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    Plan détaillé Texte intégral Historiographie des villes et des ligues Réseaux urbains et intérim royal (1250-1273) Alliances et identités urbaines (1273-1314) Vers les ligues politiques (1314-1354) Notes de bas de page

    Entre Vosges et Forêt-Noire

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    Table des matières

    Chapitre III. Des réseaux aux ligues urbaines

    p. 239-316

    Texte intégral Historiographie des villes et des ligues Réseaux, alliances, ligues : problèmes de terminologie Sources et problématique Réseaux urbains et Intérim royal Alliances et identités urbaines Ligues, pouvoir impérial et Décapole Réseaux urbains et intérim royal (1250-1273) Les réseaux, expression d’une cohérence But et nature des réseaux Les réseaux, creuset de la vie politique Alliances et identités urbaines (1273-1314) Landvogt et villes Statuts urbains et constitutions Alliances et Landfrieden Vers les ligues politiques (1314-1354) Réseaux politiques et sociétés urbaines Réseaux techniques Des réseaux aux ligues Notes de bas de page

    Texte intégral

    1L’étude des pouvoirs politiques enracinés dans les riches terroirs de l’Oberrhein entre 1250 et 1350 a fait apparaître une mosaïque de forces s’équilibrant ou se contrecarrant, sans processus de territorialisation comme dans d’autres régions. Ni les princes laïques ou ecclésiastiques, ni les villes n’ont pu établir, à l’époque envisagée, une situation de monopole structurant la région. Et pourtant les uns et les autres détenaient les moyens pour ce faire. Les villes en effet, du moins les impériales, figuraient au nombre des détenteurs de droits dont certains de nature régalienne. En ont-elles usé réellement et comment ? Dans le cadre de la cohabitation des forces politiques de la région, une première approche a permis de saisir, en arrêt sur image, les villes comme monades, dans leur développement singulier au sein d’une même famille urbaine. Leur origine et leur développement cependant ne pourraient se comprendre sans leur dynamique relationnelle, véritable pédagogie de l’identité urbaine.

    2Deux caractéristiques de ces petites villes s’imposent d’emblée : d’une part leur symbiose avec la campagne, tout particulièrement le vignoble, et d’autre part (ceci étant lié à cela) leur densité d’implantation. Un troisième élément contribue au caractère spécifique de ces villes de l’Oberrhein : le phénomène de liaisons multiples entre cités a favorisé l’émergence des institutions urbaines. Le bénéfice des droits régaliens exercés par les villes et, parmi ceux-ci, celui d’agir en matière de politique extérieure, a favorisé les relations horizontales de défense et d’entraide, alternative à la logique politique du plus fort protégeant le plus faible qui veut que les cités se tournent vers des protecteurs puissants. En rupture (relative) avec cette logique « féodale », les villes n’ont pas fait appel, en l’absence de souverain, aux Ribeaupierre, aux Habsbourg, aux évêques ou à l’abbé de Murbach mais ont mis leurs faibles forces en situation d’entraide, sur pied d’égalité. La question se pose alors de la progressive émergence de la conscience urbaine en relation avec le fonctionnement de ces villes en réseau1. Devenues de véritables entités politiques et économiques déployant une force commune, les cités entendent jouer dans la cour des grands et se poser en partenaires des souverains et des princes.

    3Pour mener l’enquête, il devient nécessaire d’élargir son échelle et d’ancrer l’Oberrhein dans un contexte plus vaste que celui retenu pour l’étude des pouvoirs et du vignoble. Les relations interurbaines des petites villes, en effet, se jouaient sur un fond de mobilité géographique intégrant Strasbourg et Bâle mais aussi la vallée rhénane et les territoires qui vont rester définitivement confédérés, en Suisse. Il s’agit de la préhistoire des grandes ligues bien connues du XIVe siècle. Toute une maturation et un faisceau d’influences ont joué entre les différentes formes d’alliances précoces des villes lombardes (Lodi 1168) et celles plus tardives des villes suisses (Berne et Fribourg 1243) ou de l'Oberrhein (Breisach, Colmar 1250) avec cet apogée géographique de la grande mais éphémère ligue du Rhin de 1254. Mais en évoquant ces ligues, les historiens parlent-ils tous du même processus politique ou/et juridique ? L’enjeu de ces ligues dans l’histoire des villes, leur histoire particulière et leur histoire collective, peut-il se comparer ? Une enquête historiographique s’impose dans un premier temps pour ouvrir le débat terminologique entre historiens allemands et français et au regard de la spécificité des villes de la région. Après l’examen du corpus de sources, la problématique des relations interurbaines dans l’Oberrhein sera examinée dans le cadre des « modèles » disponibles sur le chantier de la géohistoire. L’organisation du maillage urbain offre divers schémas de fonctionnement de villes organisées par rapport à un pouvoir royal ou princier, de villes hiérarchisées selon leurs forces politiques ou économiques respectives, de villes géométriquement hiérarchisées autour d’une métropole (centralité) ou de réseaux de villes.

    Historiographie des villes et des ligues

    4L’histoire des villes et des ligues (Bündnisse) bénéficie du travail des historiens allemands et suisses depuis le XIXe siècle. Ces études s’appuient sur un travail considérable de publications de sources, travail entrepris de façon systématique. Pendant les dernières décennies du XIXe siècle et les premières du XXe, archivistes et bibliothécaires, stimulés par les édiles municipaux, mirent à la disposition des historiens des monuments documentaires : les chroniques des villes allemandes2, les registres d’archives municipales3 ou la série des franchises urbaines4. L’écriture de l’histoire citadine s’en trouve alors stimulée pour analyser l’origine des villes, véritable enjeu idéologique dans le contexte de la question nationale en Allemagne. La ville médiévale constitue le laboratoire privilégié de la vie politique fondée sur la liberté et le génie des bourgeois qui ont « créé » les villes en assurant ainsi le progrès de l’humanité. Les juristes s’emparent de l’histoire institutionnelle et les villes d’empire obtiennent toutes les faveurs. La victoire allemande de 1870 infléchit considérablement l’historiographie. Les sources servent de preuves « absolues » pour démontrer que les villes alsaciennes sont allemandes, et ce, depuis leurs origines (ce qui n’est pas difficile à démontrer sinon à admettre pour les Alsaciens).

    5Plus récemment, les historiens allemands ont beaucoup publié dans le cadre général de l'Institut für vergleichende Stadtgeschichte de Munster-en-Westphalie, à la fois des études (Städteforschung A) et des documents (B). Les études régionales, très développées comme on le sait en Allemagne, témoignent également du grand intérêt porté à l’histoire urbaine et, pour l’Oberrhein, l'Arbeitskreis für südwestdeutsche Stadtgeschichtsforschung a déjà livré de nombreuses contributions portant, il est vrai, plutôt sur les villes de la rive droite du Rhin. Les monographies bénéficient toujours d’une grande faveur mais les problèmes d’urbanité au sens large du terme (sociabilité urbaine, fractures entre les élites, nihil habentes etc.) sont traités tout comme la topographie urbaine, bien en avance sur celle des villes de la rive gauche !

    6Parallèlement, l’histoire des ligues urbaines a fasciné les historiens en quête des origines d’un État de type fédéral ou, pour la Suisse, des origines mêmes de la Confédération. Au XIXe siècle, les travaux se sont focalisés autour des problèmes des relations politiques de ces ligues avec le Reich et de leurs implications juridiques : un droit « autonome » ou distinct du droit impérial a-t-il vu le jour au sein des ligues ? Inscrite dans l’idéologie de la nation allemande, l’idée d’une publication systématique des sources concernant les ligues urbaines revient à l'Historische Kommission bei der Königliche Bayerischen Akademie der Wissenschaften qui, dans sa séance plénière de 1859, décida l’édition de tous les documents des réunions de la Hanse (Hanserecesse et Hansetage), et, implicitement plus tard, des autres c’est-à-dire des villes « méridionales ». Parallèlement, et la relation est évidente, l'Historische Kommission prenait le relais de la publication dite Aktensammlung des Bundes, commencée à Göttingen par Georg Waitz et poursuivie par Julius Weizsäcker5. Cette collation d’actes choisis en raison de leur rapport avec le Reich (Deutsche Reichsakten) constitue un réservoir quasi inépuisable pour l’étude de la construction impériale. Il ne s’agit cependant pas de fonds d’archives, au sens archivistique français du terme, produits et conservés dans le cadre d’une institution. La seconde partie de l’entreprise éditoriale des sources concernant les ligues n’a pu être initiée qu’à l’occasion du centenaire de la Historische Kommission en 1958 et menée à bien par l’édition exemplaire de Konrad Ruser6.

    7Sans attendre cette publication systématique, les historiens s’étaient préoccupés des ligues, essentiellement dans la perspective de l’histoire politique du Reich en construction (les ligues, pierres angulaires de l’État par les paix royales ou Landfrieden) et l’histoire régionale7 (histoire du rôle décisif des villes dans les ligues par rapport aux autres forces royale et princières). L’étude des ligues suisses8 a été récemment renouvelée mais reste cependant dans une perspective nationale identitaire. Deux grands courants historiographiques ont marqué, et marquent encore, l’étude des ligues urbaines. Le premier, animé par Evamaria Engel et Johannes Schildhauer9, propose de voir dans les ligues un instrument de la bourgeoisie urbaine s’imposant aux forces « féodales ». Le second, avec le travail de Gerhard Pfeiffer10, insiste sur le caractère juridique des ligues qui déterminent un espace de paix pour la communauté des bourgeois et/ou font évoluer le statut des bourgeois. Mais le cadre politique du Reich, évanescent surtout après la disparition des Staufen, reste le fil conducteur majeur des enquêtes : les ligues (et les villes11) ont-elles permis au Reich de perdurer ? Lui ont-elles insufflé de nouvelles procédures, ont-elles fait évoluer le droit impérial ? Ne seraient-elles pas l’origine même de l’État (Staat) ?

    8L’historiographie reflète l’importance accordée aux précurseurs dans l’espace germanique, à savoir les villes de la future Hanse avec l’alliance de Hambourg et Lubeck en 1230. La chronologie place ensuite Berne et les villes bourguignonnes en 1243. La vallée rhénane prend le relais avec la plus grande ligue connue de 125412. La comparaison géographique entre ligues, leurs liens éventuels ou leur influence mutuelle, a d’abord porté sur les deux parties du Reich : l’Italie lombarde13 et l’Allemagne. Les villes italiennes, en continuum avec les cités antiques, riches et plus précocement autonomes, ne s’inscrivaient déjà plus dans le cadre de la féodalité14 quand les villes allemandes, et celles de l’Oberrhein en particulier, commençaient à peine à se dégager des tutelles multiples qui les habitaient. L’articulation entre monographies et ligues urbaines constitue donc un chantier ouvert dans lequel s’inscrit la présente enquête et la comparaison avec d’autres régions permettra de voir l’originalité du processus dans l’Oberrhein. L’hypothèse de départ est que le fonctionnement des villes en réseau aurait suppléé ou retardé la territorialisation au profit d’un prince15 ou d’un souverain.

    Réseaux, alliances, ligues : problèmes de terminologie

    9On aura remarqué dans cette rapide évocation historiographique plusieurs termes et concepts qui méritent d’être mieux définis pour mener à bien l’analyse de la dynamique conjointe des villes. On doit aux historiens du droit d’avoir établi définitions et classifications. Ils entendent par Landfrieden, une paix organisée par le souverain et par Einung16 le regroupement de forces politiques diverses, amenées à se discipliner, sous serment, dans le cadre géographique et politique déterminé au départ pour un temps limité (selon le principe de réalité !). Des villes peuvent aussi faire partie des Landfrieden (même si la volonté pacificatrice se tournait à l’origine vers les trublions dans les campagnes) et, comme les autres membres de la Paix, bénéficier de sa protection juridique et militaire17. Les termes de Bündnis ou Bund recoupent les alliances sous serment (conjuratio18) ou non sur la base d’un contrat entre partenaires poursuivant un ou plusieurs objectifs communs19 : ce peut être aussi la paix mais tout aussi fréquemment la défense des intérêts concrets (économiques par exemple). Ces différences juridiques demeurent toutefois bien théoriques car la pratique terminologique des historiens, à l’instar des alliances, varie ou reste intentionnellement générale. Konrad Ruser, par exemple, en éditant les actes des Städtebünde a aussi retenu les Landfrieden.

    10L’historiographie élargit donc le concept de ligues en englobant la pratique de celles qui ne se situent pas dans le cadre, relativement abstrait, du Reich, donc des Landfrieden impulsées par l’autorité souveraine. Elle reflète également la fluidité des termes utilisés dans les actes eux-mêmes. Henri (VII)20, dans son interdiction des ligues urbaines (communiones civium) donne toute une série de termes synonymes : constitutiones, colligationes seu conjurationes, en ajoutant « et les autres quelle que soit leur appellation »21. Les contemporains usaient en effet d’un vocabulaire relativement restreint ou stéréotypé, surtout si la langue utilisée était le latin, et nos subtilités terminologiques n’avaient pas cours. Le terme de Landfrieden, par exemple, pouvait être utilisé par les villes pour évoquer une alliance comme un terme générique : dans un premier temps, son but était d’instaurer et de garantir la paix (comme les Landfrieden) puis, progressivement, à partir du XIVe siècle, ces Landfrieden furent utilisées comme instrument juridique de gouvernement dans tous les domaines. Dans le corpus comparé des actes produits par les différentes régions, les termes de Landfrieden, Bündnisse ou Einungen constituent le patrimoine terminologique commun. Plus riche semble être celui des villes de l’Oberrhein, dans lequel on trouve également toute une terminologie latine : pax, societas, foedus, confederatio, conventio, conjuratio, amicitia. Vocabulaire stéréotypé de chancelleries disposant d’un stock de termes standards ? Ou plutôt, et ceci sera confirmé par la suite, l’utilisation de ces termes latins (dans des actes exprimés le plus souvent en moyen haut allemand) trahit deux influences : celle des villes italiennes dont les chancelleries utilisent ces mêmes expressions et, de façon plus générale, celle des premières conventions de paix entre villes que les spécialistes situent aux XIe et XIIe siècles dans les pays entre Rhin et Seine, le sud de la France et bien sûr l’Italie. Cette hypothèse, si elle pouvait être validée, situerait les villes de l’Oberrhein dans leurs pratiques d’alliance parmi les premières, les italiennes, mieux connues et plus prestigieuses. En l’absence d’une abondante documentation écrite, l’enjeu de la terminologie se révèle essentiel.

    11Par delà leur désignation formant une sorte d’écran, il s’agit de mieux comprendre les constructions politiques que ces alliances reflètent. Les relations interurbaines, en effet, s’inscrivent dans des modes d’organisation politique complexe qu’il convient d’évoquer pour mieux situer les villes de l’Oberrhein dans leur éventuelle originalité. Au Moyen Âge, on le sait, ces relations, à l’intérieur des villes ou entre villes, intégraient tous ensemble l’espace privé, dans lequel primaient les relations individuelles, et l’espace public, où se nouaient les relations conflictuelles ou diplomatiques rendues possibles par l’exercice des droits régaliens exercés par les villes impériales. Cette implication de droit privé et de droit public situe bien le processus entre la construction juridique préexistante dans le cadre de l’empire et une nouvelle construction qui provoque tantôt la réaction violente tantôt le soutien des détenteurs de l’autorité, souverain ou princes. C’est dire l’importance de ces dynamiques relationnelles dans la genèse de la conscience puis de l’organisation urbaine. Karl Siegfried Bader avait déjà posé la question de la « troisième force » que pouvaient constituer les villes d’Empire en l’absence de souverain effectif.

    12Toute alliance formelle de villes ou pratique en réseau, doit donc être envisagée dans un espace politique assez vaste. Si elle se situe dans l’orbite d’un pouvoir (Herrschaft) qui l’organise, elle participe alors au phénomène de territorialisation. Si, en revanche, elle occupe un espace politique en vacance de pouvoir souverain ou princier, elle tient lieu alors de force politique organisatrice.

    13Dans des pays administrativement organisés et politiquement centralisés comme le Royaume de France, le modèle des relations est celui de la hiérarchie urbaine : les bonnes villes directement liées au roi et les autres22. En Italie, les villes se classent également les unes par rapport aux autres dans un rapport hiérarchique lié à leur importance démographique et leurs facultés contributives. Dans les Marches où le cardinal Albornoz voulait établir une fiscalité urbaine rigoureuse, il fit dresser une liste répertoriant les villes selon leur taille23. Ces phénomènes de relations hiérarchisées entre villes ont été étudiés dans la perspective géographique par Walter Christaller24 dont la théorie de la centralité a fait florès chez les historiens25. Christaller a intégré à un schéma global tous les organismes urbains d’une région, les grands et les petits, si nombreux en Allemagne, permettant de mesurer l’influence d’un lieu central sur son arrière-pays (Hinterland), puisque la ville offre services et produits dépassant ses propres besoins et répond alors à ceux de sa zone d’influence (Umland). Son terrain d’enquête se trouvait en Franconie avec une série de points de centralité (villes, marchés) entourés de lieux satellites, secondaires ou intermédiaires, hiérarchisés selon la densité des fonctions et formant des cercles concentriques de 21 à 36 kilomètres. Ces fonctions de centralité qui dépassaient les besoins des seuls citadins et créaient une texture relationnelle aux alentours, ont permis à l’auteur de dégager un « faisceau de données qui sont entre elles en interaction systémique et dynamique »26. Il s’agit d’une modélisation géométrique de l’espace qui ne tient compte ni du substrat physique (reliefs ou fleuves) ni... de l’histoire.

    14Cette grille d’analyse se révèle pourtant pertinente à l’intérieur d’un relativement vaste espace aux relations diversifiées et organisées par une dynamique urbaine centrale (un pouvoir ?) par rapport à un arrière pays plus ou moins étendu, sans autre ville proche27. Dans les années 1980, en pleine période de faveur pour cette lecture de l’espace politique et économique, la théorie de la centralité a fortement influencé les travaux de Wolfgang Leiser et Rolf Kiessling28. Les métropoles à l’échelle de Nuremberg et d’Augsbourg, conditionnaient effectivement, dès le XIVe siècle, toute l’organisation d’un vaste territoire dominant l’économie de l’Allemagne du sud29. Est-ce le cas de l’Oberrhein étudié ? Le tissu urbain se révèle autrement plus dense, sans véritable métropole entre Strasbourg et Bâle, Colmar pouvant être tenue pour une petite ville. L’Oberrhein n’offre pas, à première analyse, le même schéma de structure interurbaine et semble faire exception. Aucune des deux villes principales, en effet, les cités épiscopales de Strasbourg et de Bâle, n’a réalisé une emprise politique et économique de type « métropolistique » qui leur permettraient d’assurer la fonction de centres et acteurs principaux de l’Oberrhein. Sans maîtrise territoriale durable et pouvoir unique structurant, aucune des deux villes n’a pu « phagocyter » l’Oberrhein, pas même Strasbourg, dont l’économie et le poids politique dans l’Empire a indéniablement joué un rôle essentiel. Les petites villes, se serrant les unes contre les autres, s’inséraient, comme nous l’avons vu, au cœur de terroirs viticoles, suscitant une activité « exceptionnelle » dans le monde ordinaire des campagnes comme l’a démontré à plusieurs reprises Werner Rösener30.

    15Les géographes, en quête de modélisation, proposent d’autres modes d’organisation de l’espace dont celui de réseau31. À la différence d’un semis urbain déjà évoqué dans la présentation des villes, constitué de localités qui se situent un même plan d’importance (ou encore d’implantation non différenciée d’éléments semblables) dans un espace géographique homogène, le réseau, en revanche, implique une hiérarchie de villes les unes par rapport aux autres dans un espace géographique hétérogène. L’historiographie française n’offre que peu d’exemples d’études de réseaux32, au profit de villes-capitales dans un système de type centralité33. Les petites villes sont pourtant, selon Jean-Pierre Poussou, « la base de la pyramide urbaine indispensable au fonctionnement des réseaux urbains »34. Le fonctionnement en réseau suppose le repérage de « nodosités territoriales » où se concentraient les pouvoirs et par rapport auxquels s’articulaient les hiérarchies urbaines35. La question se pose alors pour l’Oberrhein de savoir si ces cités, dotées de droits régaliens et placées en interlocuteurs directs du roi, ont joué ce rôle de « nodosités » territoriales et si le fonctionnement de toutes ces petites villes était celui d’un réseau.

    Sources et problématique

    16Le matériel documentaire disponible, on le sait, offre une certaine indigence pour diverses raisons. La conservation des archives, tout d’abord, relève de l’aléatoire36 et d’autre part, les actes ne se trouvent pas classés ensemble car leur finalité concerne des secteurs différents de l’activité urbaine. Ils se trouvent tantôt dans la correspondance (active ou passive), tantôt dans les relations de politique étrangère défensive ou offensive, ou encore dans les dossiers juridiques ou économiques. Les textes survivants, dispersés dans la production archivistique des villes, demeurent difficiles à repérer et susceptibles de rester ignorés37. Enfin, ces archives, si elles sont perdues ou mal classées, ont pu aussi ne jamais avoir été produites et donc, ne jamais avoir existé. Comme nous le verrons, la mise par écrit d’une alliance intervient bien après sa conclusion effective et verbale et les étapes d’accords antérieures au document conservé échappent à l’historien. Compte tenu de la dispersion de sources rares et pour repérer toutes les relations entre ces petites villes, le parti a été pris de retenir le plus grand nombre d’actes, alliances explicites ou non. Le travail de Konrad Ruser a servi de base de départ, enrichi par les actes non publiés et conservés dans les Archives Municipales qu’il n’a pas collationnés. Le corpus d’actes constitué traduit une grande vitalité relationnelle entre les villes, au coup par coup, sous forme de questions-réponses précises, et à l’origine de règlements, sinon communs, du moins compatibles entre villes. Deux cents actes environ émanant en grande partie des villes impériales constituent le corpus utilisé. La documentation pour les villes seigneuriales ou princières de la région étudiée n’existe pratiquement pas avant le XIVe siècle38.

    17La nécessité de l’écrit n’apparaît, dans l’Oberrhein, et encore de façon relative, que dans la seconde moitié du XIIIe siècle. La pratique de l’oralité perdurait avec celle de l’écriture. Cette hésitation entre écrit et oral explique pour une part la polysémie des termes, hésitant à stigmatiser des pratiques vivantes orales de confiance, d’amitié ou d’intérêts par un vocabulaire de chancellerie mal adapté, fossilisé parce qu’écrit. L’alternative existait-elle ? À ce dossier de l’introduction des actes écrits dans les relations, il faut verser un autre élément. Cette typologie fluctuante des alliances s’inscrit dans un contexte politique qui interdit et pourchasse certaines formes d’alliances. Depuis l’assemblée de Worms en 1231, les ligues étaient interdites39 : communiones, constitutiones, colligationes, confederationes vel conjurationes aliquas. On retrouve ici, par la terminologie, le problème historiographique essentiel du contexte juridique de l’Empire. Il n’y aura donc pas lieu de s’étonner du parallélisme entre l’évolution des types de relations entre les villes avec leurs conséquences identitaires et l’évolution du pouvoir royal/impérial.

    18Entre 1250 et 1350 le processus relationnel entre les cités de l’Oberrhein semble avoir connus, trois phases correspondant aux rythmes politiques de l’Allemagne et à leurs difficultés intérieures : la période d’Interim (1250-1273), puis celle du retour du roi (1273-premier tiers du XIVe siècle), enfin la reprise en main du pouvoir impérial sur fond de conflits minant la solidarité citadine.

    Réseaux urbains et Intérim royal

    19Pendant la vacance du pouvoir royal (1250-1273), ces petites villes impériales ont assuré la continuité et suppléé à l’absence royale. Les agents des Staufen avaient cessé leurs activités officielles mais la vie citadine exigeait des réponses à de multiples problèmes posés au quotidien. L’exercice de certains droits régaliens continua à être assuré. Traversées par les marchands ou les ecclésiastiques, participant à la même exportation de vin ou de céréales, élaborant au coup par coup des textes de références, les villes établirent entre elles des relations concrètes et souvent personnelles et, dans un premier temps, échangèrent dans le cadre de réseaux informels au sens moderne du terme.

    Alliances et identités urbaines

    20Le retour d’un roi après 1273 et la réactivation de son administration par la présence d’un bailli (Landvogt), alors que les villes avaient organisé leur relative autonomie, stimula en réalité le travail préparatoire des statuts. La souveraineté royale, encore fragile sous Rodolphe de Habsbourg, se montrait favorable aux villes, considérées comme des relais du pouvoir et surtout une réserve de richesses. Cette attitude leur permit de faire valider (confirmer) leurs textes « fondateurs ». Constituées en véritables corps urbains, les villes ont fait évoluer ces réseaux de relations en de véritables alliances formalisées dans le cadre de la politique impériale des Landfrieden. Ces alliances solennellement conclues sous serment intégraient souvent l’agent du roi et ses droits, d’autres partenaires princiers éventuellement, tout en préservant cependant les prérogatives urbaines. Cette affirmation de l’autorité urbaine se trouva facilitée par la relative distance d’une royauté en guerre et en construction40. Une organisation lisible des alliances leur conférait, à elles aussi, une personnalité juridique et politique. Construction des alliances et constructions des identités urbaines vont de pair pendant cette période déterminante depuis la restauration du pouvoir royal jusqu’à la disparition d’Henri VII.

    Ligues, pouvoir impérial et Décapole

    21Ces alliances enfin, utilisées par le pouvoir royal dans un contexte de concurrence et de pression territoriale, ont évolué en ligues dont la plus célèbre reste la Décapole. La longue rivalité de Louis de Bavière et Frédéric le Beau introduit une situation de concurrence dont tous les acteurs politiques tentent de tirer profit. Même si les villes apprirent à se distancier de ces luttes coûteuses, elles ne purent résister à une véritable instrumentalisation des souverains à leur profit, et donc au détriment du fonctionnement inter-urbain. À partir des années 1330, la territorialisation des Habsbourg, héritiers des Ferrette, se précisa, ainsi que celle des Horbourg-Wurtemberg, exerçant de fortes pressions sur les villes qu’ils entendaient englober dans leur espace de pouvoir. Minées également par des conflits intérieurs, les villes renouvelèrent leur gouvernement et adoptèrent une deuxième génération de statuts. Entités liliputiennes mais encore relativement autonomes, les villes de la seconde moitié du XIVe siècle ne fonctionnaient plus par le jeu des alliances mais dans le cadre de ligues, instruments du pouvoir. La Décapole, érigée par l’historiographie alsacienne en symbole de la liberté farouche des villes, apparaît au contraire, du moins en ses débuts, comme un outil de gouvernement visant à tenir ces forces urbaines en la main du roi et comme une source de revenus inestimable.

    22Cette évolution des réseaux de villes en alliances puis en ligues, entre 1250 et 1354, comporte des enjeux tout à fait essentiels pour les villes de l’Oberrhein.

    Réseaux urbains et intérim royal (1250-1273)

    23Entre 1250, époque de la disparition des Staufen, et 1273, le début officiel mais non effectif du règne de Rodolphe de Habsbourg, soit deux bonnes décennies, l’Empire connaît une période que les historiens ont longtemps qualifiée d’interrègne. L’expression d’intérim est actuellement préférée dans la mesure où le paysage politique, loin d’être vide, est occupé par plusieurs souverains concurrents. De façon emblématique, la pierre tombale de l’archevêque de Mayence, mort en 1249, exprime la situation politique de façon saisissante : le prélat, occupant l’essentiel de l’espace, tient sous ses mains bénissantes, dans une attitude presque condescendante, deux petits personnages couronnés, Henri Raspe et Guillaume de Hollande, les « anti-rois ».

    24La disparition des Staufen en 1250 constitue pour l'Oberrhein comme pour la Souabe une césure politique essentielle : ces territoires perdaient avec Frédéric II et l’éphémère Conrad IV, tout à la fois un souverain et un duc. Les agents royaux et ducaux liés personnellement à leurs maîtres disparaissaient aussi. Mais alors qu’auparavant le renouvellement se faisait à chaque nouveau souverain, en 1250, la continuité fut assurée de fait par les détenteurs de droits en situation de pouvoir. Les villes impériales prirent donc le relais, non pas séparément comme les villes seigneuriales avec leurs princes (Ribeauvillé en la main des Ribeaupierre, Guebwiller dans celle de l’abbé de Murbach ou Rouffach dans celle de l’évêque de Strasbourg) mais solidairement, formant un tissu relationnel nouveau dans la mesure où il ne s’inscrivait plus dans un système de relation avec le pouvoir royal.

    25Au cours de cette période, une autre étape politique déjà évoquée contribua à renforcer cette situation de vacance d’un pouvoir effectif. L’éviction en 1262 de l’évêque de Strasbourg par sa ville marqua la montée en puissance de cette cité, le relâchement d’une main-mise épiscopale toujours possible sur l’Oberrhein et, du coup, l’entrée en scène, encore discrète, d’un homme fort, Rodolphe de Habsbourg. L’activité fébrile d’alliances qui rassembla les villes alliées autour de Strasbourg contre son évêque, du 18 septembre 1261 au 14 février 1263, se manifeste par le chiffre exceptionnel de huit actes conservés41, petit reliquat d’un plus grand nombre fabriqué. Cette défaite épiscopale a représenté, on le sait, une victoire de la solidarité des villes. Une expérience essentielle de mise à l’épreuve de la solidarité entre les villes s’est jouée pendant cette période de mise en commun de leurs moyens, ici, militaires et diplomatiques.

    26Il revient donc aux villes d’assurer le continuum politique parce qu’elles ont besoin du continuum économique. Or le contexte juridique du droit impérial interdit formellement toute ligue urbaine à l’instar des villes italiennes dressées contre le pouvoir des Staufen. La période étudiée est jalonnée par deux textes majeurs à cet égard. Au début de l’enquête, la sentence du roi Henri (VII) à la diète de Würzburg le 27 novembre 1226 interdit les Bündnisse et les serments entre certaines villes rhénanes42. Pour conclure la période, un siècle plus tard, la Bulle d’Or de 1356, dans son chapitre 15 De conspiracionibus, réitère l’interdiction générale. La répétition de ces textes traduit bien leur relative inefficacité. Les villes en effet n’ont cessé, sous des formes toujours nouvelles, d’assurer par un travail commun leur identité individuelle et collective. Peut-on, dans l’Oberrhein, parler d’un contre-pouvoir ?

    27Pour suivre précisément cette dynamique entre 1250 et 1273, il faudra tout d’abord observer l’existence des réseaux urbains ou des villes en réseau : comment leur origine, leur aire de diffusion et leurs acteurs traduisent ils une cohérence politique effective ? Ensuite, la question du pourquoi ? Les raisons de leur nécessaire mise en place apparaîtront dans l’étude des motivations des villes impliquées. Les réseaux, enfin, se révéleront comme un creuset de la pensée et de l’action politique urbaine, une véritable pédagogie permettant de construire leur identité par la préparation de textes de référence.

    Les réseaux, expression d’une cohérence

    28Les premières traces documentaires des relations entre villes les situent dès le début du XIIIe siècle. De 1227 à 1273, 31 traités ont été conservés et une bonne trentaine d’actes donnent des informations indirectes sur l’existence d’accords et d’ententes. Il faut admettre en outre, pour cette première phase d’interaction urbaine, l’existence de nombreux accords et « amitiés » conclus oralement sans trace écrite mais auxquels les partenaires font allusion. En novembre 122743, les bourgeois de Strasbourg et ceux de Spire renouvelèrent leur amitié et leur entente vis-à-vis des dettes de leurs ressortissants, « au nom de leur vieille alliance », laquelle alliance est perdue mais a été conclue nécessairement bien avant 1227. S’il s’était agi d’une alliance récente ou renouvelée chaque année, l’acte l’aurait précisé. Indirecte également cette allusion, dans un acte de 1250, aux alliés (conjurati) de la ville de Brisach. La communauté des bourgeois y reconnaît son allégeance à l’Église de Bâle alors que ses alliés se rallient à un autre maître que l’empereur qui tient en fief la ville. Dans les difficiles dernières années des Staufen, plusieurs accords ont laissé des traces. Contre Guillaume de Hollande, un sursaut politique de villes impériales se manifesta en 1249 par la conclusion d’une alliance44. Y apparaissent explicitement les villes de Colmar, Haguenau, Sélestat, Kaysersberg, Mulhouse, Brisach, Neuenburg, Rheinfelden, Schaffhouse, Zurich, Soleure et Berne. Ces mêmes villes participeront à la grande ligue rhénane de 1254, date à partir de laquelle les documents se multiplient ou ont été mieux conservés.

    29L’évocation de ces actes, apparus même avant la fin des Staufen, soulève la question de leur diffusion géographique, des différents acteurs régulièrement en contact, de leur inscription dans le temps, bref, la mise en place d’une organisation de travail en réseau. Les repères dans l’espace que donnent les actes varient selon les circonstances et la chronologie. On peut cependant observer que les villes de l’Oberrhein ne participaient qu’assez exceptionnellement à des alliances très vastes comme celle de 1254, rassemblant les villes de Worms à Berne. Elles préféraient s’unir tantôt avec les cités de la future Suisse, tantôt avec les cités rhénanes en aval de Strasbourg. Mais leur aire géographique d’attirance correspond plutôt à une région de proximité à pied ou à cheval. Les distances à portée de voyages quotidiens correspondent aux secteurs d’habitat et d’activités précédemment évoqués dans ce travail. Une investigation de type Lebensraum rend parfaitement compte de cet espace particulier dans lequel se nouaient ces relations intenses entre villes. Dans une analyse sur l’espace de vie que déterminaient les routes et chemins, Dietrich Denecke évoque le système urbain spécifique (Städtesystem) engendré par ces espaces cohérents45. De Strasbourg à Mulhouse ou de Rouffach à Fribourg, l’aller et retour pouvait être l’affaire d’une journée. En témoignent les actes. La conclusion des paix, par exemple, suppose, pour être efficace, que l’espace dans lequel s’appliquent les dispositifs de pacification soit précisé. Jusqu’au XIIe siècle, la liste des participants à la paix suffisait à déterminer l’aire concernée puisque à chaque partenaire correspondait un territoire connu des contemporains et la somme des aires dominées correspondait à l’espace de paix conclue entre les maîtres. On évoque donc la pax alsatiensis46 ou plus souvent la pax alemannica47. Quand les villes apparurent comme corps politiques à l’instar des autres partenaires dans ces alliances hétérogènes (roi, princes, villes), la définition géographique de leurs aires d’application devait être repensée. Dans les actes noués alors entre Strasbourg et ses alliés, villes et princes, l’espace « ami » se trouvait précisé dans la direction sud-nord « entre Bâle et la Forêt Sainte (Haguenau) et entre les montagnes »48. Pour la ville de Fribourg, la première mention d’un espace de sécurité pour ses marchands ne tient compte que d’une seule direction : « jusqu’au milieu du Rhin »49. Etonnante précision géographique si l’on se souvient que le Rhin constituait une zone de divagations, d’îles et de marécages ! Le caractère symbolique jouait un rôle évident50. De façon encore floue, apparaît donc un périmètre de paix et un territoire d’action à l’intérieur duquel les partenaires de ces réseaux urbains pouvaient se sentir en sécurité.

    30Cette cohérence géographique des relations urbaines observées dans l’Oberrhein correspond aussi à une conscience plus ou moins précise de cet espace par les contemporains, conscience entretenue par les Staufen. Le terme de conprovinciales apparaît dans quelques Landfrieden où se trouvaient associés les Souabes. La survie, bien après 1250, de cette perception d’une entité territoriale se comprend par les constructions de châteaux ou d’églises, de couvents et de villes, de circulation intense des personnes et des biens. La langue et le vignoble garantissaient également cette cohérence, comme nous l’avons vu. On pourrait alors appliquer à l’Oberrhein un des cinq modèles de structuration de l’espace proposés par Franz Irsigler, « un ensemble complexe de critères également répartis dans un espace aux limites floues »51. Il ne s’agit pas seulement d’un espace de vie quotidienne mais aussi d’un espace de structuration politique, en l’absence de pouvoir royal ou princier. Les villes en sont tout à la fois les agents et le produit.

    31Quelles villes furent donc les acteurs de cette dynamique politique fonctionnant en réseau ? On ne s’étonnera pas que les villes impériales figurent en bonne place comme partenaires d’alliances hétérogènes ou comme promoteurs d’accords entre villes uniquement. Que Strasbourg, Colmar, Fribourg, Bâle apparaissent le plus souvent, non plus. Mais toutes les villes impériales ne participaient pas systématiquement et surtout, d’autres villes s’inséraient dans ces ententes. Il semble que ce fonctionnement corresponde bien plus à celui de villes en réseau privilégiant l’organisation d’un espace qu’à celui d’une hiérarchisation stricte comme le veut la définition géographique du réseau de villes. Les villes impériales, et les moins petites d’entre elles surtout, représentaient les « nodosités territoriales » de l’Oberrhein, animant des réseaux dont le nombre de partenaires fluctuait selon les circonstances.

    32La dynamique spécifique de ces villes impériales se trouvait renforcée par le rôle privilégié que leur conférait le souverain. Vivant « du sien » et exerçant de façon itinérante ses fonctions judiciaires et administratives, celui-ci résidait successivement dans « ses » villes. Sa chancellerie de campagne y scellait les actes qui lui étaient soumis, accordait des privilèges préparés par les bénéficiaires ou réglait des conflits. On sait que l’Oberrhein, avec son vin et ses forêts giboyeuses, exerça un grand attrait sur les souverains successifs, surtout les Staufen. Les actes cancellés dans les différentes villes rassemblent donc des mentions de plusieurs destinataires bénéficiant des mêmes dispositions ou privilèges, les habituant à être traités ensemble. Des documents émis à Colmar pouvaient concerner Strasbourg ou Haguenau. En 1219, Frédéric II fit fabriquer un acte, sans doute préparé par l’abbaye de Pairis, intimant l’ordre à ses Schultheiβ de Brisach, Colmar et Sélestat de veiller aux intérêts de ladite abbaye52. Les villes n’avaient pas, dans ces occasions, l’initiative d’agir ensemble mais il est certain que les mêmes actes préparés et expédiés à des villes dont les représentants se connaissaient, contribuaient à les lier. D’autre part, là où le souverain exerçait son office, se retrouvaient tous ceux qui avaient besoin de le solliciter. Les représentants des villes impériales, en faisant antichambre pour leurs affaires, se rencontraient donc et pouvaient en profiter pour échanger des nouvelles et lier leurs intérêts communs. Même si leur ville n’était pas destinataire d’un acte, ils pouvaient figurer parmi les témoins, donc avoir pleine connaissance de la teneur du document.

    33La participation d’autres villes que les cités impériales peut apparaître plus spécifique du fonctionnement en réseau aux relations non hiérarchisées mais égalitaires. En effet, la dynamique commune ne vient pas d’un pouvoir extérieur, ici le souverain, mais de la volonté ou de la nécessité de réunir toutes les forces urbaines dans un espace cohérent. Sans inclure Colmar, en novembre 1291, Brisach, Kaysersberg et Sélestat prêtèrent serment de se soutenir mutuellement jusqu’en décembre 1296. De tels actes, formalisés par le serment, restent cependant rares. En revanche, les indices indirects de relations plus informelles, non écrites, témoignent par leur nombre et la variété de leurs sujets d’un fonctionnement en réseau quotidien, pratique et surtout amical. L’amicitia demeurait le meilleur garant contre le danger de la traîtrise et du désordre. Les formules des actes demeurent explicites et ne semblent pas relever de simples pratiques de chancellerie : « à nos chers et fidèles amis » ou « pour notre service mutuel et amical »53. Les demandes d’aide ou de conseil étaient toujours suivies d’effet, les références à d’anciennes relations activaient les sollicitations mutuelles et les allusions, si difficiles à interpréter par les historiens, relevaient de connivences évidentes entre villes. Au nom d’une antique alliance (non conservée), Strasbourg et Spire restaurèrent leur amitié54 en 1227. Dans les années critiques pour Strasbourg, en 1261, la ville entretint avec Colmar des liens chaleureux : « nous (les Colmariens) faisant un pacte de connivence et ferme amitié avec les bourgeois de Strasbourg, nos chers et amis particuliers »55. Les termes utilisés marquent d’ailleurs la distance prise par rapport au pouvoir royal puisque les actes urbains retiennent précisément ceux que visaient les interdictions : conspiratio, fedus. On accordera une attention particulière à l’expression specialibus amicis alors que celle de dilectis amicis représente une formule plus stéréotypée.

    34Il semble que l’existence de relations fortes et structurantes pour les villes, avant les alliances assermentées et formalisées du XIVe siècle, constitue sans doute une particularité de l’Oberrhein. Les études portant sur les ligues de villes, tant rhénanes que suisses, ne mentionnent pas de relations préexistantes comparables. La terminologie avait déjà permis d’émettre l’hypothèse d’une grande précocité de la dynamique du tissu urbain. Ces anciennes relations se caractérisent, en outre, par leur nature informelle, amicale et confiante, préfigurant des liens institutionnels. L’aire géographique des relations entre villes, la fréquence et l’amitié qui les caractérisaient, leur fonctionnement en réseau animé souvent par les points forts que représentaient les villes impériales, amènent à se poser à présent la question de l’existence de ces pactes.

    But et nature des réseaux

    35Deux verbes d’action expriment inlassablement, dans les actes conservés, le but d’un accord entre villes : elles se liaient pour s’aider (helfen) et se conseiller (raten). Ces indications à la fois précises et vagues permettent de penser que la solidarité entre villes était polymorphe et que, s’il s’agissait bien d’une attitude amicale générale, elle n’excluait pas une intervention ponctuelle. Cette union, qui faisait la force et le réseau, s’inscrivait dans un contexte dans lequel les motifs de le faire ne manquaient pas. L’étude des actes conservés permet de dégager deux raisons essentielles pour lesquelles les villes mirent en place, au coup par coup mais régulièrement, avec les mêmes partenaires devenant amis, des relations que l’on peut qualifier de relation en réseau. Conclues dans la période sans maître protecteur après la disparition des Staufen, les alliances répondaient à une première nécessité, sécuritaire et défensive. Cette période, correspondant aussi à un temps de développement des échanges économiques et une grande animation commerciale, poussait aux alliances pour une seconde nécessité, la protection d’intérêts communs dans une zone sécurisée. Paix et commerce ont toujours été inséparables.

    36En l’absence de souverain reconnu et en présence de concurrents au trône, la situation politique dans l’Empire et donc dans l’Oberrhein restait tributaire des grands et petits conflits de clientèles. Ces luttes politiques se trouvaient alimentées par le conflit séculaire entre la papauté et l’Empire, par partisans locaux interposés. Dès 1245, de violentes opérations militaires enflammèrent toute la région avec un acteur principal, l’évêque de Strasbourg et derrière lui une bonne partie de la noblesse, et un enjeu essentiel pour les villes royales, la nomination du bailli responsable des possessions royales en Alsace et donc des villes. La lutte se jouait à l’intérieur des villes, la noblesse favorable au candidat de l’évêque, contre les roturiers partisans de la plus grande indépendance. Colmar et son Schultheiβ, par exemple, fidèle aux Staufen et donc au fils de Frédéric II, Conrad IV56, puis aux Habsbourg, durent affronter les partisans de l’évêque surtout après que le bouillonnant Walter de Geroldseck eut succédé sur le siège épiscopal à Henri de Stahleck, l’homme sorti victorieux de la lutte entre la Papauté et l’Empire57. Luttes intérieures et luttes extérieures constituaient les dangers majeurs activant la nécessité des alliances entre villes. La ville de Rouffach, en la main de l’évêque de Strasbourg, devint une ennemie acharnée et l’incendie de l’église Saint-Pierre de Colmar fut le résultat de cette guerre. Pour prévenir les attaques ou pour simplement faire hésiter l’ennemi, les villes menacées se promettaient donc assistance en cas de danger58. Elles promettaient aussi de ne rien faire dans le sens de « l’ennemi » supposé commun aux regards de leur désir d’indépendance. C’est dire que, au moins le temps de l’accord qui pouvait varier d’un à dix ans, les villes alliées se devaient d’avoir les mêmes ennemis et les mêmes amis. Ces dispositions prises effectivement témoignent, en amont, d’une relative autonomie de fait de chaque partenaire en matière de politique extérieure et surtout, en aval, d’une confiance certaine dans l’assistance des alliés.

    37Dans le contexte risqué de l’époque, compte tenu du déploiement militaire des adversaires des villes, la réussite étonne donc. La capacité militaire des villes, celle des seuls bourgeois, restait à démontrer, même après la victoire exceptionnelle de Hausbergen en 1262. Ne pouvant s’exposer impunément les armes à la main, il est probable que les bourgeois ont déployé d’autres méthodes, grâce à leurs relations en réseau, pour négocier et éviter les conflits. Pour une période un peu plus tardive, Bruno Meyer observe le même type de stratégie des villes suisses qui se trouvaient, il faut le souligner, dans une situation de conflit ouvert avec la maison d’Autriche59.

    38Autre difficulté liée au contexte de l’époque : chaque ville pouvait avoir plusieurs maîtres et plusieurs villes a fortiori différents maîtres. Dans l’acte déjà cité de novembre 1250 par lequel Brisach reconnaît l’évêque de Bâle comme son seigneur60, la ville envisage le cas où ses alliées « se choisiraient un autre maître que l’empereur61 ». Brisach garderait alors sa fidélité à l’évêque. La relation entre les villes, surtout quand elle est jurée par serment (conjurate), l’emportait sur l’allégeance particulière de chacune. Poussons plus loin l’analyse. Le terme de dominus utilisé dans les actes ou les chroniques pourrait être compris comme celui qui garantissait la défense dans le cadre de contrats précis dits Schirmvertrag62. On retrouve alors la logique féodale du fort protégeant le faible. Les contrats de ce type intervenaient le plus souvent dans le cadre de grandes familles s’assurant par là une clientèle63. Parce que le terme de dominus figure dans la documentation, certains historiens comprennent que les villes participaient de ce système. C’est l’interprétation par exemple de Jörg Füchtner64 à partir de la chronique d’Ellenhard, où il est raconté comment les villes de Colmar, Kaysersberg et Mulhouse, prises par les partisans de Rodolphe de Habsbourg, se donnèrent à ce dominus pour longtemps65. Si l’hypothèse du Schirmvertrag se vérifiait, on pourrait alors comprendre que la nécessité militaire de défense n’est pas essentielle ou première dans les réseaux puisque les villes auraient les moyens de se faire défendre autrement. Et la construction politique et économique des réseaux, comme nous allons le voir, jouerait un rôle primordial.

    39La défense militaire contre les coups de main, les razzias ou les opérations punitives ne recouvrait pas, en effet, tout le champ de la sécurité des villes et le fait que la sûreté à assurer les armes à la main ne soit pas prioritaire vient d’être évoqué. La paix souhaitée était surtout celle de leur espace d’échanges, bien au-delà de la sécurité de leurs bans contre les agressions, même si les deux aspects restent liés. Cet espace, commun aux villes en réseau, offrait une grande stabilité quels que soient les actes : entswescen Basla unde dem heiligen vorste66 et la paix s’envisageait de façon très concrète. Le problème le plus fréquemment évoqué dans les ententes entre villes concerne, en effet, la capture plus ou moins justifiée de leurs marchands et les mesures à prendre pour leur libération ou contre les représailles. La sécurité juridique reste une préoccupation majeure. Il s’agit bien de lutter « contre la force injuste »67, souvent de nature économique.

    40Cette préoccupation de mise en défense d’un espace pousse à s’interroger plus avant sur l’enjeu en cause pour les villes formant réseau. Dans un contexte de développement des échanges, les intérêts des villes ou plus exactement de leurs bourgeois les poussaient à aménager leur zone d’échanges pour pouvoir y circuler en paix. Le développement des affaires urbaines imposait une sécurité durable. Les transactions, les créances ou les dettes, les cautions supposaient une circulation assurée des personnes et des biens. Les premières traces écrites concernent, et l’on ne peut s’en étonner, des problèmes ponctuels de marché, d’intérêts, de vols, de prises d’otages. Les précisions cependant font défaut qui permettraient de décortiquer la portée économique de ces échanges conçus dans le cadre d’un réseau urbain et non comme de simples transactions entre particuliers. La comparaison avec les villes italiennes, proches par leur influence, peut se révéler fructueuse pour comprendre le processus. Leur riche documentation permet d’établir que la première ligue lombarde, le 3 mai 1168, visait l’arrestation et la garde en otages de bourgeois de villes alliées à la place d’un ressortissant qui n’aurait pas payé ses dettes et se serait ainsi mis dans une situation illégale68. Il s’agissait là d’un moyen de s’assurer le recouvrement de dettes. Un double intérêt se dégage d’une telle pratique : la solidarité efficace des bourgeois d’une même ville vis-à-vis d’une créance à recouvrer et d’un des leurs à délivrer de sa situation d’otage, crée un lien social de confiance autorisant la prise de risque et d’autre part, la nécessaire situation de paix entre villes inscrit les procédures dans un temps long, nécessaire à leur développement. Les villes de la vallée rhénane et de l’Oberrhein connaissaient, sans aucun doute dès le début du XIIIe siècle, des problèmes juridiques et techniques semblables, comme l’attestent les archives de Spire69.

    41Cette solidarité liée à une aire d’intérêts communs, celle de la marchandise, apparaît nettement dans nombre d’actes. Des bourgeois de Strasbourg et de Bâle se prirent de querelle, avant 1275, pour des questions économiques non précisées. De toute évidence le réseau d’informations avait bien fonctionné, puisque les documents échangés à ce propos se contentent d’évoquer globalement l’affaire dont les partenaires connaissaient les tenants et les aboutissants (mais pas les historiens !). Les autorités urbaines décidèrent de mettre fin à ce conflit en imposant en janvier 1275 un apaisement « au moins jusque Pâques ». Le règlement technique de la question ne figure pas dans l’acte. En revanche, ce qui est mis par écrit, c’est l’absolue nécessité du maintien de l’amitié entre les deux villes, amitié mise en péril par un conflit entre bourgeois70.

    42La solidarité ne s’exerçait pas seulement dans la réparation de torts. Elle pouvait s’exprimer plus spontanément en cas de sinistre survenu dans une ville amie. On se souvient que dans la guerre contre Rouffach, c’est-à-dire la ville de l’évêque de Strasbourg, l’église Saint-Pierre avait fait les frais de la rage des belligérants et que, se trouvant tout contre la muraille, elle avait été incendiée. Quelques mois après le sinistre, en mai 1251, la ville de Colmar s’adressa à la générosité de ses villes habituellement alliées, dans son réseau d’amitié, pour obtenir une aide à la reconstruction. Le choix ( ?) des destinataires de l’appel au secours englobe les amies suisses : Rheinfelden, Soleure, Berne, Zurich et Schaffhouse avec les fidèles Haguenau, Sélestat, Kaysersberg, Neuenburg et Mulhouse71.

    43Même si la documentation des accords écrits se révèle indigente, les traces de l’activité économique observées par ailleurs plaident aussi suffisamment pour l’existence de ces réseaux entre villes où céréales, vin et argent circulaient. La solidarité s’exerçait dans tous les domaines.

    Les réseaux, creuset de la vie politique

    44L’analyse de l’origine, de la diffusion et de la nature des relations de villes en réseau permet d’observer un phénomène dans un premier temps comparable à d’autres régions. Dans l’Oberrhein cependant, l’enjeu se révèle autrement important puisque cette dynamique a été fondamentalement constitutive des villes. Celles-ci, en effet, au regard des textes, n’existaient pas au sens royal du terme, avant les décennies 50-70 du XIIIe siècle puis, coup sur coup, apparut ensuite toute une série de statuts attestant de leur organisation et de leur identité après la mise en culture et germination correspondant au temps des réseaux. Les relations en réseau ont contribué à la création des villes dans une logique inverse de ce que l’on peut observer dans d’autres régions, où les villes, constituées en corps urbains, s’organisèrent en réseau hiérarchisé. Que s’est-il passé et comment ?

    45Pour envisager cette question de la pédagogie politique des villes en réseau, plusieurs angles d’attaque vont être successivement abordés. La relation de confiance reflétée par la terminologie se trouve tout d’abord confrontée à la prestation du serment, à sa pratique épisodique ou systématique et aux problèmes juridiques posés en amont. La mise par écrit, ensuite, constitue une étape essentielle dans l’émergence des identités urbaines en phase les unes avec les autres. Quelles relations peut-on observer entre consuetudines et statuts ? L’apprentissage de la vie politique urbaine, enfin, passe par la mise en perspective de problèmes généraux et le rôle pédagogique de grandes alliances, mêmes éphémères, ne peut être passé sous silence. L’horizon des villes de l’Oberrhein, étendu à leur aire d’intérêts économiques, leur a permis de construire une cohérence politique fondée sur des entités urbaines identifiées et reconnues.

    46Dans l’Oberrhein, à la différence de la Lombardie, la prestation d’un serment n’accompagnait pas nécessairement la conclusion d’une paix ou d’un accord entre villes72. Le terme de conjuratio apparaît moins souvent que celui d'amicitia dans les actes de la période 1250-1273. La recherche de paix semble privilégier les relations de confiance et de fidélité jugées suffisamment solides entre les représentants des villes pour qu’il ne soit pas besoin de jurer. Ils tombaient d’accord : die sint uberreinkummen, wir uberein sin komen. La connaissance mutuelle de ces élites urbaines peu nombreuses représente une garantie culturelle, tout aussi solide que le serment pour les princes. Dès que ceux-ci, en effet, participaient à une paix, le serment était requis (geschwören) de tous. Quand, par exemple, il s’est révélé préférable de faire entrer les frères de Lichtenberg dans la grande ligue rhénane de 1254 plutôt que de les laisser dangereusement à l’extérieur, les villes adhérentes durent aussi prêter serment « de maintenir fidèlement la paix générale »73. La présence du roi entraînait aussi généralement le serment. En 1269, Richard de Cornouailles74 mit en demeure les bourgeois de Strasbourg de prêter serment dans les huit jours, en s’engageant à ne lever aucun péage, à ne percevoir ni droit de conduit ni imposition sur la consommation. L’engagement sous serment était exigé pour mettre tous les participants sur un pied d’égalité75. La sanction prévue, en cas d’indiscipline, était la même pour tous, l’exclusion de la paix76. La pratique systématique du serment ne s’est imposée, d’après le corpus documentaire, que dans la deuxième phase de développement, le temps des alliances, après le retour du roi. Dans ses statuts repris au XIVe siècle, la ville de Sélestat insiste sur le caractère régulier de ces actes garantis par le serment et l’obligation qu’elle se fait, de les honorer « sans tromperie ». Le deuxième titre de ces statuts traite de toutes ces « choses ou alliances que nous avons aussi promises et jurées tous les ans pour les renouveler et les lier par notre serment »77.

    47On connaît la méfiance de l’Église vis-à-vis de la conjuratio en général. Dans l’Oberrhein pourtant, où son implantation précoce et dense lui conférait un rôle de premier plan, l’Église ne semble pas avoir manifesté son opposition. Il est vrai que les prélats et les abbayes bien possessionnés participaient de l’aspiration urbaine à la paix78. Le serment prêté dans ce cadre poursuivait un but édifiant puisqu’il contribuait à construire la paix chrétienne, cette paix promise79, en marche idéologique depuis les Carolingiens (societas ad federa pacis confirmanda). Les justices des paix recherchaient d’ailleurs cet idéal de fraternité et d’entente, amicabilis compositio, amicabilis via. La documentation trop chiche de cette époque ne permet de saisir que l’engagement politique des prélats ou l’attitude pragmatique des établissements ecclésiastiques. Avaient-ils une réflexion théologique originale ? Rien n’est moins sûr.

    48Serment et amitié représentaient deux piliers de la construction de la paix sociale et politique. La terminologie des actes opère un clivage très net entre les amis ou les cojureurs et les ennemis ou les parjures. Dans la catégorie positive du bien, à la notion d’amitié s’ajoutent celles de la sécurité, de la fidélité et de l’aide mutuelle. On relève ainsi ces occurrences : amici, freunde, behelfen, Sicherheit, fideliter et, pour résumer en quelque sorte, les expressions « chez nous » ou « tout va bien ». L’adresse des actes « à nos chers amis » n’a rien de rhétorique et la proximité affective assure les liens. « Le sentiment ne se sépare pas d’une conscience vive des groupes et des classes »80. À cette catégorie rassurante des amis, à l’intérieur comme à l’extérieur des villes, s’ajoute une autre relation solide confortée par le serment (gelubde81, eyt, conjurants et parfois corporalis sacramentum82).

    49À la catégorie des bons, s’oppose celle des mauvais qui ne respirent que la traîtrise et donc la mort de la ville. Les occurrences adverses s’opposent terme à terme. Aux amis se trouvent confrontés les inimici,e muli et rebelles. Le serment est miné par la traîtrise ou les coups bas (geverde, gravamina, truwelos), le résultat étant le conflit (criec, Krieg). Nombreux sont les textes concernant leurs mauvais coups dont il faut évidemment se garder « pour que n’en résultent ni guerre ni vengeance suscitant des troubles »83. La chaleureuse expression by uns (chez nous) se heurte à l’étranger, l'extraneus. Celui qui n’appartenait pas à la ville, c’est-à-dire, à l’époque qui nous préoccupe, aux bourgeois formant une élite citadine, ne méritait que l’expulsion. Les petites villes de l’Oberrhein, comme les autres, vivaient avec hantise l’histoire toujours actualisée du cheval de Troie. Dans la catégorie de ceux qui suscitaient la crainte et la peur, l’échelon du pire était occupé par les parjures (meineide84, infamie parjurii). Les villes ne connaissaient alors qu’un seul traitement, l’exclusion et le bannissement pour le traître (vertreben, uzgeslagen, secludi et excludi), les nuances n’intervenant qu’entre le caractère définitif de la mesure ou son temps limité. Assez exceptionnellement, une opération militaire était jugée nécessaire et organisée. Depuis leur château de Landser85 proche de la route reliant Bâle à Mulhouse, les frères de Buttenheim86 avaient pris la fâcheuse habitude d’agresser les marchands. Le 20 novembre 1246, les villes de Bâle et de Mulhouse s’accordèrent « à cause de nombreux et insupportables dommages perpétrés depuis leur château dit de Landser, dommages qu’ils doivent endurer et subir chaque jour et sans arrêt »87.

    50Cette dualité entre amis et ennemis pourrait faire croire à une simple opposition entre le dedans et le dehors des villes ou l’intérieur et l’extérieur des espaces où fonctionnaient les réseaux88. La réalité sociale se révèle plus complexe. Au milieu du XIIIe siècle, la dynamique urbaine exprimée dans les actes ne concernait qu’une partie de la société citadine dont on a vu qu’elle se caractérisait par la défense de ses intérêts économiques et politiques. Les habitants d’une ville ne formaient un ensemble cohérent ni socialement (bourgeois/non bourgeois) ni géographiquement (cours nobles/rues artisanales/quartier épiscopal, etc.). Dans cet univers urbain bigarré qui cherchait à construire son identité en passant par la paix, la garantie du serment et de la solidarité, développée dans le cadre de ces réseaux urbains, a pu avoir une influence. Mais il s’agissait encore, à cette époque dans l’Oberrhein, de pratiques entre bourgeois, peut-être même entre certains bourgeois. Les alliances n’ont pas encore contribué à la mise en place, observée dans les grandes villes rhénanes ou suisses, de l’égalité juridique des citadins89. Dans les rescripta, premiers fragments de textes réglementaires conservés, les peines encourues pour délits ou agressions variaient selon la qualité sociale de l’agresseur et de l’agressé. Les coups et blessures commis par un bourgeois encouraient d’autres peines que ceux commis par un non-bourgeois et variaient aussi selon la qualité (bourgeoise ou non) de la victime. « S’il arrive qu’un bourgeois frappe ou moleste un étranger, il devra payer soixante sous... Mais si deux bourgeois amis sortent de la ville et se bagarrent, l’accusé paiera trois sous »90. Dans le même texte, deux articles plus loin, est envisagé le cas d’une agression d’un étranger contre un bourgeois en dehors de la ville ; si le bourgeois court le premier auprès du juge, en ville, même s’il a riposté et blessé son agresseur, il bénéficie de l’impunité91. Comme en matière d’homicides ou coups et blessures, en matière de témoignage, la ville protégeait et privilégiait ses bourgeois. Le témoignage d’un individu extérieur ne pouvait être retenu contre un bourgeois, seul un bourgeois pouvait témoigner en faveur d’un autre92. La notion d’« extérieur » s’applique strictement et dans tous les cas, à un étranger à la ville ou à un citadin non-bourgeois de la ville. La connivence des bourgeois d’une ville à l’autre, dans le cadre des réseaux, se manifestait également par le soutien qu’ils s’apportaient mutuellement en cas de troubles intérieurs. Ceux que désignent les termes de emuli et rebelles représentaient les habitants sans droit et prêts à fomenter des rébellions.

    51Cette dialectique ami/ennemi connaissait une exception, celle de l’hôte (Gast). Participant le plus souvent aux affaires, collègue en marchandise, ce partenaire provisoire bénéficiait de la paix accordée entre villes dans un espace protégé et devenait ami pour un temps. Les hôtes représentaient, dans le cadre des échanges, des homologues et, au titre de la réciprocité, ils pratiquaient l’accueil à leur tour dans leurs villes. L’hôte constituait donc un maillon essentiel dans le fonctionnement des réseaux grâce aux biens et aux informations qu’il véhiculait mais surtout parce qu’il établissait une égalité juridique de personnes, d’une ville à l’autre. Les textes primitifs ne donnent aucune précision sur la façon dont on devenait hôte. Il est probable que la recommandation orale du bourgeois en relation d’affaires avec l’hôte ait été la garantie suffisante pour admettre provisoirement sa présence en ville.

    52Serment et amitié pratiqués par les élites urbaines en réseau ont contribué à la construction du fonctionnement intérieur urbain. La mise par écrit progressive de l’activité et l’organisation citadine représente, également, un élément constitutif tout aussi essentiel. Dans l’Oberrhein, la pratique de l’écrit hors des chancelleries ecclésiastiques ou royales s’intensifia au XIIIe siècle parallèlement au fonctionnement en réseau. Il y a donc tout lieu d’établir une relation entre les deux phénomènes. L’examen de la documentation conservée témoigne des préoccupations pratiques rencontrées par les bourgeois, amenés alors à une construction juridique adaptée à l’ensemble des villes, non pas seulement des villes impériales mais de toutes celles ayant noué des relations de réseau. Rappelons cependant que la mise par écrit intervient in fine et n’offre à l’historien que l’ultime étape d’un processus dont les prolégomènes échappent à l’enquête. C’est dire que les phases d’élaboration, de discussions, de mise au point échappent en grande partie à l’analyse. Toutefois cette activité d’inscription dans le temps et dans l’espace se situe dans une perspective qui n’étonnera aucun médiéviste. Il s’agissait alors, et certains textes l’affirment explicitement, de préserver ou de rétablir un ordre momentanément troublé et face aux situations nouvelles, de puiser dans la mémoire collective des éléments de réponse. Assurer, comme nous l’avons vu, la sécurité des biens et des personnes entre les villes et, partant, à l’intérieur des villes, nécessitait un lent travail d’élaboration de questions-réponses juridiques et pratiques.

    53Les villes de l’Oberrhein, avant l’Intérim royal, disposaient du corpus juridique de référence des leges impériales. Dans ce cadre, la loi relevait de la dignité impériale qui concédait les droits mais aussi confirmait les coutumes urbaines. Parallèlement à ce corpus, et tout le problème est de savoir comment, une collection de textes élaborés par l’histoire des communautés urbaines répondait aux besoins des citadins en matière de droit commercial ou privé. Les privilèges de la ville de Neuenburg93, à cet égard, sont parfaitement explicites. Profitant de la situation politique fragile d’Adolphe de Nassau, emberlificoté dans ses alliances avec la France et l’Angleterre et de ce fait peu préoccupé par l’Oberrhein, la ville de Neuenburg soumit à sa dignité royale, en 1292, la confirmation de privilèges anciens, pratique habituelle à l’arrivée de nouveaux souverains. Mais au corpus déjà reconnu, la ville profita de l’occasion pour y ajouter de nouveaux droits. Le protocole de ce document affirme clairement qu’il appartient à la majesté royale de maintenir les lois (leges) et de conserver les coutumes (conswetudines). Il lui incombe de ce fait de pouvoir confirmer par écrit les droits (Jura) dont bénéficiaient les habitants de Neuenburg, en les récitant et les répétant oralement. L’articulation entre ces références juridiques, consuetudines, leges et jura, constitua sans aucun doute une préoccupation majeure des villes. Dans ce vivier de droits d’origine diverse, elles vont puiser pour élaborer leurs textes de référence, dits « fondateurs ».

    54Dans le cadre des alliances et des ligues, les traces apparaissent nettement d’une confluence entre le droit romain, véritable machine à fabriquer du droit selon Albert Rigaudière, mais aussi du droit canon, dont beaucoup de citadins relevaient dans l’Oberrhein94, en raison du nombre considérable d’établissements religieux, chapitres ou paroisses. L’étude de ce processus d’osmose entre droit romain et droit canon bénéficie de l’abondante documentation concernant les ligues urbaines lombardes, une fois de plus. Depuis leur création, les théologiens de la Curie pontificale ont travaillé sur la corrélation à établir entre les coutumes urbaines et les lois impériales. Gratien a vu dans les coutumes un moyen de suppléer la loi défaillante. Cette interprétation a pu ainsi permettre aux villes de se doter de la capacité juridique pour construire et justifier leur pouvoir de gouvernement. La loi, en effet, ne peut répondre aux problèmes nouveaux suscités par la dynamique urbaine et interurbaine. Les villes firent donc appel à ce droit qualifié par Gratien de jus quoddam moribus institutum. Le problème reste cependant entier pour l’historien qui se demande à quoi correspondaient les mores !

    55Si, dans le cas des villes italiennes, les coutumes et les lois ont pu entrer en concurrence et provoquer des conflits majeurs, il n’en est pas de même dans l’Oberrhein, à l’échelle de petites communautés urbaines en cours d’élaboration. L’effacement des agents royaux pendant l’Intérim, et donc du droit impérial dont l’application leur incombait, a sans aucun doute contribué au développement et à l’enrichissement de ces collections de textes de références. Ce que les juristes ou les théologiens qualifiaient de coutumes, était considéré par les villes elles-mêmes comme leur droit (unser recht). Avant de produire pour la postérité des statuts ou franchises en bonne et due forme, les villes disposaient déjà d’outils juridiques qu’elles ont enrichis par leurs échanges dans le cadre des réseaux. Ces textes ne relevaient pas de la loi mais des règlements (Satzungen). Tout à fait caractéristique à cet égard apparaît l’accord de 1291 entre les villes de Brisach, Sélestat, Kaysersberg et Munster, déjà cité. Le premier article mentionne le serment prêté par les bourgeois desdites villes, « sauf le droit de leur maître », pour cinq années. Cette réserve relève en fait de la clause de style ou d’une situation générale, car la relation jurée, qui se voulait effective et efficace, fait référence à leurs pratiques juridiques. Elles s’engageaient en effet à se conseiller, s’aider dans toutes les situations juridiques difficiles, en appliquant leur droit. Ce recours au droit de la ville revient à plusieurs reprises dans les actes95. Marita Blattmann a mis en évidence, dans son travail sur le droit de Fribourg96, l’existence d’un document dit Bremgartener Text, du nom de l’abbaye en Argovie où il a été trouvé. Sous forme de notes techniques et d’articles de jurisprudence, ce texte hétéroclite a circulé dans tout l’Oberrhein à partir de 1120. Il s’agit là d’une sorte de matrice des droits urbains qui, dans le cadre des réseaux, est passé de ville en ville. On comprend alors la rapide floraison des statuts urbains entre 1275 et 1290 : la pratique antérieure du fonctionnement en réseau avait tout préparé.

    56Construites sur la base d’un lien fort de fidèle amitié, parfois engagées par le serment, les relations en réseau ont contribué à rassembler les matériaux nécessaires à la construction urbaine. Elles ont aussi assuré l’apprentissage de la vie politique dans la mesure où les mêmes villes fonctionnaient en réseau ou/et dans le cadre d’une alliance de paix, aux horizons plus larges. L’exemple le plus connu concerne la grande ligue rhénane de 1254 à laquelle les villes de l’Oberrhein ont adhéré aux côtés de grandes métropoles comme Worms et Mayence97. Le contexte de violence dans lequel était plongée la vallée du Rhin et les grands inconvénients qui en résultaient pour les marchands nous sont rapportés par la chronique de Worms assignant à cette ville une fonction de salut pour toute la région. Profitant de la lutte entre les partisans des Staufen et les trois grands archevêques de Cologne, Mayence et Trèves, les petits sires ou chevaliers-brigands (Raubritter) déboulaient de leurs châteaux, perchés comme des nids d’aigle, sur les marchands pour les dévaliser. « Celui qui était le plus fort fourrait l’autre dans un sac comme il pouvait et voulait, les chevaliers et personnes de qualité se nourrissaient de coups de main, tuaient ceux qu’ils pouvaient attraper... »98. Dans la tradition des Landfrieden, une première alliance vit le jour en février 1254 rassemblant Worms et Mayence suivies de près par Oppenheim. Dès le 10 août de la même année, d’autres villes rhénanes et certaines de l’Oberrhein adhéraient à la ligue. L’information, la décision et les navettes entre les villes avaient eu le temps de se faire, ce qui confirme les habitudes d’échanges réguliers et confiants. La conservation de plusieurs actes avant et après le 13 juillet 1254 témoigne de ces relations99. Haguenau, Strasbourg, Sélestat, Colmar, Brisach et Bâle comptaient parmi les partenaires même si les sources n’énumèrent pas avec précision les « petits » participants. Aux villes furent agrégés, dès 1255, les archevêques et évêques ainsi que les princes laïques, transformant la ligue en une assemblée générale des puissants de la vallée rhénane. Tous prêtèrent serment, sous l’invocation du Dieu de la paix, de lutter contre toute guerre et toute injustice. Les péages illicites à supprimer faisaient partie du programme tout comme la protection des pauvres et des faibles, les fameux inermes des paix de Dieu des Xe et XIe siècles. Profitant de la présence royale de Guillaume de Hollande100, les représentants de la ville de Colmar n’hésitèrent pas à lui faire confirmer leurs privilèges le 10 mars 1255. Cette vaste ligue d’intérêt général et d’intérêts particuliers se dota d’une organisation à son assemblée plénière (Bundestag) du 14 octobre 1255 à Worms. Quatre réunions annuelles étaient prévues à Cologne, Mayence, Worms et Strasbourg. Ce bel élan ne dura point puisqu’en 1257 la ligue ne se réunissait déjà plus, faute de moyens en rapport avec l’étendue du territoire de paix. Plus durable a été l’effet pédagogique : les villes de l’Oberrhein retiendront l’idée d’une justice commune, d’un ajustement constant des intérêts économiques, d’un système d’information efficace et même de moyens militaires à mettre en commun.

    57Les petites villes de l'Oberrhein ont beaucoup appris à fréquenter la cour des grands. Leur attitude face au souverain après 1273, faite de distanciation et de résistance, témoigne de leur maturité politique ancrée dans l’histoire et l’expérience de leurs relations. Une évolution semblable s’exprime dans un contrat passé entre certaines villes du Wetterau en 1273. Un texte aussi explicite n’existe pas pour l’Oberrhein mais il traduit un même état d’esprit. Les villes alliées du Wetterau adoptèrent une position commune vis-à-vis des princes électeurs en les priant avec énergie de mettre fin à l’Interim. S’ils désignaient enfin un souverain, les villes le reconnaîtraient. Mais s’ils laissaient plusieurs prétendants en concurrence faute d’un accord entre eux sur le choix de l’heureux élu, aucun des candidats ne serait retenu par les villes, c’est-à-dire qu’elles préféreraient la vacance du pouvoir royal à l’ingérence institutionnelle dans la désignation. Cet engagement sous serment est pris « pour l’éternité »101.

    58En conclusion de cette première période des relations en réseau, on a pu observer un fonctionnement interurbain labile mais cohérent, solidaire mais non hiérarchisé formellement, toujours dans un cadre territorial formant une entité de vie quotidienne à défendre. Les villes impériales animaient les relations sans toutefois devenir des points de centralité obligés. Ces relations de solidarité, de conseil et d’aide ont largement contribué à façonner l’identité des villes et la conscience de leur relative autonomie, en préservant la sécurité de leurs échanges et donc de leur richesse. Les villes, à l’intérieur des réseaux qu’elles animaient selon leur besoin, gardaient l’initiative et la maîtrise des accords. Il se révèle donc plus exact de considérer que les villes travaillaient en réseau plutôt qu’elles constituaient des réseaux au sens strict du terme. Ce mode relationnel évolue vers un temps où se nouèrent des alliances, sous l’impulsion d’un souverain revenu.

    Alliances et identités urbaines (1273-1314)

    59Le passage d’un fonctionnement interurbain de type réseau à la conclusion d’alliances se manifesta dans la décennie qui suivit le retour d’un roi, après 1273 donc. Les alliances, tentées par un pouvoir royal hésitant, visent alors à regrouper ponctuellement des éléments politiques aux intérêts hétérogènes pour les neutraliser. Les villes entrent dans une autre logique spatiale et politique. Les villes en réseau, les impériales et les autres, animaient un territoire non pas d’abord défini par un pouvoir politique (roi ou prince), mais par une culture commune à échelle de déplacements quotidiens. Ces relations fluctuantes, informelles et amicales, avaient permis l’élaboration par symbiose de points de droit ou de techniques, d’avis politiques ou de soutien armé. Ensemble, les villes avaient trouvé leur entité propre car leurs relations dépassaient largement une mise en défense. L’entrée en scène, même discrète du roi, fit apparaître un élément politique nouveau dans le jeu des relations entre villes jusqu’alors horizontales. Le roi, ou son représentant le bailli, entendait assurer l’ordre et la paix publique avec son droit et ses moyens, essentiellement les Landfrieden, comme nous allons le voir. Or les villes avaient travaillé leur autonomie en élaborant au coup par coup leur droit et la mobilisation de leurs moyens. L’effet de concurrence inévitable aurait pu devenir une lutte ouverte si le roi avait été plus présent et plus efficace. Ce ne fut pas le cas au moins jusqu’à Louis de Bavière (1314). Les relations en réseau se sont formalisées pour devenir des alliances sous l’influence ou l’initiative du roi ou de son représentant, avec prestation de serment obligatoire et surtout participation des princes dans un cadre géographique à l’échelle de l’Empire et non plus de l’espace familier de la région. Mais, à la différence d’autres régions elles aussi en mosaïque, les villes de l’Oberrhein n’ont pas (encore) abandonné toute initiative d’entente entre elles et pouvaient même agir sans les princes imposés par le roi. À titre de comparaison, peuvent être évoqués les pays entre Meuse et Rhin (avec Cologne et Trèves)102, étudiés par Martina Stercken. L’auteur démontre que, le morcellement politique rendant toute paix générale illusoire, les villes ont dû faire alliance avec les princes, dans la seconde moitié du XIVe siècle, en multipliant les Landfrieden et sans aucune alternative comme il semble que ce soit encore le cas dans l’Oberrhein.

    60Ce fonctionnement des relations interurbaines sous forme d’alliances se manifesta tout le temps de la royauté réactivée par Rodolphe de Habsbourg (1273) jusqu’à la césure que marque l’avènement de Louis de Bavière en 1314. Bruno Meyer observe la même chronologie en Suisse. Les alliances, en effet, se nouaient dans le contexte du pouvoir royal. Elles en épousaient donc les aléas103. La royauté de Rodolphe a stimulé le dynamisme urbain par la concession ou le renouvellement de privilèges. Le souverain a également adopté une attitude favorable à l’entrée des villes dans le grand jeu politique, ce qui lui valut le surnom de « roi des villes ». L’assise (presque la conquête) de son pouvoir s’est réalisée au prix de campagnes militaires incessantes et cette royauté en marche n’a pu s’enraciner, à l’instar des Staufen dans l’Oberrhein, en une politique de territorialisation en exploitant droits, revenus ou domaines. Les villes pouvaient donc garder une grande latitude d’action, garantie par leurs murailles construites dès les années 1220-1230 et leurs droits sanctionnés par leurs statuts dans les décennies 1270-1290.

    61Le successeur de Rodolphe, choisi par les princes électeurs, ne fut pas son fils Albert, comme il l’espérait, mais Adolphe de Nassau, personnage sans charisme et plus ou moins jouet entre les mains de l’archevêque de Cologne. Il assura quelque peu sa présence dans l’Oberrhein, en dépit des menaces et vaines attaques d’Albert contre Colmar. Celui-ci en effet ne désespérait pas de s’imposer par une lutte opiniâtre récompensée par son élection, ce qui se réalisa en 1298. La situation de concurrence créait, pour le moins, un contexte politique instable et il n’est pas surprenant que les Landfrieden se soient multipliées sous Adolphe de Nassau pour se protéger contre les attaques des « bandits » (Räuber) ou contre les « grandes guerres ». Albert entendait restaurer le pouvoir royal contesté et dès 1298, à la diète de Nuremberg104, il déclarait qu’« aucune ville ne pouvait faire règlement sans tenir compte du droit de l’Empire ou de celui des princes ». Il faisait ainsi allusion aux pratiques urbaines de la période précédente. Maintenir et rétablir la paix constitue une prérogative de la souveraineté royale. Cette réaffirmation du droit émanant du souverain et précédant tout autre se manifesta aussi en Suisse où la tutelle des Habsbourg d’Autriche, on le sait, s’exerçait avec plus d’efficacité. Les alliances urbaines, note Bruno Meyer, y prétendaient avant tout conserver les Landfrieden royales et la préséance du souverain. Cette reconstruction du pouvoir royal poursuivie par Henri VII, successeur d’Albert, passait aussi par le couronnement impérial. Après un voyage dans son royaume pour donner à voir sa personne royale et donc réaffirmer les droits y attachés, Henri prépara son expédition italienne qui lui permit de se faire couronner empereur, certes, mais il ne revint jamais de cette expédition.

    62On voit que les différents souverains, pendant cette période, n’ont pas négligé l’affirmation de leurs droits mais sans pouvoir toujours être en mesure de les faire appliquer effectivement. Cette construction progressive d’un Empire incarné et non plus seulement idéologique (ou mythique) constitue la toile de fond des alliances urbaines. Il convient donc de faire une rapide mise au point de la notion et de la réalité de l’Empire, le Reich. Une bibliographie pléthorique caractérise cet intérêt des historiens allemands pour la lente construction d’un État, en décalage chronologique dans son efficience avec ses voisins, Angleterre ou France. Peter Moraw, avant de donner une magistrale analyse de l’Empire après 1250105, avait mis en garde contre le triple héritage historiographique du romantisme, de l'historicisme et l’interprétation démocratique106. L’auteur démontre que l’Empire, encore au XVe siècle, relevait plus du symbole que de la réalité politique et administrative. Toutefois, enraciné dans les regalia ou objets du sacre, le symbole restait vivant, expression de la puissance suprême exercée par « le chef de la chrétienté, pourvoyeur de libertés et droits régaliens, fontaine de justice »107. Les villes d’Empire, au contexte juridique encore labile entre 1250 et 1350, ne détenaient pas, en droit, la pleine souveraineté (Obrigkeit) mais en fait, elles faisaient comme si. Par ailleurs, l’existence d’un souverain leur était indispensable pour valider leurs libertés.

    63La reprise en main souveraine de Rodolphe de Habsbourg amena les villes à composer avec deux éléments nouveaux : d’une part, la représentation effective du souverain par ses agents, le bailli pour l’Oberrhein et le Schultheiβ dans ses villes, et d’autre part, par son activité mi-symbolique, mi-efficace pour obtenir la conclusion de Landfrieden. Le champ politique réoccupé par le roi coïncidait en partie avec l’activité des réseaux, en politique extérieure et en politique intérieure. Pendant ces quelques décennies donc, comment les villes vont-elles maintenir ou transformer leurs relations ?

    Landvogt et villes

    64Après l’Interim, Rodolphe de Habsbourg s’inquiéta des biens impériaux (Reichsgut) fort importants dans l'Oberrhein et tombés quasiment en déshérence. Pour assurer leur administration, il nomma un bailli (Landvogt) auquel il donna les pleins pouvoirs en son absence. Agent royal, celui-ci dès sa nomination s’engageait par serment (Schwörbrief) à être soumis et obéissant vis-à-vis de son souverain et à assurer protection et aide (Schutz und Schirm) à ses dépendants, saufs leurs droits et « bonnes » coutumes108. Réciproquement, les sujets juraient eux aussi de lui être soumis et obéissants. Toute entorse à cet engagement valait crime de lèse-majesté. Les villes impériales faisaient partie des dépendants comme les villages et les terres impériales, les marchés, les châteaux ou les abbayes. Elles s’engageaient à « être obéissantes et à se conduire dans l’intérêt, les droits, libertés et coutumes de l’Empire »109. Avant que la charge de bailli ne soit engagée110, sa durée variait : elle cessait à la mort du souverain ou à son bon vouloir si le titulaire était jugé indigne. Le nombre des baillis a varié ainsi que leur aire de compétence. Sous Henri VII tout l’Oberrhein relevait du même agent, l’Alsace et le Brisgau. Rodolphe de Habsbourg, en revanche, hésita ; il jugea plus efficace, dans un premier temps, de nommer deux détenteurs de la charge, répartie en deux bailliages correspondant aux deux très anciens comtés (Margrafschaft) séparés par le Landgraben, comme nous l’avons vu. Mais pour son neveu Otto von Ochsenstein, de 1280 à 1289, les deux parties furent de nouveau réunies en une charge unique et dès lors, les baillis exercèrent, seuls, leurs fonctions sur toute une région à géographie variable. Les différents détenteurs de la fonction virent s’élargir, en effet, entre 1315 et 1330, leur zone de compétence vers le nord en englobant le pays de Spire, avec Wissembourg (Speiergau). Pendant la période suivante, l’extension se manifesta vers l’est avec la Souabe, puis la zone de compétence se rétrécit de nouveau à l’échelle du petit Oberrhein étudié. L’unification et la cohérence de ce bailliage, d’après Ernst Becker, semblent réalisées au milieu du XIVe siècle et sanctionnées, toujours d’après cet auteur, par la création impériale de la Décapole qui entraîna la suppression de tous les agents royaux en ville. Mais il faut réaffirmer, avec les bons auteurs, qu’avant la mise en place d’une véritable administration par Charles IV, bien des aspects de cette fonction de bailli restent dans le flou pour l’historien.

    65Les fonctions de ce représentant du roi, résidant sur place, le plus souvent à Haguenau111, correspondaient aux compétences du souverain et s’exerçaient dans le domaine militaire, celui de la justice, des finances et de l’administration. Dans l’exercice de toutes ces fonctions, le bailli allait entrer sur le terrain des villes qui, grâce à leur travail antérieur en réseau, s’étaient constitué des références, une jurisprudence au sens actuel du terme et, dans la pratique, une expérience de l’autonomie. En raison de cette difficulté d’ingérence surtout pour un pouvoir royal convalescent, le rôle essentiel des baillis s’est plus manifesté dans le domaine de la paix publique que dans la politique intérieure des villes.

    66L’administration municipale, en effet, dirigée par le conseil (Rat), assurait pleinement ses fonctions et contribuait largement au développement urbain en dotant la communauté des bourgeois de règles sociales et économiques. Les statuts et constitutions citadines, comme nous allons le voir, garantissaient l’acquis de l’Interim en matière d’autonomie, « sauf les droits de l’empereur » selon la formule consacrée. L’autonomie toutefois trouvait ses limites dans la présence plus ou moins active de cet autre représentant du souverain, plus proche, le Schultheiβ112 Comme tous les agents royaux, il dépendait d’abord du bailli, il supervisait théoriquement les délibérations et surtout rendait les jugements. Les rares documents faisant état d’intervention directe laissent à penser que l’autorité du Schultheiβ s’estompait devant la dynamique croissante du conseil. Sauf rare exception : le bailli Otto von Ochsenstein, homme fort du règne de Rodolphe de Habsbourg, déposa en 1281 le Schultheiβ de Colmar, Siegfried. De même, il semble avoir disposé de façon autoritaire de cette fonction à Sélestat113. Les villes, conscientes de ce danger potentiel d’une présence qui pouvait se révéler hostile à leurs intérêts, contournèrent l’obstacle en obtenant dans un premier temps que la charge soit accordée à un bourgeois puis, dans un second temps, elles furent en position de racheter la charge. Adolphe de Nassau en 1293 s’engagea vis-à-vis de la ville de Mulhouse « à nommer, pour rendre la justice, un Schultheiβ qui soit bourgeois et résidant dans la ville »114. En ce qui concerne les affaires de politique intérieure des villes, le bailli également eut l’occasion d’intervenir à plusieurs reprises dans les conflits d’accession au pouvoir des nouveaux bourgeois contre les anciens, le patriciat ou le meliorat, mais plus tardivement, dans la seconde moitié du XIVe siècle.

    67Le bailli pouvait aussi représenter un danger pour l’autonomie construite par les villes solidaires, par ses ponctions financières. Il avait la responsabilité de la collecte des revenus royaux et le pouvoir de faire payer. L’ardeur des baillis se trouvait accrue du fait que la plupart jouaient le rôle de créancier vis à vis du souverain en lui avançant les fonds nécessaires pour organiser une diète, une expédition militaire, assurer les besoins de son administration et de sa maison115. L’absence de comptabilités urbaines pour la période étudiée interdit toute appréciation de la pression qu’était en mesure d’exercer le bailli. Elle devait cependant être tolérable, peut-être négociée. Deux éléments permettent de le supposer. D’une part, les relations connues entre le bailli et les villes intervenaient dès l’entrée en charge de celui-ci sur le mode irénique. Lors de sa prestation de serment, il recevait des cadeaux... le plus souvent sous forme de tonneaux de vin. Il est vraisemblable que les villes s’acquittaient en nature pour une part de leurs obligations. D’autre part, si les villes, avant 1314, ne semblent pas s’être insurgées contre la pression fiscale royale, par bailli interposé, elles ont su le faire après le règne catastrophique à cet égard de Louis de Bavière, étape, répétons-le, essentielle dans la relation entre le roi et les villes. Ce souverain a été le champion de l’engagement116 qui livrait une ville à un créancier vorace et proche. Les villes ont vu la différence.

    68L’exercice de la justice, autre prérogative royale dont le bailli avait la délégation, n’a laissé de traces qu’institutionnelles et si l’on connaît le cadre dans lequel elle était censée s’exercer, on ne sait rien de la pratique. Le siège se trouvait à Haguenau, ancienne résidence royale de forêt coeur d’une ville. La nomination du Schultheiβ de Haguenau faisait, bien entendu, l’objet d’une surveillance particulièrement attentive. Pour éviter toute collusion avec la ville, cet agent royal n’était pas choisi parmi les bourgeois mais parmi les nobles de la campagne. L’exercice de la justice se répartissait en deux chambres dont les compétences relevaient de la géographie : l’une pour la ville sous les arcades de la halle (Lauben - Arkadengericht), l’autre pour la campagne (Gräthe-Hochgericht) devant la chapelle du château.

    69Que ce soit en matière de politique intérieure, de fiscalité ou de justice, le poids du bailli, réaffirmé sous Rodolphe de Habsbourg, ne contrecarrait qu’à la marge l’activité des villes. En revanche, le maintien de la paix publique organisée par le roi fut le domaine de compétence où le bailli s’imposa aux villes. Sa titulature latine de judex traduit bien l’enjeu politique de cette fonction. Pour l’exercer pleinement, il pouvait utiliser un instrument déjà bien rodé, les Landfrieden. Rassemblant le plus de protagonistes possible pour jurer la paix ou monter des opérations militaires dans l’intérêt du souverain sous couvert de cette paix, à une échelle géographique dépassant largement l’Oberrhein, le bailli prétendait rester maître de l’ordre public auquel souscrivaient les villes. Frédéric de Linange, par exemple, convoqua la ville de Strasbourg, le 11 août pour le 18 août 1277 à Mayence, pour négocier les modalités d’une paix publique117. Dans le compte rendu de la réunion qu’il fit en novembre à Rodolphe de Habsbourg118, le bailli insiste lourdement et à plusieurs reprises sur les fausses rumeurs119 de rébellion développées à l’encontre des participants (dont les villes) pour mieux mettre en valeur son rôle, et celui du souverain, dans la construction de la paix. Une reprise en main c’est à dire la réaffirmation de la fidélité des villes passait par le bailli, et, selon ses déclarations à Rodolphe, cette fidélité était acquise en dépit des détracteurs. La fonction de bailli allait d’ailleurs presque toujours de pair avec celle de responsable de la paix (Hauptmann ou Obmann) double fonction qu’assumait Otto von Ochsenstein

    70Le phénomène des Landfrieden dans son principe n’offrait aucun caractère de radicale nouveauté. Les moyens, en revanche, pour les rendre efficaces, pouvaient apparaître neufs, expression d’un pouvoir royal restauré. Les traîtres à la paix pouvaient subir un châtiment sévère et le bailli n’hésitait pas à monter une expédition militaire. Le comte de Fribourg avait occis une quarantaine de paysans appartenant à l’Empire. Pour le faire rentrer dans l’ordre, c’est-à-dire dans la paix publique, le bailli, en 1297 le comte de Ferrette, convoqua les villes impériales à un rassemblement à Brisach120. Dans ce conflit, les villes devaient prêter main-forte à leur souverain qui se trouvait lésé dans ses droits et intégrer ainsi à leur politique extérieure les intérêts royaux. En revanche, elles restaient encore maîtresses de gérer leurs propres conflits. La même ville de Fribourg luttait pied à pied avec son maître, le fameux comte de Fribourg. Pour un différend à propos de droits de pâture, elle nomma en 1302 deux arbitres (Schidsleute), deux frères et chevaliers de la ville « pour régler les conflits entre le comte Egen de Fribourg et les bourgeois de Fribourg »121.

    71Le bailli exerçait donc, pendant cette période de la royauté retrouvée mais fragile, une autorité centrée sur la défense des droits de l’Empire. Les villes affirmaient défendre aussi ces droits et la conjonction se fit au sein des Landfrieden et alliances, mais elles entendaient conserver aussi une marge de liberté. Avant d’analyser les alliances, il faut comprendre comment les villes usèrent de cette frange d’autonomie pour assurer « éternellement » leurs droits et leurs constitutions arrivés à maturité et qui n’avaient besoin que d’être confirmés par le souverain. Paradoxalement, le retour du souverain et de son emprise politique correspond à l’ultime étape de l’autonomie des villes.

    Statuts urbains et constitutions

    72L’apparition presque simultanée des statuts des villes de l’Oberrhein et leur évidente ressemblance ont toujours suscité l’intérêt et la curiosité des historiens. Hans Thieme122 avait désigné en la personne de Wölfelin, Schultheiβ de Haguenau sous les Staufen (1217-1224), le père de ces statuts ou, du moins de leur modèle, puisqu’il était déjà le père des murailles de nombre de villes. Si la seconde paternité est admise, en revanche, la première n’a plus cours. Il n’y a pas de père fondateur qui aurait engendré un statut commun aux villes. Il s’agit d’une famille aux liens plus complexes, sur plusieurs générations et avec ramifications. On doit à Marita Blattmann123 d’avoir établi la genèse, la filiation et les emprunts respectifs des statuts des petites villes à partir de la fondation du marché de Fribourg et ce travail d’archéologie textuelle valide entièrement l’hypothèse du fonctionnement en réseau ainsi que sa géographie. Sont exclues de ce processus les deux métropoles épiscopales de Strasbourg et de Bâle même si leur influence est indéniable, en raison de leur ancienneté, de leur échelle et surtout de leur statut ecclésiastique.

    73Avant d’aborder la famille des petites villes, rappelons, en effet, qu’elles se trouvaient encadrées par ces deux très anciennes cités aux origines du dynamisme de l’Oberrhein. Comme dans toutes les villes épiscopales de la vallée du Rhin, l’activité de l’évêque, prince d’Empire, s’y manifestait par une cour et un tribunal. On sait que l’officialité a joué un rôle de première importance dans l’introduction et la mise en pratique du droit romano-canonique de ces villes. Il ne s’agissait pas d’ailleurs de traiter exclusivement les affaires concernant l’Église, mais aussi d’instrumenter pour tous ceux que la cour épiscopale et son économie attiraient. Très tôt les marchands eurent recours aux services de ces juristes appelés précisément « notarius publicus »124. Ce droit vivant et adapté à des villes épiscopales n’était pas le seul vivier possible où pouvaient puiser les cités en phase de construction juridique.

    74En dépit des travaux des juristes cherchant les traces les plus anciennes125 du droit, c’est-à-dire pour eux du droit romain, ou des historiens du droit allemands, cherchant, dans la mouvance de Jacob Grimm, les traces les plus anciennes du droit germanique, il faut admettre que la construction du corpus juridique des villes a su emprunter et adapter des éléments de droits divers dès lors qu’ils se révélaient adaptés aux circonstances. Cette mise en forme progressive s’est inscrite dans la dynamique politique liée au changement de maître. D’abord aux côtés de l’évêque puis, de plus en plus indépendants, les « meilleurs »126 des cités (cives) entendaient assurer le relais. À Strasbourg, entre 1201 et 1263, le gouvernement de la ville est passé des mains de l’évêque à celles des membres du Rat, évolution jalonnée par quatre textes négociés127. La ville de Bâle mit plus de temps à se détacher de son évêque, en trois temps : 1212, 1263 et 1337128.

    75Les petites villes de l’Oberrhein se distinguaient des cités épiscopales, avec lesquelles elles entretenaient des rapports constants, non seulement par leur statut mais aussi par leur chronologie. De 1275 à 1293, en une vingtaine d’années, huit d’entre elles firent confirmer leurs statuts : Brisach (1275), Colmar (1278), Fribourg en plusieurs étapes (1120, 1152, 1186, 1275 et 1293), Endingen (1290), Neuenburg et Sélestat (1292), Kaysersberg et Mulhouse (1293). Deux attendirent la première moitié du XIVe siècle : Turckheim en 1312 et Munster en 1354.

    76Il apparaît de suite que la phase d’émergence officielle des textes correspond au temps de la royauté retrouvée et d’une certaine autonomie conservée. D’autre part on devine que cette floraison renvoie au temps de bourgeonnement antérieur, la période des réseaux urbains. Une des grandes leçons du travail de Marita Blattmann est d’avoir mis en relief une première phase dans l’élaboration de ces textes, sans doute à partir de 1120, pendant laquelle circulait dans tout l'Oberrhein un manuscrit considéré par l’auteur comme la matrice des droits urbains, le Bremgartener Text. Sur les modalités de transmission, le travail de compréhension et d’adaptation de ce texte par les différentes villes, on ne sait rien129. Mais l’existence même de ce texte, dont les traces d’utilisation prouvent sa circulation, renforce l’hypothèse du réseau précoce des villes de l’Oberrhein (début du XIIe siècle). Les villes qui utilisaient ce document, vite considéré comme une référence, y ajoutaient aussi leur propre travail. Ces collections, aléatoires dans leur production et leur conservation, de notes techniques, juridiques, points de jurisprudence, décisions administratives, seraient les premières traces d’une mise par écrit de la mémoire urbaine130. De cette époque, les statuts témoignent aussi par le caractère aléatoire (à nos yeux) de la succession des articles. L’accumulation des articles, en mille feuilles ou circulaire, car les mêmes champs d’intervention reviennent à plusieurs reprises, prend en défaut la logique moderne qui voudrait regrouper et classer.

    77Ces documents utiles à des bourgeois qui voyageaient dans tout l’Oberrhein usent de leur langue vernaculaire. La solennité accordée aux statuts leur faisait parfois retrouver le latin. À partir du milieu du XIIIe siècle, les actes se multiplièrent, nous l’avons déjà observé, usant de la langue vulgaire pour être compris du plus grand nombre. Ces chartes (Brief), en effet, s’adressaient tout à la fois aux lecteurs et aux auditeurs puisqu’elles étaient explicitement destinées à être lues ou entendues131. L’écrit n’a aucunement remplacé l’oral, leur utilisation était conjointe. Ces nouveaux textes, n’émanant pas d’une autorité supérieure, s’adressaient à des partenaires d’affaires. Le plus souvent d’ailleurs, ils n’exigeaient pas de réponse car y étaient consignés un accord, l’ultime étape d’une négociation, ou un engagement.

    78La mise en forme des écrits divers produits issus de l’activité urbaine a produit, avec l’aide d’un texte de référence, les franchises ou privilèges dits Handfeste et plus généralement les Statuten. De nombreux problèmes politiques et juridiques avaient fait l’objet de consultation et de discussion entre villes avant d’être formulés par écrit. En effet dans le contexte de relations soutenues qui était le leur, les villes butaient contre des difficultés pratiques pour appliquer l’adage juridique en vigueur : « chacun doit bénéficier de son droit »132. Les franchises de Colmar le répètent encore en 1278 : « aucun bourgeois ne doit traduire un autre en justice devant un juge étranger, le plaignant doit retirer son grief et c’est notre juge qui doit prononcer l’amende »133. L’ancienne lex mercatoria également, entrée dans le droit commun, ne suffisait plus pour régler les difficultés juridiques surgies de nouvelles formes de contrats, de l’extension dans le temps et dans l’espace des affaires. Dans le cadre de relations informelles et amicales en réseau, les villes ont pu s’entendre au cas par cas mais le volume des affaires et les contraintes politiques des villes exigeaient des principes et des procédures communes mieux instrumentés.

    79Le premier besoin en références juridiques d’une communauté concernait le statut de ceux qui, en ville, détenaient des droits et des devoirs et, à ce titre, entendaient diriger la ville. Pour les historiens des ligues souabes ou suisses, l’influence de ces ligues a été essentielle dans l’élaboration du Bürgerrecht et du Stadtrecht. Il est difficile, dans le cas de l’Oberrhein plus précoce que les autres, de saisir une situation juridique précise (existait-elle ?) au-delà d’une terminologie labile et floue. En ce qui concerne les bourgeois, les premiers termes relevés par Marita Blattmann empruntent des notions générales soit à la langue latine (Jus civile, libertas civium, jus ville) soit à la langue allemande (burgreht, der stat ir reht). Les dispositions de droit pénal et privé permettent cependant d’approcher le résultat du travail en réseau puisque toutes les villes adoptèrent le même principe d’égalité et de solidarité entre bourgeois. La même fracture sociale semble absolue entre les habitants des villes, les bourgeois et les autres. Le bourgeois possédait une part du sol de la ville contre un cens modeste et une maison, dont parfois la valeur est précisée, comme, par exemple, à Mulhouse : « au moins cinq livres ». Les coups et blessures étaient jugés en fonction de la qualité statutaire des combattants à l’intérieur d’une ville ou, fait essentiel, à l’extérieur, dans une autre ville amie. Les bannis d’une ville ne pouvaient trouver refuge dans une autre. Les héritages relevaient du même droit urbain, pour préserver les intérêts de cette « meilleure part » de la société. Dans les différentes villes, l’exemption de diverses taxations, péages ou autres réquisitions était commune. On comprend donc l’effet réseau sur les statuts urbains : en dépit des nuances propres à chaque ville, le bourgeois bénéficiait de la même protection et des mêmes avantages dans toutes les cités de l'Oberrhein.

    80Les constitutions urbaines, fabriquées et mises en place par l’élite des bourgeois, correspondaient elles aussi à la même logique. Pour pouvoir se soutenir et avoir quelqu’efficacité collective face au danger extérieur ou intérieur, les villes se dotèrent de structures de fonctionnement identiques134. Lors de leurs rencontres et tractations, les interlocuteurs dans leurs responsabilités respectives se reconnaissaient. Les échanges manifestaient alors une véritable conscience urbaine, conscience de faire corps entre bourgeois d’une même ville et conscience de faire corps entre bourgeois de villes différentes. Le rachat de la charge de Schultheiβ ou le droit pour les bourgeois de nommer leur curé, apparurent dans plusieurs villes en même temps, expression d’une volonté commune d’exercer la plus grande autonomie possible. La construction de bâtiments publics ou des hôpitaux relevait également de cette manifestation de l’entité urbaine. Sans revenir sur le caractère significatif de l’urbanité des hôpitaux, un seul exemple pourrait être retenu. L’évêque Henri de Neuenburg accorda ses franchises à la ville de Bâle en 1263 et la première mention de l’hôpital date de 1265.

    81À cette période de relative maturité des villes, leur organisation intérieure semble se préciser et le conseil ne rassemblait peut-être plus seulement « ceux qui sont là » mais une élite135 relative. L’adresse des actes mentionne explicitement : « vous et vos concitoyens, vos bourgeois » (vos et cives vestros). Ces meliores qui assuraient le gouvernement de la ville devaient compter avec la puissance grandissante des métiers qui participaient largement au dynamisme urbain. Les élites devenaient plus composites et les intérêts divergeaient parfois avant de devenir de véritables conflits dans les années 30 du XIVe siècle. Sans doute est-ce la raison pour laquelle, dans les premières décennies, les documents affirment que les accords sont pris « ex communi consensu, mit gemeinen willen der burger ». La paix intérieure fragile devait être confortée.

    82Un retour, à ce point du développement, sur les villes italiennes permet de mieux comprendre le rôle pédagogique pour la conscience urbaine qu’ont eu ces relations en réseau dans l’Oberrhein mais surtout pourquoi ces relations même transformées en alliances ou en ligues ont nécessairement perduré. Les villes italiennes ont atteint le développement de véritables États136, les villes de l’Oberrhein, non. Le gouvernement des évêques, surtout en Lombardie, a assuré, on le sait, le dynamisme citadin sans solution de continuité juridique avec les cités romaines. Dans la seconde moitié du XIIe siècle, les villes italiennes, dotées d’institutions élaborées, pouvaient instrumenter leurs relations alors qu’à la même époque leurs voisines de l’Oberrhein construisaient, en se concertant, des ébauches de statuts. L’interdiction des Landfrieden dans la partie italienne du Reich a aussi permis aux villes de ne pas être agrégées aux princes et de pouvoir mener leurs opérations militaires en choisissant leurs alliés ou leurs ennemis (implacabile odium). Enfin et surtout, les villes italiennes possédaient un vaste territoire, organisé et hiérarchisé en fonction du rôle de capitales qu’elles jouaient. L’absence de contado pour les villes de l’Oberrhein les a contraintes à poursuivre nécessairement leurs alliances pour mettre en commun aussi leurs faibles capacités d’intervention.

    Alliances et Landfrieden

    83Le retour du roi par son bailli n’a pas entravé le développement des entités urbaines amorcé depuis plusieurs décennies dans le cadre des réseaux.

    84Mais que devinrent ces pratiques interurbaines ? Une évolution différenciée peut être observée. Certaines relations en réseau se sont maintenues en évoluant vers des alliances à but plus précis, le plus souvent économiques. D’autres, en revanche, ont été encadrées et intégrées aux Landfrieden par le bailli. Ce phénomène d’absorption a contribué à faire perdre sens au phénomène réseau dans la mesure où il perdait sa cohérence.

    85Les villes ne perdirent pas en 1273 leur habitude de traiter ensemble et les aléas politiques des nouveaux souverains aidant, elles prirent même quelque distance vis-à-vis d’eux comme en témoignent un certain nombre d’actes. En 1293, Adolphe de Nassau se fâcha contre ces villes qui sollicitaient sa protection et l’instauration d’une paix publique alors qu’elles l’avaient refusé quelques années auparavant137. Il fustigeait par-là Strasbourg. Plus tard, pour mettre un terme à de vieilles rivalités138 entre leurs bourgeois respectifs et pouvoir monter une expédition contre quelques sires des environs, les villes de Strasbourg et de Haguenau reprirent en 1314 « d’anciennes conventions » et les responsables des deux villes, Meister und Räte, parvinrent à un accord valide sans avoir recours à une autre autorité que la leur, en précisant « qu’un roi soit élu entre temps ou non »139. Un acte postérieur confirme cette indépendance de fait vis-à-vis du souverain. Konrad Ruser a publié un document préparatoire à un accord entre villes avec des passages laissés en blanc pour y mettre éventuellement des noms de princes au dernier moment. La seule existence de ce type d’acte prouve le caractère organisé et bien rodé de ces relations. Donc les villes de Strasbourg, Bâle et Fribourg s’apprêtaient à signer cette alliance en envisageant, le cas échéant pour une opération militaire de pacification, de faire appel « à un empereur ou à un roi » ou à un quelconque protecteur ! (article 13)140. Dans plusieurs autres documents, le recours au souverain est mis sur le même plan que le recours à un autre maître et, dans un cas comme dans l’autre, les villes devaient choisir le parti qui ne porterait pas préjudice à leur alliance (daz sol ir dan dirre verbuntnisse nut schaden). Ernst Bock parle d’une certaine neutralité, manifestée surtout après 1320141.

    86Les alliances se passaient donc parfaitement du souverain. Elles portaient de plus en plus sur des questions économiques, précisant les articles des statuts qui leur faisaient déjà la part belle au point que l’on a longtemps assimilé leur origine avec les privilèges des marchands de Cologne. Le Bremgartener Text utilise d’ailleurs le terme de mercatores pour les habitants. Les problèmes de garanties, de saisie pour dette ou de mise en gage intervenaient souvent et la libération d’éventuels otages poussait à une action rapide. Mais plusieurs actes traitent aussi des procédures communes : « trouver le véritable débiteur, procéder par témoignage si le délinquant n’est pas pris sur le vif etc. ». La réalité des poursuites, des jugements et des peines échappe cependant totalement à l’historien. Peter Schuster142, pour une période postérieure, évoque la justice indulgente de la ville de Constance, misant sur la réciprocité et la même commisération des autres villes vis-à-vis de leurs délinquants respectifs. L’indulgence n’était pas la seule qualité attendue de la justice des villes entre elles. La rapidité constituait un atout majeur d’efficacité. Les villes de l’Oberrhein pratiquaient donc une justice mutuelle simplifiée, pour les cas les plus courants, dite Unverzogenes Recht143. Les délais normaux se trouvaient raccourcis par une simplification des procédures. L’application se trouvait, en principe, réservée aux clercs et aux étrangers dans le cas d’obligations mutuelles comme des dettes ou des dommages. Il semble que les villes aient étendu la procédure à tous les cas de dettes et l’aient même rendue obligatoire. Au cas où une ville oublierait d’appliquer cet unverzogenes Recht, sa partenaire était en droit de l’exiger144. La confiance mutuelle et l’intensité des relations entre les villes s’accordaient parfaitement avec ce type de procédure qui était rappelé dans bien des alliances. Par exemple, Strasbourg, Bâle et Fribourg conclurent, comme elles le faisaient régulièrement, une alliance pour deux ans à partir du 22 novembre 1326, en s’engageant à l’application mutuelle de l’unverzogenes recht dans les affaires de dette145.

    87Si les relations d’alliances entre villes perduraient donc en partie, parallèlement et concurremment, se mettait en place ce que l’on pourrait appeler le système politique royal des Landfrieden. Mouvements de pacification engageant sous serment d’éventuels belligérants, ces alliances, plus ou moins imposées par le souverain ou son représentant, devenaient en réalité un mode de gouvernement. L’autorité supérieure que conférait au souverain sa garantie de la paix devenait force de loi146. L’efficacité, bien entendu, dépendait de la force du souverain et de l’étendue du territoire qu’il pouvait tenir. La territorialisation de la Bavière, par exemple, trouve une de ses sources dans ce système mis en place dès le ΧΙΙIe siècle. Il n’en va pas de même pour les régions en mosaïque. Lucerne offre un bel exemple en 1293 qui hésite entre deux « lois » : une Landfrieden des Habsbourg comme princes territoriaux et une autre d’Empire147.

    88Dans l’Oberrhein, des Landfrieden, instruments d’une pacification rendue nécessaire dans le contexte d’une politique impériale agitée, ont été réactivées, dès Rodolphe de Habsbourg, dans le cadre de sa reprise en main du royaume. Deux jours après son couronnement, le 26 octobre 1273, il remit en vigueur la paix conclue à Mayence en 1235 dans laquelle entrèrent, de gré ou de force, les villes de Wissembourg, Strasbourg, Haguenau, Sélestat, Colmar et Bâle. Les prérogatives royales en matière de paix sont rappelées le 24 juin 1278 et trois ans plus tard un Landfried est conclu pour une durée de cinq ans. Rodolphe de Habsbourg n’a pas négligé la mise en scène solennelle de ces grandes cérémonies au cours desquelles les grands prêtaient serment. Pour manifester avec éclat son désir de tenir en main l’Oberrhein, c’est à Colmar qu’il choisit en avril 1288 de convoquer l’évêque de Strasbourg, un grand nombre de princes et la ville de Strasbourg. Il posa un autre acte politique symbolique en nommant Otto von Ochsenstein, déjà bailli, responsable de la paix (Landfriedenshauptmann). Adolphe de Nassau poursuivit cette politique en renouvelant ces paix en 1292 et 1294 « pour dix années ». Ont-elles été effectives ? Leur répétition ou leur caractère velléitaire sous Adolphe de Nassau permet d’en douter. Les principes énoncés se résument au couplet banal d’une nécessaire pacification contre des princes belliqueux. Les chroniques, dont celle de Colmar, ne manquent pas d’ailleurs de souligner cette absence d’originalité. La caractéristique de ces alliances résidait dans l’initiative royale, échappant donc en partie aux villes, même si elles en étaient bénéficiaires, et dans l’agrégation, pour mieux les tenir, des fauteurs de troubles, les princes ainsi que les plus hautes (et dangereuses) autorités ecclésiastiques. Participaient donc à ces Landfrieden dans l’Oberrhein, les deux évêques de Bâle et Strasbourg, les agents royaux (Landgraf et/ou bailli) et les villes.

    89Les Landfrieden restaient malgré tout tributaires du pouvoir royal et de son efficience. Les incertitudes et guerres que connut l’Empire après la disparition de Rodolphe de Habsbourg allaient contribuer à faire évoluer cette pratique. Elle constituait, en effet, le seul mode de gouvernement pour souverain contesté ou déchu. Le concept va alors s’élargir pour mieux asseoir un pouvoir fragile. Dans une paix conclue en 1301148, les villes n’apparaissent plus comme une simple liste de toponymes mais leurs organes de gouvernement ou leurs responsables sont soigneusement énumérés et intégrés à la paix en tant que tels par le pouvoir royal. Pour le roi, la ville cesse d’être une entité floue et riche pour devenir un pouvoir construit, acteur d’une paix : « Peter von Schonnecke maire et le conseil et les bourgeois solidairement (burgere gemeinliche) de Strasbourg », « Conrat der Schaler, que l’on surnomme Rummelher, maire et le conseil et les bourgeois solidairement de Bâle ». La paix devenait alors un outil politique et intégrait tous ceux qui se trouvaient dans son espace protégé : « tous les prêtres et tous les clercs et tous les établissements religieux qui doivent être dans cette paix... tous les nobles et leur suite, toutes les villes et forteresses et villages et domaines »149. Tous étaient passibles des sanctions applicables aux contrevenants à la paix et relevaient donc, de ce fait, de la justice de la paix, c’est-à-dire du roi (kuniges gerihte). De plus, l’objectif énoncé cessait d’être vague et dépassait le seul maintien de l’ordre public. Les questions économiques pouvaient faire l’objet de ces Landfrieden, tout comme les alliances entre villes, et la suppression des nouveaux péages, motifs fréquents de conflits et querelles, mobilisaient facilement les partenaires. Reprenant cette paix de 1301, celle de 1310 concernait l’exemption de taxes pour les Strasbourgeois150. Ces volontés royales de pacification militaire englobaient donc aussi la pacification économique qui ferait taire tous les conflits. On voit nettement l’autre fonction de la paix publique, celle d’instrument de gouvernement. Le passage était aisé dans la mesure où le roi détenait la souveraineté en matière de paix publique et devait exercer la justice à l’encontre des contrevenants à cette paix. La marge de manœuvre des alliances urbaines se rétrécissait d’autant.

    90En ce qui concerne l’efficacité de ces paix, l’historien doit se contenter de faibles indices. Leurs répétitions donnent à penser que le maintien de Tordre public demeurait toujours fragile et que l’effet des Landfrieden n’avait rien de radical. Pourtant, leur souci d’efficacité se traduit par la délimitation large mais précise du territoire de pertinence de la paix et par une tentative d’organisation pratique. Les villes en réseau et en alliances fonctionnaient à égalité, chacune aidant l’autre, avec ses propres moyens. Dans le cadre des Landfrieden, les souverains prétendaient exercer pouvoir, justice et maintien de Tordre public dans un territoire donné. Une politique de territorialisation à petits pas se manifestait alors dans l’Oberrhein puisque l’engagement commun s’inscrivait dans un espace déclaré commun et soumis au roi. La paix de 1301, déjà citée, s’appliquait à l’Oberrhein avec une précision nouvelle : étaient comprises les terres des deux évêchés de Strasbourg et de Bâle, des deux côtés du Rhin151. Les Landfrieden, d’autre part, se trouvaient dotées d’une personnalité juridique puisqu’elles pouvaient disposer d’un sceau. Un seul acte du corpus en porte la trace152. Les autres ont-ils été perdus ? N’ont-ils existé qu’en théorie ? L’appareil administratif et politique mis en place était placé sous l’autorité d’un agent impérial, le Gemeiner Obmann (ou Hauptmann). Il jouait surtout un rôle d’arbitre entre les forces centrifuges réunies dans la paix. Les partenaires désignaient, pour former une équipe de direction, neuf Hauptleute ou Obleute. Il arrivait cependant que le souverain se réservât leur nomination et cette pratique devint de plus en plus courante. Les villes, au milieu des princes, eurent le plus grand mal à se faire représenter, sauf la ville de Strasbourg. La voix de chacune restait trop faible et le roi n’entendait pas reconnaître une représentation solidaire. Qu’on en juge : la paix « étemelle » de 1318, fut jurée par toutes les forces de l’Oberrhein, du moins celles qui comptaient dans la politique royale. Le roi Frédéric d’Autriche désigna trois Obleute, l’évêque de Strasbourg pour sa part en désigna deux, celui de Bâle un, l’archiduc Léopold un, le Landgraf Ulrich un, la ville de Strasbourg deux et celle de Bâle un. Aucune des petites villes ne pouvait être entendue, a fortiori défendue, du moins jusque dans les années 1330. Ce conseil des Neuf, qui comptaient parfois en réalité 11 ou 19 membres, exerçait sous serment son mandat le temps que durait la paix. Si les Obleute disposaient du sceau de la paix, en revanche, ils manquaient de chancellerie et devaient sans doute faire établir leurs actes là où ils officiaient, comme l’empereur. On remarque d’ailleurs qu’ils utilisaient aussi le sceau de leur ville de passage. Le plus important résidait dans la justice commune qu’ils rendaient. On se souvient de cet acquis de la grande ligue rhénane de 1254. L’exercice de la justice constituait sans aucun doute l’outil le plus efficace de cette « institution ».

    91La période du souverain retrouvé, jusqu’à Louis de Bavière, correspond, pour les relations citadines, à une période complexe pendant laquelle la mort de leurs alliances par étouffement dans les Landfrieden est programmée mais en sursis du fait de la faiblesse des souverains. Les villes, ayant accédé à une relative autonomie, continuèrent à former sur des points techniques précis des alliances. Mais les efforts et les effets d’un pouvoir royal cherchant à territorialiser l’Oberrhein minaient la vitalité du réseau urbain.

    Vers les ligues politiques (1314-1354)

    92A partir de 1314, et pour plus de trente ans, Louis de Bavière se maintint au pouvoir, en dépit de son principal concurrent Hasbourg Frédéric le Beau, dans un climat de désordre politique qui permit tous les coups et toutes les mises en concurrence de 1314 à 1330.

    93Ce contexte politique de négociations permanentes tout comme le développement des administrations citadines expliquent, du moins en partie, la brusque pléthore d’actes constituant le corpus de référence. La récession économique touchant l’Oberrhein mis à l’écart des grands axes nord-sud traversant, après le Gotthard, l’Allemagne du sud, crispait les partenaires économiques du sud-ouest qui tentèrent de rémédier à ce qu’ils perçevaient de la situation. Leurs villes multiplièrent alors les actes à portée commerciale. Plus de deux cents documents conservés, pour la période entre 1314 et 1354, éclairent les relations au sein de ces réseaux de villes étudiés jusqu’alors avec beaucoup d’hypothèses et d’extrapolations. L’évolution quantitative va de pair avec une évolution qualitative, une typologie cohérente, plus nettement spécialisée, alors que les documents précédents traitaient de tout à la fois. Dans un réseau enfin, un acte générait autant d’expéditions que de partenaires. Pour toute action, les conseils devaient approuver à la majorité et le faire savoir ; les villes convoquées devaient attendre l’arrivée de toutes à la réunion (bis alle bieinander sint).

    94La majorité153 des accords, on ne peut s’en étonner, concerne la conclusion de landfrieden ou d’opérations punitives contre les seigneurs ou princes ennemis du bien commun. La deuxième grande catégorie d’actes vise les mêmes adversaires pour contrecarrer leurs entraves au commerce et à l’enrichissement des villes. Viennent ensuite, en raison de leur nombre, les traités d’organisation et de mise au point des réseaux institutionnalisés. Enfin, les réglements techniques de créances et de saisie pour dettes, les accords monétaires qui trahissent les difficultés des hommes d’affaires.

    95La tendance générale fait apparaître une évolution des réseaux conviviaux aux multiples fonctions vers des réseaux plus techniques et politiques, des ligues au sens plus étroit du terme, impulsées, contrôlées ou « récupérées » par le souverain. La complexité croissante des affaires et des relations gagnait les organismes urbains mais aussi les terrains d’entente ou de désaccord entre villes. Des relations suivies exigeaient un personnel mobilisé et compétent, un travail permanent de secrétariat et surtout une disponibilité des élites qui prenaient les décisions politiques, cette fameuse Abkömmlichkeit de Max Weber. L’adaptation à de nouvelles réalités sociales à l’intérieur des villes, politiques et économiques à l’extérieur, se traduisit par de nouveaux types de réseaux plus proches des ligues italiennes dans leurs buts sinon dans leur fonctionnement puisque le souverain les reprenait en main. Avec des villes parvenues à maturité sur le plan institutionnel et puissantes sur le plan économique, l’adéquation entre le respect de l’indépendance de chaque membre et la cohérence de l’ensemble du réseau suscitait de réels rapports de force. Pour suivre de près cette évolution, trois secteurs seront successivement envisagés : l’autonomie acquise (ou non) des villes partenaires des réseaux, la technicité de ces réseaux et enfin, les ligues politiques et leurs relations avec le souverain.

    Réseaux politiques et sociétés urbaines

    96Les années 30 du XIVe siècle marquèrent un point culminant dans la puissance des villes où émergea toute une série de contre-pouvoirs entraînant un renouvellement des élites avec modifications des constitutions.

    97L’épanouissement du pouvoir citadin déjà doté d’une personnalité juridique avec un sceau et un gouvernement émanant des bourgeois se traduisit par un réel souci d’affirmation de son identité et de sa représentativité intérieure et extérieure. Une véritable identification de la communauté citadine se mit en place.

    98La titulature des actes, tout d’abord, reflète l’unité apparente acquise par la communauté citadine qui se reconnaissait dans ses représentants. Les formulaires usent du « nous » : Wir... tunt kunt etc. Dans les expéditions des actes, le wir est, bien entendu, explicité : wir der bürgermeister (ou meister) und der räte zu... ou, en latin plus rarement : consules et universi cives Columbarie. La mention du Schultheiβ n’avait rien de systématique, preuve supplémentaire de l’effacement de cet agent royal, dont la charge sera rachetée ou reprise de fait par les villes.

    99De même, avant les années 1330, la mention de la commune ne figure pas nécessairement dans la titulature mais souvent dans l’adresse formulée par les autres villes. Sélestat écrivit à Fribourg en 1321 (ou 1323)154. L’adresse se trouve ainsi libellée : « aux sages et discrètes personnes, le maire, le prévôt, le conseil et la communauté de Fribourg, nous faisons savoir... ». Quant à la titulature, elle se présente sous la forme : « nous, le maire, le prévôt et le conseil de Sélestat »155.

    100Après les changements des années 1330-1340 dans les constitutions, sur lesquels nous reviendrons, s’ajoutèrent les représentants des métiers intégrés dans les gouvernements comme à Colmar par exemple : « le maire, le conseil, le maître des métiers et toute la commune de Colmar »156. La notion essentielle de continuité administrative et politique se trouve bien affirmée lors d’un renvoi à un « ancien » accord ou mieux encore dans l’alliance tripartite, Strasbourg-Fribourg-Bâle du 12 janvier 13 29157. Le dernier article de l’accord précise que « l’ancien Rat de chaque ville doit faire faire le serment de continuer à observer l’alliance ».

    101L’expression de la ville, avec toutes ses composantes sociales et sa continuité administrative, se trouvait ainsi affirmée vis-à-vis de l’extérieur. Ce qui, semble-t-il, n’allait pas toujours de soi. Un acte, fort intéressant à cet égard mérite d’être cité. Le 10 mars 1317, sous l’autorité de l’évêque Jean de Strasbourg, une paix fut conclue pour ramener la tranquillité des échanges commerciaux perturbés par les princes, entre autres par les ducs de Bade. Après l’énumération des accords techniques concernant les péages, les droits à percevoir ou non, il est précisé que les ducs « devaient croire », c’est à dire prendre au sérieux, les lettres de la ville de Strasbourg158. Les logiques citadine et « féodale », dans un document de cette nature, expriment leur parfait antagonisme ! L’ampleur de la correspondance entre villes allait-elle de pair avec des relations orales plus suivies ou, au contraire, économisait-elle des voyages ? Ou encore les deux démarches se trouvaient-elles complémentaires, les courriers étant toujours portés (et commentés) au destinataire ? Le problème de la représentation de la ville se pose alors.

    102Si, dans les documents écrits, les titulatures corroborées par le sceau de la ville pouvaient faire autorité, dans le cadre des rencontres ou visites, qui représentait valablement une ville ? Qui pouvait être reconnu par les partenaires d’un réseau et considéré comme un interlocuteur à part entière ?

    103Le problème dépasse largement les formalités protocolaires dans la mesure où les décisions prises officiellement par les magistrats des villes étaient précédées de discussions, réunions, allées et venues entre villes, pour aboutir à des accords explicites des partenaires. Les réseaux visaient à établir des cadres dans lesquels les cités se portaient mutuellement conseil et aide (zu raten und zu helfen). Dans les documents examinés, apparaissent comme plénipotentiaires, soit les agents spécialisés, les messagers (boten), soit le Stadtschreiber159, sorte de secrétaire général de la ville ou chancelier. Exceptionnellement la représentation est assurée par le déplacement des Bürgermeister eux-mêmes160. Dans le cadre d’une difficile négociation réunissant le roi Albert, les évêques de Strasbourg et de Bâle, les landgraves de Haute et Basse-Alsace, les villes de Strasbourg et de Bâle pour traiter de la paix161 en (janvier ?) 1301, les Bürgermeister représentaient en personne leurs villes et l’enjeu leur apparaissait d’une telle importance qu’ils négocièrent « treize semaines ensemble » ! Qui prenait les décisions en leur absence ?

    104Le rôle des messagers ou ambassadeurs se situe au cœur des réseaux de villes puisque l’essentiel des relations se jouait, sans doute, par leur intermédiaire. Les sources, avant le milieu du XIVe siècle, ne précisent rien quant à leur qualité sociale, leur recrutement162 ou leur nombre163. Elles mentionnent simplement, de façon lapidaire, ce que leurs voyages coûtaient à la ville et encore, tardivement, les documents comptables n’étant conservés qu’à partir du XIVe siècle. En revanche, et à plusieurs reprises, les partenaires insistèrent sur un élément indispensable au bon fonctionnement des rencontres : les messagers des villes (Stadtboten) devaient être investis d’un pouvoir explicite, sinon de décision, du moins de négociation. Quand Frédéric de Linange, landvogt de Rodolphe de Habsbourg, convoqua à Mayence, le 11 août 1277, la ville de Strasbourg164, il précisa que les messagers ou ambassadeurs devaient, pour prendre avec lui des mesures en faveur de la paix, être munis de pleins pouvoirs (bevollmächtige boten). Aux rencontres importantes, les villes s’engageaient clairement à n’envoyer que des messagers investis d’un réel pouvoir de décision (die boden mit gewalt schicken (...) mit vollem gewalt).

    105Les délais, on l’a déjà observé, étant souvent fort brefs entre la convocation, la réunion et la décision, il fallait pour que les rencontres fussent efficacement suivies d’effets une pleine délégation de pouvoir des villes à leurs envoyés. Quelle était donc leur marge de manœuvre ? L’état de la documentation ne permet guère de répondre. Le document préparatoire déjà cité confié par Strasbourg à ses envoyés pour discuter avec Bâle et Fribourg pourrait offrir, comparé au texte final, des éléments de réponse. Las ! Mot pour mot, le texte primitif a été simplement recopié, au point que certaines dispositions caduques au moment de l’alliance y figurent encore ! En revanche, un autre document indiquerait leur capacité à négocier. En 1343 (ou 1345 ?), pour régler un conflit entre la ville de Colmar et ses voisins, les sires de Ribeaupierre et ceux de Hattstatt, les envoyés des villes, dont Strasbourg et Colmar, prévoyaient de se réunir pour négocier. L’évêque de Strasbourg, Berthold, écrivit à Berthold Swarber, le garant de la paix (obmann der landfrieden), de s’y rendre mais, précise-t-il, s’il en était empêché, les envoyés des villes pourraient valablement le représenter. C’est dire la confiance, du moins dans cette affaire, qui leur était accordée.

    106Certaines missions semblent réservées au Stadtschreiber. Premier « fonctionnaire » de la ville, le chancelier se trouvait en mesure, lors de négociations, de dire, développer et défendre l’opinion de sa ville, sans jamais toutefois pouvoir la représenter par écrit. La présence de ce personnage semble requise en cas de procès. Il représentait en effet la mémoire vivante de la ville, et la complexité des contentieux, aggravée par leur durée, exigeait sans doute son active présence et son expérience. Le Stadtschreiber incarnait, de façon permanente, la conscience d’elle-même de la ville et ses intérêts auxquels il avait juré, lors de son serment d’entrée en fonction, d’être attaché. Le livre des serments de Sélestat165 contient celui du Stadtschreiber. Les articles un et quatre résument toute l’évolution des villes entrevues jusqu’à présent. En tant que représentant de la ville, le Stadtschreiber « ne doit pas conseiller un bourgeois contre un autre, il doit garder secrètes166 les décisions du conseil, ne pas instrumenter pour un étranger à la ville et tenir informés le maire et le conseil ». La formation juridique de ces personnages échappe à l’historien car les premières indications ne sont pas antérieures au XVe siècle. Le sentiment identitaire n’excluait pourtant pas les luttes intérieures.

    107Une certaine conscience urbaine, dont la plénitude d’expression vient d’être évoquée, se trouva confrontée dans les années 1330 à des problèmes d’identification. Tous les habitants se reconnaissaient-ils dans « leur » ville qui parlait d’une seule voix à l’extérieur ? Le fonctionnement en réseau a certes favorisé la conscience urbaine, mais le phénomène connut un effet de retour quand les luttes internes visant à participer à la vie politique de chaque cité provoquèrent un dysfonctionnement de ces mêmes réseaux.

    108L’élargissement de la fraction de la société participant, ou voulant participer, au gouvernement de la ville caractérise, on le sait, le début du XIVe siècle dans la plupart des villes. La diversification des échanges et des productions, la forte demande d’une consommation urbaine, l’utilisation systématique de nouvelles techniques, remuaient en profondeur une société dans laquelle les artisans se mobilisaient face aux rentiers ou « capitalistes » qu’étaient devenues, pour schématiser, les élites bourgeoises ou nobles. Les crises sporadiques167, avant la grande peste de 1347, laissèrent des cicatrices dans le tissu social et économique. De nombreux travaux sur la formation et le développement des métiers168 en tant que groupes de pression permettent de comprendre les conflits qui, entre 1330 et 1340, conduisirent à l’entrée au conseil des métiers et à la sortie (plus tardive) des nobles.

    109Les guérillas urbaines entre clans se nourrissaient des querelles au plus haut niveau politique : à Colmar, en 1331, les Rouges se réclamaient des Habsbourg, les Noirs de Louis de Bavière. Le renouvellement institutionnel des conseils de chaque ville169 à la même époque ne peut tenir du hasard et les conséquences pour les relations interurbaines vont être d’importance. Les intérêts défendus, les méthodes et les moyens changeaient substantiellement.

    110Quelques exemples de l’obligation dans laquelle se trouvèrent les villes d’élargir le concept de meliores montrent nettement les difficultés rencontrées par ces réseaux au début du XIVe siècle. Plusieurs catégories sociales se manifestaient suffisamment pour poser problème et parmi elles : les hôtes, les marchands et les bourgeois de l’extérieur ou Ausbürger170. Ces groupes sociaux avaient en commun d’aller de ville en ville, de passer d’une autorité à une autre et de contribuer à l’enrichissement de tout le monde. Il fallait donc trouver un mode de protection, de garanties ou de surveillance à l’intérieur du réseau. Dans les droits urbains de la famille fribourgeoise, les hôtes, souvent marchands de passage, figuraient en bonne place et bénéficiaient rapidement des avantages proches des bourgeois résidants à condition « qu’ils gardent la paix ». Toutes sortes de problèmes dans la vie quotidienne se posent pour eux et pour les bourgeois à part entière ; par exemple, quelle était la validité de leur témoignage dans une ville ou dans une autre du fait qu’ils ne prêtaient pas serment ? Ou encore quel montant de péage doit-on exiger d’eux ? Quelle peine à infliger en cas de coups et blessures, selon que le pugilat a eu lieu dans ou hors de la ville ? Le co-bourgeois, le « communier » bénéficiait, dans tous les cas, de dispositions toujours privilégiées. Un bourgeois ne pouvait prêter assistance à un étranger contre un bourgeois de sa ville. Sauf si cet étranger se mettait sous la protection de « qui il lui plaira dans la ville »171. Peu d’accords, du moins dans notre corpus, semblent nécessaires pour régler ces problèmes, à preuve que la même famille de droits contribuait largement à la cohérence des relations.

    111En revanche, la ligne de conduite vis-à-vis des bourgeois extérieurs dits Ausbürger a largement fluctué. Cette catégorie de bourgeois, désignée aussi par le terme de Pfahlbürger172, participait des droits et devoirs des bourgeois, sans résider dans la ville mais tout en y possédant une maison imposable. Dans l’Oberrhein, à la différence d’autres régions, il ne semble pas que obligation leur ait été faite de résider en ville même une partie de l’année, l’hiver dans d’autres régions. Cette attitude ouverte se comprend par l’intérêt qu’avaient les villes à tenir châteaux et terroirs, par Ausbürger interposés, loin de leurs centres et même en dehors de leurs bans. Mais, dans le cas des nobles vivant à la campagne et dans la dépendance de l’empereur - c’est le cas surtout à Strasbourg - celui-ci cherchait à s’opposer à leur double résidence pour ne pas perdre ses vassaux. Dans la paix du 22 août 1313, Henri VII obtint que les villes cessent d’accueillir de nouveaux Pfahlbürger et que ceux qui l’étaient déjà soient contraints de résider été comme hiver173. Le texte du serment exigé des Ussbürger à Colmar manifeste, un siècle plus tard, l’assimilation aux bourgeois qui s’engageaient à garder le droit comme un autre Ussbürger, servir son métier et payer la taille174. S’il payait, pourquoi le refuser ? À la demande de la ville de Sélestat, l’empereur Louis de Bavière prit une ordonnance, le 4 juin 1336, stipulant que les Ausbürger de la ville de Sélestat soient tenus de ne payer les impositions directes et indirectes (Ungeld) qu’à Sélestat « et à aucune autre »175.

    112La prise en compte par les gouvernements urbains d’une plus large participation des habitants ou des gens de passage se traduisit aussi, peut-être, par l’institution de la prestation publique du serment ou jour du serment (schwörtag) attesté à Strasbourg dès 1332. La prestation individuelle de serment ne reste possible que tant qu’elle ne concerne qu’un nombre limité de bourgeois, une petite élite. Quand l’appartenance à une ville et à ses intérêts touche une population plus nombreuse, le serment collectif s’impose. Et les villes connurent à cet égard une évolution relativement parallèle.

    113Un autre exemple : les querelles réglées par la justice de telle ou telle ville au bénéfice de ses bourgeois lésés ne faisaient l’objet de discussion et d’accords qu’assez exceptionnellement. La ville défendait sa paix et punissait l’acte qui la troublait176. Les bourgeois jugeaient des actes commis par des bourgeois. Mais de plus en plus, dans toutes ces villes en réseau, on observe un élargissement vers une attitude plus ouverte à d’autres catégories sociales : la plainte d’un homme ni bourgeois ni même bien famé (verrufener Mann) devait aussi être prise en considération177. L’accord de 1318 sur les procédures de paix dans l’Oberrhein, sur lequel nous reviendrons, traduit une large prise en compte de la société urbaine. La solidarité entre villes s’établissait sur ces bases communes. Le 20 mai 1346 Colmar, Sélestat, Obemai, Mulhouse, Kaysersberg, Turckheim et Munster renouvelèrent un accord de 1342, le complétant par un nouvel article : si un bourgeois, pendant les années que durait l’alliance, perdait son droit de bourgeoisie, il avait un mois pour revenir faire amende honorable dans sa ville et y racheter son droit de bourgeoisie. Mais s’il ne le faisait pas ou se réfugiait dans une autre cité alliée, il devait y être considéré comme parjure (meineidiger) et donc rejeté. Il était interdit aux villes partenaires de le recevoir178. Enfin, l’expression d’une adéquation complète entre le bourgeois et le citadin se trouve formulée dans le droit de Neuenburg (1292) : est bourgeois celui qui est sis et habite chez nous (der bi uns gesessen ist, gesessen oder wonend).

    114Ces quelques éléments permettent de mesurer l’impact des évolutions intérieures des villes sur les relations en réseau, et réciproquement. Le temps où les élites parlaient aux élites semble révolu. Les sociétés urbaines prises dans leur diversité et leurs conflits intérieurs devaient trouver des procédures pour remplacer des relations jusqu’alors sur le mode presque personnel. Peut-on rejoindre l’analyse de Joseph Morsel179, étudiant à une époque beaucoup plus tardive « la coopération de la noblesse franconienne aux entreprises princières de modernisation politique », à savoir que « les relations sont dépersonnalisées quand elles deviennent monétarisées » ?

    Réseaux techniques

    115Le corpus des actes utilisés, on l’a vu, reflète une évolution vers la spécialisation technique, si l’on peut utiliser cet anachronisme. Dans ce domaine également, l’interaction des administrations urbaines plus développées et des problèmes complexes dans les relations en réseau, se lit avec évidence. Trois secteurs ont stimulé le travail en commun : l’organisation propre du réseau, la justice dans un espace dépassant le droit d’une ville précise, les questions économiques.

    116Avant la deuxième décennie du XIVe siècle, grosso modo, les réseaux entre élites, en stimulant la conscience urbaine, avaient favorisé l’émergence des constitutions urbaines et l’adéquation de leurs droits dans le cadre de l’Oberrhein. Ce même travail de mise au point d’outils réglant la vie sociale se manifestait, une fois les villes bien organisées, pour maintenir et développer leurs relations. Il convient donc de s’interroger sur les modalités de fonctionnement en réseau.

    117Un principe de bon fonctionnement se trouve indirectement formulé dans plusieurs actes : chaque ville participe à égalité180 au réseau. La responsabilité pleine et entière, dévolue à chaque membre, lui permettait non seulement de négocier et de faire prévaloir son avis, mais aussi l’autorisait, en cas de désaccord, à rompre l’alliance dans un délai d’un mois si les partenaires faisaient preuve de rouerie ou de trahison. Ainsi entre Bâle et Neuenburg181, une méfiance mutuelle incitait à réaffirmer la liberté de chacune des deux villes à dénoncer l’accord le cas échéant. Le principe d’égalité se trouve cependant confronté à la réalité de la puissance très inégale des villes, et certaines d’entre elles menaient le jeu dans les faits.

    118Derrière l’affirmation théorique de l’égalité de chacun des membres, se dessine la réalité d’une hiérarchie de fait entre les villes du réseau. Strasbourg, dès le début de l’Interrègne comme on l’a vu, avait pris l’initiative et stimulé les relations. Il est indéniable que son amitié ou son hostilité vis à vis de l’empereur, par exemple, avaient donné le ton. Outre les deux métropoles de Strasbourg et de Bâle, s’imposèrent aussi comme villes pivots Colmar et Fribourg182. Leur active présence dans toutes les rencontres et la défense constante de leurs intérêts orientaient en leur faveur le fonctionnement du réseau. Strasbourg, d’abord tournée vers le nord avec les villes commerciales partenaires du Rhin, Mayence, Worms et Spire, a ensuite laissé se préciser le réseau urbain plus au sud. Après la mort de Léopold d’Autriche, la métropole strasbourgeoise a délibéremment changé la direction de ses alliances et choisi les villes méridionales. De 1326 à 1346, les trois villes de Strasbourg, Bâle et Fribourg ont conclu des alliances sans aucune interruption, renouvelées avec constance. Cette « ligue des trois villes » (Dreistädtebündnis) fonctionnait sur la base très large du réseau d’intérêts, exprimé avec simplicité : la coopération durerait autant qu’elle resterait utile et bénéfique183. De 1342 à 1346, Brisach s’ajouta au dispositif d’alliance. Sélestat a pu également jouer un rôle important, du moins comme détentrice des archives. On sait que cette responsabilité lui a été dévolue dans le cadre de la Décapole, cette ligue de dix villes alsaciennes conclue en 1354 et sur laquelle nous reviendrons. Il n’est pas impossible que, compte tenu d’une situation géographique relativement centrale, Sélestat ait pu être considérée, avant cette date déjà184, comme le lieu de mémoire du réseau.

    119Est-ce à ce titre qu’elle intervint en 1321 (ou 1323)185 ? La ville de Sélestat intercéda en effet auprès de Fribourg au nom de Brisach dont les bourgeois étaient désignés comme leurs alliés communs par le serment (unser eitgenossenen). Ulrich Muzeln, bourgeois de Brisach, se trouvait prisonnier du comte de Fribourg. Brisach sollicita l’intervention de Sélestat auprès de Fribourg pour que son bourgeois soit libéré (lidig lassen). Pour infléchir la décision du comte, Sélestat argumenta au nom de la solidarité du réseau, « nous devons aider ce bourgeois et sa ville ». Elle invoqua également les dommages à épargner au pays au cas où le conflit dégénérerait en guerre, tous ces arguments étant exprimés avec une grande affliction face à une situation si regrettable186 !

    120Même relative, l’importance reconnue des villes à l’intérieur d’un même réseau se manifeste très clairement dans cette affaire. Brisach ne se sentait pas en mesure d’affronter le comte de Fribourg, même comme membre à part entière d’une alliance. Elle demanda donc son intervention à Sélestat, ville considérée par ses adversaires comme un interlocuteur de plus de grand poids. L’effet réseau a parfaitement joué puisque Sélestat réussit sa mission187.

    121L’existence juridique d’un réseau en tant que tel ne se trouve jamais attestée par un document comme le furent les landfrieden dotées (toutes ?) d’une personnalité juridique. Un seul acte188 du corpus cependant porte le sceau de la paix (Friedenssiegel) dans le cadre d’une alliance entre les Neuf responsables d’une paix et les Sept d’une autre189.

    122Une organisation efficace supposait également de bons moyens de transmission des informations et des décisions. Le caractère pédagogique des réseaux, en ce qui concerne le temps et l’espace, a déjà été souligné. Les exigences et les nécessités se faisaient de plus en plus grandes. Il fut stipulé en 1343 que les jugements, dans le cadre des landfrieden, se rendraient le lundi après chaque fête des Quatre-Temps190. La durée des accords courait du jour d’une fête liturgique à une autre, ou du jour de la fête du saint patron. En cas d’interventions armées décidées en commun, devaient être d’abord prévenues les villes les plus éloignées puis les plus proches qui avaient l’obligation d’attendre que toutes soient rassemblées (alle bienander sint). La qualité et l’opportunité des décisions à prendre, parfois en un temps record, dépendaient d’une mobilisation effective de tous les membres. Au titre de l’organisation efficace, la question des moyens se pose. Un financement spécifique191 cependant n’apparaît pas clairement mais plutôt un partage des frais sous l’autorité des Neuf (die neun) est indiqué dans le cadre d’une paix. On en ignore les modalités.

    123Des responsables ou un personnel spécialisé, en revanche, semblaient fonctionner selon des modalités de plus en plus précises (une vingtaine d’acte entre 1317 et 1345), mais dont certains aspects échappent encore à l’historien. Dans le cadre des landfrieden, on rencontrait des Hauptleute, des Obleute, gemein (Ob)mann. Ces garants des paix existaient depuis longtemps, il en existait même à l’échelle des paix castrales. Dans le cadre de l’Oberrhein, les Hauptleute, sorte de sages ou personnages influents, se trouvaient investis de larges responsabilités, surtout dans le cadre de l’activité judiciaire. Les modalités de leur désignation revêtent alors une grande importance. Elles évoluèrent strictement en fonction des rapports de force des membres et, in fine, le souverain reprit aux villes la direction des ligues.

    124Pour garantir, sur le plan des principes, l’impartialité des Hauptleute, ils étaient choisis par les membres des alliances (au prorata de leur importance ?) sauf quand ils étaient nommés par l’empereur si la paix était à son initiative192, comme ce sera le cas de plus en plus fréquent. Le Gemeiner (Ob)Mann dans ce cas était l’agent impérial et jouait le rôle d’arbitre. En 1318, une paix, qui se voulait définitive, fut scellée entre tous les partenaires de l’Oberrhein. Seuls les plus puissants désignèrent les onze Hauptleute : le roi Frédéric d’Autriche en désigna trois, l’évêque de Strasbourg deux, celui de Bâle un, l’archiduc Léopold un, le landgrave Ulrich un, la ville de Strasbourg deux et celle de Bâle un. Autant dire que le point de vue des villes ne pouvait être entendu, a fortiori défendu. En 1339, l’empereur Louis de Bavière en nomma deux, l’archevêque de Mayence un, les deux comtes palatins Rudolf et Ruprecht un, enfin les villes cinq (Mayence, Strasbourg, Worms, Spire et Oppenheim). Ces Neuf193 étaient assistés d’un Gemeiner Mann. Ils juraient de maintenir la paix décidée, leur mandat ne durait d’ailleurs que le temps de cette paix. et leur nombre variait selon des critères qui nous échappent. En 1305, ils étaient cinq pour le seul Brisgau, en 1317, dix-neuf pour l’Alsace (avec sans doute l’Ortenau car l’évêque de Strasbourg était partie prenante), mais onze seulement en 1318 pour tout l’Oberrhein, sept en 1333 pour un territoire non précisé dans l’acte.

    125L’organisation semble se perfectionner en tout cas, en dépendant de plus en plus étroitement de l’autorité du souverain. En 1338194, pour tout l’Oberrhein, « de Hauenstein, Belfort jusqu’à Haguenau », d’une crête à l’autre, le mode de désignation se voulait plus précis. Le landvogt impérial (on ne s’étonnera pas de son rôle d’acteur principal à cette période) et « ses » villes choisirent quatre hommes de Colmar, de Haguenau, de Sélestat et un d’Obernai ou Rosheim. Tous ces personnages nominalement désignés et formant (théoriquement) un collège de Huit (achten) appartenaient à l’élite des conseils. L’empereur « donna » ensuite, comme quatrième ( !) homme, aux villes de Mulhouse, Kaysersberg, Turckheim et Munster, le duc Conrad d’Urslingen. Le duc d’Autriche, les évêques de Strasbourg et Bâle et les villes de Breisach, Neuenburg et Rheinfelden se voyaient aussi représentées par des membres de familles citadines éminentes ou des nobles. Les achten apparaissaient donc à partir des années 1330, comme des fidèles du pouvoir impérial, par lui désignés, auxquels s’ajoutait le représentant plus direct de l’empereur, le gemeiner obmann. Dans l’acte cité, deux comtes195, Albrecht von Hohenberg et Johann von Hallwil furent conjointement nommés.

    126Tous ensemble, les Huit et les Deux qui ne font qu’un Obmann, disposaient des pleins pouvoirs en matière de justice et pouvaient connaître les délits de sédition, bagarre, vol, rapt ou incendie. Les membres de la paix leur devaient assistance pour instruire les affaires. Chaque dimanche après les Quatre Temps, ils siégeaient à Colmar « pour entendre les pauvres gens et les dépositions de plaintes ». D’autres agents moins prestigieux devaient accomplir les tâches subalternes, comme conduire un prévenu devant la justice de sa ville d’origine pour y être entendu. Parfois les bourgeois désignaient des personnages de confiance qui, avec leurs valets, se trouvaient en situation de maintenir l’ordre avant que ne statuent les Obleute196.

    127En dehors des paix, les messagers des villes (boten) jouaient le rôle de médiateurs et de négociateurs. Ils participaient activement à la bonne organisation des réseaux et étaient considérés comme indispensables puisqu’il est stipulé, à plusieurs reprises, que leur remplacement, en cas d’empêchement, devait être immédiat. Ils pouvaient aussi à l’occasion assurer la police : « quand un seigneur, un chevalier ou un valet se conduit en ennemi d’une ville, le conseil doit aussitôt prévenir les autres villes et s’il s’y présente, le considérer de suite comme l’ennemi »197. Y avait-t-il d’autres agents subalternes à galoper de ville en ville ?

    128L’organisation des réseaux sur le plan pratique progressait mais, faute de traces, échappe en partie à l’historien. En revanche, les procédures juridiques sont mieux connues car elles se précisaient par écrit au fur et à mesure que les villes travaillaient ensemble. Bénéficier du droit (stadtrecht) constituait déjà une sorte de privilège. La sanction, par exemple, de celui qui allait à l’encontre d’une paix et devenait ainsi parjure, était d’être privé de la protection juridique198. Les documents conservés avant 1354, il faut le rappeler, ne disent rien de la pratique. S’entendre sur les dispositions juridiques et les appliquer dans une ville précise pouvaient être deux choses différentes. La réalité des poursuites, des jugements et des peines échappe en fait à l’historien faute de sources précises. Cette ignorance de la pratique rend donc impossible toute conclusion définitive et même toute appréciation pour l’Oberrhein. Pour Constance, ville mieux renseignée pour une période ultérieure, Peter Schuster199 observe la pratique et constate une relative clémence de la justice. Son hypothèse pour expliquer cette indulgence relève de la relation entre cités. Constance modérait ses peines dans l’espoir que les autres villes agiraient de même. La réciprocité constituait une donnée essentielle dans le cadre des réseaux, mais, dans le cas présent, ce phénomène reste peu tangible pour l’Oberrhein avant 1350.

    129Sous une forme générique, la pratique juridique de référence des villes de l’Oberrhein était celle de l'Unverzogenes Recht200. Il s’agit d’une décision de justice sommaire et surtout rapide, qui faisait l’économie de toutes les formes de procédures prescrites, et réduisait les délais « normaux ». Ce droit, en principe, devait être réservé aux clercs ou aux étrangers uniquement dans les affaires relevant d’obligations contractuelles (dettes ou dommages). La pratique se révéle dans la réalité des actes beaucoup plus large. Dans leur alliance conclue pour deux ans, le 22 novembre 1326, Strasbourg, Bâle et Fribourg stipulèrent le recours à cette procédure rapide dans les affaires de dettes201. Strasbourg et Colmar se rappelaient mutuellement et régulièrement que si une ville n’appliquait pas spontanément le unverzüglich Recht, l’autre devait l’exiger202.

    130Cette procédure et sa mise en pratique relève, pourrait-on dire, de « l’esprit réseau » même si son utilisation apparaît quelque peu stéréotypée203. Ici, villes et marchands se rejoignaient dans leur intérêt à voir les affaires expédiées le plus vite possible. Les villes s’entendaient de façon codée sous cette forme, tout comme les marchands qui travaillaient aussi sur la base de la confiance et de la fidélité204. On sait qu’au Moyen Âge, le droit commercial reposait sur des us et coutumes adaptés au droit commun élaboré par les villes.

    131Sans difficulté et progressivement, la lex mercatoria travaillée par les juristes avait bénéficié au jus commune jusqu’au XVIe siècle. Les nombreux types de contrats entre marchands, entre débiteurs et créanciers, non formalisés juridiquement, posaient aux villes le problème du droit de référence de chacun selon sa ville. L’adage juridique voulait qu’on ne retire à personne le bénéfice de son droit (man soll niemand sein recht verziehen). Dans les franchises de Colmar soumises à l’approbation du roi Rodolphe de Habsbourg le 29 décembre 1278 à Vienne, le souverain entérina cette pratique : « aucun bourgeois ne doit traduire un autre en justice devant un juge étranger, le plaignant doit retirer son grief et c’est notre juge qui doit prononcer l’amende » (article 11)205. La nécessité d’un même corpus de prescriptions de droit pratique explique l’existence de l'unverzogenes Recht entre partenaires, amis, fidèles et alliés (comme les marchands dans les gildes). Dans un accord entre Wissembourg et Haguenau, au lieu et place du terme technique, figure l’expression fort claire d’une justice « sans échappatoire et sans tromperie »206 ou encore entre Sélestat et Fribourg, was ziemlich und reht ist207 · Sur la base de cette référence commune, les villes ont traité au coup par coup des applications pratiques.

    132Les exigences, en cas de litige, portaient sur le recours à des témoins bourgeois, la procédure écrite, les délais et le tribunal compétent. En 1337, dans l’accord déjà cité entre Strasbourg et Colmar, ces points apparaissent clairement et reprennent des dispositions antérieures. Toute plainte en matière de dettes devait être portée devant le tribunal urbain. La dette pouvait être attestée soit oralement, par deux bourgeois témoins, soit par écrit (briefen). Dans ce cas, le créancier disposait de huit jours pour récupérer sa dette. Si le débiteur se révélait insolvable, il devait être transféré devant le tribunal de sa ville, lequel jugeait d’après l’audition des témoins et des chartes (nach verhör der zeugen und brieven). Au cas où la dette ne pouvait être attestée, le débiteur recouvrait la liberté. En cas de vol ou d’agression trois jours seulement suffisaient pour réparer le tort. L’organisation et les procédures aidaient au bon fonctionnement des réseaux. Les relations économiques en constituaient également la raison d’être.

    133Parmi les conventions techniques touchant à l’économie des villes, la lutte contre les entraves au commerce et la monnaie concurrente offre un caractère récurrent. Le climat général des relations commerciales et de la production artisanale se crispait dans un contexte européen secoué, et recentré plus à l’est vers la Souabe et la Bavière. L’Oberrhein se trouvait alors progressivement marginalisé et les contemporains attaquaient ce qu’ils croyaient être les causes de leurs difficultés. Chaque paix comprenait plusieurs articles supprimant les péages indus, abusifs et pénalisant (unrechte zölle). L’exportation du vin, des oignons et autres légumes, du bois, des draps de qualité moyenne208 constituait, pour tout l’Oberrhein, une source d’enrichissement essentielle. Or les princes taxaient les passages (zolle), le conduit (geleit) et prélevaient même cet ancien droit d’épave oublié (grundruhr209) sur le trafic fluvial. Droit régalien usurpé le plus souvent, il était ponctionné par les seigneurs, postés sur les berges. Les villes, Sélestat par exemple, avaient pris soin de le faire inscrire dans leurs privilèges : pena navigiorum que volgariter dicitu gruntrur210. Une convention211 patronnée par le roi Frédéric le Beau, concurrent de Louis, et l’évêque de Strasbourg entendait imposer aux margraves de Bade, entre le 10 mars 1317 (jour de l’accord) et le 25 décembre de la même année, un contrôle de leurs agissements : aucun péage (nouveau ?) ne serait exigé, un conduit serait payé pour la traversée de leurs territoires d’un schilling par foudre de vin (pour les autres marchandises selon négociations), une aide aux marchands en difficultés sur leurs terres serait accordée, ne seraient prélevés ni grundruhr ni saisie de vin et de pain ( !), enfin les bateaux d’une certaine taille ne devraient s’acquitter que de l’ancien droit de conduit. Dans un autre texte212, le détail des aventures de tout marchand à l’époque se trouve évoqué : le vol, l’incendie, la prise d’otage et toutes sortes de violences contraires au droit. La protection s’imposait !

    134Loin d’être pris au hasard, ces accords se répétaient et se précisaient. On pourrait en déduire leur peu d’efficacité mais ils traduisaient en réalité une volonté commune de protection d’un espace économique. Au-delà de son horizon, l’intérêt de chaque ville s’inscrivait dans l’intérêt commun à toutes. Cette prise de conscience plus subtile que servir les seuls intérêts d’un roi ou d’un prince développait un esprit de corps d’autant plus fort qu’il se heurtait à de puissants adversaires.

    135Le dernier problème économique faisant l’objet d’ententes concerne la monnaie. Avant 1354, en comparaison des efforts désespérés de la fin du Moyen Âge, cette préoccupation ne se traduisait pas encore par beaucoup de mesures écrites, semble-t-il : deux actes du corpus, en bonne et due forme, et surtout des lamentations dans d’autres documents213. Le désordre lié à la multiplication des ateliers monétaires et à la production argentifère des riches mines de la Forêt-Noire214, perturbait les échanges et tous les contrats monétarisés. Les villes pouvaient à l’occasion jouer, entre elles, le rôle de banquier215, comme en témoigne, par exemple, la quittance216 de Strasbourg à Gengenbach le 23 octobre 1273. Les monnaies utilisées principalement dans l’Oberrhein étaient celles de Strasbourg et de Bâle217. Pour la monnaie de compte, le florin « de Florence » ou plus encore celui « du Rhin » permettaient d’assurer les grosses opérations. L’évêque de Bâle, en voulant imposer sa nouvelle monnaie, suscita en 1342 puis en 1344 une réaction des villes et des princes battant monnaie ou exploitant des mines. Quel type de négociations fut alors envisagé ? De quels moyens de rétorsion disposaient les villes ? Tous arrivèrent apparemment à deux accords218 : les ducs d’Autriche par landvogt interposé, l’évêque de Bâle, Henri et Jean de Ribeaupierre, la ville de Zurich et son abbesse, les villes de Colmar, Mulhouse, Munster, Turckheim, Kaysersberg, Riquewihr et Bergheim. Ils tentèrent de définir et d’imposer le cours des différentes monnaies pour retrouver un équilibre de parité : pour la monnaie de Bâle par exemple un marc d’argent valut quatre livres (Pfund) six deniers (Schilling) et six sous (Pfenning) et pour celle de Zurich quatre livres et cinq deniers. Seules des décisions communes pouvaient en modifier la valeur. En réalité, chaque atelier gardait la maîtrise de son denier et l’article cinq prévoyait même que le maître monnayeur pourrait, impunément, frapper plus ou moins six deniers : mehr oder weniger, à partir d’un marc d’argent ! C’est dire que de tels contrats relevaient de bonnes intentions sans aucune efficacité.

    Des réseaux aux ligues

    136L’évolution des réseaux en ligues politiques se fit, dans la première moitié du XIVe siècle, sous l’influence de deux courants décisifs. D’une part, à partir de l’élection de Louis de Bavière (1314-1347) en concurrence avec le Habsbourg Frédéric le Beau (1314 à 1330), la relation entre les villes et le pouvoir souverain devint ambivalente : un jeu d’attirance et de répulsion. D’autre part, à partir de 1333, se dessina une véritable mobilisation des Habsbourg, écartés du pouvoir impérial en dépit des efforts de Frédéric le Beau. C’est l’époque où ils tenaient tout un ensemble territorial enfin cohérent dans le sud-ouest de l’Oberrhein après leur héritage du Sundgau, à l’extinction des Ferrette en 1324. Enfin véritables princes territoriaux, leur politique régionale s’en trouva infléchie. Les relations entre les réseaux et les souverains devinrent complexes.

    137Sous le règne double de Louis de Bavière et de Frédéric le Beau, jusqu’en 1330, les villes jouèrent un candidat contre l’autre pour consolider ou obtenir des privilèges. Cette politique au coup par coup développait plus leur aptitude à saisir l’opportunité qu’à déterminer une ligne de conduite politique suivie et cohérente entre villes. L’espace politique se trouvait occupé par les turbulences royales et la construction territoriale des Habsbourg, leur poids de plus en plus contraignant. L’horizon citadin se trouvait aussi encombré par des problèmes intérieurs pour lesquels les villes ne pouvaient plus se passer d’un arbitrage extérieur.

    138La diversification des sociétés urbaines traversées par des appétits de pouvoir et la difficulté croissante des équilibres à trouver avec la force montante des métiers, acculaient les villes à des alliances avec des princes ou l’empereur. Ce phénomène n’était pas radicalement nouveau puisque, on s’en souvient, au sein des landfrieden, la présence des uns et des autres, requise ou imposée, les obligeait à poursuivre un but commun. La nouveauté, en revanche, dans les premières décennies du XIVe siècle, tenait d’un rapport de forces de moins en moins négocié avec ou par les villes, d’une marginalisation en quelque sorte par rapport aux centres de décisions. Les relations citadines en réseau dans le cadre de l’Oberrhein perduraient mais les décisions essentielles se prenaient de plus en plus à l’extérieur de la région, l’intégrant à un plus vaste ensemble. L’entité disparaissait au profit d’une unité politique et territoriale menée par les souverains, surtout s’il s’agissait des Habsbourg.

    139Les villes se trouvaient fragilisées par l’ennemi intérieur alors que quelques décennies plus tôt le danger à juguler venait de l’extérieur. La panique des tumultes, des séditions, des révoltes fracturant la société urbaine, suscita une alliance « objective » avec ceux qui avaient, eux aussi, maille à partir avec leurs sujets. Dans un accord219 général entre les princes et les villes de l’Oberrhein (jusque Montbéliard), il était stipulé que toute ville ou tout prince devait immédiatement intervenir pour aider les autres signataires de l’accord, en cas de sédition dans les campagnes ou les villes220. Ce point de vue des élites, toujours en état d’alerte, s’explique par l’entrée progressive ou brutale des métiers (zünfte) dans le gouvernement de la ville. Les phases d’accession à la vie politique et aux décisions connurent, dans toutes les cités, un certain parallélisme. À Fribourg par exemple, en 1293 le Stadtherr, le comte de Fribourg, faisait et défaisait le Zunftmeister. Mais en 1300 l’accord des ziinfte pour cette nomination était devenu indispensable. A partir de 1316, étape suivante, le choix appartint exclusivement aux Zünfte221 et la réglementation y afférente dépendit alors du rat.

    140Certains troubles graves, préparatoires aux changements politiques, nécessitaient l’arbitrage222 de l’empereur. C’est ainsi que fut réglé, le 16 octobre 1340, par le truchement du landvogt, le conflit qui opposait le Schultheiβ, le conseil, les bourgeois et les nobles de Mulhouse. On aura remarqué le jeu d’alliances typique de ce gouvernement urbain face aux troubles intérieurs et la nécessité de faire appel à un arbitrage extérieur, celui du souverain. À la demande d’une délégation émanant du Schultheiβ, de certains nobles et de bourgeois, une sentence fut rendue par le landvogt avec la ferme volonté d’être mise en application. La supériorité de l’arbitre royal qui plaçait la ville dans une situation ultérieure de dépendance, exprimée par trois verbes d’autorité (nous « demandons, exigeons, voulons »), se manifesta par l’écrasement de la coalition urbaine (voulu par la ville) mais aussi par la décision de délier de leur serment les jureurs223 (imposée à la ville).

    141À Colmar, la situation tendue pour des raisons similaires, la poussée des métiers vers le gouvernement ne se régla, également, qu’avec l’arbitrage du sire de Ribeaupierre proposé par Charles IV et, le 7 mars 1348, les membres de la Zunft de la Couronne promirent « de ne rien entreprendre contre le magistrat, le conseil et les habitants de la ville » sous peine de bannissement224. Il s’agissait là d’une victoire relative du gouvernement de Colmar, ville plus puissante et plus riche que Mulhouse. Il est certain que le réglement de leurs divisions internes par l’autorité souveraine extérieure plaçait les villes en position de dépendance et donc de déséquilibre dans un réseau où les partenaires devaient détenir la même part d’autorité. Les interventions du roi ou de l’empereur, souvent en faveur des zünfte pour juguler la force politique des villes, ont préparé le changement des constitutions urbaines.

    142Les villes se sentaient donc dans la nécessité de faire appel à un pouvoir extérieur à leur réseau. Attirance forcée ! Côté répulsion, les pratiques de l’engagement225 dont l’empereur Louis de Bavière fut le champion toutes catégories, acculaient, là encore, les villes à une position de défense groupée226. Le pouvoir impérial, sans domaine substantiel pour faire face aux besoins d’une administration et d’une efficacité politique réelle, se trouvait réduit à quérir au coup par coup des moyens financiers ad hoc. Les villes, où circulaient régulièrement l’argent et les marchandises, constituaient des réserves toutes désignées non pas pour mobiliser des sommes considérables mais pour rembourser les emprunts. Il fallait en effet pouvoir, dans des délais réduits, répondre aux exigences des créanciers et leur fournir des moyens assurés de récupérer leurs fonds (avec des « agios » substantiels). La pratique de l’engagement livrait, au sens littéral du terme, les ressources urbaines aux appétits du créancier, puisque le remboursement lui incombait. Celui-ci, présent dans la ville dont les revenus allaient lui permettre de rentrer dans ses fonds, la pressurait plus efficacement que l’empereur plus lointain. Les villes d’Empire de l’Oberrhein, depuis les Staufen, exerçaient une véritable facination par leur richesse, surtout pour les souverains toujours endettés.

    143Cette pratique de l’engagement existait avant le XIVe siècle mais de façon exceptionnelle. En 1198, Philippe de Souabe avait engagé à Berthold V de Zähringen la ville de Brisach pour 3 000 marcs d’argent. Ce fut au comte Rodolphe de Habsbourg qu’en 1251, Konrad IV engagea Brisach et Kaysersberg pour 100 marcs. À partir de Louis de Bavière, les engagements se multiplièrent de façon systématique et pour des sommes toujours plus importantes au point que les revenus de villes, prises individuellement, ne suffisaient plus et que les souverains engagèrent alors des villes par lot. En 1314, les candidatures au trône ont coûté très cher. Léopold d’Autriche engagea à l’archevêque de Cologne, pour l’élection de Frédéric le Beau, et moyennant 10 000 marcs d’argent (poids de Cologne), les villes de Brisach, Neuenburg, Mulhouse, Kaysersberg, Turckheim, Haguenau, Sélestat, Obernai et Rosheim. Pour obtenir 20 000 marcs, Louis de Bavière engagea en 1331 aux archiducs Albrecht et Otto d’Autriche-Habsbourg, outre Schaffhausen et Rheinfelden, les deux principaux passages sur le Rhin, Brisach et Neuenburg. Les Habsbourg n’étaient pas les seuls bénéficiaires. Le margrave de Bade, Rodolphe, reçut contre 3 100 livres les revenus des villes impériales de Colmar, Sélestat, Obernai, Mulhouse et Rosheiml227. Le 12 décembre 1347, furent engagées toutes les villes alsaciennes. La réaction se manifesta de façon si violente qu’à son arrivée au pouvoir, Charles IV promit, pour ne pas tenir sa parole d’ailleurs, de ne plus engager les villes d’Alsace : « ni toutes ensemble, ni séparément »228.

    144Cette pratique de l’engagement, tant redoutée des villes, et qui les poussait à résister solidairement, dans le cadre des réseaux, ne représentait pas qu’une ponction financière. Elles passaient, en effet, sous la coupe réglée du prince engagiste qui développait sa propre logique politique, économique et surtout territoriale. L’engagement obérait gravement le développement des villes en limitant leur champ d’initiatives économiques et surtout commerciales. Il empêchait les villes d’agrandir leur territoire, indispensable à l’exercice de leur pouvoir. Enfin, la présence active des agents du prince engagiste dans la ville bridait souvent la politique urbaine. C’est dire que la fonction en réseau qui s’articulait sur la liberté d’initiative se trouvait remise en cause et la perturbation se révélait d’autant plus rédhibitoire que les engagements ne duraient qu’un temps : une politique constructive dans le temps s’avérait donc totalement illusoire. Cette évolution se traduit par l’effacement des réseaux au profit des ligues.

    145Le poids du roi ou de l’empereur, par l’arbitrage et l’engagement, perturbait les politiques urbaines et donc leurs relations en réseau. Les atouts d’une relative autonomie, en tout cas d’une latitude à former alliance, s’en trouvaient gravement diminués surtout si l’engagiste réussissait à regrouper, le temps de se rembourser, les villes qu’il tenait en coupe réglée. Il contrôlait alors un vaste territoire et se substituait à la politique commune des villes. Ainsi à partir de 1333, les Habsbourg menèrent ce type de politique territoriale offensive en tenant les villes sur le Rhin, dans l’Aargau, le Thurgau, le Sundgau et le Brisgau229. Les archiducs Albrecht et Otto firent conclure, le 20 juillet 1333, une ligue à tous « leurs pays », villes et seigneurs compris, « pour la défense et le droit ». Mais la cohérence de l’ensemble restait lâche en raison des fronts multiples sur lesquels les Habsbourg avaient à jouer et à se battre en Autriche et en Souabe. Tout en voulant la paix, les villes renâclaient à une alliance avec ces Habsbourg contre lesquels elles s’étaient déjà antérieurement positionnées.

    146Pour les réseaux de l’Oberrhein, le danger d’un prince proche et puissant représentait une menace directe pour leur fonctionnement et même leur existence. Le souverain, en effet, ne se révélait redoutable que par le danger de l’engagement tant son autorité était contestée ou lointaine, du moins dans les premières années. Toutefois le principe de l’autorité impériale (mythique) offrait un caractère récurrent et les actes en usaient comme d’un leitmotiv. Les Ribeaupierre et les villes de Colmar et Sélestat, dans une promesse d’aide et de conseil mutuels, précisèrent que leur alliance tiendrait contre tous, sauf l’Empire et l’empereur, « notre maître »230. En revanche, quand les conseils de Mayence, Strasbourg, Worms et Spire décidèrent, après accord avec Louis de Bavière, de lever un péage à Oppenheim, l’accord231 précisa, que, dans le secret, les villes assureront la responsabilité de leur décision « que le roi soit d’accord ou non ». Dans les périodes électorales mouvementées, les villes de l’Oberrhein continuèrent à contracter alliance et à traiter de leurs problèmes indépendamment d’une élection royale survenue entre-temps (ob inzwischen ein könig gewählt oder nicht).

    147Il ne s’agissait pas seulement de neutralité. Il était prévu en 1318 que personne ne pourrait poursuivre et saisir des gages pour des dettes contractées en raison des guerres suscitées par les campagnes électorales royales232. En dépit de sa tentation (ou la nécessité) de l’engagement, et surtout pour contrer la politique autrichienne, Louis de Bavière a compris l’importance des villes impériales dans l'Oberrhein et il s’est attaché à y venir, à y séjourner et à impulser des lanfrieden pour affirmer son autorité. Il pardonna, en souverain magnanime, aux villes « désobéissantes » comme Sélestat, par exemple, en 1330 : ignoscimus et remittimus omnem maculam et infamiam et confirma ses privilèges (freyheiten). Il alla aussi jusqu’à prêter main-forte à des expéditions punitives comme celle, en 1333-1334, qui visait et réussit la destruction de la forteresse de Schwanau233. L’empereur Louis déclara cette opération d’utilité publique et accorda donc sa protection à tous ceux qui y avaient participé. Le résultat des velleïtés d’autorité impériale ne semble cependant pas convaincant dans l’Oberrhein234. Entre le début et la fin du règne, les villes essayèrent d’agir seules. Un véritable plan d’attaque, par exemple, fut monté le 19 avril 1314235 entre Strasbourg et Haguenau : les deux villes devaient d’abord assiéger Bewartstein, puis Soultz (sous-Forêt), enfin Lutzelstein. Tout fut soigneusement et efficacement préparé sans l’aide ni même l’accord du souverain.

    148Les réseaux aux multiples facettes idéologiques et techniques s’effacaient de plus en plus dans le cadre des landfrieden imposées par l’empereur qui cherchait à consolider une autorité fragile. Les réseaux devinrent alors des ligues politiques spécialisées en opérations punitives sur initiative impériale, dans une logique extérieure aux villes. Dans ce cadre, elles mobilisèrent leurs moyens militaires que les actes donnent parfois avec précision : pour le maintien de la paix signée en 1322, Strasbourg devait fournir quarante cavaliers, pour celle de 1342, Brisach dix heaumes. Entravant également les bonnes relations entre villes, et plus problématiques encore que les paix imposées, se manifestaient des imbrications et clivages complexes entre cités bénéficiant d’une relative autonomie, et les autres plus bridées. Une redistribution des forces relatives des villes remit en cause la hiérarchie de fait des réseaux.

    149Un exemple peut être retenu. Les villes de Strasbourg, Bâle et Fribourg prolongèrent leur alliance avec Brisach le 3 août 1342236. Or, Brisach, peu de temps auparavant, était passée sous la coupe financière des archiducs d’Autriche. L’article deux de l’accord pose clairement la question : « que faire en cas de conflit entre les Habsbourg et les trois premières villes ? ». Réponse : « Brisach ne doit aider ni les uns ni les autres. En revanche, si les archiducs aident « quelqu’un » contre les trois villes, ce sont aux villes, ses alliées, que Brisach doit prêter main-forte ». Après 1338, cette question n’avait rien d’une hypothèse d’école. La vie politique de l’Oberrhein se trouvait en effet particulièrement perturbée par les troupes dites d'Armleder (un tavernier de village) qui ravageaient périodiquement le pays, accusaient et persécutaient les juifs, ou encore par les alliances entre Habsbourg et Wittelsbach qui contribuaient à aggraver la tension politique237.

    150De plus en plus souvent, les documents précisent que les paix ou les nouvelles alliances étaient exclusives ou au contraire, intégraient les anciennes. Peut-on alors parler d’une nouvelle complexité de réseaux en mille feuilles ou d’alliances au coup par coup sans cohérence interne parce que impulsées de l’extérieur ? L’ambition de Strasbourg de rallier les villes du nord (le Rhin moyen) puis celles du sud (l’Oberrhein) ne se réalisa jamais véritablement : la grande ligue du Rhin de 1254 resta un hapax. Au contraire, les réseaux allaient se rétrécissant à des espaces plus circonscrits et, en dépit des moyens dont ils voulaient se doter, à un fonctionnement fragile. L’alternative devenait de plus en plus risquée : ou inclure les Habsbourg dans les alliances et les villes en perdaient alors la direction politique, ou maintenir la distance vis-à-vis des princes territoriaux et préserver une politique urbaine d’équilibre, mais était-ce encore possible ? Après l’héritage en 1324 de tout le Sundgau par les Habsbourg, cette ligne de conduite tenait de la gageure, d’autant plus que le pouvoir impérial reprenait force et vie après l’élection de Charles IV en 1346238. Une ligue particulière, en raison de l’historiographie qu’elle a suscitée et de la démonstration qu’elle apporte à ce travail, mérite quelqu’attention.

    151Il est temps d’évoquer la Décapole, cette ligue de dix villes alsaciennes239 qui, à la demande de l’empereur Charles IV, réactivèrent en 1354 un réseau urbain qui avait déjà fonctionné. La dénomination d’origine n’apportait aucun élément nouveau : gemeine richstette ou zehnstädtebund. L’historiographie alsacienne240 érudite puisa dans l’Antiquité l’inspiration des cités hellènes pour les cités rhénanes en dotant la ligue du nom de Decapolis (Décapole), symbole par excellence de l’autonomie des villes. Les cités dotées des privilèges impériaux qui, théoriquement, les situaient dans l’entourage immédiat du souverain, avaient su opposer une résistance héroïque à la pratique de l’engagement et avaient développé la solidarité urbaine alsacienne, fondée sur la liberté. À une époque où les villes devenues françaises241 allaient devoir participer à un projet national, elles se mirent à rêver de l’heureux temps de leur autonomie reconstruite en opposition au contexte de centralisation politique venue de « l’extérieur »242. L’image mythique de la Décapole s’enracina donc dans ces notions de liberté et d’indépendance mais aussi dans la longévité de cette institution qui, ne gênant personne, a perduré en principe jusqu’en 1648 (mais l’ambiguïté du traité de Westphalie a maintenu de facto la Décapole en survie jusqu’en 1680).

    152Si l’on examine cette ligue à la lumière de la dynamique des réseaux, il semble que la Décapole exprimait d’une part un phénomène plus ancien d’alliances entre villes, mais surtout d’autre part, à l’inverse de ce qu’a développé le mythe de l’historiographie régionale, la Décapole s’inscrivait dans la politique renouvelée d’un souverain fort, maître de « ses » villes. La petite taille de ces villes, comparées aux villes souabes, facilitait grandement la mainmise impériale par landvogt interposé. Dès son arrivée au pouvoir, Charles IV a manifesté son intérêt pour « ses » villes alsaciennes, en les dissociant de celles de la rive droite du Rhin. Les Habsbourg y représentaient sans doute une trop forte concurrence. Coup sur coup, le souverain envoya deux lettres243 (1347 et 1348) aux villes impériales d’Alsace, portant qu’aucune d’entre elles ne pourra jamais se trouver séparée de l’Empire, ni être vendue, hypothéquée ou engagée. L’opération de séduction se poursuivit en 1349 avec une exemption pour cinq années de toutes contributions ou redevances à l’Empire244. Le 28 août 1354, Charles IV constitua de façon solennelle la ligue des dix villes impériales d’Alsace245. L’acte pris par les villes elles-mêmes représentées par leurs bourgmestres et bourgeois, le 23 septembre de cette année 1354, insiste d’ailleurs sur l’autorité souveraine à l’origine de la ligue246, et le désir des villes elles-mêmes de défendre leurs intérêts (ne plus être engagées, surtout).

    153La création de la Décapole s’inscrivait donc dans la droite ligne de toutes les alliances citadines : aide et conseil réciproques (article 1), assistance en cas de procès ou de conflit avec un tiers extérieur (article 2), assistance en cas de désordre intérieur247 (article 3), maintien des droits, franchises et bonnes coutumes (article 6), intégration de la Décapole dans la paix publique (landfrieden) (article 7)248. Mais, et ceci constitue un trait caractéristique de l’évolution des réseaux, le souverain, ou plutôt son représentant le landvogt, intervenait dans toutes les décisions, assistait à toutes les réunions et pouvait dissoudre la ligue. Le roi tenait donc en une main ferme cette Décapole dont il avait besoin et qu’il entendait faire entrer dans sa politique. Chaque article du diplôme impérial (très prolixe) mentionne l’autorité souveraine. Dans le premier, Charles IV ordonne aux villes membres de la ligue de s’unir en lui prêtant serment et leur interdit de se tourner « contre l’Empire, le landvogt et les autres fonctionnaires en exercice ». Dans l’article 7, le roi se réserve le droit de révoquer la ligue249 à tout moment et de délier les membres de leur serment.

    154Même si le roi jouait un rôle prépondérant dans la Décapole, les villes y trouvaient aussi leur intérêt. Des négociations auxquelles le diplôme fait allusion, accompagnées de cadeaux, précédèrent la création de la ligue. Elles se déroulèrent pendant les fêtes de Pâques lors d’un séjour du souverain à Kaysersberg puis à Colmar. En premier lieu les deux parties affirmaient solennellement que la paix constituait le but principal et l’atout majeur de la ligue : affirmation connue. La restauration de l’autorité de Charles IV exigeait que son landvogt fût d’abord un instrument efficace du maintien de l’ordre ; pour les villes, leur survie économique et politique passait par la bonne marche des affaires, donc aussi par la paix publique. Les villes poursuivaient un autre intérêt, essentiel pour leur survie politique, le maintien de leurs privilèges et de ce qui fondait leur autonomie. Sur ce plan cependant, l’ambiguïté restait totale puisque le souverain se déclarait théoriquement favorable à cette disposition mais restait pratiquement inpécunieux... et les relations fermes qu’il voulait rétablir avec « ses » villes se traduisaient par des impositions en marcs d’argent, le partage des profits de l'ungeld, le bénéfice de l’hébergement et de cadeaux (en vin).

    155L’efficacité d’une ligue limitée aux villes de la rive gauche du Rhin a pu apparaître, aux yeux de Charles IV, plus grande qu’une simple paix en raison de l’échelle réduite. Il pouvait ainsi intervenir dans les affaires citadines et en tirer profit. Dans un acte adressé à la ville de Colmar250, l’empereur intervint même dans la politique intérieure en morigénant le magistrat251 qui avait fait raser des maisons « contre la coutume » ou imposer les communautés de Pairis et d’Unterlinden. Il est vrai que ce magistrat avait aussi fait piller et détruire un village proche appartenant à l’empereur. Intervention beaucoup plus dangereuse encore pour l’indépendance urbaine : Charles IV autorisa tous les exilés à rentrer en ville. Bref, l’empereur se comportait comme le véritable maître de ses villes. Dans ce contexte, les dix villes alliées se trouvaient solidaires dans la soumission. Elles rendaient l’hommage, payaient l’imposition annuelle à l’empereur ou à l’engagiste de la charge de landvogt et fournissaient des contingents militaires ou une contribution financière. Elles bénéficiaient de l’autonomie pour gérer les archives de la Décapole, fonds spécifique centralisé et conservé à Sélestat252 !

    156L’abondante correspondance entre les villes et l’empereur entretenait l’illusion de l’autonomie urbaine, mais la réalité politique était autre. Il subsistait des habitudes « fossilisées » de ces réseaux dans lesquels les villes agissaient à égalité et de façon autonome et qui ont pu, dans l’historiographie ultérieure, faire oublier la mainmise impériale. Lors des réunions régulières (gemeine tag) chaque ville avait une voix. Au programme de la Décapole, figuraient le secours mutuel en cas d’agressions extérieures ou de révoltes internes, le règlement de tous les problèmes techniques qui pouvaient se poser et l’affirmation de leurs libertés ou privilèges. En réalité, l’obligation d’en référer au landvogt pour toute question dépassant le cadre strict des affaires intérieures des dix villes, et surtout sa voix prépondérante lors des réunions, rendaient parfaitement illusoire l’exercice de l’autonomie. La Décapole a eu le mérite de prolonger le souvenir de ce que furent effectivement les réseaux. Il s’agit cependant d’une autre histoire que celle dont il a été question jusqu’ici : les villes de la Décapole, après s’être dotées d’une conscience politique et d’une organisation municipale devenaient des instruments de la politique impériale dont elles constituaient le fleuron et le trésor de guerre.

    157En conclusion, l’Oberrhein se révèle un laboratoire pour l’étude des petites villes. Alors que dans la première moitié du XIVe siècle, le phénomène de la territorialisation avait structuré de nombreuses régions autour d’un prince (ou du souverain), l’Oberrhein, entre Bâle et Strasbourg, maintint, pour un temps encore, la parcellisation de son fonctionnement originel.

    158Avant les Habsbourg en effet, aucune principauté n’avait pu s’imposer dans l’Oberrhein. Dès le IXe siècle, Alsace et Brisgau avaient été l’objet des convoitises des souverains et des établissements religieux bénéficiaires de riches donations. Les pièces de vigne, les forêts, les maraîchages et les espaces de chasse (montagnes ou îles du Rhin), avaient donné lieu à une exploitation beaucoup plus précoce qu’ailleurs. La cohérence de l’ensemble avait été assurée par les Staufen dans un espace commun d’architecture militaire, de créations de villes-marchés, de références juridiques et de production littéraire. À leur disparition au milieu du XIIIe siècle, l’interim du pouvoir impérial avait pu être assuré dans l’exercice des droits régaliens par les villes d’Empire elles-mêmes sans autre maître. Presque trois décennies ont pu façonner en profondeur les mentalités dans le cadre d’intenses relations entre villes. Les élites urbaines, en nombre réduit mais en pleine expansion économique, ont travaillé à la vitalité créative d’un réseau urbain, portant à maturité leurs constitutions ou privilèges, leur droit pénal et commercial, leur système d’information et de défense.

    159Le retour d’un souverain en 1273, après un long temps de maturation dans l’autonomie de fait, a donné une forme active aux réseaux : mise par écrit d’une pratique orale face à une administration royale, lutte contre la pratique de l’engagement, maîtrise des troubles intérieurs suscitant de nouvelles organisations citadines. Les éléments de faiblesse l’emportèrent cependant in fine. Les petites villes, trop faibles dans leur individualité, cherchèrent la force en se regroupant mais, dans un contexte de reconstruction du pouvoir royal et de mutations structurelles des sociétés citadines, elles n’échappèrent pas à l’instrumentalisation. À la différence de l’Italie du Nord ou des Flandres, les villes de l’Oberrhein n’ont pu constituer leur contado, réserve humaine et économique, indispensable à leur transformation en petits Etats. Enfin, le déplacement vers l’est des grands courants commerciaux désertant le Rhin priva les réseaux urbains d’une dynamique d’enrichissement et de la nécessité d’une concertation dans un large espace géo-économique.

    160Les réseaux de convivialité et de partenariat horizontal firent place alors à des ligues, alliances politiques voulues et dominées par l’autorité souveraine. La petite taille des villes de l’Oberrhein, comparées à celles de Souabe, grosses métropoles économiques, rendait impossible à long terme leur autonomie et donc, l’existence de réseaux. Le coup de grâce, pourrait-on dire, vint de la territorialisation des Habsbourg, effective dans la seconde moitié du XIVe siècle.

    161Les sociétés urbaines, mal connues dans leur individualité en raison de la pénurie documentaire entre 1250 et 1350, ont développé une composante relationnelle permettant une approche nouvelle de leur sentiment identitaire. Même petites, les villes de l’Oberrhein, ont mis au point une culture spécifique liée à leur richesse particulière : la vigne et le commerce du vin. La complexité politique et économique des deux derniers siècles du Moyen Âge a suscité des ligues en réaction contre les troubles intérieurs et extérieurs, contre le pouvoir impérial cherchant à s’imposer ou celui des princes territoriaux organisant leurs espaces de pouvoir. Le temps des réseaux de villes, laboratoires d’autonomie et de conscience urbaine, s’éclipsait au profit de ligues au service du pouvoir royal ou des princes.

    Notes de bas de page

    1 Avant de préciser la notion de réseau (Cf. infra), l’utilisation de ce terme restera volontairement générale et supposera l’organisation des relations entre les villes formant réseau. Michel Bochaca propose dans l’index de son habilitation à diriger des recherches la définition suivante : « réseau urbain : ensemble de villes reliées entre elles par des voies de communication et des flux d’échanges, et intégrées dans un maillage qui assure l’encadrement d’un espace régional ou national ». M. Bochaca, Villes et structuration de l’espace en Bordelais (fin de l'Antiquité – milieu du XVIe siècle). Géographie historique d’un réseau urbain : les villes du Bordelais (v. 1000 – v. 1550), HDR soutenue à l’Université de Lyon 2, 8 décembre 2000, vol. 2, p. 499.

    2 Les MGH rassemblent dans la série Scriptores (SS XVII et XXIII) les Annales de Colmar et de Bâle (Cf. les sources). Chroniken der deutschen Städte. Die Chroniken der oberrheinischen Städte, C. Hegel (dir.), Leipzig, 1870-71, rééd. 1961. A. Bernoulli, Die älteste deutsche Chronik der Stadt Colmar, Colmar, 1888. A. Waltz, Kleine Chronik der Stadt Colmar, Colmar, 1891. Kleine Thanner Chronik oder Jahr-Büchlein von der Stadt Thann in drey Theilen vorgestellt von einem P.Franciscaner, Mulhouse, rééd. 1855. A. Merklen, Tschamser Malachias, Annales oder Jahresgeschichten der Baarssiseren... zu Thann, 1724, 2 vol., Colmar, 1854. Basler Chroniken, Leipzig-Bâle, 1872-1945 (Historische und antiquarische Gesellschaft in Basel, 8). Frère Séraphin Dietler. La chronique des Dominicains de Guebwiller (1124 - 1723), X. Mossmann (éd.), 1844.

    3 Les Urkundenbücher déjà évoqués présentent les actes les plus anciens dans l’ordre strictement chronologique. Un certain nombre adoptent la forme de regestes, donnant l’analyse et l’essentiel de l’acte sans transcription systématique. H. Schreiber, Urkundenbuch der Stadt Freiburg i. B., 4 vol., Fribourg, 1828-1872. W. Wiegand et alii, Urkundenbuch der Stadt Straβburg bis 1400, 7 vol., Strasbourg, 1879-1900. R. Wackemagel, Urkundenbuch der Stadt Basel, 11 vol., Bâle, 1890. X. Mossmann, Cartulaire de la ville de Mulhouse, 6 vol., Mulhouse, 1883. T. Walter, Urkunden und Regesten der Stadt und Vogtei Rufach, 2 vol., Rouffach, 1908-1913.

    4 J. Gény, Schlettstadter Stadtrechte, Heidelberg, 1902 (Oberrheinische Stadtrechte, Abteilung 3, 1). P. Finsterwalder, Colmarer Stadtrechte, Heidelberg, 1938 (Oberrheinische Stadtrechte, Abteilung 3, 3).

    5 Le lien avec l’histoire des ligues a été assuré explicitement par une publication majeure ; J. Weizsäcker, Der Rheinische Bund 1254, Tübingen, 1879.

    6 K. Ruser, Die Urkunden und Akten der oberdeutschen Städtebünde vom 13. Jahrhundert bis 1549, 3 vol., Göttingen, 1979.

    7 E. Bock, « Landfriedenseinungen und Städtebünde am Oberrhein bis zur Gründung des rheinischen Städtebundes von 1381 », ZGO, NF 46 (1933), p. 321-372. W. Vischer, « Geschichte des schwäbischen Städtebund der Jahre 1376-1389 », Forschungen zur deutschen Geschichte, Munich, 1862 (Historische Kommission bei der Bayerischen Akademie der Wissenschaften, 2), p. 1-201.

    8 J. Füchtner, Die Bündnisse der Bodenseestädte bis zum Jahre 1390, Göttingen, 1970 (Veröffentlichungen des Max-Planck-Instituts für Geschichte, 8). B. Meyer, Die Bildung der Eidgenossenschaft im 14. Jahrhundert, vom Zuderbund zum Pfaffenbrief, Zurich, 1972 (Schweizerische Zeitschrift für Geschichte, Beiheft 15).

    9 E. Engel, « Städtebünde im Reich von 1226 bis 1314 - eine vergleichende Betrachtung », in Hansische Studien III, K. Fritze (éd.), 1975 (Abhandlungen zur Handels-und Sozialgeschichte, 15), p. 137-209. Ibid.. J. Schildhauer, « Charakter und Funktion der Städtebünde in der Feudalgesellschaft - vornehmlich auf dem Gebiete des Reiches », p. 149-170.

    10 G. Pfeiffer, « Die Bedeutung der Einung im Stadt-und Landfrieden », Zeitschrift für Bayerische Landesgeschichte, 32 (1969), p. 815-828.

    11 Une place essentielle a toujours été accordée, dans cette problématique, aux villes impériales : K. S. Bader, Die oberdeutsche Reichsstadt im alten Reich, Esslingen, 1965 (Esslinger Studien, 11), p. 23-42.

    12 Une exposition lui a été consacrée à Worms, la ville-mère, en 1986 et le catalogue fait autorité. Der Rheinische Städtebund von 1254/56, Katalog zur Landesaustellung in Worms, 24 Mai - 27 Juli 1986, Landesarchivverwaltung Rheinland-Pfalz, Coblence, 1986.

    13 H. Maurer, Kommunale Bündnisse Oberitaliens und Oberdeutschlands im Vergleich, Sigmaringen, 1987 (Vorträge und Forschungen, 33).

    14 A. Haverkampf, Herrschaftsformen der Frühstaufer in Reichsitalien, 2 vol., 1970-71 (Monographien zur Geschichte des Mittelalters, 1).

    15 Par exemple : W. Reichert, « Herrschaftliche Raumerfassung und Raumgliederung im Westen des Reiches am Beispiel der Grafen von Luxemburg 1200-1350 », Zeitschrift für historische Forschung, 19, Heft 3 (1992), p. 257-316.

    16 Ce terme n’apparaît pourtant pas dans nos textes. K. Kroeschell, « Einung », in Lex. M. 3, 1986, col. 1746.

    17 E. Kaufmann et H. Holzhauer, « Landfrieden », in HDR, col. 1451-1485.

    18 G. Dilcher, « Conjuratio », in HDR, col. 631-633. K. KroeschelL, « Einung », in HDR, col. 910-912.

    19 Très significatif est le titre de cette publication qui ne porte cependant que sur la période moderne ou contemporaine (excepté le début d’un article sur la Décapole sur lequel il faudra revenir) : B. Kirchgässner et H.-P. Becht (dir.), Vom Städtebund zum Zweckverband, Sigmaringen, 1994 (Stadt in der Geschichte, 20).

    20 Les historiens mentionnent ainsi le fils de Frédéric II, couronné roi des Romains mais, en raison du conflit mortel avec son père, jamais sacré empereur. Henri (VII) ne peut donc être confondu avec Henri VII (1308-1313).

    21 MGH, Const. 2, no 299. À deux reprises le souverain répète : conjurationes aliquas quibuscumque nominibus appellentur. quocumque nomine censeantur.

    22 B. Chevalier, Tours, ville royale (1356-1520). Origine et développement d’une capitale à ta fin du Moyen Âge, Louvain-Paris, 1975. Id., Les bonnes villes de France du XIVe au XVIe siècle, Paris, 1982. Villes, bonnes villes, cités et capitales, Mélanges offerts à B. Chevalier, Tours, 1989. G. Mauduech, « La bonne ville, origine et sens de l’expression », AESC, 1972, p. 1441-1448.

    23 Civitates majores, magnae, mediocres, parvae et minores. Travail en cours de Philippe Jansen, sur la base documentaire des Constitutiones Legidianae, Rome, 1912, p. 121-122.

    24 Résumé de ses théories par l’auteur : W. Christaller, « Rapports fonctionnels entre les agglomérations urbaines et les campagnes », in Compte-rendu du Congrès géographique d'Amsterdam (1938), t. Il, sect. III a, Leyden, 1938, p. 123-137.

    25 Zentralität als Problem der mittelalterlichen Stadtgeschichtsforschung, E. Meynen (éd.), Münster, 1979 (Veröffentlichung des Instituts für vergleichende Stadtgeschichte in Münster, Städteforschung A 8).

    26 Selon l’expression de Bernard Chevalier dans la discussion finale du colloque sur les petites villes, in J.P. Poussou, Les petites villes..., op. cit., p. 486.

    27 Une application en a été réalisée par Jean-Luc Fray dans son habilitation à diriger des recherches. « Villa in media... ». Réseau urbain et perception de l’espace : essai d'application de la théorie de la centralité au cas de la Haute-Lotharingie médiévale (début XIe, début XIVe siècles), HDR soutenue à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 1997, en cours de publication.

    28 R. Kiessling, « Stadt-Land-Beziehungen im Spätmittelalter, Überlegungen zur Problemstellung und Methode anhand heuterer Arbeiten vorwiegend zu süddeutschen Beispielen », Zeitschrift für bayerische Landesgeschichte, 40 (1977), p. 829-867. W. Leiser, « Städtische Zentralität im agrarisch-feudalen Umfeld », in Städtisches Um-und Hinterland im vorindustriellen Zeit, Cologne-Vienne, 1985, p. 1-20.

    29 W. Leiser, « Territorien süddeutscher Reichsstädte. Ein Strukturvergleich », Zeitschrift für bayerische Landesgeschichte, 38 (1975), p. 967-981. Id., « Zentralorte als Strukturproblem der Margrafschaft Baden », in E. Maschke et J. Sydow (dir), Stadt und Umland, Stuttgart, 1974 (Veröffentlichung der Kommission für geschichtliche Landeskunde in Baden-Wurttemberg, Reihe B, 82), p. 1-19.

    30 W. Rösener, Bauern im Mittelalter, Munich, 1985, p. 113, 131-132, 143. Id., « Krisen und Konjunkturen der Wirtschaft im spätmittelalterlichen Deutschland », in Europa 1400, Stuttgart, 1984, p. 24-38.

    31 P. Bruyelle, « Réseaux urbains, réseaux de villes : des notions encore pertinentes ? », in Nouveaux espaces et systèmes urbains, Paris, 1976, p. 17-26. G. Dupuy, L’urbanisme des réseaux, théories et méthodes, Paris, 1991. La transposition et l’utilisation toujours délicates de concepts géographiques dans la pratique de l’historien se trouvent grandement facilitées par le travail de Michel Bochaca, op. cit.

    32 H. Galinié et M. Royo (dir.), Atlas des villes et des réseaux de villes en région Centre, 2 vol., 1992-1993. Le terme de réseau ne renvoie pas à la notion exacte mais plutôt au semis dans les publications antérieures comme celles de J.-P. Leguay, Un réseau urbain au Moyen Age : les villes du duché de Bretagne aux XIVe et XVe siècles, Paris, 1981. R. Favreau, « La formation d’un nouveau réseau urbain dans le Centre-Ouest de la France du Xe au XIIIe siècle », in Les réseaux urbains dans le Centre-Ouest atlantique de l'Antiquité à nos jours, Poitiers (1993), Poitiers, 1996, p. 91-108.

    33 J. Schneider, La ville de Metz aux XIIIe et XIVe siècles, Nancy, 1950. R. Favreau, La ville de Poitiers à la fin du Moyen Âge, une capitale régionale, 2 vol., Poitiers, 1978. P. Desportes, Reims et les Rémois aux XIIIe et XIVe siècles, Paris, 1979. C. Billot, Chartres à la fin du Moyen Age, Paris, 1987. N. Coulet, Aix au bas Moyen Âge. Espace et relations d’une capitale (milieu XIVe -milieu XVe siècle), Université d’Aix-en-Provence, 1988. A. Saint-Denis, Apogée d'une cité. Laon et le Laonnais aux ΧΙIe et XIIIe siècles, Nancy, 1994.

    34 Les petites villes..., op. cit., p. 3.

    35 G. Dupuy, L'urbanisme des réseaux..., op. cit., p. 108.

    36 Un grand incendie pendant la seconde guerre mondiale a détruit les archives de la ville de Heilbronn et du coup a provoqué une perte inouïe pour l’histoire des ligues urbaines. Bien d’autres facteurs moins dramatiques ont fait disparaître des pièces. Dans les Archives de Sélestat, le texte fondateur de la Décapole de 1354 se trouve être le premier document conservé, concernant une ligue ou une alliance urbaine, alors que l’on sait, par d’autres pièces, que cette ville était particulièrement active dans les relations interurbaines bien avant 1354.

    37 En introduction à sa méthode de collecte et de présentation des actes concernant les ligues urbaines, Konrad Ruser évoque cette difficulté. K. Ruser, Die Urkunden und Akten..., op. cit., Vorwort, p. 12.

    38 Pour une région voisine : B. Töpfer (dir), Stadt und Stadtbürgerum in der deutschen Geschichte des 13. Jahrhunderts, Berlin, 1976, p. 106-228.

    39 Sententia contra communiones civium, MG H, Const. 2, no 299.

    40 Rodolphe de Habsbourg a largement contribué à la restauration du pouvoir royal en favorisant l’émergence des villes mais ses campagnes militaires contre le roi de Bohême ou en Thuringe absorbèrent une grande partie de ses forces. À sa mort, la royauté fut disputée entre Adolf de Nassau, souverain élu en 1292 par les princes électeurs mais sans charisme, et Albert d’Autriche, fils de Rodolphe, qui s’imposa finalement en 1298. Contrairement à ce que voudrait faire croire l’historiographie, Albert essaya de reconstituer, à l’instar des Staufen, une force territoriale en Autriche, lui permettant de mener une politique assurée. Assassiné par son neveu en 1308, lui succéda par élection Henri VII de Luxembourg qui tenta, à sa manière, une autre restauration du pouvoir par le couronnement. Après la tournée de son royaume (il passa en Alsace), il se consacra au Romzug en Italie où il mourut en 1313, premier empereur couronné depuis les Staufen. On comprend que les villes de l’Oberrhein aient pu tirer quelques profits d’une autorité souveraine en concurrence sans souffrir les inconvénients d’un seul maître. La confirmation des privilèges, en effet, ne s’accompagnaient pas nécessairement d’une présence trop pressante.

    41 K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., p. 299-303, no 368 à 375.

    42 MGH Const. 2, no 294.

    43 Acte conservé aux Archives de la ville de Spire et disparu à Strasbourg. K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., p. 160, acte no 169.

    44 E. Bock, Landfriedenseinungen..., op. cit., p. 325.

    45 D. Denecke, Historische Stadtgeographie, Göttingen, 1989.

    46 MGH, Const. 1, p. 611.

    47 MGH, Const. 1, p. 613. Cf. introduction de Ludwig Weiland.

    48 Entzwuschen Basele und dem heiligen vorste und entzwischen dem gebirge, UB Strasbourg 1, no 475.

    49 M. Blattmann, Die Freiburger Stadlrechte.., op. cit., vol. 1, p. 8.

    50 Lucien Febvre, à propos du Rhin, proposait cette réflexion sur la notion de frontière : « Il n’y a pas frontière quand deux dynastes, campés sur des terrains qu’ils exploitent, plantent à frais communs quelques bornes armoriées au long d’un champ, ou tracent au milieu du fleuve une ligne idéale de séparation. Il y a frontière quand, passée cette ligne, on se trouve en présence d’un monde différent, d’un complexe d’idées, de sentiments, d’enthousiasmes qui surprennent et déconcertent l’étranger ». L. Febvre, Le Rhin, histoire, mythes et réalités, Paris, 1935, rééd. 1997, p. 216.

    51 F. Irsigler, Raumkonzepte..., op. cit.

    52 ADHR H Pairis, carton II, no 9. Sculteto de Brisach, de Columbaria, de Esleccistat.

    53 Unsern lieben vertruwen frunden... unsern fruntlichen dienst... etc.

    54 Zur Wiederherrstellung ihrer Freundschaft gelobt. K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., p. 160, no 169.

    55 Nos cum civibus Argentinensibus dilectis ac specialibus amicis nostris conspiracionis ac amicie firme fedus ineuntes, UB Strasbourg 1 no 478.

    56 Conrad dut quitter l’Allemagne dès 1251 et mourut en 1254.

    57 On connaît l’épisode fameux du Schultheiβ Roesselmann, fils d’un cordonnier, rompu aux affaires de la ville et exerçant ses fonctions avec la confiance de Frédéric II. Destitué sous la pression des nobles, partisans des Geroldseck, il se réfugia à Ensisheim pour revenir, caché dans un tonneau de vin, et acclamé par ses alliés dans Colmar au cri de « Habsbourg ! » (1261).

    58 Bruno Meyer utilise le terme de Notrecht, droit de l’urgence. B. Meyer, Die Bildung der Eidgenossenschaft in 14. Jahrhundert, vom Zugerbundzum Pfaffenbrief, Zurich, 1972, p. 277.

    59 Ibid.

    60 En 1185, Henri VI reçut la moitié de Brisach en fief. Frédéric II confirma cette inféodation en 1218. A sa mort, Brisach n’avait plus qu’un seul maître, l’évêque de Bâle.

    61 Quod civitates nobis conjurate recesserint ab eodem (domino nostro Friderico imperatore Romanorum), quemcunque sibi dominum preter prelibatum dominum nostrum, ejusque filium Conradum... in regem electum, eligentes... J. Trouillat, Monuments de l'histoire de l'ancien évêché de Bâle, t. 1,2, Porrentruy, 1852, p. 585.

    62 Le Landesherr, le maître d’un territoire doit protection à sa terre et à ses gens : Schutz und Schirme über Land und Leute.

    63 P. Müller, Die Herren von Fleckenstein im späten Mittelalter, Stuttgart, 1990 (Geschichtliche Landeskunde, 34), p. 375-398.

    64 J. Füchtner, Die Bündnisse..., op. cit., p. 20.

    65 MGH SS 17 Ellenhardi Chronicon, Bellum Waltherianum a. 1261, p. 107.

    66 UB Strasbourg..., op. cit., t. 1, p. 360, no 476.

    67 Unrechten Gewalt.

    68 Vignati, Storia diplomatica dei lega Lombarda, p. 177, cité par Konrad Ruser, p. 158.

    69 K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., p. 160, no 169.

    70 Fine amicabili terminari... vobiscum in veram et perpetuam et affectuosam amiciciam reformari... UB Strasbourg 2, no 39.

    71 X. Mossmann, Regestes du prieuré de Saint-Pierre... op. cit., p. 119, no 16.

    72 T. Körner, Juramentum und frühe Friedensbewegung (10.-12. Jahrhundert), Berlin, 1977. L'auteur démontre la continuité avec les paix de Dieu. Il n’y aurait selon lui aucune distinction à faire entre Gottes- et Landfriede.

    73 Aliarum civitatum que pacis federa inierunt, jurasse pacem generalem fideliter conservandam...conjurate juraverunt... (1256). UB Strasbourg 1, no 398.

    74 Anti-roi (1257-1272).

    75 Quatenus exemplo multorum principum comitum eciam magnatum nobilium et baronum et aliarum plurium civitatum generalem pacem in civitate Argentinensi communi voto jurantes... UB Strasbourg 2, no 20.

    76 Ab hujusmodi pace de jure possitis secludi et excludi. Ibid., no 20.

    77 Was Sachen oder verbuntnisse wir ouch gelobet und gesworn hant alle jar zu ernuwernde und in unserm eide zu bindende. J. Geny, Schlettstadter Stadtrechte..., op. cit., p. 314.

    78 Exception doit être faite d’une conjuratio dans le cadre des villes épiscopales ou appartenant à l’évêque de Strasbourg : sa ville ou Rouffach par exemple. Guebwiller, ville abbatiale, eut aussi toutes les peines à imposer sa conjuratio.

    79 P. Schuster, Der gelobte Frieden. Täter. Opfer und Herrschaft im spätmittelalterlichen Konstanz, Constance, 1995.

    80 E. Benveniste, Le vocabulaire des institutions indo-européennes, t. 1, Économie, parenté, société, Paris, 1969, p. 337.

    81 Ce terme se trouve à mi-chemin entre la promesse de paix dite (geloben) et la promesse sous serment.

    82 Notre corpus ignore le terme de Einung fort usité dans les régions voisines.

    83 Ane (= ohne) alle geverde (= Gefärde, dolus, böse), truwelos, den roub widergebin, daz wir nie dur mutwillen mit uch deheinen criec oder urluge (= Urläuge = Fehde) bestunden.

    84 Mein = falsch, betrügerich.

    85 Landser se trouve à une dizaine de kilomètres au sud de Mulhouse.

    86 Motte castrale près de Petit-Landau.

    87 Propter milita et intollerabilia gravamina que passi fuerant et patiebantur cottidie incessanter de Castro cicto Landtsera..., Cartulaire de Mulhouse 1, no 12.

    88 O. Kammerer, « Le dedans et le dehors à l’échelle des villes impériales de l’Oberrhein », RA, 122 (1996), Mélanges offerts à Francis Rapp, p. 159-169.

    89 Bruno Meyer et Konrad Ruser évoquent les Verburgrechtungen ou Burgrechtverträge comme une des caractéristiques du premier siècle des ligues qu’ils ont étudiées en Souabe et en Suisse.

    90 Si vero burgensis extraneus percusserit vel depilaverit, LX sol. Emendabit (article 13). Si autem duo burgenses amici urbem exierint et inter se invicem altercati fuerint... (article 14). M. Blattmann, Die Freiburger Stadtrechte..., op. cit., vol. 1, p. 634.

    91 M. Blattmann, Die Freiburger Stadtrechte..., op. cit., vol. 2, p. 636.

    92 Nullus extraneus testis erit super burgensem sed tantum burgensis super burgensem. M. Blattmann, Die Freiburger Stadtrechte..., op. cit., vol. 2, p. 631.

    93 W. Merk (dir.), Neuenburg am Rhein..., op. cit., no 7, p. 9.

    94 J, Sydow, « Kanonische Überlegungen zur Geschichte und Verfassung der Städebünde des 12. und 13. Jahrhunderts », in Kommunale Bündnisse..., op. cit., p. 213-230.

    95 Sol unser recht ze behabende. AM Sélestat, AA 1.

    96 M. Blattmann, Die Freiburger Stadtrechte..., op. cit.

    97 Der rheinische Städtebund von 1254-56, Katalog zur Landesausstellung in Worms, 24 Mai - 27 Juli 1986, Landesarchivverwaltung Rheinland-Pfalz, Coblence, 1986.

    98 Wer der stärkst war, der schub den andern in sack, wie er kunnt und möcht, die reuter und edelleut nähreten sich aus dem Stegreif, mordeten wen sie konnten, verlegten und versperten die päss und Strassen... W. Arnold, Wormser Chronik von Friedrich Zorn, mit den Zusätzen Franz Bertholds von Fiersheim, Stuttgart, 1857 (Bibliothek des litterarischen Vereins in Stuttgart, XLIII), p. 101.

    99 K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., no 209-214.

    100 1247-1256.

    101 K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., no 394.

    102 M. Stercken, Königtum und Territorialgewalten in den rhein-maasländischen Landfrieden des 14. Jahhunderts, Cologne/Vienne, 1989 (Rheinisches Archiv, 124).

    103 L’alternance au pouvoir des familles de souverains ne permettait guère de consolider un pouvoir royal dans la durée et une territorialisation familiale indispensable pour assurer des ressources. Habsbourg : Rodolphe I (1273-1291). Nassau : Adolphe (1292-1298). Habsbourg : Albert I (1298-1308). Aucun de ces rois ne fut couronné empereur. Luxembourg : Henri VII (1308-1313).

    104 E. Bock, Landfriedenseinungen..., op. cit., p. 329.

    105 P. Moraw, Von offener Verfassung zu gestalteter Verdichtung, das Reich im späten Mittelalter 1250 bis 1490, Berlin, 1985 (Propyläen Geschichte Deutschlands, 3). F. Rapp, Les origines médiévales de l'Allemagne moderne. De Charles IV à Charles Quint (1346-1519), Paris, 1989.

    106 Entromantisierung. Historisierung und Entdemokratisierung, in P. Moraw, Reichsstadt, Reich..., op. cit., p. 408-411.

    107 Dem cristlichen houbt des heiligen richs, der do ist aller friheit und regalia geber und besteter und der bum aller weltlichen gerechtikeit. AM Strasbourg AA 226, f° 61 v°, cité par E. Isenmann, « Zur Frage der Reichsstandschaft der Frei-und Reichsstädte », in F. Quarthai et W. Setzier (dir.), Stadtverfassung - Verfassundsstaat-Pressepolitik. Festschrift für Eberhard Naujoks zum 65. Geburstag, Sigmaringen, 1980, p. 91-110.

    108 Die unterthanen schirmen wolle, bi allen iren rechten, fryheiten und guten gewihnheiten, und bi allen iren hantvestinen und besiegelten brief die sie habent von seliger gedechnuzz alten kunigen und keisern von Rom. Cartulaire de Mulhouse 1, no 386.

    109 Gehorsam zu sinde und ze wartende mit allen dez heiligen richs nutzen und rechten, freyheiten und gewonheiten. Cartulaire de Mulhouse 1, no 272.

    110 De 1349 à 1353 elle le fut au comte palatin Rodolphe. De 1371 à 1374 aux ducs Albert et Léopold d’Autriche. J. Becker, Wirksamkeit und das Amt der Landvögte..., op. cit., p. 323.

    111 B. Metz, « Hagenau als staufische Stadtgründung », in Staufische Stadtgründungen am Oberrhein, E. Reinhard et P. Rückert (dir.), Sigmaringen, 1998 (Oberrheinische Studien, 15), p. 213-234.

    112 Ammann dans le nord de l’Oberrhein ou dans la future Suisse. Les secteurs d’autonomie des villes vis-à-vis de ces agents avant 1350 ont été rarement étudiés faute de sources. Les rares travaux disponibles traitent de la période finale du Moyen Âge. T. von Rossum, Studien zur Politik Freiburgs als Reichsstadt, Diss. Phil. Fribourg, 1950, p. 27. Dans cette thèse dactylographiée, l’auteur aborde rapidement la marge d’autonomie de Fribourg entre 1415 et 1418.

    113 Teusch, Die Reichslandvogteien in Schwaben und Elass zu Ausgang des 13. Jahrhunderts, Bonn, 1880, p. 39, p. 44.

    114 Daz wir in Stilen geben einen schultheizsen ze richtere einen burgere der in der stat seshaft ist. Cartulaire de Mulhouse 1, no 121, p. 90.

    115 Küster, Das Reichsgut in den Jahren 1273 bis 1313, Leipzig, 1883.

    116 G. Landwehr, Die Verpfändung der deutschen Reichstädte im Mittelalter, Cologne/Graz, 1967.

    117 MGH, Const. 3, no 155. Vocatio civitatumper judicemprovincialem facta.

    118 MGH, Const. 3, no 156. Litterae judicis provincialis super archiepiscopo Moguntino.

    119 Quandam famam... incognitam et detestabilem... aliis frivolis et sinistris ex malicia suorum detractorum...

    120 Annales Colmarienses majores, MGH, SS 17, 223.

    121 Missehellunge zwischen Graf Egen von Freiburg und den burgern von Freiburg umbe das gerihte in der oberen owe. StA. Freiburg A 1 Urkunden IIc Bündnisse.

    122 H. Thieme, « Staufische Stadtrechte im Elsass », Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte, 1938 (Germanische Abteilung, 58), p. 654-673.

    123 M. Blattmann, Die Freiburger Stadtrechte..., op. cit.

    124 F. Elsener, « Notare und Stadtschreiber. Zur Geschichte des schweizerischen Notariats », Arbeitsgemeinschaft für Forschung des Landes Nordrhein-Westfalen. Geisteswissenschaften, 100 (1962).

    125 Qu’ils qualifient de Frühreception.

    126 La pars major des Romains appliquant le principe de gouvernement de la majorité, était devenue, par assimilation en droit canonique, la pars sanior.

    127 Le texte de 1147, donné parfois pour le premier statut de la ville, est une ordonnance épiscopale. Peuvent être considérés comme des étapes de la construction du corps de ville, ceux de 1201, 1214, 1249 et, après la victoire de Hausbergen, de 1263. Histoire de Strasbourg des origines à nos jours, G. Livet et F. Rapp (dir), t. 2, Strasbourg, 1981. O. Kammerer, « Straβburg - das Selbstverständnis einer Stadt im 13. Jahrhundert. Stadtwerdung. Stadtbild. Geschichtsbewusstsein ». in Europas Städte zwischen Zwang und Freiheit. Die europäische Stadt um die Mitte des 13. Jahrhunderts. Ratisbonne. 16-19 Fév. 1995, W. Hartmann (dir), Ratisbonne, 1995 (Sonderband aus der Schriftenreihe der Europa-Kolloquien im Alten Reichstag), p. 63-82.

    128 R. Wackernagel, Geschichte der Stadt Basel, Bâle, 1911. R. Patemann, « Die Stadtentwicklung von Basel bis zum Ende des 13. Jahrhunderts », ZGO, 112, NF 73 (1964), p. 431-467.

    129 M. Blattmann, Die Freiburger Stadtrechte..., op. cit., vol. 1, p. 409.

    130 Marita Blattmann les appellent les rescripta ou Rödel, en raison de leur présentation matérielle.

    131 Les protocoles sont ainsi formulés : an disen die disen brief ansehent oder hörent lesen.

    132 Les statuts reprennent la formule : man soll niemand sein recht verziehen.

    133 Ist daz dekein burger den andern vor eine fremden rihter bekumbert und ansprichet, swaz dar da von schaden nimet, den sol im der clager abe tun und so unserne rihter dar zu eine frevel bezzeren. (Stadtrecht de Colmar, 29 décembre 1278, Article 11). P. Finsterwalder, Colmarer Stadtrechte..., op. cit., p. 38.

    134 Cf. chapitre 1, les institutions urbaines.

    135 Les élites urbaines au Moyen Âge, XXVIIe congrès de la Société des Historiens Médiévistes de l'Enseignement Supérieur Public, Rome, mai 1996, Paris/Rome, 1997 (Série Histoire Ancienne et Médiévale, 46, Collection de l’École Française de Rome, 238).

    136 Stadtstaat. H. Maurer, Kommunale Bündnisse..., op. cit. Voir surtout la conclusion de Ernst Volmer, p. 45-61.

    137 MGH, SS 17, p. 260.

    138 Umbe alle die Sachen und alle die bresten, die zwischent uns und unsern burgern sint uferstanden bitz an disen hutigen tag... UB Strasbourg 2, p. 266, no 316.

    139 Ein romehch kunig sie oder sie nut... Ibid. L’accord intervint le 19 avril 1314 donc avant la mort de Henri VII, survenue le 24 août 1314. L’absence du souverain en Allemagne pouvait être assimilée à une vacance du pouvoir.

    140 Wer daz ein keiser oder ein kunig oder iemen an irre stette. der dez landes pfleger von iren wegen weren, einen gemeinen lantfriden ufrihten woltent. K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., 1, p. 431, no 504.

    141 E. Bock, Landfriedenseinungen..., op. cit., p. 329.

    142 P. Schuster, Der gelobte Frieden..., op. cit.

    143 Le jus summarium s’oppose à l'indilata justitia, Unverzogenes Recht/förderliches Recht. Cette pratique n’était, jusqu’à présent, connue des spécialistes du droit commercial qu’au XVIe siècle dans les régions rhénanes et le Wurttemberg. D’après la documentation utilisée, elle remonterait au moins à la période des réseaux, pendant l’Interrègne.

    144 UB Strasbourg 5, no 66 (11 mars 1337).

    145 Geloben einander unverzogenes recht in Schuldsachen. StA. Fribourg A 1 Urkunden II b (ce dossier contient 11 actes avant 1350).

    146 L’historiographie à ce sujet est très partagée. Une mise au point a été clairement établie par Martina Stercken, Königtum und Territorialgewalten..., op. cit., p. 31-33.

    147 E. Bock, Landfriedenseinungen..., op. cit., p. 328.

    148 MGH, Const. 4, no 129.

    149 Alle pfaffen und alle geistliche lute und alle gotzhuser die sulent in dieseme friden sin... Ibid.

    150 K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., t. 1, p. 346, no 420.

    151 Eines gemeinen lantfriden von der Seise untz an die Birse und von dem Rine unz an den Wasichen, alse daz bistum zu Strazburg begrifet, und von der Birse unz an den Wasichen, alse daz bistum von Basile gat, und ouch jensite Rines, alse daz bistum zu Strazburg gat... MGH, Const. 4, no 129.

    152 K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., t. 1, p. 283, no 348.

    153 Toute statistique serait ridicule compte tenu d’une typologie documentaire qui n’a rien de systématique.

    154 Den wisen und den bescheiden dem burgermeister, dem Schultheiβen, dem rat und der gemeinde von Freiburg enbieten wir... Stadtarchiv Freiburg A1 Urkunden II d. (sans date).

    155 « Wir, der burgermeister, der Schultheiβe und der rat von Slezstat ». Stadtarchiv Freiburg A1 Urkunden II d.

    156 Der meister, der rath, die Zunftmeister und die ganze gemeinde der Stadt Colmer...

    157 Stadtarchiv Freiburg A1 Urkunden II b. UB Strasbourg 2, no 491. UB Basel 4, no 76.

    158 Daz die vorgenanten margraven sullent globen des meistens und des rates von Strazburg briefen. UB Strasbourg 2, no 356.

    159 G. Burger, Die südwestdeutschen Stadtschreiber..., op. cit.

    160 Pour la période considérée car le fait ne devient plus exceptionnel au XVe siècle.

    161 UB Strasbourg 2, no 233.

    162 Un seul acte du corpus précise que, dans une mission délicate de réconciliation entre Strasbourg et Erstein, il faut ydoneas personas eligere (1260 ?). UB Strasbourg 1, no 462.

    163 Quand ils sont « empêchés ou morts », ils doivent être remplacés immédiatement !

    164 Acte cité par K. Ruser, Die Urkunden.... op. cit., 1, p. 236, no 283.

    165 Schlettstädter Stadtrechte..., op. cit, p. 954 Eidbuch I. Ce texte (1498-1500) serait une copie d’un texte plus ancien, perdu. Eines statschreibers eydt : 1)..keinem burger widder den andern rhatten.und des heimlichkeit und die urtheil des raths zu verschwygen, das zu verschwigen ist...4) item er sol auch nyemandts frembdts der nit sin statrecht hat oder mit der statt insiegel soll versigelt werden gantz nichtzit schreiben in kein wegen, dann mit wissen meister und rhats.

    166 Qu’il fait bon vivre dans sa ville ! Le rôle du secret y était essentiel pour se différencier des autres.

    167 Les convulsions sociales, à Colmar, par exemple (geschelle ufflöiff), en 1261, 1273, 1285, 1291, 1293, 1331, 1338, 1348, 1354, etc.

    168 B. Schwineköper (éd.), Gilden und Zünfte. Kaufmännische und gewerbliche Genossenschaften im frühen und hohen Mittelalter, Sigmaringen, 1985. Même s’ils traitent d’une réalité plus tardive, restent fondamentaux les travaux de K. Schulz, Handwerkgesellen und Lohnarbeiter. Untersuchungen zur oberrheinischen und oberdeutschen Stadtgeschichte des 14. bis 17. Jahrhunderts, Sigmaringen, 1985 ; R. Schröder, Zur Arbeitsverfassung des Spätmittelalters Eine Darstellung mittelalterlichen Arbeitsrechts aus der Zeit nach der grossen Pest, Berlin, 1984 (Schriften zur Rechtsgeschichte, 32) ; W. Reininghaus, Die Entstehung der Gesellengilden im Spätmittelalter, Wiesbaden, 1981 (Viertel Jahrschrift für Sozial-und Wirtschaftsgeschichte, Beiheft 71).

    169 Strasbourg 1332. Bâle 1337. Colmar 1333. Fribourg 1338 (en 1368 la ville passe aux Habsbourg).

    170 E. Ennen, « Ausbürger », in Lex. Μ. 1, 1980, col. 1246-1247. H. Dubled, « La bourgeoisie foraine en Alsace, principalement à Strasbourg, Ausbürger et Pfahlbürger », Cahiers d'archéologie et d'histoire d'Alsace, 133 (1953), p. 137-142.

    171 Swer och vromder (= Fremde) dar zuhet older dar kumet da ze belibende (rester provisoirement), gefallet der sol frilich ziehen under unser welen er wil, nach dem es ime aller beste fuget und och gefallet. Cartulaire de Mulhouse 1, p. 160 (20 décembre 1337).

    172 Extérieurs à la palissade dits aussi Satzbürger à Fribourg : ils possèdaient un domicile mais pas l’ensemble des droits de bourgeoisie.

    173 Cartulaire de Mulhouse 1, p. 112 (article 1).

    174 Ich wil min recht zu Colmer behoben als ein ander ussburger und dienen meiner zunfte und mein gewerff geben. AMC BB 43 (altes Rotbuch), p. 17.

    175 AM Sélestat AA 9 (4 juin 1336).

    176 V. Achter, Geburt der Strafe. Franckfurt, 1951.

    177 UB Strasbourg 2, no 356.

    178 Cartulaire de Mulhouse 1, p. 196.

    179 J. Morsel, La noblesse contre le prince : l'espace social des Thüngen à la fin du Moyen Âge (Franconie, v. 1250-1525), Stuttgart, 2000.

    180 L’égalité, en l’occurrence, jouait pour les votes ou le droit théorique de quitter l’alliance. Il s’agissait beaucoup plus d’affirmer un idéal citadin, considéré comme base indispensable à toute alliance entre villes, et hors de la logique féodale. Il est certain que ces relations de type horizontal ne pouvaient se concevoir avec les princes ou l’empereur.

    181 Soll dise gesetzede und dise ordnunge state syn mit guten truwen ane geverde, untz es entweder statt, der es misvallet, der endern einen manot(=mois) widerbuttet. UB Basel 3, no 467 (9 avril 1299).

    182 La ville de Brisach a indéniablement joué un rôle essentiel du fait de sa situation géographique mais sans doute beaucoup plus aux Xe et XIe siècles. La modestie de son développement territorial et démographique cache peut-être une réalité politique à mettre à l’étude. Le chantier reste ouvert.

    183 Sofern ez nutze und gut si. UB Basel 4, no 59.

    184 Dans un accord de 1343 les juges choisis par les partenaires devaient se rendre à Sélestat à des dates fixes pour y rendre leurs jugements.

    185 Stadtarchiv Freiburg, A 1 Urkunden IId, (s.d.).

    186 Ibid : Wir mussen in beholfen sin. und ist daz wir us zogende werden, waz denne uch und dem lande schaden beschihtt, do sullent ir wussen, das uns daz leit ist.

    187 Cf. texte en annexe, concernant le même type de conflits : un arbitrage entre Brisach et Fribourg, par Strasbourg, en 1347.

    188 K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., 1 p. 283, no 348 (14 août 1341).

    189 De cette sorte de conseil, émanation des villes membres, il va être question plus loin.

    190 Fronfasten = jeûnes de 3 jours à quatre saisons, après le mercredi des Cendres, la Pentecôte, le 14 septembre et le 13 décembre.

    191 Dans la grande ligue du Rhin de 1254, dès le premier congrès à Worms, les villes membres s’engagèrent à payer un Bundessteuer, sur la base d’un Pfennig par habitant possédant une fortune de plus de 5 livres. Une maison de la paix devait être ainsi financée.

    192 Un seul acte, de 1317, indique explicitement que les Obleute de la paix sont responsables devant l’empereur. UB Strasbourg 2, no 356.

    193 Selon les articles de la paix, repris de documents antérieurs, les 9 sont désignés par Achte, ce qui pose le problème de l’étymologie. Acht signifierait, soit les 8 bourgeois qualifiés, comme dans les villes, soit les notables (achtbar), soit encore les authentiques (acht = echt).

    194 K. Albrecht, Rappolsteinisches Urkundenbuch..., op. cit. 1, no 494.

    195 Titulature qui n’apparaît pas dans l’acte car tous deux y sont désignés comme landvögte.

    196 K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., p. 266, no 324. Les membres de la paix scellée le 22 juillet 1322 ont porté plainte contre les frères Werner et Hermann von Hohenfels.

    197 MGH,Co nst 5, no 649 (3 avril 1322).

    198 Man soll ihm nicht recht sprechen. UB Basel 4, no 35 (16 février 1318).

    199 P. Schuster, Der gelobte Frieden..., op. cit.

    200 Unverzogenes Recht = jus summarium par opposition à fiirderliches Recht = indilata justitia. Cette notion est attestée pour le XVIe siècle en Alsace, dans le Wurttemberg et les pays rhénans.

    201 Geloben einander unverzogenes recht in Schuldsachen. Stadtarchiv Freiburg A 1 Urkunden II b (11 actes avant 1350). Pour le XVe siècle, on trouvera des dossiers dans Stadtarchiv Freiburg A 1 Urkunden Ik erhaltene Rechte, entre Fribourg, Neuenburg, Ensisheim.

    202 UB Strasbourg 5, no 66 (11 mars 1337).

    203 Dans les textes concernant l’obéissance due au landvogt comme à l’empereur lui-même, l’expression unverczogenlich und willeclich est aussi utilisée. J. Becker, Die Wirksamkeit..., op. cit., p. 323.

    204 H. Coing, Europäisches Privatrecht, Bd 1, Älteres gemeines Recht 1500 bis 1800, Munich, 1985.

    205 Ist daz dekein (= irgend ein) burger den andern vor eine fremden rihter bekumbert und ansprichet. swaz dar da von schaden nimet, den sol ime der clager abe tun (= abschaffen) und sol unserne rihter dar zu eine frevele bezzeren. AM Colmar, AA 48.

    206 Sulent (...) rihten ane allen verzog undane alle gewerde. K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., 1, p. 367, no 442.

    207 Acte de 1321 ou 1323. Stadtarchiv Freiburg A 1 Urkunden IId.

    208 L’exploitation du bois (Cf. introduction) tout comme la production de drap considéré sur les marchés extérieurs comme de médiocre qualité, restent des problèmes largement ouverts, non explorés jusqu’à présent, et pour cause : avant 1350 l’absence de sources est complète.

    209 H. Lieberich, « Grundruhr », in Lex. M. 4, 1989, col. 1753-1754.

    210 Schlettstädter Stadtrechte..., op. cit., 21 août 1330.

    211 UB Strasbourg 2, no 356.

    212 MGH, Co nst 5 no 649 (3 avril 1322).

    213 La belle série des « diètes monétaires » des Archives Municipales de Colmar CC123-137 porte sur une période postérieure.

    214 F. Wielandt, « Todtnau, Bergwerk und vorderösterreichischer Münzort », Numismatische Zeitschrift, 87/88 (1972), p. 61-84. H. Grote, « Die Münze des Herren von Rappolstein », Blätter für Münzefreund, 14 (1878), p. 577-581.

    215 Le problème du crédit pratiqué par les juifs, abondamment attesté à la fin du Moyen Âge, apparaît peu, dans les sources utilisées, avant 1350. Le prieuré de Saint-Pierre à Colmar, la même année 1313, eut recours « au »juif de Sélestat et régla une affaire complexe avec un autre « juif de Strasbourg demeurant à Colmar ». X. Mossmann, Les regestes..., op. cit., p. 126-127.

    216 Wir gemeinde der burgere von Strazburg lidig sagent drizsig Schillinge und viercig pfunde strasburger und aller schulde. UB Strasbourg no 29.

    217 C. A. Hanauer, Études économiques sur l'Alsace ancienne et moderne, vol. 1, Les monnaies, Paris, 1876.

    218 Acte du 2 mars 1342 : Rappolsteinisches Urkundenbuch..., op. cit., 1, no 528. Acte du 20 janvier 1344 : UB Basel 4, no 158.

    219 UB Basel 4, no 163.

    220 Ibid : Were das dehein uflouf (= Auflauf) in dem lande geschehe (...) geschehe es ouch das dehain missehelle wurde oder uflouf in den vorgenanten stetten (...) herren und stette manen (...) die sich zu dirre verbuntnisse hand verbunden, sont inen ouch denne die unverzogenlich zu helfe kommen ouch bi dem eyden ane alle Widerrede.

    221 J. Gerchow, « Trinkstuben, Zünfte und Brüderschaften : die Freiburger Genossenschaften im Mittelalter », in Geschichte der Stadt Freiburg..., op. cit., 1, p. 183.

    222 Cartulaire de Mulhouse 1, p. 173 (16 octobre 1340).

    223 Ibid : So gebietin wir (= comte Albert de Hohenberg, landvogt d’Alsace), setzin und wellin daz die bunt nusch und gelubde die sie ze samen hatten getan mit geswornen eyden ir sumlich genainander daz die gelubde und ayde absigint, als och si uns gesait hant daz si abgelassen und getan sigint. und och furbaz nut me geschehen.

    224 AMC BB 3 no 3.

    225 G. Landwehr, Die Verpfändung der deutschen Reichsstädte im Mittelalter, Cologne-Graz 1967.

    226 P. J. Schuler, « Die Rolle der schwäbischen und elsässischen Städtebünde in den Auseinandersetzungen zwischen Ludwig dem Bayern und Karl IV », Blätter für deutsche Landesgeschichte, 114 (1978), p. 659-694.

    227 In unser und des richs stet Kolmarn, Sletzstat, Eheinheim, (Obernai), Rosheim, Mulhusen. ColmarerStadtrechte..., op. cit., p. 92 (30 octobre 1333).

    228 Weder gesamt noch einzeln vom Reiche zu versetzen oder zu veräussern. Schlettstädter Stadtrechte..., op. cit., no 31 (12 décembre 1347).

    229 J. Treffeisen, « Aspekte habsburgischer Stadtherrschaft im spätmittelalterlichen Breisgau », in J. Treffeisen et K. Andermann (éd), Landesherrliche Städte..., op. cit., p. 157-229. H. E. Feine, « Die Territorialbildung der Habsburger im deutschen Südwesten vornehmlich im späten Mittelalter », Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte, germanistische Abteilung. 67 (1950), p. 176-308.

    230 Uns selber der zwischent ze helffende und ze ratende nach unserre notdurft wider aller menglich, ane wider unsern herren den keiser und wider des Riche. Rappolsteinisches Urkundenbuch..., op. cit., 1, no 536.

    231 UB Strasbourg 2, no 427.

    232 Von dez crieges wegen (...) kunigrich. UB Strasbourg 2, no 354.

    233 À l’est d’Erstein, sur le cours du Rhin d’alors.

    234 Louis de Bavière réussit avec la ligue d’Ulm en 1331 à liguer l’évêque d’Augsburg et 22 villes souabes. La territorialisation du souverain a eu, en Souabe, plus d’efficacité.

    235 UB Strasbourg 2, no 316.

    236 UB Basel 4, no 153.

    237 P. Dollinger (dir.), Histoire de l’Alsace, Privat, 1970. F. Rapp, Histoire de l’Alsace. t. 3, L’Alsace à la fin du Moyen Âge, Wettolsheim, 1977.

    238 F. Rapp, Les origines médiévales de l'Allemagne moderne. De Charles IV à Charles Quint (1346-1519), Paris, 1989.

    239 Du nord au sud = Wissembourg, Haguenau, Rosheim, Obemai, Sélestat, Kaysersberg, Colmar, Munster, Turckheim et Mulhouse. Six des dix villes se situent dans la partie de l’Oberrhein étudié. A la fin du XIVe siècle, Selz entra dans la Décapole qui compta alors 11 membres. En 1512-1514 Mulhouse, ralliée aux cantons helvétiques, fut remplacée par Landau. Voir carte en annexe.

    240 Versuch einer aktenmässigen Geschichte der 10 vereinigten Reichsstädte im Eisass von ihrem Ursprung bis auf gegenwärtige Zeiten, Ulm, 1791. D. Schoepflin, Histoire des dix villes jadis libres et impériales selon Schoepflin, Colmar, 1825. L. Sittler, La Décapole alsacienne des origines à la fin du Moyen Âge, Strasbourg, 1955.

    241 L’annexion de Colmar en 1673 racontée par une chronique strasbourgeoise manifeste bien ce qui fut éprouvé comme une déchéance pour la ville : « Les Français... pénétrèrent subitement en ville par la porte du côté opposé, puis ils entrèrent à pied et à cheval avant que les délégués du Magistrat (municipalité) s’en fussent aperçus... Les Français se sont donc emparés ainsi de la ville. Peu après ils ont commencé à démolir les remparts et les fossés, ils ont jeté bas les belles portes de la ville et les tours de fortifications. En un mot, cette belle ville de Colmar a été arrangée, dans l’espace de 8 à 10 jours, de façon à ce qu’on ne puisse plus la reconnaître. Elle est maintenant ouverte, comme un village, la vieille cité... ». Chronique strasbourgeoise du peintre Jean-Jacques Walter 1672-1676, texte et traduction annotés par R. Reuss, Paris-Nancy, 1898.

    242 Pour les Alsaciens d’aujourd’hui, il s’agit de la « France de l’intérieur ».

    243 AMC AA 52 no 1.

    244 AMC AA 52 no 2.

    245 Cet acte se trouve dans les archives des différentes villes. AMC AA 52 no 3.

    246 AMC AA 52 no 4. Cartulaire de la ville de Mulhouse..., op. cit., t. 1, no 265.

    247 En 1358, Colmar put, grâce à l’intervention du landvogt et des villes alliées, mater la révolte des nobles.

    248 Cf. extraits en annexe.

    249 Ce que fit Charles IV le 2 février 1378 peu de temps avant sa mort. Cartulaire de Mulhouse..., op. cit., t. 1, no 318. Les villes reformèrent la Décapole le 14 août 1379. Ibid., t. 1, no 321.

    250 AMC BB 3, no 8 (8 mai 1354).

    251 Formellement le gouvernement de la ville fut établi en 1360, après la victoire sur la rébellion des nobles mais il se positionnait déjà auparavant. Il comprenait : le magistrat, le conseil, les commissions des Huit et des Treize, les échevins. Le magistrat stricto sensu comprenait l'Obristmeister (élu annuellement par les conseillers et les maîtres des métiers), trois Stettmeister, le Schultheiβ relayé progressivement par les (quatre puis trois) Burgmeister (choisis tous les trois mois par les métiers). Le conseil comptait dix nobles et dix bourgeois, élus selon un mode de scrutin inconnu ; les maîtres des corporations assistaient aux réunions et y exerçaient une influence prépondérante. Les commissions jouaient le rôle essentiel de tribunal (bannissements, amendes, etc.). Les échevins élus à vie, au prorata de l’importance des métiers, assistaient le Schultheiβ puis, après le rachat de cette charge, assuraient seuls des compétences judiciaires élargies. L. Sittler, Les listes d'admission à la bourgeoisie de Colmar 1361-1494, t. 1, Colmar, 1958, introduction.

    252 L. Sittler, « Les archives de la Décapole alsacienne conservées à Sélestat », Annuaire des Amis de la Bibliothèque de Sélestat, 1953, p. 147-157.

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    1 Avant de préciser la notion de réseau (Cf. infra), l’utilisation de ce terme restera volontairement générale et supposera l’organisation des relations entre les villes formant réseau. Michel Bochaca propose dans l’index de son habilitation à diriger des recherches la définition suivante : « réseau urbain : ensemble de villes reliées entre elles par des voies de communication et des flux d’échanges, et intégrées dans un maillage qui assure l’encadrement d’un espace régional ou national ». M. Bochaca, Villes et structuration de l’espace en Bordelais (fin de l'Antiquité – milieu du XVIe siècle). Géographie historique d’un réseau urbain : les villes du Bordelais (v. 1000 – v. 1550), HDR soutenue à l’Université de Lyon 2, 8 décembre 2000, vol. 2, p. 499.

    2 Les MGH rassemblent dans la série Scriptores (SS XVII et XXIII) les Annales de Colmar et de Bâle (Cf. les sources). Chroniken der deutschen Städte. Die Chroniken der oberrheinischen Städte, C. Hegel (dir.), Leipzig, 1870-71, rééd. 1961. A. Bernoulli, Die älteste deutsche Chronik der Stadt Colmar, Colmar, 1888. A. Waltz, Kleine Chronik der Stadt Colmar, Colmar, 1891. Kleine Thanner Chronik oder Jahr-Büchlein von der Stadt Thann in drey Theilen vorgestellt von einem P.Franciscaner, Mulhouse, rééd. 1855. A. Merklen, Tschamser Malachias, Annales oder Jahresgeschichten der Baarssiseren... zu Thann, 1724, 2 vol., Colmar, 1854. Basler Chroniken, Leipzig-Bâle, 1872-1945 (Historische und antiquarische Gesellschaft in Basel, 8). Frère Séraphin Dietler. La chronique des Dominicains de Guebwiller (1124 - 1723), X. Mossmann (éd.), 1844.

    3 Les Urkundenbücher déjà évoqués présentent les actes les plus anciens dans l’ordre strictement chronologique. Un certain nombre adoptent la forme de regestes, donnant l’analyse et l’essentiel de l’acte sans transcription systématique. H. Schreiber, Urkundenbuch der Stadt Freiburg i. B., 4 vol., Fribourg, 1828-1872. W. Wiegand et alii, Urkundenbuch der Stadt Straβburg bis 1400, 7 vol., Strasbourg, 1879-1900. R. Wackemagel, Urkundenbuch der Stadt Basel, 11 vol., Bâle, 1890. X. Mossmann, Cartulaire de la ville de Mulhouse, 6 vol., Mulhouse, 1883. T. Walter, Urkunden und Regesten der Stadt und Vogtei Rufach, 2 vol., Rouffach, 1908-1913.

    4 J. Gény, Schlettstadter Stadtrechte, Heidelberg, 1902 (Oberrheinische Stadtrechte, Abteilung 3, 1). P. Finsterwalder, Colmarer Stadtrechte, Heidelberg, 1938 (Oberrheinische Stadtrechte, Abteilung 3, 3).

    5 Le lien avec l’histoire des ligues a été assuré explicitement par une publication majeure ; J. Weizsäcker, Der Rheinische Bund 1254, Tübingen, 1879.

    6 K. Ruser, Die Urkunden und Akten der oberdeutschen Städtebünde vom 13. Jahrhundert bis 1549, 3 vol., Göttingen, 1979.

    7 E. Bock, « Landfriedenseinungen und Städtebünde am Oberrhein bis zur Gründung des rheinischen Städtebundes von 1381 », ZGO, NF 46 (1933), p. 321-372. W. Vischer, « Geschichte des schwäbischen Städtebund der Jahre 1376-1389 », Forschungen zur deutschen Geschichte, Munich, 1862 (Historische Kommission bei der Bayerischen Akademie der Wissenschaften, 2), p. 1-201.

    8 J. Füchtner, Die Bündnisse der Bodenseestädte bis zum Jahre 1390, Göttingen, 1970 (Veröffentlichungen des Max-Planck-Instituts für Geschichte, 8). B. Meyer, Die Bildung der Eidgenossenschaft im 14. Jahrhundert, vom Zuderbund zum Pfaffenbrief, Zurich, 1972 (Schweizerische Zeitschrift für Geschichte, Beiheft 15).

    9 E. Engel, « Städtebünde im Reich von 1226 bis 1314 - eine vergleichende Betrachtung », in Hansische Studien III, K. Fritze (éd.), 1975 (Abhandlungen zur Handels-und Sozialgeschichte, 15), p. 137-209. Ibid.. J. Schildhauer, « Charakter und Funktion der Städtebünde in der Feudalgesellschaft - vornehmlich auf dem Gebiete des Reiches », p. 149-170.

    10 G. Pfeiffer, « Die Bedeutung der Einung im Stadt-und Landfrieden », Zeitschrift für Bayerische Landesgeschichte, 32 (1969), p. 815-828.

    11 Une place essentielle a toujours été accordée, dans cette problématique, aux villes impériales : K. S. Bader, Die oberdeutsche Reichsstadt im alten Reich, Esslingen, 1965 (Esslinger Studien, 11), p. 23-42.

    12 Une exposition lui a été consacrée à Worms, la ville-mère, en 1986 et le catalogue fait autorité. Der Rheinische Städtebund von 1254/56, Katalog zur Landesaustellung in Worms, 24 Mai - 27 Juli 1986, Landesarchivverwaltung Rheinland-Pfalz, Coblence, 1986.

    13 H. Maurer, Kommunale Bündnisse Oberitaliens und Oberdeutschlands im Vergleich, Sigmaringen, 1987 (Vorträge und Forschungen, 33).

    14 A. Haverkampf, Herrschaftsformen der Frühstaufer in Reichsitalien, 2 vol., 1970-71 (Monographien zur Geschichte des Mittelalters, 1).

    15 Par exemple : W. Reichert, « Herrschaftliche Raumerfassung und Raumgliederung im Westen des Reiches am Beispiel der Grafen von Luxemburg 1200-1350 », Zeitschrift für historische Forschung, 19, Heft 3 (1992), p. 257-316.

    16 Ce terme n’apparaît pourtant pas dans nos textes. K. Kroeschell, « Einung », in Lex. M. 3, 1986, col. 1746.

    17 E. Kaufmann et H. Holzhauer, « Landfrieden », in HDR, col. 1451-1485.

    18 G. Dilcher, « Conjuratio », in HDR, col. 631-633. K. KroeschelL, « Einung », in HDR, col. 910-912.

    19 Très significatif est le titre de cette publication qui ne porte cependant que sur la période moderne ou contemporaine (excepté le début d’un article sur la Décapole sur lequel il faudra revenir) : B. Kirchgässner et H.-P. Becht (dir.), Vom Städtebund zum Zweckverband, Sigmaringen, 1994 (Stadt in der Geschichte, 20).

    20 Les historiens mentionnent ainsi le fils de Frédéric II, couronné roi des Romains mais, en raison du conflit mortel avec son père, jamais sacré empereur. Henri (VII) ne peut donc être confondu avec Henri VII (1308-1313).

    21 MGH, Const. 2, no 299. À deux reprises le souverain répète : conjurationes aliquas quibuscumque nominibus appellentur. quocumque nomine censeantur.

    22 B. Chevalier, Tours, ville royale (1356-1520). Origine et développement d’une capitale à ta fin du Moyen Âge, Louvain-Paris, 1975. Id., Les bonnes villes de France du XIVe au XVIe siècle, Paris, 1982. Villes, bonnes villes, cités et capitales, Mélanges offerts à B. Chevalier, Tours, 1989. G. Mauduech, « La bonne ville, origine et sens de l’expression », AESC, 1972, p. 1441-1448.

    23 Civitates majores, magnae, mediocres, parvae et minores. Travail en cours de Philippe Jansen, sur la base documentaire des Constitutiones Legidianae, Rome, 1912, p. 121-122.

    24 Résumé de ses théories par l’auteur : W. Christaller, « Rapports fonctionnels entre les agglomérations urbaines et les campagnes », in Compte-rendu du Congrès géographique d'Amsterdam (1938), t. Il, sect. III a, Leyden, 1938, p. 123-137.

    25 Zentralität als Problem der mittelalterlichen Stadtgeschichtsforschung, E. Meynen (éd.), Münster, 1979 (Veröffentlichung des Instituts für vergleichende Stadtgeschichte in Münster, Städteforschung A 8).

    26 Selon l’expression de Bernard Chevalier dans la discussion finale du colloque sur les petites villes, in J.P. Poussou, Les petites villes..., op. cit., p. 486.

    27 Une application en a été réalisée par Jean-Luc Fray dans son habilitation à diriger des recherches. « Villa in media... ». Réseau urbain et perception de l’espace : essai d'application de la théorie de la centralité au cas de la Haute-Lotharingie médiévale (début XIe, début XIVe siècles), HDR soutenue à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 1997, en cours de publication.

    28 R. Kiessling, « Stadt-Land-Beziehungen im Spätmittelalter, Überlegungen zur Problemstellung und Methode anhand heuterer Arbeiten vorwiegend zu süddeutschen Beispielen », Zeitschrift für bayerische Landesgeschichte, 40 (1977), p. 829-867. W. Leiser, « Städtische Zentralität im agrarisch-feudalen Umfeld », in Städtisches Um-und Hinterland im vorindustriellen Zeit, Cologne-Vienne, 1985, p. 1-20.

    29 W. Leiser, « Territorien süddeutscher Reichsstädte. Ein Strukturvergleich », Zeitschrift für bayerische Landesgeschichte, 38 (1975), p. 967-981. Id., « Zentralorte als Strukturproblem der Margrafschaft Baden », in E. Maschke et J. Sydow (dir), Stadt und Umland, Stuttgart, 1974 (Veröffentlichung der Kommission für geschichtliche Landeskunde in Baden-Wurttemberg, Reihe B, 82), p. 1-19.

    30 W. Rösener, Bauern im Mittelalter, Munich, 1985, p. 113, 131-132, 143. Id., « Krisen und Konjunkturen der Wirtschaft im spätmittelalterlichen Deutschland », in Europa 1400, Stuttgart, 1984, p. 24-38.

    31 P. Bruyelle, « Réseaux urbains, réseaux de villes : des notions encore pertinentes ? », in Nouveaux espaces et systèmes urbains, Paris, 1976, p. 17-26. G. Dupuy, L’urbanisme des réseaux, théories et méthodes, Paris, 1991. La transposition et l’utilisation toujours délicates de concepts géographiques dans la pratique de l’historien se trouvent grandement facilitées par le travail de Michel Bochaca, op. cit.

    32 H. Galinié et M. Royo (dir.), Atlas des villes et des réseaux de villes en région Centre, 2 vol., 1992-1993. Le terme de réseau ne renvoie pas à la notion exacte mais plutôt au semis dans les publications antérieures comme celles de J.-P. Leguay, Un réseau urbain au Moyen Age : les villes du duché de Bretagne aux XIVe et XVe siècles, Paris, 1981. R. Favreau, « La formation d’un nouveau réseau urbain dans le Centre-Ouest de la France du Xe au XIIIe siècle », in Les réseaux urbains dans le Centre-Ouest atlantique de l'Antiquité à nos jours, Poitiers (1993), Poitiers, 1996, p. 91-108.

    33 J. Schneider, La ville de Metz aux XIIIe et XIVe siècles, Nancy, 1950. R. Favreau, La ville de Poitiers à la fin du Moyen Âge, une capitale régionale, 2 vol., Poitiers, 1978. P. Desportes, Reims et les Rémois aux XIIIe et XIVe siècles, Paris, 1979. C. Billot, Chartres à la fin du Moyen Age, Paris, 1987. N. Coulet, Aix au bas Moyen Âge. Espace et relations d’une capitale (milieu XIVe -milieu XVe siècle), Université d’Aix-en-Provence, 1988. A. Saint-Denis, Apogée d'une cité. Laon et le Laonnais aux ΧΙIe et XIIIe siècles, Nancy, 1994.

    34 Les petites villes..., op. cit., p. 3.

    35 G. Dupuy, L'urbanisme des réseaux..., op. cit., p. 108.

    36 Un grand incendie pendant la seconde guerre mondiale a détruit les archives de la ville de Heilbronn et du coup a provoqué une perte inouïe pour l’histoire des ligues urbaines. Bien d’autres facteurs moins dramatiques ont fait disparaître des pièces. Dans les Archives de Sélestat, le texte fondateur de la Décapole de 1354 se trouve être le premier document conservé, concernant une ligue ou une alliance urbaine, alors que l’on sait, par d’autres pièces, que cette ville était particulièrement active dans les relations interurbaines bien avant 1354.

    37 En introduction à sa méthode de collecte et de présentation des actes concernant les ligues urbaines, Konrad Ruser évoque cette difficulté. K. Ruser, Die Urkunden und Akten..., op. cit., Vorwort, p. 12.

    38 Pour une région voisine : B. Töpfer (dir), Stadt und Stadtbürgerum in der deutschen Geschichte des 13. Jahrhunderts, Berlin, 1976, p. 106-228.

    39 Sententia contra communiones civium, MG H, Const. 2, no 299.

    40 Rodolphe de Habsbourg a largement contribué à la restauration du pouvoir royal en favorisant l’émergence des villes mais ses campagnes militaires contre le roi de Bohême ou en Thuringe absorbèrent une grande partie de ses forces. À sa mort, la royauté fut disputée entre Adolf de Nassau, souverain élu en 1292 par les princes électeurs mais sans charisme, et Albert d’Autriche, fils de Rodolphe, qui s’imposa finalement en 1298. Contrairement à ce que voudrait faire croire l’historiographie, Albert essaya de reconstituer, à l’instar des Staufen, une force territoriale en Autriche, lui permettant de mener une politique assurée. Assassiné par son neveu en 1308, lui succéda par élection Henri VII de Luxembourg qui tenta, à sa manière, une autre restauration du pouvoir par le couronnement. Après la tournée de son royaume (il passa en Alsace), il se consacra au Romzug en Italie où il mourut en 1313, premier empereur couronné depuis les Staufen. On comprend que les villes de l’Oberrhein aient pu tirer quelques profits d’une autorité souveraine en concurrence sans souffrir les inconvénients d’un seul maître. La confirmation des privilèges, en effet, ne s’accompagnaient pas nécessairement d’une présence trop pressante.

    41 K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., p. 299-303, no 368 à 375.

    42 MGH Const. 2, no 294.

    43 Acte conservé aux Archives de la ville de Spire et disparu à Strasbourg. K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., p. 160, acte no 169.

    44 E. Bock, Landfriedenseinungen..., op. cit., p. 325.

    45 D. Denecke, Historische Stadtgeographie, Göttingen, 1989.

    46 MGH, Const. 1, p. 611.

    47 MGH, Const. 1, p. 613. Cf. introduction de Ludwig Weiland.

    48 Entzwuschen Basele und dem heiligen vorste und entzwischen dem gebirge, UB Strasbourg 1, no 475.

    49 M. Blattmann, Die Freiburger Stadlrechte.., op. cit., vol. 1, p. 8.

    50 Lucien Febvre, à propos du Rhin, proposait cette réflexion sur la notion de frontière : « Il n’y a pas frontière quand deux dynastes, campés sur des terrains qu’ils exploitent, plantent à frais communs quelques bornes armoriées au long d’un champ, ou tracent au milieu du fleuve une ligne idéale de séparation. Il y a frontière quand, passée cette ligne, on se trouve en présence d’un monde différent, d’un complexe d’idées, de sentiments, d’enthousiasmes qui surprennent et déconcertent l’étranger ». L. Febvre, Le Rhin, histoire, mythes et réalités, Paris, 1935, rééd. 1997, p. 216.

    51 F. Irsigler, Raumkonzepte..., op. cit.

    52 ADHR H Pairis, carton II, no 9. Sculteto de Brisach, de Columbaria, de Esleccistat.

    53 Unsern lieben vertruwen frunden... unsern fruntlichen dienst... etc.

    54 Zur Wiederherrstellung ihrer Freundschaft gelobt. K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., p. 160, no 169.

    55 Nos cum civibus Argentinensibus dilectis ac specialibus amicis nostris conspiracionis ac amicie firme fedus ineuntes, UB Strasbourg 1 no 478.

    56 Conrad dut quitter l’Allemagne dès 1251 et mourut en 1254.

    57 On connaît l’épisode fameux du Schultheiβ Roesselmann, fils d’un cordonnier, rompu aux affaires de la ville et exerçant ses fonctions avec la confiance de Frédéric II. Destitué sous la pression des nobles, partisans des Geroldseck, il se réfugia à Ensisheim pour revenir, caché dans un tonneau de vin, et acclamé par ses alliés dans Colmar au cri de « Habsbourg ! » (1261).

    58 Bruno Meyer utilise le terme de Notrecht, droit de l’urgence. B. Meyer, Die Bildung der Eidgenossenschaft in 14. Jahrhundert, vom Zugerbundzum Pfaffenbrief, Zurich, 1972, p. 277.

    59 Ibid.

    60 En 1185, Henri VI reçut la moitié de Brisach en fief. Frédéric II confirma cette inféodation en 1218. A sa mort, Brisach n’avait plus qu’un seul maître, l’évêque de Bâle.

    61 Quod civitates nobis conjurate recesserint ab eodem (domino nostro Friderico imperatore Romanorum), quemcunque sibi dominum preter prelibatum dominum nostrum, ejusque filium Conradum... in regem electum, eligentes... J. Trouillat, Monuments de l'histoire de l'ancien évêché de Bâle, t. 1,2, Porrentruy, 1852, p. 585.

    62 Le Landesherr, le maître d’un territoire doit protection à sa terre et à ses gens : Schutz und Schirme über Land und Leute.

    63 P. Müller, Die Herren von Fleckenstein im späten Mittelalter, Stuttgart, 1990 (Geschichtliche Landeskunde, 34), p. 375-398.

    64 J. Füchtner, Die Bündnisse..., op. cit., p. 20.

    65 MGH SS 17 Ellenhardi Chronicon, Bellum Waltherianum a. 1261, p. 107.

    66 UB Strasbourg..., op. cit., t. 1, p. 360, no 476.

    67 Unrechten Gewalt.

    68 Vignati, Storia diplomatica dei lega Lombarda, p. 177, cité par Konrad Ruser, p. 158.

    69 K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., p. 160, no 169.

    70 Fine amicabili terminari... vobiscum in veram et perpetuam et affectuosam amiciciam reformari... UB Strasbourg 2, no 39.

    71 X. Mossmann, Regestes du prieuré de Saint-Pierre... op. cit., p. 119, no 16.

    72 T. Körner, Juramentum und frühe Friedensbewegung (10.-12. Jahrhundert), Berlin, 1977. L'auteur démontre la continuité avec les paix de Dieu. Il n’y aurait selon lui aucune distinction à faire entre Gottes- et Landfriede.

    73 Aliarum civitatum que pacis federa inierunt, jurasse pacem generalem fideliter conservandam...conjurate juraverunt... (1256). UB Strasbourg 1, no 398.

    74 Anti-roi (1257-1272).

    75 Quatenus exemplo multorum principum comitum eciam magnatum nobilium et baronum et aliarum plurium civitatum generalem pacem in civitate Argentinensi communi voto jurantes... UB Strasbourg 2, no 20.

    76 Ab hujusmodi pace de jure possitis secludi et excludi. Ibid., no 20.

    77 Was Sachen oder verbuntnisse wir ouch gelobet und gesworn hant alle jar zu ernuwernde und in unserm eide zu bindende. J. Geny, Schlettstadter Stadtrechte..., op. cit., p. 314.

    78 Exception doit être faite d’une conjuratio dans le cadre des villes épiscopales ou appartenant à l’évêque de Strasbourg : sa ville ou Rouffach par exemple. Guebwiller, ville abbatiale, eut aussi toutes les peines à imposer sa conjuratio.

    79 P. Schuster, Der gelobte Frieden. Täter. Opfer und Herrschaft im spätmittelalterlichen Konstanz, Constance, 1995.

    80 E. Benveniste, Le vocabulaire des institutions indo-européennes, t. 1, Économie, parenté, société, Paris, 1969, p. 337.

    81 Ce terme se trouve à mi-chemin entre la promesse de paix dite (geloben) et la promesse sous serment.

    82 Notre corpus ignore le terme de Einung fort usité dans les régions voisines.

    83 Ane (= ohne) alle geverde (= Gefärde, dolus, böse), truwelos, den roub widergebin, daz wir nie dur mutwillen mit uch deheinen criec oder urluge (= Urläuge = Fehde) bestunden.

    84 Mein = falsch, betrügerich.

    85 Landser se trouve à une dizaine de kilomètres au sud de Mulhouse.

    86 Motte castrale près de Petit-Landau.

    87 Propter milita et intollerabilia gravamina que passi fuerant et patiebantur cottidie incessanter de Castro cicto Landtsera..., Cartulaire de Mulhouse 1, no 12.

    88 O. Kammerer, « Le dedans et le dehors à l’échelle des villes impériales de l’Oberrhein », RA, 122 (1996), Mélanges offerts à Francis Rapp, p. 159-169.

    89 Bruno Meyer et Konrad Ruser évoquent les Verburgrechtungen ou Burgrechtverträge comme une des caractéristiques du premier siècle des ligues qu’ils ont étudiées en Souabe et en Suisse.

    90 Si vero burgensis extraneus percusserit vel depilaverit, LX sol. Emendabit (article 13). Si autem duo burgenses amici urbem exierint et inter se invicem altercati fuerint... (article 14). M. Blattmann, Die Freiburger Stadtrechte..., op. cit., vol. 1, p. 634.

    91 M. Blattmann, Die Freiburger Stadtrechte..., op. cit., vol. 2, p. 636.

    92 Nullus extraneus testis erit super burgensem sed tantum burgensis super burgensem. M. Blattmann, Die Freiburger Stadtrechte..., op. cit., vol. 2, p. 631.

    93 W. Merk (dir.), Neuenburg am Rhein..., op. cit., no 7, p. 9.

    94 J, Sydow, « Kanonische Überlegungen zur Geschichte und Verfassung der Städebünde des 12. und 13. Jahrhunderts », in Kommunale Bündnisse..., op. cit., p. 213-230.

    95 Sol unser recht ze behabende. AM Sélestat, AA 1.

    96 M. Blattmann, Die Freiburger Stadtrechte..., op. cit.

    97 Der rheinische Städtebund von 1254-56, Katalog zur Landesausstellung in Worms, 24 Mai - 27 Juli 1986, Landesarchivverwaltung Rheinland-Pfalz, Coblence, 1986.

    98 Wer der stärkst war, der schub den andern in sack, wie er kunnt und möcht, die reuter und edelleut nähreten sich aus dem Stegreif, mordeten wen sie konnten, verlegten und versperten die päss und Strassen... W. Arnold, Wormser Chronik von Friedrich Zorn, mit den Zusätzen Franz Bertholds von Fiersheim, Stuttgart, 1857 (Bibliothek des litterarischen Vereins in Stuttgart, XLIII), p. 101.

    99 K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., no 209-214.

    100 1247-1256.

    101 K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., no 394.

    102 M. Stercken, Königtum und Territorialgewalten in den rhein-maasländischen Landfrieden des 14. Jahhunderts, Cologne/Vienne, 1989 (Rheinisches Archiv, 124).

    103 L’alternance au pouvoir des familles de souverains ne permettait guère de consolider un pouvoir royal dans la durée et une territorialisation familiale indispensable pour assurer des ressources. Habsbourg : Rodolphe I (1273-1291). Nassau : Adolphe (1292-1298). Habsbourg : Albert I (1298-1308). Aucun de ces rois ne fut couronné empereur. Luxembourg : Henri VII (1308-1313).

    104 E. Bock, Landfriedenseinungen..., op. cit., p. 329.

    105 P. Moraw, Von offener Verfassung zu gestalteter Verdichtung, das Reich im späten Mittelalter 1250 bis 1490, Berlin, 1985 (Propyläen Geschichte Deutschlands, 3). F. Rapp, Les origines médiévales de l'Allemagne moderne. De Charles IV à Charles Quint (1346-1519), Paris, 1989.

    106 Entromantisierung. Historisierung und Entdemokratisierung, in P. Moraw, Reichsstadt, Reich..., op. cit., p. 408-411.

    107 Dem cristlichen houbt des heiligen richs, der do ist aller friheit und regalia geber und besteter und der bum aller weltlichen gerechtikeit. AM Strasbourg AA 226, f° 61 v°, cité par E. Isenmann, « Zur Frage der Reichsstandschaft der Frei-und Reichsstädte », in F. Quarthai et W. Setzier (dir.), Stadtverfassung - Verfassundsstaat-Pressepolitik. Festschrift für Eberhard Naujoks zum 65. Geburstag, Sigmaringen, 1980, p. 91-110.

    108 Die unterthanen schirmen wolle, bi allen iren rechten, fryheiten und guten gewihnheiten, und bi allen iren hantvestinen und besiegelten brief die sie habent von seliger gedechnuzz alten kunigen und keisern von Rom. Cartulaire de Mulhouse 1, no 386.

    109 Gehorsam zu sinde und ze wartende mit allen dez heiligen richs nutzen und rechten, freyheiten und gewonheiten. Cartulaire de Mulhouse 1, no 272.

    110 De 1349 à 1353 elle le fut au comte palatin Rodolphe. De 1371 à 1374 aux ducs Albert et Léopold d’Autriche. J. Becker, Wirksamkeit und das Amt der Landvögte..., op. cit., p. 323.

    111 B. Metz, « Hagenau als staufische Stadtgründung », in Staufische Stadtgründungen am Oberrhein, E. Reinhard et P. Rückert (dir.), Sigmaringen, 1998 (Oberrheinische Studien, 15), p. 213-234.

    112 Ammann dans le nord de l’Oberrhein ou dans la future Suisse. Les secteurs d’autonomie des villes vis-à-vis de ces agents avant 1350 ont été rarement étudiés faute de sources. Les rares travaux disponibles traitent de la période finale du Moyen Âge. T. von Rossum, Studien zur Politik Freiburgs als Reichsstadt, Diss. Phil. Fribourg, 1950, p. 27. Dans cette thèse dactylographiée, l’auteur aborde rapidement la marge d’autonomie de Fribourg entre 1415 et 1418.

    113 Teusch, Die Reichslandvogteien in Schwaben und Elass zu Ausgang des 13. Jahrhunderts, Bonn, 1880, p. 39, p. 44.

    114 Daz wir in Stilen geben einen schultheizsen ze richtere einen burgere der in der stat seshaft ist. Cartulaire de Mulhouse 1, no 121, p. 90.

    115 Küster, Das Reichsgut in den Jahren 1273 bis 1313, Leipzig, 1883.

    116 G. Landwehr, Die Verpfändung der deutschen Reichstädte im Mittelalter, Cologne/Graz, 1967.

    117 MGH, Const. 3, no 155. Vocatio civitatumper judicemprovincialem facta.

    118 MGH, Const. 3, no 156. Litterae judicis provincialis super archiepiscopo Moguntino.

    119 Quandam famam... incognitam et detestabilem... aliis frivolis et sinistris ex malicia suorum detractorum...

    120 Annales Colmarienses majores, MGH, SS 17, 223.

    121 Missehellunge zwischen Graf Egen von Freiburg und den burgern von Freiburg umbe das gerihte in der oberen owe. StA. Freiburg A 1 Urkunden IIc Bündnisse.

    122 H. Thieme, « Staufische Stadtrechte im Elsass », Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte, 1938 (Germanische Abteilung, 58), p. 654-673.

    123 M. Blattmann, Die Freiburger Stadtrechte..., op. cit.

    124 F. Elsener, « Notare und Stadtschreiber. Zur Geschichte des schweizerischen Notariats », Arbeitsgemeinschaft für Forschung des Landes Nordrhein-Westfalen. Geisteswissenschaften, 100 (1962).

    125 Qu’ils qualifient de Frühreception.

    126 La pars major des Romains appliquant le principe de gouvernement de la majorité, était devenue, par assimilation en droit canonique, la pars sanior.

    127 Le texte de 1147, donné parfois pour le premier statut de la ville, est une ordonnance épiscopale. Peuvent être considérés comme des étapes de la construction du corps de ville, ceux de 1201, 1214, 1249 et, après la victoire de Hausbergen, de 1263. Histoire de Strasbourg des origines à nos jours, G. Livet et F. Rapp (dir), t. 2, Strasbourg, 1981. O. Kammerer, « Straβburg - das Selbstverständnis einer Stadt im 13. Jahrhundert. Stadtwerdung. Stadtbild. Geschichtsbewusstsein ». in Europas Städte zwischen Zwang und Freiheit. Die europäische Stadt um die Mitte des 13. Jahrhunderts. Ratisbonne. 16-19 Fév. 1995, W. Hartmann (dir), Ratisbonne, 1995 (Sonderband aus der Schriftenreihe der Europa-Kolloquien im Alten Reichstag), p. 63-82.

    128 R. Wackernagel, Geschichte der Stadt Basel, Bâle, 1911. R. Patemann, « Die Stadtentwicklung von Basel bis zum Ende des 13. Jahrhunderts », ZGO, 112, NF 73 (1964), p. 431-467.

    129 M. Blattmann, Die Freiburger Stadtrechte..., op. cit., vol. 1, p. 409.

    130 Marita Blattmann les appellent les rescripta ou Rödel, en raison de leur présentation matérielle.

    131 Les protocoles sont ainsi formulés : an disen die disen brief ansehent oder hörent lesen.

    132 Les statuts reprennent la formule : man soll niemand sein recht verziehen.

    133 Ist daz dekein burger den andern vor eine fremden rihter bekumbert und ansprichet, swaz dar da von schaden nimet, den sol im der clager abe tun und so unserne rihter dar zu eine frevel bezzeren. (Stadtrecht de Colmar, 29 décembre 1278, Article 11). P. Finsterwalder, Colmarer Stadtrechte..., op. cit., p. 38.

    134 Cf. chapitre 1, les institutions urbaines.

    135 Les élites urbaines au Moyen Âge, XXVIIe congrès de la Société des Historiens Médiévistes de l'Enseignement Supérieur Public, Rome, mai 1996, Paris/Rome, 1997 (Série Histoire Ancienne et Médiévale, 46, Collection de l’École Française de Rome, 238).

    136 Stadtstaat. H. Maurer, Kommunale Bündnisse..., op. cit. Voir surtout la conclusion de Ernst Volmer, p. 45-61.

    137 MGH, SS 17, p. 260.

    138 Umbe alle die Sachen und alle die bresten, die zwischent uns und unsern burgern sint uferstanden bitz an disen hutigen tag... UB Strasbourg 2, p. 266, no 316.

    139 Ein romehch kunig sie oder sie nut... Ibid. L’accord intervint le 19 avril 1314 donc avant la mort de Henri VII, survenue le 24 août 1314. L’absence du souverain en Allemagne pouvait être assimilée à une vacance du pouvoir.

    140 Wer daz ein keiser oder ein kunig oder iemen an irre stette. der dez landes pfleger von iren wegen weren, einen gemeinen lantfriden ufrihten woltent. K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., 1, p. 431, no 504.

    141 E. Bock, Landfriedenseinungen..., op. cit., p. 329.

    142 P. Schuster, Der gelobte Frieden..., op. cit.

    143 Le jus summarium s’oppose à l'indilata justitia, Unverzogenes Recht/förderliches Recht. Cette pratique n’était, jusqu’à présent, connue des spécialistes du droit commercial qu’au XVIe siècle dans les régions rhénanes et le Wurttemberg. D’après la documentation utilisée, elle remonterait au moins à la période des réseaux, pendant l’Interrègne.

    144 UB Strasbourg 5, no 66 (11 mars 1337).

    145 Geloben einander unverzogenes recht in Schuldsachen. StA. Fribourg A 1 Urkunden II b (ce dossier contient 11 actes avant 1350).

    146 L’historiographie à ce sujet est très partagée. Une mise au point a été clairement établie par Martina Stercken, Königtum und Territorialgewalten..., op. cit., p. 31-33.

    147 E. Bock, Landfriedenseinungen..., op. cit., p. 328.

    148 MGH, Const. 4, no 129.

    149 Alle pfaffen und alle geistliche lute und alle gotzhuser die sulent in dieseme friden sin... Ibid.

    150 K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., t. 1, p. 346, no 420.

    151 Eines gemeinen lantfriden von der Seise untz an die Birse und von dem Rine unz an den Wasichen, alse daz bistum zu Strazburg begrifet, und von der Birse unz an den Wasichen, alse daz bistum von Basile gat, und ouch jensite Rines, alse daz bistum zu Strazburg gat... MGH, Const. 4, no 129.

    152 K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., t. 1, p. 283, no 348.

    153 Toute statistique serait ridicule compte tenu d’une typologie documentaire qui n’a rien de systématique.

    154 Den wisen und den bescheiden dem burgermeister, dem Schultheiβen, dem rat und der gemeinde von Freiburg enbieten wir... Stadtarchiv Freiburg A1 Urkunden II d. (sans date).

    155 « Wir, der burgermeister, der Schultheiβe und der rat von Slezstat ». Stadtarchiv Freiburg A1 Urkunden II d.

    156 Der meister, der rath, die Zunftmeister und die ganze gemeinde der Stadt Colmer...

    157 Stadtarchiv Freiburg A1 Urkunden II b. UB Strasbourg 2, no 491. UB Basel 4, no 76.

    158 Daz die vorgenanten margraven sullent globen des meistens und des rates von Strazburg briefen. UB Strasbourg 2, no 356.

    159 G. Burger, Die südwestdeutschen Stadtschreiber..., op. cit.

    160 Pour la période considérée car le fait ne devient plus exceptionnel au XVe siècle.

    161 UB Strasbourg 2, no 233.

    162 Un seul acte du corpus précise que, dans une mission délicate de réconciliation entre Strasbourg et Erstein, il faut ydoneas personas eligere (1260 ?). UB Strasbourg 1, no 462.

    163 Quand ils sont « empêchés ou morts », ils doivent être remplacés immédiatement !

    164 Acte cité par K. Ruser, Die Urkunden.... op. cit., 1, p. 236, no 283.

    165 Schlettstädter Stadtrechte..., op. cit, p. 954 Eidbuch I. Ce texte (1498-1500) serait une copie d’un texte plus ancien, perdu. Eines statschreibers eydt : 1)..keinem burger widder den andern rhatten.und des heimlichkeit und die urtheil des raths zu verschwygen, das zu verschwigen ist...4) item er sol auch nyemandts frembdts der nit sin statrecht hat oder mit der statt insiegel soll versigelt werden gantz nichtzit schreiben in kein wegen, dann mit wissen meister und rhats.

    166 Qu’il fait bon vivre dans sa ville ! Le rôle du secret y était essentiel pour se différencier des autres.

    167 Les convulsions sociales, à Colmar, par exemple (geschelle ufflöiff), en 1261, 1273, 1285, 1291, 1293, 1331, 1338, 1348, 1354, etc.

    168 B. Schwineköper (éd.), Gilden und Zünfte. Kaufmännische und gewerbliche Genossenschaften im frühen und hohen Mittelalter, Sigmaringen, 1985. Même s’ils traitent d’une réalité plus tardive, restent fondamentaux les travaux de K. Schulz, Handwerkgesellen und Lohnarbeiter. Untersuchungen zur oberrheinischen und oberdeutschen Stadtgeschichte des 14. bis 17. Jahrhunderts, Sigmaringen, 1985 ; R. Schröder, Zur Arbeitsverfassung des Spätmittelalters Eine Darstellung mittelalterlichen Arbeitsrechts aus der Zeit nach der grossen Pest, Berlin, 1984 (Schriften zur Rechtsgeschichte, 32) ; W. Reininghaus, Die Entstehung der Gesellengilden im Spätmittelalter, Wiesbaden, 1981 (Viertel Jahrschrift für Sozial-und Wirtschaftsgeschichte, Beiheft 71).

    169 Strasbourg 1332. Bâle 1337. Colmar 1333. Fribourg 1338 (en 1368 la ville passe aux Habsbourg).

    170 E. Ennen, « Ausbürger », in Lex. Μ. 1, 1980, col. 1246-1247. H. Dubled, « La bourgeoisie foraine en Alsace, principalement à Strasbourg, Ausbürger et Pfahlbürger », Cahiers d'archéologie et d'histoire d'Alsace, 133 (1953), p. 137-142.

    171 Swer och vromder (= Fremde) dar zuhet older dar kumet da ze belibende (rester provisoirement), gefallet der sol frilich ziehen under unser welen er wil, nach dem es ime aller beste fuget und och gefallet. Cartulaire de Mulhouse 1, p. 160 (20 décembre 1337).

    172 Extérieurs à la palissade dits aussi Satzbürger à Fribourg : ils possèdaient un domicile mais pas l’ensemble des droits de bourgeoisie.

    173 Cartulaire de Mulhouse 1, p. 112 (article 1).

    174 Ich wil min recht zu Colmer behoben als ein ander ussburger und dienen meiner zunfte und mein gewerff geben. AMC BB 43 (altes Rotbuch), p. 17.

    175 AM Sélestat AA 9 (4 juin 1336).

    176 V. Achter, Geburt der Strafe. Franckfurt, 1951.

    177 UB Strasbourg 2, no 356.

    178 Cartulaire de Mulhouse 1, p. 196.

    179 J. Morsel, La noblesse contre le prince : l'espace social des Thüngen à la fin du Moyen Âge (Franconie, v. 1250-1525), Stuttgart, 2000.

    180 L’égalité, en l’occurrence, jouait pour les votes ou le droit théorique de quitter l’alliance. Il s’agissait beaucoup plus d’affirmer un idéal citadin, considéré comme base indispensable à toute alliance entre villes, et hors de la logique féodale. Il est certain que ces relations de type horizontal ne pouvaient se concevoir avec les princes ou l’empereur.

    181 Soll dise gesetzede und dise ordnunge state syn mit guten truwen ane geverde, untz es entweder statt, der es misvallet, der endern einen manot(=mois) widerbuttet. UB Basel 3, no 467 (9 avril 1299).

    182 La ville de Brisach a indéniablement joué un rôle essentiel du fait de sa situation géographique mais sans doute beaucoup plus aux Xe et XIe siècles. La modestie de son développement territorial et démographique cache peut-être une réalité politique à mettre à l’étude. Le chantier reste ouvert.

    183 Sofern ez nutze und gut si. UB Basel 4, no 59.

    184 Dans un accord de 1343 les juges choisis par les partenaires devaient se rendre à Sélestat à des dates fixes pour y rendre leurs jugements.

    185 Stadtarchiv Freiburg, A 1 Urkunden IId, (s.d.).

    186 Ibid : Wir mussen in beholfen sin. und ist daz wir us zogende werden, waz denne uch und dem lande schaden beschihtt, do sullent ir wussen, das uns daz leit ist.

    187 Cf. texte en annexe, concernant le même type de conflits : un arbitrage entre Brisach et Fribourg, par Strasbourg, en 1347.

    188 K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., 1 p. 283, no 348 (14 août 1341).

    189 De cette sorte de conseil, émanation des villes membres, il va être question plus loin.

    190 Fronfasten = jeûnes de 3 jours à quatre saisons, après le mercredi des Cendres, la Pentecôte, le 14 septembre et le 13 décembre.

    191 Dans la grande ligue du Rhin de 1254, dès le premier congrès à Worms, les villes membres s’engagèrent à payer un Bundessteuer, sur la base d’un Pfennig par habitant possédant une fortune de plus de 5 livres. Une maison de la paix devait être ainsi financée.

    192 Un seul acte, de 1317, indique explicitement que les Obleute de la paix sont responsables devant l’empereur. UB Strasbourg 2, no 356.

    193 Selon les articles de la paix, repris de documents antérieurs, les 9 sont désignés par Achte, ce qui pose le problème de l’étymologie. Acht signifierait, soit les 8 bourgeois qualifiés, comme dans les villes, soit les notables (achtbar), soit encore les authentiques (acht = echt).

    194 K. Albrecht, Rappolsteinisches Urkundenbuch..., op. cit. 1, no 494.

    195 Titulature qui n’apparaît pas dans l’acte car tous deux y sont désignés comme landvögte.

    196 K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., p. 266, no 324. Les membres de la paix scellée le 22 juillet 1322 ont porté plainte contre les frères Werner et Hermann von Hohenfels.

    197 MGH,Co nst 5, no 649 (3 avril 1322).

    198 Man soll ihm nicht recht sprechen. UB Basel 4, no 35 (16 février 1318).

    199 P. Schuster, Der gelobte Frieden..., op. cit.

    200 Unverzogenes Recht = jus summarium par opposition à fiirderliches Recht = indilata justitia. Cette notion est attestée pour le XVIe siècle en Alsace, dans le Wurttemberg et les pays rhénans.

    201 Geloben einander unverzogenes recht in Schuldsachen. Stadtarchiv Freiburg A 1 Urkunden II b (11 actes avant 1350). Pour le XVe siècle, on trouvera des dossiers dans Stadtarchiv Freiburg A 1 Urkunden Ik erhaltene Rechte, entre Fribourg, Neuenburg, Ensisheim.

    202 UB Strasbourg 5, no 66 (11 mars 1337).

    203 Dans les textes concernant l’obéissance due au landvogt comme à l’empereur lui-même, l’expression unverczogenlich und willeclich est aussi utilisée. J. Becker, Die Wirksamkeit..., op. cit., p. 323.

    204 H. Coing, Europäisches Privatrecht, Bd 1, Älteres gemeines Recht 1500 bis 1800, Munich, 1985.

    205 Ist daz dekein (= irgend ein) burger den andern vor eine fremden rihter bekumbert und ansprichet. swaz dar da von schaden nimet, den sol ime der clager abe tun (= abschaffen) und sol unserne rihter dar zu eine frevele bezzeren. AM Colmar, AA 48.

    206 Sulent (...) rihten ane allen verzog undane alle gewerde. K. Ruser, Die Urkunden..., op. cit., 1, p. 367, no 442.

    207 Acte de 1321 ou 1323. Stadtarchiv Freiburg A 1 Urkunden IId.

    208 L’exploitation du bois (Cf. introduction) tout comme la production de drap considéré sur les marchés extérieurs comme de médiocre qualité, restent des problèmes largement ouverts, non explorés jusqu’à présent, et pour cause : avant 1350 l’absence de sources est complète.

    209 H. Lieberich, « Grundruhr », in Lex. M. 4, 1989, col. 1753-1754.

    210 Schlettstädter Stadtrechte..., op. cit., 21 août 1330.

    211 UB Strasbourg 2, no 356.

    212 MGH, Co nst 5 no 649 (3 avril 1322).

    213 La belle série des « diètes monétaires » des Archives Municipales de Colmar CC123-137 porte sur une période postérieure.

    214 F. Wielandt, « Todtnau, Bergwerk und vorderösterreichischer Münzort », Numismatische Zeitschrift, 87/88 (1972), p. 61-84. H. Grote, « Die Münze des Herren von Rappolstein », Blätter für Münzefreund, 14 (1878), p. 577-581.

    215 Le problème du crédit pratiqué par les juifs, abondamment attesté à la fin du Moyen Âge, apparaît peu, dans les sources utilisées, avant 1350. Le prieuré de Saint-Pierre à Colmar, la même année 1313, eut recours « au »juif de Sélestat et régla une affaire complexe avec un autre « juif de Strasbourg demeurant à Colmar ». X. Mossmann, Les regestes..., op. cit., p. 126-127.

    216 Wir gemeinde der burgere von Strazburg lidig sagent drizsig Schillinge und viercig pfunde strasburger und aller schulde. UB Strasbourg no 29.

    217 C. A. Hanauer, Études économiques sur l'Alsace ancienne et moderne, vol. 1, Les monnaies, Paris, 1876.

    218 Acte du 2 mars 1342 : Rappolsteinisches Urkundenbuch..., op. cit., 1, no 528. Acte du 20 janvier 1344 : UB Basel 4, no 158.

    219 UB Basel 4, no 163.

    220 Ibid : Were das dehein uflouf (= Auflauf) in dem lande geschehe (...) geschehe es ouch das dehain missehelle wurde oder uflouf in den vorgenanten stetten (...) herren und stette manen (...) die sich zu dirre verbuntnisse hand verbunden, sont inen ouch denne die unverzogenlich zu helfe kommen ouch bi dem eyden ane alle Widerrede.

    221 J. Gerchow, « Trinkstuben, Zünfte und Brüderschaften : die Freiburger Genossenschaften im Mittelalter », in Geschichte der Stadt Freiburg..., op. cit., 1, p. 183.

    222 Cartulaire de Mulhouse 1, p. 173 (16 octobre 1340).

    223 Ibid : So gebietin wir (= comte Albert de Hohenberg, landvogt d’Alsace), setzin und wellin daz die bunt nusch und gelubde die sie ze samen hatten getan mit geswornen eyden ir sumlich genainander daz die gelubde und ayde absigint, als och si uns gesait hant daz si abgelassen und getan sigint. und och furbaz nut me geschehen.

    224 AMC BB 3 no 3.

    225 G. Landwehr, Die Verpfändung der deutschen Reichsstädte im Mittelalter, Cologne-Graz 1967.

    226 P. J. Schuler, « Die Rolle der schwäbischen und elsässischen Städtebünde in den Auseinandersetzungen zwischen Ludwig dem Bayern und Karl IV », Blätter für deutsche Landesgeschichte, 114 (1978), p. 659-694.

    227 In unser und des richs stet Kolmarn, Sletzstat, Eheinheim, (Obernai), Rosheim, Mulhusen. ColmarerStadtrechte..., op. cit., p. 92 (30 octobre 1333).

    228 Weder gesamt noch einzeln vom Reiche zu versetzen oder zu veräussern. Schlettstädter Stadtrechte..., op. cit., no 31 (12 décembre 1347).

    229 J. Treffeisen, « Aspekte habsburgischer Stadtherrschaft im spätmittelalterlichen Breisgau », in J. Treffeisen et K. Andermann (éd), Landesherrliche Städte..., op. cit., p. 157-229. H. E. Feine, « Die Territorialbildung der Habsburger im deutschen Südwesten vornehmlich im späten Mittelalter », Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte, germanistische Abteilung. 67 (1950), p. 176-308.

    230 Uns selber der zwischent ze helffende und ze ratende nach unserre notdurft wider aller menglich, ane wider unsern herren den keiser und wider des Riche. Rappolsteinisches Urkundenbuch..., op. cit., 1, no 536.

    231 UB Strasbourg 2, no 427.

    232 Von dez crieges wegen (...) kunigrich. UB Strasbourg 2, no 354.

    233 À l’est d’Erstein, sur le cours du Rhin d’alors.

    234 Louis de Bavière réussit avec la ligue d’Ulm en 1331 à liguer l’évêque d’Augsburg et 22 villes souabes. La territorialisation du souverain a eu, en Souabe, plus d’efficacité.

    235 UB Strasbourg 2, no 316.

    236 UB Basel 4, no 153.

    237 P. Dollinger (dir.), Histoire de l’Alsace, Privat, 1970. F. Rapp, Histoire de l’Alsace. t. 3, L’Alsace à la fin du Moyen Âge, Wettolsheim, 1977.

    238 F. Rapp, Les origines médiévales de l'Allemagne moderne. De Charles IV à Charles Quint (1346-1519), Paris, 1989.

    239 Du nord au sud = Wissembourg, Haguenau, Rosheim, Obemai, Sélestat, Kaysersberg, Colmar, Munster, Turckheim et Mulhouse. Six des dix villes se situent dans la partie de l’Oberrhein étudié. A la fin du XIVe siècle, Selz entra dans la Décapole qui compta alors 11 membres. En 1512-1514 Mulhouse, ralliée aux cantons helvétiques, fut remplacée par Landau. Voir carte en annexe.

    240 Versuch einer aktenmässigen Geschichte der 10 vereinigten Reichsstädte im Eisass von ihrem Ursprung bis auf gegenwärtige Zeiten, Ulm, 1791. D. Schoepflin, Histoire des dix villes jadis libres et impériales selon Schoepflin, Colmar, 1825. L. Sittler, La Décapole alsacienne des origines à la fin du Moyen Âge, Strasbourg, 1955.

    241 L’annexion de Colmar en 1673 racontée par une chronique strasbourgeoise manifeste bien ce qui fut éprouvé comme une déchéance pour la ville : « Les Français... pénétrèrent subitement en ville par la porte du côté opposé, puis ils entrèrent à pied et à cheval avant que les délégués du Magistrat (municipalité) s’en fussent aperçus... Les Français se sont donc emparés ainsi de la ville. Peu après ils ont commencé à démolir les remparts et les fossés, ils ont jeté bas les belles portes de la ville et les tours de fortifications. En un mot, cette belle ville de Colmar a été arrangée, dans l’espace de 8 à 10 jours, de façon à ce qu’on ne puisse plus la reconnaître. Elle est maintenant ouverte, comme un village, la vieille cité... ». Chronique strasbourgeoise du peintre Jean-Jacques Walter 1672-1676, texte et traduction annotés par R. Reuss, Paris-Nancy, 1898.

    242 Pour les Alsaciens d’aujourd’hui, il s’agit de la « France de l’intérieur ».

    243 AMC AA 52 no 1.

    244 AMC AA 52 no 2.

    245 Cet acte se trouve dans les archives des différentes villes. AMC AA 52 no 3.

    246 AMC AA 52 no 4. Cartulaire de la ville de Mulhouse..., op. cit., t. 1, no 265.

    247 En 1358, Colmar put, grâce à l’intervention du landvogt et des villes alliées, mater la révolte des nobles.

    248 Cf. extraits en annexe.

    249 Ce que fit Charles IV le 2 février 1378 peu de temps avant sa mort. Cartulaire de Mulhouse..., op. cit., t. 1, no 318. Les villes reformèrent la Décapole le 14 août 1379. Ibid., t. 1, no 321.

    250 AMC BB 3, no 8 (8 mai 1354).

    251 Formellement le gouvernement de la ville fut établi en 1360, après la victoire sur la rébellion des nobles mais il se positionnait déjà auparavant. Il comprenait : le magistrat, le conseil, les commissions des Huit et des Treize, les échevins. Le magistrat stricto sensu comprenait l'Obristmeister (élu annuellement par les conseillers et les maîtres des métiers), trois Stettmeister, le Schultheiβ relayé progressivement par les (quatre puis trois) Burgmeister (choisis tous les trois mois par les métiers). Le conseil comptait dix nobles et dix bourgeois, élus selon un mode de scrutin inconnu ; les maîtres des corporations assistaient aux réunions et y exerçaient une influence prépondérante. Les commissions jouaient le rôle essentiel de tribunal (bannissements, amendes, etc.). Les échevins élus à vie, au prorata de l’importance des métiers, assistaient le Schultheiβ puis, après le rachat de cette charge, assuraient seuls des compétences judiciaires élargies. L. Sittler, Les listes d'admission à la bourgeoisie de Colmar 1361-1494, t. 1, Colmar, 1958, introduction.

    252 L. Sittler, « Les archives de la Décapole alsacienne conservées à Sélestat », Annuaire des Amis de la Bibliothèque de Sélestat, 1953, p. 147-157.

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    • (2003) La Ville médiévale. DOI: 10.3917/oj.dutou.2003.01.0263
    • Kahn, René. (2005) La minoration / majoration appliquée aux régions : le cas de l'Alsace. Cahiers de sociolinguistique, n° 10. DOI: 10.3917/csl.0501.0067
    • Martín Romera, María Ángeles. (2018) Hermanas desiguales. Las jerarquías urbanas a través de las hermandades bajomedievales. Anuario de Estudios Medievales, 48. DOI: 10.3989/aem.2018.48.1.03

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