Chapitre – V – La dévolution du patrimoine
p. 125-156
Texte intégral
1"Le choix des héritiers exprime une certaine conception de la famille". Ce propos tenu par Paul Ourliac et Jean-Louis Gazzaniga peut introduire notre réflexion1. Non seulement la détermination de l'identité de l'hoir définit un concept, mais elle conditionne aussi la forme prise par la communauté familiale. L'élection de plusieurs héritiers ouvre la voie à des structures complexes, celle d'un successeur unique facilite l'instauration d'unités nucléaires. Il est vrai que rien n'est encore fixé, plusieurs héritiers peuvent souhaiter partager les biens et s'épanouir dans la vie en ménages indépendants ; au contraire, un continuateur unique peut désirer, ou se voir imposer, la garde sous son toit d'une mère, d'un frère, d'une soeur ou de tout autre parent. Il ne faut donc pas rapidement conclure que la constitution d'un héritier unique implique l'existence d'un foyer nucléaire, alors que celle de plusieurs conduirait à la constitution d'une souche. Toutefois la dévolution du patrimoine influe indéniablement sur la détermination du type des structures familiales, en particulier du fait des réserves, recommandations ou obligations faites par le testateur, souvent le père détenteur du pouvoir que lui donne la possession des biens.
2Le Gévaudan ressortit au droit écrit et nous avons déjà signalé que la pratique laissait une liberté presque entière au testateur, lequel doit se contenter de respecter la légitime due à chacun des ayants droit. Toutefois, dans la succession "ab intestat" l'héritage est dévolu aux plus proches parents, en respectant l'ordre donné dans les Novelles 118 et 1272 ; elle se fait à parts égales entre héritiers du même degré, qu'il s'agisse de mâles ou de femmes. Parfois les actes notariaux nous confrontent à de tels cas de figure3. La succession "ab intestat" menait bien évidemment à une dispersion du patrimoine gênante lorsque ce dernier joue un rôle économique comme dans les exploitations rurales ou commerciales.
3Il paraît évident que l'absence de testament est un pis-aller face auquel la loi entre en action avec rigueur afin de permettre à tout individu de profiter de sa part du patrimoine en laissant de côté les stratégies familiales. Le choix du légataire universel, par-delà la quotité réservée aux héritiers particuliers, démontre non plus comment une loi commune au Midi de la France s'impose à tous, mais comment les hommes d'une région décident de gérer les relations entre les individus et la richesse patrimoniale du groupe familial. Ce n'est plus vraiment la force de la loi, mais celle de la volonté individuelle, du pouvoir du père, un père au sens large, qu'il s'agisse réellement du géniteur, ou de l'oncle, de la mère ou du frère : le père incarné par celui qui possède des biens.
I - LE CHOIX DE L'HERITIER UNIVERSEL
4Le choix de l'héritier unique est pratiqué dans 81,25 % des testaments. Mais les taux diffèrent selon que nous nous reportons aux actes reçus à Vébron, au Malzieu, à Chirac et à Mende, où il sont respectivement de 70,50 %, de 72,10 %, de 86,50 % et de 82,40 %. Si nous tenons compte de l'appartenance urbaine ou rurale, nous nous apercevons que 81,10 % des citadins et 80,60 % des campagnards opèrent un choix identique, avec parfois des écarts importants puisque 76,90 % des citadins et 68,60 % des paysans cévenols en font autant. Cette remarquable variation résulte-t-elle du taux de 70,50 % que nous avons enregistré ? C'est un fait en ce qui concerne la faiblesse du pourcentage, mais non pour la différence entre les habitants des villes et ceux des campagnes puisque les 72,10 % relevés au Malzieu donnent des chiffres de 72,70 % pour les campagnards et 70 % pour les gens des villes. Les prêtres sont globalement ceux qui ont le plus souvent recours à la distribution de leur patrimoine puisque 76,80 % d'entre eux ne choisissent qu'un héritier, alors que c'est le cas de 83,10 % des laïcs mâles et de 80,90 % des femmes. Enfin, sur l'ensemble des actes reçus par les notaires de Mende, les rapports sont de 83,50 % pour les années 1380-1419, 79,60 % de 1420 à 1459, et 85,70 % entre 1460 et 1483.
5Il est donc, dès maintenant, permis de conclure que le choix entre un ou plusieurs héritiers ne dépend globalement pas des grandes crises démographiques décelées dans la première partie de cette étude. Il découlerait d'une influence culturelle et non d’une question biologique, à savoir la présence d'un nombre élevé d'enfants qui contraindrait à diviser les biens. La preuve en est d'ailleurs administrée par les prêtres qui n'ont pas d'enfant et utilisent le plus souvent l'institution de successeurs multiples. Contrairement à ce que nous aurions pu supposer, le comportement des paysans et des citadins qui actent à Mende et sont originaires de l'ensemble du Gévaudan prouve qu'il n'y a pas de réelle différence d'attitude entre eux. Par contre, une nouvelle fois les régions du Malzieu et des Cévennes se distinguent, en particulier la seconde.
A - L'institution d'un héritier unique
6La part prise par chaque degré de parenté dans la succession universelle est relative au sexe des testateurs et à leur état laïc ou clérical. Ainsi, en ne tenant compte que des testaments instituant un héritier unique4, 71,35 % des hommes et 64,20 % des femmes choisissent-ils leurs successeurs dans leur descendance ; et 8,40 % des premiers et 15 % des secondes appellent leurs conjoints, ce que ne peuvent pas faire les prêtres. Les testateurs prennent ensuite pour héritier universel, à 11,60 % des collatéraux, à 4,30 % des ascendants, à 1,10 % des alliés, à 2,20 % un étranger. Les rapports pour les femmes sont respectivement de 9,70 %, de 1,30 %, de 0,45 % et de 3,50 % ; ceux des prêtres de 59,70 %, de 4,05 %, de 0,80 % et de 25,80 %. En outre 0,90 % des testatrices et 0,80 % des prêtres s'en remettent à une parenté spirituelle en élisant leur compère en parrainage. Le reliquat des testaments nomme un individu dont le lien de parenté ou d'affinité n'a pas pu être établi. Deux caractéristiques distinguent les prêtres : un choix plus élevé parmi les collatéraux, d’une part, et en dehors de la parentèle, d’autre part.
1°) L'héritier dans la descendance
7Les femmes désignent un hoir dans leur descendance, pour 63,50 % d'entre elles à Mende, 58,80 % à Vébron et au Malzieu, 33,35 % à Chirac. Les pourcentages dans les mêmes localités sont de 68 %, de 69 %, de 59 % et de 77,75 % pour les hommes. Il apparaît donc que les femmes testent moins fréquemment que leurs conjoints en faveur de leur progéniture, et cela plus particulièrement dans les Cévennes et dans la région de Chirac. Toutefois, les actes reçus à Mende, analysés par périodes, attestent d'une situation moins tranchée que celle que nous venons d'évoquer. En effet, entre 1380-1419, 42,85 % des hommes et 64,70 % des femmes prennent un héritier parmi leurs descendants ; entre 1420 et 1459 les chiffres sont de 57,15 % et 68,75 % ; et il faut attendre les années 1460-1483 pour voir le rapport en arriver à celui que nous avions précédemment édicté avec les taux passés à 80,90 % et 56,15 %. La position des hommes est rationnelle, elle concorde avec la courbe démographique : moins les enfants sont nombreux, moins le choix porte sur eux. En revanche, le résultat statistique résultant de l'étude des testaments émanant de femmes est moins aisé à comprendre, puisque ces dernières prennent plus rarement des héritiers dans leur progéniture quand survient le "baby-boom". En proportion, chez les testatrices, la baisse de l'élection parmi les enfants est compensée par une hausse au profit des époux et des collatéraux.
8Au sein de leur descendance de première ou de seconde génération, 74 % des testateurs sélectionnent un garçon et 14,45 % une fille, alors que 62,50 % des testatrices prennent un mâle et 25,85 % une fille. 54 % des hommes et 39,80 % des femmes appellent un fils, pendant que 10 % des premiers et 16,35 % des secondes nomment une fille pour recevoir leur patrimoine, ce qui démontre que la ligne masculine est majoritairement préférée, même si les femmes se distinguent légèrement en s'en rapportant un peu plus à un enfant de leur sexe. Dans 81,45 % des cas où un homme choisit l'un de ses enfants, il en a toujours au moins un autre et souvent plusieurs des deux sexes ou de l'un ou l'autre. C'est également le cas de 70,85 % des femmes. Il est donc inutile de vouloir attribuer la désignation d'un héritier unique à une pénurie d'enfants, ou à une classe sociale, puisque tous les milieux, rural ou citadin, noble, bourgeois ou artisanal, préfèrent conserver l’unité du patrimoine.
9Déterminer la place faite à l’aîné est difficile car les notaires sont relativement muets sur cette question. 3,25 % des testaments reçus à Mende, ou 2,95 % de l'ensemble de nos instruments, citent comme héritiers universels des enfants qui pourraient être des aînés. En 1424, Guillaume Avinhon, de Saint-Gervais, institue son fils premier né, et puisqu'il n'a pas de fille c'est bien son aîné ; en 1469, Guillaume Marco senior fit héritier ses deux fils premiers nés Pierre et Guillaume junior, laissant encore quatre fils et deux filles. Dans la noblesse, l'institution du premier-né est logiquement plus importante que dans les autres milieux. Elle est parfois prévue dès le contrat de mariage. Le 5 août 1416, noble Jacques Grégoire, alias de Gardies, du diocèse de Rodez, épouse Guiemar de Chapelu, fille du seigneur de la Vigne en Gévaudan. Une clause prévoit que le fils aîné, s'il est apte à hériter, recueillera la succession, s'il ne l'est pas, ce sera le deuxième. A défaut de mâle, si Jacques se remariait, le fils du second lit succéderait, mais s'il n'avait que des filles, une de celles du présent mariage recevrait les biens et doterait les autres. L'aînesse triomphe même parmi les filles puisque Pierre Sarron junior, habitant de Saint-Léger-du-Malzieu, teste le 8 août 1434, en favorisant Catherine senior, préférée à Catherine junior5.
10Cependant, 1,10 % des testateurs et 0,90 % des testatrices ont transmis leurs biens à un cadet. Parfois, la raison est aisée à deviner, les aînés sont destinés à l'église, comme celui de Marquez Jove, de Saint-Sauveur-de-Peyre, en 1435, déjà partis de la demeure parentale et établis ailleurs, tel celui de Catherine Sabbatier, ou simplement préférés par affection. En 1466, Amorose, veuve de Raymond Rotbert et de Bartholomé Pagès, préfère Mathieu Pagès, né de son second mariage, à ses enfants issus de Raymond Rotbert6. Le juriste Etienne Bertrand considérait que l'égalité, désirée par la loi, n'était pas la règle entre les enfants de deux lits, mais que tout avantage accordé à ceux d'une seconde union pouvait être considéré comme frauduleux car constitué au profit du deuxième conjoint7. Il est indéniable que ce n'est pas le cas avec Amorose dont le second époux est décédé et il faut plutôt y voir l'amour d'une mère pour un enfant qui n'a pas encore quitté la maison paternelle : une sorte d'enfant gâté.
11La préférence en matière de transmission du patrimoine se porte avant tout sur les garçons, et la nomination d'une fille, en guise d'héritier, est donc souvent circonstancielle, palliant l'absence de mâle. Toutefois, 0,80 % des hommes et 4 % des femmes affirment leur prédilection pour une héritière face à un mâle en vie. Là aussi, même si le mystère demeure souvent complet sur la cause de cet état de fait, ce dernier est parfois compréhensible. Par exemple, lorsqu'il teste, en 1475, Jacques Pelhicier, de Recoules, en la paroisse de Vébron, fait de sa fille Marguerite sa légataire universelle. Il destine son fils Jacques aux études et au sacerdoce. Pourquoi ? Nous l'ignorons, mais il est évident qu'après avoir destiné son fils au service de Dieu, il conserve son patrimoine pour l'une de ses deux filles8. L'hypothèse d'une vocation personnelle du fils ne peut pas être avancée, même si elle est envisageable, puisque le testateur prévoit qu'au cas où Jacques ne voudrait pas devenir prêtre il recevrait un legs de dix livres.
12Même si elle est contraire à l'usage relevé par André Burguière9, une telle perspective se dessine dans la noblesse puisque noble Marguerite de Peyre, dame de Servières en Gévaudan, veuve de dom Bérenger de Castelpers, vicomte d'Ambialet en Albigeois, testa le 31 octobre 1405 en faveur de sa fille noble Garsende, femme de noble Jehan del Prat, seigneur de Montpezat, à laquelle elle substitua ses autres filles, alors qu'elle avait deux fils, Aymeric et Guillaume. Heureusement, un précédent testament, rédigé le 16 septembre 1399, apporte des éclaircissements10. Guillaume était chevalier de Saint-Jehan-de-Jérusalem, et son exclusion résultait de son appartenance à cet ordre religieux. Quant à Aymeric, fils aîné des Castelpers, un grave conflit l'opposait à sa mère. En 1399, cette dernière se justifia en informant qu'Aymeric commit de grandes ingratitudes et la tint incarcérée dans une de leur place, en vendant des terres venant du père de la testatrice et en refusant de subvenir à ses besoins.
133,80 % des hommes et 0,45 % des femmes choisissent un posthume. C'est souvent le dernier espoir ; mais dans 13,30 % de ces cas, c'est au détriment de filles en vie. Ainsi, en 1472, Guillaume de Saint-Bauzile, de Saint-Bauzile, décida-t-il que son premier fils qui naîtrait recevrait son patrimoine, alors qu'il avait deux filles.
143,25 % des testateurs et 7,50 % des testatrices désignèrent un de leur petits-enfants comme héritier unique. 58,30 % des premiers et 78,55 % des secondes retiennent cette option alors qu'ils ont encore des enfants en vie. Ainsi Marie, veuve de François de Boda, citoyen de Mende, testa-t-elle en 1421 en faveur de son petit-fils Jacques II. Or, son fils Jacques de Boda Ier, toujours en vie, était un marchand honorablement connu dont le frère, Jehan était l'un des hebdomadiers de la cathédrale. Les relations entre Jacques Ier et Marie ne semblent pas particulièrement difficiles car la testatrice rappela qu'elle lui accorda un tiers de ses biens en donatio propter nuptias, et lui donna cinq sous en supplément. Marie légua aussi l'usufruit d'un ort à dom Jehan. Par la suite, les liens entre les deux Jacques demeurent sans conflit apparent, puisque le premier fait du second son héritier universel, lorsqu'il teste en 1445. Cinq ans plus tard, Jacques II succédera également à sa mère Guigone11. Alors, pourquoi Marie fit-elle ce choix ? Redouta-t-elle que son fils Jacques 1er ne fît une donation à sa femme sur le patrimoine familial ? C'est possible, mais rien ne prouve qu'il fût dans ce genre de disposition. Marie a peut-être voulu imposer Jacques II comme successeur de la maison des Boda, face aux deux autres fils et aux filles de Jacques Ier. Ce comportement n'est pas rare chez les testatrices, mais il n'est pas typiquement féminin et plusieurs hommes agissent pareillement.
15Devons-nous dès lors parler d'exhérédation ? Dans certains cas, c'est une évidence, particulièrement chez la famille Atger, dans laquelle nous voyons s'opposer le caractère du père, noble Pierre Atger "Fresquet", un riche marchand souvent mêlé aux affaires de son temps, en particulier à la gestion de la ferme de l'Equivalent, et le tempérament du fils, Jehan, qui se montre insoumis et exige que son père lui cède effectivement les biens qu'il lui avait alloués à l'occasion de son mariage. Le père se venge alors du fils indocile en testant, en 1467, en faveur du fils de ce dernier, François Atger, un homme téméraire qui luttera activement contre l'évêque de Mende à partir de 1469. Derrière ces actes perce le drame routinier du père impérieux, déjà qualifié "vieux et valétudinaire", et du fils étouffé jusqu'à la révolte12.
16Il serait faux de toujours conclure à une exhérédation lorsqu'un petit-fils est préféré à un enfant en ligne directe. Parfois, la cause paraît bien différente. Le 9 novembre 1427, Guillauma, veuve de Gérald Bonald, d'Altayrac (Saint-Gervais), teste en faveur de son petit-fils Pierre Bonald, fils de feu Pierre. Or, elle avait deux filles. S'agissait-il simplement d'une prédilection éprouvée envers un mâle au détriment de deux filles, dont l’une au moins était mariée ? C'est un peu cela, mais la démarche n'est pas sexiste. Guillauma n'exclut pas réellement ses filles au profit de Pierre ; en fait, elle avait fait un premier testament, le 9 mai 1424, à l'avantage de son fils, Pierre Bonald, père de l'autre Pierre13 ; son attitude demeurait méthodique, le fils institué héritier en 1424 étant mort, elle se reportait au fils de celui-ci. Ainsi les petits-enfants sont-ils à plusieurs reprises appelés à la succession, soit en remplacement de leurs parents prédécédés, soit pour remédier à une exhérédation.
2°) Le conjoint comme héritier
17Dans les successions à héritier unique, nous avons déjà signalé que les femmes appelaient leurs époux à leurs hoiries presque deux fois plus souvent que ne le faisaient ces derniers. Or, 35,50 % de ces testateurs, et 47 % de ces testatrices ont toujours des enfants en vie. En présence d'enfants en vie, la confiance reconnue au conjoint est la principale motivation de ce comportement. Le testateur, au bord de la mort, délègue son pouvoir à celui qui partage sa vie. Ainsi, en 1459, Catherine, femme de Pierre Minheta, de Mende, laisse-t-elle l'universalité de sa succession à celui avec qui elle était mariée depuis plus de cinquante ans, mais prescrit qu'ensuite leur fille le remplacerait. Parfois une certaine réserve est exprimée envers le conjoint. En 1448, Pierre Alègre, tisserand mendois, gratifie son épouse, Aygline, d'un fidéicommis à vie et tant qu'elle sera veuve. Il précise qu'au cas où elle se remarierait, leurs deux filles Enimie et Falquette la relèveraient. Pierre, confiant en Aygline, redoute cependant la perspective d'un nouveau mariage qui pourrait conduire à un appauvrissement de ses enfants, si sa veuve se laissait dominer par un éventuel second mari14.
18A l'occasion, la succession au conjoint permet de s'enrichir allégrement. La vie de Catherine Roch est à ce titre exemplaire. En 1458, Catherine épouse Pierre Atger, sergent à Mende. En 1462, restée sans enfant, elle convole en secondes noces avec Guillaume Abolenc, gerulator du Malzieu, veuf de Catherine Rescossier et père de trois enfants. Elle apporte alors dans la nouvelle alliance tous les biens alloués pour son premier mariage. De son côté, Guillaume s'engage à solder toutes les dettes engagées pour l'héritage de Pierre Atger et à construire, à ses fiais, une maison de trois étages sur le chasal que Catherine a hérité de Pierre Atger. En 1469, lors d'un deuxième testament, Guillaume teste au profit de Catherine, laissant toutefois à ses fils ses possessions du Malzieu. La veuve, toujours sans enfant, se retrouve à la tête des successions de ses deux premiers maris ; partie avec trente livres de dot, elle possède une fortune immobilière relativement importante, composée de plusieurs maisons sises à Mende et de diverses terres dispersées dans les environs de la cité épiscopale. En 1474, elle convole, pour la troisième fois, avec Guillaume Durand, un fustier installé à Mende. Elle offre une dot de cent vingt livres. Il est convenu qu'en cas de survie, elle conserverait quarante-neuf moutons or et soixante livres apportés par Durand. Juste retour des choses et cohérence dans son attitude : si Catherine a hérité de ses deux premiers maris, et du second au détriment des enfants que celui-ci avait eus, lorsqu'elle teste le 16 mars 1478, elle le fait en faveur de son troisième époux, bien qu'elle ait deux soeurs et un frère15. La décision de distinguer un époux dont Catherine Roch n'a eu aucun enfant, plutôt que ses frère et soeurs, explique pourquoi la parenté est occasionnellement exclue par inclination pour le conjoint.
19Il arrive aussi qu'un époux soit nommé par exhérédation réelle des enfants d'un premier hymen. Ainsi, lorsqu'elle teste au bénéfice de son mari noble Giscard Garnier, Arnalde Bonafos, veuve d'Astorg Petit, marchand de Mende, affirme le faire car ses trois fils Pierre, Guillaume et Vital, auxquels elle lègue cinq sous pour leurs droits, furent des ingrats. A l'inverse, avec Guigone Rotger, nous assistons à l'exhérédation d'un mari. Lorsqu'elle teste, en 1449, Guigone n'a plus d'autre famille que son époux Erailh Champes, mais elle se contente de lui remettre une somme de cinq sous en précisant qu'il est d'avis public et notoire qu'Erailh entretient une courtisane, et le clergé cathédral bénéficie de cette aventure16.
3°) Les ascendants appelés à la succession
20Au fait que les hommes, laïcs ou prêtres, appelaient pour un peu plus de 4 % un ascendant à leur succession, et les femmes pour 1,30 % ; il faut ajouter que 43,75 % de ces hommes avaient des enfants en vie. De plus, les pères et les mères jouissent pareillement de cette faveur. Il est probable que le favoritisme manifesté envers des géniteurs plutôt qu’envers des enfants est déterminé par une délégation de l'autorité et du pouvoir parental. Un testateur se repose alors sur l'auteur de ses jours pour gérer son patrimoine et pour le remettre ultérieurement à ses descendants. Parfois, en l'absence de progéniture, les biens sont remis aux parents qui les donneront ensuite à leurs propres enfants. Cette situation apparaît, en 1454, avec le prêtre Jehan Buffière. A sa mère et héritière, Marguerite Gitbert, veuve de Jehan Buffière, dom Jehan substituait : Jacques Buffière, son frère, puis les autres enfants de ses parents17. Nous avons rappelé, dans notre introduction, que la partie des terres du seigneur de Mercoeur qui étaient sises en Gévaudan ressortissaient au droit écrit ; cet acte a le mérite de le confirmer en montrant que les hommes du Malzieu, placés dans le ressort de la baronnie de Mercoeur, n'hésitaient pas à faire remonter les biens, ce que proscrivait la coutume d'Auvergne18.
21En fait, en Gévaudan, la remontée des biens est systématique ab intestat et en l'absence de descendant. Deux documents prouvent cette assertion en présentant des situations analogues : un veuf qui défend les droits qui lui reviennent après le décès d'un enfant en bas âge. Le 17 avril 1420, Pierre Dumas, veuf de Béatrice de Molin, transige avec son beau-père à propos de la dot de Béatrice morte en donnant à Pierre un enfant, alors disparu. Si Béatrice avait trépassé sans postérité, son père, Jehan de Molin, eût conservé sa légitime, mais en laissant un descendant ses droits étaient directement passés à celui-ci ; puis après la disparition de ce dernier, les biens revenaient au père, donc au veuf de Béatrice, qui en revendiquait la jouissance. Le second exemple date de 1461. Le notaire Galhard Jalvin consigna dans ses registres un acte bien curieux intitulé : depositio testum adfuturam rey memoriam cum interpositione decreti19. Ce témoignage fut enregistré, devant la justice, sur la demande de Guillaume Baldoyn qui avait perdu sa femme, Philippa, et sa fille, Catherine, lors de l'épidémie de peste qui sévit cette année-là. Guillaume constatait que Catherine survécut d'une dizaine de jours à Philippa, afin de préserver ses droits résultant de la survie de sa fille à sa femme.
4°) La parentèle rentrant en possession des héritages
22Presque 60 % des prêtres confient leur succession à des collatéraux : frères, soeurs, neveux ou nièces : cela ne saurait surprendre puisque c'est souvent leur plus proche parenté. Chez les laïcs, le pourcentage avoisine 10 %, que ce soit pour les hommes ou pour les femmes. La part des alliés dans la dévolution du patrimoine est faible et gravite autour de la barre des 1 % pour chaque catégorie d'individus. 25,60 % des hommes et 18,20 % des femmes qui testent en faveur d'un consanguin ont des enfants en vie, mais aucun de ceux qui le font au bénéfice d'un allié rien a. Quand ils appellent un consanguin pour leur succéder, les prêtres élisent à 50 % un neveu, à 45,95 % un frère, à 2,70 % un cousin et à 1,35 % un oncle. Chez les hommes, les proportions sont respectivement de 27,95 %, de 58,15 %, de 6,95 %, de 6,95 % et chez les femmes de 36,35 %, de 54,55 % et de 9,10 % ; aucune d'entre elles ne souhaite un successeur avunculaire.
23La vie est souvent bien plus compliquée qu'il n'y paraît et les archives n'échappent pas à cette règle. Souvent, les historiens "héritent" de documents coupés les uns des autres qui ne permettent guère d'appréhender la réalité au-delà des apparences, mais la chance nous a accompagné en nous fournissant des groupes d'instruments. Ainsi, Pierre Pelhicier, marchand de Mende, fils d'Hélix Germain, testa-t-il en 1433 en faveur de son oncle Raymond Germain. Nous aurions pu en rester là : un oncle hérite de son neveu qui avait cinq enfants en vie. Pierre adressait des legs à sa mère, à sa femme, et à chacun de ses enfants, dont un était déjà établi comme prêtre. Il chargeait Raymond Germain d'élever ses enfants, lui substituait, pour le cas où il n'aurait pas d'enfant, sa propre mère, puis rappelait ses fils. Or, Pierre n'avait pas déshérité ses enfants, car Raymond Germain était sans postérité. Ce dernier avait même testé en 1432 en faveur de Pierre, comme Hélix. Et bien plus tard, les trois fils de Pierre furent tous trois cohéritiers de leur père et de feu Raymond Germain, par l'intermédiaire du défunt Pierre20. Ainsi, une nouvelle fois, l'apparente exclusion d’enfants est-elle une situation provisoire destinée à faciliter la transmission progressive du patrimoine en le faisant auparavant transiter par des mains expertes.
24Les motivations des prêtres sont sans doute légèrement différentes et 31 % des consanguins qui reçoivent leurs patrimoines sont dans les ordres, qu'il s'agisse d'oncles, de cousins, de frères ou de neveux En 1433, Guillaume Martin, chanoine de Mende, fit de son oncle, Vital Martin, prêtre bénéficier de la cathédrale, son héritier universel. Et, quatre ans plus tard, en 1437, c'est Vital qui nomme Guillaume pour lui succéder. La pratique est intéressante : elle permet à un homme, prêtre en l'occurrence, de faire amende honorable en destinant son patrimoine à l'Eglise, tout en le maintenant dans la famille. Ce désir de servir l'Eglise se manifeste nettement avec Vital, qui prévient que si Guillaume mourait avant lui les biens écherraient à la Communauté des prêtres de la cathédrale. Guillaume vécut encore longtemps, il reçut même l'universalité de la succession de son père, Pierre Martin, qui testa en 1437 en évinçant ses autres fils laïcs. En 1463, Guillaume Martin renvoie le patrimoine familial entre les mains d'un laïc, son neveu Pierre Martin junior ; mais il ne manque pas de l'instituer cohéritier avec la Communauté des prêtres de Mende qui reçoit, pour sa part, tous les biens que le chanoine a acquis par son travail et par l'entremise de ses bénéfices ecclésiastiques21.
25En 1434, le prêtre mendois Vital Coderc confie ses héritages à sa marâtre Clarette, veuve de Jehan Coderc. Clarette se retrouve donc en possession de tous les biens des Coderc car son propre fils, l'apothicaire Vital Coderc, lui avait déjà transmis sa fortune. Les dernières volontés rédigées par dom Vital, en 1434, font d'ailleurs suite à une situation antérieure puisqu'il avait testé, le 2 janvier 1432, en faveur de son frère et homonyme, l'apothicaire, et de ladite Clarette22. En 1437, après la mort de dom Vital, décédé en 1436, Clarette institue comme héritière sa petite-fille, Florette Coderc. En 1443, Clarette confirme la légation universelle, mais elle modifie légèrement les substitutions en y associant maître Jacques Traversier, grand-père maternel de Florette, et ultérieurement Guillaume Robin, arrière-grand-père de ladite Florette. En 1455, cette dernière sera héritière de son père et de sa grand-mère paternelle. En conséquence, une fois de plus, le parent allié, en l'occurrence une marâtre, proche par l'amour, mais sans lien de sang, a été utilisé comme intermédiaire pour transmettre le patrimoine familial à un enfant en bas âge en passant par un adulte servant de dépositaire.
5°) Le parrainage et les successions
26Rares sont les successions dévolues en suivant les liens fondés par le baptême. En 1460, Agnès Ranc, femme Tornamira, notifie au notaire qui reçut ses dernières volontés que son compère, le prêtre dom Jehan Albi, devrait recevoir ses biens. Agnès avait été mise enceinte, lors d'une relation adultère, par François Cobe, et dom Jehan Albi avait alors veillé sur elle et sans doute sur l'enfant dont il fut le parrain, alors que le père et le mari d'Agnès s'étaient éloignés dans les terres basses du Languedoc. Il était donc logique qu'Agnès s'en remît à celui qui l'assistait et qui allait peut-être recueillir cet enfant que le testament ne mentionne pas23.
6°) La succession entre les mains d'étrangers
27Parfois, la succession échoit entre les mains d'étrangers. Une servante teste en faveur de son maître, ou un prêtre au profit de son clerc24. Toutefois, nous assistons à des retours de biens entre les mains de la parentèle. En 1466, Jehan Bauzile, prêtre bénéficier de Mende, désigne le préchantre de la cathédrale, Jehan Guillaume de Clermont, pour lui succéder. Il ne cite aucune parenté mais nous savons qu'il avait au moins un frère, Pierre, père de Pierre junior, Etienne et Guigon. En 1467, Jehan Guillaume de Clermont, fait donation auxdits Etienne et Pierre Bauzile junior d'une maison qui fut à leur défunt oncle Jehan Bauzile. Ainsi, un an après la mort du testateur, le préchantre de Mende commence-t-il à restituer une partie des immeubles qu'il avait reçus. Mais les choses n'en restent pas là et, en 1489, Guigon Bauzile, prêtre, et son frère Pierre agissent comme héritiers du défunt préchantre25.
28La plus grande partie des exhérédations au profit d'étrangers est réalisée en faveur de l'Eglise. 2,15 % des hommes nommant un héritier universel unique se tournent vers l'Eglise, de même que 2,65 % des femmes et 25 % des prêtres qui décident de ne pas partager leur succession. Nous reviendrons sur cette question dans notre dixième chapitre.
B - L'institution de plusieurs héritiers universels
29L'étude de la question de l'institution d'héritiers universels multiples ne peut que rester anarchique dans la mesure où elle ne permet pas de procéder par catégorie. Tout d'abord, il n'existe pas de portrait type du testateur qui se livre à ce choix. Nous avons déjà signalé, au début de ce chapitre, que les ruraux et les citadins qui partagent leur patrimoine sont proportionnellement aussi nombreux et constituent une minorité en Gévaudan. La profession de 50,50 % de ces citadins est connue et nous relevons : 23 % d'artisans du textile, 10,30 % d'artisans divers, 8 % de notaires et de juristes, 6,90 % de marchands et 2,30 % de nobles dont la moitié est d'Eglise. Ces chiffres ne s'éloignent guère de la représentativité de chaque catégorie composant notre "corpus" de testateurs.
3091,05 % de ces testateurs prennent deux héritiers, 7,75 % en appellent trois, et 1,20 % quatre26. 84,75 % des laïcs, hommes et femmes mélangés, prennent leurs successeurs dans leur descendance, enfants ou petits-enfants ; 0,75 % appellent leurs ascendants, 11,45 % des collatéraux, 3,05 % des alliés, 3,05 % des amis ou l'Eglise, 4,60 % des personnages dont nous ignorons le lien, et 9,15 % leurs conjoints27. Chez les prêtres, les proportions sont de 3,05 %, de 3,05 %, de 87,85 %, de 15,15 %, de 6,05 % et de 9,10 %. Comme lors des institutions uniques, les laïcs éprouvent majoritairement une prédilection pour leur descendance, et les ecclésiastiques pour leurs collatéraux, ce qui n'est pas surprenant.
31Il arrive que la prudence commande la décision prise par ceux qui préparent leur départ. En 1430, Pierre Amat, tisserand de Mende, prit pour légataires universels sa mère Agnès, son frère Jacques, prêtre, et son fils Jehan, les substituant les uns aux autres. Il était évident que son frère, ecclésiastique, et leur mère devenue trop âgée, n'auraient pas d'enfant et qu'en conséquence son fils, Jehan, après avoir obtenu une partie des biens, recevrait le reste. Jehan étant encore jeune, Pierre délivrait un fidéicommis, pour un certain nombre d'années, à ceux en qui il avait confiance28.
32Souvent, la double institution d'héritiers s'harmonise avec l’impératif de maintenir en état une frérèche, ou de l'imposer. Le 5 décembre 1464, Isabelle, fille de Pierre Roquo, de Florac, veuve de Bernard Fayssac, de Vébron, constitue une légation universelle à son fils Jehan et à son petit-fils Bertrand, fils de feu Pierre Fayssac. Cet acte suit rationnellement le testament rédigé par Bernard Fayssac, en 1439, en faveur de ses fils Jehan et Pierre. Ces dernières volontés avaient été accompagnées d'une donation de Bernard à son fils Pierre et du rappel de la donation antérieurement faite à Jehan, de la moitié des biens familiaux. Une clause avait imposé l'obligation, pour les deux frères, de vivre ensemble en laissant l'usufruit et la seigneurie à leur mère. En 1442, à l'occasion du mariage de Pierre Fayssac avec Raymonde Laurent, les deux frères décidèrent de s'associer "par le moyen d'affrèrement" ; leur mère faisant le même jour donatio propter nuptias de deux tiers de ses possessions, tout en se retenant l'usufruit et la domination29. Le 5 décembre 1464, Raymonde Laurent teste aussi à l'avantage de Bertrand, son fils né de Pierre. Ainsi les dispositions d'Isabelle sont-elles constantes et à la mesure de la volonté de l'ensemble de la famille Fayssac.
33Certains arrangements sont plus compliqués à clarifier. Il apparaît alors nécessaire de recouper les différents instruments notariés pour comprendre les motivations des acteurs. En 1482, Vital Pessada, prêtre de Bramonas (Barjac), instituait héritiers universels ses neveux Anthoine et Guillaume, fils d'Etienne Pessada, puis il transmettait tous ses droits maternels à son autre neveu Jehan. Vital avait-il voulu déshériter son frère ? Cette conclusion aurait été acceptable, mais le testament d'Etienne fut rédigé en 1476 en faveur de son fils Jehan. Guillaume et Anthoine obtenaient chacun quinze livres pour s'établir. La femme d'Etienne et Vital recevaient le couvert et le gîte, à la charge de Jehan30. Vital a donc conforté la situation privilégiée de Jehan en lui allouant les biens maternels qui pourraient être les plus importants, si c'est sur eux que s'installa son père ; par contre il donnait ses propres, ses acquêts et peut-être ses droits paternels afin de faciliter l'établissement de Guillaume et d'Anthoine.
II - LA DOTATION DES HERITIERS PARTICULIERS
A - Les légataires et leurs gratifications
34Si nous laissons de côté les funérailles, les fondations pieuses et les oeuvres caritatives préconisées par les testateurs et qui seront étudiées ultérieurement, nous remarquons que 10,30 % des testaments ne contiennent que l'institution d'héritier universel et les legs pieux, à l'exclusion de toutes gratifications particulières en faveur de parents ou d'amis. Tous les autres, soit 89,70 % des instruments, renferment la désignation d'héritiers particuliers. Les legs accordés à ces derniers sont pour 50,35 % d'entre eux soldés en monnaie, 4,40 % en meubles, 0,60 % en immeubles, et 44,65 % de façon mixte, soit un mélange d'argent, de meubles ou d'immeubles. Les espèces figurent dans 91 % des legs mixtes, les meubles dans 87,10 % et les biens-fonds dans 27,73 % ; encore la monnaie représente-t-elle souvent la plus grosse part. En tout, 91 % des legs particuliers contiennent du numéraire, 43,25 % du mobilier et 13 % de l'immobilier. Dans les actes reçus à Mende, les tendances demeurent relativement stables de 1380 à 1483 : certes la présence des legs uniquement soldés en argent passe de 45 % en 1380-1419, à 48,50 % de 1420 à 1459 et à 49,60 % entre 1460 et 1483, mais l'augmentation est en relation avec une baisse des legs mixtes dont la plus grande partie est justement payée en liquide. La rareté des cessions immobilières se confirme toujours. Les testaments rédigés au Malzieu et à Chirac restent eux aussi dans la norme ; seules les Cévennes, et nous aurions tendance à nous exclamer "encore elles", constituent un isolat spécifique. En effet, 82,75 % des Cévenols règlent la totalité de leurs legs en argent.
35La rareté des donations immobilières n'a rien d'exceptionnel et s'insère dans le cadre d'une attitude générale constatée par de nombreux chercheurs. Marie-Thérèse Lorcin évalue ces transferts fonciers dans une fourchette de 8,20 % à 14,80 % en Lyonnais31, ce qui correspond à peu près à nos chiffres. Anne-Marie Landès-Mallet a constaté qu'en Rouergue, entre 1269 et 1345, les immeubles étaient parcimonieusement constitués en dot32. Ce n'est surprenant, ni dans le monde rural où le paysan ne peut se permettre d'amputer son exploitation, ni chez les citadins où le marchand et l'artisan n'ont intérêt à scinder leur commerce. C'est d'ailleurs cette raison qui poussait les Bordelais à exclure les filles du partage des héritages33. Il est utile de préciser que le règlement des legs à forte masse monétaire était différé sur plusieurs années, comme les dots constituées pour les filles ou les fils exclus de la succession universelle.
36Les legs immobiliers sont-ils imposés par une pénurie monétaire ? C’est tout à la fois probable et improbable ! Si nous considérons les funérailles de Jehan Rocherousse, habitant de Chanac, qui teste le 6 mars 1473, nous constatons que cet homme est aisé. Ses filles sont dotées avec quatre-vingts livres, deux draps, deux couvertures et dix francs de vêtements. Pourtant, il distribue plusieurs maisons et des terres entre ses divers fils. Finalement, il semble qu'un homme riche, lorsqu'il possède un patrimoine comportant de nombreuses habitations et terres, répartisse celles-ci entre ses enfants, mâles de préférence, pour les installer immédiatement. Il les fixe sur place et multiplie le nombre de maisonnées portant son patronyme. La famille est alors représentée par plusieurs foyers de possédants. Dans certains cas, cette pratique est justifiée par la dispersion du patrimoine sur des paroisses distinctes. Ainsi, lorsqu'il testa, en 1482, le riche marchand mendois Pierre Monbel fit-il héritier universel son fils, Jehan, et consacra-t-il à son cadet, Guidon, tout ce qu'il avait à Marvejols et à Montrodat. De plus, lorsque les legs atteignent une valeur financière importante, leur paiement s'échelonne sur une longue période comme ceux de noble Jehan de Corsac, seigneur de Vallescure et de Mézeri, habitant Mende, étalés sur soixante-six ans et demi, en 146234.
3711,90 % des testateurs constituent un legs à des petits-enfants. Beaucoup se contentent d'une somme de cinq sous, mais certains attribuent autant qu'à un fils, voire plus. En 1427, Jehan Peytavin attribue vingt-cinq moutons or à sa petite-fille, alors qu'il en assigne vingt à l'un de ses fils, dix seulement au second qui est pupille, mais quarante, il est vrai, à un troisième35. Lorsque le don est important, il est destiné à marier l'enfant en bas âge et le "sexe faible" se trouve généralement avantagé.
385,80 % des gens qui rédigent leurs dernières volontés confèrent un legs à l'un de leurs ascendants : 75 % à une mère, 19,25 % à un père, et 5,75 % à un aïeul. Lorsqu'un testateur mentionne ses deux parents, il donne une somme identique à chacun36. 63 % des testateurs nomment des légataires particuliers parmi leurs collatéraux : 11 % sont des oncles, tantes et cousins, et 89 % des frères, soeurs, neveux ou nièces. Les uns et les autres obtiennent souvent une faible somme évaluée en sous, quel que soit leur lien de parenté. Comme nous le verrons plus tard, les prêtres veillent souvent à leur remplacement en aidant financièrement un neveu à devenir prêtre. Les alliés sont cités dans 12,90 % des actes, et les legs qui leur sont consentis ne se distinguent guère des précédents. Il semble d'ailleurs que la bru, au moins lorsqu'elle restait veuve, et peut-être le gendre, aient des droits sur les biens de la belle-famille puisque Jehan Passabost, en 1434, lègue deux moutons or à sa bru, Françoise, veuve d'Etienne Passabost, pour la légitime à laquelle elle pouvait prétendre en raison de la coutume.
39Les liens spirituels créent une affinité suffisante pour toucher le coeur de 8,50 % de ceux qui s'apprêtent à disparaître. Ces testateurs sont prêtres, chanoines, nobles, notaires, bourgeois, modestes citadins, ruraux, hommes et femmes, ou gens d'armes ; les deux tiers pensent à leurs filleuls et les autres à leurs compères. Parmi les premiers, la majorité ne mentionne qu'un enfant tenu sur les fonts baptismaux, mais 20,35 % en nomment deux, et 5,10 % quatre. En 1383, Déodat Hugonet, homme d'armes dont nous avons précédemment parlé, constitue des legs à ses quatre filleuls : dix francs à Hélix Charcos, douze francs et une robe à Hélix Orlhac, deux francs à Etienne Bonier, huit francs à Déodat Hugonet, ajoutant que les deux derniers devront être instruits dans les sciences cléricales à l'aide de ces sommes37.
40Le service développe une proximité suffisante avec le maître pour que 6,50 % des serviteurs accèdent à des legs. Il est vrai que près des deux tiers de ces derniers sont octroyés à des servantes plutôt qu'à des hommes, sans doute parce que les premières étaient plus nombreuses que les seconds, ou plutôt plus fréquemment plongées dans l'intimité de la maisonnée dont elles assuraient l'ordre, alors que les hommes étaient souvent astreints à des charges en dehors de l'habitation. D'ailleurs, la terminologie utilisée pour les femmes est simple, elles sont individuellement qualifiées ancilla. Par contre, les hommes sont identifiés par le terme servitor, mais les prêtres ont des clercs, des trésoriers, qui peuvent indéniablement entrer dans cette catégorie. En outre, nous rencontrons le mot famulus dont le sens n'est pas toujours explicite. Le tisserand Raymond Vayssota senior transmit quelques objets à son famulus Jehan Mathieu Il précisa que Jehan devrait finir son terme chez le testateur qui l'avait engagé pour travailler in arte texerie. Ce famulus est donc un salarié exerçant un métier, ou même un apprenti, et non un simple employé de maison. Il faudrait peut-être évoquer aussi l'existence des suivantes de la noblesse, telle noble Saurine qui reçut vingt francs de noble Marguerite de Peyre en 1399 ; mais le lien de "servitude" n'est-il pas exagéré ? Une suivante noble n'est pas toujours là pour l'argent, et Saurine n'avait d'ailleurs pas reçu ses gages depuis plus de six ans puisque Marguerite exige que ceux-ci lui soient réglés38. Les donations testamentaires dont bénéficient les serviteurs sont rarement symboliques. C'est logique puisqu'ils n'ont aucun droit sur le patrimoine familial et sont cités dans les instruments en raison de la reconnaissance, ou même de l'affection que leur porte celui qui les emploie. Cette tendresse se maintient même après l'interruption de la vie salariale et certains testateurs n'oublient pas leurs anciens domestiques39. En général, le maître se préoccupe de faire payer les salaires de leur domesticité et lui garantit de ne pas être jetée à la rue après le décès du seigneur de la maison40. La garantie de l'emploi est également une préoccupation importante à une époque où le travail n'est pas toujours facile à trouver41, enfin les testateurs songent à établir leurs employés42.
41Aux côtés de ces légataires dont le lien de parenté ou d'affinité est précisé, figurent une foule d'inconnus, des gens que l'on remercie pour leurs services, certains dont le type de services rendus est précisé, comme Catherine, femme de Jacques André, qui avait été la nourri ce de la fille de Raymond Chalvet, d'autres qualifiés d'amis ou de socii, comme avec Jehan Marques qui cède sa meilleure houppelande à son compagnon dom Jehan Clément, en 142743. Le peu de renseignements sur ces personnages, la banalité et la diversité des legs rendent difficiles toutes études détaillées à ce sujet.
B - Les enfants, héritiers particuliers
42Assez curieusement, les héritiers universels sont parfois institués légataires particuliers. Cette pratique est utilisée pour remettre certains biens à l'un des hoirs et éviter qu'ils ne reviennent à l'autre. Ainsi, en 1482, Catherine Alègre laissa-t-elle sa succession à ses soeurs Enimie et Aygline qu'elle nomma ayants cause à titre particulier pour des vêtements44.
43Les enfants sont bien évidemment les héritiers particuliers privilégiés ; exclus de la succession en échange d'une dot, réellement constituée ou symbolique et dans tous les cas supposée représenter leur légitime, ils sont immanquablement cités à ce titre. Il est cependant difficile de se livrer à une analyse de l'importance des dots léguées dans la mesure où les testateurs se contentent fréquemment de rappeler qu'ils ont doté leurs filles, ou s'en remettent à leurs héritiers pour le faire. Un legs est généralement consacré aux filles, mais il n'est pas toujours précisé à quel titre, dot ou augmentation de celle-ci. Cette dernière remarque est également valable pour les garçons ; elle est même presque systématique et nous ignorons souvent si le legs est une dotation en soi, ou un augment de la légitime ; il faut, pour en avoir la certitude, être en présence d'enfants mineurs à propos desquels il est dit qu'ils seront nourris jusqu'à leur établissement45. Même dans ce cas, la valeur des libéralités constituées, en partie ou en totalité, en nature ne peut être chiffrée. A défaut de contrat de mariage, nous nous serions efforcé de faire parler les testaments pour évaluer le montant des dots, mais nous nous reporterons au premier type d'actes plus explicite à ce sujet. Les testaments présentent toutefois l'intérêt de dresser une comparaison entre la part frite aux fils et celle faite aux filles, lorsque celles-ci sont clairement précisées.
44Un premier constat s'impose : les mâles obtiennent une quote-part inférieure à celle des filles. En effet, sur quatre-vingt-dix-neuf testaments dans lesquels la dotation d'un garçon en bas âge est chiffrée, et sur cent treize actes où la dot des filles non mariées est livrée, 63,65 % des premiers ne reçoivent qu'entre quelques sous et dix livres, alors que ce n'est le cas que de 4,40 % des filles. La tendance s'inverse pour les allocations de onze à cinquante livres où nous relevons 28,30 % des garçons et 79,65 % des filles. La barre des cinquante et une livres est dépassée par 8,05 % des premiers et 15,95 % des dernières.
45Nous constatons que les filles sont globalement privilégiées par rapport aux mâles, mais cette affirmation repose sur l'ensemble des dots constituées par des testateurs ayant des enfants des deux sexes et d'autres qui rien ont que de l'un ou l'autre. Pour conserver une valeur probante, notre propos doit prendre en compte les testaments où un père dote à la fois des garçons et des filles. Soixante-deux instruments seulement rentrent dans cette définition. Sur cette base restreinte, nous notons que 9,65 % des enfants des deux sexes sont pourvus à égalité : ainsi Catherine, femme de Bernard Sabbatier, laissa-t-elle cinq livres à ses filles et fils, prescrivant que tous seraient nourris jusqu'à leur établissement. 1,60 % des garçons reçoivent plus que leurs soeurs : en 1440, Pierre Ambert se vit attribuer quarante francs par son père, alors que sa soeur n'avait que trente florins et huit autres florins pour le trousseau46. Dans tous les autres cas, ce sont les filles qui obtiennent une part du patrimoine supérieure à celle de leur frère. La proportion est pour 9,65 % supérieure à un, pour 35,50 % multipliée de deux à moins de quatre fois, et pour 43,55 % supérieure à quatre fois47.
46A certaines occasions, nous enregistrons une différence de traitement entre enfants de sexe identique. Celle-ci est presque rituelle entre les fils voués aux études ou à l'Eglise et les autres. Souvent l'écart des dots entre enfants de même sexe est concomitant de celui entre garçons et filles. Cette inégalité varie en fonction du sexe et de l'âge. En 1427, Jehan Peytavin donne à ses fils : quarante moutons solvables sur seize ans à Jehan, vingt autres payables sur neuf ans à Anthoine, vraisemblablement tous deux adultes, et dix moutons or seulement à Astorg qui est mineur. Il ne destine que cinq moutons or à ses posthumes mâles et vingt-cinq aux filles48.
47Les testateurs sont moins influencés par le sexe des éventuels posthumes lorsqu'ils leur destinent un legs en argent. Ainsi l'égalité est-elle de mise dans 48,80 % des cas. Aucun mâle ne doit recevoir plus que les filles ; par contre, 12,20 % de ces dernières ont une part supérieure à un, 21,95 % voient leurs dotations multipliées par deux à moins de quatre fois, 4,85 % par quatre, et 12,20 % par plus de cinq. Il arrive que l'écart résulte du trousseau réservé aux filles. Des inégalités sont fortuitement relevées entre les enfants à naître et ceux qui ont déjà été procréés, mais l'égalité entre la descendance enfantée et celle qui est susceptible de venir au monde est généralement de mise, même lorsqu'il y a inégalité entre les sexes49. Toutefois les legs constitués aux enfants qui pourraient voir le jour après le testament dépendent éventuellement de leur nombre. En 1440, Déodat Blachieyre lègue une maison, un ort, un lit muni et de la vaisselle d'étain à tous ses posthumes mâles. Selon leur nombre, ces derniers devraient se partager les biens et obtiendraient donc plus ou moins50. Enfin, dans un couple, les femmes payent généralement une moindre part à leurs enfants que leurs maris.
C - La dot au mariage
48Les contrats de mariage ne permettent pas d'envisager la dotation de l'ensemble des enfants d'une famille, mais ils sont bien plus utiles que les testaments pour évaluer la dot individuellement attribuée aux enfants. Lors des fiançailles, une dot est systématiquement constituée au profit des filles, c'est d’ailleurs l’objet constant et premier de ces contrats ; à l'occasion, les parents du futur lui constituent une donatio propter nuptias qui est son équivalent masculin51. Seuls 25,80 % des contrats de mariage sont assortis d'une donation de ce type. C'est peu et cela signifie qu'un quart des garçons recevait une dot importante à leur mariage. Ce propos n'exclut pas l'établissement antérieur ou ultérieur par donation entre vils ou legs. En fait, les registres de notaires contiennent des donations qui remplacent les donationes propter nuptias. Ainsi, le 11 juillet 1466, Bartholomé Amorel, tisserand mendois, fit-il don à son fils, Bertrand, d'une maison dont il se retenait l'usufruit, de quarante livres, d'une literie, de vaisselle en étain et d'une robe, après que Bertrand eut consommé son mariage52. Le faible nombre des gratifications prodiguées aux garçons, à l'occasion de leur mariage, ne représente donc pas la part réelle des cessions dont ils bénéficient. Il serait le résultat de la pratique notariale et des usages qui admettent des constitutions distinctes, créant ainsi un effet pervers laissant croire que les fiancés recevaient moins souvent leur légitime que les filles. De plus, une certaine quantité de donationes propter nuptias a incontestablement échappé à nos recherches dans la mesure où ces actes n'étaient pas systématiquement enregistrés le jour de la constitution dotale.
49Si nous nous en tenons à notre documentation, la fréquence des donations pour cause de mariage évolue dans le temps et dans l'espace. Elles apparaissent dans 38 % des contrats de mariage rédigés à Vébron, 32,70 % de ceux de Chirac, 12,25 % de ceux du Malzieu53 et 23,45 % de ceux de Mende. Dans la cité épiscopale, les rapports sont de 41,30 % entre 1380 et 1419, de 28,80 % de 1420 à 1459, et de 15,25 % pour 1460 à 1483. Même si nous comparons ces chiffres en tenant compte des époques où les actes ont été reçus, nous nous apercevons que Le Malzieu est bien au-dessous de la moyenne mendoise, et Chirac et Vébron au-dessus. Toutefois, nos travaux sur Le Malzieu reposant sur un nombre relativement bas de registres de notaires, il n'est pas impensable qu'une part moins importante de donations à cause de mariage ait été conservée comparativement à celles qui furent réellement rédigées. Il ne faut donc pas conclure hâtivement à ce sujet. Par contre, il est clair que les Chiracois et les Cévenols dotent plus souvent le futur que les Mendois.
50L'appartenance sociologique des contractants joue un rôle. En effet, 76,55 % des futurs qui obtinrent une donation pour cause de mariage sont des campagnards. Leur nombre est à peu près identique dans les actes mendois et cévenols, mais il passe à 66,65 % dans la région de Chirac54. Dans les instruments recueillis par les notaires mendois, cette démarche évolue dans le temps : elle résulte pour 92,70 % d'un comportement rural entre 1380 et 1419, 77,10 % pour 1420-1459, et 70,15 % de 1460 à 1483. Parmi les contractants dont nous connaissons la profession ou l'état, les nobles sont ceux qui font enregistrer le plus souvent une donation lors du mariage de leur fils puisque nous en recensons une dans 38,45 % de leurs actes. Ils sont suivis par 33,35 % des fourniers, 27,25 % des chaussetiers, 26 % des brassiers et 20 % des bastiers. Ensuite nous relevons entre 12,50 % et 16 % des bouchers, des fustiers, des sabotiers, des barbiers, des cardeurs, des tisserands55, des pareurs de draps et des selliers. Enfin, nous rencontrons 6 à 10 % des forgerons, des hôteliers, des marchands, des notaires et des tailleurs.
51La dot est composée de deux éléments : la dot en soi et le trousseau de mariage. Le second est une constante presque générale de la légitime constituée aux filles et son contenu sera analysé en dernier. Le principal peut prendre quatre apparences différentes : celle de biens mobiliers ou immobiliers, de l'ensemble des biens de la future, de meubles ou d'immeubles et d'argent, ou d'une somme d'argent. La donation pour cause de mariage adopte à peu près la même configuration, avec toutefois une plus faible mention du trousseau56.
1°) Le principal de la dotation
Les dotations en nature
52Les versements en nature représentent 10,60 % des dots constituées aux femmes et 86,20 % des donations consenties aux garçons. Toutefois, en tenant compte du fait que près des trois quarts des fils ne reçoivent rien, il est juste de préciser qu'une donation en nature n'est attribuée qu'à 22,20 % des mâles.
53Le Cévenols utilisent plus souvent les biens en nature que les autres Gabalitains pour solder les dots, puisque 16,45 % d'entre eux procèdent ainsi, alors que ce n'est le cas que de 12,25 % des gens du Malzieu, 11,70 % de ceux de Chirac et 9,25 % des personnes qui actent à Mende. En outre, une baisse du recours aux biens est observable au fur et à mesure que le siècle s'écoule, avec une légère reprise à partir des années 1460, puisque les instruments mendois font évoluer les pourcentages de 11,95 % entre 1380-1419, à 8,40 % de 1420 à 1459 et à 9,30 % pour la fin de la période. Enfin, cette option est légèrement privilégiée par les citadins dont 13,50 % l'adoptent contre 10,60 % des ruraux.
54L'inversion du mouvement dans les donationes propter nuptias complique la question. En effet, 100 % des contrats du Malzieu mentionnent des biens en nature, pour 87,35 % de ceux de Mende, 85 % de ceux de Vébron et 78,80 % de ceux de Chirac. Dans le seul minutier mendois, la tendance dotale s'inverse également et les chiffres sont, pour les trois tranches temporelles retenues, de 78,95 %, de 86,45 % et de 93,75 %.
55La dotation en nature prépare essentiellement la succession au patrimoine familial. C'est le cas pour 56,70 % des dots et pour 88,30 % des donations. 33,10 % des filles établies en nature reçoivent la totalité des biens, du père, de la mère, de grands-parents, des uns ou des autres associés ou de l'ensemble de la famille. 23,60 % n'en obtiennent que la moitié, voire même un tiers. Les chiffres sont respectivement de 38,30 % et de 50 % pour les donataires mâles. Généralement, ces contrats ont pour conséquence de créer des communautés familiales unissant les futurs mariés aux parents de la fiancée à partir de la dot et à ceux du fiancé lors d'une donatio propter nuptias57.
56Près de 11,80 % des dots et de 4,30 % des donations en nature portent sur des pagésies ou des bories. Nous sommes alors dans une situation presque analogue aux précédentes. En effet, même si l'enfant ne bénéficie pas de l'universalité des biens de ses parents, devenant à cette occasion une sorte d'héritier préinstitué, il obtient une grosse partie du patrimoine familial, et il s'agit alors d'un partage présuccessoral dû à la parcellisation des possessions parentales. L'enfant reçoit la maison inhabitée d'un aïeul, d'un oncle, ou de quelque autre parent, dont ses père ou mère ont déjà héritée. Parfois, les biens passent directement de l'aïeul, encore vivant, à la petite-fille. Les mariés pénètrent donc dans un oustau dont le maître est mort, ou seul et âgé. Finalement, la transmission d'une borie est matériellement assez semblable à celle de la moitié des biens familiaux, sauf que la seconde implique généralement une vie commune avec les géniteurs, alors que la première les en sépare, quitte à rattacher le nouveau couple à un parent plus éloigné, tel qu'un grand-père.
57Dans tous les autres actes, la dotation en nature est constituée de terres ou de maisons qui suffisent généralement pour assurer l'installation immédiate des futurs sous un toit, même s'il existe exceptionnellement des fiancés qui ne jouissent pas de cette facilité.
La dotalité universelle
58Les contrats de mariage contenant une donatio propter nuptias portant sur la totalité des biens du futur au profit de la future sont rares. A vrai dire, nous n’en avons découvert que deux’58. L'acte est surprenant en soi, puisque ce type de donation correspond normalement à la dot constituée au futur par sa propre famille, alors que la dot d'une fille est constituée, par sa famille, au fiancé qui la reçoit au nom de la future qui en garde la propriété mais en délaisse l'administration à son mari. La dotalité universelle a un sens puisque la fiancée remet tous ses biens au futur sous le statut des biens dotaux, mais l'inverse est surréaliste. Toutefois, une lecture approfondie des clauses démontre que nous sommes, à chaque fois, en présence d'affrèrements entre époux, en vertu de conventions dont le mécanisme sera étudié au chapitre suivant, face auxquels la terminologie des notaires récipiendaires s'est égarée.
59La dotalité universelle est utilisée par 10,05 % des fiancées. Le chiffre peut paraître faible, mais il est important puisqu'il implique qu'une fille sur dix parvient à se doter à partir de ce qu'elle possède. Une question se posera un peu plus loin : cette dotalité repose-t-elle réellement sur des biens existants ? La baronnie de Mercoeur est la région où se développe le plus souvent ce type de dot rencontré dans 14,30 % des actes. La représentation en tombe à 11,90 % dans les instruments reçus à Chirac, à 9,95 % dans ceux de Mende, et elle chute à 8,20 % dans les Cévennes. A Mende même, la constitution universelle est adoptée par 13,05 % des futures entre 1380-1419, par 8,10 % de 1420 à 1459, et par 10,75 % pour les années 1460-1483. Enfin, 1660 %, des citadins et 9,70 % des ruraux seulement décident de recourir à cette pratique.
60Jehan Hilaire a autrefois conclu que la dotalité universelle utilisée en Languedoc servait à dissimuler l'inconsistance de la dot. Depuis, Anne-Marie Landès-Mallet a montré qu'en Rouergue il n'en était certainement pas ainsi59. En Gévaudan, ce type de dotation repose sur un capital réel, du moins pour une bonne partie des actes. Souvent les notaires mentionnent que la dotalité se compose de "maison, orts, chasaux, prés, champs, pâturages, bois, terres cultes et incultes, hermes et cultivées"60. Est-il admissible que cette expression générique soit purement rhétorique et n'exprime aucun contenu matériel réel ? Nous nous sommes posé la question, mais le contrat de mariage d'Astruge Favot, en 1407, nous autorise à affirmer qu'il rien est rien puisqu'elle localise de tels biens en expliquant qu'ils sont en majeure partie sis à Saint-Sauveur-de-Peyre, puis elle précise qu'elle les tient en indivis avec son frère Sanche61. Si cette énumération était symbolique, pourquoi situer ces possessions à Saint-Sauveur ? D'ailleurs, le même jour, son fiancé lui donne quittance de ses meubles, en les énumérant un à un, vêtements, vaisselle, éléments de literie et animaux, puis délivre quittance des biens immobiliers indivis avec Sanche Favot. En outre, si la dotalité universelle devait servir à dissimuler l'inexistence d'une dot, nous ne verrions pas un proche parent constituer, en plus, ce que les notaires appellent alors un "augment de dot". Ce dernier serait la dot elle-même !
61Comme l'a remarqué Anne-Marie Landès-Mallet, "cette clause est liée à des circonstances familiales particulières". Souvent, la friture est une veuve, elle a déjà été pourvue de sa légitime ; le cas échéant elle a hérité d'un legs de son premier conjoint et possède donc un patrimoine personnel. A d’autres occasions, la fiancée est une mineure orpheline et c’est son tuteur qui transmet l'ensemble des biens qu'elle a au futur époux. Très fréquemment, la femme agit en étant assistée par des parents, mère, frère ou oncle. Dans une grande partie des actes où une dotalité universelle est mentionnée, la fiancée n'est plus sous autorité paternelle, par le fait du décès du père ou du premier époux, et se trouve à la tête de richesses qu'il convient de placer entièrement sous la protection de celui qui partagera sa vie. Comme en Rouergue, cet usage sert aussi à attacher l'homme au patrimoine de la femme, mais la dotalité limitée pourrait conduire à la même situation ! Toutefois, la dotalité universelle n'est donc pas toujours l'expression des seules implantations matrilocales62. En outre, elle n'est pas liée à un type unique de structure familiale, même si elle apparaît à 80 % dans des ménages nucléaires et à 20 % dans des familles élargies. La motivation fondamentale consiste à assurer la protection du patrimoine des femmes isolées entièrement confié au mari qui en devient responsable et le gère entièrement au mieux, qu'il s'agisse d'avoirs d'origine familiale ou de propres.
La dot mixte
6214,05 % des dots sont constituées en nature et en argent. Les contractants retiennent ce mode de paiement dans 16,30 % des actes du Malzieu, 15,85 % de ceux de Chirac, 14,20 % de ceux de Mende et 11,40 % de ceux de Vébron. A Mende, les pourcentages varient de 14,15 % entre 1380-1419, à 11,20 % de 1420 à 1459, à 16,70 % pour la fin de notre période. Comme pour les types de règlements précédents, ce sont les citadins qui utilisent le plus souvent celui-ci puisque 24,40 % y ont recours pour 13,15 % des ruraux. L'attribution d'une donatio propter nuptias mixte est très rare : 1,70 % de l'ensemble, ce qui revient à dire que seuls 0,45 % des mariés en reçurent une sous cette forme.
63L'analyse de la partie numéraire de la dot mixte sera analysée plus loin. Les biens en nature sont composés pour 14,20 % de maisons, pour 24,10 % de terres, et pour 20,35 % de maisons et de terres. 3,70 % des filles se voient accorder l'usufruit de terres, 15 % des animaux. Les autres obtiennent des meubles, des céréales, de la laine ou même des cens. Des "droits familiaux", dont il est difficile d'évaluer l'importance puisque les formules restent laconiques, sont reconnus à certaines fiancées.
64Cela nous incite à penser que seules 35 % des filles qui reçoivent une dot mixte bénéficient immédiatement d'un toit. Comment les autres faisaient-elles pour s'installer ? Les constituants ont souvent prévu un habitat provisoire. Ainsi 9,90 % des futurs jouirent-ils de l'usufruit d'une maison et 7,40 % d'un simple hébergement, soit dans la maison des parents, soit sous forme locative. Selon les actes, l'usufruit d'un abri est fixé pour une durée d'un à neuf ans. La durée minimale est attachée à un simple asile et non à la cession complète de l'usage d'une demeure63, Il arrive que la durée de neuf années soit dépassée, mais nous ignorons si l'immeuble cédé est destiné à servir de domicile ou d'atelier : en 1471, André de Saint-Flour, prêtre bénéficier de Mende, cède à sa nièce l'usufruit pour douze ans d'un ouvroir sis pan du Chastel. Le bail peut aussi être interrompu si le donateur tombe en état d'indigence comme l'envisage maître Guillaume Jourdan. Le terme est parfois assujetti à un événement familial quelconque. En 1471, Delphine Boschet, de Balsièges, obtient l'usufruit d'un étage de la maison de sa mère, sise à Mende, et le conservera tant que cette dernière vivra64. Cet hébergement permet à quelques-uns de retarder le paiement de la dot65. Toutefois, conclure que cette clause coïncide systématiquement avec une difficulté éprouvée pour réunir ou solder les dots importantes serait faux car Vital Réversac donna cent moutons or à sa fille, et s'engagea à verser trente-sept moutons or dès le jour des noces et en plus du gîte.
65Le pacte unissant Jehan Cobe, marchand de Mende, à Hélix Chabrit, fille du notaire Jehan Chabrit, confirme que ce type de clause assurant un foyer aux enfants ne pallie pas toujours une défaillance de la constitution dotale. En effet, Jehan pourvut sa fille d'une safranière et de deux cent vingt-cinq livres, dont soixante étaient solvables le jour de la cérémonie et trente à la Toussaint suivante. Cette somme était suffisante pour acquérir immédiatement un oustau, mais Jehan concéda la jouissance d'une chambre en l'étage inférieur de sa maison pendant neuf années. En outre, Pierre Cobe, père de Jehan Cobe, lui attribua un ouvroir, une maison de trois étages, et diverses terres. Dans ce cas, la cession de la chambre paraît bien inutile. Elle ne serait même pas utilisée pour loger des domestiques puisqu'elle ne se trouvait pas dans le même quartier que la maison de Jehan Cobe. Nous ne connaissons pas d'autre enfant à Jehan Chabrit ; il est vraisemblable qu’il ait ainsi voulu entretenir l'intimité des liens existants entre sa fille et lui, permettant à celle-ci de venir passer quelques soirées chez lui, mais ce sont là des propos qui tentent de deviner ce qu'un contrat notarié ne laisse presque jamais transparaître : le tréfonds du coeur humain.
66L'habitat n’est pas le seul à être l'objet d'une attention particulière et les contractants se soucient aussi de l'avenir professionnel des fiancés. En mariant sa fille Cénote avec Jehan Alboyn, Jacques Avinhon, tisserand de Mende, dit qu'il pourvoira aux dépenses des futurs pendant un an en compensation du travail de son gendre auquel il enseignera son métier66. Ainsi plus de 50 % des futurs ayant bénéficié d'une dot mixte étaient-ils immédiatement logés sans avoir à se préoccuper de se procurer un toit ; et il est probable qu'ils étaient encore plus nombreux à profiter d'une telle situation.
Les dotations en numéraire
6763,35 % des dots sont réalisées en numéraire ainsi que 11,45 % des donationes propter nuptias67. Le chiffre concernant les filles est donc important. A propos de ces dernières les pourcentages varient de 65,20 % dans les Cévennes, à 63,75 % dans les actes mendois, 60,40 % dans ceux de Chirac et 57,14 % dans la baronnie de Mercoeur. Dans les mêmes lieux, la part des donations pour cause de mariage payées en argent est de 15 %, de 10,10 %, de 15,15 % et de zéro pour cent. Les campagnards utilisent plus souvent l'argent pour installer leurs enfants que les gens des villes, et 66,50 % des premiers contre 45,90 % des seconds procèdent ainsi. Dans les registres des notaires mendois, 68,45 % des dots sont soldées en numéraire entre 1420 et 1460, alors que 60 % d'entre elles seulement le sont auparavant ou par la suite. Au contraire, le mouvement est dégressif pour les donations dont 15,80 % sont réglées en liquide entre 1380-1419, puis 11,45 % de 1420 à 1459, et enfin 4,68 % dans les années 1460-1483.
68Les dots en numéraire sont les seules dont la valeur réelle est connue. C'est leur analyse qui favorise l'étude de l'évolution de la part du patrimoine véritablement reçue par les enfants exclus de la succession. Si nous tenons compte de l'ensemble des sommes allouées aux mariées nous observons que le montant moyen de la dot est de 1151,64 sous, soit cinquante-sept livres, onze sous, sept deniers et une obole. Il est toutefois plus logique de retirer de ces résultats les sommes intégrées dans des dots mixtes. La moyenne est alors de 1179,27 sous, soit cinquante-huit livres, dix-neuf sous et trois deniers68. Un constat s'impose, la moyenne n'évolue guère, que nous la calculions avec ou sans les dots mixtes69.
69De grandes variations sont observables entre les dots moyennes, selon l'origine géographique des contractants. Les ruraux attribuent en moyenne 44,50 livres, alors que les citadins en donnent quatre-vingt-dix-sept, soit plus du double. Les sommes réunies par les premiers évoluent selon la ville où les actes sont reçus. Elles sont de 47,50 livres dans le minutier mendois, de quarante-quatre dans la région de Chirac et de la terre de Peyre70, de 31,50 dans la baronnie de Mercoeur et de trente-cinq dans les Cévennes. Une réserve reste à faire à propos de ces dernières car une fille de la noblesse reçut trois cent soixante-quinze livres, ce qui fausse légèrement le résultat. En effet, si nous excluons cette dernière, la moyenne des autres descend à 29,50 livres, ce qui donne une plus juste idée de la réalité.
70La majorité des filles apporte de quarante à cinquante-neuf livres, ou de trente à trente-neuf livres. Peu d'entre elles en obtiennent plus de quatre-vingts, ou moins de vingt. La valeur fiduciaire des dotations mixtes ne perturbe pas ce schéma. Tout au plus pouvons-nous relever un plus grand nombre de sommes inférieures à vingt livres puisque la part égale à 4,10 % dans les dots en numéraire passe à 17 % dans les dots mixtes. Mais cela n'a rien de surprenant dans la mesure où les parents qui cèdent des terres à une fille le font souvent au détriment de la masse monétaire. A l'opposé nous notons que 3,70 % des dots mixtes comportent une somme de deux cents à trois cents livres alors que ce n'est le cas que de 2,05 % des dots en argent. Les rapports se redressent légèrement pour les constitutions dotales supérieures à deux cents livres puisqu'ils sont respectivement de 4,95 et de 4,10 %. La part en argent des dots mixtes est donc proportionnellement un peu mieux répartie sur l'ensemble des tranches que nous avons retenues.
71Le nombre de donationes propter nuptias faites en liquide au profit des garçons est faible et la majorité, soit 52,65 % d'entre elles, ne dépasse pas dix-neuf livres ; cela confirme la différence faite entre les enfants mâles et femelles. Les garçons reçoivent généralement le minimum, et, en moyenne, la moitié de ce que perçoivent les filles en guise de légitime lors de leur mariage. Cependant, 21 % d'entre eux enlèvent une portion de quarante à cinquante-neuf livres. Ce cinquième pourrait paraître raisonnable, mais il est vraiment faible, si nous nous rappelons que seul 25,80 % des garçons ont reçu une donatio propter nuptias ! Et que moins de 20 % de ces derniers se sont vu octroyer leur légitime en argent ou en argent et en nature !
72Les citadins constituent, pour 27,50 % une dot fiduciaire supérieure à cent livres, alors que ce n'est le cas que de 2,50 % des ruraux. Dans la tranche des moins de quarante livres, nous retrouvons 24,20 % des premiers et 48,20 % des seconds. Enfin, 47,05 % des campagnards et 39 % des gens des villes attribuent une part oscillant entre quarante et soixante francs or. Il apparaît donc que les habitants des campagnes ont un comportement plus uniforme et qu'il faut se rendre dans les villes pour assister à une plus grande diversité dans la valeur de la légitime constituée lors du mariage. En outre, les hommes de la baronnie de Mercoeur et les Cévenols ont majoritairement recours aux dotations de faibles valeurs.
73En analysant l'importance des dots en fonction de la profession ou de l'état, nous ne sommes pas surpris de constater que les nobles sont parmi ceux qui donnent plus de deux cents livres, et même 71,40 % d'entre eux en attribuent plus de trois cents. Les registres des notaires consultés ne contiennent aucun contrat de mariage ou testament émanant des familles de la grande noblesse gabalitaine : celle des barons. Afin d'opérer une comparaison avec le reste de la société, nous avons donc recouru à quelques actes conservés dans la série E : titres de familles, des Archives départementales de la Lozère. Annette de Ventadour apporte huit mille deux cent cinquante livres de dot à Jehan d'Apcher, seigneur du château d'Arzenc et de Montaleyrac, fils du baron d'Apcher, en 1451, Louise de Crussol quatre mille cent vingt cinq à Pierre Garin, baron du Tournel, en 1452, et Marquèze de Beaufort sept mille à Odilon, alias Armand, baron du Toumel, en 139871. Les dots des filles de barons sont donc entre soixantedix et cent quarante fois supérieures à la moyenne relevée dans les registres des notaires lozériens72. La petite noblesse réserve une somme d'argent de trois et demie à huit fois et demie supérieure à la moyenne générale. La différence est donc remarquable entre la petite et la grande noblesse. Louise de Crussol, la moins dotée des filles de barons, eut plus de huit fois la valeur de la dotation remise par Pons de Chapelu à sa fille Guiemar, la mieux pourvue des jeunes filles de petite,noblesse en 141673.
74Les plus richement garnis sont ensuite les enfants des notaires, juristes compris, et des marchands, bourgeois inclus. 38,45 % des notaires et 51,70 % des marchands donnent plus de deux cents livres, et 23,10 % des premiers et 17,25 % des seconds plus de cent. En revanche, nous sommes plus étonné de voir 7,70 % des notaires et un marchand constituer une somme égale ou inférieure à quarante livres. Vital Ventajon, notaire de Mende, n'abandonne que trente moutons or et un ort, à l'une de ses filles en 1458, et quarante livres à la seconde en 1468. Mais ce personnage, marié à la fille d'un teinturier, appartient au plus bas échelon d'une classe d'officiers généralement recrutés dans la bourgeoisie, petite ou grande74. Lorsqu'ils assurent l'avenir de leurs filles, les marchands et les bourgeois sont, selon les cas, plus larges ou beaucoup moins prodigues que les nobles de petites Maisons. En effet, certains sont au niveau ou en dessous de la moyenne générale, et d'autres, au contraire, constituent des dots plus élevées que celles que réunissent les nobles. L'écart est immense si nous comparons les dots d'Isabelle Monbel et de Marguerite Bodet : vingt-deux points de différence75 ! Nous sommes donc en présence d'une classe sociale où l'ascension est sans doute la plus fréquente : une classe intermédiaire entre les simples roturiers du Tiers état et la petite noblesse. Un marchand, ou un notaire, sont aussi bien des hommes vivant chichement et difficilement de leur labeur, que des personnages ayant les moyens de s'imposer aux nobles des villes et des campagnes.
75Les tranches inférieures du Tiers état sont représentées par les artisans du textile : tailleurs, tisserands, pareurs de draps et autres travailleurs qui se mêlent de l'industrie de production ou de transformation des tissus. 67,70 % d'entre eux, toutes professions mélangées, donnent entre quarante et cent livres. 6,15 % seulement dépassent ce plafond, la somme maximale atteignant cependant plus de deux cents francs or. Pour tous les autres gens de métiers, les pourcentages sont respectivement de 50 % et de 18,50 %. Il est juste d'observer que 3 % des filles des gens du textile se contentent de moins de vingt livres, alors qu'aucune des autres artisanes n'est réduite à ce minimum. Comme pour la catégorie précédente, l'écart est important entre familles de même milieu et des tisserands octroieront de vingt-cinq à deux cents livres76.
76Enfin, la plus basse couche des gens dont l'activité professionnelle est connue réserve quelques surprises. En effet, 44,45 % des brassiers laissent moins de quarante livres à leurs filles, mais le reste de ces hommes, qui peuvent être considérés comme les plus pauvres, leur accordent tout de même entre quarante et soixante livres.
2°) Le trousseau de noces
77Seuls 3 % des futurs qui bénéficient d'une donation pour cause de mariage se virent octroyer un trousseau de noces. Au contraire, 79,25 % des filles en obtinrent un. Encore convient-il d'observer que 97,75 % des dots en numéraire et 93,20 % des dots mixtes sont accompagnées du trousseau. C'est donc parmi les dots en nature et les dotalités universelles que ce dernier n'est pas mentionné, et cela ne saurait nous surprendre puisque la plupart de ces dotations comprennent l'ensemble des biens, soit de la future, soit de ses parents, et qu'il est dès lors inutile d'en livrer le détail. Ainsi 34,40 % des dots en nature et 6,05 % des dotalités universelles décrivent-elles de la lingerie. Sur l'ensemble des dots, 78,20 % comportent des vêtements et 76,30 % une literie. Si nous comparons ces chiffres au fait que 79,25 % des filles reçurent un trousseau, nous nous rendons compte que celui-ci est presque toujours composé des deux types d'objets.
Le lit de dot
78Une interrogation surgit et demeure sans réponse. Les actes mentionnent un lit muni de divers éléments. Ce lectum munitum doit-il être pris au sens littéral du mot et être considéré comme un meuble, ou bien le lectum ne consiste-t-il qu'en une literie ? Nous avons, peut-être un peu rapidement et arbitrairement, convenu de considérer que lectum signifiait literie ! Notre choix repose sur un fait précis : presque jamais ce lit n'est désigné par l'un des termes, "cadalié" ou "colgia", qui désigneraient le meuble. Une seule fois nous relevons : unum lectum munitum uno chadaliech fuste, una culcitra, uno coyssino plume, uno lodice, duobus lintheaminibus77. Cette expression, en soi, fait la différence entre le lectum munitum et le mobilier. L'absence de la mention du mobilier en bois dans tous les autres cas impliquerait que le "lit muni" exclut le meuble.
79Le lit standard est composé de deux draps et de deux couvertures. Nous le trouvons sous cette forme dans 59,45 % des contrats, ce qui signifie que 78 % des lits répondent à ce modèle. 5,25 % sont de moindre constitution, soit un drap et une couverture, ou deux draps, ou deux couvertures, ou deux de l'un et un de l'autre. Tous les autres réunissent le modèle courant augmenté, pour 2,15 % d'un coussin, 4,10 % d'un édredon et 0,25 % d'un couvre-lit. 5,55 % des filles pourvues du matériel de couchage obtinrent ce que nous appellerons un grand lit : soit le standard et plusieurs éléments de literie en supplément. 2,10 % des constituants déclarent s'en remettre à l'appréciation des futurs ou de leur parenté.
80Enfin, 2,60 % des hommes se contentent de fixer une somme d'argent. Ces exemples de prix démontrent qu'il n'y a aucun rapport entre le montant de la dot et celui du lit. En effet, lorsque nous pouvons mettre en relation le principal de la dot en numéraire et le lit soldé en argent, la proportion est d'un neuvième pour 21 % des cas78, d'un douzième à un vingtième pour 42,85 % des lits79, d'un vingt et unième à un vingt-cinquième pour 14,30 %80, et au-delà d'un trente-troisième pour le reste81. Le maximum est même atteint par 7,15 % des constituants dont la valeur du lit par rapport au principal est d'un pour cinquante-deux82.
Les vêtements
81Lors de leurs fiançailles les filles sont munies d'un certain nombre de robes et de vêtements. Dans 78,90 % des actes où un trousseau de "vestes nuptiales" est constitué, le nombre précis de robes est donné. 17,65 % des contractants se contentent de donner une valeur numéraire, le reste étant laissé à l'arbitrage des parties. Si nous ne considérons que les instruments où les habits sont décrits, le plus grand nombre, 63,85 %, mentionne deux robes ; 11,25 % n'en désignent qu'une, 18,15 % trois, 5,75 % quatre et 1 % cinq. La terminologie pour désigner ces toilettes n'est pas toujours précise. 25 % des contrats83 citent des robes et 18 % des vestes. Ces deux termes sont génériques et synonymes. Par contre, 52,30 % précisent que les futures auront des cottes, 45,45 % des gonelles, 6,45 % des tuniques, 0,70 % des justaucorps, autant des houppelandes, 0,85 % des surcots, autant des pelisses d'agneau, 0,40 % des pelisses dont nous ignorons la texture, 0,30 % des fourrures. Généralement les dots sont composées de vêtements variés, par exemple, une cotte et une gonelle. Les effets les plus rares, comme les houppelandes et les pelisses, sont donnés en plus des robes classiques. Enfin, 5,60 % des fiancées auront des affaires d'occasion, qui ont souvent appartenu à leur mère, ou qui leur viennent d'un premier mariage. Il arrive que des parements soient joints. 1,70 % des actes stipulent que les futures auront des capuchons, 1 % des bijoux, 0,70 % des garlandes en nacre, 0,30 % une aumusse, 0,15 % des chausses, autant des garnitures, sans autre précision.
82Le vair est utilisé pour 1,25 % des robes, en particulier les houppelandes, et 0,85 % des vestes sont doublées. Les tissus servant pour les robes sont assez variés et se répartissent en trois catégories principales : 70,75 % en tissu de France, 40,65 % en tissu des terres basses et 11,40 % en tissu du pays. L'expression "terres basses" est toujours préférée à celle de Languedoc dont le Gévaudan fait partie, elle marque bien la différence que les Gabalitains font entre leur pays, proche des montagnes d'Auvergne, et les pays de langue d'Oc situés plus au sud.
83La couleur de 23,90 % des tissus a été indiquée. De plus, 28,25 % du textile est qualifié de "coloré" ou "teint". Tout d'abord, nous rencontrons le noir dans 0,85 % des tissus et le blanc pour 3,10 %, avec 0,15 % de blanquet. Ensuite, nous relevons des tons sombres : 0,30 % de gris, 0,15 % de grisey84, 0,15 % de gris-jaunâtre, 0,85 % de brunet, 1,70 % de burel, 0,55 % de moret ?85. Apparaissent, ensuite, les coloris plus vifs : 5,35 % de vert, 2,25 % de pers, 0,40 % dè bleuâtre, 2,10 % de rouge, 0,15 % d'écarlate, 0,70 % de violet, et 5,10 % de "palmel".
84Le tissu est importé de plusieurs endroits. Les Flandres ne sont pas en reste puisque 2,55 % des tissus viennent de Courtrai, 0,30 % d'Ypres, 1,25 % de Bruxelles. Il y a aussi 8,45 % de textile de Vervins, 2,10 % de Bourges, 1 % de Roanne, 0,70 % de Montivilliers, 0,85 % de Moulins, 0,15 % du Puy, 0,30 % de Meny, 0,15 % d'Eden ( ?), et même 0,15 % d'Angleterre. Du midi, les Gabalitains font venir leurs étoffes de La Roque dans 5,20 % des cas, en particulier dans une teinte verte, 6,05 de Perpignan, 4,90 % d'Alet, 3,25 % de Lagrasse, 0,15 % de Carcassonne, 0,15 % de Foix et autant de Montpellier. Enfin, 20,10 % des pièces viennent de Marvejols, 1,80 % de Mende et 0,30 % de Saint-Chély-d'Apcher. Celles de Marvejols sont toujours dites "colorées", parfois, vertes ou palmelles. A Mende, elles sont blanches, perses, grises, ou simplement en couleur.
85La valeur des vêtements est bien plus élevée que celle du trousseau. En effet, un sondage réalisé à partir des contrats de 1380 à 1419 qui livraient la valeur en numéraire des robes atteste que 90,30 % des vestes font entre un tiers et un neuvième du principal de la dot, le reliquat coûtant entre un dixième et un quatorzième. Si 6,45 % des actes présentent un rapport de près d'un tiers entre la valeur des habits et celle du principal, le quart est atteint par 48,40 % des constituants. Le prix moyen d'une robe paraît être de cinq à six livres, mais il est très inégal, selon la nature du tissu de base. Une cotte de France coûte de neuf moutons or en 1453 à dix en 1464, une cotte de Vervins, neuf moutons or en 1452, et une de Bourges autant en 1483, alors qu'une en tissu de burel descend à trois moutons or en 144886.
86Il n'est pas envisageable d'émettre l'hypothèse qu'un lit de faible valeur compense la part prise par des effets plus chers. En fait, c'est l'ensemble du trousseau qui prend une part importante, ou non, par rapport au reste de la dotation et son prix ne suit pas celui du principal. La mariée doit avoir des vêtements et des éléments de literie ; plus ses parents sont aisés, plus belle sera la qualité de ces derniers, mais il existe un nécessaire minimum. En conséquence, plus une dot est basse, plus le trousseau prend proportionnellement de valeur, même s'il est de basse qualité.
III - LE FONCTIONNEMENT DU SYSTEME
A - Exhérédation et recours en légitime
1°) L'exhérédation
87A plusieurs reprises nous avons évoqué la pratique du legs à cinq sous. L’application par les testateurs d'un tel legs est très fréquente et nous le rencontrons, au moins une fois, et souvent bien plus, dans 62,50 % des testaments et des codicilles. Cela ne saurait surprendre dans la mesure où la somme de cinq sous était considérée par les juristes comme suffisante afin d'éteindre tous les droits d'un héritier potentiel. Le recensement de cet usage en fonction du lien de filiation du légataire est intéressant puisqu'il met en évidence les niveaux de parenté auxquels s'étendaient les droits de la famille sur le patrimoine d'un individu. Tout d'abord, les testateurs consacrent cinq sous à tous leurs ayants droit, c'est pour ainsi dire l'acte de prudence élémentaire ; face à l'incertitude de son devoir en matière successorale, celui qui a cité toute la parentèle à laquelle il pouvait songer se contente de dire qu'il laisse cette somme à tous ceux qui sont oubliés et pourraient avoir des droits ou quereller ses héritiers. Les enfants, quand ils sont déjà établis, se voient continuellement octroyer cinq sous. Les collatéraux ne sont pas négligés, frères, soeurs, oncles, neveux et cousins. C'est l'ensemble des parents de sang qui est en position de revendiquer des droits, et cela même lorsqu'un testateur a des enfants. Bien que ce soit exceptionnel, certains testateurs coupent les droits de leurs parents avec une somme encore moindre. En 1460, Marguerite, veuve Gasays, cède deux sous et demi pour la légitime de chacun de ses trois fils et de ses trois filles87.
88Le legs de cinq sous poursuit trois fins légèrement différentes. Il est considéré comme un supplément de la légitime. En 1482, Biaise Ramadier utilise d'ailleurs l'expression "supplément de légitime" lorsqu'il baille cinq sous à ses filles Dondine et Catherine. Il sert également à contraindre un héritier particulier à accepter un legs sous la forme prévue par le testateur. En 1440, Déodat Blachieyre, cordonnier de Mende, ne semble pas fâché contre sa fille Catherine, femme du notaire Bernard Bonhomme, puisqu'il lui procure vingt moutons or pour ses droits, mais il précise qu'au cas où elle ne serait pas contente, ce legs serait nul et remplacé par cinq sous88. Ainsi Catherine n'avait-elle que deux choix : se réjouir des vingt moutons or en respectant la volonté paternelle, ou ouvrir un long procès en recours en légitime, en voyant le legs immédiatement cassé, sans être certaine d'une issue heureuse pour elle. En cela cette obligation correspond à une exhérédation pour cause de désobéissance.
89C'est précisément l'usage le plus fréquent du legs à cinq sous qui opère comme principe d'exhérédation. En 1448, Jehan Peytavin senior, du Born, donna cinq sous "à cause de mort" à sa fille Luquette, femme de Jehan Guillaume, de Frutgères. Il affirma alors persister dans la révocation qu'il avait faite de la donation d'un pré, de trente-deux moutons or, d'un setier de seigle et de quatre cannes de tissu naguère consentie en faveur de Luquette. Il est clair que la fille de Jehan fut sans doute peu reconnaissante et frappée de cette exclusion. Il reporta ladite cession sur son fils, Astorg, clerc de 1438 à 1455. Peu après avoir profité des largesses de son père, Astorg en fut privé. En effet, en 1449, Jehan senior, devenu impotent, révoqua sa donation à cause de mort car Astorg refusait de le servir comme il y était tenu et transporta la possession des divers biens à sa bru, Sanche, épouse de Jehan junior, pour la remercier de ses services. Contrairement à Luquette, Astorg ne fut pas indemnisé par les cinq sous traditionnels. Il se maria, en 1456, avec Agnès Dumas, et entra en conflit contre son frère, Jehan, à propos de sa légitime, en rappelant que leur père lui avait autrefois donné un pré. Jehan répliqua qu'après la mort de leur père, il avait tenu Astorg in scolis et l'avait nourri et logé. Le jour des fiançailles d'Astorg, les deux frères convinrent que le jeune homme aurait cinquante livres de légitime mais qu'il devrait délivrer une quittance des biens familiaux89. Ainsi, Jehan senior, en constituant la dotation en 1448, avait en quelque sorte lui-même fixé la part de son fils. Par la suite, en annulant la cession sans constituer les fameux "cinq sous" d'exhérédation, il avait ouvert la porte aux revendications d'Astorg qui sut en profiter.
2°) Légitime et recours en légitime
90L'aventure d'Astorg Peytavin pose la question du recours en légitime, même si celui-ci ne résulte pas toujours d'une exhérédation. Un constat s'impose souvent : la difficulté qu'il existe de considérer que la dot au mariage constitue bien la légitime, puisque les testateurs l'accroissent presque systématiquement d'un legs. La difficulté de fixer une légitime raisonnable est bien exprimée par le contrat de fiançailles passé entre Private Pagès et Pierre Boysson, le 28 avril 1470, devant le notaire Jehan Julien. Le père de la fiancée explique qu’un autre contrat fut enregistré devant maître Jehan Vincent mais que les parties se sont depuis avisées que la dot n’était pas suffisante, ce qui motivait la confection du nouvel instrument90. Il n'est d'ailleurs pas plus envisageable de dire que la dot réunie au testament représente la légitime car elle est souvent augmentée lors de l'établissement de l'enfant. Le cas de Françoise Tribulat, fille de Guillaume et d'Isabelle, est assez probant. Par ses dernières volontés, rédigées en 1407, sa mère lui laissa vingt livres, un lit, des vêtements et vingt sous, ainsi que cinq sous de la part de Guillaume. Or, le 18 novembre 1408, un an plus tard, Françoise épousa Etienne Rabayroles, d'Estables, et bénéficia de trente-deux livres et de son trousseau. La somme d'argent était donc augmentée de plus de 52 % !
91L'apparente contradiction en matière dotale, entre le contrat de mariage et le testament, résulte de plusieurs facteurs. Tout d'abord, au moment du décès, les testateurs répugnent toujours à ne rien laisser à chacun de leurs enfants ; ils marquent leur affection à tous et coupent aussi, il est vrai, toutes possibilités de contestation de leurs dernières volontés. Mais, ce type de situation s'explique aussi en raison de la prudence et de l'état du patrimoine familial. La prudence : il ne faut pas qu’un testateur fixe à l'avance une dot trop élevée qui mettrait son héritier universel dans l'impossibilité de la payer ; aussi la tendance serait-elle à la baisse, quitte à ouvrir les droits à un recours en légitime, ou à désavantager des enfants, ou à laisser l'héritier amplifier ultérieurement la dot. Cette crainte se manifeste, en 1399, dans le testament de Jehan Sirvens qui réalise la dotation des posthumes à naître de sa femme actuelle ou de la suivante s'il se remariait. D précise que chacun aura cinquante livres ; toutefois, s'il y en avait deux ou plusieurs, chacun n’aurait que cinq livres car ses biens ne suffiraient pas pour en supporter plus91. Enfin, le dernier facteur valable dans tous les types d'actes : le patrimoine familial évolue entre deux périodes éloignées et la légitime des enfants peut être soit diminuée soit augmentée en fonction de cette évolution..
92Nous avons signalé qu'une minorité de garçons recevait une donatio propter nuptias ; les pères laissant souvent les fils conquérir leurs biens. Toutefois, cette pratique était en contra diction avec le droit qui consentait à chaque enfant la possibilité de profiter de sa part du patrimoine familial, même si la pratique avait imposé le legs de cinq sous. Toujours est-il que quelques fils exigent leurs légitimes. En 1474, Anthoine Arzalier se fiance avec Jehanne La Garde et revendique la légitime due par ses père et frère, Jehan et Pierre, le second étant donataire du premier. Anthoine veut vingt-cinq livres, mais Pierre déclare qu'en considération de leurs frères et soeurs, qui sont au nombre de huit, la légitime ne peut atteindre huit livres et qu'il consent à en donner sept. Finalement, les père et fils conviennent qu'Anthoine en aura treize. Les donationes propter nuptias sont minoritaires par rapport au nombre de garçons mariés, mais beaucoup d'actes notariés attestent de la constitution d'une dotation au bénéfice des mâles, des quittances de biens en particulier. Lorsque l'enfant est satisfait de sa légitime, il le reconnaît, comme le fit Guillaume Vilaret, en 1463. Sinon, il entame une procédure de recours en légitime, et peut même se dresser contre la volonté paternelle, comme Jacques Salaville, nanti du dix moutons or par son défunt père, qui exigea quarante livres de son frère, Jehan. Mais la plupart du temps ces actions se traitent à l'amiable ; Jacques et Jehan Salaville s'accordèrent pacifiquement sur une somme de trente moutons or92.
93La condition féminine respectait les mêmes formes. Jehanne, fille de Raymond Cortin, attendit plusieurs années après son mariage avec Richard Montanhier pour revendiquer sa légitime, face à ses frères Guillaume et Jacques. Elle rappela s'être mariée sans qu'il ne lui fût constitué de dot. En conséquence, Jacques et Guillaume lui concédèrent une robe, une cotte, deux draps, deux couvertures et trente livres à remettre trente sous par an. En échange, Jehanne reconnaîtrait être satisfaite de sa légitime. Ainsi, une dot satisfaisait généralement les droits mais, en 1450, Marguerite Boayro ne se limita pas à une portion congrue et considéra que son frère, le prêtre Guillaume Boayro, héritier universel de leurs parents, lui devait la moitié du patrimoine familial, remettant ainsi en question la logique de la succession universelle93.
94Parfois le recours en légitime succède à un contrat de mariage et à une quittance des biens familiaux donnée selon les règles. En 1457, Hélix, fille de Pierre Jacques, défunt notaire mendois, épousait le marchand Anthoine Delcros. Son parâtre Anthoine Boet, au nom de Philippe Jacques, notaire de Coren (diocèse de Saint-Flour), oncle d'Hélix, lui baillait en dot : cent moutons or légués par Privat Jacques, notaire de Coren et grand-père paternel de la future, soixante moutons or pour tous ses droits dans les héritages du défunt Privat et de sa femme, et un lit de neuf moutons or sur le capital des mêmes. Le même jour, dans le même acte, Cénote Jourdan, femme d'Anthoine Boet et mère dHélix, lui allouait trente livres, une cotte et une gonelle en tissu de France. En conséquence, Hélix, majeure de seize ans, mineure de vingt-cinq, autorisée par son futur mari, délivrait une quittance des biens familiaux à son oncle Philippe Jacques. Par la suite, un véritable duel juridique opposa Hélix à son oncle Philippe. Hélix fondait son attaque sur le fait qu'elle était mineure et ignorante de l'état du patrimoine familial lors de son mariage ; elle contestait la validité de la quittance qu'elle avait donnée de ses droits. Juridiquement, les mineurs étaient protégés dans les actes qu'ils accomplissaient. En l’occurrence, Hélix ne pouvait arguer de son état de mineure, car, comme toujours en de tels cas, elle avait, selon la pratique notariale méridionale, renoncé à la protection légale accordée aux enfants en prêtant serment sur les Evangiles. Toutefois, elle jouait sur le lèse de l'acte accompli par ignorance. En somme, elle affirmait avoir été gravement flouée et ne pas avoir agi en connaissance de cause. Elle obtint ainsi des lettres de la Chancellerie royale qui la "restituèrent et réintégrèrent in integrum" ; ce qui signifiait qu'elle retrouvait tous ses droits. Au vu de ces lettres, mandat fut donné aux bailli et juge de la cour commune et bailliage du Gévaudan, de casser la quittance et de rétablir Hélix dans ses droits et dans la moitié des biens de ses père et grands-parents paternels. Mais, Philippe Jacques, comme notaire, devait connaître les procédures compliquées à suivre et il fit traîner l'affaire en longueur, ouvrant un contentieux au parlement de Paris et portant la cause devant le bailli des Montagnes d'Auvergne duquel il dépendait personnellement. L'exécution des lettres royales était ainsi entravée. Philippe, apparemment sincère, se défendait sur le fond en certifiant avoir reçu donation de l'intégralité des biens de ses parents, alors qu'Hélix bénéficia d'un legs de cent moutons or. Il soutenait avoir augmenté ce legs de soixante-neuf moutons or, comme le prouve le contrat de mariage d'Hélix. Finalement, en 1469, en présence de plusieurs parents d'Hélix, celle-ci et Philippe Jacques transigeaient. Le second s'engageait à solder, outre le reliquat de la dot précédemment constituée : quatre-vingt-dix livres et une robe de trois écus. En échange, Hélix était tenue de faire ratifier la transaction par son mari et de donner quittance générale à Philippe94.
95Hélix avait gagné mais tous les requérants ne triomphaient pas. En 1462, noble Jehan de Corsac, de Mende, légua douze cents écus à son fils Bertrand. Par la suite, Bertrand, seigneur de Saint-Clément en Nîmois, esta devant la Cour du sénéchal de Nîmes, affirmant que le nombre d'enfants de Jehan et la valeur de son patrimoine rehaussaient la légitime de Bertrand à dix-huit cents écus, ce que Jacques de Corsac, frère de Bertrand et héritier universel de leur père, niait. Lors d'un accord, Bertrand renonça à ses prétentions, mais il obtint que sa dotation fut versée sur vingt-neuf années au lieu des soixante-dix initialement prévues95.
96Face à ces multiples affaires, nous concluons que les parents, s'ils usaient du legs de cinq sous pour désintéresser leurs cadets, étaient loin de garantir la tranquillité à leurs héritiers. En effet, les enfants floués avaient la capacité d'entamer de longues procédures judiciaires, ruineuses pour chacune des parties et incertaines quant au résultat. Lorsqu'il en était ainsi, nous constatons que, la plupart du temps, l'héritier finissait par céder et préférait augmenter la part de son cadet ou de sa cadette jusqu'à la valeur réelle de la légitime. Finalement, les legs de cinq sous évitaient surtout l'annulation du testament qui restait valable, mais ils ne coupaient pas réellement les éventuelles prétentions d'un ambitieux. Le système semble essentiellement fondé sur le respect de l'autorité paternelle, sur le respect de l'ordre familial, et il fonctionne surtout grâce à la soumission des enfants éloignés de la succession universelle.
B - Les substitutions et les limites des droits des héritiers
97Les substitutions sont très fréquentes dans les testaments gabalitains. Elles augmentent d'ailleurs à la fin du Moyen Age, puisque nous en relevons dans 42,85 % des testaments entre 1380 et 1419, 45,85 % entre 1420 et 1459, et 51,05 % de 1460 à 1483. Le testateur substitue généralement ceux qui font partie de sa parentèle. La formule "plus proche parent" est souvent utilisée : elle désigne, après une longue énumération, ceux qui seraient susceptibles d'hériter mais dont la parenté commence à être trop éloignée pour que le testateur y pense ; mais en aucun cas elle ne saurait être réduite à une simple figure de rhétorique. En effet, en 1408, dom Guillaume De Las Charrals, curé d'Allenc, constitue des legs à sa soeur, ses neveux et nièces, nés de sa soeur ou de son frère. Il fait de ce dernier son légataire universel, puis le remplace par ses héritiers, et en dernier recours par les plus proches parents qu'il ait96. Il aurait pu citer sa soeur ou les enfants de celle-ci ; il s'accommode de l’expression générique "plus proches parents". Un conflit risque de surgir entre des parents de degré identique, et c’est sans doute pourquoi la plupart des testateurs n'usent de cette formule qu'après une énumération assez détaillée d'une grande partie de leur parentèle.
98Les substitutions sont soit vulgaires, soit pupillaires, soit avec fidéicommis. Le premier type permettait d'appeler un nouvel héritier si le premier ne parvenait pas à la succession. Les substitutions à titre pupillaires sont générales lorsqu'un enfant pupille est institué héritier, que ce soit par un homme ou par une femme, l'enfant héritier est alors remplacé par un autre en cas de disparition. Ces deux pratiques sont avant tout destinées à pallier le décès de l'héritier présomptif, ou la disparition du successeur de celui-ci dans l'éventualité d'une mort prématurée ou en l'absence d'enfant. Le testateur ne prévoit pas toujours plus loin, mais il remédie aussi, comme l'affirment Paul Ourliac et Jean-Louis Gazzaniga, à la trop grande liberté de tester97 qui permettrait au légataire institué de faire sortir le patrimoine de la famille en l'abandonnant à l'Eglise ou à un tiers qui ne remporte pas le suffrage du testateur. Cette attitude est, à plusieurs reprises, très nette. En 1468, Alaycette Gisquet nomma sa fille, Marguerite, pour lui succéder, en ordonnant que le mari de celle-ci n'ait rien. Elle précisa que si son gendre demandait quelque chose, Marguerite n'aurait que dix sous et dom Bertrand Geymar, neveu de la testatrice, la remplacerait98. Cet acte, comme beaucoup d'autres, dissimule un drame familial dont nous ignorons les tenants et les aboutissants. Toutefois, un instrument reçu par un autre notaire explique vraisemblablement l'attitude d'Alaycette Gisquet. En effet, six ans plus tard, sa fille fit donation d'un fils illégitime à un prêtre. Il est donc envisageable que le gendre d'Alaycette, homme bafoué, ait eu des gestes violents vis-à-vis de sa femme ou de sa belle-mère.
99La substitution avec fidéicommis sert à transmettre le patrimoine à un hoir en passant d'abord par un autre. Elle est assez souvent utilisée pour remettre à un adulte l'héritage en présence d'enfants en bas âge qui le recevront ensuite. Elle assure aussi la protection d'un époux en lui confiant la garde des biens, non comme un simple usufruitier, mais en qualité de fidéicommissaire, avant de le transmettre à un enfant. C'est la démarche adoptée par Catherine, femme de Pierre Minheta, qui décide que Pierre aura charge de sa succession avant que celle-ci n'échoue entre les mains de leur fille Agnès, femme de Pierre Delom. Toutefois, occasionnellement, le fidéicommis n'est pas imposé à l'héritier mais à l'un de ses substitués.
100Les substitutions opèrent souvent sur plusieurs degrés, même si ce n'est pas toujours explicite, dans la mesure où l'appel successif et graduel de l'ensemble des enfants n'implique pas forcément une continuité sur plusieurs générations. Toutefois, à partir du moment où les testateurs précisent qu'au cas où tel héritier mourrait sans postérité, un tiers dénommé lui serait substitué, il est évident que le premier héritier, mort avec un enfant qui décéderait lui-même sans descendance ouvrirait ainsi des droits à celui qui fut substitué. D'ailleurs, la formulation est parfois très claire. En 1411, Catherine, femme d'Etienne Bompar, de Barjac, prévoit explicitement des substitutions jusqu'au décès de ses petits-enfants99.
101Il est assez banal de dire, après Paul Ourliac et Jean-Louis Gazzaniga, que les substitutions servent, entre autres, à établir un ordre successoral propre à la famille. La première priorité consiste à préférer un système à masculinité prédominante. Parfois une véritable "loi salique roturière" est appliquée. En 1421, Vital Bastide, prêtre du Malzieu, testait en faveur de son frère Etienne et lui substituait son enfant mâle et héritier institué. Si tous les garçons périssaient sans progéniture, et si Etienne décédait par conséquent sans fils légitime né de son héritier, il substituait son autre frère Jehan Bastide, puis si Jehan disparaissait de la sorte, il le remplaçait par un autre frère, Vital, et par tous les mâles et héritiers nés de celui-ci, à parts égales. Si Vital et ses enfants s'éteignaient sans progéniture, il appelait "le plus proche mâle en grade de la parentèle du testateur, de la partie du père et des Bastide"100. Mais, très souvent, les filles de l'hoir ne sont pas spécifiquement exclues et le testateur ne procède à des substitutions par les mâles qu'en l'absence d'enfant, admettant donc que le sexe féminin puisse accéder à l’héritage101.
102Le droit d'aînesse est aussi défendu. En 1383, Déodat Hugonet rédigea ses dernières volontés au profit de son neveu Gonet de Las Salles ; après quoi il nomma le second fils de sa soeur, puis le troisième, tous frères de Gonet. La préférence pour les descendants masculins est alors nette, toutefois, assez curieusement pour l'époque, la primogéniture peut occasionnellement très rarement_ l'emporter sur le sexe. Ainsi, en 1482, Guillaume Arzalier, fit-il héritier son fils Philippe, auquel il substitua sa fille première née Jehanne, puis successivement en suivant l'ordre de ses legs qui paraît être celui de la naissance, ses quatre filles et enfin ses deux garçons, un à un. Avec Jehan Tuilier, de Saint-Pierre-le-Vieux, surgit le plus rigoureux des ordres successoraux : exclusion totale des filles et prédominance de la primogéniture102.
103La principale préoccupation consiste à préserver le patrimoine en tant que symbole identitaire de la famille. Conserver la demeure entre les mains d'un héritier mâle assure la survivance de l'Être et de l'entité familiale. Il faut éviter que le nouveau maître de la maison ne soit déjà installé ailleurs, ce qui risquerait de conduire à une vente de la demeure du testateur. L'un des plus beaux exemples de ce genre est illustré par la situation de la famille Martin, de Lanuéjols. Le chanoine Guillaume Martin avait succédé à son père et à son oncle le prêtre Vital Martin. En 1463, il laissait le patrimoine des Martin à son neveu Pierre junior, et ensuite à "ses enfants mâles, aussi longtemps qu'ils seront en état de régir et gouverner" lesdits héritages de ses père et oncle. A défaut, il les corderait à un frère de Pierre junior puis à ses mâles, et toujours ainsi de suite, en respectant l'ordre de naissance et sous réserve de vivre sur lesdites possessions. Il interdisait en outre que le successeur pût vendre des biens patrimoniaux sauf en cas d'urgence. En dernier recours, si les mâles venaient à manquer, il appelait sa nièce, Anthonie Martin, femme d'Anthoine d'Ylice, qui devrait toutefois résider à Lanuéjols, alors que sondit mari et leurs enfants porteront le nom dels Martis, et si Anthonie périssait sans descendants, ou que ceux-ci "ne veuillent rester dans ledit héritage et porter le nom de la maison", il substituait un fils de Raymond Martin, de Roffiac (Saint-Bauzile), et sa descendance. Ce Raymond devait être un parent éloigné du chanoine, car il n'est jamais cité dans les autres testaments de la famille103.
104A défaut d'assurer son propre souvenir à travers le patrimoine du testateur, il y a un retour à l'origine, à la maison du père. En 1433, le prêtre Pons de La Roque destine successivement sa succession à ses frères les plus âgés, puis au plus proche de la maison paternelle. Faut-il voir là une peur métaphysique, la crainte subconsciente de la mort ? Confronté aux noires incertitudes de l'au-delà, l'homme imagine sa survie dans ses descendants, à défaut dans ceux qui habiteront en sa maison et assureront le souvenir du définit et de ses ancêtres. Toutefois, quelques individus, sans doute misogynes, excluent complètement les filles, quitte à faire disparaître l'oustau, comme Jehan Gal qui préfère la Communauté des prêtres de Mende, en 1437, et rejette totalement ses filles104.
105Les substitutions gèrent bien d'autres problèmes. Elles facilitent la recherche d'un continuateur habile. En 1434, Isabelle, femme de Privat Rodier, redoute qu'après la mort de son fils, Guillaume, son patrimoine ne soit en danger faute de successeurs dignes ; aussi ajoute-telle que si Guillaume disparaissait sans mâle en "état parfait pour régir et gouverner" son héritage, elle substituerait ses autres fils, puis ses filles, les uns après les autres. Elles remédient aussi à l'injustice apparente commise lors de l'institution universelle : en 1448, Philippa, veuve de Philippe Bauzile, qui préfère son petit-fils, substitue son fils, père de ce dernier. Des devoirs variés imposés aux successeurs sont parfois assortis d'une clause d'exclusion avec substitution. En 1466, noble Vital de Recoules, notaire de Mende, menace son fils d'être dépossédé de sa succession s'il ne respecte pas les ordonnances concernant sa sépulture105.
106Les substitutions ne sont pas seulement réalisées à propos des héritiers universels, c'est aussi une perspective qui atteint les legs particuliers. En 1398, André Godet lègue à son frère un fidéicommis sur un terrain qui sera ensuite au successeur d'André. Dans le cas du décès sans descendance d'un enfant légataire, le legs revient généralement à un autre enfant héritier particulier, mais c'est souvent l'héritier universel qui se voit gratifié d'un retour causé par la mort du bénéficiaire. Si l'ayant cause à titre particulier n'est pas un descendant, la situation se complique. Soit l'héritier universel tire avantage de la substitution, soit il faut se rabattre sur la parentèle du légataire. En 1442, Catherine de Ferrières, femme de Gonet Scot, allie les deux systèmes, selon le contexte ; elle lègue son oustau du pan du Chastel à Pons Riche, et après aux enfants de Pons, puis aux enfants de ses enfants issus en droite ligne dudit Pons. Et si tous mourraient sans postérité, la demeure ferait retour au successeur de la testatrice106.
107La transformation occasionnelle du légataire universel en fidéicommissaire est intéressante car elle démontre que le détenteur légal de l'hoirie n'en est parfois que le dépositaire. C'est d'ailleurs un principe général dans les pays de coutume où est appliqué le retrait lignager "qui vise à maintenir les propres dans la famille"107. Ce dernier est rejeté dans les pays de droit écrit, mais plusieurs testaments sont passionnants dans la mesure où ils le rétablissent artificiellement en limitant la capacité d'aliénation que le tenancier peut exercer sur le patrimoine ancestral. En 1471, Pierre Cobe II lègue à son fils, Guillaume III, une maison sise pan du Chastel, une vigne et une safranière, mais il interdit à Guillaume de les vendre pendant une durée de dix ans à compter de la mort du testateur, en spécifiant qu'après ce délai son héritier universel aura un droit de préemption. Il laisse aussi à son frère, Guillaume II, sa maison du pan d'Angiran et précise que, si ses enfants y faisaient obstacle, Guillaume Cobe II aurait un quart du legs consenti à chaque contradicteur. Le même Guillaume Cobe II, lorsqu'il teste, en 1466, exige que ni son successeur, ni les fils de celui-ci, ne puissent vendre quelques-uns de ses biens ou cens nus dans les cent années qui suivront sa mort, sauf pour une raison légitime, faute de quoi sa succession reviendrait à la chapelle Saint-Jacques fondée à Rieutort-de-Randon par son grand-père paternel108.
C - Le paiement des dots
1 ) Mode de paiement
108Le paiement des dots se frit en fonction de la coutume ; c'est ce qu'il convient de conclure à la lecture du testament de Guillaume Cobe, habitant de Badaroux109. Cela ne signifie pas pour autant que les dots étaient toujours payées selon les mêmes termes. Au contraire, le sens de cette expression consiste dans le fait que l'argent devait être versé par annuité, et non d'un seul coup, sauf si l'héritier du testateur souhaitait qu'il en fût autrement. En effet, si nous nous reportons aux contrats de mariage, nous constatons que les dots en nature sont généralement acquittées au jour du mariage. L'époux reçoit alors tous les biens dotaux de sa future et en devient le légitime administrateur. Par contre, dès que la constitution dotale comporte une partie en numéraire, le versement de celle-ci est presque toujours étalé sur un certain nombre d'années. C'est d'ailleurs une pratique générale dans le midi.
109Analyser le mode de paiement dans l'ensemble des contrats conservés a paru bien superflu ; aussi nous sommes-nous contenté de procéder par sondages au début et à la fin de notre période en retenant l'ensemble des actes passés entre 1380 et 1419, quantitativement peu importants, et tous ceux des années 1480-1483, à-peu-près aussi nombreux. Il existe toujours un premier terme réglé le jour du mariage, avant la remise de l'anneau nuptial ou en même temps. Il semble peu probable que l'argent soit réellement remis en même temps que l'anneau ; en général les gens se contentaient de pièces symboliques. Cette clause juridique encadre les obligations de chacun et nous pouvons supposer que l'argent passait concrètement d'une main à l'autre avant la célébration, ou après, lors des festivités qui étaient offertes pour célébrer cette mémorable journée. L'instant précis importe peu dans ses effets ; l'essentiel est que la cérémonie religieuse ouvre au futur le droit de veiller sur les biens dotaux de sa nouvelle épouse et qu'il soit alors en position d'exiger son dû. La dot immobilière apparaît là comme un privilège puisque le mari entre tout de suite en possession de l'ensemble des biens et jouit d'une bien agréable installation. Au contraire, la dot fiduciaire prend vite la forme d'une rente dont les contrats de mariage détaillent clairement les modalités du règlement, même si certains s'en remettent à des tiers pour les fixer _mais ce sont là des exceptions.
110Le premier terme de cette "rente dotale" est toujours supérieur à ceux qui suivront. Dans 11,20 % des contrats il est inférieur à 10 % du principal, ce qui est très faible, mais il ne descend jamais au-dessous de 4 %110. Ensuite, 29,60 % des constituants prévoient un versement de 11 % à 20 %, ce qui n'est pas beaucoup plus généreux. 24,50 % atteignent 21 % à 30 % du capital, 20,40 % montent à moins de 40 %. Les plus attentionnés, 8,15 % donnent jusqu'à 50 % et 6,15 % allouent encore plus111. Il résulte de la conjugaison de ce procédé et de la faible valeur moyenne des dots que le premier paiement est souvent de faible rapport. En effet, 56 % des mariés reçoivent moins de dix livres à l'occasion de leur mariage. 31,90 % ont de onze à trente livres, 3,55 % entre quarante et cinquante-neuf, 5,65 % en dessous de quatre-vingt-dix-neuf livres, et 2,85 % seulement dépassent ce seuil112. Le deuxième terme, l'année suivante, est généralement moins important, même si certaines mariées se contentent d'échéances annuelles égales au premier versement, comme Béatrice Delom dont nous venons d'évoquer le cas en note. Un pour cent atteint 50 % du capital et tous les autres sont inférieurs à 20 %. Nous rencontrons 12,25 % de paiements inférieurs à 2,5 % du principal de la dot, 45,90 % montent à 5 %, 30,60 % à 10 %, le reste étant de 11 à 20 % du capital dotal. Ces annuités relativement basses ont pour conséquence un très grand étalement de la conclusion finale de la remise de la légitime par l'intermédiaire d'une dot en numéraire. Un pour cent seulement survient dans les deux ans après les noces, 15,30 % dans les dix ans, 55,10 % dans les vingt années, 18,35 % dans les trente années, 8,15 % avant quarante ans113 et 2,05 % au-delà. Ainsi est-il prévu que la dot d'Agnès Leyris, veuve de Guilabert Garsin, sera acquittée dans un espace de cinquante ans114. Il serait faux de croire que le nombre de versements était proportionnel au montant de la dot. Signalons les cas extrêmes de Pierre Ebrard, d’Altayrac (Saint-Gervais), constituant trente livres à sa fille Anthonie, et Pierre Polilhon, marchand du Malzieu, qui en donne deux cent vingt-cinq à sa soeur Guigone115. Pierre Ebrard s'engage à payer deux francs le jour des noces, puis un à chaque Toussaint, pendant vingt-huit ans. Pierre Polilhon remettra cent livres le jour des noces et quatre à chaque Toussaint, durant trente et une années. Le premier réglait donc 6,65 % du capital au début, puis 3,35 % annuellement, alors que le second soldait 44,45 % du principal, puis 1,75 % de pension.
111Parfois le contractant promet deux versements dans la première année ; c'est le cas de 8,25 % des constituants, ce qui ne changeait pas grand chose et consistait plus souvent en un aménagement du premier terme, le rendant ainsi moins lourd à supporter lors de la cérémonie du mariage116. Les échéances annuelles n'ont pas toujours lieu à l'anniversaire des noces. En fait ce choix n'est fait que par 19,80 % des contractants. Ensuite 44,80 % des parties optent pour la Toussaint, 7,30 % pour la Saint-Michel, 8,35 % pour Pâques, et 6,25 % pour Noël. D'autres se réfèrent à la Sainte-Madeleine, à la Saint-Clément, à la Saint-Jehan-Baptiste, à la Saint-André, et à la fête de la Purification de la Vierge.
112Le très long échelonnement des termes des "pensions dotales" pose une question : les dots étaient-elles réellement payées ? Les prévisions faites sur cinquante années ne dissimulaient-elles pas une certaine fictivité des constitutions dotales ? Nous ne le pensons pas et nous avons même tendance à réfuter entièrement l'hypothèse que les constitutions dotales aient été fictives en Gévaudan. En effet, une telle pratique serait risquée. En droit, un contrat est et demeure toujours valable, sauf si la preuve d'une malversation est apportée ou s'il n'est pas conforme aux règles générales du droit117. Or, fixer une dot, prévoir son paiement sous la forme d'une pension, sont des actes légaux qui ne peuvent être remis en question. Si des contractants, au moment du pacte, envisagent que les règlements n'auront pas lieu, s'ils désirent que la dot soit fictive, la logique serait d'envisager son solde à très court terme, permettant ainsi au récipiendaire de donner quittance générale à brève échéance. Plus le temps s'écoule, plus un risque de discorde est envisageable, en particulier après le décès des parties, lorsque les héritiers revendiquent leurs droits. Et tout notre propos repose sur ce fait : au bout de vingt ans, celui qui est censé bénéficier de la dot, ou son héritier, est susceptible d'utiliser le contrat pour en exiger satisfaction.
113Il est vrai que le constituant pourrait jouer sur la lassitude du nouvel allié. Le principe serait d'estimer qu'au bout de vingt ou trente ans l'autre n'attendra plus l'acquittement d'une pension si ancienne. Cela ne nous paraît pas sérieux. Les hommes du Moyen Age sont accoutumés aux paiements échelonnés. Chaque année, leurs possessions sont grevées de cens ; souvent ils contractent des emprunts par le biais de la rente foncière, amalgamée au cens. Tous payent des dots à leurs soeurs, leurs tantes, leurs filles, et il est peu vraisemblable que la "pension dotale" soit oubliée, quand bien même sa valeur serait faible. Dans les faits, notre propos est confirmé par plusieurs actes. Le 9 mars 1476, Pierre Vital, d'Allenc, donna quittance générale à Guillaume Maylet, de Badaroux, de la dot constituée quatre-vingt-cinq ans auparavant, le 3 décembre 1391, à Catherine Maylet, soeur de Guillaume118. Sans atteindre toujours une telle durée, les acquittements à terme de cinquante ans ne sont pas rares.
114Parfois, ces quittances présentées tant d'années après ne correspondent pas aux prévisions du contrat de mariage. Le 12 juin 1412, Etienne Vital, fils d'Etienne, alias Félix, du Chastel-nouvel, épouse Arnalde, fille de Vital Vital, alias Bayrac, qui lui apporte quarante-deux livres de dot solvables sur quinze ans. En 1477, Etienne Constans, fils de Saura Vital "Félix" et petit-fils d'Arnalde et d'Etienne Vital, délivre quittance dotale partielle à Vital et Etienne Vital, héritiers universels de son grand-père Vital Vital Bayrac. Ainsi la dot qui devait être acquittée sur une quinzaine d'années ne l'était-elle pas encore au bout de soixante-cinq, sans que les hoirs n'aient pour cela cessé de payer et de recevoir, chacun selon ses droits et obligations119. Ces "quittances retardataires" démontrent que la difficulté éprouvée pour solder ou pour se faire solder les dots ne rendait aucunement ces dernières fictives. Elles attestent même, au contraire, qu'elles étaient bien réelles et que l'échelonnement, parfois surprenant, sur plusieurs décennies, assurait justement la remise de la légitime de chaque enfant, fut-ce avec une grande lenteur. Les difficultés pour parvenir au terme final contraignaient parfois les parties à des transactions particulières120.
115Une situation assez complexe se présenta aux familles Masso et Delcros. En 1409, Pierre Masso établissait sa fille Astruge avec Pierre Delcros, lui offrait quarante et une livres en dot et convenait de les verser en dix-sept ans. En 1423, il donnait sa seconde fille Catherine, au frère de Pierre, Raymond Delcros, avec une dotation de quarante-six livres. Catherine eut deux filles, dont une, Astruge Delcros, se maria en 1449, et Astruge Masso eut trois fils et deux filles. En 1450, Anthoine, Pierre et Etienne Delcros, fils d'Astruge Masso, cessionnaires de leur mère et de leur cousine, Astruge Delcros, entamaient un procès devant l'official de Mende contre leur oncle maternel Guillaume Masso. En 1453, les parties décidaient de transiger, et les neveux réclamaient à leur oncle l'argent dû à leurs défuntes mère et tante, Astruge et Catherine Masso. Assez curieusement, la dot d'Astruge est évaluée à quarante-six livres, soit cinq de plus que dans le contrat de mariage. Ils ajoutaient à leur revendication dix-sept moutons or et six setiers de seigle pour le prix d'un cheval, et de divers ovins et bovins. En outre, ils exigeaient que Guillaume rendît compte de leurs tutelle et curatelle. Guillaume Masso s'était défendu en expliquant que les reconnaissances qu'il avait reçues avaient été brûlées, avec sa maison, par des gens d'armes. Il affirmait avoir réglé le prix des animaux dont il était question et déclarait que la défunte Astruge Masso avait toujours gouverné les enfants. Les oncles et neveux adoptèrent une solution favorable à ces derniers. En effet, Guillaume s'engageait à remettre quatre-vingt-quatre livres pour les dots d'Astruge et Catherine Masso, solvables sur vingt-huit ans. En revanche, il devait être tenu quitte du prix des animaux et de la reddition des comptes de tutelle. Guillaume était également contraint de payer les dépens, mais il serait alors dégagé de tout par Anthoine, Etienne, Pierre et Astruge Delcros. Le délai d'acquittement survenait quarante-quatre ans après le premier mariage. Les dots constituées en 1409 et 1423 ne devaient donc être liquidées, au plus tôt, qu'en 1481121. Nous ignorons ce qu'il en fut, mais il est même envisageable que de nouveaux retards aient surgi !
116Le reliquat des dots est parfois abandonné. C'est le cas dans la famille Jove. En 1405, Jehan Jove, d'Allenc, épousa Béatrice Garnier. De cette union naquirent plusieurs enfants, dont Pierre, Jehan et Bernard. Ce dernier hérita de Jehan Garnier, leur grand-père, et c'est en tant que tel que ses frères, Jehan et Pierre, lui firent cession du reste de la dot de leur mère, le 29 juin 1459. Souvent l'abandon du complément des dots est réalisé à l'occasion du testament. Ainsi, en 1468, Alayssette, veuve Pastorel, lègue-t-elle à sa soeur tout ce qu'elle lui doit encore sur sa légitime. Il est vrai que ce transfert n'est pas totalement gracieux car la bénéficiaire pourvoira aux funérailles d'Alayssette, faute de quoi le legs serait cassé122. Et cette renonciation est occasionnellement accompagnée de telles servitudes. A l'inverse, nous relevons des cas de règlements anticipés123.
2°) Les biens utilisés pour payer les dots
117Paul Ourliac affirme, dans sa très belle étude sur le juriste Etienne Bertrand : "L'obligation de doter n'incombe ni à la mère pour sa fille, ni à des enfants pour leur mère veuve ; le frère est tenu de doter ses soeurs, mais seulement si celles-ci ne possèdent aucun bien ; c'est une des formes de l'obligation alimentaire qui existe entre eux ; enfin, le mari, lui-même, est tenu de doter sa femme quand il l'a séduite"124. En Gévaudan, un sondage effectué à partir des actes de 1380 à 1419 montre que les dots furent constituées à 64,15 % par le père, 5,95 % par la mère, 3 % par les deux, 1,50 % par la friture, 3 % par un oncle, 10,45 % par le frère, 4,45 % par la mère et un tiers, soit la grand-mère, le parâtre ou le frère, 4,45 % par le père et la future ou le frère de celle-ci, 1,50 % par un tuteur et 1,50 % par un parâtre. Les donations pour cause de mariage le sont à 60,50 % par le père, 10,50 % par la mère, 10,50 % par les parents, 3 % par le futur, 1,50 % par un oncle, 1,50 % par un frère, 3 % par un frère avec le père ou la mère, 1,50 % par le père et le grand-père. Cela ne contredit pas Paul Ourliac ; en fait c'est l'héritier du père, et donc le continuateur naturel de ses obligations, qui est tenu de doter les enfants pour l'équivalent de leur part du patrimoine paternel, même si ceux-ci ont des biens propres. Toutefois, des délégations surviennent à l'occasion d'une mutation foncière125.
118Paul Ourliac précise encore : "Le père qui constitue une dot à sa fille est toujours présumé le faire de ses biens ; il ne peut engager les biens de sa femme que si celle-ci a été présente à l'acte et y a consenti expressément... Par contre la mère, dans les cas exceptionnels où elle se substitue à son mari est censée constituer la dot pour une moitié en biens paternels"126. L'origine des biens n'est pas toujours mentionnée ; tout au plus est-il certain que le père dote sur ses biens, la mère sur les siens, le frère sur ceux de ses parents ou de celui dont il a hérité s'il n'a pas réuni la totalité des successions parentales. Au quotidien, les choses sont apparemment plus simples et c'est l'ensemble du capital de l'oustau qui est utilisé. En 1454, le notaire mendois Guillaume Fournier dresse le contrat de mariage de sa fille et, dix-neuf jours plus tard, il précise que la dot a été constituée sur ses biens et sur ceux de son épouse. En 1465, en testant, Catherine Sabbatier, femme Malassanha, rappelle que les dots de ses filles seront réunies sur ses possessions et sur celles de son mari127. Enfin, si la dot n'a été formée que sur la fortune paternelle, la mère réalise, ultérieurement et occasionnellement, un complément128. La preuve de la constitution dotale sur l'intégralité des richesses de la famille est d'ailleurs donnée par les quittances délivrées à cette occasion qui portent sur les biens paternels, maternels et fraternels. Il est indéniable que la mère ne participe pas à son corps défendant et qu'elle ratifie généralement l'action menée, en son absence, par son mari129.
119Un problème se présente lorsqu'il existe des enfants de lits différents ; mais les choses sont moins complexes qu'il n'y paraît. Ainsi, en 1439, Jehan Fossas, de Saint-Léger-du-Malzieu, qui a des enfants de trois lits différents, proclame, lors de son testament, que Béatrice, née de sa première femme Marguerite, aura deux livres outre la dot de Marguerite. Jehanne, fille de sa seconde union avec Catherine Chalmet, aura dix livres outre la part de la dot qui lui revient de sa mère. Par contre, il laisse vingt-cinq florins pour marier chacune de ses trois filles issues de sa troisième femme toujours vivante130. Il paraît donc que les avoirs des mères permettent, selon leur importance, de donner une part plus ou moins grande des richesses paternelles à chaque orphelin. Bien sûr, à long terme, les filles du troisième lit seront probablement avantagées. Celles qui ont encore leur mère obtiennent plus, non pas forcément par avantage, mais plutôt parce qu'elles ne pourront pas recevoir de biens de leur mère tant qu'elle vivra. Mais le père veille à ce que toute sa progéniture puisse s'installer en mariage. D'ailleurs, l'héritier pourra faire comme Jehan Chalmond et réduire l'allocation paternelle en fonction de l'apport maternel.
120Tous les constituants, ou presque, hypothèquent le paiement sur l'ensemble de leurs avoirs, mais quelques-uns engagent des possessions particulières. Enfin, plusieurs produisent un fidéjusseur131. Parfois, le paiement est délégué à des tiers, mais il s'agit de débiteurs qui endossent le règlement de la dot en compensation d'une dette. Cela ne change rien au fait que la dot soit payée sur les biens familiaux132.
3°) Les restitutions
121En cas de prédécès de la femme, et en l'absence d'enfant légitime, la dot était restituée à ceux qui l'avaient constituée ou à leurs héritiers. La pratique notariale gabalitaine prévoit généralement que la restitution aura lieu d'après les mêmes termes selon lesquels la dot aura été versée. Toutefois, occasionnellement, en particulier lorsque le premier terme en numéraire était important, les parties convenaient que l'argent serait rendu de façon plus échelonnée133. Ces deux procédés heurtent terriblement les conceptions juridiques d'Etienne Bertrand qui "se prononce à plusieurs reprises pour la nullité de pareilles clauses. [Selon lui] il faut toujours s'en tenir aux règles romaines ; les immeubles dotaux doivent toujours être restitués aussitôt après la dissolution du mariage [...]. S'il s'agit d'effets mobiliers le débiteur jouit pour se libérer d'un délai d'un an."134. Ainsi les Gabalitains ne sont-ils d'accord avec Etienne Bertrand qu'en ce qui concerne les immeubles puisque ces derniers, remis le jour des noces, devaient être rendus au décès.
122L'engagement de restitution est pris par le fiancé, mais il entraîne sa parentèle, et lorsque la garantie du seul futur n'est pas suffisante, ses proches se portent fidéjusseurs. Cette fidéjussion ne doit pas être confondue avec la démarche du mineur, ou du fils de famille considéré comme tel, qui promet de rendre l'apport de sa femme en se faisant autoriser par son père135. Plusieurs quittances, délivrées à l'occasion de telles restitutions, sont conservées dans le minutier mendois, qu'elles émanent de roturiers ou de nobles136. Lorsque la dot est formée par plusieurs personnes, la restitution se fait au profit de chacune des parties prenantes.
123La situation est légèrement compliquée quand le mari meurt le premier en laissant une veuve avec une fille137. La dot revient alors au père de la veuve afin qu'il négocie une nouvelle union en faveur de celle-ci. Il n'y a donc pas de véritable restitution, et celle-ci découle simplement de la soumission de la fille à l’autorité paternelle. Toutefois, en général, lorsque la veuve est une femme d’âge mûr, libérée de toute tutelle parentale, la dot lui revient à elle. Mais son remboursement est parfois laborieux. Arnalde Vaylet épousa Jehan Bauzile, tisserand mendois, qui donna plusieurs reçus à sa belle-famille. En 1448, la mère de Jehan testa et prescrivit que la dote de sa bru fût restituée par hypothèque sur ses biens. Par la suite, Jehan mourut en laissant un fils. Amalde réclama soixante moutons or pour sa dot, mais le fils refusa car il n'était pas héritier universel de son père ; toutefois il y consentit si l'avoir d'Arnalde Vaylet était réellement garanti sur les possessions de sa grand-mère, composées de deux ouvroirs. En 1468, une transaction consacre l'abandon de l'étage à Amalde, avec quinze moutons or en plus138.
124Les dots étaient-elles systématiquement retournées lorsque la restitution était juridiquement obligatoire ? C'est expressément prévu dans tous les contrats de mariage et nul ne peut y échapper. Les récipiendaires s'obligent toujours à se plier à ce principe en contractant une hypothèque générale sur leurs biens au moment des fiançailles et ils récidivent aussi au reçu qu'ils accordent lors du versement de chaque annuité139. Toutefois, la dot n'est pas toujours intégralement rendue et une femme peut s'en servir, au moins en partie, pour rédiger son testament140. La femme dispose donc de ses avoirs, et plusieurs contrats de mariage anticipent sur la possibilité consentie à la future de tester sur une partie des biais qui lui sont donnés141. Il est d’ailleurs envisageable d'éviter la restitution par le biais d'une donation. En 1463, Jehanne Ayrald constitua une dot à sa fille, puis, par un acte distinct, elle lui fit donation universelle entre vifs142. Logiquement, en cas de décès sans enfant, la dot devrait être restituée à la mère ou ses ayants droit, mais, du fait de la donation entre vifs, Catherine devenait cet ayant droit. En conséquence, si la mariée décédait sans enfant, la restitution se faisait à son profit ou à celui de ses héritiers. Le principe de restitution était donc neutralisé par la cession universelle.
CONCLUSION
125Il existe une liberté de tester plus importante chez les femmes que chez les hommes, mais aussi une plus grande faculté de choisir ceux que l'on aime, plutôt que les parents de sang. Le sang s'impose par l'amour réel, il s'exclut par l'ingratitude. Toutefois, la tradition est mieux respectée dans les substitutions où l'ordre successoral est rationnellement déterminé.
126A plusieurs reprises, nous avons pu observer que la volonté des testateurs en matière de succession évoluait au fil des années, et c'est d'ailleurs le principe juridique du testament qui, contrairement aux donations, est toujours susceptible d'être remis en question. Il est dès lors très artificiel d'enfermer dans des catégories rigides le choix fait par chacun d'un héritier universel. La nomination du successeur s'inspire toujours d'une stratégie guidée par la situation familiale : la réalité biologique qui résulte de la présence ou non d'enfants, puis de frères, de soeurs, de géniteurs, ou d'alliés ; conjoncture affective qui fait que l'amour envers tel ou tel parent domine les sentiments portés aux autres ; contexte coutumier qui recommande d'appeler les plus proches parents ; influence culturelle qui incitera à tester en faveur de l'Eglise ou d'un individu de son milieu ; donnée économique enfin qui pousse à remettre ses biens à celui qui sera le plus apte à les conserver.
127Cependant des conclusions générales s'affirment avec une certaine précision. Les Gabalitains sont généralement inspirés par une succession à héritier unique, même si la constitution de familles élargies du type frérèche incite parfois à élire deux légataires universels, voire plus. De toute façon le système est presque toujours inégalitaire puisque la transmission du patrimoine à la totalité de la fratrie n'est pour ainsi dire jamais pratiquée.
128Le pouvoir de la famille demeure toujours important sur le patrimoine et son possesseur n'est souvent qu'un dépositaire. Ce dernier est le maître tant qu'il vit, mais la mort réveille les droits de la parenté, par le biais des restitutions, des engagements fidéjussoires, des compléments en légitime ou en raison des limites restreignant le droit d'aliénation refusé aux continuateurs des testateurs.
129En principe, le mâle est préféré aux filles, mais il existe un nombre raisonnable d'exceptions. Quel que soit le sexe de l'hoir, ses frères et soeurs dotés sont exclus. Le principe d'exclusion des filles dotées, considéré général en France143, est loin d'être un dol subi par celles-ci. En fait, les filles dotées sont privilégiées par rapport aux cadets gabalitains dont une faible partie est pourvue, moins bien qu'elles d'ailleurs, alors que les autres sont livrés à eux-mêmes, sans être appelés à l'hoirie.
130Les dots sont loin d'être fictives et la preuve en est peut-être fournie par l'évolution de leurs valeurs dans le temps et l'espace. Elles sont plus élevées dans les villes où le nombre d'enfants est moindre que dans les campagnes, plus basses dans les Cévennes où les maisons accueillent d'abondantes postérités, et moins importantes aussi à la fin du siècle, consécutivement au "baby-boom" des années 1460. Or, la dotation étant sensée représenter la légitime de chacun sur le capital familial, il est normal qu'elle diminue ou augmente en fonction de l'importance de la progéniture. Plus les enfants sont nombreux, moins ils touchent d'argent.
131Il est bien difficile de dire si la pression est exercée sur le patrimoine par la famille, ou par le patrimoine sur la famille. Chaque individu pèse sur le capital familial ; une mauvaise gestion, administration ou transmission est susceptible de l'anéantir, mais l'affaiblissement économique de la maison entraînera celui de la maisonnée. L'interaction entre les hommes et les biens est évidente et confirme l'indissolubilité du groupe homme-oustal.
Notes de bas de page
1 Ourliac (P), Gazzaniga (J.L.), Histoire du droit privé français, de l'An mil au Code civil, Paris, 1985, p. 320.
2 Ourliac (P.), Droit romain et pratique méridionale au XVe siècle, Etienne Bertrand, Thèse de doctorat, 30 juin 1937, faculté de droit, université de Paris, 1937, p. 137.
3 En 1475, le médecin Pierre Maynier transige avec son oncle maternel auquel il demande un tiers des biens de ses grands-parents morts intestats en laissant trois enfants (3E. 1086/145v°, 147, G. 1398/151).
4 Les pourcentages exprimés dans cette partie sur l’héritier unique excluent les testateurs ayant plusieurs héritiers. Le 100 % correspond à l'ensemble des testaments avec un héritier, soit 81,25 % des instruments.
5 Avinhon (G. 1369/23v°, 36), Marco (3E.2895/143), Grégoire (G. 1372/121), Sarron (3E.2779/81).
6 Jove (3E.2277/38), Pagès (3E.2894/50v°), Sabbatier (G. 1392/22v°, 3E.718/298v°, 1586/28, 2277/37v°).
7 Droit romain et pratique méridionale au XVe siècle, Etienne Bertrand, p. 210-213.
8 3E.2044/60v°.
9 Histoire de la famille, p. 75.
10 Testaments au 31 octobre 1405 (G. 1376/1), et au 16 septembre 1 399 (id/5).
11 Saint-Bauzile (G.1418/11v°), Boda (3E.1708/30, 53,2902/33, G.1401/31, 1402/16).
12 3E.2667/32v°, 2888/153, 2889/210v°, 2892/152, 2894/155, Voir la généalogie des Atger en annexe.
13 Testaments du 9 mai 1424 et du 9 novembre 1427 (3E.2275/7, 65).
14 Minheta (G. 1396/3), Alègre (G. 1403/61).
15 G. 1372/152, 1414/181,3E. 1086/137,185, 1087/35v°, 2890/16, 2891/119, 2895/88, 175.
16 Bonafos (3E.2667/176 et 2668/160), Rotger (3E.2886/48).
17 3E.2782/15.
18 Maillet (J.), "L'originalité de la coutume d'Auvergne en matière successorale", Revue Historique de Droit français et étranger, 4e série, 27e année, 1949, p. 424.
19 Dumas (G. 1378/55v°), Baldoyn (G. 1407/42).
20 3E. 1711/72, 83v°, 84v°, 85, 97, 2884/284, 2886/84.
21 3E.171187, 117v°, 2892/134, G.1388/66, 1399/137v°.
22 3E. 1711/66, 93, 125,2888/99, G.1388/9, 1401/1.
23 Testament d'Agnès (G. 1416/71 v°,73). Actes divers à propos de son enfant illégitime (id/28-30v°).
24 Marguerite, veuve Rochefort (3E. 1711/83), dom Nicolas Théodoric (3E. 1087/267v°).
25 3E. 1587/32, 2893/158, 159, 2926/22v°.
26 Ces pourcentages sont comptés sur la base de 100 égale au groupe des testateurs instituant plusieurs héritiers universel qui ne représente que 18,75 % de l'ensemble des testateurs.
27 Ces pourcentages dépassent la base 100 puisque certains testateurs recourent à des parents regroupés dans des catégories différentes : descendants et ascendants par exemple.
28 3E.171 l/45v°.
29 3E.2012/41 v°, 42, .2016/3, 2038/45, 54. Voir en annexe la généalogie des Fayssac.
30 3E. 1087/279, G.1428/108v°.
31 Lorcin (M.T.), Vivre et mourir en Lyonnais à la fin du Moyen Age, Paris, 1981, p. 36.
32 Landes-Mallet (A.M), La famille en Rouergue au Moyen Age. Etude de la pratique notariale, Rouen, 1985, p. 90.
33 Lafon (J.), Régimes matrimoniaux et mutations sociales, les époux bordelais, 1450-1550, Paris, 1972, p. 56.
34 Rocherousse (G. 1418/292) Monbel (3E. 1087/238), Corsac (3E.2891/170 et généalogie en annexe).
35 3E.2275/57.
36 Testaments de Jehan Ebrard (3E.2275/I47v°), de dom Bertrand Tuffier (3E.2894/41v°).
37 Passabost (3E.2275/167v°), Hugonet (G. 1370/24).
38 Vayssota (G. 1394/9), Peyre (G. 1376/1,5).
39 En 1448, Astruge Amat, veuve du notaire Jehan Julien, lègue deux moutons or à celle qui fut sa servante et autant à celle qui l'était encore (G.1403/70v°).
40 En 1463, le chanoine Guillaume Martin satisfait à ces deux impératifs (3E.2892/134, 139).
41 En 1466, le marchand mendois Guillaume Cobe assure le gîte et le couvert à vie à sa servante qui devra servir dans la maison de son fds et héritier (3E.2894/12v°).
42 Jehan de Corsac affirme que son serviteur Pierre Petit aura vingt livres s'il se marie (3E.2891/170), et l'hebdomadier Gérald Simon laisse quatre écus pour marier sa servante (3E.2895/7v°).
43 3E.2274/69, 2275/36v°.
44 3E. 1586/48.
45 Tous les enfants en bas âge recevaient le victum et vestitum dans la maison du testateur jusqu’à ce qu'ils fussent établis, par mariage ou départ.
46 Sabbatier (3E.2044/66), Ambert (3E.2781/8).
47 Pierre Donarel laisse dix florins à son fils, trente-six et un trousseau à chacune de ses filles, en 1422 (G. 1378/60). Pierre Dumond, vingt sous à ses fils et vingt livres à ses filles, en 1472 (3E. 1574/169).
48 3E.2275/57.
49 En 1426, Jehan Molinier, de Saint-Gervais, donne huit livres à ses fils, nés ou à naître, trente livres et leur trousseau à ses filles procréées ou à venir (3E.2275/28v°).
50 G. 1394/90v°.
51 En 1477, Pierre Blanc reçut une donatio sive dotis constitutio pour sa légitime (3E.2044/96v°).
52 En contrepartie, Bertrand devait donner quittance des biens familiaux (3E.2893/265v°, 2897/140).
53 Nous rappelons que les actes cévenols ont été enregistrés entre 1430-1483, la plupart de ceux de Chirac de 1440 à 1480, et ceux du Malzieu de 1430 à 1459.
54 100 % des donations pour cause de mariage reçues au Malzieu émanent de ruraux, mais le nombre d'actes est trop faible pour être significatif.
55 35,05 % des donations pour cause de mariage ont été faites par des tisserands, mais 27,60 % des contrats de mariage ont été passés par eux, ce qui explique ce faible pourcentage.
56 Les contrats de mariage mentionnent aussi des "augmente de dot" et des "gains de survie" qui seront étudiés dans le chapitre VIII.
57 Cette question sera approfondie au chapitre suivant.
58 3E.1954/13,2668/169.
59 Landes-Mallet (A.M.), La famille en Rouergue au Moyen Age, p. 70-74. Hilaire (J.), Le régime des biens entre époux dans la région de Montpellier au début du XIIIe jusqu'à la fin du XIVe siècle. Thèse, Paris, 1957, p. 56-57, citée par Landès-Mallet.
60 3E.2274/23.
61 3E.2274/40.
62 En 1449 Catherine Raols réunit une telle dot mais elle vivra chez ses beaux-parents (3E.2886/76, 78).
63 Hébergement d'un an, en 1457, par Vital Réversac, tailleur de Mende (3E.2889/131).
64 Saint-Flour (3E.2897/73), Boschet (3E.2896/222v°).
65 En 1458, Jehan Olier, mercier de Mende, accorde six années d'hébergement, mais le versement des quarante-cinq livres de légitime ne commencera qu'une fois ce délai écoulé (G. 1405/85).
66 Cobe en 1470 (3E.2896/69v°), Alboyn en 1462 (3E.2891/84).
67 Ces 11,45 % représentent 2,95 % de l'ensemble des hommes contractant une union.
68 En Quercy, les dots moyennes sont de vingt-quatre à vingt-six livres en Figeacois, de seize à vingt-deux à Saint-Cirq-la-Popie et de dix à onze dans le pays de Vaux, vers 1440-1490 (Les campagnes de Quercy, p. 504).
69 Pour la suite, sauf mention spéciale, nous ne donnerons que des moyennes calculées à partir des seules dots en numéraire et arrondies aux chiffres les plus proches. Il est intéressant de préciser que deux cent cinquante ans plus tard, à la fin du XVIIe siècle, la dot moyenne en Gévaudan sera passée à six cents livres, soit dix fois plus. {Lamaison, P., "Les stratégies matrimoniales dans un système complexe de parenté : Ribennes en Gévaudan (1650-1830)", Annales E.S.C., 34e année, no 4, juillet-août 1979, p.724.}
70 Sur l'influence géographique des notaires, voir les cartes III à V.
71 E.201, 204, 277.
72 En Quercy, Jean Lartigaut signale la dot de Marie d'Arpaon, fille du vicomte de Lautrec, de six mille livres, en 1493, et celle d'Anne d'Estaing, fille de Begon, baron d'Estaing, de quatre mille moutons or, en 1457. Il précise que les dots des filles de barons mariées à des gentilshommes descendent à cinq cents écus en 1460 (Les campagnes de Quercy..., p. 460).
73 G. 1372/121.
74 3E.2889/183, 184, 184v°, 2895/113.
75 Neuf cents livres et quarante livres (G. 1414/143, 3E.2898/7).
76 3E.1087/320v°, 2888/51.
77 Contrat de mariage entre Guillaume Garidon, en 1471 (G. 1414/171).
78 En 1430, Gérald Maynier donne cent vingt moutons or et treize autres de lit (G. 1392/82).
79 En 1433, Jacques Traversier, notaire, offre deux cents moutons or et dix de literie (G. 1388/10).
80 En 1459, Vital Linhol laisse cent soixante livres de dot et dix moutons or de lit (3E.2890/107v°).
81 En 1463, Hélix, veuve Jourdan, donne deux cents écus avec six écus pour le lit (G. 1412/173).
82 En 1464, Pierre Monbel laisse quatre cents écus et dix livres pour le lit (3E.2892/226).
83 Ces pourcentages, et les suivants, sont calculés à partir des 78,90 % d'actes qui détaillent le contenu du trousseau de vêtements ; ils excluent donc les vestes payées en argent ou non détaillées.
84 "Blanquet", tissu blanc, "grisey", tissu grisâtre.
85 "Brunet" : étoffe de couleur brune ; "moret" : couleur brune.
86 3E.2887/115, 2666/107, 2886/147v°, 2668/163, 2779/137v°.
87 3E.2706/75v°.
88 Ramadier (3E.2665/201, G. 1402/56v°), Blachieyre (G. 1394/90v°).
89 3E.2886/19v°, 34, 2888/148v°, 2889/8v°, G. 1395/15vo ; généalogies en annexe des Atger et Dumas.
90 G.1426/12.
91 3E.2273/101.
92 Arzalier (3E.2898/59v°), Vilaret (3E.2892/128v°), Salaville (3E.2896/88).
93 Cortin (3E.718/80v°), Boayro (3E.2902/21).
94 3E.2888/117v°, 2895/139v°. Voir en annexe le tableau généalogique de la famille Jourdan.
95 3E.2891/170, 2895/227.
96 3E.2275/41.
97 Ourliac (P.), Gazzaniga (J.L.), Histoire du droit privé français, de l'An mil au Code civil, Paris, 1985, p. 352.
98 3E.2895/119. Voir en annexe le tableau généalogique de la famille Gisquet.
99 Gisquet (3E.2665/168v° et 2667/142), Minheta (G. 1396/3), Bompar (3E.2274/95v°).
100 G. 1387/68.
101 3E.2274/33v°.
102 Hugonet (G. 1370/24), Arzalier (3E.2925/84v°), Tuffier (3E.2893/23v°).
103 Lorsque la famille finit en quenouille, la clause de relève du patronyme est reprise par plusieurs testateurs qui assurent ainsi la pérennité de la maisonnée dans la maison (3E.2892/134).
104 La Roque (3E.171 l/80v°), Gal (3E. 171 l/123v°).
105 Rodier (3E.1711/108v°), Bauzile (G.1403/128v°), Recoules (G. 1423/30).
106 Godet (G. 1384/77), Ferrières (G. 1397/46).
107 Olivier-Martin (Fr.), Histoire du droit français des origines à la Révolution, Paris, 1948, réédité 1984, p.428.
108 3E.2894/12v°, 2896/210v°. Voir en annexe le tableau généalogique de la famille Cobe.
109 3E.718/53v°.
110 Seule Béatrice Delom, de la Combe (Quézac), perçoit une si faible somme puisque le contrat lui octroie trente sous sur cinquante moutons or (3E.2268/165v°).
111 11 à 20 % (3E.61 l/73v°), 21-30 % (3E.1089/154v°), 41-50 % (3E.2925/36v°), + 50 % (3E.5045/1).
112 -10 (3E.2273/6v°), 11-30 (G. 1376/9), 40-59 (3E.1089/154v°),-99 (3E.5045/1), +99 (G. 1372/121).
113 -10 ans (G.1374/65v°),-20 (3E.61l/73v°),-30 (3E.718/55v°),-40 (3E.2925/36v°).
114 (3E.1089/154v°). Voir en annexe le tableau généalogique des Garsin.
115 Ebrard (3E.718/55v°), Polilhon (3E.2925/36v°).
116 G. 1384/87v°.
117 Ou s'il est cassé par consentement mutuel des parties.
118 3E.2899/24.
119 Vital (G. 1376/8). En 1454, le notaire Guillaume Mayrand épousa Jehanne Fournier dont la dot devait être acquittée sur vingt-sept ans, mais la quittance n'en fut donnée qu'en 1501 (3E.2674/73v°, G. 1396/30).
120 En 1387, au mariage de Pierre Massadaur, son beau-frère, Durand Malafosse, époux de Béatrice Massadaur, accepta, par grâce spéciale, d'augmenter le nombre d'annuités de la dot de Béatrice (G. 1370/27).
121 3E.2274/65, 2887/121. Voir en annexe la généalogie des familles Delcros, Masso et Marco.
122 Jove (3E.2890/100), Pastorel (3E.2895/119).
123 La dot de Béatrice Moret, épouse du barbier Pierre Augier, dont le règlement était prévu sur deux décennies, fut liquidée en six ans (3E.2889/205,2890/8, 9,2891/99v°, 127 et 2892/186).
124 Ourliac (P.), Droit romain et pratique méridionale au XVe siècle, Etienne Bertrand, p.115.
125 En 1455, Pierre de Labro, barbier de Bagnols, cède une "croto" à son frère, sous réserve qu'il assume les frais de la dot autrefois allouée à leur parente, Jehanne, femme de Vital Bernard (3E.2706/139).
126 Ibid, p.116.
127 Fournier (G. 1396/30), Sabbatier (3E. 1586/28).
128 En 1422, allocation par noble Isabelle de Roquefeuil, dame de Clermont, en faveur de sa fille, noble Delphine de Clermont-Lodève, épouse d'Astorg de Peyre, baron de Peyre (3E.2666/144).
129 Comme chez les Pascal, de Saint-Martin du Born, en 1462 (3E.2891/141 et 152).
130 3E.2780/18. Le florins étant à seize sous, vingt-cinq florins égalent vingt livres.
131 Hypothèque (3E.2274/60, G.1387/1), fidéjusseur (3E.2273/5v°, G.1374/84).
132 3E.2892/164v°.
133 Identique (Chapelu, G. 1372/121), différent (Monbel, G. 1414/143).
134 Droit romain et pratique méridionale au XVe siècle.... p. 129.
135 Fidéjussion (3E.2780/2, G.1401/47v°), licence paternelle (3E.1712/47v°).
136 3E.2894/254v°.
137 G. 1388/26 et 27.
138 G. 1399/85, 1402/149v°, 1403/128v°, 3E.2895/49.
139 3E. 1087/37, 1561/72v°.
140 Par exemple, en 1444, Jehanne Bert (3E.2883/23).
141 Béatrice Cobe, en 1407 (3E.2274/29.) ; Agnès de Coudoules en 1420 (3E. 1709/22).
142 G.1417/100 et 101v°.
143 Yver (M.), Egalité entre héritiers et exclusion des enfants dotés, Paris, 1966, p. 39.
Notes de fin
* Démonstration sur le nombre de testaments où les dots sont exprimées en argent.
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