troisième terrasse et les hauteurs du sud-est du territoire. Au coeur de cette zone, plus élévée et nouvellement colonisée, s'implante au XIe siècle un site fortifié dont la première mention est de 1070. Il s'agit d'un acte par lequel le comte Guigues [le Gras] donne en douaire à sa future femme Agnès, fille du comte de Barcelone, des biens dans le comté de Vienne et, en particulier, le castellum Albionem cum appenditiis suis41. Ce n'est pas ici le lieu de s'étendre sur la question de la généalogie des plus anciens personnages formant la lignée des Guigues d'Albon. Les recherches les plus récentes les font descendre d'un premier Wigo originaire d'Annonay dans la deuxième moitié du IXe siècle. Il s'agit d'un lignage largement possessionné en Vivarais, dans le Champsaur et dans l'Oisans dès le Xe siècle. La première mention de biens possédés par les Guigues dans notre région est celle du château de Moras au début du XIe siècle42. Un peu plus tard, les Guigues prennent le titre de comte et, à peu près à la même époque, reçoivent en fief de l'archevêque de Vienne le sud du comitatus viennensis, qui forme le noyau primitif du Dauphiné. Plus que cette concession, d'ailleurs controversée, c'est semble-t-il la création d'un château qui est à associer à ce nouveau pouvoir que traduit l'utilisation du titre comtal : une charte de 1079 le qualifie en effet de Wigo, Dei indultu, oppidi Albionis comes43.

  • 44 U. Chevallier (éd.), op. cit. à la note 24, 1898, no 102.
  • 45 H. Gard, Le château d'Albon, dans Revue du Lyonnais, 1873 ; M. Bois, La tour d'Albon et les château (...)
  • 46 C. Le Laboureur, Les masures de l'abbaye royale de l'Île-Barbe de Lyon, Lyon, 1665, nouv. éd. par G (...)
  • 47 A. Baud, G. Cornu, M. Martiniani-Reber, J.-M. Poisson, J.-F. Reynaud, C. Treffort, Saint Rambert. U (...)
  • 48 Charte de Louis le Pieux de 815 : C. Le Laboureur, op. cit. à la note 46, I, p. 45.
  • 49 P. Martin, Histoire de Saint-Rambert-d'Albon, Saint-Rambert-d'Albon, 1976.
  • 50 Ce péage figure régulièrement dans la recette de deniers des châtelains delphinaux d’Albon à partir (...)

20Nous n'avons, pour dater l'érection du château, que le terminus ante quem de 1070, date à laquelle il apparaît comme déjà existant. Les documents contemporains mentionnent seulement le territoire de l'ancienne villa dont le chef-lieu doit alors se trouver encore à l'emplacement de l'église paroissiale Saint-Romain : Albonno villa (1052), villa de Albon (1080) - pour y situer des biens-fonds objets de donations44. Sur le terrain, le site est implanté sur le rebord de la seconde terrasse, qui forme à cet endroit une avancée bien marquée (altitude 336 m) dominant l'ensemble de la plaine depuis Saint-Rambert jusqu'à Andancette. Il se présente comme une motte castrale formée d'un tertre tronconique artificiel, séparée du reste du relief à l'est par un fossé et un rempart de terre en croissant. Cette éminence porte une tour de pierre carrée appareillée en blocs de molasse réguliers. En contrebas, une plateforme de plan ovale soutenue par des murs de pierre constitue la basse-cour, accolée au versant ouest du tertre. Plus bas encore dans la même direction (altitude 280 m) l'ancien bourg castrai présente une vingtaine de maisons entourées des fragments d'une enceinte de pierre qui monte jusqu'au donjon45. Il apparaît clairement que les Guigues ont choisi pour l'implantation du château un site à la fois central dans l'ancien territoire d'Albon et offrant une protection, par perchement sur le relief. Cette création ne s'est pas accompagnée d'un déplacement de l'habitat : l'ancien chef-lieu paroissial, Saint-Romain, n'ayant pas cessé d'être habité, semble-t-il, depuis le XIIe siècle jusqu'à nos jours. D'une façon générale, on constate que le château a exercé une attraction limitée sur la population des alentours : les agglomérations rurales voisines, dont on a vu qu'elles apparaissent vraisemblablement aux alentours du IXe siècle, sont toujours peuplées à la fin du Moyen Âge. C'est le cas de Saint-Michel [d'Albon], Saint-Philibert, Saint-Martin, Rapon. La création du château n'a pas, semble-t-il, empêché l'éclosion de nouveaux villages dans le territoire de la châtellenie. Au nord de celle-ci, au voisinage du Rhône, à l'emplacement du bourg actuel de Saint-Rambert-d'Albon, est mentionnée au XIIe siècle l'existence d'un prieuré de Fuscimagna dépendant de l'abbaye de l'île-Barbe et dont l'église est placée sous le vocable de Saint-Rambert46. Une étude récente a montré le rôle joué par l'île-Barbe dans le succès qu'a connu au plan régional le culte de saint Rambert au Moyen Âge. Après une première phase, datable du XIe siècle, où l'abbaye bugiste essaime dans les Alpes et en Forez les reliques du saint, la diffusion du culte connaît une seconde vague à partir du XIIe siècle dans les prieurés de l'Île-Barbe47. On ne peut cependant pas affirmer que le prieuré de Fuscimagna n'ait pas existé antérieurement. On sait en effet que l'abbaye de l'île-Barbe est possessionnée au sud de Lyon, où elle a reçu des donations importantes dès l'époque carolingienne, notamment en Tricastin, ainsi que le droit de faire circuler librement un bateau sur le Rhône48. Sur le terrain, l'emplacement de l'ancien prieuré, mentionné jusqu'au XVIe siècle, est matérialisé par le toponyme Fixe-Magne, situé à 1 km environ à l'est du bourg actuel, au nord de la route de Saint-Sorlin. Il présente aujourd'hui une maison de maître (XVIIIe-XIXe siècle), centre d'un ancien domaine (« domaine de Fixe-Magne » sur le cadastre du XIXe siècle). L'église, qui existait encore à cet endroit en 1798 avec le cimetière, a complètement disparu depuis49. L'église paroissiale actuelle a été construite au XIXe siècle, au centre du bourg. Comme on l'a observé précédemment à Andancette, le village de Saint-Rambert d'Albon, situé à l'origine un peu à l'écart du fleuve, a connu un déplacement vers l'ouest, dû sans doute à des raisons économiques : l’existence d'un péage est attestée dès le XIVe siècle50.

  • 51 Comitatus Albionensis, 1134 (U. Chevallier (éd.), op. cit. à la note 44, no 284), semble précéder m (...)
  • 52 1141 : Munaldus de Albione, chevalier (U. Chevallier, op. cit. à la note 20, IV, no 234) ; 1196 : N (...)

21C'est donc au cours du XIIe siècle que le castrum acquiert un statut prééminent à l'intérieur de l'ancien ager Ebbaonensi dont le mandement d'Albon recouvre le territoire51. Cette évolution se traduit par l'accroissement de la population à l'intérieur du nouveau bourg52 et par le prestige d'un ensemble monumental fortifié, lieu de résidence et d'exercice du pouvoir d'un lignage qui, avec le titre de comte, puis celui de dauphin, constitue à partir de ce solide noyau une véritable principauté territoriale.

Notes

2 F. Bourdier, Le bassin du Rhône au quaternaire, Paris, 1962 ; M. Chenevoy et alii, Carte géologique au 50 000e, Serrières XXX-34.

3 Voir C. Mazard, Châteaux à motte et évolution du peuplement : de l'ager au mandement. Quelques exemples dauphinois, dans Château Gaillard XIV, Colloque de Najac, 1988, Caen, 1990, p. 277-291. Sur le mandement de Moras, voir V. Chomel, Un censier dauphinois inédit. Méthode et portée de l'édition du Probus, dans Bulletin philologique et historique du C.T.H.S, 1964, Paris, 1967, p. 319-377.

4 Paroisses et communes de France. Dictionnaire d'histoire administrative et démographique, Drôme, Paris, 1981. Aujourd'hui, la commune d'Albon ne regroupe plus que le territoire de trois anciennes paroisses : Saint-Romain, Saint-Martin et Saint-Philibert.

5 J. Brun-Durand, Dictionnaire topographique du département de la Drôme, Valence, 1891 ; A. Clouzot, Pouillés des provinces de Besançon, de Tarentaise et de Vienne, Paris, 1940 (1275) ; Pouillé du diocèse de Vienne, U. Chevallier (éd.) dans Bulletin de la Société archéologique de la Drôme, I, II et IV (XIVe siècle).

6 J. Sautel, Carte archéologique de la Gaule Romaine, XI, Drôme, Paris, 1957.

7 M Le Glay, Informations archéologiques, dans Gallia, 31, 1973 ; J.-M. Lurol, Rapport de fouilles effectuées à Saint-Rambert d'Albon, Lyon, 1971 ; J.-P. Chavas, Rapport de fouilles du Cappa, Saint-Rambert, Lyon, 1973 (Service régional de l’archéologie).

8 A. Blanc, Andancette, dans Bulletin de la Société archéologique de la Drôme, 1927-28 ; L.-B. Morel, Notes archéologiques sur Andancette, Ibid. 1961, p. 399-405 ; J. Ollier, Saint-Rambert d'Albon. Ruines romaines, dans Cahiers Rhodaniens, V, 1958, p. 80-82 ; Ministère de la culture, base de données de la carte archéologique DRACAR, Lyon, Service régional de l'archéologie ; informations fournies par Cl. Boisse, Ch. Mazard, P. Réthoré. La plupart de ces informations, ainsi que des découvertes inédites, ont été rassemblées dans S. Bert, L'occupation du sol sur le territoire d'Albon durant l'Antiquité et le Moyen Age : continuité ou rupture ?, Mémoire de maîtrise en sciences et techniques, Université Lyon II, 1994.

9 Ces faits, associés à la présence d'argile, devraient faire préférer ce site pour l'identification de Figlina plutôt que Saint-Rambert, où la densité des vestiges gallo-romains est bien moindre.

10 Ces trois derniers éléments sont les seuls conservés : voir les relevés dans S. Bert, op. cit. à la note 8.

11 J. Duc, Essais historiques sur la commune d'Albon, Valence, 1900 ; J. Roman, Restes d'une basilique et d'un cimetière de l'époque mérovingienne à Saint-Romain d'Albon, dans Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France, 1881, p. 124-127 ; A. Blanc, La basilique paléochrétienne de Saint-Romain d'Albon, dans Cahiers rhodaniens, V, 1964, p. 62-68 ; M. Colardelle, Sépultures et traditions funéraires du Ve au XIIIe siècle dans les campagnes des Alpes françaises du Nord, Grenoble, 1983 ; N. Duval, Albon. Basilique paléochrétienne. Les premiers monuments chrétiens de la France, I, Sud-Est et Corse, Paris, 1995, p. 224-226.

12 F. Descombes, Recueil des inscriptions chrétiennes de la Gaule, XV, Viennoise du Nord, Paris, 1985, p. 244-250. Les sondages effectués en 1975 ont confirmé la disparition du monument : J.-F. Reynaud et alii, Sondages archéologiques au cimetière de Saint-Romain d'Albon (Drôme), Lyon, 1975 (Service régional de l'archéologie).

13 J. de Font-Réaulx, Un nouveau sarcophage chrétien, dans Bulletin des amis de Vienne, 25-26, 1930, p. 75-77 ; J. Saunier, Un fragment de sarcophage paléochrétien du IVe siècle découvert à Lachal (Drôme), dans Cahiers rhodaniens, 1956, p. 63-65 ; M. Palué, Les fragments de sarcophages paléochrétiens de Lachal, dans Revue drômoise, 90, no 482, 1996, p. 163-170.

14 Les canons des conciles mérovigiens (VIe-VIIe siècle), J. Gaudemet, B. Basdevant (éd.), dans Sources chrétiennes, I, Paris, 1989, p. 96-99 ; G. Rivoire de La Bâtie, Albon et le concile d'Épaone : notice sur le lieu où fut tenu le concile en 517, dans Revue du Dauphiné, 1877 ; J. Duc, op. cit. à la note 11 ; C. Bellet, Une question de géographie historique. Épaone, dans Bulletin de la Société archéologique de la Drôme, 56, 1922, p. 348-360 ; A. Magnat, Identification d'Epao, Ibid, p. 249-251 ; H. Leclercq, Épaone, dans Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie, V, 1922, col. 107-111.

15 E. Baluze, Capitularia regum francorum, Paris, 1677, col. 1433-34.

16 U. Robert, Cartulaire du Pape Calixte II (1119-1124) : essai de restitution, Paris, 1891, I, no 13. I. Cartron, Le domaine méridional de l'abbaye de Toumus, approche historique et archéologique, dans Saint-Philibert de Tournus. Histoire, archéologie, art, Actes du colloque du C.I.E.R., Mâcon, 1995, p. 533-554.

17 C. Blanchard, J. Marion, Andancette, Andancette, 1972.

18 Plan dans J. Duc, op. cit. à la note 11 ; croquis dans A. Steyert, Nouvelle histoire de Lyon et des provinces du Lyonnais, Lyon (1893), 1989, II, fig. 152.

19 R. Poupardin, Recueil des actes des rois de Provence (855-928), Paris, 1920, no III.

20 Id., Ibid., no VII, VIII ; U. Chevallier, Régeste dauphinois, Valence, 1913, I, col. 124.

21 Id., Ibid., I, col. 139 ; G. Poupardin, Le royaume de Provence sous les carolingiens (855-933), Paris, 1901 ; G. de Manteyer, Les origines du Dauphiné de Viennois. La première race des comtes d'Albon (843-1228), dans Bulletin de la société d'études des Hautes-Alpes, XLIV, 1925, p. 50-140.

22 Id. Chevallier, op. cit. à la note 21, I, col. 144-145 (acte de 883).

23 Id., Ibid., col. 148.

24 Id., Ibid., col. 143. Biens donnés par l'archevêque à Saint-Barnard de Romans en 908 : coloniam unam in Anarone, cf. Id., Cartulaire de Saint-Bamard de Romans, Romans, 1898, no 6. Biens donnés par un certain Berelon à Saint-Maurice de Vienne en 993 : in villa Anaironae, cf. Id., Cartulaire de Saint-André-le-Bas de Vienne,1869, no 237.

25 J. Μabillon, De re diplomatica libri VI, Paris, 1681, no 132.

26 L. d'Achery, Spicilegium veterum aliquot scriptorum, 1655-77, III, p. 363. Le fait qu'il s'agisse de la même villa est confirmé par le texte lui-même, qui parle de trois villae : Mantaille, Albon ou Tortillianum, et Génissieux.

27 J. Dufour, Recueil des actes de Robert Ier et de Raoul, rois de France (922-936), Paris, 1978, no 3 ; J. Mabillon, op. cit. à la note 25, no 132.

28 J. Duc, op. cit. à la note 11, a voulu voir dans le censier dauphinois de 1267 (Probus, troisième enquête) la mention Mas de la Tortelez, qu'il situe à proximité du village de Saint-Romain, et qu'il rapproche phonétiquement de Tortillianum. La transcription effectuée par H. Falque-Vert de ce document semble devoir faire abandonner cette lecture au profit de La Borrelleri. Je remercie M. Falque-Vert d'avoir bien voulu me communiquer sa transcription inédite.

29 J. Duc, op. cit. à la note 11, p. 22.

30 U. Chevallier, op. cit. à la note 20, no 1070.

31 Op. cit. à la note 16.

32 Id., Ibid.

33 Cf. note 16.

34 Actuellement Saint-Martin-des-Rosiers, hameau de la commune d'Albon. U. Chevallier (éd.), op. cit. à la note 5 : prior sanct Martini de Albone (XIVe siècle).

35 Actuellement Saint-Michel, lieu-dit de la commune d'Anneyron. U. Chevallier (éd.), op. cit. à la note 5, p. 13 : capellanus Sancti Michaelis Albonis (XIVe siècle) ; ecclesia en 1521, verse les dîmes à Toumus ; cf J. Brun-Durand, op. cit. à la note 5, s.v.

36 Aujourd'hui Saint-Philibert, hameau de la commune d'Albon. Sur l'église, voir P. Carlier, Saint-Philibert, dans La Drôme romane, Taulignan, 1989, p. 23.

37 P. Juénin, Nouvelle histoire de l'abbaïe royale et collégiale de Saint-Filibert et de la ville de Toumus, Dijon, 1733, Π (preuves), p. 125 ; cf. I. Cartron, op. cit. à la note 16 et thèse en cours à l’Université de Provence.

38 U. Chevallier (éd.), op. cit. à la note 24, app. no 10.

39 Recueil des chartes de l'abbaye de Cluny, A. Bernard, A. Bruel (éd), Paris, 1888, I, no 39.

40 J.-M. Poisson, J. De Meulemeester, Albon 1996, rapport de fouilles, Lyon, 1996 (Service régional de l'archéologie).

41 J. Roman, Deux chartes dauphinoises inédites du XIe siècle, dans Bulletin de l'Académie delphinale, 20, 1885, p. 369-374 ; voir aussi Liber feudorum maior, F. M. Rosell (éd.), Barcelone, 1967, II, no 873 (castro Albionis).

42 G. de Manteyer, op. cit., à la note 21, p. 23-28 (1009).

43 A. Bernard, A. Bruel (éd.), op. cit. à la note 39, IV, no 3542. Avant cette date : Wigo [Guigues le Vieux] cornes en 1016 (Cartulaire de saint Hugues) ; 1035 (Cartulaire de l'abbaye de Saint-Chaffre du Monastier, U. Chevallier (éd.), Paris, 1884) ; 1070 (Signum Wigoni comitis, document cité). Sur le problème de la concession du comitatus Viennensis, voir G. de Manteyer, op. cit. à la note 21 ; Histoire du Dauphiné, B. Bligny (dir.), Toulouse, 1973 ; C. Mazard, op. cit à la note 3.

44 U. Chevallier (éd.), op. cit. à la note 24, 1898, no 102.

45 H. Gard, Le château d'Albon, dans Revue du Lyonnais, 1873 ; M. Bois, La tour d'Albon et les châteaux à motte, dans Le comté d'Albon, P. Martin (dir.), Association universitaire d'études drômoises, 4, 1978, p. 17-27 ; Id., La tour d'Albon, dans Châteaux médiévaux en Rhône-Alpes (Art et archéologie en Rhône-Alpes, no spécial 6), Lyon, 1990, p. 60-61 ; J.-M. Poisson, Albon (Drôme), "La Tour", dans Chronique des fouilles médiévales en France, Archéologie médiévale, 26, 1996, p. 268-269.

46 C. Le Laboureur, Les masures de l'abbaye royale de l'Île-Barbe de Lyon, Lyon, 1665, nouv. éd. par G. Guigue, 1887,1, p. 111 (1163 ou 68) et 117 (1183).

47 A. Baud, G. Cornu, M. Martiniani-Reber, J.-M. Poisson, J.-F. Reynaud, C. Treffort, Saint Rambert. Un culte régional depuis l'époque mérovingienne (histoire et archéologie), Paris, CNRS Monographies du CRA, 14, 1995.

48 Charte de Louis le Pieux de 815 : C. Le Laboureur, op. cit. à la note 46, I, p. 45.

49 P. Martin, Histoire de Saint-Rambert-d'Albon, Saint-Rambert-d'Albon, 1976.

50 Ce péage figure régulièrement dans la recette de deniers des châtelains delphinaux d’Albon à partir de l’exercice 1315-1316 (AD Isère 8 B 348, f. ΧΧII = 24). Cf. F. Chartrain, op. cit. à la note 1. Voir également R.-H. Bautier, J. Sornay, Les sources de l'histoire économique et sociale du Moyen Âge, Paris, 1968, I, p. 128 et J. de Font-Réaulx, Un itinéraire le long du Rhône au XIIIe siècle, dans Bulletin de la Société archéologique de la Drôme, LVII, 1923, p. 89-93.

51 Comitatus Albionensis, 1134 (U. Chevallier (éd.), op. cit. à la note 44, no 284), semble précéder mandamentum, 1201 (bulle d'innocent III, cf. J. Brun-Durand, op. cit. à la note 5, s.v.).

52 1141 : Munaldus de Albione, chevalier (U. Chevallier, op. cit. à la note 20, IV, no 234) ; 1196 : Nanthelmus de Albione, chevalier (L. Hauréau, Gallia christiana, 1865, XIV, no 404 b). À la même époque, l'ancien chef-lieu de Saint-Romain semble en décadence : il est qualifié de Mansum Sancti Romani en 1157 (U. Chevallier, op. cit. à la note 24).

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