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Les saints ermites et moines dans la peinture murale byzantine

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Svetlana Tomekovic

Préface

Nano Chatzidakis

Texte intégral

1Le présent ouvrage est le résultat d’une initiative amicale, qui témoigne du respect envers l’important travail, resté inachevé, de notre collègue Svetlana Tomeković, disparue prématurément en 1994, à l’âge de 53 ans. Il faut apprécier les efforts déployés par nos collègues Lydie Hadermann-Misguich et Catherine Jolivet-Lévy, pour rendre possible la publication de cette étude, dont la version originale comprenait plus de 800 pages. Elles ont dû maîtriser un matériel immense et l’ajuster à une nouvelle présentation, plus conforme aux nécessités de l’édition. Il est évident que depuis la rédaction du texte (1994), les témoignages sur les figurations des saints ermites et moines se sont enrichis grâce à la publication d’un grand nombre de monuments, inconnus jusqu’alors. Aussi les responsables de l’édition ont-elles pris l’initiative, non seulement de remanier le plan, mais encore de réaliser une mise à jour partielle, en tenant compte, dans la mesure du possible, de l’enrichissement du répertoire des saints et des monuments, tâche obligatoirement limitée en raison des contraintes éditoriales. Leur contribution décisive à la présentation du matériel est explicitement présentée dans leur avertissement introductif.

2Cet ouvrage offre un panorama global des représentations des moines et des ermites de tout genre (saints isolés, scènes indépendantes et cycles des vies), fondé principalement sur leurs représentations dans la décoration des églises, et accessoirement dans les manuscrits et les icônes. Il s’agit d’un travail énorme, qui ne saurait cependant être exhaustif ; d’ailleurs le nombre accru des représentations des saints ermites et moines au cours du xive siècle avait déjà obligé l’auteur à se limiter aux « ensembles les plus représentatifs » de l’époque.

3Le matériel est analysé en trois grandes parties, le corpus des saints (répertoriés dans les fiches de la dernière partie de l’ouvrage) étant examiné chaque fois sous un angle de vue différent.

4La première partie de l’ouvrage concerne l’iconographie des saints ermites et moines. L’auteur, après avoir distingué dans un premier chapitre, les types prédominants et la formation des types iconographiques de chaque saint, a différencié les effigies « à caractère prédominant » qui apparaissent plus nombreuses au xie siècle, de celles qui ont été constituées par étapes et de celles qui présentent une iconographie variable. Dans un deuxième chapitre, elle procède à l’examen des caractéristiques précises concernant la légende habituelle des saints, les attitudes et les textes des rouleaux, puis elle étudie systématiquement les différentes parties de l’habit monastique : le manteau, la tunique, l’analabos (scapulaire), les chaussures, le koukoullion (capuche) et les autres types de couvre-chefs, et enfin la ceinture et les autres accessoires ainsi que les habits particuliers.

5Dans un troisième chapitre, elle essaie de retracer l’évolution de l’iconographie ascétique en examinant le portrait et l’habit des ascètes suivant l’ordre chronologique, en se fondant d’une part sur l’iconographie et de l’autre sur les témoignages écrits. L’auteur remarque que le « portrait » ascétique fait son apparition dans les peintures des viiie-xe siècles, les plus anciennes représentations connues étant celles d’Euthyme et de Sabas de Jérusalem à Santa Maria Antiqua à Rome (viiie siècle) ; pendant la période pré-iconoclaste, la première place est tenue par les ascètes ayant vécu en Egypte et en Palestine, alors que les ascètes d’Asie Mineure et de Constantinople viennent ensuite ; à la fin de ce groupe apparaissent les ascètes qui se situent dans les autres régions de l’Empire byzantin. Les moines dont l’activité eut lieu lors du premier et du second iconoclasme, comme Etienne le Jeune et Théodore Stoudite, sont classés dans un autre groupe plus restreint.

6Un groupe important d’ascètes a vécu à l’époque post-iconoclaste du ixe au xive siècle ; il est intéressant de signaler que les représentations de ceux-ci sont beaucoup moins courantes, à l’exception de celles du fondateur de la communauté athonite, Athanase, dont le culte a connu une grande expansion dans les milieux athonites. Les effigies « à caractère prédominant », chronologiquement proches de la diffusion du Ménologe illustré de Métaphraste, apparaissent plus nombreuses au xie siècle dans le décor de l’église, à la Néa Moni (1049-1055) et surtout à Hosios Loukas (première moitié du xie siècle), comme celles de Jean Kalybitès, Daniel le Stylite, Etienne le Jeune et Théodore Stoudite, Luc le Steiriôtès et Nikôn le Métanoïte.

7Une nouvelle vague de représentations de saints moines et ascètes date du xiie siècle. Parmi eux on peut compter Euphrosynos, Xénophon avec Arkadios et Jean, Théodose de Skopèlos, Théodoulos, David de Thessalonique, Joasaph et Néophyte le Reclus, saint local de Chypre, dont l’effigie apparaît trois fois parmi les fresques de son ermitage à Paphos ; dans la même île, figure également, avec une fréquence remarquable, l’effigie d’Andronic (Asinou, Lagoudéra, Paphos-naos). Enfin un dernier groupe de saints fait pour la première fois son apparition dans les décorations du xive siècle ; parmi eux on peut citer Moïse l’Éthiopien, Barbaros l’Éthiopien, Marc de Thrace et Pierre l’Athonite, dont la première effigie date, selon l’auteur, de la fin du xiiie ou du début du xive siècle (Panagia Olympiotissa d’Élasson et Prôtaton).

8Dans une deuxième partie de l’ouvrage, l’auteur examine les cycles de la vie des saints ermites et moines. Elle remarque qu’ils apparaissent après l’iconoclasme, au cours du ixe siècle. Le cycle des scènes biographiques de chaque moine est examiné suivant l’ordre chronologique de son apparition dans les décorations ; le groupe des saints de la première période, qui s’étend jusqu’au xiiie siècle, comprend des saints connus tant dans les parties orientales et centrales qu’à la périphérie de l’Empire, comme c’est le cas pour le cycle de la vie de Marie l’Égyptienne (Rome, temple de la Fortune Virile, 872-882), de Syméon Stylite l’Ancien (Zelve, début du xe siècle) et d’Antoine le Grand (Rome, Santa Maria Antiqua, xe ou xiiie siècle, et Sant’Angelo in Formis, fin xiie siècle). Il faut relever le fait que les cycles avec les scènes de la vie de saints locaux sont déjà présents au xie siècle en Géorgie avec la vie de David Garedželi, un saint connu seulement en Géorgie (Udabno et Mocameta). D’autre part, vers la fin du xiiie siècle, font leur apparition les cycles des saints de la nouvelle Église du royaume de Serbie comme Siméon Nemanja et Sava dans la série bien connue des églises de Studenica, Sopoćani, Gradac et Toplica. Les scènes de la vie de Jean de Rila (tour de Chreljo, 1334/1335) sont classées dans le groupe examiné dans un deuxième chapitre qui réunit les cycles du xive et du xve siècle. Dans ce groupe, on peut relever encore les cycles des saints qui apparaissent pour la première fois dans les décors des églises de Thessalonique, comme Euthyme le Grand (Saint-Démétrius, chapelle Saint-Euthyme, 1303) et Gérasime (Saint-Nicolas Orphanos, 1314-1317), et d’autres, déjà connus, comme Antoine le Grand, dont le culte se répand également, tant à Mateić, en Serbie, que dans le village de Soughia, en Crète vénitienne (église de Saint-Antoine, 1382-1383), île où l’on rencontre également le rare exemple des scènes du cycle de la vie de Pélagie la Pénitente (Apano Vianos, Sainte-Pélagie, 1360). Le troisième et dernier chapitre de cette partie présente les remarques de conclusion sur la question du choix des thèmes, de l’organisation de l’illustration ascétique et des modèles de l’iconographie des cycles biographiques.

9Dans la troisième et dernière partie de ce travail, l’auteur examine une question plus complexe souvent abordée dans les études analysant les décors des églises byzantines : il s’agit du problème de la répartition des saints et des scènes à l’intérieur de l’église. L’étude limitée ici aux représentations des ascètes et des moines s’étend à un nombre élevé de monuments qui augmente au cours des siècles. Dans un premier chapitre, l’auteur examine la question de l’emplacement des figures isolées des saints ascètes et moines dans la décoration des églises byzantines. L’examen se fait suivant l’ordre chronologique. L’auteur remarque que ces portraits apparaissent dans différentes parties des églises cappadociennes de la seconde décennie du xe siècle (Saint-Jean de Güllü dere) et des environs du milieu du siècle (Nouvelle église de Tokali, église de Çavuşin dite « le Grand Pigeonnier », 964-965). Au cours du xie siècle, un nombre important d’effigies de ces saints confirme une préférence pour la partie ouest de l’édifice (Hosios Loukas en Phocide et Néa Moni de Chios, Sainte-Sophie de Thessalo-nique et Ala kilise dans la vallée de Belisirma, en Cappadoce). Beaucoup moins nombreuses sont les effigies qui se rencontrent dans la partie orientale des églises (Sainte-Barbe de Soğanli, Panagia tôn Chalkéôn de Thessalonique, cathédrale d’Aténi en Géorgie). Enfin, la crypte d’Hosios Loukas contient un ensemble important d’effigies ascétiques en médaillons. Une multitude de choix pour la théorie des saints ermites et moines est attestée, mais, dans la plupart des cas, les rapprochements entre les divers saints se font en fonction d’un itinéraire commun dans leur vie ascétique : les figures illustres du premier et du second iconoclasme, comme Etienne le Jeune et Théodore Stoudite (Hosios Loukas), les poètes Jean Damascène et Còme de Maïouma, Théophane et Joseph (Panagia Arakiotissa à Lagoudéra, Kariye Camii, monastère de Rila, Staro Nagoričino, Lesnovo), les saints stylites comme Syméon l’Ancien et Daniel le Stylite (Néa Moni, Bačkovo).

10Aux xie et xiie siècles, les nombreuses effigies des saints ermites et moines apparaissent à une multitude d’emplacements ; il faut remarquer en particulier que la partie ouest du naos reste favorite, comme dans les églises chypriotes (Panagia Phorbiotissa à Asinou, Saint-Jean-Chrysostome près de Koutsovendis, Saint-Nicolas-du-Toit à Kakopétria). On relève également une préférence pour les nefs latérales (Saints-Anargyres de Kastoria), pour la partie est de l’édifice (cathédrale de Monreale, Saint-Sauveur de Neredica) et pour les différentes parties du sanctuaire et des compartiments de la prothèse et du diaconicon (ermitage de la Sainte-Croix de Paphos, Épiskopè dans le Magne inférieur, église de Mirož à Pskov). Ces effigies apparaissent placées dans l’ensemble du décor à la Panagia Arakiotissa de Lagoudéra (1192), mais, dans certains cas, la théorie des saints ascètes est peinte dans le naos, à l’exclusion du bêma (Saint-Pantéléimon de Nerezi et église-ossuaire de Bačkovo).

11La théorie des saints ascètes au cours des xiiie, xive et xve siècles occupe, dans le décor des églises, plusieurs endroits déjà cités : la partie ouest du naos et le narthex dans plusieurs ensembles importants (Studenica [1208/1209], Mileševa, Boïana, Sopoćani, Sainte-Sophie de Trébizonde, Gradac, Vierge Péribleptos à Ohrid, Saints-Apôtres de Thessalonique, Prôtaton), et aussi des chapelles et des tours monastiques (Žiča et Chilandar). Dans la capitale, les figures ascétiques sont conservées sur les parois d’une chapelle au sud-ouest du diaconicon dans l’église de « Kalenderhani Camii », alors qu’une série d’exemples illustres décore les chapelles au sud de l’église principale de Sainte-Marie-Pammakaristos (Fethiye Camii) et du Christ de Chora (Kariye Camii), où des effigies ascétiques se situent également dans l’exonarthex. Le même emplacement est noté dans plusieurs décors de Thessalonique et de sa région, dans les églises du territoire de l’État médiéval serbe ou dans l’église principale du monastère de Cozia. Dans quelques autres décors, les saints ascètes se partagent entre le naos et le narthex (Afendiko à Mistra, Lesnovo, Mateić, Dečani, Volotovo). Enfin, un nombre important de figures de moines se situe à des emplacements très variés dans l’église.

12L’étude de l’emplacement et de la disposition de la théorie des moines et ascètes et des scènes de leur vie sur les parois de l’église conduit l’auteur à des conclusions qui suscitent parfois des interrogations quant à l’existence d’un programme précis, puisque souvent l’agencement ne semble régi par aucun ordre apparent.

13À la fin de cet ouvrage, on trouve deux catégories de fiches d’importance primordiale pour une meilleure exploitation de la foule d’informations contenues dans le texte. Les fiches topographiques constituent un corpus des monuments cités, classés par ordre alphabétique à l’intérieur de divisions géographiques ; chaque fiche contient les informations nécessaires sur le fondateur et la datation du décor, sur le programme hagiographique du monument avec la mention de l’emplacement des représentations commentées dans le livre ; on y trouve aussi la bibliographie correspondante, partiellement mise à jour par les éditeurs. Les fiches hagiographiques comprennent le corpus des saints répertoriés dans l’ouvrage et classés par ordre alphabétique ; chaque fiche contient des informations utiles pour leur biographie, suivies de la bibliographie nécessaire. Les deux groupes de fiches s’offrent à une multiple lecture qui, par le croisement des informations contenues, procure un riche matériel de référence.

14Il ne fait pas de doute que cette étude globale des saints ermites et moines représentés dans la peinture byzantine constituera un outil de travail et de réflexion précieux pour les chercheurs. Il faut en savoir gré à l’initiative du mari de Svetlana, Jean-Claude Reggiani, et féliciter les éditrices de s’être acquittées le mieux possible d’une tâche difficile.

© Éditions de la Sorbonne, 2011

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