Entre la cour et l’école : les étudiants au service de l’État en France à la fin du Moyen Âge (XIVe-XVe siècle)
p. 249-256
Texte intégral
1Depuis quelque temps déjà, on sait, par les travaux de Bernard Guenée, que des clercs, grâce à leur naissance, mais aussi grâce à leur ambition, leur savoir et leur talent, ont en France, à la fin du Moyen Âge, poursuivi une carrière « entre l’Église et l’État »1. Peut-être a-t-on moins souvent souligné que certains de ces clercs et d’autres étaient entrés au service des princes avant même la fin de leurs études universitaires, et qu’ils avaient donc été des clercs « entre la cour et l’école » avant de devenir, parfois, des prélats « entre l’Église et l’État ». La documentation de la fin du Moyen Âge – notamment les suppliques adressées aux papes d’Avignon, de Clément VI (1342-1352) à Benoît XIII (1394-1409), et conservées aux Archives du Vatican2 – garde en effet la trace de clercs requérants qui se présentent comme des étudiants (actu studentes) mais aussi comme des serviteurs de l’État, ou du moins des serviteurs des princes. Pour la cinquantaine de personnages ainsi repérés entre 1342 et 1410 environ, temps des études et carrière ne sont donc pas consécutifs mais confondus au moins quelques années. Ce chiffre peut paraître dérisoire par rapport aux centaines de serviteurs du roi, du pape et des princes en France qui ont été actifs dans la seconde moitié du XIVe siècle. C’est que cette liste d’environ cinquante noms est loin d’être close. À vrai dire, il est assez difficile de traquer ces clercs au double statut d’étudiant et de serviteur du prince car ils apparaissent dans les sources tantôt sous l’une tantôt sous l’autre désignation : dans les archives universitaires, dans les rôles de suppliques universitaires ils n’avouent pas être rétribués par un prince, et lorsqu’ils apparaissent dans les sources comptables des États, ces jeunes serviteurs ne précisent pas forcément qu’ils fréquentent de temps en temps les écoles. Ainsi les suppliques, véritables petits dossiers sur les clercs à la recherche de bénéfices ecclésiastiques, se sont avérées utiles pour repérer ces étudiants-serviteurs. Car le double aveu des études engagées et de l’intercession d’un puissant personnage peut aider à l’obtention du bénéfice. Encore n’ai-je retenu que les individus présentés à la fois comme actu studentes aux écoles et simultanément engagés au service de l’État. J’ai dû laisser de côté les centaines d’étudiants présentés dans leurs suppliques comme dilectus du roi, d’un prince, du pape ou d’un cardinal : le dilectus semble être plutôt un futur serviteur de l’État qu’un personnage rémunéré et chargé de tâches précises.
2Je souhaite donc étudier ici ce groupe d’étudiants-serviteurs de l’État. Plusieurs questions se posent à leur propos. Tout d’abord, comment un étudiant fréquentant les écoles devient-il serviteur du prince ? Et comment peut-il concilier service du prince et études étant donnés les emplois du temps dans les écoles ? Quels sont les princes qui engagent ces jeunes serviteurs et pour quelles fonctions ? Y a-t-il des cours princières où ils sont plus nombreux ? Enfin, quelles sont les compétences de ces étudiants, quel intérêt un État peut-il trouver à employer de tels serviteurs ?
3Examinant les facteurs nécessaires à l’accomplissement d’une belle carrière, dans l’introduction à son ouvrage Entre l’Église et l’État, Bernard Guenée évoquait d’abord la naissance3. Celui qui est bien né, celui à qui il a suffi de naître, est dès l’adolescence prédestiné à servir les plus puissants. Ainsi Jean de Ceccano, jeune parent du cardinal Annibald Caetani de Ceccano, est en 1348 chanoine du chapitre de Paris, étudiant en théologie à Paris et chapelain du pape Clément VI4. Il a tout naturellement été présenté au pape par son parent, son entrée au service personnel du pape a été des plus aisées. Mais comment se fait l’entrée à la cour de ceux qui sont d’extraction plus modeste et qui, après avoir étudié quelques années dans une petite école, arrivent à l’université ? Dans le cas des boursiers du collège royal de Navarre à Paris, il est assez facile de répondre à cette question5. Les jeunes boursiers du collège étudiant à la faculté des arts ou à la faculté de théologie avaient l’occasion de côtoyer des personnalités importantes lors de cérémonies célébrées dans la chapelle du collège, d’approcher le roi, la reine, leurs conseillers, des prélats lors de repas qui devaient parfois suivre ces cérémonies. C’est ainsi qu’ils faisaient des rencontres décisives. Laissons de côté ceux qui abandonnaient alors immédiatement leurs études car ils n’entrent pas dans mon propos. Mais certains acceptaient de servir un prince tout en continuant leurs études : c’est le cas de deux serviteurs du duc Louis d’Orléans dans les premières années du XVe siècle, Jacques de Nouvion et Jean de Rouvres, qui sont ses secrétaires en 1403 et poursuivent au même moment des études en théologie à Paris6. Les sources comptables de Louis d’Orléans conservent cette petite notation assez exceptionnelle, qu’on aurait voulu lire plus souvent : le duc donne 40 écus d’or à son secrétaire Jacques de Nouvion « pour lui aider à faire son commencement de la sainte théologie lequel a l’intencion de faire brièvement ». Jean de Rouvres, Jacques de Nouvion et d’autres boursiers du collège de Navarre au service de Louis d’Orléans, de Louis de Bourbon ou du roi ont sans doute connu leur employeur au collège même, devenu, sous le règne de Charles VI, un lieu où la cour se rendait de temps à autre7. Pour les clercs n’ayant pas eu la chance d’appartenir à un collège royal, la naissance devait davantage compter que le lieu d’études, et les étudiants de l’université d’Angers au service de Louis d’Anjou lui avaient probablement été recommandés par des parents ou des protecteurs angevins. Mais on connaît trop rarement les origines familiales de nos personnages. Il est impossible de dire si les princes tenaient les universités comme des viviers, leur permettant de choisir et de prendre à leur service les meilleurs des étudiants. Aucune source n’atteste de telles pratiques8.
4L’autre question qui se pose, associée à celle que l’on vient d’évoquer, est relative aux emplois du temps. Comment des étudiants peuvent-ils, tout en fréquentant les écoles, servir l’État ? Rappelons que l’enseignement universitaire à la fin du Moyen Âge se divise entre plusieurs exercices : les leçons faites par les maîtres qui ont généralement lieu au tout début de la matinée, les leçons des bacheliers plus souvent placées en fin de matinée ou dans l’après-midi. C’est ce que prévoient par exemple les statuts universitaires de Montpellier de 1339 étudiés par Jacques Verger : ils mentionnent quatre heures de cours quotidiennes les jours ouvrables (prime, nones, tierce, vêpres). À Paris comme dans les universités du Midi les cours s’interrompaient en été. Si les étudiants étaient donc censés être presque quotidiennement présents aux écoles, de septembre à juin – les statuts exigeaient une fréquentation minimale –, si cette assiduité tenait un grand rôle dans l’attribution des grades, cependant beaucoup s’absentaient. Ainsi dans les rôles universitaires la rubrique des studentes absentes était-elle bien fournie (encore ces absentes des rotuli peuvent-ils être absents provisoirement ou définitivement). Ces absences répétées ne semblent pas avoir nui aux étudiants concernés. Reprenons l’exemple de Jacques de Nouvion, secrétaire de Louis d’Orléans au début du XVe siècle et étudiant en théologie9. Son itinéraire a été reconstitué par Alfred Coville dans un article ancien de 193510.
5Né vers 1370 dans le diocèse de Reims, il était maître ès arts en 1392 et commençait à étudier la théologie en 1393, tout en continuant à enseigner à la faculté des arts. En 1403, inscrit sur le rotulus de la faculté des arts de Paris, il est dit regens in actu, alors qu’à cette date le duc d’Orléans lui verse 40 écus d’or « pour l’aider à faire sa théologie » et le rétribue 100 livres tournois par an comme secrétaire. Il est alors bachelier en théologie. En octobre 1403 Jacques de Nouvion part en Italie avec le duc d’Orléans et reçoit « cent francs d’or par grace especial pour luy aider à soy habiller pour venir avecques nous et en nostre compaignie en ce voyage que nous actendons présentement faire ès parties de Lombardie et d’Italie ». Il revient à Paris au début de 1404. Pendant ces années, de 1404 à 1409, Nicolas de Clamanges lui écrit régulièrement et le félicite de s’adonner à l’étude de la théologie. Il n’est guère présent à Paris en 1407, participant à l’ambassade auprès de Benoît XIII. Après la mort du duc d’Orléans, il reste au service de son fils comme aumônier. Tout ceci n’empêche pas Jacques de Nouvion d’être licencié en théologie en 1409.
6La poursuite des études n’est possible qu’avec l’assentiment de l’employeur. Deux cas de figure se présentent. Ou bien l’étudiant s’est mis au service du pouvoir alors qu’il avait déjà engagé ses études. C’est le cas des théologiens engagés par Louis d’Orléans, Louis de Bourbon ou par le roi lui-même sous le règne de Charles VI : ils sont secrétaires, chapelains et dejà maîtres ès arts depuis longtemps. On peut supposer que ces charges sont exercées de façon intermittente, que ces étudiants ont le loisir d’assister aux cours. L’autre cas de figure est celui de clercs engagés par un prince et qui entreprennent ensuite des études. Bien souvent leur employeur les soutient alors financièrement. C’est le cas des deux protégés de la comtesse de Boulogne qui, en 1378, étudient à Paris, pour l’un les arts, pour l’autre le décret. Dans les suppliques qu’elle adresse en leur faveur, elle les présente comme des clercs qu’elle « tient aux études », in dicto studio sustentat11. De même, la reine de Castille et de Léon adresse en 1352 une supplique pour son médecin Jean Fogacia, maître ès arts et en médecine, qui étudie la théologie à Paris12. Charles de Poitiers, seigneur de Saint-Vallier et comte de Valentinois, intervient en faveur de son maître des deniers, Mathieu Pridot, qui étudie les lois en 137813. Dans ce second cas de figure, la fréquentation des écoles vient parfaire la formation d’un serviteur déjà engagé qui n’avait pas suffisamment étudié avant son recrutement. Nous y reviendrons.
7Ces quelques exemples ajoutés à la cinquantaine d’autres relevés nous indiquent que les études ne constituent pas une activité exclusive pour les clercs, qui détiennent aussi, souvent, des bénéfices ecclésiastiques, sans nécessairement profiter d’une dispense de résidence.
8Tout dépend aussi, naturellement, de la fonction et de l’employeur, de la proximité de la cour par rapport au lieu d’études. Quelques-uns de nos personnages poursuivant leurs études sont conduits à accomplir des missions en tant que nonces ou procureurs : Jean Ogier de Saint-Médard, bachelier en théologie à Paris en 1349, représente plusieurs fois le roi Philippe VI à la curie avignonnaise. Cela ne l’empêche pas d’accéder à la licence en 1353 et de poursuivre une « carrière » plus universitaire que politique : on le retrouve plus tard régent en théologie et maître du collège d’Autun14. De la même façon Syger Pistoris, écolier de la faculté de droit canonique, est procureur du comte de Flandre à la curie en 1352, une fonction qu’il n’a remplie que très ponctuellement15. Ces fonctions de nonce, d’ambassadeur sont peut-être attribuées au gré des circonstances ; elles nécessitent une confiance absolue du prince en son délégué. Ces fonctions-là, essentielles pour l’État, n’exigent pas de celui qui les reçoit une présence fréquente à la cour de son employeur et sont donc compatibles avec des études.
9De même, ceux qui sont désignés par le terme de conseiller ne sont pas forcément des membres de la familia du prince, sauf s’ils sont aussi qualifiés, comme cela arrive souvent, de familiers. Tel est le cas de deux familiers du duc et de la duchesse de Bar en 1378, tous deux gradués et inscrits sur des rotuli universitaires parisiens16. Mais sont-ils encore des étudiants ?
10Ces étudiants sont désignés comme des membres de la familia, de l’Hôtel et on a du mal à concevoir qu’ils puissent accomplir des charges quotidiennes au service du prince et poursuivre leurs études, qu’ils soient médecins, chapelain, chambrier, clerc... sauf si la cour est proche des écoles. Le chapelain, le médecin, le chambrier vivent auprès de leur maître sans être toutefois accaparés en permanence. Deux chapelains de Charles VI étudient à Paris en 1403, Jean Héraud17 et Jean Le Fèvre18, de même que des secrétaires de Louis d’Orléans cités plus haut, et le chapelain du connétable de France Charles d’Albret19.
11Beaucoup de ces étudiants servent de précepteurs aux enfants de princes, non pas à domicile mais dans le cadre du studium où les nobles ne semblent pas hésiter à envoyer leurs enfants étudier sous la responsabilité d’un maître. Il ne s’agit pas des enfants de la famille royale mais de nobles parfois puissants. Par exemple Charles de Poitiers, comte de Valentinois, adresse une supplique en faveur du précepteur de ses enfants qui étudient à Paris20. De même Jean, comte de Blois, protège un bachelier en arts, étudiant en décret à Paris, qu’il désigne comme le précepteur, le maître de ses enfants21. Le précepteur idéal n’est-il pas en effet un étudiant pouvant se consacrer aux enfants à l’intérieur du milieu universitaire ?
12Restent tous les services qualifiés de façon très floue (par l’expression in servitio par exemple) : citons Walo Cadel de Franc, un bachelier en théologie qui a « servi » le cardinal d’Auxerre22, et Jean de Monthatere, un étudiant à la faculté des arts en 1342, qui est au service du duc de Bourbon : in suo servitio existens23. Π faut se faire à l’idée que bien des serviteurs étaient en quelque sorte non spécialisés, « polyvalents », des lettrés dès lors capables de se faire procureur, secrétaire, chapelain, etc...
13Quelques princes semblent avoir particulièrement apprécié le service de ces jeunes clercs, mais peut-être le plus grand nombre d’étudiants à leur service est-il dû au hasard de la documentation. Ainsi Charles VI a en 1403 deux chapelains, l’un, Jean Héraud, qui étudie à la faculté de théologie en sixième année, l’autre, Jean Le Fèvre24, qui étudie à la faculté de décret ; un secrétaire, Jean de Chavigny, d’origine noble, lui aussi étudiant en théologie25. À la même date, trois théologiens travaillent à la chancellerie du duc d’Orléans, Jacques de Nouvion, Pierre Pugniquadrati, Jean de Rouvres26. Louis de Bourbon quant à lui « tient aux écoles » (tenet in scolis) Pierre de Chantelle qui devient son aumônier dès qu’il est reçu à la licence en théologie en 140327. Il a aussi à son service, comme chapelain, Pierre Pugniquadrati, secrétaire du duc d’Orléans 28.
14Cette habitude que les princes ont de s’attacher des étudiants à leur service est attestée dans nos sources dès le milieu du XIVe siècle : qu’il s’agisse de Philippe de Valois, du comte de Flandre, de la reine d’Écosse ou de la reine de Castille. Ces princes interviennent non seulement pour des étudiants qui sont leurs serviteurs mais surtout pour des étudiants qui sont des dilecti. Ils sont imités dès cette époque par des nobles, telle la comtesse de Vendôme qui sollicite un bénéfice pour son médecin étudiant la théologie à Paris vers 135029. Dans la seconde moitié du XIVe siècle, ces étudiants serviteurs sont attestés dans les cours de Jean le Bon, de Charles V, de la duchesse d’Orléans, du duc d’Anjou, du comte d’Armagnac, du duc et de la duchesse de Bar, de la comtesse de Boulogne, et auprès de familles nobles plus modestes qu’on ne pourrait vraiment qualifier de « chefs d’États ». Le comte d’Ango par exemple, seigneur normand, dispose d’un étudiant parisien qu’il présente comme son nonce à la curie30 ; la comtesse de Joigny emploie un étudiant comme précepteur de ses enfants31 ; etc. On peut supposer qu’avec la croissance du nombre d’étudiants dans les universités cet intérêt des princes à leur égard s’est aussi développé. Mais quel intérêt ont-ils donc à employer des serviteurs si jeunes et assez peu disponibles finalement ?
15Dans son ouvrage récent sur les Gens de savoir en Europe au Moyen Âge, Jacques Verger32 explique qu’il y avait la plupart du temps un grand décalage entre la formation de haut niveau très abstraite des universitaires et les pratiques concrètes auxquelles ils étaient confrontés au service de l’État, que ce soit dans l’Hôtel, au conseil, ou dans l’administration des princes. Ceci est vrai pour la cinquantaine d’étudiants qui nous intéressent ici. La plupart sont en effet maîtres ès arts, mais on ne remarque guère de corrélation entre leurs études dans une faculté supérieure et les tâches qu’ils doivent accomplir : les chapelains, de même que les secrétaires et les précepteurs, sont théologiens ou décretistes. Par ailleurs, pourquoi ne pas attendre que ces clercs aient achevé leurs études ?
16Comme l’a montré Françoise Autrand33, les princes ne négligent pas le service d’hommes jeunes comme les étudiants. Ils sont dépourvus d’expérience mais peuvent se montrer efficaces. Plus que leur âge, ce qui importe est qu’ils doivent tout au maître qui les emploie et que leur fidélité, leur obéissance n’en seront à l’avenir que plus solides. Ce maître finance, en quelque sorte, leurs études (c’est ce que signifient les expressions fréquemment employées dans les suppliques : tenet in scolis, sustentat). Ou bien le serviteur a des études à finir, c’est le cas de Jacques de Nouvion employé par le duc d’Orléans. Ou bien – et c’est encore plus intéressant – le maître encourage son serviteur à le délaisser de temps à autre pour rejoindre les écoles. Ce va-et-vient entre service du prince et études – qui nous paraît aujourd’hui difficile – est possible aux XIVe et XVe siècles. En fait la notion même de « carrière » est un peu anachronique. Elle ne rend pas compte d’une existence partagée naturellement, pour un certain nombre de clercs, entre études et activité rémunérée – facilitée par la présence de suppléants. On voit ainsi dans les registres de suppliques de Clément VI le doyen du chapitre cathédral de Beauvais, Robert de Chanac, demander une dispense de résidence pour aller étudier les lois à Orléans et passer le baccalauréat puis la licence34.
17Cependant ce va-et-vient entre la cour et l’école implique aussi des charges qui n’exigent pas une présence permanente : ces étudiants ne sont pas, à une ou deux exceptions près, des employés des administrations princières que sont les comptes et les tribunaux, mais ils peuvent être secrétaires. Ils reçoivent surtout des fonctions dans l’Hôtel, des fonctions quasiment privées : ils sont chapelains, médecins, clercs, précepteurs.
***
18Cette étude est une esquisse : avec d’autres recherches, cette courte liste d’étudiants au service du pouvoir devrait s’allonger. Il faudrait, dans les seules suppliques, éclaircir la situation de ces centaines d’étudiants désignés comme dilecti de princes dont on peut soupçonner qu’ils devaient rendre aussi quelques services. Il serait intéressant, à partir d’un plus grand nombre de cas, de s’interroger sur l’absence de certains princes.
19Beaucoup de questions restent sans réponse, notamment sur le détail de l’emploi du temps de ces clercs : passaient-ils plus de temps aux écoles ou plus de temps à la cour ? Ces exemples d’étudiants-serviteurs des princes incitent à s’interroger sur les modalités d’études, sur des formes d’enseignement qui laissaient une telle liberté aux écoliers. Cette complexité des cursus a souvent été soulignée par Jacques Verger.
20L’intérêt de la noblesse pour les universitaires a, en général, sans doute progressé en quelques générations.
21Enfin, il est certain que cette pratique crée des liens assez forts entre les jeunes serviteurs et les employeurs qui ont la patience de les laisser étudier. Certes, il ne s’agit pas seulement de générosité intéressée d’un point de vue politique. N’oublions pas que l’aide apportée à des pauvres écoliers participe aussi de la charité. En tout cas, des devoirs s’instaurent à l’égard du prince qui encourage et parfois finance les études. Ainsi voit-on des nobles entretenir une dizaine d’écoliers – voire plus – à l’Université, des écoliers dont ils sont presque sûrs de faire plus tard, les plus fidèles serviteurs.
Notes de bas de page
1 B. Guenée, Entre l’Église et l’État. Quatre vies de prélats français à la fin du Moyen Âge, Paris, 1987.
2 Arch. Vat., Reg. suppl. no 1 à no 104.
3 B. Guenée, op. cit. n. 1, p. 20 et suiv.
4 Arch. Vat., Reg. suppl. no 16, fol. 72v ; Reg. suppl. no 17, fol. 160.
5 N. Gorochov, Le collège de Navarre de sa fondation (1305) au début du XVe siècle. Histoire de l’institution, de sa vie intellectuelle et de son recrutement, Paris, 1997.
6 Ibid., p. 679-680 et p. 695-696.
7 Ibid., p. 546 et suiv.
8 Je remercie Jacques Verger de m’avoir suggéré que les étudiants pouvaient aussi se faire remarquer lors de séances universitaires publiques.
9 N. Gorochov, op. cit. n. 5, p. 679-680.
10 A. Coville, « Un ami de Nicolas de Clamanges, Jacques de Nouvion (1372 ?-1411) », BEC, 96 (1935), p. 63-90.
11 Arch. Vat., Reg. suppl. no 57, fol. 130.
12 Ibid., no 25, fol. 162.
13 Ibid., no 62, fol. 70.
14 N. Gorochov, op. cit. n. 5, p. 698.
15 Arch. Vat., Reg. suppl. no 25, fol. 61.
16 Ibid., no 57, fol. 112 v.
17 N. Gorochov, op. cit. n. 5, p. 650.
18 Arch. Vat., Reg. suppl. no 100, fol. 135 v.
19 Ibid., no 90, fol. 51.
20 Ibid, no 51, fol. 48.
21 Ibid., no 48, fol. 249.
22 Ibid., no 5, fol. 24.
23 Ibid., no 5, fol. 71-71 v.
24 Cf. n. 17 et 18.
25 N. Gorochov, op. cit. n. 5, p. 613.
26 Ibid., p. 679-680, 690-691, 695-696.
27 Ibid., p. 608.
28 Ibid., p. 690-691.
29 Arch. Vat., Reg. suppl. no 25, fol. 110.
30 Ibid., no 48, fol. 217.
31 Ibid., no 55, fol. 46 v.
32 J. Verger, Les gens de savoir en Europe au Moyen Âge, Paris, 1997.
33 F. Autrand, « La force de l’âge : jeunesse et vieillesse au service de l’État en France aux XIVe et XVe siècles », CRAIBL, janvier-mars 1985, p. 206-223.
34 Arch. Vat., Reg. suppl. no 10, fol. 77 v.
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