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Frontières et limites géographiques de l'Afrique du Nord antique

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Xavier Dupuis
, 
Claude Lepelley

La frontière de la Tingitane

René Rebuffat

Texte intégral

  • 1 La frontière a sans doute été fixée par Claude, en 42 selon Dion Cassius. Sur la côte, c’est l’emb (...)
  • 2 Nous écrivions en 1971 (Notes sur les confins, p. 50), après un premier exposé de cette thèse : «  (...)
  • 3 Les travaux qui emploient le mot « frontière » ou qui abordent la question de la frontière de la T (...)

1Les modernes ont souvent employé le mot de « province romaine » avec en fait deux sens. L’un, exact, désigne l’ensemble du territoire officiellement romain, revendiqué comme tel par Rome, quelle que soit la situation de fait. En ce sens, il n’y a aucune solution de continuité entre la Tingitane et la Césarienne voisine1. L’autre, commode, et fréquemment utilisée, désigne l’ensemble du territoire militairement contrôlé, qui est à peu près identique au territoire sédentarisé, qui est lui-même à peu près le territoire dépendant des villes désormais romanisées. C’est aussi le territoire pour lequel nos sources historiques et archéologiques nous renseignent le mieux. Mais dans ce cas, le mot de « province » ne convient pas2, et il faut absolument en trouver un autre3.

2On doit en attendant constater que le mot de « frontière » a lui aussi pris deux sens. Dans le premier cas, il s’agit soit vers l’est de la frontière entre la Tingitane et la Césarienne, soit vers le sud de la frontière de l’Empire. Il s’agit donc de la frontière administrativement ou politiquement définie. Dans le second cas, il s’agit de limites de fait qu’on essaie de tracer au mieux sur la carte. Dans ce second cas, le mot de « frontière » est d’une gênante ambiguité, et le mot que nous venons d’employer, « limites », nous paraît plus approprié.

3Il était bien sûr très tentant de parler de « frontière militaire » : placer sur la carte les établissements militaires, camps et tours de guet, voir quelle zone pouvait être contrôlée sans monter des opérations autres que de routine est encore une étude souhaitable. Mais à partir du postulat qu’il n’y a pas de sédentarisation ou de vie civique possible hors de la protection militaire, on peut très aisément être tenté de parler de « frontière » en glissant vers une acception ambigüe. Nous ne dirons rien du terme de « limes », trop souvent employé sans définition préalable.

***

4Voyons d’abord comment se présente la partie de la province la mieux connue, en présentant un tableau des villes et agglomérations.

  • 4 Certaines agglomérations sont couplées avec un camp. Nous connaissons le statut urbain pour Banasa (...)
  • 5 Nous avons un nom sans site avec Bovalica : en comparant les deux textes du Ravennate (Schnetz, 42 (...)

5Si nous plaçons sur la carte les 8 villes dont nous savons qu’elles ont à l’époque romaine un statut civique de type romain – colonies, municipes – nous obtenons une trame assez lâche, mais assez régulière. Nous pouvons la compléter par les agglomérations dont nous pouvons soupçonner avec quelque vraisemblance qu’elles avaient un statut comparable : nous pouvons alors nous tromper sur chaque cas isolé4, mais le complément global ne doit pas être trop inexact. Nous obtenons une carte approximative dans son détail, mais globalement parlante. Le territoire civique se compose d’une part d’un territoire d’un seul tenant, grossièrement limité par une ligne qui irait des environs de Rabat aux environs de Meknès, puis qui remonterait à la région de Tétouan, et d’autre part de sites maritimes isolés, connus comme sur la Méditerranée Rusadir-Melilla ou à rechercher5, étant entendu que nous ne sommes dans aucun cas au bout des découvertes possibles.

  • 6 Ce nombre peut légèrement varier en fonction de la chronologie (le camp connu à Thamusida succède (...)
  • 7 Nous disposons d’un répertoire précis pour le sud du Loukkos ; plus au nord, d’indications tantôt (...)

6Nous notons alors que le territoire d’un seul tenant correspond à une implantation militaire que nous commençons à bien connaître. Aux quelque 17 camps militaires6, nous avons pu adjoindre la cinquantaine de tours de guet qui les éclairaient7. La carte obtenue – à part quelques probables domaines militaires assez restreints – correspond à celle du territoire couvert par les communautés civiques, les cités, et elle vérifie le bien fondé de l’extension approximative que nous lui donnons. Nous l’appelons désormais territoire civique, par opposition au territoire tribal qui l’entourait. Car le territoire civique ne couvre pas l’ensemble du territoire de la province, le territoire officiellement romain, comme nous l’avons dit plus haut.

7S’il est assez aisé de comprendre cette dualité de statut du sol provincial, il est plus difficile de dresser une carte. En effet, entre le territoire civique et la frontière commune de la Tingitane et de la Césarienne, l’espace n’est pas si étendu que nous puissions hésiter à l’attribuer aux gentes dont nous connaissons l’existence. En revanche, vers le sud, nous avons à nous demander si la frontière provinciale était proche ou lointaine de la limite du territoire civique, en d’autres termes si le territoire civique était là aussi bordé de gentes réputées installées sur le sol provincial.

  • 8 PPP, des trois provinces, après la création de la province de Sitifienne.
  • 9 Rebuffat, Note sur les confins, p. 47 ; Di Vita-Evrard, Horrea, p. 863 (et plus généralement, Horr (...)

8On est tenté d’ajouter aux difficultés en se demandant si des évolutions brusques ou continues n’invitent pas à chercher des solutions différentes selon les temps. En fait, nous pensons actuellement que les limites du territoire civique, ou celles de l’implantation militaire, ont certes pu se modifier de Caligula à Dioclétien, mais de façon relativement modeste. La frontière politique de la Césarienne n’a pas non plus changé de place, et l’implantation militaire ne s’est pas beaucoup modifiée. Ce n’est que vers 285 que les choses changent brusquement en Tingitane, quand Dioclétien réduit le territoire civique et adopte comme limite le bassin du Loukkos, laissant Sala à son tour isolée. Mais il est fort possible que politiquement, ce soit le territoire des gentes qui ait occupé l’espace concerné. Les habitants de la Césarienne continuent en tout cas à considérer comme auparavant que leur frontière leur est commune avec celle de la Tingitane. Une série d’inscriptions donne des dates provinciales, d’après l’ère des deux provinces, PP8. Or il s’agit d’inscriptions frontalières de Césarienne9. On a donc conscience qu’on se trouve en Tingitane dès qu’on a franchi les bornes de la province.

9Nous devons maintenant apporter quelques précisions sur les points que nous avons abordés.

Tableau des principales agglomérations.

Tableau des principales agglomérations.

Notre tableau utilise Gascou, Politique municipale, et Alexandropoulos, Monnayages.
– S.i. : « pas d’indication » ou « pas d’autre indication »
– It. Ant. : Itinéraire Antonin
– MR : monnaie à effigie royale maurétanienne ; MA : monnaie autonome (sans effigie royale, mais avec mention éventuelle du princeps). Il n’y a plus de monnaies autonomes sous Caligula. Le monnayage et la mention de Méla donnent une idée de la situation préprovinciale.
– vicus : le terme n’est pas attesté au Maroc. Nous l’employons pour une agglomération qui se développe à l’abri d’un camp, avec la précision « subcastral ». La distinction entre « camp + vicus » et « camp et ville » ne peut être qu’arbitraire en l’absence d’indications textuelles.
– Tamuda : a disparu avant + 40, et non en + 40 ou en 40-42, comme on le croit fréquemment sans aucune preuve.
– Banasa : alors que Zilil et Babba ont un monnayage autonome, il est surprenant que ce ne soit pas le cas de Banasa.
– Bovalica : site du sud de la province. On peut envisager de lui attribuer les monnaies BB<;L. La répartition des trouvailles n’y contredirait pas (3 à Volubilis, 1 à Banasa, 2 à Thamusida, 3 à Sala, 1 sans provenance).
– Volubilis : l’absence de monnayage surprend, à moins qu’il ne faille penser aux monnaies de « Shemesh », atelier non localisé (suggestion de M. Alexandropoulos). Mais Gilda pourrait poser sa candidature.
– Toponymes de Méla : nous avons admis, ce qui est facile, que Rusigada était Rusaddir, et que gildavo dubritania (III,107) cache, après Gilda, Volubilis (vodubri). Le passage de...tania à Banasa n’est en revanche qu’une hypothèse désespérée.

La limite militaire

10Les camps romains dessinent un dispositif qui est superposable aux tracés de l'Itinéraire Antonin, sauf dans deux régions. Au nord, le dispositif entoure la pointe nord-ouest de la chaîne du Rif. Au sud, le camp de Sidi Moussa bou Fri élargit vers l’ouest la pointe sud-est de la province. Les autres camps sont sur les itinéraires de l'Itinéraire Antonin, sauf Sidi Saïd, clé des communications optiques. Mais plus récemment, la recherche des tours de guet permet d’avoir une vue plus complète du dispositif. Les tours barrent d’un trait quasi rectiligne la boucle du Sebou, et assurent la liaison entre les deux branches du dispositif des camps. Elles les éclairent largement vers le sud, puis contrôlent une vaste région à l’est de la ligne des camps entre Aïn Schkour et Souk el Arba. Ce n’est qu’entre Sebou et Loukkos que le dispositif se resserre, puis, au nord du Loukkos, dans l’état actuel des prospections, les tours éclairent directement les camps et les itinéraires.

11On n’est jamais sûr d’avoir atteint les limites d’un dispositif : mais celui que nous connaissons est bien lié par des relations optiques ; il contourne respectueusement toutes les montagnes peu accessibles ; il reste à portée des bases que constituent les camps. De nouvelles découvertes auront encore lieu. Peut-être ne modifieront-elles pas trop le dispositif connu, à moins que nous échappent des itinéraires protégés filant vers l’est. Sous cette réserve, on peut tracer une limite militaire.

  • 10 L’invasion de l’Espagne, et l’arrivée des Vandales en Afrique.

12Pendant le Haut-Empire, cette frontière semble n’avoir subi que des modifications mineures : une consolidation avec le camp de Sidi Moussa bou Fri, une répartition différente des tours de guet dans la région d’Arbaoua. En fait, le dispositif essentiel avait été dessiné par l’état-major de Caligula. Au Bas-Empire, une forte concentration de camps et d’unités militaires se trouve dans une zone restreinte, et se maintient probablement jusqu’à la période 409-42910.

Limite militaire et sédentarisation

13Le principal apport de la prospection sur zone est de permettre d’établir une carte des sites occupés. Une fois éliminés les sites militaires, ceux qu’on souçonne de n’avoir eu d’autre intérêt que le contrôle et l’exploitation des routes et des points de passage obligés, les sites artisanaux, carrières, fours à terres cuites diverses, et quelques sites commerciaux, dépôts de matériel trop importants pour ne pas être soupçonnés d’appartenir à des entrepôts, on peut attribuer une vocation agricole à tous les autres sites.

  • 11 Rebuffat, Sulpicius Felix.

14Il est vain, à partir de prospections de surface, de vouloir distinguer une ferme de ses éventuelles dépendances, ou des cahutes isolées pour faciliter la culture des champs, bien loin qu’on puisse dire si on a affaire à des propriétaires indépendants ou à des fermiers ou intendants travaillant pour un propriétaire urbain. Tout au plus peut-on dire que le village, tissu d’édifices contigus ou presque, ou simple groupement de trois au quatre fermes, semble inconnu, à moins qu’on n’appelle ainsi quelques concentrations déterminées par le voisinage immédiat d’un point d’eau. L’occupation du Maroc semble faite d’établissements ruraux isolés les uns des autres dans la campagne, et de villes dont les liens avec la campagne semblent essentiels, soit à en juger par le nombre de meules ou d’huileries qu’on voit en ville, soit à entendre les notables de Sala parler de l’accès à leurs champs et à leurs forêts11.

15On peut donc, à force de pointer les vestiges rémanents, tracer une carte de l’occupation sédentaire du sol. Elle est confortée par le spectacle des ressources actuelles. Il est bien net que des régions où les sites sont absents sont encore aujourd’hui des zones de pâture, et qu’en revanche sous les oliviers d’aujourd’hui se cachent souvent les vestiges d’établissements pourvus de pressoirs. Les ressources en eau, sources ou cours d’eau d’importance diverse ont joué un rôle évidemment primordial, la source étant quelquefois occupée, ou bien s’entourant de vestiges un peu en retrait ; le cours d’eau provoquant la présence d’un chapelet d’installations.

16Sur quelques points, la carte de ces établissements sédentaires s’écarte quelque peu du dispositif militaire. Mais ces dépassements restent sous l’œil des tours de guet, à de rares exceptions près, et on ne saurait d’ailleurs négliger le pouvoir de dissuasion et d’intervention de l’armée. Le décret de Sala nous enseigne que des sédentaires (« nos champs et nos forêts ») travaillent apparemment hors des lignes optiques protégées, et que les· patrouilles des cavaliers syriens de la garnison peuvent leur assurer leur tranquillité désirable menacée.

  • 12 Ce n’est d’ailleurs pas la seule tour à dépendances. (Limane-Rebuffat, Tours de guet). Quand ces d (...)

17En fait, on peut admettre que des sédentaires se sont établis en dehors du dispositif militaire statique, mais non en dehors des moyens d’action de l’armée. Dans trois cas où le terrain est favorable aux patrouilles de cavalerie, elles sont attestées : nous venons de parler des patrouilles des cavaliers syriens basés à Sala ; près de Thamusida, une tour de guet est occupée par les cavaliers de l’ala gemelliana ; au sud de Volubilis, une tour de guet (MK 15) est pourvue de dépendances12 et d’une telle réserve d’eau que, seule, la présence de chevaux peut expliquer cette précaution.

  • 13 Rebuffat, Au-delà des camps romains d’Afrique Mineure.
  • 14 II est bien évident que les expéditions plus ou moins exceptionnelles (Pline V, 11 ; V, 14) recuei (...)
  • 15 Marichal, Les ostraca de Bu Njem, p. 110-111. Pour le personnel spécialisé dans l’observation et l (...)

18Cette réflexion sur la protection des civils nous permet d’entourer la zone militaire occupée d’une large bande de terrain surveillée en permanence. On se rappellera au surplus que cette surveillance immédiate n’est pas le seul moyen de contrôle dont dispose l’armée13. Elle collecte des renseignements géographiques14 et ethnographiques sur les populations périphériques, elle utilise le renseignement et l’espionnage15, comme on le voit dans d’autres provinces qui nous offrent une documentation plus détaillée.

Cités et gentes

  • 16 Même question pour Iol et les Iolitani (Coltelloni, Le royaume, p. 105).
  • 17 Et que plus tard, les Aureba (WRB) qui accueillent Idris sont peut-être toujours les Volubiliani ( (...)

19L’instauration des structures civiques ne doit pas faire oublier qu’elles ont pu se superposer à une structure indigène antérieure. Lors de la guerre d’Aedemon, un sufète de Volubilis se comporte comme un chef de tribu en mobilisant les auxilia. Pendant toute la période romaine, les habitants de Volubilis n’oublient sans doute pas qu’ils font aussi partie de la tribu des Volubiliani16 : la famille des Caecilii, épigraphiquement et interminablement célébrée, doit certainement cette emprise à cette même structure tribale. Cette structure tribale, nous avons toute raison de penser qu’elle reste en place au moment de la disparition politique de la province – vers 285 pour cette région – et que nous la retrouvons pendant la période de la résistance berbère contre l’invasion arabe, puisqu’en 686, l’adversaire d’Oqba, Koceila, est encore un Caecilius17. Cependant, pour la période provinciale qui nous intéresse, les Volubilitains se sont coulés dans la forme civique romanisée, et d’autres qu’eux ont sans doute agi de même, par exemple peut-être les Salinses, qui avaient comme les Volubiliani, un long passé phénico-maurétanien.

  • 18 Février, IAMp, p. 95-97, posant la question des pouvoirs, et de la possible hérédité, du sufétat.
  • 19 On peut s’interroger sur d’autres types de relation. Banasa doit son nom aux Baniurae, Baniubae, p (...)

20Cette adaptation a été facilitée parce que le royaume maurétanien avait déjà connu une urbanisation qui avait conduit les villes à se doter d’institutions municipales. Nous venons de dire que Volubilis possédait des sufètes, et ceux-ci sont attestés depuis le début du IIe siècle, peut-être depuis le début du IIIe18. Tanger a été jugée digne de devenir municipe en 38, pour avoir pris le parti d’Octave contre Bogud, mais cette promotion aurait été impossible sans expérience civique préalable. En fait, toutes les villes qui battent monnaie (notre tableau) avaient évidemment atteint un niveau institutionnel suffisant pour accéder facilement à un des statuts civiques romains.19

  • 20 S. Chaker, et G. Camps, Agellid, Enc. Berbère, 1985, s.v.
  • 21 Décrit par Souville en 1973, Atlas préhistorique du Maroc, p. 130, no 18. Les amphores appartienne (...)

21Mais comme à Volubilis, nous rencontrons les souvenirs de structures différentes. La politique autonome des Tangérois a pu être dirigée par un dynaste. Le nom même d’une des plus anciennes villes du Maroc, Gilda, a la même racine que le mot aguelid20, et elle a donc pu être la capitale d’une principauté, à laquelle on doit peut-être rattacher le tumulus princier de Sidi Slimane tout voisin21.

Le pouvoir et les gentes

  • 22 Tacite, Annales IV, 24, 3.
  • 23 Ibid. (Tacfarinas) auctus Maurorum auxiliis qui...libertos regies et servilia imperia bello mutave (...)
  • 24 Tacite, Histoires II, 58. Lucceius Albinus profite évidemment de l’éclatante renommée africaine de (...)

22Le roi maurétanien, pendant les deux siècles et demi où nous avons quelques renseignements (depuis Baga, vers 200, jusqu’à Ptolémée, qui meurt en 40) règne au Maroc sur un territoire où la municipalisation et l’urbanisation progressent. Nous savons que les sufètes existaient à Volubilis avant même d’entendre parler du roi Baga ! Mais le roi maurétanien régit également son État par l’intermédiaire des chefs des grandes tribus. Lorsque Ptolémée mobilise contre Tacfarinas, il est certain que ces cavaliers lancés à la chasse au rebelle sont en réalité des contingents tribaux mobilisés, commandés par leurs propres chefs : praedatorias manus delecti Maurorum ducere22. Il est bien évident que ces chefs n’ont pas été choisis au dernier moment, et on voit d’autres chefs prendre le parti de Tacfarinas23. Lors de la crise de 68, 28 ans plus tard donc, nous voyons encore intervenir un « ingens Maurorum numerus » prêt à se mettre au service du procurateur Lucceius Albinus24. Ces Maures sont bien sûr organisés en contingents tribaux. Et ceci nous permet de comprendre la physionomie assez particulière de la guerre de 40-42. Une révolte d’Aedemon étouffée dans l’année, soit parce que l’affranchi royal ne disposait pas du pouvoir charismatique nécessaire, soit parce que la mobilisation des tribus n’a pas eu le temps de se faire. Une campagne de 42 plus dure, et progressant vers les montagnes, puis vers le désert, contre les tribus – ou plutôt contre des tribus, car cette seconde victoire romaine ne s’explique que parce que certaines tribus jouaient la carte d’un loyalisme plus habituel qu’opportun.

  • 25 M. Gast, Encyclopédie Berbère, s.v. Amenûkal. Le mot tobol désigne à la fois le tambour, le pouvoi (...)
  • 26 La scène qui nous montre le roi Bocchus l’Ancien, qui avait des conseillers (φίλοι), en train d’ex (...)

23Nous reconnaissons dans ces structures le pouvoir traditionnel du chef de guerre Iibyco-berbère qui mobilise les chefs de la hiérarchie tribale : on peut lui comparer le pouvoir du tobol, du tambour de guerre25, dont le grondement galvanise et mobilise tous les responsables de la hiérarchie tribale chez les Touareg du Hoggar. Il est probable qu’ait été sinon identique, du moins comparable, le pouvoir originel dont disposaient les dynastes maures. Mais le progrès de la sédentarité, la naissance des villes, le modèle du pouvoir sufétal, puis de la gestion civique romaine, ont au contraire certainement influencé ce pouvoir dans le sens d’un contrôle (quelquefois difficile, comme le montre l’exemple de Tanger), voire d’une gestion et d’une utilisation26 des communautés civiles.

  • 27 Les renouvellements d’accords attestés à Volubilis ne nous renseignent pas sur le contenu des acco (...)
  • 28 Les Baquates n’atteignent pas la frontière de la province vers le sud, car ils en sont séparés par (...)
  • 29 Rebuffat, L’investiture...

24Rome, représentée par son procurateur, hérite du pouvoir régalien. Nous voyons par l’exemple de Lucceius Albinus que le procurateur a hérité du pouvoir de mobilisation des tribus. Mais surtout, le procurateur se trouve chargé des relations avec les dynastes tribaux27, relations auxquelles nous devons des documents comme la Table de Banasa, ou la série des autels de Volubilis28, commémorant la série des conloquia traditionnels29. Les lacunes de notre documentation nous dissimulent certainement le parallélisme de situation de tous les peuples qui, compte tenu de leur position topographique, étaient évidemment à l’intérieur des frontières officielles de l’État romain.

  • 30 Rebuffat, L’investiture... avec une liste des clauses des accords conclus.
  • 31 Terrasse, Réflexions sur une frontière, p. 400 : « ... on en sera réduit à supposer que les Romain (...)

25Le hasard fait que nous sommes informés sur les dynastes et sur le renouvellement des relations, mais non sur le contenu des conversations et des accords conclus. Mais sur la frontière du Danube, nous possédons une ample documentation sur des relations du même type30. Or la paix qui été renouvelée impliquait évidemment que les gentes reconnaissaient et garantissaient soient aux représentants de l’autorité, soit aux citoyens de la zone civique, diverses possibilités. On peut imaginer qu’elles touchaient à la liberté de circuler31 et de commercer. Du fait de ces clauses, les différences entre le territoire civique et les territoires des gentes se trouvaient partiellement effacées, et le pouvoir politique romain, pour s’exercer de façon différente, s’exerçait aussi sur ces territoires. Entre Volubilis et la Moulouya, que les principales gentes soient établies sur le territoire provincial n’était donc pas pour elles une dépendance purement théorique, mais bel et bien quotidiennement vécue.

26On peut donc parler d’une limite de la zone civique, celle des différents territoires des cités, qui doit coïncider avec celle de la sédentarisation ; d’une limite militaire, celle du stationnement permanent de l’armée (mais non celle de ses interventions quotidiennes ou épisodiques) ; mais on ne peut parler d’une autre frontière que celle de la province de Tingitane, commune avec la province de Césarienne.

Vers l’est : situation des gentes

  • 32 Attestée par l’Itinéraire Antonin, lorsqu’il suit la côte : Flumen Malva dirimit Mauretanias duas,(...)
  • 33 La formule est de Méla I, 29 et souligne bien l’importance de cette limite. Sur son histoire, Desa (...)
  • 34 Inclinaison respectée par la carte de Millier, Ptolémée pl. 21 bis.

27En dehors de son repérage sur l’embouchure de la Moulouya32, nous connaissons mal la frontière officielle de la Tingitane et de la Césarienne. Il est possible qu’il s’agisse simplement de la Moulouya, « qui maintenant sépare des peuples, jadis des royaumes33 ». C’était un mode de délimitation dont l’Ampsaga avait fourni le modèle. Il est également possible qu’il faille dissocier la frontière du cours de la Moulouya, comme l’indique Ptolémée, qui semble avoir tenu à indiquer de plus que cette frontière ne coïncidait pas avec un méridien, mais s’écartait progressivement, quoique légèrement, vers Test. Mais nous ignorons s’il a tenu compte d’un renseignement précis, ou cru bien faire d’orienter sa frontière de façon qu’elle soit au moins un peu parallèle à la côte Atlantique qui était elle aussi inclinée vers l’est34. De toute façon, cette frontière ne pouvait être que rapidement théorique.

  • 35 Outre l’ouvrage de fond de J. Desanges sur Les tribus, les articles de Rebuffat, Les Baniures en 1 (...)
  • 36 Par suite d’une duplication des Baquates, Ptolémée a placé très au sud les Baniures et Baquates, c (...)

28Les Zegrenses, les Baniubae, les Bakuatae, les Makanitae35, dont il n’y a guère lieu de douter qu’il faut les placer ainsi, ne serait-ce que grossièrement, du nord au sud36, auraient été dans une situation inconfortable s’ils n’avaient pas occupé leurs territoires jusqu’à la ligne de partage des eaux. Nous continuons à penser que les territoires des trois premiers étaient peut-être respectivement organisés autour de l’Ouerrha, du Sebou-Inaouène, et du Sebou-Haut Sebou ou encore que ces fleuves leur servaient partiellement de frontière (Zegrenses/Ouerrha/Baniubae/Sebou-Inouène/ Bakuatae ?).

  • 37 On peut placer les Maurenses sur les pentes nord du Rif, les Erpeditani, probablement autour de l’ (...)
  • 38 Camps, Enc. Berb. s.v. Bavares (1991) d’où la bibl. Le fait que des Bavares d’outre Moulouya aient (...)
  • 39 Les Bavares peuvent avoir un dynaste commun avec les Baquates parce qu’ils sont à l’est des Baquat (...)
  • 40 Ce qui aurait certainement facilité les communications entre Tingitane et Césarienne.

29Ptolémée nous indique que l’est de la province est occupé par les Maurensi et les Erpeditani, ce que nous croyons aisément pour les Erpeditani, également attestés en Césarienne37. Mais nous savons aussi que les Baquates et les Bavares38 ont au moins une fois eut un dynaste commun, ce qui est un argument assez fort en faveur de leur contiguïté39. C’est ce que précise Iulius Honorius selon qui la Malva sépare les Bacuates des Barbares, les Bavares. On peut donc admettre que les Bacuatai au moins touchaient à la frontière40.

  • 41 Coltelloni, Le royaume, p. 105, n. 64, renvoyant, après J. Desanges, Tribus, p. 27 et 44-45 à Ammi (...)

30Sur les Baniures, nous avons une notice de Pline (V, 17 : Getulae nunc tenent gentes, Baniurae...), peuple gétule arrivé on ne sait combien de temps avant le Ier siècle On les imagine plutôt venus des confins est que du sud, et dans ce cas eux aussi devraient avoir conservé des liens ou des territoires à l’est de la province. Or précisément, des Baniures sont également connus en Césarienne41, autre possibilité de continuité ou du moins de relation.

  • 42 Coltelloni, Le royaume, p. 116, n. 134, renvoyant à M. Lenoir, Aulisva, dieu maure de la fécondité (...)

31On remarque aussi que le dieu Aulisva est connu à la fois à Volubilis et à Pomaria42, ce qui implique la possibilité d’un nouveau type de relation.

Vers le sud : limite de la Maurétanie

32Dans sa description géographique de la province (ἐπαρχία) Ptolémée distingue la Maurétanie de la Libye Intérieure, et il trace une frontière rectiligne entre les deux. Mais s’il est possible d’admettre sa distinction entre Maurétanie et Libye, on ne peut tenir compte de l’emplacement d’une ligne qui se poursuit jusqu’à la Cyrénaïque, et qui est donc aussi théorique que rectiligne.

  • 43 Ptolémée les plaçant clairement au sud des Iangaukanoi, il est difficile de les mettre comme Euzen (...)

33Cependant, la répartition des tribus constitue un témoignage concret sur l’étendue de la province, plusieurs étant placées sur le territoire civique, d’autres, en particulier les Zegrenses, les Baniures et les Baquates, entre ce territoire et la frontière de Césarienne. Plus au sud, nous pouvons placer les Macénites, qui sont, dit Ptolémée, au sud des Baquates, et dont on peut penser qu’ils sont proches de la limite de la Maurétanie. En dehors du cas des Macénites, nous devons également placer au sud du territoire civique les Nectibères43.

  • 44 Sur l’importance de la pourpre en Tingitane, notre communication sous presse sur les Biens de l’Ét (...)
  • 45 Depuis qu’elle a été avancée en 1903 par Vidal de la Blache, Les Purpurariae du roi Juba.

34Si nous remontons à la description de Pline, nous voyons que pour lui les Autololes (ignorés de Ptolémée) menacent Sala (V, 12). Nous retenons que ces gens étaient pour elle des voisins de territoire. Ces Autololes d’autre part occupent le continent en face des Iles Purpuraires où Juba II exploitait la pourpre (VI, 201) : paucas (insulas) modo constat esse ex adverso Autololum a tuba repertas, in quibus Gaetulicam purpuram tinguere instituerat44 Nous disposons donc d’une nouvelle indication topographiques, l’assimilation des Iles purpuraires avec les îlots de Mogador étant parfaitement acceptable45.

  • 46 Lucain IX, 424-430 : la seule richesse de la Maurusie, en dehors de l’agriculture, est le bois pré (...)
  • 47 On préfère actuellement placer la Chorographie au début du règne de Claude, en 44, plutôt que sous (...)

35Cette notice dit au surplus que les Autololes sont des Gétules, et d’ailleurs la pourpre des rivages de l’Atlantique est toujours considérée comme gétule46. Ce sont les « écueils de Gétulie » où on recherche frénétiquement la pourpre (Pline V, 12). Quand on quitte la Gétulie et sa pourpre pour aller vers le nord, on arrive en Maurétanie, ce que dit indirectement Pline, qui place (V, 5) les Autololes au voisinage de Sala, et avant lui Pomponius Méla : Nigritarum Gaetulorumque passim vagantium ne litora quidem infecunda sunt, purpura et murice efficacissimis ad tinguendum, et ubique quod tinxere clarissimum. Reliqua est ora Mauretaniae exterior... Nous pouvons conclure : sur la côte atlantique, Sala était en Maurétanie, Mogador était en Gétulie. Au temps de Juba II et de Ptolémée (et Méla est encore un témoin de l’époque maurétanienne47), on savait déjà qu’on rencontrait une tribu gétule en allant vers le sud ; au temps de Pline, nous voyons Sala inquiétée sur son territoire par les Autololes-Gétules.

  • 48 Et en tenant compte de l’enclave gétule des Baniures.
  • 49 Il est possible que cette limite sud des Macénites ait été nettement plus méridionale que Sala. Il (...)

36Nous avons donc maintenant quelque idée sur les confins des tribus Maures et des Gétules : sur l’Atlantique, pas très loin de Sala ; dans l’intérieur, au sud des Volubiliani et des Baquates48, à la limite sud du territoire des Macénites49.

Vers le sud : frontière de la province

  • 50 Pour lui, le cap Cotés (Soloeis) est en 35° 55’. Notre parallèle 26° 30’ passe de nos jours entre (...)
  • 51 Sur la façon dont la carte d’Agrippa a pu relayer Polybe, Desanges, Pline V, p. 106-121, commentan (...)

37Ptolémée place bien clairement la frontière de la province entre la Maurétanie et la Gétulie. Mais si d’une part il place les Autololes en Libye Intérieure, et non dans la province de Maurétanie, comme Méla et Pline, il prolonge la côte de Maurétanie50 très au-delà de Sala, plaçant Sala en 33° 50’de latitude, et la limite de la province en 26° 30’, comme si un reflet de l’ancienne exploration de Polybe, incluant le port de Rusibis et le promontoire du Soleil, impliquait cette extension ou si quelque information sur le territoire revendiqué par la province le gênait pour la limiter plus court. La carte d’Agrippa51, la description de Pline nous indiquent que ces informations avaient été relayées. Des hésitations sur l’extension de la province se manifestent en tout cas quand la Dimensuratio et la Divisio décomptent ensemble la Maurétanie et la Gétulie (avec un chiffre global en latitude voisin de 476 mp, soit 8 jours et demi de navigation de 56 mp), et quand au contraire Pline utilise ce chiffre global comme s’il concernait la seule Maurétanie.

  • 52 GLM, Riese, p. 54.
  • 53 Sur cette expression Desanges, Mauretania Ulterior Tingitana, BAM IV, 1960, p. 437-441. La Maureta (...)

38Pour Ptolémée, la frontière de la Maurétanie et de la Libye intérieure est marquée par l’Atlas (Αˊτλας μείζων ρὄρος), ce qui n’est pas surprenant compte tenu de l’extension qu’il croit devoir donner à la Maurétanie. Nous pouvons mettre en rapport cette indication avec le texte de Dion Cassius (LXXVI, 13) sur les Macénites : il les rattache à l’Atlas, là où le Nil prend sa source, en les rapprochant de ce fait de l’Océan – et de fait, il est très possible que les Macénites se soient étendus assez loin vers l’ouest, si on tient compte des « Salamagennites » de Iulius Honorius52 ; ce qui explique que Dion dise que les Macénites habitent près de la Maurétanie inférieure, τῇ Μαυρετανία τῇ κάτω οἰκοῦσι53, et non simplement dans la Maurétanie.

  • 54 Tacite, Annales IV, 5. Tacite nous donne sans doute là une formule officielle, tandis que d’autres (...)
  • 55 Desanges, Les territoires gétules du roi Juba II, REA 1964, p. 33-47.

39Le fait est que l’autorité romaine s’exerçait en Gétulie. Les Iles Purpuraires et leurs teintureries étaient bien probablement propriété royale. En 40, le peuple romain, qui avait donné le royaume de Maurétanie à Juba II, Mauros Iuba rex acceperat donum Populi Romani54, a repris son bien, et la pourpre de Gétulie a dû ainsi entrer dans le domaine de l’État. D’autre part, nous savons qu’Auguste avait accordé à Juba II des « territoires gétules55 ». Il s’agit certes des confins méridionaux de la future Céarienne, mais on peut penser que ce droit du roi à régner aussi sur les Gétules s’appliquait aussi sur la façade atlantique du royaume, et que par conséquent les procurateurs ont hérité de cette vocation. Enfin, si des entreprises privées se sont également jetées sur la pourpre Gétule, elles n’ont pu le faire sans considérer que ce domaine de recherche leur était ouvert.

  • 56 Au-delà, nous supposons, grâce à quelques trouvailles sporadiques, que des caravaniers gagnaient l (...)
  • 57 Divus Claudius 14, 8, traduction Chastagnol.
  • 58 Ces dates d’après Chastagnol, L’Histoire Auguste, p. XXXIV.

40Nous pouvons donc penser que la province du procurateur de Tingitane comprenait la Maurétanie Tingitane proprement dite, mais qu’en plus la Gétulie atlantique était également revendiquée56. Au Bas-Empire, en repliant ses garnisons sur la ligne du Loukkos, Dioclétien semble bien avoir plus facilement renoncé à une grande partie de la Maurétanie qu’à la Gétulie maritime, puisqu’il a conservé l’étape obligatoire de Sala, et les précieuses îles de Mogador. On peut se demander si la distinction entre la Maurétanie proprement dite, très réduite, et son pédoncule gétule n’a pas fini par s’effacer. Dans un texte57 de l’Histoire Auguste (donc écrit entre 394 et 40058), Valérien est censé avoir offert à Claude en dotation « Un vêtement blanc en mi-soie, orné de pourpre de Djerba, une tunique de dessous ornée de pourpre de Maurétanie – albam subsericam unam cum purpura Girbitana, subarmalem unum cum purpura maura. » Cette opposition entre la pourpre de Djerba et celle des Maures semble bien indiquer que la dernière est l’autre pourpre célèbre, la getulica, désormais appelée maura.

  • 59 Rebuffat, M. Sulpicius Felix à Sala, en particulier p. 186-193.
  • 60 Nous ne savons pas si les coupables étaient des Autololes. C’est seulement possible. Selon Ptolémé (...)
  • 61 Quelques indices montrent que l’Empire byzantin s’est de nouveau intéressé à la Gétulie maritime.

41Quant à la situation de fait, elle a pu, de Juba II au IVe siècle, évoluer considérablement. Nous voyons les redoutables Autololes de Pline classés parmi les « petits peuples » par Ptolémée (IV, 6, 5) en attendant de perdre leur nom un jour en devenant des Galaules. À l’insécurité de Sala au temps de Pline (V, 5), nous pouvons comparer celle que nous décrit le décret de Sala en 144. Le commandant des cavaliers syriens de la garnison a dû mettre fin59 aux « solitae iniuriae » et à la « iactura pecorum », et procurer aux habitants un « accès paisible à leurs forêts et à leurs champs », « liberam copiant siluarum et agrorum60 ». En revanche, les chercheurs de poupre ne semblent pas redouter les riverains de l’Atlantique, qui sans doute ont vite compris la valeur de leurs coquillages. Nous ignorons si des accords précaires, ou jurés sur le modèle de ceux que nous connaissons à Volubilis, n’ont pas quelquefois procuré la sécurité des établissements et la liberté du travail. En tout cas, les Romains ne semblent avoir eu aucune peine à conserver Sala et Mogador tant que la crise du début du Ve siècle n’a pas éclaté61.

***

  • 62 C’est bien sûr façon de dire, car on peut douter que cette frontière ait été matérialisée. Tant qu (...)
  • 63 Et vice versa !

42Nous aurions maintenant à commenter une vision d’ensemble qui ne peut être, en ces quelques pages, que sommaire. Du moins pourrions nous travailler à partir du schéma suivant. Une partie du territoire de la province de Tingitane est occupée militairement, et se répartit pour l’essentiel entre des communautés civiques. Nous appelons cette partie de la province le territoire civique. Vers l’est, la frontière de la province est également celle de la Maurétanie Césarienne. Entre le territoire civique et cette frontière sont établies des gentes, dont la dépendance vis à vis du pouvoir romain se formalise grâce à des statuts et à des accords d’un modèle bien connu. Vers le sud-est, l’importante gens des Macénites est elle aussi sur le territoire provincial. Vers le sud, la limite de la Maurétanie coïncide pratiquement avec la limite des établissements militaire telle que nos récentes prospections l’ont établie. Au-delà, nous ignorons encore si des gentes pouvaient être réputées installées sur le territoire provincial. Mais en tout cas, au-delà de la limite Maurétanienne, nous sommes dans une Gétulie atlantique, dont Rome revendique certainement, à la suite des rois, un contrôle qui lui en permet l’exploitation. Le pouvoir de gouverneur de province du procurateur de Tanger s’étend donc certainement aussi à la Gétulie maritime, qui s’inclut donc, sinon dans la Maurétanie, du moins dans sa province au vieux sens institutionnel du terme (et son exploitation dépend certainement d’un procurateur domanial, probablement établi à Tanger au Haut-Empire). À partir de la Tétrarchie, le territoire provincial se décompose certainement toujours en trois parties : un territoire civique réduit, une Gétulie jalousement conservée, et un vaste domaine tribal. Et pendant ce temps, il suffit toujours aux habitants de la Maurétanie Tingitane d’enjamber la frontière62, de faire un seul pas, pour se retrouver en Césarienne63.

Abréviations

Editions de textes, recueils

43A. Chastagnol, L’Histoire Auguste. Collection Bouquins, Paris 1994.

44J. Desanges, Pline l’Ancien, livre V, 1, Paris 1980.

45Encyclopédie Berbère, Aix en Provence depuis 1984.

46IAMp = Inscriptions antiques du Maroc, I, Inscriptions puniques et néopuniques, par J. Février, Paris 1966.

47IAMI = Id., Inscriptions latines, par J. Gascou et autres, Paris 1982.

Titres cités en abrégé

48J. Alexandropoulos, Les monnayages antique de l’Afrique du Nord, à paraître.

49M. Christol, Rome et les tribus indigènes de Maurétanie Tingitane, l’Africa romana V, 1987, p. 305-337.

50M. Coltelloni-Trannoy, Le royaume de Haurétanie sous Juba II et Ptolémée, Paris 1997.

51J. Desanges, Catalogue des tribus africaines à l’ouest du Nil, Dakar 1962, p. 32.

52Les territoires gétules du roi Juba II, REA 1964, p. 33-47.

53G. Di Vita-Evrard, La dédicace des horrea de Tubusuctu et l’ère de la province dans les Maurétanies, Africa Romana IX, 1991 [1992], p. 843-864.

54– Sur l’ère de Maurétanie, une nouvelle attestation, L’Africa romana X, 1992 [1994], p. 1061-1079.

55M. Euzennat, Les Zegrenses. Mélanges William Seston, Paris 1974, p. 175-186.

56– Les structures tribales de l’Afrique préislamique, Monuments funéraires et institutions autochtones en Afrique du Nord antique et médiévale, VIe Coll. International sur l’histoire et l’archéologie de l’Afrique du Nord, Pau 1993, Paris 1995, p. 247-254.

57J. Gascou, La politique municipale de Rome en Afrique du Nord, ANRW II, 10, 2, 1982, p. 136-320.

58C. Hamdoune. Ptolémée et la localisation des tribus de Tingitane, MEFRA 105, 1, 1993, p. 241-289.

59De Pline à Ptolémée. Permanences et ruptures chez les peuples indigènes de Maurétanie Tingitane, VIe Colloque... Pau..., p. 293-308 [avec interventions de M. Euzennat et de M. Siraj p. 307-308].

60M. Lemosse, Le régime des relations internationales dans le Haut-Empire romain, Paris 1967.

61– La position des foederati aux termes du droit classique, Studi in onore di E. Volterra, Milan 1971, p. 147-155.

62M. Lenoir, Ad Mercuri templum. Voies et occupation antiques du nord du Maroc, Mitteilungen des deutschen archaeologische Instituts, Röm. Abt. 100, 1993, p. 507-520.

63H. Limane et R. Rebuffat, Voies romaine et système de surveillance militaire sur la carte d’Arbaoua ; Les tours de guet, dans Nouvelles découvertes dans le bassin du Sebou, VIe Coll... Pau..., 1993.

64R. Marichal. Les ostraca de Bu Njem. Tripoli 1992.

65R. Rebuffat, Au-delà des camps romains d’Afrique mineure : renseignement, contrôle, pénétration, ANRW II, 10, 2, 1982, p. 77-86.

66– Cf. aussi : Au-delà des camps romains, BAM IX, 1973-1975, p. 377-408.

67Vestiges antiques sur la côte occidentale de l’Afrique au sud de Rabat, Antiquités Africaines 8, 1974, p. 25-49.

68Les Baniures. Un nouveau document sur la géographie ancienne de la Maurétanie Tingitane, Mélanges R. Dion, Paris 1974, p. 451-463.

69L’investiture des chefs de tribus africaines, dans La noblesse romaine et les chefs barbares du IIIe au VIIe siècle, St Germain en Laye 1995, p. 23-33.

70– M. Sulpicius Felix à Sala. L’Africa romana X. 1992 [1994], p. 185-219

71Romana arma primum Claudio principe in Mauretania bellauere, Coll. Claude de Lyon, Paris-Nancy-Lyon 1992 [Paris 1998] ; Annexe : L’inscription de Césarée, p. 308-313.

72– Les biens de l’État en Maurétanie Tingitane, Colloque de Tunis sur « Les Biens de l’État », sous presse.

73G. Souville, Atlas préhistorique du Maroc. 1 : Le Maroc atlantique, Paris 1973.

74H. Terrasse, Réflexions sur une frontière. RevAfr 100, 1956, p. 399-408.

75P. Vidal de La Blache, Les Purpurariae du roi Juba, Mélanges Georges Perrot, Paris 1903, p. 325-329.

Autres titres64

Comportant le mot « frontière »

76R. Cagnat, « ... la frontière militaire de la province de Maurétanie Tingitane à l’époque romaine », expression utilisée par Cagnat, CRAI 1924, p. 155, pour présenter le Mémoire de Rouland Mareschal.

77M. Euzennat, Recherches récentes sur la frontière d’Afrique, Studien zu dem Militärgrenzen Roms II, Vorträge des 10 Internationalen Limeskongresses in der Germania Inferior, Xanten 1974, Beih. der BJB 38, 1976, p. 429-443.

78– Les recherches sur la frontière romaine d’Afrique 1974-1976, Akten des XI

79Intemationalen Limeskongresses, Székefehérvar, 1976, Budapest 1977, p. 533-543.

80– La frontière d’Afrique 1976-1983, Studien zu dem Militärgrenzen Roms III, Vorträge des 13 Intemationalen Limeskongresses, Aalen 1983, Forschungen und Berichte zur Vor-und Frühgeschichte in Baden Würtemberg, 20, 1986, p. 573-583.

81– Le limes de Tingitane. La frontière méridionale, Paris 1989.

82C. Hamdoune, Frontières théoriques et réalité administrative : le cas de la Maurétanie Tingitane, dans Frontières terrestres, frontières célestes, Études réunies et présentées par Aline Roussel, Perpignan 1995, p. 237-253.

83R. Rebuffat, La frontière romaine en Afrique : Tripolitaine et Tingitane, Ktema 4, 1979, p. 229-247.

84– La frontière du Loukos au Bas-Empire, Lixus, Actes du colloque de l’Institut des sciences de l’archéologie et du patrimoine, Larache 1989, Rome 1993, p. 365-377.

85J. E. H. Spaul, The Roman « Frontier » in Morocco, Bull, of the Inst, of Archaeology of the University of London, 30, 1993, p. 105-109 [Une frontière militaire était-elle nécessaire ?]

Comportant le mot « limes »

86A. Akerraz, Monnaies romaines trouvées au-delà du limes, Nouvelles archéologiques et patrimoniales, 1, avril 1997, p. 12.

87M. Euzennat, Le limes de Volubilis, Studien zu dem Militärgrenzen Roms, Vortrage des 6 Intemationalen Limeskongressen in Süddeutschland, Köln-Graz 1964, BJ Bd 19, Varsovie 1967, p. 194-199.

88– Le limes du Sebou (Maroc), Ier coll. d’Histoire et Archéologie de l’Afrique du Nord, Perpignan 1981, BCTH n.s. 17B, 1981, p. 371-381.

89– Le limes de Tingitane. La frontière méridionale (déjà cité).

90H. Rouland-Mareschal, Le limes de Tingitane au sud de Sala Colonia, Mémoires présentés... à l’Académie des Inscriptions et des Belles-lettres, 13, 2, 1923, p. 441-468.

Comportant le mot « confins »

91H. Limane et R. Rebuffat, Les confins sud de la présence romaine en Tingitane dans la région de Volubilis, Coll. int. d’Histoire et archéologie de l’Afrique du Nord, Avignon 1990, Paris 1992, p. 459-480.

92R. Rebuffat, Note sur les confins de la Maurétanie Tingitane et de la Maurétanie Césarienne, Studi Magrebini IV, 1971, p. 33-54 [déjà cité],

93– Les grandes tribus des confins africains : insurrections et alliances, L’armée romaine et les barbares, Colloque de Saint-Germain-en-Laye, 1990, Paris 1993, p. 77-81.

1. – Le territoire civique. Carrés : municipes et colonies. Cercles : villes susceptibles d’avoir bénéficé d’un statut civique ; le diamètre des cercles est une appréciation arbitraire de leur importance.

2. — L’Itinéraire Antonin, schéma théorique.

3. — L’implantation militaire. Relevé global provisoire, sans modulation chronologique.

4. — Situation relative des principaux sites antiques : 1 — Tanger : 2 — Zilil ; 3 — Lixus ; 4 — Banasa ; 5 — Thamusida ; 6 — Gilda ; 7 — Sala ; 8 — Volubilis ; 9 — Mogador ; 10 — Ceuta; 11 — Tamuda; 12 — Melilla-Rusadir ; 13 — Siga.

5 - L'Afrique septentrionale. Carte de Ptolémée reconstituée par Müller.

6. — Les Maurétanies. Carte de Ptolémée reconstituée par Müller.

7. — Le nord-ouest de la Tingitane. D’après Ptolémée, reconstitution R. Rebuffat (Antiquités Africaines I, 1967, fig. 4, p. 41).

Notes

1 La frontière a sans doute été fixée par Claude, en 42 selon Dion Cassius. Sur la côte, c’est l’embouchure de la Moulouya qui marque la frontière.

2 Nous écrivions en 1971 (Notes sur les confins, p. 50), après un premier exposé de cette thèse : « Nous souhaiterions donc que les zones d’occupation continue ne soient jamais désignées par le mot de “provinces”, du moins quand cet emploi risque d’être une source d’ambiguïté. »

3 Les travaux qui emploient le mot « frontière » ou qui abordent la question de la frontière de la Tingitane sont nombreux et divers, puisque les uns s’attachent en réalité aux limites d’occupation (militaire, sédentaire), d’autres à réfléchir comme nous sur la notion de frontière et son application.

4 Certaines agglomérations sont couplées avec un camp. Nous connaissons le statut urbain pour Banasa, colonie et Sala, municipe, et pour Sidi Saïd, si c’est la colonie de Babba ; à Thamusida, le mot respublica dissimule le statut ; nous pensons avoir affaire à une véritable ville à Souk el Arba-Vopiscianae et à Bled Takourart Tocolosida ; plutôt à un vicus à Suiar-Ad Novas, Tabemae, El Benian, Sidi Moussa bou Fri-Ulpium, Aïn Schkour ?

5 Nous avons un nom sans site avec Bovalica : en comparant les deux textes du Ravennate (Schnetz, 42, 53 et 88, 3), on voit que c’est une ville côtière. Elle est au sud de Sala, mais il peut s’agir d’un site isolé de la côte atlantique. Inversement, nous avons un site potentiel sans nom, à Azemmour, où des vestiges antiques pourraient se trouver profondément enfouis sous les alluvions de l’Oum er Rebia. Enfin, nous ignorons le nom de Mogador, car insulae purpurariae ne suffisait peut-être pas à désigner le site. Mais il ne s’agit pas d’une ville, ni d’un site pouvant avoir un statut civique.

6 Ce nombre peut légèrement varier en fonction de la chronologie (le camp connu à Thamusida succède soit à un camp primitif, soit à une « garnison » importante), ou de questions d’identifications (camp dit du Foarat ou autre établissement ? ; non vidi le camp signalé de Tleta Rissana ; le petit camp de Khedis près de Sala peut être une simple dépendance du camp du Chellah). À Qsar el Kebir, l’épigraphie suggère l’existence d’un camp dont nous ne connaissons actuellement aucune trace.

7 Nous disposons d’un répertoire précis pour le sud du Loukkos ; plus au nord, d’indications tantôt très fiables, tantôt non.

8 PPP, des trois provinces, après la création de la province de Sitifienne.

9 Rebuffat, Note sur les confins, p. 47 ; Di Vita-Evrard, Horrea, p. 863 (et plus généralement, Horrea et Ere de Maurétanie).

10 L’invasion de l’Espagne, et l’arrivée des Vandales en Afrique.

11 Rebuffat, Sulpicius Felix.

12 Ce n’est d’ailleurs pas la seule tour à dépendances. (Limane-Rebuffat, Tours de guet). Quand ces dernières sont légèrement construites, on peut penser à des écuries. Mais ces écuries pouvaient aussi abriter les bêtes de somme nécessaires aux approvisionnements et corvées.

13 Rebuffat, Au-delà des camps romains d’Afrique Mineure.

14 II est bien évident que les expéditions plus ou moins exceptionnelles (Pline V, 11 ; V, 14) recueillaient des enseignements de ce type. Le pays était connu « jusqu’à l’Atlas » (Dion Cassius 76, 13).

15 Marichal, Les ostraca de Bu Njem, p. 110-111. Pour le personnel spécialisé dans l’observation et le renseignement, voir ibidem les notices sur de speclis, exploratores, proculcatores, adservatores.

16 Même question pour Iol et les Iolitani (Coltelloni, Le royaume, p. 105).

17 Et que plus tard, les Aureba (WRB) qui accueillent Idris sont peut-être toujours les Volubiliani (WLB-).

18 Février, IAMp, p. 95-97, posant la question des pouvoirs, et de la possible hérédité, du sufétat.

19 On peut s’interroger sur d’autres types de relation. Banasa doit son nom aux Baniurae, Baniubae, probablement encore très proches de la ville après la fondation de la colonie, peut-être installée à leurs dépens. On ne sait à quelle gens pouvaient appartenir les habitants de la Zilil maurétanienne qui ont dû partir pour faire place aux colons. Nous ne voyons pas que les Zegrenses aient eu à faire avec l’histoire urbaine de Banasa ni les Bacuates et les Macénites avec celle de Volubilis. Et pour Erpis et les Erpeditanoi, nous ne savons où est Erpis, ni si ce n’était pas un village de tentes, où même un point topographique arbitraire.

20 S. Chaker, et G. Camps, Agellid, Enc. Berbère, 1985, s.v.

21 Décrit par Souville en 1973, Atlas préhistorique du Maroc, p. 130, no 18. Les amphores appartiennent aux types Kouass II et III : Nouvelles découvertes dans le Bassin du Sebou, p. 287, site SN 17. Une inscription libyque a été découverte trop loin du tumulus pour être prise en compte.

22 Tacite, Annales IV, 24, 3.

23 Ibid. (Tacfarinas) auctus Maurorum auxiliis qui...libertos regies et servilia imperia bello mutaverant. Ce sont aussi des auxilia que Valerius Severus va lever en 40 à Volubilis contre Aedemon qui est un libertus regius !

24 Tacite, Histoires II, 58. Lucceius Albinus profite évidemment de l’éclatante renommée africaine de Sergius Sulpicius Galba : R. Rebuffat, Romana arma, annexe, L’inscription de Césarée, p. 308-313.

25 M. Gast, Encyclopédie Berbère, s.v. Amenûkal. Le mot tobol désigne à la fois le tambour, le pouvoir et le territoire inaliénable. On note qu’il y a chez les Touareg du nord un seul aménokal, mais trois tobol (Kel-gela, Taïtoq, Tegehé Mellet). Dans l’Aïr (Enc. berb. s.v.) l’organisation du pouvoir est différente, mais également fondée sur les clans et les grandes familles.

26 La scène qui nous montre le roi Bocchus l’Ancien, qui avait des conseillers (φίλοι), en train d’examiner une requête (celle d’Eudoxe de Cyzique) a peut-être lieu dans une agglomération (Strabon II, 3, 4).

27 Les renouvellements d’accords attestés à Volubilis ne nous renseignent pas sur le contenu des accords. Il nous paraît difficile d’affirmer que le statut des Baquates soit bien différent de celui des Zegrenses (ce qui est généralement admis : Christol, Tribus indigènes, en particulier p. 305-315 ; Euzennat, Structures tribales, p. 247-254) Quand les princes Baquates s’appellent officiellement Aelius (Tuccuda ; IAMI 376) ou Iulius (Nuffuzi, Matif, Mirzi : IAM1 360-361), on imagine qu’on a affaire à la conséquence d’un processus semblable à celui que décrit la Table de Banasa. D’autre part, la mention isolée à Volubilis (IAMI 360) d’une pax foederata [et non pas d’une gens foederata, expression fabriquée au prix d’une restitution hasardeuse] au moment précis où on admet d’avoir affaire à un rex et non à un princeps gentis ne suffit pas à juger de toute l’histoire du statut des Baquates. On peut de plus noter que les travaux de M. Lemosse (Relations internationales, 1967 ; Position des « foederati », 1971), qui servent de référence obligée dans le débat, datent, quelle que soit leur valeur, d’un temps où les relations de Rome avec les gentes étaient plus qu’aujourd’hui interprétées en fonction de leur hostilité ouverte ou larvée. Ils mériteraient de toute façon une révision (par exemple dans le domaine du recrutement militaire).

28 Les Baquates n’atteignent pas la frontière de la province vers le sud, car ils en sont séparés par les Macénites. Vers l’est, on peut se demander s’ils touchent à la Moulouya ou s’il en sont séparés par les Erpéditanoi. Qu’un de leurs dynastes ait pu régner également sur les Bavares semble indiquer que leur domaine s’étendait loin vers l’est.

29 Rebuffat, L’investiture...

30 Rebuffat, L’investiture... avec une liste des clauses des accords conclus.

31 Terrasse, Réflexions sur une frontière, p. 400 : « ... on en sera réduit à supposer que les Romains n’avaient qu’une ligne d’étapes chez des tribus ralliées, peut-être chez ces Bacuates, etc. » La formule serait à nuancer, mais c’était déjà bien vu.

32 Attestée par l’Itinéraire Antonin, lorsqu’il suit la côte : Flumen Malva dirimit Mauretanias duas, incipit Caesariensis (Cuntz, p. 2, 12).

33 La formule est de Méla I, 29 et souligne bien l’importance de cette limite. Sur son histoire, Desanges, Pline V, p. 154. On a davantage d’indications sur la frontière préromaine que sur la frontière romaine, mais l’indication de l’Itinéraire Antonin peut être valable pour une grande partie du cours de la Moulouya.

34 Inclinaison respectée par la carte de Millier, Ptolémée pl. 21 bis.

35 Outre l’ouvrage de fond de J. Desanges sur Les tribus, les articles de Rebuffat, Les Baniures en 1974, d’Euzennat, Les Zegrenses en 1974 [avec des corrections postérieures dans Hamdoune, De Pline à Ptolémée, Intervention], d’Hamdoune, Ptolémée en 1993, sont les seuls dont nous ayons actuellement connaissance, mais lors du colloque de Djerba, on nous a signalé oralement que d’autres travaux ont eu lieu sur ce thème, que nous lirions bien sûr avec plaisir.

36 Par suite d’une duplication des Baquates, Ptolémée a placé très au sud les Baniures et Baquates, ce qui lui a permis de remplir l’espace créé par une frontière très méridionale. D’autre part, l’orientation erronée de la côte marocaine en direction du sud-est, écrasant l’espace réel, chassait les toponymes vers le sud.

37 On peut placer les Maurenses sur les pentes nord du Rif, les Erpeditani, probablement autour de l’Erpis de Ptolémée, sur les pentes sud, et les Bacuatai au sud des Erpeditani.

38 Camps, Enc. Berb. s.v. Bavares (1991) d’où la bibl. Le fait que des Bavares d’outre Moulouya aient, même temporairement, un prince commun avec les Bacuates semble un argument en faveur de la puissance des Bacuates.

39 Les Bavares peuvent avoir un dynaste commun avec les Baquates parce qu’ils sont à l’est des Baquates. Quand c’est le cas des Macénites (... Ucmetio principe gentium Macennitum et Baquatium : IAMI 384), c’est parce qu’ils sont au sud des Baquates.

40 Ce qui aurait certainement facilité les communications entre Tingitane et Césarienne.

41 Coltelloni, Le royaume, p. 105, n. 64, renvoyant, après J. Desanges, Tribus, p. 27 et 44-45 à Ammien XXIV, 5, 33 ; Honorius B48, dans GLM p. 54 ; Ptolémée IV, 2, 5, p. 604.

42 Coltelloni, Le royaume, p. 116, n. 134, renvoyant à M. Lenoir, Aulisva, dieu maure de la fécondité, L’Africa romana III, 1985, p. 295-302.

43 Ptolémée les plaçant clairement au sud des Iangaukanoi, il est difficile de les mettre comme Euzennat, Les Zegrenses, sur la pente nord du Rif : le rapprochement Nect-ibères/Mer Ibérique semble insuffisant pour récuser Ptolémée.

44 Sur l’importance de la pourpre en Tingitane, notre communication sous presse sur les Biens de l’État en Tingitane.

45 Depuis qu’elle a été avancée en 1903 par Vidal de la Blache, Les Purpurariae du roi Juba.

46 Lucain IX, 424-430 : la seule richesse de la Maurusie, en dehors de l’agriculture, est le bois précieux. Il ne parle pas de la pourpre, car elle est gétule, non maurétanienne, et d’ailleurs, il veut insister sur la pauvreté de la Maurusie.

47 On préfère actuellement placer la Chorographie au début du règne de Claude, en 44, plutôt que sous Caligula (A. Silbermann, Ed. des Belles lettres, Paris 1988, p. XIII). C’est donc la limite basse à adopter pour sa documentation, qui peut évidemment dépendre de sources plus anciennes.

48 Et en tenant compte de l’enclave gétule des Baniures.

49 Il est possible que cette limite sud des Macénites ait été nettement plus méridionale que Sala. Il est tentant de rapprocher le nom des Macénites de celui de Meknès (Desanges, Catalogue des tribus, p. 33-34). Mais on admet que les Miknasa arrivent de l’ouest vers le IXe ou le Xe siècle (Terrasse, Réflexions sur une frontière, p. 402 ; Encyclopédie de l’Islam, s.v. Miknas).

50 Pour lui, le cap Cotés (Soloeis) est en 35° 55’. Notre parallèle 26° 30’ passe de nos jours entre le cap Juby et le cap Bojador.

51 Sur la façon dont la carte d’Agrippa a pu relayer Polybe, Desanges, Pline V, p. 106-121, commentant V, 9-10.

52 GLM, Riese, p. 54.

53 Sur cette expression Desanges, Mauretania Ulterior Tingitana, BAM IV, 1960, p. 437-441. La Mauretania inferior est simplement la Maurétanie de l’ouest.

54 Tacite, Annales IV, 5. Tacite nous donne sans doute là une formule officielle, tandis que d’autres soulignent évidemment que c’est un geste d’Auguste : Strabon, XVII, 3, 7 ; Dion LIII, 26, 2. M. Coltelloni, Le royaume, p. 19-22, a traité de « la question du testament de Bocchus le Jeune ». Il nous semble que la formule employée par Tacite implique qu’avant le don à Juba II, le royaume était en droit propriété du Peuple Romain, ce qui renforce l’hypothèse d’un legs de Bocchus « au Peuple Romain ».

55 Desanges, Les territoires gétules du roi Juba II, REA 1964, p. 33-47.

56 Au-delà, nous supposons, grâce à quelques trouvailles sporadiques, que des caravaniers gagnaient la Mauritanie actuelle.

57 Divus Claudius 14, 8, traduction Chastagnol.

58 Ces dates d’après Chastagnol, L’Histoire Auguste, p. XXXIV.

59 Rebuffat, M. Sulpicius Felix à Sala, en particulier p. 186-193.

60 Nous ne savons pas si les coupables étaient des Autololes. C’est seulement possible. Selon Ptolémée, on trouvait, au voisinage de Sala, les Cauni. Mais J. Desanges, Catalogue des tribus, p. 32, a suggéré que les Caunes aient pu être une fraction des Autololes.

61 Quelques indices montrent que l’Empire byzantin s’est de nouveau intéressé à la Gétulie maritime.

62 C’est bien sûr façon de dire, car on peut douter que cette frontière ait été matérialisée. Tant qu’elle coïncidait avec la Moulouya, il suffisait de traverser la Moulouya. Nous écrivions en 1971 (Notes sur les confins, p. 49) : « Il suffisait de « passer la frontière » et [en venant de Césarienne] on se trouvait en Tingitane ».

63 Et vice versa !

64 Il ne s’agit que de titres concernant la Tingitane. Qu’ils n’aient pas apporté d’élément décisif à notre raisonnement ne veut évidemment pas dire qu’ils soient dépourvus d’intérêt !

Table des illustrations

Titre Tableau des principales agglomérations.
Légende Notre tableau utilise Gascou, Politique municipale, et Alexandropoulos, Monnayages.– S.i. : « pas d’indication » ou « pas d’autre indication »– It. Ant. : Itinéraire Antonin– MR : monnaie à effigie royale maurétanienne ; MA : monnaie autonome (sans effigie royale, mais avec mention éventuelle du princeps). Il n’y a plus de monnaies autonomes sous Caligula. Le monnayage et la mention de Méla donnent une idée de la situation préprovinciale.– vicus : le terme n’est pas attesté au Maroc. Nous l’employons pour une agglomération qui se développe à l’abri d’un camp, avec la précision « subcastral ». La distinction entre « camp + vicus » et « camp et ville » ne peut être qu’arbitraire en l’absence d’indications textuelles.– Tamuda : a disparu avant + 40, et non en + 40 ou en 40-42, comme on le croit fréquemment sans aucune preuve.– Banasa : alors que Zilil et Babba ont un monnayage autonome, il est surprenant que ce ne soit pas le cas de Banasa.– Bovalica : site du sud de la province. On peut envisager de lui attribuer les monnaies BB<;L. La répartition des trouvailles n’y contredirait pas (3 à Volubilis, 1 à Banasa, 2 à Thamusida, 3 à Sala, 1 sans provenance).– Volubilis : l’absence de monnayage surprend, à moins qu’il ne faille penser aux monnaies de « Shemesh », atelier non localisé (suggestion de M. Alexandropoulos). Mais Gilda pourrait poser sa candidature.– Toponymes de Méla : nous avons admis, ce qui est facile, que Rusigada était Rusaddir, et que gildavo dubritania (III,107) cache, après Gilda, Volubilis (vodubri). Le passage de...tania à Banasa n’est en revanche qu’une hypothèse désespérée.
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Légende 1. – Le territoire civique. Carrés : municipes et colonies. Cercles : villes susceptibles d’avoir bénéficé d’un statut civique ; le diamètre des cercles est une appréciation arbitraire de leur importance.
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Légende 2. — L’Itinéraire Antonin, schéma théorique.
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Légende 3. — L’implantation militaire. Relevé global provisoire, sans modulation chronologique.
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Légende 4. — Situation relative des principaux sites antiques : 1 — Tanger : 2 — Zilil ; 3 — Lixus ; 4 — Banasa ; 5 — Thamusida ; 6 — Gilda ; 7 — Sala ; 8 — Volubilis ; 9 — Mogador ; 10 — Ceuta; 11 — Tamuda; 12 — Melilla-Rusadir ; 13 — Siga.
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Légende 5 - L'Afrique septentrionale. Carte de Ptolémée reconstituée par Müller.
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Légende 6. — Les Maurétanies. Carte de Ptolémée reconstituée par Müller.
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Légende 7. — Le nord-ouest de la Tingitane. D’après Ptolémée, reconstitution R. Rebuffat (Antiquités Africaines I, 1967, fig. 4, p. 41).
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