Chapitre - II - Nuptialité et mortalité
p. 73-91
Texte intégral
1Nos sources sont axées sur la nuptialité et la mortalité. Mettre en rapport les contrats de mariage et les testaments s'avère dès lors indispensable, même si les uns et les autres n'expriment pas réellement le nombre de mariages et de décès périodiquement survenus, mais représentent plutôt un potentiel d’unions probables et de risques de décès. Cette première approche conduit tout naturellement à analyser divers facteurs en relation avec ces questions : les causes de décès, le célibat, le mariage des mineurs, le veuvage et le remariage.
I - PERIODICITE
2Est-il bien utile de rappeler que nos sources sont chronologiquement peu homogènes et qu'il serait dangereux de vouloir à tout prix tirer de hâtives conclusions à partir du nombre d'actes conservés pour chaque période prise en considération. Nous rappellerons quelques constats faits dans l'introduction. Entre 1380 et 1399, les testaments sont plus nombreux à Mende que les contrats de mariage ; la situation est inversée à Chirac. Au contraire, entre 1400 et 1409, nous trouvons plus de contrats de mariage à Mende que de testaments et uniquement des testaments à Chirac. A Mende, les périodes 1420-1429 et 1430-1439 offrent un pourcentage très élevé de testaments par rapport aux contrats de mariage ; cette tendance est légèrement confirmée à Chirac et au Malzieu. Après quoi, chacune des quatre décennies, de 1440 à 1479, atteste d'une recrudescence des contrats de mariage, tant à Mende qu'à Chirac et à Vébroa En revanche les années 1480 à 1483 redonnent plus d'importance aux testaments.
A - Statistiques annuelles
3Les trop grandes différences quantitatives entre chaque décennie, dues à la conservation des sources, ont été pondérées en établissant onze tableaux décennaux. Malgré cela, la confrontation du nombre de testaments et de contrats de mariage par année entretient toujours une profonde insatisfaction. En effet, en nous reportant aux diagrammes I à XI, nous constatons que les enseignements tirés d'une telle démarche sont peu nombreux. Toutefois, certaines années, nous pouvons relever d'éventuels ressauts démographiques. Si nous établissons une comparaison entre chacune des années à l'intérieur des décennies, nous constatons que des crises apparaissent en 1383, 1407, 1411, 1427, 1433 et 1482 ; d'autres semblent s'ébaucher en 1395, 1396, 1444, 1461, 1464, 1466, 1471, 1472 et 1483. En revanche, le nombre des contrats de mariage est important en 1408, 1417, 1419, 1455,1463 et 1466, et extrêmement élevé en 1412, 1452, 1457, 1470 et 1483. La crise de 1407 ne semble pas considérable : elle repose sur un nombre limité d'instruments et est accompagnée par la rédaction de plusieurs contrats de mariage ; après quoi elle est suivie d’une reprise en 1408. Par contre le ressaut de 1411 est plus frappant puisque nous avons quatorze testaments contre un contrat de mariage. Il est lui aussi suivi d'une reprise des contrats de mariage et le contraste peut paraître probant dans la mesure où un seul testament a été conservé en 1412. Toutefois les évaluations sur les quatre premières décennies reposent sur un nombre trop peu élevé de pièces justificatives pour être réellement significatives. Les deux crises de 1427 et 1433 sont spectaculaires, avec plus de cinquante testaments pour six contrats de mariage chacune. L'une et l'autre correspondent, comme nous le verrons plus loin, à des années d'épidémie et le mouvement est d'autant plus terrible qu'aucune augmentation des mariages ne survint par la suite. L'année 1482 voit surgir une nouvelle épidémie dont l'empreinte est fort bien imprimée dans nos sources ; mais une reprise des contrats de mariage survient en 1483, alors que le fléau perdure. Nous pouvons considérer qu'une reprise démographique, confirmée par la rédaction d'un nombre important de contrats de fiançailles, se dessine lors des années 1412, 1452, 1470 et 1483.
4Il est vraiment difficile de statuer sur les motifs distinguant les autres années que nous avons signalées, et il faudra recourir à une comparaison avec les informations dont nous disposons afin de confirmer si les années 1461 et 1472 furent des années de récession Mais ces statistiques, comme nous le verrons, ne permettent pas encore d'évaluer la persistance des crises ou des épidémies de 1399, 1424, 1465, 1474.
B - Périodicités saisonnières
5Des actes de décès permettraient de noter à quel moment de l'année les gens mouraient le plus, même si la réponse semble logiquement impliquer que ce soit en hiver. Des testaments nous autorisent simplement à noter quand les gens redoutaient éventuellement la mort et s'apprêtaient à mourir. Statistiquement les périodicités saisonnières sont des données fiables dans la mesure où nous n'utilisons plus des séquences annuelles mais mensuelles. Nous avons scindé l'ensemble de nos sources en deux tranches de cinquante années. Dans les diagrammes ΧII et ΧΙII, nous observons que l'hiver est la saison de l’année où les Gabalitains testent le moins. A priori cela pourrait surprendre, mais nous constatons que la seconde moitié de l’été et le début de l’automne sont les époques où les notaires reçoivent un grand nombre de testaments. Cette attitude est donc claire : les gens profitent de la belle saison, alors que les tempêtes de neige, les pluies et les bourrasques ne sont pas à redouter, pour mettre de l'ordre dans leurs affaires. Les personnes âgées savent que l'hiver peut s'avérer rigoureux et tellement éprouvant qu'il les conduira peut-être à la mort. Toutefois, aux environs du mois d'avril, l'hiver à peine finissant, la mort ayant sans doute déjà bien frappé, la rudesse du climat ayant probablement été la cause de bien des fatigues, privations et affaiblissements, nous assistons à une nouvelle vague de testaments qui se ralentit à nouveau entre la fin du printemps et le début de l'été. Si l'établissement des testaments de la fin de l'été relève essentiellement d'une prévention fondée sur une inquiétude causée par la perspective de l'hiver, ceux qui sont rédigés après la période hivernale résultent plus sûrement des effets des privations subies pendant les quelques mois les plus rudes de l'année. Cette interprétation des faits ne permet malheureusement pas de réaliser une approche quantitative des décès, mais simplement de mettre en évidence l'un des comportements que la mort commandait aux Gabalitains.
6A priori, nous estimions que les Gabalitains devaient passer de nombreux contrats de mariage aux prémices de l'été, mais l'analyse mensuelle nous permet surtout d'observer une très grande activité pendant le mois de janvier. Après quoi nous sommes confrontés à un spectaculaire déclin matrimonial en février et en mars. A la fin du printemps, de nouveaux projets d'union sont réalisés, principalement en juin, mais la tendance redescend en juillet pour opérer ensuite une lente remontée en dents de scie jusqu'au mois de novembre. Ces mouvements, plus ou moins accentués, sont décelés tant pour la période 1380 à 1429 que pour celle de 1430 à 1483. L'explication de ces fluctuations réside en bonne part dans l'application des empêchements prohibitifs réglementant la célébration du mariage, parmi lesquels figure l'interdiction de se marier pendant le carême et l'avent. Et c'est précisément durant ces périodes religieuses que les régressions apparaissent. Toutefois, les contrats de mariage sont le plus souvent des pactes de fiançailles : aussi 6,4 % d'entre eux furent-ils libellés pendant le carême et l'avent ; chiffre très faible si nous songeons au nombre de jours concernés par ces deux interdits. Pour clarifier nos diagrammes XIV et XV, où les aires de récession délimitent mal le carême et l'avent, nous dirons que 38,78 % des actes reçus en février et en mars le furent pendant le carême, et 29,57 % de ceux passés en novembre et en décembre le furent pendant l'avent. Ainsi les Gabalitains évitaient-ils d'engager des fiançailles aux moments où l'Eglise recommandait l'abstinence et le recueillement.
II - LES RISQUES DE DECES
7De quoi les Gabalitains mouraient-ils ? Quelle part prenaient les maladies, la vieillesse et la guerre dans la mortalité ? La réponse est impossible à donner, mais nous pouvons tenter d'évaluer les risques de décès. En effet, après avoir constaté que l'heure de la mort est toujours incertaine, les testateurs précisent d’une façon plus ou moins explicite pourquoi ils rédigent un testament. Parfois la cause est telle qu'elle est bien définie : c'est le cas lors d'une épidémie de peste ou d'une blessure infligée par des hommes d'armes. Souvent des formules plus générales rappellent un état de santé déficient ou un âge avancé, et l'imprécision de ces expressions ne nous arrange guère. Pour percevoir les limites de ce type d'informations, il suffit de constater que les testaments, évoquant le danger de mort en raison d'une épidémie de peste, sont rares comparativement au nombre de testaments enregistrés en temps de peste. Toujours est-il que 19,96 % des testateurs affirment être sains de corps et d'esprit, alors que 9,68 % sont sains d'esprit et apparemment de corps puisque aucune allusion n'est faite quant à une santé défaillante1. Tous les autres sont atteints d'un handicap physique. Nous pouvons déceler trois grandes causes de décès : états de santé fragile pour cause de faiblesse maladive ou de vieillesse, épidémies et risques inhérents aux actions humaines.
A - Faiblesse maladive et vieillesse
1°) Etats maladifs
8Parmi les testateurs, 29,33 % sont languissants, mais plus du tiers d'entre eux précise être, soit débile, soit couché, ou infirmus, voire égrotant ou valétudinaire. Il serait bien utopique de prétendre dresser des diagnostics à l'aide de ces formules qui sont probablement, pour la plupart, vides de sens médical. Ensuite, des personnages physiquement debiles rédigent 8,67 % des testaments. Que cache réellement ce terme ? Devons-nous y voir un simple affaiblissement ou des cas de paralysie et de mutilation ? Répondre est impossible ; tout juste pouvons-nous constater qu'il est parfois ajouté dans l'acte que le testateur est "infirme", égrotant ou valétudinaire. Le terme infirmus qualifie 8,37 % des testateurs. Certains de ces derniers sont alités et quatre d'entre eux meurent peu après avoir rédigé leurs testaments. Devons-nous traduire infirmus par malade ? C'est difficile à affirmer, tant l'expression est floue et peut avoir désigné de vrais infirmes ! C'est d'ailleurs peut-être le cas à deux reprises, lorsque des notaires parlent d'une infirmité des jambes2. Mais cette infirmité des jambes peut fort bien ne correspondre qu'à de l'arthrose ! Et si nous précisons que sept de ces "infirmes" sont "égrotants", cela ne nous avance guère ! Les notaires révèlent encore que 8,30 % de leurs clients sont des égrotants parmi lesquels certains sont alités, et ils utilisent des termes assez variés pour indiquer que 2,52 % de leur clientèle sont faibles, indisposés ou de santé fragile.
2°) La Vieillesse
9La vieillesse est l'argument utilisé par 4,14 % des testateurs pour expliquer qu'ils invitent le notaire à recevoir leurs dernières volontés. Ils se disent vieux ou âgés, et selon les cas impotents, infirmes, égrotants, valétudinaires, languissants, indisposés, débiles, malades, grabataires ou même brisés (confractus). Plusieurs de ces termes sont souvent utilisés conjointement ; toutefois trois vieillards s'affirment sains de corps. Les renseignements fournis par les testateurs nous apportent finalement peu d'indications sur leur âge. Le problème est justement que les notaires ne précisent jamais cet âge ! Nous avons donc procédé à une évaluation de l'âge de chacun des testateurs, en tenant compte du nombre de leurs enfants et de leurs petits-enfants, et en procédant par recoupement d'actes lorsque c'était réalisable. Le résultat est insatisfaisant dans la mesure où il donne un âge minimum : un personnage ayant un enfant marié avec un ou deux petits-enfants est classé parmi les quadragénaires, mais il peut bien évidemment être plus vieux ! De même, un testateur marié depuis plus de cinquante ans, enregistré dans la classe des sexagénaire, s'avère-t-il susceptible d'être un septuagénaire, voire un octogénaire. Toutefois, ce défaut dénoncé afin qu'il en soit tenu compte, nous pouvons nous réjouir d'avoir donné une évaluation minimale pour 871 des 992 testaments. Cela nous permet de constater que 20,23 % des testateurs ont plus de vingt ans, 16,90 % plus de trente, 30 % plus de quarante, 18,60 % plus de cinquante, 10,23 % plus de soixante, 3,68 % plus de soixante-dix, 0,30 % plus de quatre-vingts et 0,10 % plus de quatre-vingt-dix ans3.
10S'il est possible de considérer que la vieillesse commence à l'âge de soixante ans, nous constatons que 14,31 % des testateurs ont dépassé cette limite. Parmi eux nous trouvons deux tiers d'hommes, la moitié ecclésiastique, l'autre laïque, et 33,60 % de femmes. Cela ne signifie aucunement que les hommes vivaient plus longtemps que les femmes, puisque ces dernières ne représentent que 30,34 % de l'ensemble des testateurs. Parmi ces testateurs âgés de plus de soixante ans, nous ne retrouvons qu'un peu moins de la moitié des 4,14 % qui se qualifiaient eux-mêmes de vieux. Aussi pouvons-nous conclure que près de 16,50 % des testateurs rédigèrent leurs dernières volontés, mus par la crainte d'une mort qui s'approchait avec la vieillesse.
B - Les épidémies
11Deux épidémies ont frappé l'imagination et symbolisé l'impuissance de la médecine au Moyen Age : la peste et la lèpre. La peste est indéniablement le pire fléau que le Moyen Age ait connu et son endémie a été prouvée par J. Biraben dont les recherches attestent que tous les ans, entre 1380 et 1483, une ville française au moins fut touchée par la maladie, sauf en 1385, 1386, 1403, 1419 et 14474. La lèpre est différemment saisissable : elle est plus constante dans la mesure où elle n'est pas foudroyante, et, comme le note Françoise Bériac, les lépreux peuvent "rester des mois, voire des années dans leur hospice avant d'y mourir"5. La peste et la lèpre s'abattirent sur le Gévaudan comme sur le reste de la France et nous verrons comment les Gabalitains firent face à ces deux terribles maladies.
1°) Fréquence des épidémies
12La peste est mentionnée dans 1,62 % des testaments gabalitains. Marcel Barbot rappelle que la peste frappa en Gévaudan en 1348, 1361 et 1372 ; puis il ajoute qu'elle ressurgit à Mende en 13996 ; mais les registres de notaires n'en conservent aucune trace. Elle est à nouveau signalée en 1427 : à Mende en juillet, à Rieutort-de-Randon le 18 août et dans la paroisse de Saint-Gervais le 8 octobre7 ; mais il est difficile de la circonscrire plus précisément dans le temps ou dans l'espace. Il est impossible d'être catégorique, mais cette épidémie pourrait avoir commencé en juin et s'être poursuivie jusqu'au début du mois de décembre. L'hiver 1432-1433 fut l'un des plus rigoureux du siècle8 et le sort s'acharna sur les Gabalitains puisque la peste apparaît au Chastelnouvel les 16 et 30 octobre 1433, au Born le 18 octobre, à Mende les 8 et 31 août et au Fau-de-Peyre le 18 novembre9. Nous sommes à nouveau dans l'impossibilité de fixer les dates du début et de la fin de cette épidémie ; mais elles semblent se situer entre la fin du mois de juillet et la seconde partie du mois d'octobre. Toutefois le répit fut court puisque Marcel Barbot signale que la peste sévit à nouveau en 1435, et que l'évêque Ranulphe de Peyrusse demanda pour cette raison un délai afin de se rendre au concile tenu à Bâle10. Le notaire Jehan Julien dit qu'au mois de juin 1460 commença, en la cité de Mende, une grande et infinie mortalité qui se poursuivit jusqu'en août 146111. La peste de 1465 serait passée inaperçue, si elle n'était signalée dans deux testaments, du 5 août et du 4 septembre12, puisque les notaires mendois n'ont laissé que trois testaments dans ce laps de temps. Barbot signale que la peste se déclara à Marvejols en 1467 mais que Mende parvint en s'en protéger13. L'épidémie revient en 1471 et 1472. Les notaires n'en parlent pas, mais sa présence est consignée dans les comptes rendus en 1472 par les consuls de Mende14. La peste, persistante ou résurgente, engendre de nouvelles victimes en 147415. Après quelques années de rémission, le terrible fléau reparaît de 1482 à 1483. Il est cité le 26 juillet 1482 à Rieutort, le 6 août à Mende, le 18 septembre à Marvejols, le 19 septembre à Antrenas, le même mois et en juillet 1483 à Chirac, les 24 mai et 13 juin 1483 à Saint-Léger-de-Peyre, en octobre au Born, à Saint-Gervais et à Rouvière16. Il semble que cette nouvelle vague cessa avant le 26 octobre 1483.
13Nous aurions pu arrêter là l'inventaire de ces si néfastes années puisque notre recherche cesse en 1483, mais nous rappellerons encore que la peste contraignit le chapitre de Mende à fuir la cité épiscopale, en 1486, pour trouver refuge à Marvejols17. Des cas de lèpre sont mentionnés, comme nous allons le voir, en 1459, 1474, 1501, mais nous n'avons rencontré qu'un testateur atteint par cette maladie.
2°) Le traitement des malades
14Nous avons déjà vu dans le chapitre premier que des hôpitaux furent fondés à Mende, Marvejols, Chirac, Florac, Ispagnac, Barre, Chanac et Luc, et que trois testaments furent reçus dans ceux de Chirac et de Mende18. Ces hôpitaux sont alors conçus pour recueillir les nécessiteux, les malades, mais apparemment pas les victimes des épidémies. Ces dernières étaient occasionnellement regroupées dans les maladreries ou les léproseries. Les pestiférés étaient sans doute les plus mal lotis dans la mesure où la peste frappait vite et rendait difficile l'administration d'établissements qui seraient restés inoccupés entre deux vagues d'épidémie. Toujours est-il que nous ne trouvons trace d'aucun établissement hospitalier destiné aux pestiférés entre la fin du XIVe siècle et celle du XVe siècle19.
15Nous pensons qu'il y eut anciennement une maladrerie à Chirac puisque l'un des terroirs de cette ville conservait encore le nom de Malauteyra ou de l'enfirmaria aux XIVe et XVe siècles20. De même, une maladrerie destinée aux seuls lépreux est signalée à Mende au XIIIe siècle21 ; mais les documents traitant de ce sujet sont rares, et il ne semble plus y avoir de maladrerie au début du XVe siècle. Ainsi, lorsqu'il fit codicille en 1459, Pierre Verdier, lépreux originaire de Saint-Germain-de-Calberte, habitait-il au faubourg de Mende, le terroir du pueg del Ga22. Toutefois, en 1501, Aymar Rolland, lépreux originaire d'Arlendes en Vivarais, est installé en la léproserie de Mende23. Une léproserie fut-elle construite vers la fin du XVe siècle, ou bien ne cessa-t-elle jamais d'exister depuis le XIIIe siècle ? Nous n'avons aucune certitude, mais il serait sans doute avisé de se référer à Françoise Bériac qui a démontré la contradiction existant face au dilemme : "lépreux ou léproseries ?". En effet, les lépreux, dont la durée de vie étaient parfois très élevée, pouvaient agir de façon collégiale24, et il convient alors de ne pas confondre ces collèges de lépreux avec des léproseries. A Mende, jusqu'à preuve du contraire, il convient d'admettre que les lépreux du début du XVe siècle étaient isolés dans un champ du faubourg. Mais l'identité des lépreux que nous connaissons souligne que ces derniers venaient d'un peu partout, comme si les lépreux de la région étaient centralisés à Mende ! Il semble donc qu'en Gévaudan, les lépreux se soient regroupés dans la périphérie de Mende où ils tenaient une terre en emphytéose perpétuelle de la famille de Naves et pour laquelle ils payaient collectivement le cens.
16Face aux épidémies, les hommes du Moyen Age ont plusieurs recours : ils pratiquent entre autres la ségrégation à l'encontre des malades. Nous venons de voir que le sort des lépreux était fixé avec une terre en laquelle Pierre Verdier se disait sequestratus. Avec la peste, le problème est plus délicat, car les habitants n'ont pas toujours le temps d'isoler les malades, tellement la maladie est subite ; toutefois, lorsque les autorités communales en ont le temps, les villes ferment leurs portes à tout intrus. Ce fut la solution adoptée par les Marvejolais en 1483, lorsque Jehan Puechredon, barbier et clavaire de la ville, fut chargé de la garde de Marvejols pour en interdire l'accès à tout étranger25. La méthode n'était pas toujours efficace car des contaminés pouvaient s'être glissés à l'intérieur des murs, et nous avons déjà dit que Marvejols n'échappa pas à la peste de 1483. En 1472, les Mendois, pris par surprise, n'ont justement pas pu éviter que certains habitants contractassent la peste ; aussi décidèrent-ils de les jeter hors de la ville. La mesure pourrait sembler rigoureuse, mais la lecture détaillée des comptes municipaux témoigne que les expulsés, loin d'être victimes de l'égoïste ostracisme des bien-portants, bénéficièrent d'une aide généreuse et d'un abri dans l'oustau de "Genicot"26.
17La ségrégation sépare les membres d'une même famille et les malades règlent parfois leurs dernières affaires avec une conscience très altruiste. Le 6 juin 1474, Guigot Montanhier, qui ne peut plus vivre avec sa femme en raison de son état contagieux, décide de donner à celle-ci sa maison et divers biens. En contrepartie, il charge sa femme de solder toutes ses dettes et de le pourvoir de tissu. Il est bien sûr imaginable que certaines familles aient renoncé à se séparer, et nous voyons Guillaume Baldoyn vivre avec sa femme malade de la peste en 1460. Mais Guillaume paya chèrement cet amour, ou cet esprit de solidarité, car sa fille fut contaminée et disparut à son tour. La ségrégation concernait aussi les morts, comme l’évoquait Guillauma Simon qui redoutait que les prêtres refusassent sa dépouille, en 1483.
18Cette politique discriminatoire devait être médicalement contrôlée afin d'éviter que des personnes saines ne subissent une exclusion illégitime. Nous avons rencontré deux cas où la justice délégua des médecins experts pour vérifier si des femmes étaient, ou non, lépreuses27. Nous n’en avons aucune preuve, mais il est probable que de telles mesures étaient prises à l'encontre des personnes supposées atteintes de la peste. Ces deux procédures établissent que les malades, qui refusaient de se soumettre à la ségrégation imposée par leur concitoyens, étaient considérés comme des criminels et poursuivis devant des cours criminelles.
19Ceci nous conduit tout naturellement à évoquer le rôle des médecins. La médecine était d'une relative impuissance face à ces maladies, mais le Gévaudan n'était pas un pays laissé à la traîne des progrès scientifiques. Comme nous le verrons dans le chapitre douze, traitant de la formation professionnelle : le collège des ΧII médecins, fondé par le pape Urbain V à Montpellier, était réservé aux jeunes Gabalitains et fut une pépinière d'éminents praticiens, parmi lesquels figure Jehan Garsin qui devint médecin du roi. De plus, le Gévaudan vit naître l'un des plus grands médecins du Moyen Age : Guy de Chaulhac28. Ce génial chirurgien rédigea un ouvrage dans lequel il réunit toutes les connaissances de son temps, en y ajoutant le fruit de ses propres expériences. Guy de Chaulhac avait lutté contre la peste de 1348 et parvint à s'en guérir lui-même ! Il recommandait de fuir les lieux infestés, de se purger, de se faire saigner, de se fortifier par la thériaque, de purifier l'air par le feu et les parfums, de faire suppurer les anthrax par des émollients ou des cataplasmes de figues, d'oignons cuits, ou par des ventouses, et enfin de les tailler29. L'ouvrage de Marcel Barbot a déjà montré que les médecins, les barbiers et les chirurgiens se dévouaient souvent pour leurs concitoyens30. Mais leur zèle n'est pas toujours désintéressé ; il est même parfois fort coûteux pour leur clientèle. Ainsi voyons-nous, le 11 octobre 1482, Nicolas Théodoric, prêtre bénéficier de Mende, passer un contrat avec Jehan Guoyer, bachelier en médecine de Marvejols. Le médecin s'engage à soigner Nicolas, ainsi que son clerc Jacques Pons et sa servante Guillauma Bonicel, pendant un mois à compter du 8 octobre, et à leur administrer les drogue pro conservatione pestis empedimie. En contrepartie, Nicolas promet de solder vingt écus or : cinq que le médecin a déjà reçus, puis cinq écus solvables à volonté de Jehan, cinq autres à la Toussaint 1483, et le reste de la somme à la Toussaint 148431. La somme payée pour un mois de traitement au profit de trois personnes est donc très élevée, puisque son règlement est prévu sut ; plus de deux ans.
20Un tel type de contrat est aussi passé par les collectivités. Le 2 août 1460, les "plébéiens" de Mende engagent Nicolas de La Rivière, licencié en médecine, pour qu'il exerce son art à Mende, pendant l'épidémie de peste, du 1er août jusqu'au mois de janvier, contre un salaire de trente-cinq livres. Les représentants de la municipalité s'engagent en sus à lui fournir une maison, un lit et tous les ustensiles nécessaires, mais le médecin devra pourvoir lui-même à ses vivres. Un an plus tard, le 6 juillet 1461, alors que l'épidémie continue, les représentants de la cité passent un nouveau contrat avec Jehan Dolcet, physicien et bachelier en médecine originaire du diocèse de Poitiers. Les Mendois lui devront en compensation : 10 moutons or, ainsi qu’une chambre, un lit et le tissu nécessaire pour la durée de son service. Ces deux contrats affichent une grande différence de salaire entre les deux médecins puisque l'un perçoit mensuellement cinq livres, et l'autre deux moutons or et demi. Il est fort possible que l'écart entre les deux salaires soit dû à la différence entre les deux niveaux de formation des médecins, puisque l'un est licencié et l'autre bachelier ; à moins que Jehan Dolcet ait moins bien négocié son affaire ! Les organismes municipaux sont donc à la pointe de la lutte contre les épidémies, et leurs officiers se livrent à toutes sortes de négociations avec des particuliers, allant jusqu'à louer des couvertures et des matelas32.
21Si la ségrégation était efficace face à la lèpre, sa pratique était moins évidente lors des épidémies de peste difficilement contrôlables. Aussi, malgré les mesures énergiques des représentants des villes, et sans doute à cause des résultats limités obtenus par la médecine, la solution, peut-être la plus rassurante, était la fuite recommandée par Guy de Chaulhac. Lors de la peste de 1482-1483, le notaire marvejolais Guillaume Amelhac se réfugie chez son père, à Palhers, où il continue à exercer son métier. Cet exode était d'ailleurs l'une des causes de la propagation de la peste. Il est loisible d'imaginer que ce fut un réflexe courant ; face au fléau, la panique frappait les habitants des villes où la promiscuité et les conditions hygiéniques ne faisaient qu'accélérer le processus de contamination. Cette débandade apparaît clairement dans un acte du 17 septembre 1477. Ce jour-là, les consuls de Mende chargent le notaire Guillaume Jausion de lever la taille33, mais conviennent qu'en cas d'épidémie de peste, les consuls devraient faire garder les portes de la cité pour que tous les habitants, qui voudraient fuir la ville, soient contraints de payer leur part de la taille.
22La fuite des personnes saines resserre fréquemment les liens familiaux, et plusieurs contrats de mariage incluent une clause à ce sujet. Le 20 décembre 1466, lors du contrat de mariage de Berthon Bedos, son père Jehan convient qu'au cas où Berthon devrait fuir la ville de Mende avec sa femme et sa famille, il les recevrait en sa maison du mas de Prunières "durant les risques d'épidémie"34. La même coutume se retrouve chez les nobles et entre parents très éloignés. Le 2 octobre 1478, nobles Jehan et Jehan Montanhac, père et fils, damoiseaux de Mende, et Gilbert Malbec, écuyer, seigneur de Briges en la paroisse d'Auroux, conviennent lors d'une transaction à propos de la succession de nobles Guillaume Talhier et de Dragonette Montanhac, que si la peste sévissait à Mende ou à Briges, ceux qui seraient contraints de quitter leur domicile seraient reçus avec leurs "famille et ménage"35. Ces conventions attestent qu'il ne faut pas prendre comme une généralité le propos de Guy de Chaulhac qui disait que "le père ne visitait pas son fils, ni le fils son père" lors des épidémies de peste36.
23Pendant la peste de 1460-1461, le notaire Jehan Julien ne cessa pas de voyager et son comportement nous invite à nous demander si l'épidémie incitait réellement les gens à se replier sur eux-même, comme cela nous semble probable37. En comparant le nombre des contrats de mariage et celui des testaments conservés pour les années où la peste frappa, nous avons eu la confirmation d'une récession en 1427, 1433 et 1482. Toutefois les épidémies de 1460-1461, 1465, 1467, 1471-1472, et 1474 ne paraissent pas avoir provoqué un tel recul des unions. De plus, en 1483, alors que la peste n'avait même pas disparu, les projets de mariage reprirent avec une forte intensité. Nous ne pouvons guère commenter ce phénomène, ne sachant pas s'il s'agit d'un effet trompeur causé par une meilleure conservation des contrats de mariage que des testaments. Une explication pourrait cependant être donnée pour les épidémies de 1461 et de 1483 : la durée du fléau. En effet, il n'est pas impossible que le choc psychologique, d'abord provoqué par ces épidémies, ait été suivi par une accoutumance qui aurait ensuite insufflé aux familles le courage de contracter des alliances et de reprendre goût à la vie. Ce comportement n'aurait d'ailleurs rien d'anormal dans un monde où la mort est omniprésente. En effet, l'homme confronté à la mort est souvent suffisamment fataliste pour continuer à vivre et à se reproduire, malgré tout.
C - La guerre, les pèlerinages
1°) La guerre
24La guerre est parfois évoquée dans les registres de notaires, en principe à l'occasion des méfaits des gens d'armes, mais, contrairement à ce que nous aurions pu escompter, les testaments rédigés en raison des faits de guerre sont rares. Si nous exceptons celui que rédigea Raymond d'Apcher, seigneur de Saint-Alban, lorsqu'il partit combattre les musulmans d'Espagne devant Grenade en 1410, deux testaments et un codicille seulement se réfèrent à la guerre. Ils émanent de deux personnages différents : l'un est combattant, l'autre victime. Le 20 mai 1383, Déodat Hugonet, habitant de Mende, fait son testament en exposant qu'il lui "arrive de fréquenter les gens d'armes et que souvent les issues mortelles surviennent". Il fait donc partie de ces hommes d'armes qui parcouraient la région en y semant le trouble. Au contraire, Guillaume Ebrard, habitant Colombèche en la paroisse de Born, teste le 15 décembre 1430, victime des hommes d'armes38.
2°) Les pèlerinages
25Les Gabalitains du XVe siècle ne semblent guère inspirés par l'aventureux voyage vers la Terre sainte, mais ils peuvent plus simplement se recueillir sur les reliques de quelques saints locaux : celles de saint Privat et de sainte Enimie qui sont renommées, par exemple. L'ermitage Saint-Privat fut fondé, à côté de Mende, en l'honneur de son premier évêque qui, d'après Grégoire de Tours, aurait été tué par les Alamans. Sainte Enimie fut à l'origine de la fondation, sur les rives du Tarn, du monastère et de la ville qui portent son nom39. A Grandrieu, des pèlerins sont attirés par saint Méen qui est supposé guérir les maladies de la peau. Il semble que l'un de nos testateurs ait rédigé ses dernières volontés avant de s'y rendre40. A partir de 1465, un autre pèlerinage se développe sur le Truc de Fortunio, à l'est de Rieutort-de-Randon, après plusieurs miracles attribués à saint Ferréol, au point que l'official de Mende autorise la restauration d'une chapelle en ce lieu, en 147241.
26En 1472, Guillaume de Saint-Bauzile envisage une plus longue entreprise et annonce vouloir se rendre à Saint-Claude en Bourgogne42. Toutefois les voyages encore plus lointains étaient indéniablement plus méritoires. Le plus renommé semble avoir été celui fait à Saint-Jacques-de-Compostelle. Le Gévaudan, il est vrai, se trouvait sur l'une des routes utilisées par ces pèlerins qui arboraient la coquille sur leurs vêtements. Les Gabalitains voyaient souvent ces pieux voyageurs traverser le nord du pays, et l'émulation fut sans doute forte. Quatorze hommes, soit 1,41 % des testateurs, s’apprêtent à partir en pèlerinage, et dix d'entre eux prennent la route de la Galice43. En 1450, le mendois Pierre Rampolh se rend à Rome44. En 1469, Guigot Montanhier prévoit une double expédition et dit "vouloir partir pour le saint Suaire de notre seigneur Jésus-Christ et de là pour Saint-Jacques de Galicie"45. Guigot prend donc deux directions opposées qui le mèneront, d'abord en Italie, puis en Espagne.
27Ces hommes appartiennent, pour la plupart, à la petite et à la moyenne bourgeoisie, puisque nous rencontrons quatre prêtres, trois tisserands, un bastier, un marchand et un pelletier. Ce dernier, Pierre Rampolh, est le cousin du prêtre Louis Mathieu46, fils de Pierre Mathieu, juge de la cour commune de Gévaudan de 1433 à 1451, et de Fernande Valdin, elle-même issue de l'une des plus grandes familles mendoises47. Guigot Montanhier, dont nous ignorons le métier, est le frère d'un prêtre. Toutefois, à leurs côtés, nous trouvons trois ruraux qui sont apparemment des paysans. Les grands bourgeois participent aussi à ces lointains voyages et nous savons que Guillaume Robin, marchand appartenant à l'une des plus éminentes familles mendoises, se rendit aussi à Saint-Jacques-de-Compostelle48. Neuf des dix pèlerins laïcs sont mariés ; quatre sont sans postérité, mais les autres ont de un à cinq enfants. Jacques Atrasic est même grand-père. Tous ces époux laissent leur femme, leurs enfants et leurs biens derrière eux, mais il est vrai que quatre d'entre eux ont encore leur père ou leur mère en vie.
28Les motivations de ces pèlerins lancés sur les dangereux sentiers des vénérables sanctuaires ne sont jamais explicitées ; toutefois le voyage entrepris par Guigot Montanhier est très probablement à caractère pénitentiel puisque nous savons qu'il était alors excommunié. La cause de son excommunication n'était peut-être que vénielle et nous la croyons en rapport avec la succession de son frère dont il était héritier. Mais il est probable que les autres pèlerins aient plus généralement fait acte de foi et de rédemption. A deux reprises, au moins, se constituent des groupes de voyageurs apparemment associés dans une même corporation. Au début du mois d'Avnl 1430, doms Vital Balmelas, Jehan Masel Ier et Guillaume Monteilh testent avant de partir ensemble pour Saint-Jacques. Les trois prêtres s'allient en se qualifiant de cosocii. Il est difficile d'affirmer qu'ils se connaissent déjà, même si cela paraît probable, et de toute façon le voyage les unira car ils vont devoir affronter en commun tous les risques qui parsèment les chemins menant du Gévaudan jusqu'en Galice. Un propos confirme ce compagnonnage né de l'aventure : lorsqu'ils évoquent leur possible décès en cours de route, Vital Balmelas, Guillaume Monteilh et Jehan Masel Ier s'en remettent les uns aux autres pour faire inhumer leurs cadavres et pour disposer de leurs biens. Les objets, dont les compagnons pourront disposer, sont en l'occurrence ceux qu'ils portent sur eux et non leur patrimoine. L'organisation peut même devenir une affaire de famille puisque le second groupe est composé en 1472 de trois tisserands mendois : Pierre Basalgette, Jehan Masel II et Jacques Atrasic ; or Jacques Atrasic a épousé Catherine Masel, fille de Jehan, dont il a eu deux filles. Les liens confraternels jouent aussi leur rôle car Pierre Basalgette et Jacques Atrasic sont membres de la confrérie des tisserands.
29Ainsi le pèlerinage entre-t-il dans un cadre traditionnel reposant sur des liens familiaux et confraternels. Les pèlerins sont supposés agir mus par une pieuse tradition familiale. Quatre d'entre eux sont prêtres et ne peuvent l'être devenus qu'en vertu d'une éducation familiale qui les a incités à servir Dieu ; sept autres, à défaut d'être eux-mêmes entrés dans le clergé, ont des parents proches qui sont parvenus au sacerdoce. Ils ont donc des guides spirituels qui les ont, un jour ou l'autre, influencés. Le prêtre Jehan Masel Ier et son neveu, Jehan Masel II, natifs d'Estables, sont très liés. Le premier devient bénéficier dans l'église de Mende, alors que le second épouse la fille d'un tisserand mendois et s'établit lui-même dans la grande cité comme tisserand. L'oncle lègue au neveu le patronage de la chapelle Saint-Biaise, qu'il avait fondée, divers meubles et sa borie d'Estables. Pendant plus de trente ans les deux Jehan vivent ensemble49. En 1472, Jehan II nomme Jehan Ier tuteur de ses enfants mineurs, aux côtés de ses deux gendres Jacques Atrasic et Anthoine Clavel.
30Entre les pèlerins semble finalement exister une grande émulation qui se ressource dans un réseau encore plus vaste que celui que nous venons d'évoquer et qui repose sur les liens familiaux et confraternels. En effet, lorsque Jehan de Crosat teste en 1428, avant de partir pour Saint-Jacques-de-Compostelle, il charge de ses exécutions testamentaires ses amis Bernard et Jehan de Saint-Bauzile, prêtres bénéficiers de Mende. Or, deux ans plus tard, Jehan et Bernard assistent au testament de Guillaume Monteilh, qui part pour Saint-Jacques. Quarante-deux ans plus tard alors qu'ils sont morts depuis une vingtaine d'années, leur neveu Guillaume de Saint-Bauzile entreprend un pèlerinage à Saint-Claude en Bourgogne. Des rapports similaires unissent les Masel aux Montanhier. Lorsqu'il teste, en 1430, Jehan Masel Ier fit plusieurs exécuteurs testamentaires parmi lesquels Etienne Montanhier, prêtre de Mende. En 1458, Guillaume Montanhier, prêtre de Mende, assiste à son nouveau testament. Or, Guillaume Montanhier était le neveu d'Etienne ; et il était aussi le frère de ce Guigot qui partira onze ans plus tard se recueillir devant le saint suaire. Il est donc édifiant de voir que neuf des quatorze pèlerins, dont les testaments ont été conservés, se trouvent pris dans un réseau d'accointances fondées sur le sang, l'amitié, la confraternité ou le compagnonnage. Et ce phénomène n'est pas imputable à un trompeur effet produit par les sources puisque les actes retrouvés s'étendent sur une période de trente-quatre ans et ont été reçus par quatre notaires différents.
III - LE CELIBAT
31L'influence du célibat est prépondérante en démographie. Son importance, plus ou moins grande, mise en rapport avec le nombre d'enfants par famille, a pour effet d'accroître, ou de diminuer, le pourcentage de renouvellement de la population. Une famille aura intérêt à encourager les mariages si elle doit faire face à une faible natalité et à une éventuelle forte mortalité. Une société composée de familles nombreuses avec un infime pourcentage de célibataires pourra affronter une mortalité élevée, renouveler ses générations et même augmenter ses effectifs. Une évaluation de la portée du célibat peut être esquissée grâce aux testaments. Nous avons deux moyens de procéder. Le premier consiste à relever l'ensemble des célibataires parmi les testateurs. Le second est plus fiable et revient à prendre en compte le nombre de célibataires dans la descendance des testateurs. Si les résultats obtenus à partir de telles sources sont largement contestables et doivent être considérés avec prudence, nous verrons qu'ils permettent malgré tout de tirer des conclusions édifiantes.
A - Parmi les testateurs
32La démarche qui consiste à calculer le célibat à partir du nombre de testateurs est doublement faussée ; d'une part en raison de la surreprésentation du milieu ecclésiastique qui fait inconsidérément monter le taux du célibat, d'autre part du fait de notre ignorance du nombre réel de testateurs célibataires. En effet, si nous exceptons les prêtres, les célibataires ne peuvent être identifiés qu'en l'absence de mention d'époux ou de descendants, mais cette situation de famille peut nous conduire à confondre un célibataire et un veuf sans enfant ! De plus, nous nous heurtons à un problème de forme puisque nous ne comptabilisons que les célibataires existant à un moment donné et non ceux produits par chaque génération.
33Vingt-sept testaments, soit 2,90 % de l'ensemble, ont été rédigés par des célibataires. Le quart de ces derniers vit en ville, mais il serait faux de conclure que les autres sont tous des paysans puisque nous trouvons un fustier parmi eux. Les autres célibataires, dont nous connaissons le métier, sont marchand, homme d'arme, sabotier et domestique. Dans ce groupe restreint, nous ne trouvons que deux filles dont l'une, Mondette Latger, de Saint-Bauzile, fut naguère la servante du mendois Jacques de Leyris. Le marchand Anthoine Chapsier ne resta pas longtemps célibataire puisqu'il est marié à Soubeyrane Tonel, fille d'un notaire mendois50, six ans après avoir testé.
34Nos sources contiennent 19,56 % de testaments émanant de prêtres, et nous pouvons constater ici les limites de cette méthode d'investigation. Soit nous tenons compte des testateurs ecclésiastiques et nous obtenons un taux de célibat de 21,36 %, soit nous les excluons et nous stagnons à 1,80 % ! Ce dernier pourcentage est proche de ceux relevés par Marie-Thérèse Lorcin, pour le Lyonnais où elle note que 1,1 % des roturiers et 0,8 % des nobles, ayant rédigé un testament au XIVe et au XVe siècles, étaient célibataires51.
B - Parmi les descendants des testateurs
35Cette seconde méthode assure l'obtention de résultats plus vraisemblables puisqu'elle prend en compte la totalité des générations de remplacement. En effet, nous raisonnons maintenant en établissant le nombre d'enfants mariés ou célibataires dans l'ensemble de la descendance des testateurs52. Toutefois, là aussi nous nous heurtons à des imperfections : le mariage des femmes est souvent mentionné, ne serait-ce qu'indirectement par le rappel d'une constitution dotale, mais cela n'est pas systématique ; celui des hommes est rarement évoqué. De plus, les enfants mineurs ne sont pas mariés et nous ignorons quel va être leur sort : se marieront-ils ou resteront-ils célibataires ? Il est impossible de les compter parmi ceux qui resteront sans conjoint car notre objectif est justement de savoir ce qu'ils deviendront une fois adultes ! Nous avons heureusement la chance de pouvoir compter sur l'ensemble des renseignements contenus dans les registres des notaires qui permettent de réduire la marge d'erreur en complétant nos informations.
3637,60 % des enfants des testateurs sont mariés ou se sont mariés dans les années qui suivirent la rédaction du testament. Ce chiffre n'a toutefois guère de sens. En effet, les populations féminine et masculine sont à peu près égales53, et il est logique de supposer qu'il y eut approximativement autant de garçons que de filles mariés, puisque les uns ne vont pas sans les autres, même si les cas de remariage peuvent perturber cette équation. Or, dans les faits, les imprécisions sur l'état familial des garçons donnent des résultats bien différents : 54,15 % des filles et 26,60 % des garçons sont mariés. Cette différence ne dépeint pas la réalité mais résulte de l'imperfection de nos sources. Elle correspond à des pourcentages minimum et il serait faux de conclure à un fort taux de célibat. D'ailleurs, le mariage est prévu pour 32,18 % des filles qui sont des mineures non mariées au moment où sont rédigés les testaments ; or il est probable que la plupart d'entre elles se marieront puisqu'elles sont toutes pourvues d'une dot et devront, dès lors, aisément trouver un époux. Pour les garçons, le problème est plus délicat car le règlement des legs qui leur sont faits est généralement prévu à la date de leur installation, ou à la date où il seront en âge de gagner leur vie, et la mention d'un éventuel mariage n'est évoquée que dans 1,05 % des cas. Ceci provient d'une mentalité qui a donné lieu à la formation de l'expression "filles à marier" qui n'a pas son pendant masculin. Toujours est-il que 86,33 % des filles ont consommé leur mariage ou ont été vouées au mariage par leurs parents. Et il est permis de penser que le pourcentage des garçons mariés, tout en étant peut-être légèrement différent, ne doit pas être trop éloigné de ce taux.
37Jusqu'à présent, nous avons évalué le célibat en comptant les mariages. Cette méthode est faussée par la difficulté de savoir ce que deviennent réellement les enfants des testateurs. Toutefois, il existe une vocation au célibat qui peut aussi nous servir. Elle concerne tout particulièrement les enfants destinés au clergé. 12,51 % des garçons et 0,53 % des filles sont orientés vers l'Eglise par les testateurs, ou sont déjà entrés dans les Ordres.
38En outre, 0,84 % des filles et 0,32 % des garçons sont, avec plus ou moins de certitude, astreints à un célibat lié à une vie laïque. Les testateurs projettent à plusieurs reprises que leur fille célibataire bénéficiera du vivre et du gîte ; comme Jehan Malaboche, de Colombèche, qui ajoute que sa fille recevra un bon domicile et une pension alimentaire, si elle ne peut vivre avec son héritier universel. Généralement, le célibat d'un enfant est prévu par un testateur comme une alternative au mariage. En 1478, Pierre Ebrard, du Born, constitue une dot à sa fille, mais il stipule qu'au cas où elle vivrait sans mari, et dans ce cas seulement, elle aurait en plus la moitié d'un chasal et la moitié d'un jardin potager. Cette clause n'excluait pas un mariage ultérieur, mais elle précisait qu'en ce cas, si elle décidait de conserver les immeubles, Marguerite devrait en déduire le prix sur les trente livres54.
39Parfois, l'enfant voué au célibat est physiquement handicapé. En 1460, Pierre Malassanha, de Fangettes, dote ses filles Jehanne et Anthonie, mais il considère qu'Anthonie pourrait ne pas trouver de mari à cause de son infirmité. Dans ce cas, il lui lègue le victum et vestitum à vie mais Anthonie devra travailler pour son héritier. Il indique cependant, dans la perspective où Anthonie et son héritier ne pourraient s'entendre, que ce dernier devrait alors verser à Anthonie une pension annuelle évaluée par deux probes hommes de leurs choix. Bien d'autres agissent pareillement55.
40Nous pouvons conclure que plus de 54 % des filles sont mariées et 32 % destinées à se marier. Le célibat n'est prévu que pour un peu plus d'un pour cent d'entre elles, et nous ignorons le sort des 12 % restants. Nos chiffres pour les garçons sont bien moins précis puisque nous ignorons le destin réel ou prévu de plus de 40 % d'entre eux ! Nous savons que 26,60 % des garçons sont mariés, et 1,05 % voués au mariage, mais il est logique, comme nous l'avons dit, qu'il y ait à peu près autant de fils que de filles mariés. Or, le nombre de garçons et de filles étant à peu près égal, le pourcentage de mariages dans l'un ou l'autre des sexes ne peut guère différer. Le nombre de garçons célibataires fixé dans cette recherche est plus important que celui des filles, mais il correspond à peu près au nombre de filles dont nous ignorons le devenir. Il n'est donc pas utopique de considérer que plus des 4/5 des enfants se mariaient et que le célibat n'était commandé que par le désir d'entrer dans les ordres, ou par une impossibilité physique de convoler. Dans une société où la sexualité est théoriquement interdite en dehors du sacrement donné par l'Eglise, le mariage est l'état logique de tout laïc normalement constitué.
IV - LE MARIAGE DES MINEURS
41Quelle est la part des engagements pris par des mineurs sur l'ensemble des contrats de mariage ? Nous sommes à nouveau confronté à un déficit d'informations sur les hommes qui empêche toute recherche sur eux à ce sujet. L'âge n'est pour ainsi dire jamais mentionné dans les pactes de fiançailles et nous ne le trouvons que dans les quittances de biens familiaux ; or ces dernières sont principalement délivrées par les filles. Mais, même en ce qui concerne les filles, nos renseignements ne peuvent conduire qu'a établir une évaluation minimale. En effet, ces quittances sont des instruments souvent distincts et nous ne sommes pas en possession de l'ensemble de celles correspondant aux contrats de mariage conservés. Les notaires ont fréquemment regroupé ces deux actes dans leurs extensoires, sans que cela soit systématique, mais il rien a pas été de même dans les protocoles. En conséquence, disposer des contrats de mariage et des quittances afférentes relève du hasard. Un dernier problème entrave notre démarche : l'âge livré par les quittances de biens est donné sous la forme d'une fourchette : "majeure d'X années, mineure d'Y années". Nous verrons dans la première partie du chapitre 9 le sens qu'il convient de donner à ces expressions, et nous nous contenterons pour le moment de considérer que cela nous renseigne sur l'âge maximum et sur l'âge minimum de la contractante. Ainsi une fille majeure de quinze ans et mineure de vingt-cinq ans est-elle une fille pubère qui n'a pas atteint l'âge légal de la majorité fixé à vingt-cinq ans. Nous estimons fort probable qu'elle ait quinze ans, mais rien n'interdit d'admettre qu'elle ait plus de quinze ans !
42Cette mise en garde étant faite, nous constatons que 33,36 % des filles, qui prennent un époux, ont moins de vingt-cinq ans. Parmi ces trois cent quatre-vingt-cinq mineures, 0,26 % ont plus de dix ans, 8,57 % plus de douze ans, 1,82 % plus de treize ans, 17,66 % plus de quatorze ans, 24,94 % plus de quinze ans, 22,86 % plus de seize ans, 0,26 % plus de dix-sept ans, 11,17 % plus de dix-huit ans, 0,26 % plus de dix-neuf ans, 6,23 % plus de vingt ans et 0,26 % plus de 22 ans ; le reste des filles est simplement dit mineur, ou placé sous tutelle ou curatelle. Il est donc possible que 10,65 % des mariées mineures soient impubères56, 17,66 % seraient à la limite de l'impuberté et de la puberté57, 48,06 % auraient entre quinze et dix-huit ans58 et 17,92 % ont entre dix-huit et vingt-cinq ans59.
4326,23 % des fiancées mineures sont des citadines. Ce pourcentage est relativement faible puisque nous savons que 33,89 % des futures sont issues des villes. Et comme nous n'avons pas de réelle raison de penser que les ruraux donnaient plus fréquemment quittance des biens familiaux, il n'est pas interdit de considérer que les citadines de moins de vingt-cinq ans étaient proportionnellement moins nombreuses à contracter une union que les campagnardes.
44Nous connaissons la profession des parents de 22,60 % de ces filles. Nous rencontrons : 26,44 % de tisserands, 17,24 % de marchands, 10,34 % de tailleurs, 6,90 % de notaires, et autant de forgerons, 1,15 % de nobles. Les autres sont bouvier, laboureur, fustier, carrier, charron, forgeron, éperonnier, peintre, parcheminier, cordonnier, corroyeur, sellier, pelletier, tondeur ou pareur de draps. Enfin 4,60 % des fiancées ont auparavant été servantes. Aucune catégorie professionnelle ne paraît privilégier le mariage des mineures puisque les pourcentages élevés de tisserands, marchands, tailleurs, notaires et forgerons correspondent approximativement à la proportion prise par ces métiers dans l'ensemble du "corpus" de professions des parents des mariés.
45Il est regrettable de ne pas pouvoir comparer l'importance du mariage des mineures avec celui des mineurs. Henri Bresc a constaté qu'au XVe siècle les filles parvenaient plus tôt au mariage que les garçons. Il précise que la différence d'âge entre les mariés varie selon les pays. En Sicile les filles seraient mariées entre douze et dix-huit ans, à Reims vers quinze ou seize ans, à Dijon entre 20 et 22 ans60. En Gévaudan, nous venons de voir que les choses sont plus complexes ! L'hyménée des mineurs existe, mais il n'y a pas de prédominance d'un âge d'accès au mariage.
V - VEUVAGE ET REMARIAGE
46Le veuvage tient une part considérable dans nos sources. En effet, 31,85 % des testaments ont été rédigés sur la demande de veufs ou de veuves, et 13,50 % des contrats de mariage furent passés alors que l'un des fiancés au moins était veuf. Si nous détaillons ces chiffres, nous constatons que 21,73 % des testateurs laïcs sont des veufs, alors que le pourcentage des veuves en considération du nombre de testatrices est de 69,10 %. En Lyonnais, le veuvage est, pour les XIVe et XVe siècles, de 7,20 % pour les roturiers et 8,80 % pour les nobles. Marie-Thérèse Lorcin précise que 1,70 % des testateurs roturiers et 1,10 % des nobles sont veufs, alors que les femmes sont près de vingt fois plus nombreuses à avoir perdu leur époux61. Elle ajoute cependant que l'écart doit être pondéré en tenant compte de l'absence de renseignement donné sur le veuvage des hommes. L'auteur prend l'exemple du plat pays où 36,60 % des hommes ne font pas mention d'épouse vivante entre 1400 et 1450, alors que 58,30 % des testatrices sont veuves. Les chiffres sont respectivement de 24,70 % et 58,30 % entre 1450 et 1500.
47Les données relevées en Gévaudan ne permettent pas d'établir le pourcentage des veufs par rapport à l'ensemble de la population ; nous autorisent-elles à conclure que le veuvage était plus important chez les femmes que chez les hommes ? Cela semble logique pour les individus qui parviennent à la fin de leur vie dans la mesure où nous rencontrons plus de veuves qui testent que de veufs62. Le chiffre de 69,10 % doit être relativisé par le fait que 30,34 % des testaments émanent de femmes, et 50,10 % d'hommes à l'état laïc63. Ainsi le contingent de testatrices est-il inférieur de deux cinquièmes à celui des testateurs, alors que le nombre de veufs parmi les testateurs est inférieur de deux tiers à celui des veuves parmi les testatrices. Il est clair que les femmes testaient plus lorsqu'elles étaient veuves que du vivant de leurs maris. Nous ne pouvons traiter plus longuement du veuvage au prorata de l'ensemble du corps social, mais la situation des veufs et des veuves nous permet de traiter de l'importance du remariage, de la durée des unions et de la durée du veuvage.
A - Le remariage
48Malgré la suspicion que les théologiens faisaient planer sur elles64, les Gabalitains n'hésitaient pas à convoler en secondes noces et celles-ci étaient même très répandues. Une deuxième alliance a été contractée par 31,33 % des personnes veuves qui ont rédigé un testament. Ce phénomène concerne donc 9,98 % des testaments conservés65. Le remariage des femmes est globalement plus important que celui des hommes puisque 17,60 % des testatrices et 9,25 % des testateurs ont pris un nouvel époux. Cette tendance est confirmée dans les contrats de mariage qui sont passés par un ou deux fiancés en état de veuvage : 10,40 % des fiancées sont veuves, pour 6,59 % de veufs. En Lyonnais 1,60 % des roturiers et 4,30 % des roturières qui testent se sont remariés. Le pourcentage passe respectivement à 3,70 % et 4,10 % pour les hommes et les femmes de la noblesse. Toutefois, si nous appronfondissons la question en Gévaudan, nous nous rendons compte que les chiffres concernant les mariés sont inattaquables, alors que ceux relevés à propos des testateurs résultent d'un effet trompeur. En effet, il suffit d'établir le rapport entre les testateurs qui se sont remariés et ceux qui avaient perdu un conjoint pour constater que 42,59 % des veufs se sont remariés pour 25,48 % des veuves seulement. L'apparente contradiction de ces chiffres est aisément explicable : les veufs se remarient plus fréquemment que les veuves, mais le nombre de veuves étant beaucoup plus élevé, nous rencontrons plus de veuves remariées que de veufs ! Ainsi le veuf convole-t-il plus fréquemment en secondes noces que la veuve, même s'il y a numériquement plus de veuves ayant pris un nouvel époux.
49En outre, plusieurs personnages contractent une troisième union ; c'est le cas de 1,11 % des femmes et de 0,40 % des hommes qui passent un contrat de mariage, et de 1,33 % des testatrices ou de 1,92 % des veuves ayant rédigé un testament, et de 0,20 % des testateurs, ou de 5,56 % des veufs. La proportion du pourcentage des testatrices veuves par rapport à celui des testateurs veufs ayant contracté une seconde union était de trois cinquièmes, celle portant sur un troisième hymen chute à un peu plus d'un tiers.
50Le remariage des veufs concerne tous les milieux sociaux. 51,66 % des veuves et 57,89 % des veufs qui contractent une union sont issus des villes, les autres étant des ruraux. Parmi eux nous trouvons des laboureurs comme Jehan Rocherousse, le marchand Guillaume Robin II, le notaire Jacques Cobe, le tisserand Bertrand Chaptal, marié à une veuve avant de reconvoler à deux reprises, et noble Jehan Dumond époux de Jehanne Julien, veuve du notaire Bartholomé de Recoules, puis de noble Louise de Fontans66. Nobles, grands bourgeois, officiers, petits artisans ou laboureurs, aucun ne répugne à se remarier après la mort du premier conjoint. Et les secondes unions posent si peu de problèmes que nous voyons Jehan Dumond, un noble, épouser en premières noces une bourgeoise, veuve d'un notaire noble, avant de se remarier avec Louise de Fontans, fille d'une très ancienne, bien que modeste, famille noble du Gévaudan.
51Les secondes ou troisièmes noces sont même tellement bien acceptées que nous voyons certaines familles compter jusqu'à trois personnes ayant contracté de telles unions. Maître Pons Valdin, notaire mendois épousa tout d'abord Catherine Cortin, fille d'un notaire mendois ; après quoi il épousa Jausionde Artald67. De sa première femme, il eut Bertrand qui exerça le métier de marchand. Bertrand épousa Catherine Galtier, puis une certaine Audine, et enfin noble Delphine de Malevieille, fille et héritière d'une très ancienne famille chevaleresque. Pons avait un frère, Pierre II Valdin, qui fut le père de noble Jehan Valdin, marchand de Mende. Or Jehan eut, lui aussi, deux épouses : noble Delphine, dont le patronyme est inconnu, et noble Mirande Puel68. Bien d'autres cas analogues se sont présentés à nous, mais nous n'en finirions pas de les énumérer69.
52Nous constatons que 26,28 % des contrats de mariage concernant des secondes épousailles ont été passés par un veuf et une veuve70. Ces remariages rendaient les situations de familles plus complexes puisqu'un nombre plus ou moins important d'enfants issus de plusieurs lits se retrouvaient sous un même toit ; mais nous verrons dans notre chapitre 8 qu'ils faisaient justement partie des stratégies familiales et permettaient de préparer des unions doubles. 8,97 % des contrats, où l'un des futurs au moins vit en état de veuvage, sont passés entre un veuf et une mineure71. Nous ne rencontrons qu'un cas où une veuve épouse un mineur : il s'agit d'Agnès Leyris72, veuve du barbier Guilhabert Garsin, qui convole le 12 novembre 148373 avec Jehan Bestion, majeur de quatorze ans et mineur de vingt-cinq. Jehan Bestion était apparemment un jeune veuf74, mais il avait plus de dix ans de différence avec Agnès, puisqu'elle est citée en 1449, dans le testament de son père qui s'était marié avec sa mère le 23 mai 144875. Lors d'alliances entre des veufs et des mineures, la différence d'âge dépasse souvent la décennie et à plusieurs reprises la vingtaine d'années.
B - Durées des unions et du veuvage
53Il est difficile de répondre aux interrogations que nous nous posons sur la durée des unions et la durée des périodes pendant lesquelles les veufs demeuraient à l'état de veuvage. Pour y parvenir, nous étayons notre démonstration sur une quantité d'échantillons réduite et peu significative. Les conclusions sont d'autant plus aléatoires que les exemples dont nous disposons sont des évaluations minimales. En effet, la durée d'une union est fixée entre la date d'un pacte de fiançailles et celle du testament de l'un des deux époux ! Mais l'époux testateur peut avoir survécu, et l'union peut, en conséquence, ne pas s'être interrompue à ce moment. La longueur du veuvage est calculée d'après la première apparition d'un veuf et la date d'un remariage, ce qui n'exclut pas que le veuvage soit antérieur à la première citation !
54Toujours est-il que nous avons pu suivre 8,06 % des couples ayant contracté un manage. 26,89 % de ces unions ont duré entre zéro et cinq ans, 16,12 % entre cinq et dix ans, 26,89 % entre onze et vingt ans, 19,35 % entre vingt et un et trente ans, 9,68 % entre trente et un et quarante ans, et 1,07 % dépassèrent la quarantaine d'années. Ce sont donc près du tiers des hyménées qui subsistèrent plus de deux décennies : un chiffre finalement important puisqu'il correspond à la période au-delà de laquelle un couple cesse généralement d'avoir des enfants.
55Le temps du veuvage est encore plus difficile à déterminer. Théoriquement les femmes sont astreintes au respect du délai de viduité ; mais le contrat de mariage n'étant souvent qu'un pacte de fiançailles, nous sommes bien dans l'impossibilité de savoir si cette règle était parfois transgressée. De toute manière, nous n'avons rencontré aucun cas de promesses rapidement échangées par des veuves ; les plus rapides sont celles d'Astruge Gitbald. Le 15 janvier 1435, cette dernière avait épousé Laurent Delclaus qui testa le 16 août 1440 et mourut probablement en novembre de la même année car l'inventaire de ses biens fut réalisé le 11 de ce mois. Quatorze mois après, le 17 janvier 1442, Astruge passait un nouveau contrat de mariage avec Etienne Borrel76. La plus courte période observée dans un veuvage concerne un boucher mendois : Pierre Vimenet. Pierre Vimenet avait épousé Agnès Malassanha qui testa le 16 décembre 1478. Or le 12 janvier 1479 (ns), Pierre se fiançait avec Françoise Chausse77. En vingt-sept jours, Agnès avait eu le temps de mourir et Pierre Vimenet de trouver une nouvelle femme, ce qui peut paraître légèrement précipité ! Il semble que les remariages aient généralement lieu dans des délais n'excédant pas le quinquennat. Passé ce cap, les gens devaient se maintenir dans un veuvage de longue durée, et nous observons ainsi noble Jehanne de Cubières, veuve de maître Pierre Mathieu, qui demeure veuve pendant plus de vingt ans78.
56Le veuvage n'est pas toujours interrompu par la mort ou le remariage. L'entrée dans les Ordres peut répondre à l'aspiration de certains. Si la pratique n'est pas courante, nous en trouvons trace à deux reprises : une fois lors d'un testament, et une seconde fois à l'occasion d'un contrat de mariage. Statistiquement, la fréquence de ce phénomène est réduite à 1/100079 !
CONCLUSION
57Malgré les réserves émises sur la qualité de nos sources, nous pouvons tirer d'utiles conclusions sur leur exploitation à des fins statistiques et démographiques. Tout d'abord, un "décollage" de la nuptialité, à partir des années "40", nous offre la perspective d'une croissance de la natalité qui reste à déterminer. De plus, si la mortalité semble très forte dans la mesure où 16,50 % des testateurs seulement sont âgés de plus de soixante ans, il rien reste pas moins que plus de 62 % des testateurs ont, quant à eux, dépassé la quarantaine. Cet âge de quarante ans est démographiquement une limite essentielle à franchir puisqu'elle correspond à la tranche d'âge dans laquelle les individus ont généralement assuré leur descendance. Les décès prématurés sont en partie compensés par des remariages couramment pratiqués. Enfin, le célibat ne semble pas être un handicap dans la mesure où il ne dépasse pas 15 % de l'ensemble des générations de remplacement. Ces chiffres seraient inquiétants dans une société où la moyenne d'enfants seraient de deux par couple ; ils deviennent régulateurs de trop grands excédents démographiques si nous nous plaçons face à la perspective de familles nombreuses. Or, n'est-ce pas ce dernier schéma que nous sommes légitimement en droit d'espérer rencontrer à la fin du Moyen Age ?
Notes de bas de page
1 C'est parmi ces testateurs que nous rencontrons les pèlerins et autres personnages qui redoutent la mort sans être physiquement diminués. Toutefois, un nombre très réduit d'actes conservés sous la forme de notes brèves ne contient aucune mention sur l'état du testateur.
2 Pierre "de Atgia", le 23 juin 1478 (3E.2885/248).
3 Les 0,45 % de testaments rédigés par des octogénaires ou nonagénaires sont ceux du Chiracois Bernard Molto, brassier, en 1450 (3E. 1563/116), et des Mendois Bertrand Pareur, juriste, en 1462 (3E.2891/18v°), Delphine, veuve de Vital Chastel, forgeron, en 1475 et 1482 (3E. 1087/156v°, G.1428/27v°).
4 Biraben (J.), Les hommes et la peste en France et dans les pays européens et méditerranéens, La Haye, 1975, tome 1, p. 378-381. L'auteur précise que les armées 1382, 1390, 1400, 1412, 1420, 1426, 1433, 1439, 1452, 1457, 1464, 1472, 1482, 1494 correspondent à des poussées d'épidémie.
5 Beriac (F.), "Lépreux ou léproseries. Repérage critique et origine des maladreries en Aquitaine", 110e congrès national des sociétés savantes, Montpellier, 1985. "Santé, médecine et assistance au Moyen Age". Histoire médiévale et philologie, Tome 1, Paris, 1987, p. 368.
6 Barbot (M), Médecins, chirurgiens et apothicaires mendois, des origines au XXe siècle, p. 62.
7 G.943, G.1389/105v°, 3E.1711/7.
8 Médecins, chirurgiens.... p. 63.
9 3E.1711/85, 2275/144v°, 154v°, 155, 156v°, 158, 159, 3137/110.
10 Médecins, chirurgiens.... p. 64.
11 G.1416, premier feuillet. La peste sévit également à Marvejols (3E.2884/234), Balsièges (G. 1407/42) et Gabrias (id/41).
12 3E. 1586/9v°, 28.
13 Médecins, chirurgiens,..., p. 71.
14 Poree (C.), "Le consulat et l'administration municipale de Mende", Bulletin de la société des Lettres, Sciences, Arts, Agriculture et Industrie de la Lozère, document XVIII, "Comptes des recettes et des dépenses communales (1472)", 1901, p. 153-168.
15 3E.2898/82.
16 3E.44/157, 611/118, 625/107, 108, 114v°, 216v°, 217v°, 1086/193, 2665/203, 2668/198, 2670/63.
17 3E.2925/206v°, 267.
18 Testament et codicille de Pierre Gitbert, en 1449, de Grandvals, à Chirac (3E. 1565/72) ; testament de François Martin, fustier de Javols, à Mende, en 1439 (3E.2276/34v°).
19 Il faut attendre 1533 pour que l'archidiacre Antoine de La Roquette fasse construire une "maison-Dieu" pour recevoir les pestiférés. Ce tant rude Gévaudan, T. I, p.657.
20 En 1396 (3E.1557/73v°) et en 1470 (3E.1574/7v°).
21 Ce tant rude Gévaudan, tome I, p.657.
22 G.1405/182v°, 1416/32. La terre où vivait Pierre Verdier appartenait à Guillaume de Naves, et le fds de ce dernier la céda, en 1474, à d'autres lépreux (3E.2665/158v°).
23 3E.2674/60v°.
24 "Lépreux ou léproseries, ..", p. 368.
25 Obligation envers Jehan Puechredon (3E.625/162v°).
26 ''Le consulat et l'administration municipale de Mende", p. 164-168.
27 Montanhier (3E.2898/82), Baldoyn (3E.44/157), expertises en 1453 et en 1472 (G. 1400/1, 1415/73).
28 Ce tant rude Gévaudan, p. 757-768.
29 Ibid, p. 760.
30 Médecins, chirurgiens...
31 3E.1087/282v°. Une telle somme permettait l'achat d'une petite maison ou d'une pièce de terre.
32 G. 1407/32v°, G. 1416/125, 129v°.
33 3E.44, et 3E. 1087/17.
34 3E.2894/108. Autre cas avec les Montméjean en 1479 (3E.2900/18).
35 G. 1431/156, 159v°, 161v°.
36 Chiffoleau (J.), La comptabilité de l'au-delà. Les hommes, la mort et la religion dans la région d'Avignon à la fin du Moyen Age, Paris, 1980, p. 204.
37 G. 1416/premier feuillet hors numérotation.
38 Apcher (E.276), Hugonet (G. 1370/24), Ebrard (3E.2275/114v°, 2276/25v°).
39 Ce tant rude Gévaudan, p. 177-184, 251-256 et 354-360.
40 Pierre Teysseire, de Chasseradès, teste en 1456 en affirmant faciendo dictum viatgium Sancte Mene. Il n'y a aucune autre précision sur ce lieu de destination. Or, aucun lieu extérieur au Gévaudan ne semblant lui correspondre, il s'agit fort probablement du pèlerinage en l'honneur de saint Méen (G. 1412/40).
41 G. 1418/11 lv°.
42 G. 1418/1 1v°. Le même testament est aussi conservé in G. 1427/136.
43 Pierre Plan en 1467 (G. 1423/156), Pierre Malel en 1471 (G.1426/161v°), Pierre Basalgette en 1472 (G. 1427/117), Jehan Masel en 1472 (G. 1427/121), Jacques Atrasic en 1472 (G.1427/123v°), Jehan de Crosat en 1428 (3E.1711/31), doms Vital Balmelas en 1430 (3E.2275/104), Jehan Masel en 1430 (3E.2275/103v°), Guillaume Monteilh en 1430 (3E.2275/105), Guillaume Michel en 1465 (3E. 1570/90v°).
44 Testament de Pierre Rampolh, pelletier de Mende, reçu le 23 septembre 1450 (3E.2902/55).
45 Ce saint suaire correspond sans doute au voile de sainte Véronique, conservé à Rome (3E.2895/152).
46 Pierre Rampolh, testa les 15 mars et 4 avril 1455 (3E.2887/34, 42).
47 Voir tableau généalogique de la famille Valdin, en annexe.
48 Testament de Guillaume Robin, reçu le 16 janvier 1466 (G.1413/76v°).
49 Masel (3E.1711/14, 2884/181), Tient (G.1401/99).
50 Latger (3E.2665/124v°), Chapsier (3E.1087/270v°, 2671/53v°).
51 Lorcin (M.T.), Vivre et mourir en Lyonnais, à la fin du Moyen Age, Paris, 1981, p. 60.
52 A l'exception des enfants morts sans postérité avant les testateurs à propos desquels nous n'avons aucun renseignement.
53 Voir chapitre III, partie II-D, sur les rapports garçons-filles.
54 Malaboche (3E. 718/195) Ebrard (3E.2665/248).
55 Malassanha (3E.2884/200). Voir aussi les Pic, par exemple (3E.2044/24, 25).
56 Soit 3,55 % de l'ensemble des mariées.
57 Soit 5,89 % de l'ensemble des mariées.
58 Soit 16,03 % de l'ensemble des mariées.
59 Soit 5,98 % de l'ensemble des mariées.
60 Bresc (H.), "L'Europe des villes et des campagnes (XIIIe-XIVe siècles)", Histoire de la famille, Paris, 1986, tome I, chapitre 10, p. 401-402.
61 Vivre et mourir en Lyonnais..., p. 60.
62 Il n’en demeure pas moins certain que le veuvage dans les quarante premières années de l’existence devait être plus élevé chez les hommes, dont un nombre conséquent d'épouses devait décéder en couche. Et c'est sans doute après la ménopause que la tendance s’inversait au point de rendre le nombre de veuves supérieur à celui des veufs.
63 Nous devons exclure 19,56 % de testaments qui ont été rédigés par des prêtres et ne peuvent concerner le veuvage, à une exception près, comme nous le verrons : celui d'un veuf devenu prêtre.
64 Dictionnaire de théologie catholique, Paris, librairie 1926, t.I8X, col. 2143.
65 Il arrive que le remariage du testateur veuf ait eu lieu quelque temps après le testament et nous soit révélé par un acte ultérieur ; toutefois nous avons retenu ces remariages dans nos statistiques puisqu'il importe avant tout que ces personnages se soient remariés.
66 Rocherousse (G. 1418/292), Guillaume Robin II (Voir tableau généalogique sur la famille Robin, en annexe, G.1387/3, 1391/121, 1393/22), Cobe (Voir tableau généalogique sur la famille Cobe, en annexe), Chaptal (3E.2665/38v°, 2668/133v°, 2673/254v°, G.1414/171), Dumond (3E.2668/128v°, 3E.2895/10v°, 3E.2893/269v°. Voir tableau généalogique sur la famille Dumond, alias Chapelle, en annexe).
67 Costecalde(h.), "Mentalité gévaudanaise au Moyen Age d'après les divers testaments inédits du XIVe et XVe siècle", Bulletin trimestriel de la société des lettres, sciences et arts de la Lozère, Chroniques et mélanges, 3e et 4e trimestres, 1925, p. 177-320 et 425-472. Voir aussi le tableau généalogique sur la famille Valdin, en annexe, et 3E.1711/1, 56, 101v°.
68 3E.5045/43, G. 1388/1, 56, 1394/99,99v°, 1418/159v°.
69 En se reportant aux tableaux généalogiques placés en annexe, le lecteur pourra en découvrir de nouveaux exemples avec les Brun, Malel et Petit.
70 Cela correspond à 3,55 % de l'ensemble des contrats de mariage retenus pour notre étude. Voir par exemple Pierre Bragaho et Agnès Jourdan (3E.2887/24v°, 2891/78, 115, G. 1399/132, 1407/37v°).
71 Cela correspond à 1,21 % de l'ensemble des contrats de mariage retenus.
72 Agnès était la fille de Jacques Leyris (ou de Leyris), marchand qui testa le 28 août 1449 (G. 1434).
73 3E. 1089/154v°.
74 Jehan Bestion, cordonnier de Mende et fils d'autre Jehan, avait passé un premier contrat de mariage avec Françoise Aldebert le 17 janvier 1483 (3E.1087/320v°). Le 23 janvier 1483 il donnait une quittance des biens familiaux à son père et se disait majeur de quatorze ans mais mineur de vingt-cinq (id/330). Il semble donc être devenu veuf dans l'année et avoir contracté son nouveau mariage avec Agnès.
75 Contrat de mariage entre Jacques de Leyris et Isabelle Egalenc (3E.1477/3/5v°).
76 Gitbald (G. 1388/30), testament de Laurent (G. 1395/93, 101,162).
77 Vimenet (3E. 1087/63, 294, 2886/150v°, 2900/20).
78 Pierre Mathieu, juge de la cour commune du Gévaudan, mourut entre 1451 et 1452 (3E.2886/125 ; 2891/119) ; or Jehanne est toujours veuve le 12 décembre 1472 (G. 1418/214).
79 Guillaume Palorn, prêtre de Mende de 1427 à 1441, testa en 1437 (G.1397/50v°), après avoir marié sa fille en 1412 (G. 1376/11, 1395/145v°, 3E. 1711/31). André Teysseire, curé de Serverette en 1472, maria ses filles légitimes en 1472 et en 1483 (3E. 1574/205, 2668/163, et généalogie en annexe)
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