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    Plan détaillé Texte intégral Sources, matériaux et historiographie rurale Pour une étude des terroirs La richesse du vignoble Le vignoble, fruit d’un écosystème Notes de bas de page

    Entre Vosges et Forêt-Noire

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre II. Espace rural et vignoble

    p. 149-237

    Texte intégral Sources, matériaux et historiographie rurale Pour une étude des terroirs Perspectives de recherche Exploitation documentaire La richesse du vignoble Le vignoble et son biotype Géographie et histoire du vignoble Le travail de la vigne : savoir-faire et mode d’exploitation Des vins ou un vin de qualité ? Main-d’œuvre et savoir-faire Vignoble et société Le vignoble, fruit d’un écosystème Vignoble et autres cultures Vignoble et habitat Vignoble et villes Notes de bas de page

    Texte intégral

    1L’Empire n’ayant de centre politique que le lieu de résidence du souverain, l’Oberrhein, qui le recevait souvent1, se trouvait à cet égard, privilégié. La fréquence des « itinéraires » royaux2 traversant cette région, surtout sous les Staufen, se comprend aisément pour un prince « qui vit du sien ». Les biens patrimoniaux (Hausgut) et les domaines attachés à la fonction impériale (Reichsgut) rapidement confondus3, présentaient, comme précédemment évoqué, un caractère attrayant : nombreux palais-résidences (Pfalz), chasses giboyeuses et vignoble abondant. L’empereur n’était pas le seul à apprécier les ressources de la région et à succomber à son tropisme. La « densité » des pouvoirs politiques de la région allait de pair avec l’exploitation intense et précoce des terroirs.

    2Mis en appétit par Ermold le Noir4, évoquant l’Oberrhein comme le paradis terrestre en raison de la variété et de l’abondance de ses fruits, l’historien va rencontrer, dans la réalité de son travail, une situation complexe, liée d’une part aux sources et d’autre part aux qualités composites des terroirs de cette région. Il faut vite se rendre à l’évidence : l’enjeu d’une meilleure connaissance des campagnes dépasse largement, ici plus encore qu’ailleurs, une « simple » étude économique.

    3Il convient donc d’ouvrir la question par l’examen des sources et de leur exploitation historiographique. La documentation disponible pour la période 1250-1350 offre un paysage contrasté, un vaste chantier à ciel ouvert, en dépit des publications réalisées depuis plusieurs générations d’érudits ou historiens. Il ne subsiste en fait que peu d’actes de la pratique et, à la différence des documents de la vie politique relativement connus, ceux qui intéressent les activités économiques ont été laissés en jachère ou furent diversement traités. Une approche historiographique doit compléter l’état « brut » des sources, dans cette région politiquement sensible depuis l’exclamation de Louis XIV découvrant du sommet des Vosges la plaine d’Alsace : « quel beau jardin ! ». Il ne resta jamais le seul à le penser. Les archives représentant un enjeu idéologique de première importance, les historiens des deux rives du Rhin ont, tour à tour, mené leurs travaux pour justifier, par les « origines », la domination politique du moment. Après ce bilan documentaire et historiographique, les questions spécifiques à l’Oberrhein pourront être posées. La légendaire richesse de ce fossé rhénan tient moins à sa fertilité qu’à un mouvement brownien, une pression constante d’exploitation de cultures complexes et complémentaires, à portée humaine au sens concret du terme, c’est-à-dire en un espace réduit. De tout point de la région, en une journée de marche, entre le lever et le coucher du soleil (choisissons une longue journée estivale), peuvent être atteints des forêts, des vignes, des champs, des points d’eau pour pêcher, des pâtures, des jardins potagers. Ce puzzle rural échappe donc à une typologie simple, et son étude doit introduire une dynamique à la simple description faite depuis Ermold le Noir, pour comprendre l’aménagement des espaces, la corrélation entre terroirs et habitat.

    4Le célèbre vignoble, abordé dans une seconde partie, constitue toujours et partout, dans l’étude des terroirs, un cas d’exception, un appax comme l’ont souligné à maintes reprises Werner Rösener et Franz Irsigler pour les régions mosellanes5. Ce type d’exploitation particulière a-t-il joué un rôle (et lequel) dans la mise en place des terroirs ? Cette question s’enrichit du fait observé dans tous les vignobles de l’époque : il ne s’agit pas de monoculture au sens moderne du terme, du moins à l’époque envisagée. Certaines pièces de vignes produisaient aussi des légumes, des arbres fruitiers de taille modeste (les pêchers des vignes), etc.

    5Le vignoble de cette région a polarisé toutes les activités en un véritable écosystème, objet du dernier point de l’étude : les articulations existant entre la vigne, les cultures complémentaires (céréales, fruits, jardinages, forêts, etc.) et l’habitat, dans la logique du passage du domaine à la seigneurie. Cet espace cultivé ne se comprend bien, en effet, que comme un espace habité dans la mesure où les maîtres du sol, princes, seigneurs ou paysans, assuraient la cohérence de leur exploitation et de leur mode vie en aménageant un espace dominé.

    Sources, matériaux et historiographie rurale

    6Rappelons d’entrée de jeu que les terroirs de l’Oberrhein, situés de part et d’autre du Rhin et ayant fait l’objet d’enjeux politiques et économiques, se trouvent émarger actuellement des Archives de trois pays : Allemagne, Suisse et France. Que les archives soient conservées et les fonds éclatés dans des lieux différents ne représente qu’un problème mineur pour l’historien. Beaucoup plus difficiles à surmonter pour la recherche sont les principes archivistiques radicalement différents d’un pays à l’autre. En Allemagne, les archives sont classées, pour schématiser, en collections selon la nature diplomatique des documents. En France, prévaut depuis le milieu du XIXe siècle le principe de provenance et de respect du fonds d’origine. Dans la partie alsacienne de l’Oberrhein, les archivistes en poste successivement, français, allemands, français, allemands, ont classé et reclassé les mêmes fonds. Les deux conceptions archivistiques ont donc été appliquées selon la formation des archivistes, sans que les uns et les autres n’aient eu le temps de venir à bout de leur application. Le fonds du couvent des dominicaines d’Unterlinden à Colmar, par exemple, a été ainsi manié et remanié à maintes reprises, de telle sorte que subsiste une bonne vingtaine de mètres linéaires de pièces et de registres organisés grosso modo dans une pratique archivistique « médiane », par thèmes : les actes constitutifs, les censiers, les acquisitions, donations, etc. Ces dossiers, en réalité, regroupent des pièces dont on cherche en vain la logique qui a présidé à leur regroupement, pire encore, on cherche pourquoi ces documents se trouvent dans le fonds Unterlinden, les affaires traitées n’ayant apparemment rien à voir avec le couvent6. Ce traitement infligé aux mêmes fonds, par des archivistes successifs, aux théories opposées ou/et aux méthodes diverses (sans compter les faits de guerre exprimés par les extraditions, restitutions ou autres échanges), ne facilite guère le travail systématique et exhaustif de l’historien et c’est un euphémisme7. Ce désordre joue surtout pour les sources nécessaires à l’étude des terroirs constitués de documents économiques, pièces dont le classement est rendu difficile par la diversité de leur nature juridique et par leur format disparate. Hormis les registres, y-avait-il un classement d’origine pour les pièces éparses ? Il n’est pas rare de découvrir, dans une même chemise8, un parchemin de quatre sur neuf centimètres attestant d’une donation (1238), un papier avec restes de sceau de vingt sur douze centimètres concernant une rente viagère (1284), et un petit cahier de quinze sur vingt-neuf centimètres consignant des cens à percevoir sur les champs d’un lieu dit (1334).

    7Le matériel documentaire nécessaire pour l’analyse de l’espace rural renseigne de façon très inégale (l’intitulé exact des dossiers ou des liasses a été préservé dans la présentation en tableau qui suit). La conservation des actes se trouve déséquilibrée, comme dans toute l’Europe, au profit des « puissants » au premier rang desquels les établissements ecclésiastiques. Les causes en sont connues : le dynamisme des transactions juridiques et surtout des donations, (les pièces de vigne contribuaient largement au salut des fidèles), le caractère structurellement conservateur des personnalités juridiques qu’étaient les abbayes, sans hiatus familiaux, mais aussi leur capacité technique dans le domaine de l’écriture. L’Église détenait donc un patrimoine écrit dont les beaux restes constituent l’essentiel de la documentation. En sus des fonds ecclésiastiques, un bon nombre de documents émanent aussi des chancelleries impériales ou seigneuriales, mais l’état de leur conservation demeure encore plus aléatoire.

    8Il est certain que la documentation écrite doit être confrontée aux données archéologiques et iconographiques. Ces matériaux, dans l’état actuel des recherches dans la région, n’autorisent pas encore de synthèses pour la période antérieure aux XIVe et XVe siècles.

    9Après avoir repéré les documents mobilisables pour l’enquête et pointé leur silence concernant les « petits » exploitants, avant d’en étudier la typologie et les ressources, il convient, pour une mise au point de départ, d’entrer dans les discours successifs des historiens penchés sur le monde des campagnes. L’historiographie se révèle essentielle, on le sait, ne fût-ce que pour détecter les nombreuses « forgeries », pièces souvent plus intéressantes que les actes authentiques ! La connaissance des sources et leur examen critique permettront alors d’envisager les méthodes d’exploitation déjà éprouvées ou à expérimenter.

    10Pour la période 1250-1350, et cette constatation archivistique étonnera d’autant moins qu’il s’agit de l’espace germanique, la documentation émane donc, pour l’essentiel, des institutions ecclésiastiques : évêchés, abbayes ou couvents. Les archives princières ou urbaines n’offrent qu’exceptionnellement des données, comme le terrier des Habsbourg (1303-1308)9 et celui des Ribeaupierre10, princes laïques, déterminés à structurer leur puissance et donc à assurer une gestion suivie de leurs biens.

    11Les fonds des établissements ecclésiastiques alsaciens, victimes de classements successifs et contradictoires11, comme on vient de le mentionner, se présentent donc dans un ordre très relatif et sont, le plus souvent, dépourvus d’instruments de recherche correspondant à leur état actuel. Ils se trouvent conservés aux Archives Départementales du Haut Rhin (ADHR) et du Bas-Rhin (ADBR) ou aux Archives de Bâle12 (Staatsarchiv Basel). En ce qui concerne les établissements badois, leur repérage et leur classement offrent plus de tranquillité. Munis d’instruments de recherche, ils sont consultables soit aux Archives de la ville de Fribourg (Stadtarchiv Freiburg) soit aux Archives Générales du Land Bade-Wurtemberg (GLA) à Karlsruhe. Le plus souvent édités, leur accès s’en trouve facilité puisqu’ils garnissent les rayons des bibliothèques. La recherche dans les Archives allemandes ou suisses se trouve également facilitée par des inventaires dans lesquels les dossiers font le plus souvent l’objet d’une analyse pièce à pièce. Néanmoins, les actes pour la période 1250-1350 sont relativement peu nombreux et dispersés, dans un espace géographique ouvert. Le Rhin ne constituant nullement une frontière à la générosité des fidèles, les établissements des deux rives sont possessionnés de part et d’autre et la recherche s’apparente à la construction d’un puzzle.

    12En ce qui concerne les Archives alsaciennes, il en va autrement puisque les inventaires (quand ils existent) manuscrits pour les fonds qui nous intéressent ne recouvrent une réalité archivistique que très approximative. Après un récolement systématique, il faut ouvrir tous les cartons et vérifier pièce à pièce. Seules sont mentionnées ici les cotes des cartons qui contiennent des documents antérieurs à 1350 : ce peut être une seule pièce ! Quant aux registres, ils offrent un caractère aléatoire dans leur présentation, leur contenu et leur chronologie. Ils ne deviennent systématiques qu’au XVe siècle.

    13Si les clercs ont grandement participé à la production écrite, les souverains aussi, car ils étaient accompagnés dans leur itinérance d’une chancellerie et de coffres pour la conservation des actes jugés nécessaires à l’exercice de leur autorité ou à l’attestation de leurs revenus. Ces documents, considérés comme politiques, ont tout particulièrement intéressé les historiens allemands du XIXe siècle, soucieux de transmettre à l’histoire de l’Allemagne son patrimoine textuel. La gigantesque entreprise des Monumenta Germaniae, menée à bien grâce aux exigences scientifiques13 de Georg Heinrich Pertz (1795-1876), offre aux historiens un vivier remarquable et quasi inépuisable de pistes de recherche. Bien des sources manuscrites souvent difficilement communicables en raison de leur taille, de l’état matériel des actes ou des lieux de conservation, devinrent accessibles matériellement mais surtout scientifiquement, grâce aux éditions de textes des Monumenta. Les actes publics, transcrits et édités, concernent aussi des donations royales ou garanties par l’autorité publique et, de ce fait, constituent la majeure partie de notre documentation. La logique de recherche doit évidemment s’adapter puisqu’il faut entrer dans les catégories des MGH (Scriptores, Leges, Diplomata, etc.), pour trouver des éléments souvent aux marges du dispositif des actes. Par exemple, des récits épiques, littéraires ou historiques14 évoquent aussi, mais indirectement, les déplacements de souverains ou de grands personnages au cours desquels ils découvrirent (et l’historien du même coup) tel vignoble et goûtèrent un excellent vin. Le carolingien Charles le Gros, d’après les Gesta Karoli15, a séjourné par deux fois à Colmar et a apprécié le vin de Sigolsheim. Dans ses historiettes parfois fantaisistes, Notker le Bègue16, moine de Saint-Gall, mentionne les largesses impériales dans le vignoble et celles-ci peuvent être vérifiées par d’autres sources concernant Sigolsheim.

    14Dans la veine philologique et nationaliste, l’édition des Weistümer17, ou rapports de droit, contribue à l’histoire des terroirs, dans la mesure où s’y manifeste une dynamique villageoise. Les premiers textes connus expriment plus l’autorité du maître, par agents interposés, qu’une conquête de liberté par les villageois. Néanmoins, la mise par écrit18, qui fera l’objet d’un développement ultérieur, marque une étape décisive dans l’évolution des terroirs, sanctionnant un pouvoir effectif des communautés villageoises. Au fur et à mesure que les grands domaines s’effilochaient, les seigneuries stimulèrent la mise en place d’un semis de villages Leur émancipation progressive, de fait puis de droit, se manifesta par l’obtention de garanties sous forme de franchises ou autres privilèges, parfois très proches des statuts urbains.

    15Ajoutons à ces documents proches tous ceux qui, conservés dans des fonds lointains par le hasard des dévolutions d’archives, surgissent comme des perles rares. Considérés comme perdus ou mal classés, ce qui revient presque au même, ils ont pourtant été recensés, transcrits, parfois traduits par des érudits et même achetés ou échangés par des antiquaires. Ces florilèges d’actes, pour peu qu’ils soient authentiques, offrent au chercheur des ressources documentaires inestimables. Dans la tradition d’érudition allemande, la pratique de ces collections rend d’éminents services à deux conditions. Tout d’abord, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’une collation d’actes par une personne ayant un objectif de recherche ou de centres d’intérêt. Oublis, rejets, choix des auteurs ne concordent donc pas avec l’exhaustivité recherchée, autant que faire se peut, par l’historien. Il faut, d’autre part, rester vigilant quant à la critique des textes. Même si elles sont plus intéressantes que les actes authentiques, les « forgeries » constituent une pratique soutenue pendant une bonne partie de la période médiévale et au XVIIIe siècle.

    16Deux savants et antiquaires méritent d’être à nouveau salués19 pour avoir initié, avec les moyens de leur temps, la collation érudite d’actes concernant l’Alsace : Jean Daniel Schoepflin (1694-1771) puis Philippe-André Grandidier (1752-1787). Certes leur projet s’inscrivait dans une perspective « nationaliste », mais les matériaux rassemblés (et donc sauvés) constituent une richesse documentaire indéniable et stimulante pour le sens critique des historiens. Plus récemment, les érudits comme Albert Brückner pour le haut Moyen Âge ou Médard Barth pour l’hagiographie et la viticulture ont, en revanche, constitué des regestes20 soumis à un examen critique21 et donc utilisables.

    17Le matériel archivistique disponible se présente donc sur trois niveaux, tels des couches archéologiques. Le premier, celui des documents originaux, dans un état « brut », se découvre aux Archives. Le second niveau est constitué par les éditions critiques des Monumenta ou modernes. Enfin, le troisième horizon, celui des collations et des regestes, offre un choix documentaire hétéroclite mais indispensable en raison de la perte ultérieure de nombreux actes.

    18Si l’on procède à l’examen des sources, le premier niveau, les documents se répartissent en trois catégories : les actes isolés (chartes, Urkunden), les actes archivés (Akten) par une opération de classement, le plus souvent au XVIe siècle, et les actes enregistrés à l’origine (Amtsbücher).

    19Les actes isolés, désignés sous le terme générique de chartes, abondent dans le fonds d’Unterlinden par exemple. Matériellement, il s’agit de parchemins ou de papiers parfois minuscules, munis de sceaux en très mauvais état, rassemblés dans des chemises en papier kraft et serrés dans des cartons. Il n’y a pas de layettes en bois. L’inventaire propose en guise d’analyse : varia. Un intitulé plus précis, « donations », « rentes », « acquisitions », cache en réalité une grande diversité juridique des pièces et dans beaucoup de cartons, la chronologie court du XIIIe siècle au XVIIe ou XVIIIe siècle. Les actes produits entre 1250 et 1350 font apparaître des donations, des legs, des cessions, accords ou échanges, des renonciations. Les ventes, achats et rentes, en nombre relativement important, restent parfois difficiles à distinguer tant les subtilités juridiques et le vocabulaire (volontairement ?) imprécis permettent de masquer la réalité des situations. Par exemple, le terme allemand de « zins » désigne tout à la fois le cens foncier (bodenzins), la rente constituée et l’intérêt. Les rentes viagères (libding) et rachetables (widerzins) semblent peu fréquentes avant 1350. On trouve dans ces actes l’auteur et le bénéficiaire (crédirentier ou créancier/débirentier ou débiteur), les sommes en argent ou en nature et les biens dûment précisés (quelle monnaie, quelle quantité de vin ou de céréales, situation géographique des pièces par les confronts).

    20La conservation isolée de ces actes rend l’exploitation des données aléatoire. Tout d’abord, la nature juridique de l’acte (vente réelle ou rente, pension pour une fille placée dans un couvent ou donation, etc.) reste quasi impossible, car, seul, le rapprochement avec d’autres actes permet de reconstituer la généalogie des opérations. D’autre part, les manipulations archivistiques successives aggravent la difficulté d’interprétation. Certains actes n’ont apparemment aucun lien organique avec le fonds dans lequel ils sont classés et inversement d’autres actes ont été reclassés ailleurs, au motif de classification selon leur nature diplomatique ou autre.

    21Tous les actes ne se présentent pas de façon isolée. Les actes archivés et maintenus ensemble par le système de la Registratur, dans un classement postérieur à leur production, offrent une facilité de consultation apparente. Ces registres, en effet, rassemblent les pièces selon un critère diplomatique, chronologique ou aléatoire. Les « affaires de couvents » (Klostersachen) conservées par la ville de Fribourg, par exemple, présentent ce caractère relativement artificiel. Extraits de leur fonds d’origine, les actes concernant des couvents extérieurs à la ville ont été ensuite regroupés par établissements selon un critère géographique (Murbach, Schoenensteinbach).

    22Les actes cancellés ou enregistrés par les chancelleries, enfin, représentent la majeure partie de la documentation. Les abbayes ont procédé à l’enregistrement des actes faisant valoir leurs droits sous la forme diplomatique du rôle (rodel)22 puis du registre terrier ou censier (urbar, berain, gütersbuch). Sur la rive gauche du Rhin, les fonds antérieurs à 1350 et conservés, sinon accessibles23, sont essentiellement ceux des établissements de Murbach, Pairis, Saint-Pierre et Unterlinden à Colmar et, dans une petite mesure, Munster ; pour la rive droite, les fonds les plus importants concernent Ettenheimmünster, Wonnental, Tennenbach, Bohlingen, Waldkirch, Saint-Pierre en Forêt-Noire, Fribourg (Sainte-Catherine), Adelhausen, Mülheim, Bâle (Saint-Alban, les Augustins, etc.)24. Les aléas de la conservation n’expliquent pas toutes les lacunes. Beaucoup de terriers ont disparu au moment de la guerre des paysans dans les années 1525. Ils ont été reconstitués en partie par la pratique du renouvellement de biens (renovatio bonorum), témoin de l’intérêt soutenu des abbayes pour leurs biens et leurs ressources. Était-ce l’effet de difficultés économiques, le souci d’une réactualisation constante des droits, de transformations dans le mode d’exploitation ? Ces registres portent souvent la trace des documents antérieurs mais la prudence s’impose dans cet exercice d’histoire rétroactive.

    23L’intérêt des terriers et des censiers pour la micro et la macro-histoire n’est pas une découverte récente. Mais l’abondance même des données et leur nécessaire analyse critique rendent la tâche si difficile qu’elle n’est que trop peu souvent entreprise. Actuellement pour l’Oberrhein, seules sont disponibles les éditions de Tennenbach et d’Adelhausen. La richesse documentaire, pourtant, des divers registres autorise une approche fine du monde rural. Sur le plan social, apparaissent d’autres catégories que les « élites » auxquelles l’historien médiéviste est le plus souvent confronté. Si bon nombre des individus mentionnés ont toutes les chances de rester dans l’anonymat, certains, en revanche, nous livrent leur profession25 : fondeur de cloche, croque-mort, papetier, etc. Sur le plan économique, peuvent être étudiées les propriétés et la gestion des abbayes, avec différenciation de la mense du père abbé et de celle des frères. Les données concernant le système des cultures en usage (rotation sans ou avec assolement triennal), les tenures et leur exploitation, les redevances sont du plus haut intérêt pour saisir, à un moment donné, la vie des terroirs. Le terrier de Tennenbach, par exemple, établi avec une extrême minutie, renseigne aussi sur la faune et la flore, les activités de tous ceux qui émargent de l’abbaye ou même de la puissance des Zähringer car ce terrier joue aussi le rôle d’un cartulaire (kopialbuch) pour la maison fondatrice26. On peut admettre l’adéquation du document avec la réalité dans la mesure où les parties s’y trouvent engagées et ont donc intérêt à vérifier l’exactitude des données.

    24En plus de ces registres généraux, il existe d’autres volumes plus spécialisés par nature de droits, comme les registres de cens (registrum censuum, zinsbuch) perçus sur les biens immobiliers27 ou les exploitations. Les puissantes abbayes du sud-ouest de l’Empire, possessionnées dans une aire géographique fort étendue, ont dû perfectionner leurs méthodes de gestion pour faire face à la difficile exploitation de pièces dispersées très largement au hasard des donations. La fabrication de ces registres répond à un double besoin de programme de perception des cens a priori et de contrôle a posteriori. Le classement des droits à percevoir se fait par nature d’exploitation, puis par localisation géographique. Il s’agit en réalité d’un outil relativement figé dans lequel on ne perçoit guère le caractère vivant et adapté d’une collecte sur le terrain. L’écriture et la présentation matérielle y sont très soignées, sans ratures, presque sans vie. À quelle réalité correspondent ces registres ?

    25On aura compris que l’exploitation par l’historien d’un tel matériel archivistique exige de celui-ci ruse et prudence. Il s’agit de contourner les obstacles majeurs du caractère hétéroclite des actes, de leur dispersion dans le temps et l’espace et surtout d’une production émanant massivement des établissements ecclésiastiques. Qu’ont donc fait nos prédécesseurs ?

    26L’état des sources doit être complété par l’historiographie de la vie rurale. L’histoire agraire allemande offre une dynamique constante, sans effet de mode comme en France. Elle s’attache à ouvrir des perspectives d’enquêtes renouvelées par des méthodes enrichies par l’interdisciplinarité. Mais l’Oberrhein, dans ce concert de travaux, reste malgré tout à l’écart. L’historiographie de l’espace cultivé n’y est pas abondante et n’arrive que loin derrière l’histoire politique ou familiale qui a focalisé des générations d’historiens.

    27Une première remarque s’impose, aisée à comprendre après la présentation des sources ; l’essentiel des publications concerne la période postérieure à 1350, faute d’un matériel archivistique cohérent avant cette date et de nouvelles sources comme l’archéologie pourrait en fournir. Tout travail portant sur la dynamique et les mutations de l’espace cultivé après les Carolingiens (léguant un important corpus documentaire), et avant l’organisation territoriale des Habsbourg, peut donc encore espérer apporter du neuf.

    28Auguste Hanauer28 (1828-1908) fit œuvre de pionnier en France, et presque en Allemagne, avec ses recherches sur les paysans. Son œuvre maîtresse sur La constitution des campagnes reste encore irremplaçée dans la mesure où, avec un esprit critique et rigoureux, il a compulsé un nombre phénoménal de documents et en a édité un florilège. Les documents rassemblés et publiés par Hanauer restent utilisables dans d’autres problématiques que la sienne, empreinte de la nostalgie de l’heureux temps d’une société paysanne communautaire et libre. Après la seconde guerre mondiale, Charles-Edmond Perrin et surtout Henri Dubled entreprirent des enquêtes plus spécialisées29 que la magistrale synthèse d’Hanauer, en particulier sur l’évolution des grands domaines vers l’organisation seigneuriale, problème majeur mais peu traité. Leur problématique « dépassée »30, sans compter leur intérêt exclusif pour la rive gauche du Rhin (ou, plus à l’ouest, la Lorraine), doivent être considérés comme une étape historiographique. En revanche, l’entreprise plus récente de Médard Barth, de constituer (et d’exploiter) un regeste des actes concernant le vignoble, rend des services éminents même s’il ne mentionne que les actes publiés lors de son enquête. Son exploitation minutieuse et vivante desdites sources, toutefois, décrit et chante le vignoble alsacien plus qu’il ne l’analyse.

    29Après ces travaux magistraux, les historiens modernes ne furent guère nombreux à s’atteler à la vie des campagnes. Côté français, les nouveaux champs historiques focalisèrent plutôt la recherche vers l’étude complexe des villes, et les collègues allemands, même en continuant l’histoire agraire de leur territoire, n’osaient guère dépasser le Rhin ! Les exceptions cependant confirment la règle. Hugo Ott a mené l’enquête sur l’aménagement des terroirs et les techniques agraires dans l’Oberrhein31, en prenant soin d’exposer rigoureusement ses problématiques32. Il est vrai que l’essentiel de son travail porte sur la fin du Moyen Âge (toujours les sources !) et que ses principales démonstrations s’appuient sur les archives des abbayes badoises. Plus récemment, le grand spécialiste allemand du monde rural qu’est le professeur Werner Rösener, de l’université de Giessen, a intégré dans son champ géographique tout le sud-ouest de l’Allemagne et sa documentation compte tout ce qui est accessible, c’est-à-dire publié ou bien inventorié. Lors d’un colloque organisé sous sa direction en 199233, Werner Rösener a orienté le débat historique sur un phénomène moins étudié en Allemagne (Dubled reste isolé) qu’en France : le passage du régime domanial au régime seigneurial pendant le Moyen Âge central avec ses conséquences pour les paysans et les seigneurs tant laïques qu’ecclésiastiques. À ces travaux font écho ceux de Thomas Zotz, professeur d’histoire régionale (Landesgechichte) à Fribourg, qui, travaillant sur les résidences royales, a prolongé sa recherche vers la structure fiscale des domaines royaux, mettant en valeur leurs caractéristiques propres, les distinguant ainsi des domaines ecclésiastiques. Indispensables également sont les éditions et publications de Norbert Ohler, de l’Université de Fribourg, qui visent d’abord à combler les lacunes documentaires ; les sources existent mais restent difficiles d’accès. On lui doit la remarquable édition du censier d’Adelhausen.

    30Nos collègues suisses participent également à l’enquête sur l’Oberrhein, ne fût-ce qu’en raison de l’importance du diocèse et de la ville de Bâle rayonnant à partir du coude du Rhin. En ce qui concerne les campagnes, le travail fondamental de Hans Jörg Gilomen sur Saint-Alban et ses possessions s’impose. Plus récemment, nos collègues se tournent davantage vers les problématiques de vie quotidienne et d’environnement. Fondés sur des données archéologiques rigoureuses, toujours mises en regard avec les documents écrits, les travaux sur l’alimentation, la boisson, l’eau, etc. concernent, cependant, plutôt la fin de la période médiévale.

    Pour une étude des terroirs

    31La typologie de sources hétéroclites, dispersées inégalement dans le temps et dans l’espace, toujours incertaines quant à leur exhaustivité, interdit un dépouillement systématique qui serait significatif en validant des hypothèses ou en faisant surgir des phénomènes et problèmes nouveaux. Prises en l’état et sans essayer de ruser, les archives disponibles conduiraient soit, sur la base d’actes aléatoires, à des synthèses très générales qui ne rendent pas compte de la variété concrète des terroirs, soit, sur la base de censiers, à des études pointillistes sans grande perspective.

    32Un premier essai a été tenté de reconstituer la cadastration des pièces de vignes ou de terres exploitées à partir de la masse (relative) des registres ou collections nourries d’actes d’Unterlinden et de Saint-Pierre (Colmar). Un dépouillement systématique des censiers permettait d’enregistrer des données « normalisées » : date, acteurs, nature de la transaction, situation de la pièce, confronts, sommes dues, etc. Las ! La reconstitution d’un puzzle complet s’est révélée impossible. Il manquait toujours un ou plusieurs confronts ou voisins des pièces. Pire encore, les critères retenus changeaient d’un registre à l’autre, les personnes ou les toponymes restaient pour certains difficiles à identifier et surtout, l’absence totale de précision (taille des pièces, distances) rendait impossible la reconstitution précise sur le terrain. Une telle impasse de recherche n’a rien d’original. Même l’exploitation de censiers autrement plus importants et soigneusement établis comme ceux d’Adelhausen ou Tennenbach, se révèle téméraire pour, in fine, ne pas aboutir aux résultats escomptés34. L’expérience prouve également qu’avec le temps, l’élaboration de ce type de document, même à la fin du Moyen Âge, n’offre aucun caractère systématique permettant une exploitation quantitative35. L’étude en plan fixe ne permet donc pas de saisir, à un moment donné, une géographie rurale complète. Il faut alors opter pour une étude en dynamique et repérer dans le temps l’apparition, le développement et la disparition de certains caractères particuliers, comme autant de vérifications des hypothèses de départ. Pour s’y engager, il faut sortir de la région pour situer la recherche dans une perspective comparative. En prenant appui sur des sources plus nombreuses et plus accessibles en élargissant la perspective au grand sud-ouest de l’Allemagne, les éléments archivistiques épars de la petite région étudiée cessent d’être des questions sans réponses, pour devenir des hypothèses vérifiant ou non les « modèles » établis ailleurs.

    Perspectives de recherche

    33L’étude des terroirs de l’Oberrhein, entre 1250 et 1350, comparée à des régions proches mieux connues, ne peut faire l’économie de quelques truismes corroborés par toutes les sources. La région bénéficie d’une richesse exceptionnelle dans l’espace germanique et (donc ?) d’une population nombreuse. La seule présence du vignoble ne participe pas de l’exception puisque toute la vallée rhénane en amont se targuait de produire du (bon) vin et même certainement avant l’Alsace. Le vignoble de cette petite région, en revanche, a joué un rôle très différent dans la mesure où il s’intégrait dans une richesse globale des terroirs, diversifiée et complémentaire, un véritable écosystème que ne connaissent pas les autres régions vinicoles rhénanes.

    34Ces prolégomènes posés, deux champs de recherche peuvent être dégagés, qui serviront à la mise au point de méthodes possibles36. Il s’agit de deux mises en perspective l’une dans le temps et l’autre dans l’espace.

    35Le premier axe de recherche vise à situer l’Oberrhein dans la chronologie et les modalités d’un processus que Philippe Dollinger n’a pas hésité à qualifier de « révolution économique »37. La dynamique liée à l’abondante production rurale stimulant les activités commerciales dans l’Oberrhein fit imploser le système d’économie domaniale par des remaniements fonciers, de nouveaux modes d’exploitation, des gains du sol profitant de plus en plus aux entreprises individuelles. Dans le contexte général du passage du grand domaine (la villication) à la seigneurie, grosso modo des Carolingiens au XIIe siècle, comment l’Oberrhein a-t-il fait sa mue et quelles en furent les conséquences, après 1250, pour les terroirs ?

    36Le second axe de recherche porte sur l’organisation de l’espace. Sa construction de plus en plus dense et complexe constitue une clef d’analyse essentielle pour comprendre la période étudiée. Là encore, l’observation comparée avec d’autres régions pousse à s’interroger sur ce trait caractéristique d’une activité rurale littéralement imbriquée dans les zones d’habitat, rural et citadin, au point que la différentiation s’estompe.

    37Pour entrer dans l’analyse de la dynamique des terroirs en comparaison avec d’autres régions, un certain nombre de questions se posent. Comment se situe l’Oberrhein dans le long processus de mutation du IXe au ΧΙIe siècle ? La région a-t-elle anticipé, innové ou résisté ? Qui reste maître des terroirs ? Les types de cultures ont-ils eu quelque influence ? L’enjeu dépasse la simple fresque chronologique, car la précocité observée, dans certains terroirs, pousse à affiner la problématique.

    38Pour mesurer l’héritage et les processus d’évolution tels qu’ils peuvent être observés en 1250, un rapide bilan s’impose. L’évolution, dans l’espace germanique, du grand domaine (villa) vers la seigneurie foncière (Grundherrschaft), a fait l’objet de récents travaux prenant appui sur l’époque carolingienne38 relativement bien documentée, mais de façon déséquilibrée, puisque la grande majorité des sources concernent les domaines royaux et les grandes abbayes. Ce trait est commun à tout l’espace occidental39. Si les premiers « frémissements » d’une organisation nouvelle, dite seigneurie, sont sensibles sous les Carolingiens et les Ottoniens, Werner Rösener40 démontre que l’essentiel de la mutation s’effectue pendant le siècle des Saliens (1024-1125). Du grand domaine procède un certain nombre de seigneuries rurales, constituées d’une réserve (salland, grundherrliche Eigenschaft), exploitée en faire-valoir direct, puis en métayage, de tenures (hube) et de forêts ou de landes sur lesquelles les tenanciers (huber) ont des droits d’usage (allmend). Ces trois composantes foncières ont évolué de façon très différente, selon la nature des cultures dominantes et les sources de profit y afférentes, ou la proximité des marchés, parfois des villes, lieux de consommation et d’écoulement des surplus. Cette évolution s’est également traduite sur le plan juridique par l’interférence des droits exprimant la puissance seigneuriale en place41. Que celle-ci soit le reliquat de l’autorité publique émiettée ou des prétentions d’une autorité nouvelle fondée sur la puissance foncière, elle conditionne la vie du paysan. Il doit en effet faire face, progressivement, à des contraintes militaires (accompagnement, charroi, fournitures ou garde), des droits de justice (ding), à l’hébergement du maître et à des redevances diverses en nature et en argent (taille, taxes commerciales, prélèvements seigneuriaux sur les grandes étapes de la quotidienne, mort, mariage, héritage, etc.). Comme le souligne fortement Werner Rösener, la seigneurie rurale offrait une étonnante flexibilité d’autorité sur la terre et les hommes, dans la mesure où toutes ces obligations ne se trouvaient pas toutes exigées en même temps et, surtout, pouvaient faire l’objet de négociations.

    39Dans l’Oberrhein, une forte poussée démographique et les perfectionnements des techniques agraires (la rotation biennale ou triennale, sans assolement, se manifeste dès le IXe siècle, dans les domaines ecclésiastiques du moins42) vont de pair avec la vitalité des échanges et la mise en place du réseau urbain et villageois. La nature des cultures et des redevances reste un bon indicateur d’évolution du fonctionnement puis du grippage du système domanial. On sait que, de façon générale (la documentation reste ecclésiastique et donc lacunaire), le grand domaine s’effrita au profit des bénéficiaires des cadeaux royaux ou des agents vassalisés qu’il fallait doter de terres. Petits ou grands possédants resserrèrent autour de leur château les terroirs sur lesquels s’exerçait leur potestas. Au cours du XIe siècle, les paysans libres et propriétaires que le système domanial n’avait pas intégrés entrèrent dans leur mouvance43. Ils apparaissent fugacement pour le Brisgau, dans le Rotulus Sanpetrinus de l’abbaye Saint-Pierre et la Notitia fundationis de l’abbaye Saint-Georges en Forêt-Noire44. Mais cette nébuleuse de biens tenus en alleux et de domaines « intermédiaires » liés de façon extrêmement lâche à une seigneurie échappe en grande partie à l’historien, comme partout ailleurs.

    40Les prémisses de ce schéma bien connu concernent tout spécialement la région de l'Oberrhein. Les grands domaines du fisc et des établissements ecclésiastiques y occupaient un espace considérable déjà évoqué. Leur évolution se trouve donc au cœur du dispositif. On observe tout d’abord que le régime domanial n’avait pas le caractère quasi exemplaire qu’il revêtait en Franconie45 par exemple. À la différence de cette région, dans l’Oberrhein, la réserve apparaît plus petite46 et disséminée dans les différentes natures de terroir, les corvées47 des tenanciers semblent supportables, alors que le travail exigé des non-libres contribue à une mise en valeur poussée des terres domaniales, voire même à leur extension. Les défrichements, en effet, furent menés systématiquement pour contribuer à une plus grande rentabilité et la noblesse laïque ne fut pas la dernière à lancer des entreprises de mise en valeur de terres nouvelles. Qu’ils soient laïques ou ecclésiastiques, les grands domaines de l’Oberrhein ont, à des rythmes différents, évolué vers un système plus simple à gérer, l’abandon des corvées et des redevances en nature au profit du cens en argent et de la rente. La dispersion des parcelles rendait leur gestion complexe et presque impossible à exploiter par le système des corvées. De plus, si les travaux des champs en général se trouvaient à la portée de tout paysan, en revanche, la culture intensive de la vigne exigeait une main d’œuvre qualifiée. « Le Dominicain de Colmar », au XIIIe siècle, a finement observé que « certains de ces couvents donnaient leurs terres à exploiter à des paysans moyennant un cens annuel... mais d’autres faisaient exploiter leurs biens par des frères convers, dirigeaient leurs exploitations par leur intermédiaire et y consacraient le plus grand soin »48. L’étude de la période 1250-1350 permet de mettre en évidence des éléments de cette gestion domaniale, devenue seigneuriale et individuelle. Un certain nombre de caractéristiques de l’Oberrhein apparaissent dès lors que l’on met cette région en regard avec d’autres. La recherche du rendement, l’argent dans les relations contractuelles, la pérennité des baux et la parcellisation des terroirs, en se manifestant de façon précoce, ont indéniablement contribué à faire de l’Oberrhein un espace « exceptionnel ».

    41Un souci précoce et constant de rendement s’explique par la nécessité fréquente dans laquelle se trouvait le gérant d’un domaine royal de mobiliser toutes les ressources pour la venue du souverain et sa suite. L’improvisation ne pouvait être admise et les aléas climatiques devaient être gommés. La nécessaire constitution de stocks et de réserves de toutes denrées alimentaires, paille, foin ou vin, exigeait une gestion rigoureuse. Dans les rapports de droits entre maître et communauté rurale (les Weistümer dont il sera question plus loin), la réception du prince ou du seigneur se prévoyait dans les moindres détails : hébergement des hommes et des animaux, la garde, la quantité de foin, les repas à servir, etc. Toute l’organisation incombait au maire (ou prévôt) représentant le village. Grâce à ces responsabilités et à la reconnaissance du maître, ces gestionnaires acquirent une position sociale qui les fit entrer dans la ministérialité nuis la petite noblesse49. Dans les grands domaines ecclésiastiques50, la venue de l’abbé ne semble pas avoir mobilisé les communautés de façon aussi exigeante. En revanche, la surveillance et la gestion, directes ou déléguées, se faisaient de façon d’autant plus rigoureuse qu’elles furent, beaucoup plus tôt que dans les domaines laïques, mises par écrit, « pour que nul n’oublie ». Comme on le sait, les techniques agraires utilisées dans les propriétés ecclésiastiques furent plus poussées qu’ailleurs grâce aux capitaux et à la main-d’œuvre disponibles, grâce aussi à la perspective d’investissement pour l’éternité que ne pouvaient avoir les simples mortels fussent-ils princes et rois.

    42Une deuxième caractéristique du grand domaine dans l’Oberrhein, se manifeste par une distanciation précoce et fréquente des tenanciers vis-à-vis de leurs maîtres, par le versement de cens, en nature ou en argent, qui leur permettaient de ne plus être mobilisés au détriment de leur propre exploitation. Dès le XIe siècle (même si le système de la villication survit ici et là jusqu’au XIIe siècle et nous verrons dans quels terroirs), les cens en argent ou en nature ont remplacé les corvées. L’argent circulait dans les campagnes. Ce phénomène se trouvait amplifié par un contexte de grande densité villageoise et citadine qui permettait l’approvisionnement facile en produits artisanaux, sans avoir recours nécessairement aux forces humaines mobilisables dans les cours domaniales.

    43Une troisième caractéristique se manifeste par la conclusion de baux très longs, le plus souvent à vie (leibgeding, fallehen). Cette stabilité, qui n’est qu’apparente, a pu faire croire à une fossilisation du sud de l’Allemagne opposée à une dynamique des régions du nord. L’historiographie a longtemps opposé à cet égard les deux ensembles en gommant les nuances et la dynamique cachée dans les baux à vie. Depuis les travaux de Werner Rösener, on sait que cette dichotomie n’a plus de raison d’être51 et l’Oberrhein en est une preuve, s’il en était encore besoin.

    44À ces trois caractéristiques, s’ajoute la parcellisation intense liée à des facteurs d’ordre divers : le droit des héritages, la démographie, la rentabilité de pièces même petites. Dans le vignoble, comme on le verra par la suite, aucune pièce ne peut être considérée comme équivalente d’une autre. Chacune a une orientation, une pente, une nature de terrain ou un accès particulier et considéré comme unique. On l’aura compris : tous ces éléments, cens en argent, exploitation dans le temps long, pièce minuscule mais rentable, peuvent être mis en corrélation avec les contraintes du vignoble.

    45Ce premier faisceau de caractéristiques fournit donc des points de repères pour situer l'Oberrhein dans le développement chronologique de ces processus et analyser son originalité. Peut-on aller plus loin dans l’analyse et parler, à propos de l’Oberrhein, d’une région innovante (Innovationsgebiet), pour reprendre l’expression de Helmut Hildebrandt52 ? Le deuxième axe de recherche, l’organisation des terroirs, va permettre de confirmer certaines hypothèses.

    46Les nombreux acteurs politiques présents dans l’Oberrhein, princes et villes, et la dynamique des terroirs, laissent entrevoir la forte densité d’occupation de la région. Cet espace apparaît très tôt comme « plein ». Son organisation se pose alors peut-être en termes d’innovations ou d’adaptation permanente. Dans un espace très « humanisé », les contraintes d’utilisation et d’extension potentielles des terroirs, des échanges et de l’habitat impriment des conditions de développement nécessairement inventives et complexes.

    47Un premier type d’enquête consiste à rassembler, pour un espace soigneusement délimité à l’échelle d’un finage, toutes les données disponibles53, faire un état du stock, selon l’expression de nos collègues archéologues, permettant de suivre la dynamique des mises en culture, des abandons, des sites habités, etc. Nos collègues allemands géographes54 désignent ce type d’enquête du terme suggestif de Flurverfassung (la notion de terroir s’opposant à celle de site habité, Ortsverfassung). Parmi les historiens, Hugo Ott55 a appliqué cette démarche de façon rétroactive, prenant comme point de départ le cadastre actuel, puis des plans du XVIIIe siècle, pour atteindre les documents les plus anciens, les censiers des diverses abbayes. Son champ d’investigation concerne une partie de la région étudiée, la rive droite du Rhin, au nord et au sud de Mülheim. Pour quatre finages56 entre Bad Krozingen et Kandern, l’auteur disposait d’une chaîne documentaire suffisamment complète pour aboutir à des conclusions concernant la période finale du Moyen Âge. Toute la dynamique des terroirs, leur mise en place et leur d’abandon, peut être ainsi mise en valeur.

    48Avec les données concernant la rive alsacienne, des essais réalisés à partir de ce modèle et pour une période antérieure n’ont guère donné de résultats dans la mesure où la chaîne documentaire, pour un finage donné, s’interrompt toujours, n’autorisant pas la reconstitution de cette sorte de généalogie des terroirs. Une procédure aussi systématique doit donc être (provisoirement ?) abandonnée au profit d’axes de recherche plus souples et plus différenciés.

    49La dynamique des terroirs dans l’Oberrhein, abordée sous d’autres angles, repose sur trois facteurs essentiels de géographie historique. Cet espace, en effet, exploité et habité, s’est structuré autour de la maîtrise de faibles distances, de centres économiques de redistribution actifs et par un réseau précoce de centres de pouvoirs qu’étaient les châteaux.

    50La proximité de richesses liées à toutes les activités quotidiennes, ainsi que les faibles distances séparant les lieux de démultiplication de ces richesses, conditionnent le fonctionnement des terroirs. Chacun pouvait voir et atteindre dans la journée son travail, son habitat et son église. Les séquences du paysage changeaient rapidement et au morcellement des productions, correspondait le morcellement de l’espace, délimité par des clôtures (vignes, pâtures, forêts ou champs clos pour le regain, etc.), par des palissades ou des murailles pour les sites habités, par un bornage toujours sujet à caution. L’organisation des terroirs dépendait étroitement de ce phénomène d’horizon proche : les pièces de vignes s’orientaient par rapport à la montagne (du côté des Vosges) et au Rhin. L’implantation rapprochée des villages et des villes imbriquait les finages, avivait les querelles, mais aussi intensifiait les échanges à toutes les échelles géographiques.

    51L’apparition d’un second facteur de structuration de la région, paraît être, précisément, l’émergence d’un maillage serré de centres de redistribution des productions rurales et artisanales. Que les villes aient joué ce rôle n’a rien d’étonnant. Ce qui l’est plus, c’est le nombre de bourgs ou des villages qui ont aussi assuré le relais. À une échelle dépassant largement la région, le vin s’exportait contre du sel, pour ne prendre qu’un exemple bien connu. Mais à l’échelle régionale également, se mirent en place des centres modestes fort actifs, comme, par exemple, Brisach ou Cernay. L’accessibilité de ces marchés villageois ou urbains stimulait indéniablement les terroirs. Leur production, d’une part, trouvait des débouchés immédiats, et d’autre part, les services et objets artisanaux disponibles dans ces petits centres libéraient les campagnes de ce type d’activité.

    52Un troisième facteur de structuration de l’espace a été les châteaux, maisons fortes et mottes, sous l’autorité desquels s’est organisée l’exploitation des terroirs. Une des idées maîtresses de Werner Rösener, et qu’il convient de vérifier pour notre région, est que le système des tenures prédominait dans le cadre d’offices polarisés sur des châteaux. On sait que l’Oberrhein, à cet égard, se trouvait particulièrement bien équipé, surtout depuis le XIIIe siècle, même si les enquêtes archéologiques ne progressent pas aussi vite que l’intérêt des historiens pour ces hauts lieux de distribution de l’espace. Dans l’Oberrhein, on trouve deux types de seigneuries : celles de montagne et celles de plaine. Leur territoire, leurs rapports aux axes de circulation et aux exploitations rurales différaient considérablement et l’organisation spatiale s’articulait en partie autour de ces points de polarité. Quels liens précis peuvent être établis entre la géographie castrale et celle des terroirs ? La précocité et la mise en place des deux phénomènes vont-elles de pair ? Ce type d’enquête, encore en chantier, se trouve complété par l’étude, plus récente, d’autres lieux protégés (pour les hommes ou les récoltes) qu’étaient les enclos fortifiés57.

    53Ces problématiques concernant la mise en place de dynamiques chronologiques et spatiales, dans leur originalité et leur diversité, restent confrontées au matériel documentaire dont on sait déjà toutes les lacunes avant les deux derniers siècles du Moyen Âge.

    Exploitation documentaire

    54Faute de pouvoir appliquer une méthode systématique et exhaustive comme en rêve tout historien, il faut adopter un certain pragmatisme. Les sources ne permettent de suivre de bout en bout, ni l’étude d’un terroir, ni la gestion des biens fonciers d’une institution, a fortiori d’une personne, ni même un type d’actes (donations, échanges, acquisitions, etc.)· Il faudra donc compter avec la disparité documentaire pour valider les hypothèses formulées précédemment. Si l’on reprend la dynamique des terroirs, les matériaux permettent-ils de préciser la précocité, le rendement, les échanges monétaires, la longueur des baux et la parcellisation ? Quant à l’aménagement des terroirs, peut-il être documenté, pour l’espace rural maîtrisé, pour les habitats (villages ou châteaux), pour les activités artisanales ?

    55Les censiers et les actes isolés offrent des indications précieuses en ce qui concerne les processus d’organisation des terroirs cultivés. Les toponymes58 représentent, ici comme ailleurs, des marqueurs chronologiques dans la mesure où l’on peut observer leur apparition, la durée de leur utilisation et leur éventuelle disparition. Il suffit en théorie de croiser ces données avec un repérage dans l’espace, pour tirer un certain nombre d’indices. Dans la pratique, ces opérations se révèlent difficiles surtout pour la datation des premières mentions. Pour le Bade-Wurtemberg, élargi quelque peu à la rive gauche du Rhin, un gros travail cartographique a été réalisé par les auteurs de l’Atlas historique59. La recherche étendue à la région ici étudiée reste, cependant, à affiner. Si les auteurs de l’Atlas n’ont retenu que les toponymes dûment répertoriés des villes et des villages d’une certaine importance, ils laissent dans l’ombre beaucoup d’autres toponymes fort utiles à l’enquête. À partir du stock le plus complet possible de termes, toute une hiérarchisation, à l’échelle de la région étudiée, serait à faire en établissant le critère de dénomination par rapport au fonctionnement des terroirs. On peut admettre que le nom d’un village ne soit pas le fait des habitants, mais, pour simplifier, d’une « tradition ». Un lieu-dit, en revanche, révèle souvent des pratiques ou une situation juridique concernant la communauté des utilisateurs. La première mention offre un intérêt historique certain, dans la mesure où l’appellation de ces lieux-dits se fossilise, et perdure, bien au-delà de la réalité qu’ils ont un jour traduite. La densité d’occupation de l’espace, à maintes reprises évoquée, a produit un nombre considérable de points de repères, de désignation de l’espace utilisé par tous. À partir de la liste complète des toponymes relevés dans les actes, plusieurs familles se dégagent.

    56Celle de villages ou villes, dont le suffixe révèle l’ancienneté d’un lieu habité et exploité, a été la plus visitée. Les formes alémaniques les plus anciennes, dès le Ve siècle, se manifestent par les suffixes :-ingen, -heim, dorf. Les installations ultérieures se repèrent par la présence terminologique de : haus, -hof, stetten, etc. Sites habités correspondant à des terroirs d’une certaine importance, ils peuvent être considérés, méthodologiquement, comme des points ayant contribué à structurer un espace. Une attention particulière doit toutefois être apportée à nature des terroirs, et surtout à leur altitude. Celle-ci, en effet, ne détermine pas seulement le type de végétation mais les axes de circulation. Les routes, en effet, évitaient le plus souvent la plaine marécageuse pour le piémont plus sec et plus sûr. Les toponymes se distinguent, par là-même, des microtoponymes désignant plutôt les caractéristiques d’exploitation, d’organisation, de cultures d’un espace souvent très réduit, ou encore des circuits de circulation.

    57Ces microtoponymes reflètent l’extension des terroirs (défrichements) et leur organisation. Les terres nouvellement gagnées à l’exploitation peuvent être désignées comme telles60 : jungberg, nuw matte, neuland ou encore souligner le travail de défrichement61 : im rott, hohrodberg, gereut, ruti. S’il a fallu procéder à un brûlis forestier (brand) ou à l’écobuage (gereuterbrand), la précision apparaît, mais ces cas précis ne permettent pas de trancher entre un défrichement définitif et une extension temporaire. Certaines communautés de montagne, en effet, se répartissaient régulièrement les terres à débarrasser de végétation broussailleuse ou d’essences adventices. Le bois reprenait assez vite du terrain et les mises en culture se déplaçaient. L’hésitation toponymique n’a pas lieu d’être quand les terres gagnées étaient aménagées pour planter de la vigne, et certains toponymes (nuflantz), en effet, évoquent cette destination comme l’étude du vignoble le montrera. Tout un travail peut être mené sur l’échelonnement chronologique des sites exploités, leur pérennité et surtout le choix opéré entre types de culture : vigne contre forêt, plante « industrielle » (le safran par exemple dans la banlieue de Fribourg) contre herbe, légumes contre céréales.

    58L’organisation également des exploitations sur lesquelles s’exerçaient les différentes formes de pouvoir seigneurial, apparaît avec les termes de corvées, de manses, de cour. Le terme de Fronhaus62 désignait le bâtiment où étaient entreposés les outils et ustensiles nécessaires aux corvées. Bon nombre de toponymes de lieux-dits s’articulent autour du radical fron, fronhof (cour seigneuriale), fronhus. Un petit vallon, près de Guebwiller, porte la trace toponymique de son mode d’exploitation : la vallée des manses, Hubental. Une cartographie de la dispersion de ces termes, aussi fine que possible, permet de distinguer les terroirs exploités en seigneuries et, a contrario, les autres, alleux individuels ou reliquats de l’organisation domaniale même abâtardie, comme par exemple, les cisterciens de Pairis dans le Val d’Orbey ou les bénédictins du Val-Saint-Grégoire, avec la puissante abbaye de Munster63.

    59Les microtoponymes renseignent parfois sur la nature des cultures, et surtout, sur les pratiques à haut rendement qu’apportait l’organisation villageoise de la rotation des cultures poussée à son point de perfectionnement, l’assolement. Les trois soles n’apparaissent pas souvent conjointement, ce qui tendrait à confirmer un fait banal, à savoir que le toponyme dure plus longtemps que la pratique culturale. On trouve ainsi avec le suffixe feld, terme générique pour une pièce cultivée, obernveld, mittelnveld, nidernveld, c’est-à-dire le champ du haut, du milieu ou d’en bas. À Bantzenheim64, par exemple, la désignation s’avère encore plus précise avec la nature des terres : aufeld ou un champ en terrain humide, hartfeld ou un champ dans un milieu caillouteux. Les censiers, surtout, précisent la nature des cultures : froment, seigle pour les céréales d’hiver et orge et millet pour celles de printemps. Le vignoble, bien entendu, s’impose même au-delà de son biotype (trottacker65, trottfeld, Weingarten, etc.). En plaine, les vignes sont parsemées de légumes et d’arbres fruitiers comme les poiriers, cerisiers, pêchers. Les noisetiers et les noyers, à l’ombre redoutable, étaient relégués aux marges des parcelles. La dispersion et l’évolution de ces cultures seront examinées par la suite.

    60Après la mise en place des terroirs cultivés et le choix précoce du rendement, l’apparition de l’argent constitue une autre caractéristique annoncée. Tous les actes isolés ou les censiers peuvent être, à cet égard, mobilisés, puisque les redevances, les achats ou les donations, stipulent les sommes dues, et souvent la monnaie exigée. L’utilisation de l’argent pose toute une série de problèmes méthodologiques. D’où vient-il ? Des mines argentifères des Vosges et de la Forêt-Noire66 ? Des marchés et des métropoles de Strasbourg et Bâle ? Comment cette faculté de payer en espèces sonnantes et trébuchantes a-t-elle modifié les relations sociales ? Les données archivistiques pour répondre à toutes ces questions restent peu loquaces. L’archéologie minière67, en revanche, contribue largement à étayer un certain nombre de pistes de recherche comme les fouilles récentes de la vallée de Munster en Forêt-Noire, faisant de cette ville, au XIVe siècle, une rivale de Fribourg. La concurrence semble avoir été féroce puisque les Fribourgeois n’eurent de cesse d’éliminer Munster... ce qui fut fait, manu militari, en 1346.

    61La durée des baux, contrats et rentes semble également caractéristique des terroirs de l’Oberrhein. Le bail emphytéotique68, la rente foncière perpétuelle (ewiges geld, ewig zins) ou viagère (lipgeding, leibrente) font aussi l’objet de mentions précoces dans le microcosme rural69. Des précisions ou des nuances, dans la durée, apparaissent parfois. En 1320, l’abbaye bâloise de Klingenthal accorda à Jakob Erbeter, écuyer, une belle pièce de vigne à Rouffach « pour mille ans et encore plus »70 à lui... et à ses héritiers ! Progressivement, la durée de ces contrats devient relative puisque les rentes peuvent être rachetables (widerkouffig). Cette évolution n’a cependant rien d’exceptionnel. On observe en Mâconnais, dès le XIIIe siècle, un phénomène analogue dans la longueur des contrats, vignoble oblige ! Pour les grands couvents comme Unterlinden, les pensions alimentaires des religieuses se conçoivent sous cette forme également. La part d’héritage cédée à l’institution ecclésiastique se traduit par des revenus viagers aux parents.

    62La parcellisation du terroir, enfin, poussée jusqu’à l’extrême petitesse des pièces, se traduit également dans la toponymie ou la terminologie. Dès le XIe siècle, une métrologie subdivisionnaire de la pièce de vigne s’est imposée. Les nouvelles unités de superficie correspondent à la moitié ou au quart de l’unité précédemment utilisée. Qu’une terminologie nouvelle apparaisse dans des actes encore très formels prouve, s’il en était besoin, que la nécessité était pressante et définitive (« mille ans et même plus »...). A contrario, il subsiste certains ensembles cohérents de pièces de vigne. Ces reliquats apparaissaient suffisamment remarquables pour être explicitement mentionnés dans les actes : tant de schatz71 dans un jardin de vigne (Wein- ou Rebgarten). Ces anciens domaines se distinguaient de la multitude de parcelles par leur appartenance (souvent passée) à un même maître. La parcellisation entraînait des contraintes particulières. Le plus souvent une haie ou une palissade protégeait le raisin des maraudeurs ou des animaux. Cet éclatement des unités d’exploitation doit être également mis en relation avec le droit privé, en l’occurrence les héritages et la division égalitaire entre les ayants droit. Tout comme les modalités de parcellisation, la rapidité et la chronologie géographique du processus méritent une enquête attentive.

    63La seconde direction de recherche concerne la maîtrise de l’espace et l’aménagement des terroirs, par un quadrillage serré d’axes de circulation, reliant entre eux des sites protégés qui pouvaient être des châteaux, des enclos fortifiés, des villages palissadés ou des villes emmuraillées. Les études concernant les routes et la circulation doivent être réactualisées et cette observation, formulée par Robert-Henri Bautier72, suppose d’élargir le champ d’enquête à d’autres sources. L’archéologie routière de l’Oberrhein73 comporte encore et aussi de vastes terra incognita. Quant à l’archéologie fluviale, elle n’existe pas encore dans la région.

    64Les censiers ou même les actes isolés font apparaître un réseau d’intense capillarité de chemins, de routes, de voies diverses, autorisant l’accès rapide de l’habitat au lieu d’exploitation ou d’activité professionnelle. Une voie d’accès se trouve très souvent mentionnée comme limite à une pièce cultivée. Telle pièce se trouve entre tel et tel confront, par exemple, « un acker touchant d’un côté le chemin qui va au Bolenberg et de l’autre les dames d’Unterlinden »... Dans la mesure où il ne s’agit que de points de repères et non d’itinéraires recommandés, aucune distinction n’est établie entre le sentier (Pfad), le chemin empruntable par une charrette à deux roues (Weg), ou une route carrossable (Strasse) -tout est relatif !-, sans compter les « anciens chemins » et les « nouveaux ». Ces pièces apparaissent d’autant plus serrées que les distances sont toujours réduites entre deux villages, entre une maison et une pièce de vigne, entre un pont et une forêt.74 À partir du censier d’Adelhausen, Norbert Ohler propose une cartographie75 des biens de l’abbaye au sud d’une petite colline, le Tuniberg, entre Fribourg et le Rhin. De chaque lieu-dit mentionné rayonnent deux à quatre chemins76 vers le prochain lieu-dit ou village, aucune distance n’excèdant trois kilomètres. L’ensemble des possessions de l’abbaye, d’ailleurs, se situait dans un rayon de trente kilomètres, toutes accessibles donc en une journée77. Ces observations se retrouvent dans les divers documents en ce qui concerne, en tout cas, les biens exploités. Car on objectera, a contrario, que l’abbaye de Saint-Denis possédait des vignes à Sigolsheim78. Dans ce cas, le prestige lié à un vin d’exceptionnelle qualité s’alliait à la raison politique : avoir un pied dans la place. Les contraintes liées à une excessive distance, d’ailleurs, poussèrent une abbaye comme Murbach, à recentrer ses biens et abandonner des terres trop lointaines comme ses possessions suisses de Muri, on s’en souvient.

    65En relation avec ce micro-réseau de proximité, les grands axes de la région, évoqués dans l’introduction de ce travail, complètent le paysage de la circulation. La plupart des routes sont anciennes. La nostalgie du prestige de l’époque romaine a conduit bien des historiens à voir, dans l’Oberrhein, des routes romaines partout79. Les travaux archéologiques permettent cependant de préciser et réduire leur nombre à trois axes principaux : celui du nord au sud, le long du Rhin à partir de Bâle par Blotzheim, Baigau, Heiteren (trajet plus ou moins aléatoire en fonction des états du fleuve !), les axes est-ouest par les vallées de Villé (Lièpvre) et de la Thur (Vieux-Thann, Saint-Amarin). Tenir ces passages relevait de la puissance politique : comment expliquer autrement la donation80, en 774, de Charlemagne à Fulrad, abbé de Saint-Denis, de la majeure partie du val de Lièpvre complètement déserte (heremus) ? Le passage entre la Lorraine et l’Alsace constituait alors un véritable enjeu. Il en allait de même pour la vallée de la Thur, âprement disputée entre l’abbaye de Murbach et le comte de Ferrette, on s’en souvient. Même si leur origine ne remonte pas à l’Antiquité, les routes existaient bel et bien81, construites plutôt au-dessus de la plaine, le long du piémont (Guebwiller, Rouffach, Turckheim), pour échapper aux risques d’inondations de plaine et aux rapines faciles en terrain dégagé ou forestier. À ces axes terrestres s’ajoutaient, et leur importance était essentielle, les nombreuses rivières et petits cours d’eau de chaque vallée débouchant sur les affluents du Rhin, essentiellement l’Ill. Toute l’historiographie de ces passages82 reste à faire, non sans difficultés, compte tenu de la rareté des sources.

    66La densité des axes de circulation favorisait, certes, les échanges créateurs de richesse, mais aussi les effets destructeurs : on connaît la fréquence des raids et pillages entre seigneurs rivaux, villes concurrentes ou offusquées, vengeances à tous les échelons de la société. La protection des biens et des personnes, dans ce contexte mouvementé, exigeait refuge et asile, immédiatement accessibles dès l’alerte donnée. Le cimetière enclos, lieu sacré communautaire et public83, offrait cette sécurité suffisante pour les coups de main ou pillages de routine. Spécialiste de cette question, Bernhard Metz84 a inventorié les fortifications cimitériales, à partir des textes et/ou des traces sur le terrain, et a pu estimer à une centaine leur nombre probable pour l’Alsace. Les deux cimetières fortifiés rescapés au coup de grâce de l’absolutisme royal français du XVIIe siècle se trouvent dans la région étudiée : Hunawihr, proche de Ribeauvillé, et Hartmanswiller, à quelques kilomètres de Guebwiller. À la différence d’autres régions françaises comme la Lorraine ou la Thiérache, dans lesquelles le parti adopté a été la fortification de l’église, en Alsace et dans tout l’Oberrhein d’après Bernhard Metz, ce fut le cimetière. Les fortifications pouvaient être modestes, efficaces contre les animaux divaguant, et dissuasives contre les brigands. Systématisées par le mouvement de la Paix de Dieu à partir du XIe siècle85, elles succédaient à ces enceintes de terre ou de bois, installées sur des hauteurs, et dont la terminologie indique clairement leur rôle de refuge (fliehburg). Avec la nécessaire défense, allaient de pair le stockage et la mise en sécurité, dans des petites niches ou constructions ad hoc (gaden) le long du mur intérieur. On y trouvait ainsi à l’abri des produits de première nécessité (grains et vin) ou des biens précieux (vêtements ou autres valeurs). Ce phénomène des cimetières fortifiés s’inscrit donc dans la problématique de proximité et de maîtrise d’un espace rapproché.

    67Il s’inscrit aussi dans celle de l’habitat. Dans ce maillage serré de sites en perpétuelle relation, se dessinaient d’étroites relations entre villes et villages, de taille et de statut juridique fort divers86. Dans un contexte de pleine expansion démographique et de volonté politique des Staufen de susciter et fortifier des centres de dynamique économique, tout habitat regroupé entrait dans un processus de concessions de droits et de privilèges identitaires. Au XIIIe siècle, la frontière conceptuelle floue entre villages et villes dans l’Oberrhein peut agacer l’historien87 : les deux pouvaient bénéficier de chartes de franchise et de murailles, assurer des fonctions de redistribution et offrir une spécialisation interne (artisanat, agriculture et viticulture, etc.). La taille démographique, mis à part celle des quatre ou cinq plus grandes villes, restait dans les deux cas modeste. Où se trouve alors la différentiation nécessaire à l’historien ? Les villes constituaient des enjeux et des lieux de pouvoir, de l’empereur ou du seigneur. Mais elles cherchèrent à accéder à une relative autonomie quand leurs moyens d’exercer le pouvoir arrivèrent à maturité. La pratique professionnelle d’un certain nombre de citadins leur permit de monter des institutions différenciées et compétentes. Les villages ont aussi négocié très tôt leurs relations avec le maître mais sur la base du partage des revenus et d’une justice plus indépendante. Le village fonctionnait avec son ban, la ville devait le créer et constituer son territoire, indispensable à sa survie. Le village pouvait être autonome sans être indépendant, la ville a conjugué les deux caractéristiques. Ces points, et bien d’autres, abordés par la suite avec l’étude des villes, préoccupaient-ils les contemporains, sans doute peu sensibles à ce type de classification ? L’absence de critères définitifs qui permettraient d’établir (à quelle époque ? Où ?) une différenciation entre petites villes et villages, peut, tout au contraire, favoriser la recherche. L’intérêt à cet égard d’une enquête dans l’Oberrhein repose, en effet, sur l’existence d’une nébuleuse de points aux fonctions de centralité très diverses dans leur échelle et leur nature.

    68Les villages ou les communautés rurales offrent, dans le champ de l’historiographie, un mets de choix pour l’historien. On se souvient des perspectives évoquées pour les campagnes en général, avec les grands ruralistes du XIXe siècle. Les enjeux, en ce qui concerne les paysans, touchaient au caractère existentiel du peuple germanique, « originellement » libre et se dotant, lui-même, de règles de fonctionnement. À la suite de Jacob Grimm, les travaux, essentiellement juridiques, ont porté le débat historique sur les origines de ces fameuses communautés rurales « idéalement » organisées. Trois hypothèses ont eu successivement cours. Les origines communautaires remonteraient, soit aux plus anciennes traditions germaniques exprimées par les markgenossenschaften (Georg Ludwig von Maurer88), soit à l’époque franque, avec au cours des siècles suivants une stabilité quasi étemelle de la condition paysanne inaccessible aux évolutions (Otto von Gierke89), soit encore, à des origines échelonnées dans le temps et postérieures au haut Moyen Âge (Karl Theodor von Inama-Stemegg90). La question reste ouverte91. Ces théories des origines ne sont pas nécessairement exclusives du processus précédemment évoqué d’évolution du grand domaine92, de la seigneurie93 et de paysans (encore) libres exploitant des usages en commun94. Il faut préciser l’articulation de ces éléments.

    69Le cadre seigneurial, stricto sensu, comprend la réserve, amenuisée mais exploitée intensément, et des droits exercés sur des tenanciers. Ceux-ci se trouvaient en position de force, nombreux sur des tenures de plus en plus atomisées par la pression démographique mais encore rentables, consolidées par des baux héréditaires et le cumul avec d’autres biens disséminés dans diverses seigneuries. La multiple dépendance ou, pour certaines pièces, la propriété, permettaient aux tenanciers de jouir d’une grande marge de manœuvre. On comprend alors que l’évolution des villages devenant de moins en moins seigneuriaux, et de plus en plus autonomes, sinon indépendants, les droits restent vivaces. Le seigneur choisissait ainsi ses agents parmi les villageois (le maire95, les forestiers, les gardes champêtres, etc.), lesquels géraient les biens du maître et ceux de la communauté en tant que telle. Le communal (allmend), en effet, ou utilisation collective des droits d’usage, l’entretien et la mise à disposition des animaux reproducteurs ont largement contribué à la constitution de communautés villageoises. Celles-ci se trouvaient souvent consolidées quand village et paroisse coïncidaient. La progressive unification de la communauté paroissiale et de celle du village a renforcé le désir d’indépendance de ceux qui se voulaient acteurs de leur organisation et exploitation. L’imbrication complexe, dans un même village, des droits et biens appartenant à plusieurs maîtres a également joué en leur faveur. Le processus s’accéléra d’autant plus que, entre 1250 et 1350, la conjoncture était à l’accroissement des hommes (les maîtres se multiplièrent) et de la richesse (surtout le vignoble).

    70L’angle d’attaque de ces études sur les villages reste essentiellement juridique. Elles passent, en effet, par une analyse rigoureuse des textes de référence dans leur état de conservation finale, sans tenir compte d’un éventuel processus de mise par écrit, mis tout récemment en valeur, en particulier par Werner Rösener. Il y a encore une autre étape à franchir, après l’examen des textes « fondateurs ». Pour saisir le phénomène villageois dans toutes ses acceptions et sa remarquable variété, il faut tenir compte de la nature des exploitations dominantes. Entre les communes rurales plutôt céréalières (gemeinden ou universitates rusticorum) du Kochersberg et celles du vignoble, les différences dépassaient les simples nuances. D’autres sources doivent être aussi mobilisées, hélas peu nombreuses. Les fonds communaux, dont certains déposés aux Archives Départementales, les autres pratiquement inaccessibles, ne contiennent en effet qu’exceptionnellement des pièces antérieures à 1350. Documents perdus ? Documents qui n’ont sans doute jamais existé.

    71Si l’apparition des villages a retenu l’intérêt des historiens, leur disparition96 aussi. Pour l’Oberrhein, on peut considérer que le réseau des villages, dûment pointés dans le Reichslana97 ou identifiés par leur église dans le catalogue d’André Marcel Burg98, constitue une bonne base de travail. La disparition des villages, étudiée99 grâce aux toponymes et aux dernières mentions, plus rarement par recoupement de textes, fait apparaître pour les deux tiers d’entre eux, un phénomène tardif, le plus souvent après 1350. Les critères méthodologiques de ces travaux, cependant, mériteraient d’être revisités, car leur objectif est de déterminer quand est survenu le phénomène de la disparition. La disparition d’un village s’inscrit dans un calendrier en fonction des mentions qui cessent subitement. Et s’il s’agissait non d’un événement100 daté, mais d’un processus dont l’historien suit l’ultime phase ? Une pression déterminante de désertification de certains villages (Wüstung) pourrait, par exemple, avoir été la force attractive des villes et, en conséquence, une redistribution progressive, par à-coups, de l’espace rural autour d’un certain nombre de localités.

    72De quels matériaux dispose l’historien de l’Oberrhein, pour approcher l’histoire villageoise, sous tous ses aspects ? Pour la période 1250-1350, la documentation se réduit à un mince corpus juridique auquel s’ajoutent quelques textes de la pratique. L’inflation documentaire commence réellement après 1350. Dans les matériaux disponibles pour observer le processus de formation des villages, évoluant entre l’administration seigneuriale101 et les règlements de villages, un type de document déjà évoqué, se distinguent tout particulièrement les rapports de droits ou Weistümer. Ils apparaissent en nombre réduit avant 1300 (une dizaine pour toute l’Alsace, trois102 peut-être pour la région considérée) pour se multiplier et atteindre approximativement les trois cents, dans les deux derniers siècles du Moyen Âge. On constate un net déséquilibre, en quantité, avec la Basse-Alsace où ils sont pléthore, et un net décalage chronologique, par rapport aux chartes de franchises du royaume de France ou même de Lorraine103 qui sont plus précoces.

    73Le corpus de référence bien connu des Weistümer, établi par Jacob Grimm104, comprend en réalité tout un ensemble composite de documents qui regroupe des droits domaniaux (hofrechte), des règlements de villages (dorfordnungen), des coutumiers ou rôles de cours seigneuriales (dinghofrödel105) ou des droits d’avoués (vogtrechte). Pour l’auteur de cette entreprise, ces documents expriment l’ancien droit originel du peuple allemand. Bien que combattue dès son époque106, cette position idéologique laisse subsister, aujourd’hui encore, parmi les historiens allemands, des divergences sur la datation du phénomène villageois.

    74Au sens étroit du terme, un Weistum rassemble « des morceaux d’écriture », selon une procédure formellement donnée. À la différence des chartes de franchise, il ne s’agit pas d’un ensemble cohérent, mais d’extraits de droits, obligations, prescriptions, mis en place en des circonstances et des temps parfois fort différents. Plus que de la diplomatique, le Weistum relève de l’archéologie avec ses couches stratigraphiques. Au sens large retenu par Grimm et ses collaborateurs, mais aussi par les historiens actuels107, le Weistum englobe donc un large spectre de sources juridiques concernant le monde rural.

    75Au début de ce siècle, la multiplication des monographies sur le droit domanial a permis de dépasser l’opposition, encore fossilisée dans certains ouvrages, entre le Hofrecht qui serait le code des non-libres et le Landrecht, celui des libres, en faisant valoir l’infinie variété de ces codifications. Les droits domaniaux représentent en fait la mise par écrit d’un long processus évolutif de droits dont la transmission se faisait auparavant oralement. Ce passage de l’oral à l’écrit relève de l’initiative des seigneurs, sous la pression des nouvelles contraintes bouleversant modes d’exploitation et exercice du pouvoir. Le nombre croissant, au XIIe siècle, de ces Hofrechte en Allemagne du Sud concerne essentiellement des abbayes (Marmoutier, Saint-Quirin, Dossenheim, etc.), ou des chapitres cathédraux (Bâle, Strasbourg). La volonté de fixer par écrit les droits coutumiers semble toujours émaner des maîtres, à des fins de protection. Mais se protéger contre qui ? En réalité, les maîtres protégeaient leurs hommes contre leurs propres agents (les avoués), qui se taillaient leurs secteurs de pouvoir avec les revenus correspondants, au détriment des paysans.

    76Si l’initiative de la mise par écrit était seigneuriale, la participation paysanne s’y manifestait de façon indéniable, sinon facile à étudier. Le continuum des droits était assuré par la mémoire des assujettis qui devaient « dire » ou réciter ces droits. L’oralité, quand le rapport de force le permettait, laissait la porte ouverte aux oublis (une redevance, oubliée une année, n’existait plus) ou aux discussions, quand le maître innovait de façon unilatérale. Cette relative flexibilité apparaît nettement dans l’évolution chronologique de ces documents qui reflètent la variation des rapports de force. Les premiers Weistümer ou Hofrechte, très nettement seigneuriaux quant au fond et à la forme (rédigés en latin), se situaient en étroite relation avec les censiers. Aux XIIIe et XIVe siècles, en revanche, l’élément communautaire et villageois prédomine, rédigé en langue vulgaire. La superposition progressive du domaine (où les hommes appartenaient au maître en raison de leurs personnes et/ou de leurs biens) et du village (l’ensemble des habitants et exploitants) s’y dessine lentement. Un dernier point doit être souligné : les actes émanant de la volonté seigneuriale puis, plus tard, de l’accord avec la communauté villageoise, se trouvent conservés dans les archives des maîtres, et donc surtout, dans les établissements ecclésiastiques.

    77Le plus bel exemple, a contrario puisqu’il émane d’un laïc, concerne la cour du comte de Woffenheim108, village disparu près de Sainte-Croix-en-Plaine, au sud de Colmar. Sur l’initiative du comte de Ferrette, furent assemblés, en trente-deux articles, des privilèges et des droits concernant le domaine (ou cour) de Woffenheim. Cette liste de dispositions diverses étonne par son caractère d’organisation aléatoire. L’énumération des articles, apparemment sans cohérence, reflète sans doute la précarité de la situation de la seigneurie au moment de sa rédaction, vers 1220-1236. On observe, de façon générale à cette période, une désarticulation de la seigneurie, qui se manifeste principalement par le décrochage des droits de ban et des biens fonciers (totalement absents du dinghofrödel).

    78Ce document exceptionnel ne doit pas masquer la réelle ignorance de l’historien concernant les villages avant 1300-1350. Leur implantation (et disparition) a été cataloguée et quelques rares textes peuvent être utilisés. Quant au fonctionnement de la communauté villageoise, il ne peut être appréhendé que de façon comparative109 ou rétrospective, par une documentation plus tardive. Restent aussi à prendre en compte des éléments complémentaires, avec la présence éventuelle d’un château ou de murailles, puisque villages et seigneurie partageaient parfois une part d’histoire commune. Ce lien entre le village et la seigneurie pose toute une série de questions au cœur de la problématique des relations entre pouvoirs et terroirs. La codification villageoise ne visait-t-elle pas plus à protéger les droits de la seigneurie contre les abus de ses propres agents que les droits des paysans ? Comment les différents terroirs ont-ils réagi à l’encellulement seigneurial ? Le vignoble y a-t-il participé ou échappé ? Dans l’analyse du vignoble, certains de ces points seront repris. Après avoir évoqué ces différents éléments de l’aménagement des terroirs que sont les axes de circulation, les enclos et les villages, il reste à envisager un dernier phénomène qui contribue aussi à structurer l’espace, le château110.

    79Avant d’entrer plus avant dans ce domaine complexe, et ô combien symbolique, quelques données générales peuvent être rappelées qui fait l’accord des spécialistes111. Les châteaux, les résidences fortifiées ou les mottes castrales, en grand nombre112, correspondaient grosso modo à des zones de peuplement, en plaine ou en montagne. À la différence d’autres régions113, ils ne furent sans doute pas seulement des instruments de colonisation des terres, mais leur caractère attractif a contribué à la transformation de la répartition du peuplement. Le lien village-château, enfin, loin d’être élucidé dans toutes ses dimensions, apparaît cependant avec la coïncidence de leur « apparition » et de leur « disparition ».

    80La complexité des problèmes liés aux châteaux réside dans la multiplicité des approches, et à des périodes historiographiques différentes. Amateurs éclairés, archéologues historiens et non-historiens, historiens de l’art : la parole en castellologie est plurielle ! La documentation la plus utilisée a été celle du terrain, c’est-à-dire ces nombreuses ruines fortement remaniées au fil des siècles, dont l’étude architecturale reste, de ce fait, extrêmement difficile. Largement sous-estimés et méconnus, subsistaient les sites ou les mottes, sans traces apparentes sur le terrain. Leur repérage passe par l’étude des archives, rarement pratiquée par les archéologues et, il est vrai, fastidieux, parce que les trouvailles ne peuvent être qu’aléatoires, du moins avant 1350.

    81Cette lacune a été largement comblée par les travaux complémentaires et critiques, effectués sur le terrain par Joëlle Burnouf, et dans les archives, par Bernhard Metz. L’enquête114 visait à saisir sous tous leurs aspects les mottes castrales, de plaine et de montagne. Le repérage dans le paysage géographique et historique a permis l’élaboration d’un catalogue dont bien des rubriques restent ouvertes : identification, chronologie fine, fonctionnalité. Aucune mention archivistique, pour étonnant que cela puisse paraître, n’existe qui pourrait autoriser la date, même approchée, d’érection de motte. Les toponymes peuvent, eux aussi, se révéler fallacieux. Bernhard Metz attire l’attention, par exemple, sur le terme de bühl, qui signifie motte (relief naturel ou construction), mais qui n’apparaît que quand le château a disparu. Les constructeurs de châteaux gardent également l’anonymat. Or il serait fondamental d’établir si l’origine de l’équipement castrai dans les différents terroirs relevait de la haute noblesse, et/ou de la petite aristocratie issue de la ministérialité. Le château, en effet, tenu par le prince ou ses baillis, par un seigneur ou ses vassaux, inscrivait dans l’espace le pouvoir de commandement, mais assurait aussi les fonctions de grosse exploitation agricole et de centre économique autour d’une ou plusieurs familles115, d’une garnison, d’une administration rudimentaire (artisanat, collecte de redevances, activités résidentielles).

    82La période de plus grande dynamique castrale correspondrait aux Staufen et surtout à l’Interrègne. Les sites de sommet descendirent alors vers le piémont pour se percher sur des éperons rocheux et adopter une architecture plus adaptée aux progrès de la poliorcétique et de l’économie générale. Les mottes de plaine, sans doute beaucoup plus nombreuses que les mottes de relief, semblent se situer près des forêts et des points d’eau. Souvent sur des axes de passage (péage oblige), elles ne coïncidaient pourtant pas avec les villages, même si elles en étaient très proches.

    83Pour mieux connaître ces phénomènes dont l’enjeu reste considérable, il faudrait procéder à des recherches fortes longues dans les archives et pratiquer des fouilles archéologiques systématiques (ce qui est loin d’être le cas actuellement). Une synthèse serait alors possible qui renouvellerait considérablement l’histoire des terroirs et des pouvoirs.

    84En conclusion, on retiendra que pour la période 1250-1350, les matériaux archivistiques se présentent de façon ténue et complexe tout à la fois et que l’historiographie, dans cette région sensible à la germanité et à la francisation, doit être essentiellement prise en compte. Des méthodes d’enquête de disciplines voisines, complémentaires à l’étude du matériel écrit, ont fait leur preuve et pourraient offrir des perspectives nouvelles, surtout l’archéologie, sous toutes ses formes. De multiples types de questions offrent matière à recherches : l’articulation dans le temps des processus d’exploitation des terroirs ou l’organisation dans l’espace des flux et des points de concentration. Une des particularités de l’Oberrhein étudié s’est jouée dans cette dynamique précoce d’un écosystème animé par la viticulture. L’analyse qui va en être faite, permettra, du moins en partie, de répondre à certaines pistes de recherche ici ouvertes.

    La richesse du vignoble

    85Le vignoble rhénan méridional, entre Bâle et Strasbourg, n’a pas manqué, on le sait, de susciter plaisir et recherches, les deux allant de pair. Les historiens ont été nombreux à étudier et à tâter les secrets d’un vignoble qui, au XVe siècle, lors de son extension maximale, couvrait sans doute 30 000 hectares (contre 14 000 de nos jours) de Wissembourg, proche du Palatinat, à Leimen, dans le Sundgau. L’Oberrhein étudié se trouve en plein cœur de ce vignoble.

    86La production historique pléthorique concernant le vin relève tout autant de grands chantiers que de modestes ateliers. Parmi les grands entrepreneurs, si l’on excepte l’œuvre intéressante, mais inutilisable, car sans cotes ni références, d’Auguste Hertzog116, se détache principalement le maître d’œuvre déjà évoqué, Médard Barth117, dont la publication magistrale et érudite précède de peu la grande synthèse de Roger Dion118 pour la France. D’autres chantiers ont été ouverts qui embrassent aussi le vignoble soit côté alsacien soit côté badois, dans le temps et dans l’espace119. À l’échelle des ateliers historiques en revanche, on compte des producteurs très divers dont les enquêtes se limitent à des monographies géographiques ou chronologiques qui concernent plutôt les époques mieux documentées des XIXe et XXe siècles. Viticulteurs érudits, historiens ou archivistes se sont plu à évoquer, traces et preuves à l’appui, les particularités et les saveurs de leurs terroirs. Même si l’on ne retient que ceux qui incluent dans leur enquête la période médiévale, ils couvrent grosso modo les vignobles les plus célèbres, dont Bergheim120, Ribeauvillé121, Riquewihr122, Turckheim123, Colmar124, Rouffach125 et Guebwiller126. La rive droite fait l’objet d’études séparées127, Rhin devenu frontière oblige. Les sources, parcimonieuses avant 1350 comme on le sait, portent essentiellement sur les donations, les échanges, les redevances pendant le haut Moyen Âge, puis les actes de gestion se multiplient, sous forme soit de recensements de biens, soit de règlements de travail de la vigne, soit de contrats.

    Le vignoble et son biotype

    87Le vin était-il une fatalité dans l’Oberrhein ? Les vignobles implantés à certaines époques n’ont pas tous perduré et certains ont muté vers l’élevage, comme dans le Lyonnais, par exemple. La question paraît oiseuse avant de découvrir l’historiographie très particulière des vignobles alsaciens locaux. En effet, les historiens du vin d’Alsace partent le plus souvent de l’hypothèse implicite, ou plutôt de la certitude selon laquelle ce pays, directement apparenté au paradis terrestre, en porte nécessairement les fruits dont le raisin. Lors du chaos diluvien, les animaux, comme on le sait, furent sauvés, mais aussi la vigne par ce même Noé, véritable père du vignoble alsacien largement représenté sur les inscriptions des fûts, pressoirs ou linteaux de portes. Par un raccourci dont l’historiographie est familière, la seconde étape de fécondation de l’Alsace fut assurée par les bienfaits de la civilisation romaine qui introduisit le vin. Autrement dit : au commencement était le vin pour des qualités (quasi divines) intrinsèques à l’Alsace. De façon emblématique, l’origine indigène de la vigne, vitis vinifera silvestris, constituait jusqu’au milieu de ce siècle une thèse des origines très bien acceptée. Cette lambrusque présente, en réalité, des caractères génétiques tels qu’elle ne peut quitter l’espèce vitis silvestris pour entrer dans celle de vitis vinifera128. Plus répandue encore, la thèse de l’origine romaine ou de son adaptation s’est imposée, et même Médard Barth affirme que la vigne a suivi la chronologie et la géographie de la conquête civilisatrice romaine par le sud.

    88Les données archéologiques des dernières décennies permettent d’affirmer au contraire que le vignoble alsacien, même « romain »129, n’a pu se développer que tardivement, et serait même le dernier des vignobles (actuellement) français, selon Roger Dion. De plus, elles prouvent que le vignoble alsacien est d’origine lorraine ou introduit par le nord, depuis le Palatinat par la Moselle. Wissembourg passe pour être le premier vignoble alsacien et son implantation doit son développement au commerce des Frisons. Après la chute de l’Empire romain, ils assuraient le relais des régions nordiques avec Argentoratum, carrefour commercial, qui prit alors le nom de Strasbourg. À ce débouché économique s’ajouta la consommation d’une société chrétienne. Le cénobitisme largement développé dans la région consacra le succès d’un nécessaire vignoble.

    89Pourquoi ce vignoble alsacien est-il donc considéré comme existentiel et quasi identitaire de cette région, en dépit des aléas mortifères de toutes sortes qui n’ont pas manqué de frapper l’Alsace comme le reste de l’Europe ? Pourquoi le vignoble a-t-il été implanté et pourquoi s’est-il maintenu jusqu’à nos jours ?

    90L’intérêt passionné qu’a toujours suscité le vin mérite que l’on se pose la question de savoir ce qu’il était, surtout ce qu’il représentait. Le vin est d’abord le produit d’une société, la nature ne proposant que le raisin. Il faut donc envisager rapidement trois avatars du vin : boisson quotidienne (festive et symbolique), cadeau dans les relations sociales, enfin, expression d’une culture.

    91L’Oberrhein réunissait des conditions écologiques favorables à la venue d’un raisin qui presque130 sans traitement donnait un vin agréable à boire, en tout cas recherché. Au Moyen Âge, en effet, comme on cherchait à cultiver partout la vigne, le vin produit servait, bien souvent, de base à une boisson sucrée, chaude et aromatisée. La qualité des fruits de la vigne dépend de plusieurs facteurs : le climat et l’exposition. Les conditions lithologiques peuvent être considérées comme secondaires dans la mesure où des cépages de qualité peuvent pousser presque partout : sur du granit, du calcaire ou du lœss. Seul le goût du vin, en effet, varie et prend des parfums de silex, de framboise ou d’écorce. Les « avantages décisifs » du vignoble alsacien, selon Etienne Juillard131, reposent sur deux anomalies thermique et pluviométrique à cette latitude132. L’ombre pluviométrique du massif vosgien crée une sorte de microclimat sec (550 mm annuels et même moins dans la région de Colmar) et chaud (plus de 10,3° C annuels). L’exposition sud, sud-est des collines sous-vosgiennes, qui à certains endroits sont très abrupts (Thann, Guebwiller, Turckheim, etc.), permet de maintenir longuement les grappes au soleil. L’ensoleillement d’après-midi et vespéral du piémont vosgien, avec le réchauffement du sol, favorise plus la maturation que celui du matin, prépondérant dans le vignoble badois.

    92Les statistiques climatiques ne protègent cependant pas le vignoble, surtout au Moyen Âge où l’on ne savait pas faire crever préventivement un nuage de grêle, protéger d’un gel annoncé ou traiter la vigne contre les moisissures et bestioles diversement voraces. À partir des chroniques alsaciennes ou d’actes antérieurs plus ou moins contrôlés, Auguste Hertzog133 a collationné les indications climatiques et viticoles. Même en adoptant la plus grande prudence vis-à-vis de ces données, on constate des variations climatiques ou des catastrophes naturelles assez nombreuses. La première décennie134 de la période étudiée, couverte par la chronologie de Hertzog, servira d’exemple. L’origine du chroniqueur, indiquée entre parenthèse détermine la zone d’observation et permet de nuancer l’ampleur des dégâts qui peuvent, en effet, être très localisés :

    931253 : orages de grêle provoquant de gros dégâts (Thann). Bonne année (Strasbourg).

    941254 : violentes tempêtes et dévastations (Thann).

    951255 : automne fructueux (Thann). Beaucoup de raisins non cueillis ou jetés car mauvais (Guebwiller).

    961256 : mauvaise récolte (Colmar).

    971258 : mauvaise année, les raisins immatures dans les corbeilles et les sacs (Colmar, Strasbourg, Guebwiller).

    981259 : bonne année de vin, petits prix (Strasbourg).

    991260 : abondante récolte mais petits prix (Strasbourg).

    1001261 : beaucoup de vin (Strasbourg). Récolte nulle (Colmar).

    1011262 : bonne année (Strasbourg et Thann).

    1021263 : hiver rigoureux, vignes gelées (Thann).

    103Ces indications ne peuvent être utilisées de façon absolue, ni par les historiens qui font une lecture nécessairement critique des chroniqueurs, ni par les scientifiques de la nature qui savent que bien des catastrophes naturelles comme les gelées, grêle ou orages peuvent ne toucher qu’une partie très localisée du vignoble. La générosité d’un terroir n’est pas innée mais acquise, et l’activité permanente de vignerons qualifiés se révèle indispensable à la production d’une boisson agréable.

    104« Le vin est une boisson alcoolisée provenant de la fermentation du raisin ». La définition du dictionnaire n’inclut pas le plaisir de boire, ce n’est pas son rôle. Et pourtant ce goût permet de comprendre qu’il n’existe pas de vin mais des vins. De la boisson quotidienne, piquette ou bon vin, les sources ne parlent guère pour le tout-venant de la société. Buvait-on beaucoup de vin ? En buvait-on à l’exclusion d’autres boissons ? L’historien, cependant, à travers chroniques ou autres textes littéraires, saisit toute l’importance conviviale que le vin prenait sur les tables princières et ecclésiastiques135. L’approvisionnement en vin justifiait tous les échanges, les achats ou même les captations d’héritages de pièces de vigne bien situées.

    105Le vin représente également une boisson participant du sacré. Les besoins liturgiques des abbayes et des paroisses, des cours épiscopales et de tous les fidèles entraînaient une forte demande. Les établissements religieux trop éloignés du vignoble acceptaient des donations, les suscitaient ou de toute façon se procuraient des pièces de vigne dont les revenus (en nature ou en argent) couvraient les besoins du culte, de l’accueil et de l’assistance. Il fallait aussi assouvir la soif des moines et des moniales. Simple besoin alimentaire ou boisson sacrée, le vin se révélait si indispensable que les saints compétents en ces domaines faisaient l’objet d’un culte soutenu, ponctué de processions et de fêtes communautaires. Saint Urbain, dont la fête tombait le 25 mai, était de loin le plus mobilisé dans l’Oberrhein, loin devant saint Morand, plus spécialisé pour le Sundgau.

    106Le rôle anthropologique du vin, enfin, constitue le troisième aspect essentiel et bien connu de ce breuvage. Dons et cadeaux en vin scellaient les relations d’amitié entre les princes et entre grands et petits. Le vin était un produit socialement précieux dont la symbolique particulièrement riche est trop connue pour être développée ici. Les chroniques ou les actes de la pratique abondent d’exemples de cadeaux oenologiques. Le fisc carolingien et les terres impériales formaient un réservoir de cadeaux, de rémunérations en nature et de donations. Pour renouveler et constamment alimenter la cagnotte foncière qui allait s’épuisant au rythme des dons, il fallait confisquer ou saisir, le temps des conquêtes étant révolu. Ces véritables transferts de biens n’ont cessé au cours de toute la période médiévale de produire des actes, dont bon nombre de faux si le besoin s’en faisait sentir. L’entrée en possession de vignes des paysans et des bourgeois des villes intensifia cette dynamique au demeurant fort difficile à saisir précisément par l’historien. Le prestige d’un souverain ou d’un prince se donnait à voir et à boire à sa table. Les villes se plaignaient souvent du vide de leurs caves après avoir hébergé le souverain et toute sa suite, au titre du droit de gîte.

    107La vigne dans l’Oberrhein était traitée à l’instar d’un bien public. Aucune expédition militaire d’envergure n’était entreprise pendant les vendanges. Bien plus, des conflits de longue durée bénéficiaient de trêves pour assurer la récolte. Le principe existait au moins depuis la paix publique (Landfrieden) de 1051, conclue, il est vrai, à l’instigation du pape Léon IX, originaire d’Eguisheim. Il savait de quoi il parlait. Le serment prêté portait aussi sur la protection « éternelle » des vignes et des semences. Pendant le conflit décisif de l’évêque Walter de Geroldseck136 contre les bourgeois de sa ville de Strasbourg et leurs alliés, une trêve fut conclue pour la moisson à partir du 15 juillet et pour la période des vendanges du 9 au 29 septembre 1261137. Chaque parti bénéficiait d’un temps de paix pour « récolter son vin et le mettre en cave là où il veut ». Mais quand les conflits échappaient à toute régulation, les ennemis acharnés s’attaquaient aux biens les plus précieux de leurs adversaires et l’arrachage des vignes passait pour être l’ignominie la plus sauvage. Les annales de Colmar138 rapportent cette velléité du sire de Veldenz, heureusement contré par celui de Ribeaupierre en 1290. Trois années plus tard, Adolphe de Nassau s’attaquait aux vignes de Ribeauvillé. En 1338, la ville de Sélestat ravageait les terres épiscopales. L’histoire alsacienne n’a pas manqué d’actes sauvages et les chroniques les évoquent comme de véritables crimes contre l’humanité.

    108Ces fonctions sociales du vin le rendaient indispensable à la vie politique et à l’exercice du pouvoir. L’Oberrhein constituait une considérable réserve de largesses, de cadeaux, d’obligations à mettre en place, de fêtes au cours desquelles le pouvoir se donnait à voir. Pour répondre à cette demande, comment le vignoble a-t-il été implanté et comment s’est-il développé ? Comment surtout a-t-il « formaté » l’Oberrhein en une région spécifique aux caractères bien particuliers comparés au reste de l’Empire ? En quoi les terroirs consacrés à la vigne ont-ils infléchi l’histoire de la région ?

    109Pour tenter d’apporter quelques éléments de réponse à ces questions, la problématique précédemment mise en place va servir de fil conducteur à une enquête en trois temps. Tout d’abord, dans le processus du passage du grand domaine à la seigneurie, la culture du vin a imposé des contraintes (compensées par de grands avantages) qui ont joué un rôle déterminant sur la géographie historique du vignoble. Dans un deuxième temps seront abordés son mode d’exploitation ou l’art de cultiver la vigne, ainsi que les structures économiques et sociales qu’a pu induire cette culture si spécifique. Enfin, si l’on considère dans un troisième temps le rôle du vignoble dans l’organisation de l’espace, la question d’un véritable écosystème139 se posera, avec l’organisation de l’habitat, l’espace de vie quotidienne et les centres de redistribution : villages, châteaux et villes.

    110L’examen des sources a montré les difficultés à constituer un corpus cohérent et exhaustif. Pour cette question essentielle du vin, omniprésente et pourtant insaisissable, les documents émis dans la région (donations de souverains ou de princes) devraient être, pour une étude systématique, complétés par des sources extérieures, comme les cartulaires des grandes abbayes de l’Europe médiane, susceptibles de posséder des vignes. On doit à Médard Barth une collation remarquable d’actes, élaborée à partir des textes édités. Il reste les nombreuses sources manuscrites qui constituent une banque de données remarquable mais encore virtuelle.

    Géographie et histoire du vignoble

    111L’implantation des vignobles alsaciens et badois, pour l’essentiel, était réalisée dès le IXe siècle140. La chronologie parallèle entre la mise en place du vignoble et le passage, attesté dès cette époque, de la villication à la seigneurie, autorise à établir un lien entre ce mode de culture et les nouveaux types d’exploitation. Le grand domaine (où fonctionnait le système de la villication), dès le VIIIe siècle, recouvrait dans l’Oberrhein une notion complexe. Il ne s’agissait pas toujours, en effet, de vastes emprises agricoles, d’un seul tenant. Les donations d’origine diverse pour les biens ecclésiastiques, les héritages, acquisitions ou conquêtes pour les biens royaux (fisc141) ou princiers, ne permettaient pas nécessairement la constitution d’ensembles homogènes. Mais les grands domaines assuraient moins leur cohérence par la géographie compacte de leurs biens que par la gestion d’un même propriétaire, prince laïque ou ecclésiastique. Leurs besoins, très importants en quantité et qualité, comparés à ceux des particuliers, leur aptitude précoce à maîtriser l’écriture et donc la gestion, et surtout un temps long d’exploitation (hors aléas de successions), leur ont permis de concevoir la rentabilité et les investissements, de perfectionner un savoir-faire et des qualifications et d’assurer la diffusion et la « publicité » du vin.

    112La géographie historique du vignoble142 offre une première approche pour comprendre le processus évolutif des modes d’exploitation. Où et à partir de quelle époque observe-t-on la culture de la vigne ?

    113Dans la base documentaire déjà évoquée, un repérage systématique a permis de situer les mentions de vigne. 235143 localités viticoles ont pu être répertoriées dont 162 sur la rive gauche et 73 sur la rive droite du Rhin. Il est évidemment délicat de déterminer si, dans les premières mentions du VIIIe siècle, un lieu-dit était régulièrement habité et constituait un village. Ce qui paraît important, c’est qu’il le soit devenu rapidement. Un vignoble échappait au contexte villageois (mais si peu, compte tenu de la proximité !) pour desservir le château du Reichenberg144, près de Bergheim. Seuls deux vignobles se trouvaient hors contexte d’habitat : le Bollenberg145 et peut-être Feldkirch146. Mais ces trois exceptions confirment la règle générale : la vigne entretenait avec les sites habités des liens étroits. Dans l’Oberrhein étudié, ces 235 attestations de vignobles (sans oublier que la tradition des actes présente toujours des lacunes) contribuent à l’impression exprimée par Ermold le Noir au IXe siècle d’un vignoble en continu, « c’est le pays du vin ».

    114Si l’on considère la période de mise en place du vignoble, avant son extension systématique et maximale aux XIVe et XVe siècles147, on recense sur la rive alsacienne 162 vignobles, dont 87 sur le piémont, 58 en plaine et 17 en montagne. Sur la rive droite du Rhin, l’ensemble (73) se répartissait entre le Kaiserstuhl ou les collines de piémont de la Forêt-Noire (52), et la plaine (21). Des nuances peuvent être apportées dans la répartition géographique selon que l’on considère l’ensemble de l’Oberrhein étudié ou l’une et l’autre rive.

    avant XIIIe

    Oberrhein

    rive gauche

    rive droite

    piémont

    68 %

    53 %

    71 %

    plaine

    24 %

    35 %

    28 %

    montagne

    7 %

    10 %

    0 %

    115Plusieurs remarques s’imposent à partir de ces indications qui ne représentent bien entendu que des ordres de grandeur : le vignoble occupait, du moins dès les premières mentions documentaires, un espace très largement réparti entre piémont, plaine et même montagne. Les rebords vosgiens ou ceux du Forêt-Noire a priori offraient les conditions optimales d’exposition au soleil et de protection des vents. De part et d’autre du Rhin, les sites pentus attiraient donc la majorité des pièces de vigne. La prépondérance du vignoble sur le piémont de la rive droite s’explique en partie par l’étroitesse de la plaine, inondable de surcroît. Il y était concentré autour du Kaiserstuhl, formant une sorte d’isolat, qui offrait plusieurs avantages : le choix de l’orientation entre les quatre points cardinaux, un ensoleillement maximum et la protection des deux massifs proches. Le reste du vignoble badois s’égrenait vers le sud d’Ebringen, au sud-est de Fribourg jusqu’aux portes de Bâle. Le piémont de la rive gauche formait en revanche une plus large bande continue de vignobles depuis Châtenois jusqu’à Thann. La diversité des dénivelés et des orientations procurait des types de vignobles dont les qualités et les rendements variaient. Soit directement adossée au massif vosgien comme à Guebwiller, soit plus largement répartie sur les collines prévosgiennes comme à Gueberschwihr, la vigne pouvait s’enraciner sur des pentes très raides (40 % de dénivelée sur le rangen de Thann ou à Obermorschwihr) aménagées en terrasses.

    116Plus étonnante pourrait apparaître la proportion non négligeable du vignoble de plaine. Le facteur climatique de la région colmarienne joue ici un rôle essentiel puisque les températures, l’ensoleillement et la protection des vents d’ouest offrent un biotype exceptionnel à cette latitude. Le vignoble de plaine, cependant, dépassait largement le terroir colmarien. Vers le sud, à partir de la ville de Mulhouse, l’approche du Sundgau se manifeste par des petites collines formant aussi rebberg. D’autres facteurs, sur lesquels il faudra revenir, entraient alors en ligne de compte : les domaines du fisc, la proximité des cours d’eau, les routes et le rôle des villes un peu plus tard. Une bonne partie de ce vignoble de plaine se trouvait en effet autour de Marckolsheim, Brisach ou Mulhouse. Pour la rive droite, l’étroitesse de la plaine entre le Rhin et la Forêt Noire formait une bande viticole assez resserrée, avec une voie de circulation le long du Rhin jalonnée de villages et de villes.

    117Quant aux sites « de montagne », tout est relatif ! Il s’agit surtout de vallées encaissées ou très boisées comme le vallon de Thannenkirch près de Bergheim, le val d’Orbey et Lapoutroie, la vallée de Munster (bien qu’Hohrodberg, à 750 m d’altitude, bénéficie, aux premiers soleils, d’une température toute méridionale), le vallon de Guebwiller avec Murbach et Lautenbach, Saint-Amarin. La présence de vigne d’altitude avec un ensoleillement ténu n’a rien d’exceptionnel à la période médiévale pendant laquelle on cherchait à produire du vin partout ou presque. Pour une étude très fine, il faudrait sans aucun doute reclasser dans le piémont certaines pièces dont on aurait une connaissance plus précise notamment en ce qui concerne l’environnement forestier. Une pièce de vigne en clairière ne bénéficiait pas d’un ensoleillement maximum mais se trouvait en revanche mieux protégée des vents et des gelées. Nul doute que son rendement n’atteignait pas celui d’une pièce plus aérée et plus chaude. Or on ne connaît de façon précise que les défrichements définitifs jouxtant les pièces en culture comme il en sera question plus loin.

    118L’implantation géographique du vignoble, telle qu’elle peut être observée sur la carte, procède-t-elle d’une longue histoire ou au contraire d’une implantation accélérée ? Un repérage systématique des premières mentions de tous les sites viticoles permet deux constats dans l’état actuel de la recherche.

    119Les premières traces documentaires concernent les donations de vignes dans les premières décennies du VIIIe siècle. Des plants dignes d’être offerts et donc fructueux nécessitaient une mise en exploitation bien antérieure. Cette remarque se trouve confortée par le fait que les meilleurs vignobles (autour de Ribeauvillé, Rouffach ou Thann) sont aussi les plus précoces. Les sélections des plants et des terroirs nécessitent un petit temps d’expérience. Pour la rive droite, le cartulaire de Saint-Gall148 porte mention de donations à partir de 716-720 à Ebringen et Pfaffenweiler, deux localités sur les premiers escarpements de la Forêt-Noire, au sud-ouest du futur Fribourg. Premier et unique vignoble à cette époque ? Peut-être. En revanche et dans le même temps, la rive gauche du Rhin offrait de nombreux vignobles répartis entre plusieurs sites : près de Ribeauvillé, le long du piémont (Sigolsheim, Bergheim, Zellenberg), puis plus au sud, également sur le piémont, entre Colmar et Guebwiller (Hattstatt, Obermorschwihr, Gueberschwihr), Bergoltz-Zell149 (près de Murbach), enfin en plaine près du futur Mulhouse (Illzach, Lutterbach et Modenheim). On observera pour ces vignes la précocité conjuguée à la longévité, puisque pour ces sites précoces, les localités pourront disparaître mais non les vignobles. Cette haute période fournit des éléments distendus dont il serait par trop hasardeux de tirer des conclusions définitives et générales.

    120La seconde moitié du VIIIe siècle voit en revanche se multiplier les actes, tant pour la rive droite (28 occurrences) que pour la gauche (36). Ces chiffres n’ont bien sûr qu’une fonction indicative. Les vignobles exploités dès le début du siècle continuaient à l’être en s’élargissant, mais beaucoup de vignes de plaine firent aussi l’objet de donations ou de transactions, uniquement du côté alsacien. Ce fut incontestablement la grande époque de la dévolution des meilleurs terroirs pour la production du précieux breuvage. Le plus bel exemple de constitution de domaines viticoles par la faveur de souverains vis-à-vis d’établissements ecclésiastiques appartient à la série d’actes150 de 768 à 777, mettant en scène de grands donateurs, Pépin puis Charlemagne et un non moins grand bénéficiaire, Fulrad, archichapelain et abbé de Saint-Denis151, lui-même originaire d’une famille noble alsacienne. Avant de nous attacher à l’examen de la qualité des protagonistes, voyons les domaines ainsi constitués.

    121Le premier acte conservé (768) confirme des possessions de nature complémentaire (« terres, maisons, bâtiments d’exploitation, esclaves, vignes, forêts, champs, pâturages »152, etc.) dans le piémont viticole à Ribeauvillé et Orschwihr153, et dans la plaine, à l’est de Colmar, à Andolsheim et à Sundhofen, plus au nord, à un noeud de passages, Guémar, enfin Grussenheim, au sud-ouest de Marckolsheim. Dans son testament de 777154, Fulrad mentionna, outre ces biens, Bennwihr tout proche de Sigolsheim. Les vignes figuraient toujours avec d’autres types de biens, mais en place privilégiée. On peut donc, sans grand risque d’erreur, constater que le vignoble occupait très largement l’espace depuis les montagnes jusqu’au Rhin. Son mode d’exploitation et sa qualité, variaient, comme l’on s’en doute, selon qu’il s’agissait du piémont ou de la plaine.

    122Outre cette belle série, les autres actes de cette période-clef de la seconde moitié du VIIIe siècle confirment une implantation très large, même si la majeure partie des vignes couvrait les pentes du piémont ou des collines des Vosges et de la Forêt-Noire. En 768, Sigfrid cèda à son fils Altmann ses biens avec des vignes155, répartis dans le piémont (Bergheim, Altheim156, Ribeauvillé) et, dans la plaine, tout proches du Rhin (Fessenheim, Obersaasheim), entre routes et fleuve (Dessenheim), sur l’axe Colmar-Mulhouse (Dinzheim157, Oberhergheim, Ensisheim). Sur la rive droite, les contre-forts de la Forêt-Noire se couvrirent à la même époque de nombreux vignobles depuis Kenzingen (au nord du Kaiserstuhl) jusqu’à Mullheim158. Plusieurs mentions renvoient à des vignobles du piémont au sud de Fribourg, l’actuelle route du vin badois : Wittnau, Mertzhausen, Sölden. Un autre ensemble se développait dans les doux vallonnements de la Dreisam et de la Glotter à l’est du Kaiserstuhl (Buchheim) ou Tiengen sur le Tüniberg, dernière colline avant le Rhin. Le vignoble de plaine ne manquait pas de faire aussi l’objet de donations : Biengen, déjà cité comme première mention de vigne sur la rive droite, Hausen159 dans le codex de l’abbaye de Lorsch, plus au sud Hugelheim (malgré son nom évoquant une colline), Mullheim ou, aux portes du futur Fribourg, Schallstadt. La documentation (est-ce le hasard ?) n’offre pour cette période aucun exemple d’ensembles de pièces formant domaines comme sur la rive gauche. Il est vrai que le vignoble en bande qui suivait la montagne apparaît nettement plus étroit que le piémont alsacien. Les distances entre vignes non recentrées pouvaient y être considérables. Une autre remarque concernant la rive droite peut également être formulée. Le Kaiserstuhl, « biotope » particulièrement favorable pour le vignoble par son relief, son orientation et son sol fertile, apparaît plus précocement dans les sources que la plaine ou les collines du Brisgau. Burckheim, toutefois, n’apparaît qu’au XIe siècle. Les difficultés d’élevage de la vigne sur ces versants relativement abrupts ne se révélaient pourtant pas plus insurmontables que sur la rive gauche à Thann ou Niedermorschwihr et nécessitaient des travaux d’aménagement auxquels les abbayes pouvaient faire face.

    123L’essentiel du vignoble étant en place, les donations et autres actes ultérieurs, du IXe au XIIe siècle, ne contribuent pas à une progression importante160 mais plutôt à un aménagement aux marges. La toponymie permet, en effet, de repérer un certain nombre de défrichements et d’extension du vignoble au détriment de la forêt proche, sous l’action du nouvel élan monastique des Cisterciens de Pairis, Lucelle ou Tennenbach contre les « déserts ». Le dernier essor pour atteindre l’extension maximale du vignoble se manifestera à partir du XIVe siècle, en relation avec le monde citadin161. Les consommateurs nombreux, les marchands mieux outillés, les nouveaux couvents d’Augustins et de Mendiants (surtout à Fribourg et Colmar), ou encore les institutions municipales d’assistance, stimulèrent le vignoble jusqu’à le fragiliser grandement en perturbant l’écosystème dans lequel son développement s’était inscrit, il faudra y revenir.

    124L’évocation des agents d’extension du vignoble permet de passer de l’examen de la topographie dudit vignoble à ses propriétaires et/ou exploitants. Après avoir vu où et quand se développèrent les vignes, il faut s’intéresser à ceux qui en assurèrent la promotion.

    125D’entrée de jeu un problème fondamental concernant la propriété doit être posé : l’existence des alleux entraîne le silence des sources. Ces terres libres de toute sujétion ne suscitent pas la production d’archives destinées à les encadrer. Insaisissables au moment de la constitution du vignoble, les alleux découverts indirectement dans la toponymie ou à l’occasion de donations, ventes ou échanges, constituaient une part de l’ensemble des vignes cultivées impossible à apprécier. Médard Barth cite162 à ce sujet l’exemple de Guebwiller. Avant l’existence de Murbach se développèrent, sur les deux flancs opposés de la montagne à l’entrée du futur Guebwiller, des vignes formant un ensemble considérable pour lequel les propriétaires s’acquittaient de deux redevances non attestées ailleurs et fort minimes (Gefurstwein et Wartwein). Barth tire argument de ces deux spécificités pour conclure qu’elles attestent d’une situation particulière des exploitants de ces vignes à savoir la liberté fort ancienne, établie lors des défrichements à l’époque romaine. Pourquoi pas ? Pour l’autre rive du Rhin, Karl Müller163 argumente de son côté en considérant que les donations du VIIIe siècle n’auraient jamais eu cette ampleur s’il n’avait existé un nombre considérable de propriétaires indépendants, libres de disposer de leurs biens. Si les alleux ont existé, pendant combien de temps ont-ils subsisté ? Les alleux « durables » représentaient-ils une proportion importante du vignoble ? Les réponses proposées par ces différents historiens ne concernent que des terroirs précis pour lesquels la documentation existe. Pour les autres, les actes n’apportent aucun élément décisif direct. Les alleux, du moins dans leur existence sinon dans leur importance chiffrée, peuvent être cependant attestés de façon indirecte. Leur influence sur les conditions du travail de la vigne joua un rôle déterminant dans le passage de l’exploitation du domaine à celle de la seigneurie parce qu’il mitait en quelque sorte le vignoble. Le rapprochement topographique de pièces exploitées en toute liberté et de pièces sous tutelle, tout comme, pour le même exploitant, le revenu différent de son travail sur des vignes soumises à un régime juridique différent, poussèrent à une certaine uniformisation favorable au savoir-faire.

    126La première documentation, celle des VIIIe et IXe siècles, émane pour l’immense majorité, on le sait, des souverains et des établissements ecclésiastiques. L'impression que donne le vignoble de cette période est d’appartenir au fisc164, aux grandes abbayes, aux chapitres ou aux diocèses165. De façon transitoire du moins, puisque les actes attestent du transfert des pièces de vigne d’un propriétaire à un autre. Le fisc constituait indéniablement une immense réserve liée à la conquête franque, mais qui va progressivement en s’amenuisant pour fidéliser et dédommager les serviteurs du pouvoir. C’est ainsi que, dans le cadre du duché d’Alsace, les puissantes familles locales prirent le relais du pouvoir royal dans la mise en place d’un réseau d’abbayes familiales privées et dotées de vignes entre autres biens166. Les abbayes bénéficiaires des largesses des souverains et des grands (Murbach, Hohenbourg, Masevaux, Ebersmünster, Saint Trudpert, etc.), auxquelles s’ajoutaient celles des simples fidèles soucieux de leur salut, accomplissaient le chemin inverse et grossissaient leur patrimoine. Ces truismes se vérifient dans l’Oberrhein, avec le correctif cependant de la nécessaire abondance des alleux pour expliquer la constitution par les établissements ecclésiastiques de possessions foncières exceptionnelles.

    127L’examen de la carte167 permet de constater que, dans la région étudiée, dès le VIIIe siècle, sont possessionnés huit diocèses et quatre-vingt-quatorze établissements religieux. On rencontre tous les évêchés du cœur de l’Europe d’alors : dans l’ordre décroissant du nombre des occurrences, Strasbourg et Bâle168 (proximité oblige), puis Constance et Coire169, enfin pour le Nord Spire170, Worms, Mayence et Würtzburg. Les chapitres, les évêques méridionaux (Besançon pourtant proche) ou occidentaux (Metz), ne semblent pourtant pas avoir développé d’emprise viticole, à l’inverse des abbayes de ces régions, très présentes. Participant de cette même dynamique, dès leur fondation, les grands chapitres171 et les maisons religieuses de l’Oberrhein, particulièrement nombreux dans les capitales épiscopales de la région, apparaissent aussi dans les actes : pour Strasbourg, Saint-Pierre-le-Jeune, Saint-Thomas et Saint-Marc ; pour Bâle, Saint-Leonhard, Klingenthal172, Sainte-Claire (Sankt Klara), Saint-Pierre, Saint-Alban, Sainte-Marie-Madeleine (Maria Magdalena), enfin les Dominicains.

    128Quant aux abbayes173, leurs possessions en vigne coïncidaient de si près avec leur fondation que l’on peut considérer que l’approvisionnement en vin passait pour une condition sine qua non. Pour certains établissements, il s’agissait d’une recherche de vin de qualité et de luxe. L’abbaye de Saint-Denis recherchait à Ribeauvillé ou Bennwihr une qualité de vin jugée exceptionnelle, qualité qu’elle ne trouvait pas dans les coteaux viticoles plus proches de l’abbaye-mère. Le coût du transport se trouvait compensé par l’excellence du produit. Et si la donation comprenait également toute la vallée de la Lièpvrette, la raison en était qu’il fallait assurer le passage en toute sécurité174. L’itinéraire suivi jusqu’à Paris comportait sans doute des ruptures de charge : voies terrestres pour passer les Vosges puis embarquement sur la Meurthe jusqu’à Saint-Nicolas-de-Port, de nouveau transbordement pour traverser la Lorraine méridionale et atteindre la Marne. Pour des transports ouest-est, préférait-on la seule voie terrestre ou essayait-on d’utiliser les tronçons de rivières ? Pour d’autres maisons, leur situation géographique (septentrionale ou d’altitude) ne leur permettant pas de produire sur place, la recherche d’autres vignobles s’avérait sinon existentielle, du moins indispensable. Puisqu’il s’agissait alors de besoins au quotidien, l’éloignement constituait un handicap compréhensible. C’est pourquoi il a paru intéressant de cartographier175 la constellation des abbayes présentes dans l’Oberrhein. N’y figurent, en raison de l’échelle, que celles qui possédaient plusieurs pièces de vigne et les principaux établissements autochtones.

    129D’autres raisons expliquent la présence (ou l’absence) des abbayes. Si l’on considère que les donations émanaient pour une grande part des simples fidèles, la géographie des pièces de vigne offertes correspondait à l'aura des communautés religieuses. Peut-on aussi émettre l’hypothèse d’un phénomène de mimétisme ou de stimulation qui veut que les établissements bien dotés dans un terroir attiraient d’autant plus les largesses qu’ils faisaient partie du paysage, au sens littéral du terme ?

    130Ces différents éléments permettent de comprendre certaines logiques dans ce puzzle extraordinaire des vignobles. On peut distinguer trois cercles concentriques : les abbayes lointaines (distantes de plus de cent kilomètres), les abbayes aux marges de la région et les abbayes autochtones.

    131En ce qui concerne les abbayes lointaines, le cas de l’abbaye de Saint-Denis a été suffisamment évoqué pour qu’il ne soit pas nécessaire d’y revenir, sauf pour préciser que l’origine lotharingienne de Fulrad n’est évidemment pas étrangère à la donation de ces vignobles connus et appréciés du bénéficiaire. Trop septentrionales pour assurer leur propre production, les abbayes de Lorsch et Fulda s’approvisionnaient aussi, dès le VIIIe siècle, dans les meilleurs terroirs des vignobles de la région de l’Oberrhein. Pour Fulda, la documentation conservée, sans aucun doute lacunaire, mentionne deux vignobles de plaine (Diebolsheim176, près de Marckolsheim, et Ostheim177, à l’est de Ribeauvillé) et trois autres dans les meilleurs terroirs du piémont (Ingersheim178, Kientzheim179 et Sigolsheim180), tous sur la rive gauche du Rhin, où l’abbaye faisait récolter et expédier son vin. Fulda possédait beaucoup plus de vignes dans le nord de l’Alsace, ce qui, géographiquement, peut s’expliquer. Lorsch en revanche ne semble possessionnée que sur la rive droite (elle fait l’objet de près de quarante occurrences), essentiellement dans les vignobles les plus anciens et les meilleurs de Biengen et Müllheim, premiers rebords le long du Rhin, Kandern ou Staufen, piémont de la Forêt-Noire ou dans une petite plaine réputée entre le Kaiserstuhl et Fribourg, Buchheim ou Neuershausen. Ce cantonnement sur une rive pour l’une et l’autre abbaye est-il dû au prisme des sources ? Les liens de fraternité ou de relations entre abbayes joueraient-ils sur les donateurs et, le cas échéant, comment ? Les possessions auraient-elles, dès le IXe siècle, été remaniées pour une gestion plus cohérente ? Ce dernier point sera précisé par la suite. On retiendra cependant que si les possessions d’abbayes prestigieuses et lointaines contribuaient à la renommée de ce vignoble, elles sont fort peu nombreuses (trois seulement). L’exploitation à distance et les aléas d’un transport pour un vin certes excellent mais fragile (la vinification reste sommaire) pourraient expliquer ce nombre très restreint d’établissements lointains. Une nuance doit être introduite : il est vraisemblable que ces établissements ont été dotés, mais qu’ils ont procédé rapidement à des échanges ou à des transactions pour garder les pièces faciles à exploiter, comme la documentation permettra de l’observer à partir des Xe-XIe siècles.

    132La majeure partie des abbayes se trouvait, cependant, dans un cercle de plus grande proximité, aux marges de la région étudiée, ce qui, on le sait, correspond à une très forte densité monastique liée aux sites primitifs favorables (forêts, montagnes) et aux conquêtes royales (fisc important). Plusieurs observations générales concernant cet ensemble peuvent être formulées. Tout d’abord, le nombre d’abbayes possessionnées sur la rive gauche l’emporte de beaucoup sur celui de la rive droite. D’autre part, si le vignoble alsacien attire les abbayes de tous horizons, le vignoble de l’autre rive, lui, se contente des établissements ecclésiastiques de l’Est, de la Forêt-Noire et de l’espace préalpin de la future Suisse. La chronologie enfin de ces possessions, dans l’ensemble, est fort ancienne, et l’implantation de ces propriétaires extérieurs à la région correspond à la mise en place du vignoble. Elle est donc constitutive de ces terroirs.

    133Enfin, en ce qui concerne le cercle plus étroit des abbayes autochtones, elles aussi fortement possessionnées, les alsaciennes restaient sur leur rive alors que les badoises complétaient leur production par des pièces mieux situées sur la rive gauche181. Les établissements fort nombreux fondés en Forêt-Noire ne pouvaient cultiver sur place la vigne, et n’avaient qu’un accès difficile aux meilleurs terroirs.

    134La répartition géographique des abbayes ne constitue qu’une première approche qu’il convient de compléter par leur importance, c’est-à-dire leur efficience dans l’évolution du vignoble.

    135Dans la constellation des établissements ecclésiastiques possédant des vignes, certains s’imposaient par leur omniprésence. Ils ont colonisé le vignoble en plusieurs vagues chronologiques successives. Il s’agit d’une petite vingtaine182 d’abbayes dont on connaît les possessions par leurs propres fonds ou que l’on rencontre fréquemment citées comme confronts : telle pièce de vigne à côté de Munster « im Gregoriental », de Sainte-Croix183 ou des « dames d’Unterlinden », etc. Agrès les plus anciennes maisons bénédictines (Murbach, Munster, Saint-Biaise184, Saint-Gall) ou clunisiennes (Saint-Alban), après les évêchés (Strasbourg, Bâle) ou les chapitres, se développèrent les abbayes cisterciennes (Lucelle185, Pairis186) et celles des Augustins (Marbach), enfin les établissements des ordres urbains (Unterlinden de Colmar, Sainte-Claire de Bâle, etc.).

    136Certaines communautés religieuses formaient un groupe intermédiaire de propriétaires moins possessionnés mais judicieusement situés dans les meilleures parties du vignoble. Au premier rang et parmi les plus anciennes, les abbayes lorraines se virent très tôt dotées de part et d’autre des Vosges selon le processus déjà évoqué : donation royale ou donation de familles nobles et d’évêques. Le corpus concernant la région étudiée comprend les abbayes (royales) vosgiennes de Saint-Dié187, Moyenmoutier188, Etival189 et Remiremont190, auxquelles Luxeuil191 pourrait être rattachée192. Il s’agit, et ce ne peut être un hasard, des meilleurs terroirs. Peu nombreux mais actifs apparurent dès le début du XIIe siècle les Cisterciens à Salem193 et à Lieu-Croissant194 (Lucelle et Pairis ayant déjà été cités parmi les propriétaires les plus lotis). Leurs vignes se situaient pour la plupart dans des vignobles déjà connus. Les ont-ils élargis par défrichement195, en grignotant la forêt proche ? Les ont-ils reçus déjà « vêtus » ? Si dans le groupe des plus possessionnés se trouvaient certains couvents urbains, bien d’autres, plus modestes (du moins dans notre corpus), exploitaient de bons plants : Saint-Martin, l’hôpital et les Johannites de Colmar, les Dominicains de Guebwiller, les Franciscains et la paroisse de Rouffach, Saint-Étienne, les Teutoniques, les Johannites et les Augustins de Mulhouse, Saint-Pierre de Bâle, Marienau près de Brisach, Allerheiligen de Schaffhouse. Des abbayes de campagne, anciennes ou récentes, participaient aussi de ce grand puzzle : les Bénédictins de Lautenbach, l’Oelenberg (ouest de Mulhouse) ou les Augustins de Goldbach, Schönenwerd près de Soleure ou Munster-Grandfeld dans le Jura, Saint-Pierre ou Saint-Trudpert en Forêt-Noire.

    137Enfin, pour les nombreux établissements modestement possessionnés, la répartition géographique de leurs pièces de vigne relevait de la logique de proximité et de la facilité du transport déjà évoquée. En effet, la géographie des familles religieuses ne coïncidait pas avec celle de leurs possessions. Les maisons réformées formaient souvent des ensembles de relative proximité sans que leurs possessions « lointaines » en vignes ne se côtoient pour autant. Les abbayes de Reichenau et Einsiedeln196 exploitaient des vignes sur la rive droite alors que Muri197 étendait ses possessions sur les deux rives. Réformées par Hirsau, Alspach et Saint-Marc198 semblent n’avoir rien possédé au-delà du Rhin, tout comme Petershausen ou Weingarten, modestement implantés sur la seule rive droite. Pour les établissements prestigieux apparemment peu possessionnés dans la région étudiée, deux hypothèses (sans compter l’étemel problème des sources) peuvent être formulées. D’une part, ils avaient recentré leurs domaines avant d’être saisis par la documentation. D’autre part, les vins des pentes bien ensoleillées autour du lac de Constance (Seewein) présentaient des atouts de proximité, de qualité et de quantité suffisantes pour l’ordinaire. Les vins plus lointains recherchés pour leur renommée approvisionnaient les tables des jours de grande fête. Sur la rive droite, la majorité des petits possédants venait de la Forêt-Noire : Sankt Märgen, Günstertal, Waldkirch, Saint-Georges (Sankt Georgen), etc.

    138La liste, jamais exhaustive, des propriétaires ecclésiastiques, et la datation peu sûre de leurs possessions, n’offrent d’intérêt que si l’on considère la double dynamique apparemment antinomique qu’elles induisent. Par le jeu de l’avouerie (sauf, en principe, les Cisterciens) puis de l’inféodation, l’Église s’est, d’une part, désinvestie au profit des grandes familles nobles puis urbaines. Puis elle a, d’autre part, tenté de conserver et de gérer ses vignes. Enfin, pour des nécessités économiques, elle a remodelé ce puzzle de départ (si tant est que l’on puisse déterminer un départ).

    139Le passage des biens ecclésiastiques aux avoués ne constitue que le début d’un processus circulaire dans la mesure où bien des nobles, qui avaient oublié leur fonction d’avoué à leur profit, dotèrent à leur tour des églises. C’est d’ailleurs précisément à ce moment que les actes les saisissent. Ces allers-retours de biens ou de droits (les dîmes et les inféodations par exemple) entre les nobles et l’Église revêtaient des formes juridiques très complexes. Pour ne pas faire digression par rapport à la problématique annoncée, quelques exemples suffiront. En 796, un certain Folkmar fit don à Murbach de vignes à Berrwiller199. En 1280, l’abbé Bertold céda l’ensemble de la dîme en vin dudit Berrwiller à Eberhard von Waldner200. Quatre siècles ne sont pas toujours nécessaires pour assurer ces transferts souvent liés aux difficultés économiques des établissements à partir des XIIIe et XIVe siècles. Tout à fait emblématique apparaît cet acte de 1360201 mettant en scène plusieurs épisodes dans le même document. L’écuyer Pierre de Herrenkheim de Colmar, reconnaît avoir (re)cédé à l’abbé Otton et à son abbaye de Munster des vignes près de Turckheim en échange d’autres vignes « qu’il tenait d’eux » à Ingersheim. Puis il a de nouveau reçu ces vignes en fief de l’abbé qui se réservait le droit de reprendre ce fief.

    140Murbach, mais aussi l’évêque de Strasbourg, abandonnèrent sous la forme la plus lucrative possible des ensembles de vignes considérables. En 1306, Burchard, de la célèbre famille Zorn de Strasbourg, tenait en fief de l’évêque un domaine de plus de cent schatz au lieu dit nuwe berg202. La nature des sources ne permet qu’exceptionnellement de retracer la généalogie d’une pièce de vigne. Grâce au censier de 1303 des Habsbourg, déjà évoqué, on dispose des mentions de tous leurs droits et revenus, mais sans en connaître l’origine. D’après les études de Georges Bischoff, l’avouerie de Murbach leur fut fort lucrative. On voit que l’abandon (relatif) des terres ecclésiastiques complétait bien souvent les domaines des grandes familles. Autour de Ribeauvillé, dans la quintessence du vignoble (Kientzheim, Ribeauvillé, Riquewihr, Sigolsheim), se trouvaient les Ribeaupierre, les Hattstatt, les Habsbourg et les Ferrette. Plus au sud, dans d’excellents terroirs près de Rouffach, les Hattstatt encore, les Loubegasse, les Ferrette aussi.

    141L’Église n’a cédé que par nécessité, car, jusqu’au XIVe siècle, elle a pour l’essentiel géré elle-même ses terres. Ce point doit être examiné de près car il était lourd de conséquences pour une telle densité d’établissements dans un si petit espace. Si les grands domaines d’un seul tenant (provenant du fisc par exemple) ont pu exister au VIIe siècle et quelque peu perdurer, comme l’attestent les toponymes (bunde, Weingarten, etc.), la tendance était plutôt à l’effritement et à l’éparpillement des donations. On observe alors, dès le IXe siècle, des tentatives de regroupement des pièces de vigne. Rien de systématique cependant ne fut entrepris et ces opérations prirent plusieurs siècles. Si la dispersion représentait un handicap de gestion, la répartition, en revanche, offrait des avantages certains. Les terres, les expositions, les reliefs ne présentent jamais des atouts équivalents. La preuve peut être fournie, s’il en était besoin, par l’extraordinaire abondance de termes désignant des espaces, souvent de superficie minime : le cadastre203 ne comporte, pour les zones viticoles de Sigolsheim par exemple, pas moins de cinquante-six toponymes évoquant les passages (bosspfad, diefenweg, berggasse, mühlstieg), soit des domaines (frauenkirchgüter, pflänzer204, altenberg), soit des modes d’exploitation (frächelhag, mammert ou mannwerk, rodelsberg). Même si l’intégralité des toponymes, (et ce serait à prouver), ne provient pas de la période médiévale, ils sont nombreux dans ce cas. Dans les censiers de Marbach (1433 et 1487), plus d’une vingtaine de lieux-dits s’avèrent nécessaires pour situer avec exactitude les pièces. Un repérage aussi fin dans l’espace ne peut se comprendre que par la personnalité de chaque terroir et même de chaque pièce. Un autre atout de la dispersion dans l’espace tient à la répartition, du coup, des risques climatiques : une grêle ou un orage peuvent ravager quelques ares et laisser parfaitement intactes les pièces voisines.

    142Les établissements ecclésiastiques procédaient à des échanges, à des ventes ou à des achats, sans que la nature juridique des actes et la réalité des transactions puissent toujours être établies clairement. Si la majeure partie des documents conservés date des XIIIe et XIVe siècles, ce qui n’a rien de surprenant dans le contexte général de réaménagement des terroirs, le phénomène d’organisation par regroupement des parcelles est attesté depuis le IXe siècle. L’évêque de Coire, par exemple, bien implanté dans le vignoble entre Sélestat et Colmar, a cédé en 881 « par voie d’échange » au célèbre chancelier impérial Liutward de Verceil des biens, dont des vignes à Wintzenheim, avec les personnes y attachées. Curieusement, au milieu du Xe siècle, l’évêque de Coire possédait205 toujours ces biens ! S’agissait-il d’une mise à disposition temporaire pour en tirer les revenus ? De biens laissés à l’abandon206 et récupérés par le donateur ? C’est un véritable échange, en revanche, auquel procédèrent en 1226 le chapitre Saint-Thomas de Strasbourg et l’abbaye de Lucelle207. Cette dernière put alors agrandir sa cour (hof) sise à Obermorschwihr, de huit schatz qui se trouvaient « à côté ». Il s’agit ici à l’évidence d’un regroupement de parcelles. En sus de ces pièces, Lucelle en reçut d’autres dans un clos (Rebegarte) avec Saint-Thomas, sans doute d’excellentes vignes. Avec quelles parcelles se fit l’échange, au profit cette fois du chapitre ? La liste des emplacements des quatre schatz reçus en échange laisse à penser qu’ils se trouvaient dispersés, mais ils complétaient peut-être des ensembles déjà constitués.

    143Un autre exemple de constitution de terroirs cohérents nous est offert par l’opération d’envergure menée en 1270 entre le couvent Saint-Marc208 de Strasbourg et Henri, administrateur209 (burggraf) de Soultzmatt210. Deux cent quatorze schatz de vignes à Rouffach et Pfaffenheim furent laissés par le couvent « parce qu’ils n’étaient pas commodes » (ungelegen), en échange de biens tout proches de Strasbourg, à Königshofen. En 1325, les couvents d’Unterlinden (Dominicaines de Colmar) et de Schwarzenthann (Augustines211) procédèrent aussi à un échange. À l’intérieur du terroir viticole de Rouffach, dix-sept schatz de vignes furent donnés à Unterlinden contre douze schatz bien situés in den bunden212. Dans la mesure où l’acte indique l’inféodation récente de quinze schatz (sur les dix-sept) à des bourgeois de Rouffach, l’hypothèse d’un échange pour améliorer la gestion difficile du couvent se vérifie. Loin d’être exceptionnel, ce type de transaction se multiplie au XIVe siècle.

    144Le simple échange, tel qu’il apparaît du moins dans la documentation conservée, intervenait le plus souvent entre établissements religieux. En 1319, l’abbaye de Pairis céda à celle de Munster des pièces situées à Ribeauvillé en échange de la libération d’une redevance assise sur une exploitation de Buchs213. Ce n’est pas le cas pour les achats et les ventes où, en sus des ecclésiastiques, les laïcs pouvaient être intéressés. Au moment où, contraints et forcés par la baisse de leurs revenus, les abbayes ou chapitres mettaient sur le marché des pièces de vigne, les citadins (comme nous le verrons plus avant) ou les nobles qui montaient en puissance, se portaient acquéreurs. Quand les abbayes se portaient économiquement bien, elles achetaient, et cher : Lucelle, en 1291, fit l’acquisition, pour la coquette somme de 290 marcs d’argent, auprès de l’abbesse de Saint-Felix et Regula (à Zurich), d’un ensemble de vignes et de champs à Kientzheim214. Lucelle faisait ainsi fi des remontrances sévères de plusieurs chapitres généraux qui, au début du même XIIIe siècle, avaient vitupéré le morbus acquirendi215. André Chèvre a établi que Lucelle avait dépensé 800 marcs d’argent, pendant les trois ou quatre années du début du XIIIe siècle, profitant des ventes ou des cessions massives de Murbach en quasifaillite. Unterlinden, à la fin du XIIIe siècle, procéda à une série d’achats, à Eguisheim (in campo dicto Talacher)216, à Riquewihr217, à Meiwihr218 et à Ammerschwihr219. Ce couvent des « dames d’Unterlinden » semble avoir, également, bénéficié de conditions favorables d’exploitation et d’installation, comme des exemptions de taxes de la part des villes220. Les laïcs aussi, quand ils en avaient les moyens, profitaient des occasions pour arrondir leur patrimoine. Les bourgeois bâlois, nous y reviendrons, s’intéressaient tout particulièrement aux vignes de Rouffach ou de Thann. Burchard zum Rosen acheta, en 1296, des pièces sur le très réputé rangen, piémont de Thann221.

    145Ces remuements de propriétaires suscitaient (et c’était sans doute l’un des buts de ces opérations souvent délicates) des modifications dans les modes d’exploitation. Pour mieux les comprendre et pour saisir ainsi la précocité caractéristique de l’Oberrhein dans le processus de la seigneurie, il faut envisager le travail très spécifique de la vigne.

    Le travail de la vigne : savoir-faire et mode d’exploitation

    146La culture de la vigne mobilise l’activité humaine dans toutes ses dimensions : force musculaire et habileté, patience et endurance, appréciations sensitives (goût et odorat) et intellectuelles (prévisions en fonction de la mémoire et de l’expérience, choix d’implantation selon de nombreux paramètres, etc.). Cette production complexe et recherchée, relevant au Moyen Âge, pour une bonne part, de l’art, faute d’œnologie au sens actuel du terme, a eu pour effet d’accorder aux spécialistes, les vignerons, une place privilégiée dans la société rurale. Comme bien des métiers où le mystère intervenait (le feu du forgeron, les étincelles dans la meule du meunier, les guérisons du mire), celui du vigneron le distinguait de tous ces ruraux chargés de nourrir la société. Le caractère quasi magique de la vigne se perpétuait sous de multiples formes. Sa production nécessaire et superflue réjouissait les fêtes et entretenait les liens de solidarité. Produire du bon vin nécessitait un savoir-faire (mis à l’épreuve pour entrer dans le métier des vignerons à Colmar, nous y reviendrons) et quelques secrets, comme celui-ci : ne couper la vigne qu’à la lune montante222. Pourquoi ce travail de la vigne mobilisait-il tant de qualités et de travail ? Ne seront retenus pour cette étude, rappelons-le, que les éléments susceptibles de faire mieux comprendre les spécificités de l’Oberrhein étudié : un investissement dans la longue durée et une abondante main-d’œuvre qualifiée.

    147Les sources permettent une approche relativement détaillée de ces problèmes. Le détail des nombreuses opérations indispensables à l’entretien de la vigne entra dans le domaine de l’écrit dès qu’une réglementation (Weinbauordnung223) encadra des dépendants ou dès que les opérations furent données à façon ou encore dès que des vignerons furent engagés. La méticuleuse succession des gestes et des tâches offre plusieurs caractéristiques liées à la problématique posée dans ce travail : la vigne représentait un investissement sur plusieurs années, la vigne exigeait une abondante main-d’œuvre qualifiée et non qualifiée, la culture de la vigne relevait d’un savoir-faire transmissible, enfin la vigne participait de tout un écosystème (bois, eau et autres cultures).

    148Avant qu’une vigne ne porte fruit régulièrement, si tant est que toutes les conditions météorologiques soient réunies, plusieurs années de travail et d’investissement sont nécessaires. La vigne, en quelque sorte, échappe au temps court, ne rapportant pas toujours ni tout de suite. Au Moyen Age un petit propriétaire ne pouvait donc la cultiver qu’en complément d’autres cultures. Sans une certaine surface économique, l’organisation d’une plantation devenait difficile en raison de l’importance des travaux d’aménagement224 et d’investissement en matériel. Bien des pièces de vigne se trouvaient accrochées à des pentes raides et la construction, et surtout l’entretien des terrasses, ne pouvaient être le fait ni techniquement ni financièrement de petits propriétaires isolés. Une communauté d’exploitation, sinon de droit, du moins de fait, s’avérait nécessaire. Le pressoir constituait également un investissement que l’on pouvait éviter par la pratique du foulage aux pieds, procédé en usage puisque son interdiction a fait l’objet de mesures souvent réitérées depuis Charlemagne225. Ces exigences situent donc ce type de culture dans le cadre de grands domaines (ou grands propriétaires) ou de communautés villageoises. L’investissement ne concernait pas seulement les travaux d’aménagement mais aussi ceux d’équipement.

    149Si les vignes méridionales rampaient au sol pour bénéficier du rayonnement calorique du sol et se protéger du soleil, les septentrionales226 portaient haut leurs raisins, loin d’un sol humide et parfois gelé, proches de la chaleur solaire toujours bénéfique. Il fallait donc s’astreindre à des constructions de bois pour supporter les tiges. Deux systèmes d’accrochage des vignes se trouvent attestés dans les documents et l’iconographie : la tonnelle et l’échalas. La technique primitive de la tonnelle (Kammer ou Laube) consistait à ficher en terre, à 1,20 mètre de distance environ, des pieux verticaux en forme de fourche (pfurken du latin furca) reliés horizontalement par des perches (Stangen ou stüden), que l’on posait dans les fourches. Cet agencement à quelque 80 centimètres au-dessus du sol formait une petite tonnelle ou « chambre ». La vigne s’éparpillait sur le toit ainsi formé, les grappes lourdes pendant à l’intérieur de chaque petite cellule. En provenance des cultures romaines du Palatinat et attesté dès l’origine de l’implantation de la vigne à Wissembourg, ce procédé présentait plusieurs inconvénients majeurs, le manque d’air et de soleil pour les grappes pendant sous le toit de la tonnelle mais aussi les difficultés d’une cueillette pénible, à genoux. Pour permettre à la lumière de pénétrer, les feuilles étaient parfois arrachées. Ces impedimenta des tonnelles, le souci de meilleures productions, les plantations sur des pentes raides (Thann, Guebwiller, Turckheim) et le gain de temps en installation, firent préférer, selon une chronologie et une géographie difficiles à saisir, une autre façon de lier la vigne. La technique de l'échalas-pieu227, autour duquel s’enroulaient les pampres de vigne, présentait les grappes directement à l’ensoleillement tout en les aérant et la vendange s’en trouvait facilitée.

    150La culture de la vigne s’inscrivait toujours dans la durée. Les boutures (ou marcottes) de vigne, avant de devenir des pieds adultes, faisaient l’objet de soins méticuleux pendant quatre à cinq années et se développaient dans des lieux spécifiques et réservés, sortes de pépinières à vigne (pssänzer ou feldreben). En 1179, la donation en faveur de Murbach d’un « champ » à Wattwiller228 stipule sa transformation en rebpflanzung229. A un kilomètre de là, à Uffholz, deux toponymes témoignent de la même activité230. Les actes de l’abbaye de Pairis mentionnent des vignes à Turckheim au lieu-dit am pflentzer231. Ces pépinières, dont les toponymes gardent la mémoire dans beaucoup de terroirs viticoles, manifestent l’entreprise à long terme que représentait la vigne.

    151La deuxième caractéristique du vignoble, après le nécessaire investissement dans le temps, est la présence d’une main-d’œuvre nombreuse et qualifiée. Le travail d’une population nombreuse dans les vignes suggère l’hypothèse d’une poussée démographique parallèle au développement du vignoble dès le IXe siècle. Cause ou conséquence ? Question qui, dans l’état actuel des sources pour la région, reste sans réponse. D’après les travaux des historiens déjà cités, on peut admettre qu’en moyenne trois hectares nécessitaient deux cent cinquante journées de travail d’hommes, de femmes et d’enfants. La vigne, en effet, occupait des familles entières, et ce tout au long de l’année. Un rollet,232 bien significatif des multiples tâches à accomplir dans ses vignes par ses tenanciers-vignerons de Bellingen, Rouffach et Pfaffenheim, a été établi par l’abbaye de Muri, en Argovie, au milieu du XIIe siècle, pour lutter contre la paresse entraînant le mauvais état des vignes et la fraude privant l’abbaye du bénéfice de ses récoltes et ne lui laissant qu’une portion congrue.

    152Toutes les opérations à mener avec soin dans les vignes de l’abbaye de Muri constituent les étapes indispensables qu’il fallait impérativement exécuter pour obtenir une bonne récolte. Les textes à cet égard se complètent et permettent de comprendre les difficultés d’un travail soutenu de maintenance tout au long de l’année. Après les vendanges, jusqu’en février233, il fallait arracher les échalas en mauvais état et en préparer de nouveaux, fabriquer ou réparer les tonneaux, les tonnelets et les seaux. Ce travail du bois, essentiellement masculin, a beaucoup contribué à la transformation du manteau forestier, puisque au déboisement provoqué par l’extension des vignes, répondait un reboisement en essences nouvelles234. Plutôt que le chêne, trop dur à travailler, le châtaigner au bois imputrescible et résistant fut introduit comme en témoignent les toponymes de kestenholz ou kastanienwald. En forêt, les pieux étaient taillés, aiguisés puis livrés sur place235 pour être fichés en terre (rebstegken ou stecken stossen). De ce travail pénible et délicat (dans les tarifs des journaliers, c’est la tâche la mieux rémunérée) dépendait la bonne tenue des ceps lourdement chargés au moment des vendanges. Les règlements des abbayes ou des villes insistent sur la qualité du travail de préparation des vignes et de grands prédicateurs comme Tauler236 n’hésitèrent pas à reprendre cette image comme symbole du labeur spirituel des chrétiens. Le travail masculin se poursuivait en février pour préparer la renaissance de la plante par la remise en état du sol à chaque pied de vigne, en piochant (hacken) pour découvrir le cep, l’aérer et le débarrasser des parasites puis le recouvrir237 et l’enrichir par la fumure (mist), selon un cycle de cinq années.

    153Intervenait alors le provignage (transplantare vites). Un sarment ou un cep couché en terre donnait un pied supplémentaire pour peupler les pépinières. La taille (putatio, schnitt), en février-mars, s’accompagnait du nettoyage des vieux sarments, souvent brûlés sur place comme on le voit encore aujourd’hui. La phase végétative de la plante pressait ensuite le rythme : en avril-mai, il fallait élaguer dès les premières pousses et épamprer (klencken) la vigne en coupant les feuilles et les bourgeons inutiles. La ligature (vinvire, hefften) sur les échalas ou les tonnelles relevait du travail (non qualifié) des femmes238 ou des enfants qui avaient auparavant préparé les liens (weiden), en osier, en jonc ou en paille humide de seigle. De la floraison de la vigne aux vendanges, un travail d’entretien amenait chaque jour le vigneron à sa vigne. Le binage (rüren) pour extirper les mauvaises herbes aérait le sol et facilitait la pousse, surtout quand les grappes se formaient. La surveillance pendant le ban (un à deux mois) relevait souvent d’agents spéciaux (bangards, bannwarter).

    154Le temps des vendanges enfin venu mobilisait un maximum de maind’oeuvre. Les terroirs étaient alors placés sous haute surveillance par les propriétaires. La cueillette, le transport des hottes, des tonnelets puis des cuveaux jusqu’au pressoir (trotte) souvent installé dans les vignes, représentaient des tâches non qualifiées, pour tous. Avant d’être pressés (opération indispensable pour les vins blancs), les raisins étaient foulés aux pieds (opération suffisante pour les vins rouges). La durée de la seule pratique du foulage pour obtenir le moût se laisse très difficilement saisir. Foulage et presse se faisaient dans le même lieu (kelter, trotte), mais certainement pas pour les mêmes vins.

    155La phase finale de la vinification restait des plus sommaires et le vin offrait souvent un aspect assez liquoreux. Pour la livraison annuelle de 15 fuder239 de vin rouge de l’abbé de Murbach au chapitre de Saint-Amarin, il est bien stipulé qu’avant le transport, le vin devait être débarrassé de la lie (defecatus, hefe)240. Le vin se conservait peu, et pour éviter sa détérioration rapide, surtout pour les cépages courants, on avait recours aux aromates, sucre et épices qui permettaient une survie artificielle241. Ces procédés qualifiés de « médicamenteux » (artzenen) ainsi que le mouillage du vin, parce qu’ils visaient à dévoyer « ce que Dieu avait fait pousser »242, étaient régulièrement dénoncés, ce qui prouve leur imperturbable utilisation243.

    156S’ouvrait alors la période de la vente, soit sur place (un bouquet signalait la maison du vigneron vendant sa propre récolte, strauβkauf), soit au marché, ou, bien sûr, en ville (Colmar pour la région). Quand le précieux breuvage était destiné à un maître, celui-ci le mettait en vente forcée grâce à son droit de banvin (bannwein) et chacun savait que le mauvais vin était écoulé en premier puisqu’il fallait le boire244. Les actes conservés touchent cependant les plus gros « producteurs », les évêques de Strasbourg et de Bâle, les abbés de Munster et de Murbach. Dans le texte déjà cité de 1339, l’abbaye et la ville de Munster fixèrent par écrit un accord assez léonin, aux termes duquel l’abbé pouvait exercer son droit de banvin pendant trois périodes de fête : quatorze nuits à Noël, quatorze nuits à Pâques et quatorze nuits à la Pentecôte. Pendant ces temps de préparatifs aux fêtes, aucun autre vin ne pouvait se trouver sur le marché.

    Des vins ou un vin de qualité ?

    157Quel vin buvait-on ? La différenciation signalée dans les textes repose d’abord simplement sur la couleur : vin rouge ou vin blanc. Dans les gosiers, toute une gamme de qualité et de goût devait être reconnue et appréciée puisque l’origine précise du vin pouvait aussi se trouver mentionnée245 (Pfaffenheim, Rouffach, Gueberschwihr, etc.). Le vin rouge était sans doute prédominant, d’après Karl Müller246, sur la rive droite du Rhin mais il connaissait aussi une grande extension en Alsace. Après l’abandon, en 1335, de la vie communautaire à Murbach, chaque prébendier reçut un foudre de vin blanc et un de rouge247. De ses vignes à Mittelwihr, entre Ribeauvillé et Riquewihr, c’est-à-dire dans la quintessence du vignoble, le chapitre de Saint-Dié percevait comme cens annuel douze ohm de vin rouge248. Les exemples abondent qui stipulent les redevances ou les dîmes en vin rouge et si possible boni vini rubei ! D’après Lucien Ehret249, les coteaux de Guebwiller auraient été plantés exclusivement de vin rouge, même si les villages tout proches connaissaient et fabriquaient le blanc depuis le XIIIe siècle. Lequel passait pour meilleur (melior) et figurait au titre des vins nobles250 (nobilis, edel). La documentation à cet égard est plus dense après 1200. Cette diffusion du vin blanc relevait-elle de l’évolution du goût, des progrès des techniques de presse ou de l’introduction de nouveaux cépages par tous ceux qui, à un titre ou à un autre, traversaient l’Alsace ?

    158« Le Dominicain de Colmar » dans les Annales loue la clarté parfaite de ce vin et, dans la Description de l’Alsace, mention est faite d’un « remarquable vin blanc en grande quantité »251. Les détenteurs de rentes et dîmes, ainsi que les consommateurs, exigeaient, sans toutefois abandonner le rouge, des foudres de blanc de meilleure qualité (albi vini melioris). Une preuve indirecte de la demande du marché nous est fournie par la réaction des viticulteurs de la ville de Metz et ses environs. Devant la concurrence du vin venu d’Alsace, ils arrachèrent leurs vieux cépages pour les remplacer par de meilleurs afin de produire du vin blanc252. La diversification des sortes de vins intervint surtout après le XIVe siècle avec un vin très fort, le schawernack (importé d’Italie sans doute), les muscats et le traminer. Plus nettement (du moins dans les sources) furent alors opposés les vins communs (hunisch), acides, peu vendus et destinés à la consommation domestique (les vins « tranquilles » des champenois), et les vins nobles (edel) destinés aux grandes occasions et à la commercialisation. Au sommet de la dégustation se situait depuis le IXe siècle le fameux vin dit « falerne » chanté par Notker de Saint-Gall et Ermold le Noir. Est-ce ce même vin qu’offrirent en 1304 au roi Albert Ier de passage à Colmar les religieuses d’Unterlinden, vinum nobile et preciosum selon la Chronique253 ?

    Main-d’œuvre et savoir-faire

    159La mobilisation, nécessaire à cette production, d’une main-d’œuvre abondante, soit qualifiée et donc exigeante, soit non qualifiée pour les « coups de bourre », inégalement occupée pendant les différentes saisons, a sans aucun doute posé un problème majeur dès le IXe siècle aux grands propriétaires. L’exploitation directe des établissements religieux et le système des tenures avec leurs redevances se heurtaient à de multiples difficultés : le suivi du travail pour des pièces de vigne souvent très éloignées, la compétence des tenanciers et des moines254, la fraude facile, le transport des fûts de vin. Dans un contexte de commercialisation activée par les villes, il fallut trouver des solutions permettant de sauvegarder l’essentiel des revenus liés à une production de quantité mais aussi de qualité. Or celle-ci dépendait étroitement de la compétence des tenanciers-vignerons. L’acte, peut-être exceptionnel255, d’un échange ou d’une vente de vignes avec « leurs » vignerons (cum vinetis cum vinitoribus) à Wintzenheim, met en lumière le problème de la qualification reconnue de ces vignerons. À la différence des travaux des champs saisonniers, qui ne faisaient appel qu’à la force musculaire (moisson, fenaison, labour, etc.), la vigne exigeait toute l’année une maintenance des vignerons compétents en les intéressant à l’exploitation. Le grand chapitre de Strasbourg gémissait ou grognait chaque année contre l'« incompétence en matière de vin » de son desservant de la chapelle Sainte-Odile à Scherwiller, près de Sélestat. Dans l’acte de 1208, ils s’étonnent même de cette incompétence, le desservant étant natif de ce village256 !

    160On comprend alors l’évolution précoce, dès le IXe siècle, du système domanial vers une cession des vignes, sous diverses formes juridiques, à leurs exploitants et vers le travail à façon. Dans le cadre de la problématique annoncée, trois éléments seront retenus : le rachat précoce des corvées, les redevances en nature évoluant vers des cens fixes et mixtes (en vin257 et en argent), enfin le recours aux baux de très longue durée rapidement confondus avec des tenures héréditaires.

    Vignoble et société

    161Les tenanciers-vignerons installés quasiment à vie sur une vigne disposaient aussi de l’argent qui circulait dans les campagnes grâce à la commercialisation des surplus. Les jours de corvée, interrompant fâcheusement le suivi du travail dans « leurs » vignes, donnèrent rapidement lieu à une compensation en argent, comme en témoignent les fonds d’abbayes comme Marmoutier, étudiés par Werner Rösener258. Sans la marque de la corvée, le vigneron passait pour libre et son statut social s’en trouvait bien amélioré. La qualité de son travail aussi. Seule la terre le rattachait à un maître par un cens fixe, en argent et en part fixe de la récolte, en l’occurrence le produit de la vendange (cette pratique ne semble pas attestée non plus systématiquement pour les céréales). En cas de vendanges excellentes, la part de vin à livrer pouvait être augmentée. Le phénomène d’une irrigation précoce du vignoble par l’économie monétaire259 renvoie au monde urbain déjà évoqué et ce phénomène sera repris dans l’analyse de l’écosystème situant le vignoble au cœur de tous les fonctionnements de la région.

    162L’économie monétaire allait de pair avec les redevances en vin. Le censier des Habsbourg de 1303-1308260 fait état de leurs revenus par circonscription de perception (Amt, avec à leur tête un responsable, le vogtsteuer). De celle d’Ensisheim, ils retiraient 757,5 livres bâloises, 246 livres strasbourgeoises, 238 livres stevenning261, 1641,5 viertel de seigle, 1020,5 viertel d’avoine, 68 fuder de vin et 386 fromages. Les proportions impressionnantes de ces sommes et de ces biens de consommation courante permettent de comprendre l’intérêt des Habsbourg pour les rives du Rhin même après leur héritage autrichien, d’une économie toute différente. Dans son étude sur les possessions de Saint-Alban, prieuré clunisien du pays de Bâle, Hans Jörg Gilomen présente sous forme de tableau262 très suggestif les proportions de redevances en argent et en nature dues au prieuré. Sur la base du prix des céréales et du vin263 à l’époque de sa documentation, relativement abondante (censiers fin XIIIe -début XIVe siècle), il traduit toutes les redevances fixes et régulières en sous et compare leur montant. Pour l’Alsace, Saint-Alban percevait en argent 554,5 sous, en nature (céréales) 1060 sous et en vin 721 sous. Même si les revenus de Saint-Alban concernaient surtout le sud de la région ici étudiée264, le caractère exemplaire de l’étude de ce prieuré permet de confirmer l’importance, beaucoup plus grande qu’ailleurs, des redevances en vin.

    163Les établissements ecclésiastiques disposaient de revenus spécifiques et appréciés quand il s’agissait du vignoble. La dîme, en effet, difficile à étudier en raison de la documentation265, constituait au XIIIe siècle un revenu appréciable toujours traité séparément dans les comptes, et qui pouvait faire l’objet d’inféodation. Murbach, par exemple, concéda en fief en 1242 à deux bourgeois de Fribourg ses dîmes à Biengen266. En 1336, les frères Otton et Ulrich de Girsberg déclarent avoir vendu à l’abbé Marquart et à l’abbaye de Munster « le fief et la dîme que leur père et ancêtres et eux-mêmes tenaient jusqu’ici du monastère »267. On se souvient de ce mouvement circulaire des droits et revenus qui oblige une abbaye à racheter ce qui lui avait appartenu. La cession de la dîme peut apparaître comme un moyen de s’assurer des revenus réguliers en nature. Le chevalier Frédéric de Rathsamhausen reconnaît en 1266 avoir reçu de l’abbé Gérard de Munster et des religieux du Val-Saint-Grégoire leur dîme à Hessenheim « pour lui et ses fils et ses petits-fils », pour un canon de 20 quartauts de grains268.

    164Après le rachat des corvées et la fixation des cens en argent et en vin269, la pratique des baux (locatio, pacht, pachtzins) et surtout des baux à vie270, contribue à donner à la région une spécificité. La cession de l’exploitation des terres se trouve attestée dans bon nombre de censiers271 ou de cartulaires. Dans celui de Saint-Biaise272, par exemple, les possessions sont énumérées avec leur mode d’exploitation : « Des biens situés en Alsace à Ostheim loués à discrète personne Pierre... deux pièces à Zellenberg et Ellenwiler273 qui doivent quatre saum274 de vin et sont laissés... en bail héréditaire »275. L’évêque de Bâle percevait annuellement à Gueberschwihr, en sus de la dîme, 13 fuder de vin276 au titre de ses baux.

    165La terminologie en usage dans les actes manque de précision, on ne s’en étonnera pas. Le latin indique ad vitam. En langue vulgaire, le radical erb, qui renvoie à la notion d’héritage, se trouve soit mentionné isolément (ze einem erbe), soit en composition dans une gamme variée de termes dont la traduction fait illusion tant les nuances sur le plan juridique apparaissent ténues. On trouve, utilisés pour tous les biens (et même des parts de dîmes), les termes suivants : erbfall (succession), erbgeld (rente perpétuelle), erblehen (censive en emphytéose), erblehnung (bail emphytéotique), erbleihe (censive héréditaire), erbpacht (bail héréditaire ou emphytéose277). Connue des Anciens et réactivée grâce aux relations avec l’Italie, l’emphytéose médiévale, dans ces régions, se confondait en réalité avec un bail héréditaire (erb- ou vitalleihe), puisqu’il s’agissait surtout de biens destinés à la plantation. Hans Jörg Gilomen montre que le prieuré de Saint-Alban utilisait déjà couramment vers 1230 les expressions souvent juxtaposées de jure hereditario et de jure emphiteotico278. L’attachement aux avantages de ce droit emphytéotique provoqua une réaction assez vive de la part des bourgeois de la ville de Munster contre une politique supposée de l’abbé, pour que celui-ci s’engage en 1287 à « maintenir toutes les propriétés qu’il a données ou donnera dans le droit emphytéotique »279.

    166Si la terminologie semble floue, le danger pour les propriétaires de vignes de voir échapper définitivement leur vigne apparaît en revanche comme bien précis. Heinrich Büttner cite280 le cas d’un certain Rudger qui se voit obligé par Saint-Biaise, à la mort de son père Erlewin de Soulzmatt, de préciser que la vigne qu’il reçoit sous le terme « erbe » et qui a toujours appartenu à son père, ne correspond nullement à un possession héréditaire281, saufs donc les droits de l’abbaye ! Les baux pouvaient se transmettre dans une même famille mais ils ne devaient pas pour autant être considérés comme héréditaires... Réalité juridique et réalité économique pouvaient ne pas coïncider. Le montant des baux a sans aucun doute varié dans le temps et dans l’espace, mais les données lacunaires de la documentation n’autorisent pas, dans l’état actuel de la recherche, des conclusions de synthèse. Il semblerait que dans les baux conclus dans le vignoble de la rive droite, le rapport serait plutôt au bénéfice des abbayes (2/3 pour 1/3 à l’exploitant), alors que dans les actes du côté alsacien, le rapport serait moitié-moitié. La qualité du vin aurait-elle quelque’ influence ?

    167Pour pallier le danger lié à la longue durée des baux, les abbayes procédaient à des inspections régulières. Saint-Biaise, constatant que Rudger menait la guerre (fehde) sans cultiver ses vignes (inculta remanerent), remit en question le bail dont il vient d’être question282. Les inspecteurs, en tournée tous les deux ou trois ans, bénéficiaient d’ailleurs du droit de gîte283 chez leurs « fermiers ».

    168Les constitutions de rentes284 sur le vignoble procédaient d’une autre logique économique, puisqu’elles répondaient en principe à un besoin de crédit, du moins à l’origine ou dans les périodes de difficultés économiques, car les rentes deviennent des biens cessibles, échangeables ou inféodables comme d’autres. Les quatre frères Rulmann, Fritzmann, Hammann et Pertermann de Sundhoffen tenaient en fief de l’abbaye de Munster une rente de quatorze mesures de vin blanc et huit quartauts de grains. En 1347, l’abbé la rachète pour 13 marcs et demi d’argent. Ce capital leur permit en réalité de reprendre en fief une autre rente, en grains cette fois-ci, avec la cession d’un bois proche de l’abbaye285. La majeure partie de la documentation concerne cependant des rentes avec les capitaux urbains des bourgeois. Ce phénomène bien connu se vérifie largement dans la région étudiée : les Bâlois « colonisaient » les vignes autour de Rouffach, les Colmariens partagèrent avec les établissements ecclésiastiques l’essentiel des vignes du territoire de leur ville. La documentation reste trop parcimonieuse jusqu’au milieu du XIVe siècle pour pouvoir établir des données chiffrées ou même cartographiées. Les actes, souvent brefs, se présentent comme celui-ci établi à Turckheim en 1355 : « Le Schultheiβ, le maître et le conseil de la ville de Turckheim déclarent que Jekelin de Walbach a vendu à Berschin Kechellin, bourgeois de la ville de Turckheim, une rente d’une livre constituée sur un juchart de vignes de la banlieue de Walbach ».

    169Le travail de la vigne, en conclusion, induit un savoir-faire et un mode d’exploitation transmissibles. Quand ils n’étaient pas propriétaires, les vignerons bénéficiaient cependant, du fait de leurs compétences indispensables et du continuum indispensable à la culture de la vigne, d’une position favorable socialement et économiquement. La dîme, somme toute, ne constituerait-elle pas la forme la plus rentable des établissements ecclésiastiques ?

    Le vignoble, fruit d’un écosystème

    170On peut définir l’écosystème comme l’unité écologique formée par le milieu vivant et tous les organismes qui s’y trouvent. De ce concept opérationnel dans les sciences de la nature, l’historien peut faire son miel dans la mesure où, dans certaines régions, l’interaction de l’homme et de son milieu constitue un espace cohérent servant de référence identitaire. L’Oberrhein pourrait être à cet égard retenu comme exemplaire ; il est moins le fruit de l’histoire que de l’environnement. Son existence même et son développement tiennent à cet espace travaillé, c’est l’hypothèse de cette étude, par une pratique précoce et intense de la viticulture déterminant toute la vie sociale et même politique.

    171Au cours de cette enquête, on a déjà pu observer la présence d’un maillage très serré des différentes formes de pouvoirs, des voies de communication, des sites habités, des relations entre lieux d’exploitation et d’échanges commerciaux. Ce point de départ attend des facteurs d’explication, et le vignoble constitue sans doute un élément pivot dans la structuration de l’espace et du temps. La culture de la vigne participait d’un écosystème dont chaque élément jouait un rôle indissociable des autres. Le climat et la luxuriance « naturelle » ne peuvent en effet suffire à rendre compte de son implantation durable ni, surtout, de son développement, qui atteint un seuil critique aux XIVe et XVe siècles, au point que l’on pourrait presque parler de dysfonctionnement286. Cet écosystème sera envisagé sous trois aspects essentiels : les interactions du vignoble avec les différents terroirs, les interactions avec l’habitat et les châteaux et les interactions avec le phénomène des villes.

    Vignoble et autres cultures

    172L’interaction du vignoble et des terroirs de l’Oberrhein, champs, forêts, maillage des axes de communication terrestres ou fluviaux, se lit dans les paysages, même si plusieurs siècles ont contribué à modifier l’écosystème médiéval. En vagues successives, le piémont multiplie grâce à ses vallonnements ses facettes exposées au soleil. Les vignes se développèrent sur les plis et dans les creux, traversées par les accès reliant la forêt située à l’altitude supérieure, et la plaine à l’horizon inférieur du vignoble. Sur la rive droite du Rhin, les escarpements parfois plus grands et l’étroitesse de la plaine privent le spectateur du plaisir d’embrasser en un regard un horizon ouvert à 180°, limité par les dents des massifs alpins, que l’on voit souvent les jours de beau temps. De Sainte-Croix-en-Plaine287, au sud de Colmar, on peut voir, au soleil levant, se détacher les sommets du Mönch, de la Jungfrau et du Finsteraarhorn, qui a la même forme que le clocher de l’église (actuelle !)288. Avec ce spectacle devant les yeux, les habitants gagnaient leurs champs ou leurs vignes proches, à Herrlisheim, Husseren ou Eguisheim. Moins d’une heure de marche permettait de relier le village de Sainte-Croix et le vignoble du piémont (mais les vignes poussaient déjà sur les avancées en éperons dominant Herrlisheim), le village et deux cours d’eau (la Thur et la Lauch), le village et la forêt (soit de plaine, la forêt du Kastenwald, soit celles des pentes du massif vosgien), enfin le village et la ville (Colmar). Loin d’être une exception, cet exemple de micro-distances pour toutes les activités humaines à Sainte-Croixen-Plaine se vérifie dans tout l’espace étudié.

    173Ces relations de proximité fonctionnaient de façon complexe parce qu’étroitement complémentaires. Dans les vignes, surtout celles de plaine, poussaient des arbres fruitiers, dont la variété étonna « le Dominicain » des Annales de Colmar, mais aussi des légumes289. Inversement, dans les jardins autour des habitations se développait presque toujours une vigne. La terminologie distingue le champ de vigne (rebflächen) de la vigne près de la maison (gärten). Comme dans les autres régions viticoles, les paysans préféraient s’occuper de leurs vignes, plus rentables, et pratiquaient donc des cultures intensives, mixtes et profitables290. Les sols fertiles favorisaient le maraîchage et le nombre croissant des citadins permettait d’assurer un débouché commercial, une fois les besoins domestiques assurés. La vitalité des marchés, dont il sera question plus loin, s’explique par cette production. La documentation disponible ne permet pas d’apprécier la part relative du vignoble par rapport aux autres cultures, village par village. Seule la tendance vers la monoculture, observée dans bien des terroirs à la fin du Moyen Âge avec son cortège de difficultés économiques (mauvaises récoltes, mévente, destructions par fait de guerre, etc.), autorise l’hypothèse d’une spécialisation progressive, au moins pour le piémont. Cultures mêlées par commodité, régénération des sols par certaines plantes et priorité accordée au travail de la vigne : c’était tout un écosystème auquel participaient aussi des animaux. Les ânes faisaient partie intégrante de ce monde viticole. Adaptés aux cheminements étroits, solides pour porter de lourdes charges, peu exigeants, les ânes291 ont laissé des traces dans les documents et dans la toponymie... pour services rendus.

    174Dans un maillage si dense d’activités économiques, les réseaux de communication, déjà évoqués, jouaient un rôle fondamental. Les grands axes nord-sud par voie de terre (piémont ou plaine) et par voie d’eau (Ill, Thur, Lauch, Rhin, Dreisam), se voyaient croisés par de multiples voies terrestres est ouest. On se souvient des nombreuses mentions dans les actes qui donnaient l’impression que chaque pièce, sur quatre côtés, en avait au moins un qui était une voie de passage : « D’un côté sur le chemin de Rouffach... d’un côté sur le ruisseau du Dieffenbach »292, « près de l’ancien chemin de Theinheim »293, « au-dessus du chemin d’Eguisheim »294, « un côté est le chemin qui longe les biens des Reinach »295, « au-dessus du sentier de l’église », « le long du chemin du moulin »296, etc. Ces indications de voies permanentes, des infrastructures en quelque sorte, peuvent être retenues même si la documentation se trouve postérieure à 1350. D’une largeur suffisante pour permettre le passage des chars à quatre ou six chevaux lourdement chargés de foudres de vin, ou plus petits à deux roues « le long du chemin à charrette », karchweg297, les chemins faisaient l’objet de soins attentifs et permanents qui se traduisaient dans les budgets des villes.

    175En revanche, l’aménagement permanent de ces terroirs, inscrits dans un écosystème vivant, échappe en grande partie à l’enquête. Deux termes, rencontrés souvent dans les actes, expriment cette dynamique d’adaptation permanente : anwander et schlittweg. « 1/2 juchart de vigne a sur un côté un anwander »298. Étymologiquement, il s’agit d’une bande de terre qui sépare des propriétaires. Dans les censiers de Saint-Alban de Bâle concernant leurs biens à Diettwiller, Landser, Sierentz, Schlierbach299, etc., l'anwander est une pièce de terre perpendiculaire qui se différencie de celle qui se trouve dans le prolongement : saβ in saβ. Mais dans la région étudiée, l’acception de ce terme, sous diverses variantes (anewander, anwand, anwender), recouvre plus précisément la bande de terre sur laquelle les voisins font tourner leur charrue. La transformation des types de culture et la jachère remodelaient bien entendu des espaces d’utilité. Quant au schlittweg, il s’agit de ce chemin provisoire mis en place après les récoltes et qui permet de circuler plus aisément. Ce terme désigne encore la saignée en forêt, sur des pentes raides, le long de laquelle étaient descendus les traîneaux de grumes. Tous ces passages faisaient sans aucun doute l’objet d’aménagements, mais rares sont les actes qui permettent de saisir cette dynamique. Exceptionnelle apparaît donc cette transaction300 entre l’abbaye de Munster et un bourgeois de la ville dans laquelle l’abbé, son avoué, la ville de Munster et la communauté de la vallée ont donné à Jean Hannemann Vogt, écuyer, bourgeois de ladite ville, 2,5 jucharts de terre arable « en échange d’un chemin qu’il leur a cédé à travers son champ ».

    176La circulation pouvait aussi se faire par voie d’eau mais la documentation pour la période 1250-1350 reste étonnamment pauvre et aucun programme d’archéologie fluviale ne se met en place actuellement dans la région à l’exemple de la Loire ou de la Seine301. L’aménagement connu des rives se traduit surtout dans les villes par des quais de déchargement (ladhof) dûment attestés à Sélestat ou Colmar pour l'Ill et la Lauch. Celui de Sélestat drainait le meilleur du vignoble : les vins de Sigolsheim, Kientzheim, Zellenberg et Riquewihr et la taxation péagère permettait l’entretien de cette installation. L’organisation de la navigation, de ses droits et de ses contraintes ainsi que le marché fluvial du vin datent cependant de la période de pleine expansion, aux XIVe et XVe siècles, même si les péages, les droits de conduit et de marché et la paix publique relevant de la puissance régalienne ont laissé des traces documentaires antérieures. Le degré de navigabilité variait sans aucun doute pour les autres rivières en fonction des saisons, et les basses eaux ou le gel interdisaient tout transport. Un autre élément géographique nous est fourni par « le Dominicain de Colmar » dans son État de l’Alsace : « Torrents et rivières n’étaient jadis pas si importants qu’aujourd’hui parce que les racines des arbres retenaient dans les montagnes et fort longtemps l’humidité de la neige et de la pluie »302. L’Oberrhein n’échappe pas à la règle généralement admise du tropisme qu’exercent les fleuves sur l’implantation des vignobles pour en faciliter l’exportation à une époque où il se conservait mal et se buvait bien. Mais une étude sérieuse d’archéologie des fleuves ou subaquatique permettrait de nuancer et d’analyser ce rapprochement eau/vin303.

    177Après l’interaction du vignoble et des différents terroirs dans le cadre de cet écosystème dont la vigne constituait le pivot, il faut évoquer, dans cette même perspective, l’organisation de l’habitat villageois304 ou castrai. Ces pistes de recherche constituent encore des « filons » peu explorés.

    Vignoble et habitat

    178Si l’implantation dense des villages à proximité des exploitations ne fait aucun doute, l’habitat rural en revanche reste encore une piste de recherche archéologique grande ouverte305. Il existe peu de traces de la palissade (etter) ou même parfois de la muraille assurant la protection contre les coups de main ou les razzias à l’échelle de petits seigneurs. La répartition des maisons et des bâtiments d’exploitation à l’intérieur de l’espace villageois ne répond ni à des critères « géométriques » (les village-rues ou villages centrés) ni à des critères historiques (cœur du village élargi). L’église ne se trouve pas nécessairement au cœur des habitations, pas plus que le cimetière (nous avons évoqué les cimetières fortifiés). Le semis de l’habitat pourrait paraître aléatoire si le vignoble n’introduisait pas une autre logique. Proches des vignes et des champs, les habitations apparaissent densément regroupées dans la mesure où les bâtiments agricoles suffisamment vastes pour protéger outils, foin et récoltes ne sont plus indispensables en pays de vignes. Subsistent cependant certains espaces villageois ouverts pour circuler avec de lourdes charges, pour tenir marché ou faire procession au saint patron, seul garant de la bonne vendange. La vie publique, pour ce que l’on en connaît, s’animait périodiquement dans les grands temps communautaires de fêtes liturgiques ou rurales, les vendanges constituant dans tout l’Oberrhein la quintessence du sentiment identitaire.

    179L’étroite interaction des terroirs viticoles et des villages pourrait donc servir de base pour reprendre et compléter l’étude de l’apparition et de la disparition des villages, étude fort lacunaire comme nous l’avons vu. Bon nombre de villages disparus se trouvaient en plein vignoble comme Alratzwiller et Alschwiller, tous deux près de Soultz. Klingenthal et Saint-Léonard de Bâle y percevaient des rentes, ainsi que les sires de Hattstatt306. Il s’agit donc beaucoup plus d’une réorganisation des terroirs qui, eux, ne furent aucunement abandonnés. Les villageois se déplaçaient, sans doute, vers des habitats mieux adaptés à leurs exploitations. La raison de ces évolutions pourrait être à chercher dans le vignoble. Quant à l’apparition des villages, on a vu que, dans l’Oberrhein, leur densité fut précoce mais complexe à préciser. Peut-on, pour démontrer l’influence du vignoble, procéder par comparaison ? La vallée de la Moselle, plantée de vignes bien avant l’Oberrhein, sans doute depuis le IIe siècle, a été spécialement étudiée en rapport avec son vignoble, nous aurons l’occasion d’y revenir. Or Karl Lamprecht avait déjà constaté un doublement, au XIe siècle, des sites habités, passant de 350 à 59 0307. Werner Rösener308 confirme également cette intensification de l’habitat dans les zones de viticulture.

    180Dans ces villages en maillage serré, les plus anciennes maisons paysannes connues et étudiées datent du XVe siècle309 alors que, sans aucun doute, avec l’expansion démographique qui a commencé dès le XIIe siècle, les paysans fixés pour plusieurs générations ont utilisé des matériaux moins sommaires que pendant le haut Moyen Âge. Les maisons de pierre n’apparaissent qu’au XVIe siècle, comme l’atteste l’archéologie310. Seule l’ultime étape de stabilisation de l’habitat (du XVIe siècle à nos jours) permet d’observer le plan de référence de cette région qui dessine trois travées : une pièce d’occupation chauffée (stube), une cuisine, et une étable aux multiples fonctions. Les contraintes de la conservation du vin (boisson domestique ou réserve pour les redevances ou les dîmes) imposaient un cellier et un espace de stockage des outils, barriques, seaux, etc. L’habitat de montagne ou des bords du Rhin offrait une tout autre typologie imposée par les reliefs ou la nature des sols hydromorphes, et le vignoble n’a évidemment joué aucun rôle dans leur conception.

    181En dépit de ces exceptions, la structuration de l’espace villageois et le semis des sites habités se trouvaient en étroite relation avec l’économie viticole. Contribuant eux aussi à la densité paysagère, les châteaux311 jalonnaient les itinéraires quotidiens. Quels liens entretenaient-ils avec les terroirs ? La question reste largement ouverte car l’implantation d’un château dans cette région semble souvent procéder de diverses logiques autres que celle souvent retenue ailleurs, à savoir la stimulation des terroirs pour en tirer plus de profit. Dans leur approche déjà évoquée, à la fois documentaire et sur le terrain, Joëlle Burnouf et Bernhard Metz, spécialistes des châteaux dans l'Oberrhein312, se sont interrogés sur les raisons de l’implantation des mottes castrales et du réseau castellologique de plaine sans aboutir, jusqu’à présent, à des conclusions définitives par rapport aux terroirs, sauf peut-être la constatation selon laquelle les forêts auraient exercé un certain tropisme. Une des difficultés majeures, déjà soulignée dans ce travail, réside dans les lacunes immenses de nos connaissances en ce qui concerne les mottes, les maisons-fortes et les châteaux situés en plaine. Les éléments d’enquête doivent sans doute englober un vaste espace pour contourner les lacunes d’un travail monographique et, dans ce cadre, la notion d’écosystème pourrait apporter quelques explications.

    182En revanche, l’historiographie castrale de montagne, abondante et le plus souvent centrée sur l’architecture ou les techniques, apporte bien des éléments de réflexion par rapport au vignoble des piémonts et du Kaiserstuhl. Depuis le XIe siècle, le château servait de point d’ancrage et de démonstration de force des lignages, puisque les nobles n’étaient plus désignés par leur prénom mais par le nom de leur château principal. La période des Staufen correspond à la mise en place systématique et serrée de la géographie castrale313 par une grande vague de construction de ces Ritterburgen, et l’implantation du château habité en permanence par un sire, qui a quitté campagnes et villages pour s’imposer au sens littéral du terme, correspond à notre période d’étude314. Sur la bande du piémont alsacien, une petite trentaine de châteaux dominaient vallées ou vignoble. C’est ainsi que, comme les Eguisheim, les Ribeaupierre se sont dotés de trois châteaux dans un rayon de 500 mètres, comme on s’en souvient. Outre son rôle de défense ostentatoire, le château assurait une fonction de centralité économique. Produits alimentaires (dont le vin), armes, objets quotidiens ou de luxe et argent pour payer le personnel castrai constituaient un volant d’échanges variés pour lesquels le château comptait pour marcher ou même pour foire. L’activité d’une trentaine de châteaux hors des villes (s’en trouve donc exclu Kaysersberg) ne peut être sans influence sur une production particulièrement appréciée comme celle du vin. Mais saisir cette interaction reste difficile en l’état actuel de la documentation.

    Vignoble et villes

    183Après l’interaction du vignoble sur les autres terroirs, l’habitat villageois et les châteaux, il reste à saisir une autre composante essentielle de cet écosystème dont le vignoble constitue l’épicentre : les villes. Déjà évoquées comme centres de pouvoir, les cités de l’Oberrhein connurent un développement modeste, bloqué en quelque sorte, et si le vignoble explique en grande partie leur richesse, il contribue aussi à expliquer leur histoire étriquée. Ces petites villes en effet, souvent concurrentes, vivaient, selon le vœu d’Alphonse Allais, à la campagne, et n’ont aucunement joué le rôle de capitale princière ou souveraine qui suscitaient le dynamisme d’une métropole. Dans une étude exemplaire sur les « villes du vin » (Weinstadt) de la vallée de la Moselle315, Franz Irsigler a élaboré six critères316 définissant ce type très particulier de villes. Bien qu’à une moindre échelle, et pour une période plus étroite317, les villes de l’espace considéré peuvent être étudiées avec cette grille d’analyse. Il faudra cependant rendre compte de leur modestie comparée à Toul, Metz, Trèves ou Coblence, villes sur lesquelles Franz Irsigler fonde son étude.

    184Le premier critère relève de la topographie : la ville du vin se situe dans une région viticole. Pour l’Oberrhein, aucun doute n’est possible. Même Brisach, au bord du Rhin, se situe à quelques kilomètres du Kaiserstuhl. Mais au critère de Franz Irsigler doit s’ajouter une autre observation, à savoir la « zone de chalandise » de chaque ville, c’est-à-dire la part du vignoble potentiellement contrôlée. Or la région étudiée offre une densité urbaine déjà soulignée qui réduit d’autant l’emprise qu’exerçait chaque ville.

    185Le deuxième critère d’une « ville du vin », selon Franz Irsigler, repose sur la participation d’une grande partie de la population à la production du vin. Là encore, peut-on douter de cette activité essentielle quand les conseils, comme celui de Colmar, chôment en période de vendange ? Et tout le reste de l’année, les villes organisaient le temps (dates de ban, etc.) et l’espace en fonction de cette production. En protégeant cet espace, par exemple, comme le fit Endingen en 1331, en interdisant l’importation de vin318. Peut-on en douter quand les établissements ecclésiastiques, grands producteurs et consommateurs, se pressaient dans les enceintes urbaines ? Dès que les actes apparaissent, les habitants de Colmar, de Rouffach, de Ribeauvillé, de Fribourg ou de Neuenburg319 se trouvent mentionnés dans leur occupation principale, l’élevage de la vigne. Toutes ces villes appartiennent à la catégorie des villes aux-bourgeois-des-champs (Ackerbürgerstadt320).

    186Le troisième critère concerne les métiers du vin au sein des organisations professionnelles. Les sources, bien entendu, sont postérieures à la période étudiée, mais dans la mesure où, dès leur apparition institutionnelle, les actes mentionnent les vignerons, il n’est point trop hardi de leur supposer une existence et surtout une activité antérieures. Seules, à l’époque étudiée, les villes de l’importance de Colmar ou Fribourg offraient une large palette de métiers différenciés, même s’ils se trouvaient regroupés par affinités (ou hasard) dans une seule tribu (Zunft). À Colmar, la première mention de profession viticole concerne, en 1286, la participation au gouvernement de la ville des responsables des tribus (meisterleute) représentant entre autres la plus ancienne, celle des vignerons (rebleute). Le premier statut connu se trouve lié à tous les autres, édicté en 1356321. L’adhésion obligatoire à la zunft (Zunftzwang) comportait une sorte d’examen au cours duquel l’impétrant devait reconnaître divers types de plants et prouver son savoir-faire en soignant un demi schatz322 de vigne.

    187D’autres métiers complémentaires avaient aussi pignon sur rue : les gourmets, les courtiers, les aubergistes ou encore les bangards, agents de surveillance des vignes payés par la ville. À Fribourg323, les vignerons se trouvent mentionnés dans ce quartier dit Neuburg, englobé dans la nouvelle muraille des années 1280-1282. Dans le statut de 1293, ils appartiennent aux zünfte reconnues. Ils formèrent progressivement une tribu spécifique, rebleutezunft, regroupant, dans la réglementation du début du XVe siècle, les vignerons, les jardiniers, les transporteurs et les journaliers. Rouffach, ville épiscopale en plein cœur du meilleur vignoble, possédait aussi un métier des vignerons324, nettement différencié de celui des boulangers, des meuniers ou des pêcheurs. Dans les autres petites villes, la vigne occupait la majeure partie de la population (Müllheim325, Thann,326 etc.) sans organisation particulière ; une seule tribu regroupait les activités agricoles et artisanales (Brisach, Bürckheim, Kenzingen327). À Turckheim et Ribeauvillé, au XIVe siècle, se regroupèrent les vignerons uniquement, « pour former corps », élite de la population agricole ? La zunft se réunissait dans son « poêle » (trinkstube), comme à Kaysersberg où ce lieu de rencontre se trouve attesté, sans toutefois de mention explicite de zunft.

    188Le quatrième critère est l’appétence de la ville à construire des lieux et des établissements spécifiques ou à aménager de coûteux équipements. À cet égard, les traces se font rares328 dans les petites villes de l’Oberrhein, ce qui ne signifie nullement l’absence de tels équipements publics. Les particuliers, quant à eux, disposaient de caves (keller), puisqu’elles pouvaient faire l’objet de donations comme à Mulhouse en 1337 en faveur de l’abbaye de Lucelle329. Les infrastructures commerciales urbaines existaient au prix d’un réel investissement et d’un coûteux entretien. On a déjà cité les installations portuaires avec des quais (ladhof) et sans doute, comme elle était attestée à Strasbourg, une grue pour charger et décharger les bateaux (krone). Les villes travaillaient à ce que de tels embarcadères puissent garder le monopole de l’expédition dans une aire géographique convenue. À cet égard apparaît emblématique la plainte des villes impériales auprès de l’empereur en 1376 contre le droit de péage sur l'Ill que possédaient les Ribeaupierre à Illhäusern, au confluent de l'Ill et de la Fecht. Le roi Wenceslas le rendit à Brunon dès 1392 et, pour la fin du Moyen Âge, ce péage, au fonctionnement différencié selon la provenance du vin (c’est-à-dire la qualité, le meilleur et le plus cher étant celui de Riquewihr), constitue une source de première importance. Dans plusieurs villes comme Sélestat, Ribeauvillé, Colmar ou Mulhouse, un lieu bien spécifique avait été aménagé, dont la toponymie porte encore la trace : la sinn où l'on jaugeait les tonneaux et étalonnait les poids et mesures. L’archéologie permet de conserver l’espoir de trouver d’éventuelles autres installations urbaines, faute de documents écrits.

    189Le cinquième critère touche aux capacités commerciales et au marché du vin330. Il est certain qu’à cet égard, les villes, même les plus petites, se situaient en excellente position dans l’Oberrhein, tant pour la consommation intérieure (auberges) que pour l’exportation. Grâce à Lucien Sittler331, François-Jacques Himly332 et Hektor Ammann333, un repérage relativement exhaustif a pu être établi des destinations commerciales334 du vin d’Alsace. Ce vignoble méridional de l’espace germanique exportait essentiellement vers l’Europe du Nord et centrale par l’Ill puis le Rhin. En suivant le Rhin et ses affluents, le vin se vendait à Francfort et à Cologne, ainsi qu’aux Pays-Bas. L’exportation, elle aussi soutenue, vers Bâle, Lucerne ou Fribourg abreuvait les « Suisses » ; leurs chroniqueurs de la fin du Moyen Âge ne cessent de vanter l’absolue nécessité d’un tel breuvage. La documentation cependant porte essentiellement sur les XIVe et XVe siècles, à une époque où le vignoble a atteint une extension maximale, soutenu qu’il était par une commercialisation organisée et active. Entre 1250 et 1350, l’exportation massive et concentrée entre les mains des spécialistes ne drainait pas toute la production. D’une part, les marchés se multipliaient dans le vignoble, d’autre part, les marchands extérieurs, surtout les « Suisses » étudiés par Hektor Ammann, venaient souvent chercher et choisir sur place leur précieux breuvage. Pour cette période, aucune mention n’atteste encore la vente sur pied, fréquente à la fin du Moyen Âge.

    190Ce marché prédominant du vin dans l’économie citadine, greffé sur des voies de circulation aisée, constitue le cinquième critère de Franz Irsigler pour déterminer une « ville du vin ». Colmar jouait à cet égard un rôle-clef pour toute la région étudiée. La première foire connue335 date de 1305, elle durait quatre jours à partir de la Saint-Martin, le 11 novembre, terme courant des redevances en vin. Les dispositions habituelles aux foires étaient assurées : la sauvegarde des marchands et des transactions. Les traces documentaires ne concernent pas, hélas, la période étudiée, puisque les livres de la douane ne sont conservés qu’à partir de 1392. Très réputée, cette foire complétait en le renforçant le marché du jeudi.

    191L'Oberrhein offrait, en ce qui concerne les marchés, une caractéristique remarquable par rapport à la typologie citadine de Franz Irsigler. La vallée de la Moselle se trouvait ponctuée de grosses villes assurant toutes les fonctions de la chaîne du vin. Dans la partie de la vallée rhénane étudiée, la fonction commerciale se trouvait répartie en revanche, déjà entre 1250 et 1350, en un nombre considérable de marchés, de petites villes ou de bourgades seigneuriales, en vertu de cette usurpation déjà évoquée des droits régaliens (ici le droit de marché). Sur la rive droite336 ou sur la rive gauche, ces marchés relativement précoces se trouvaient en plein vignoble. Parmi les plus anciens attestés, signalons en Brisgau, Kenzingen, Brisach, Staufen, Sulzburg et Neuenburg. En Alsace, Sélestat fonctionnait depuis le XIe siècle. Un peu plus tardivement (du moins dans la datation, souvent approximative337), ils apparaissent nombreux sur les deux rives : Endingen338, Ammerschwihr (1228), Kaysersberg (1293), Guebwiller339, Cemay (XIIIe siècle), Thann (1292), Mulhouse (XIIe siècle). Le réseau se trouve complété au début du XIVe siècle par Turckheim (1312), Riquewihr (marché couvert), Guémar, Bergheim (1307), Kientzheim (1325) et Rouffach (1322)340. Cet éparpillement des points de ventes et de profits a, sans aucun doute, bridé l’économie colmarienne qui, faute de cour princière laïque ou ecclésiastique, n’a pu être en mesure de capter autoritairement ce marché du vin.

    192Le dernier critère de Franz Irsigler concerne l’investissement bourgeois dans les campagnes et les possessions des villes dans des vignobles éloignés. Ce dernier point concerne peu les villes de TOberrhein, qui n’éprouvaient pas le besoin de compléter leur production par d’autres vins hors de la région. Certains Colmariens, cependant, possédaient des vignes dans la région de Ribeauvillé ou Rouffach comme l’atteste la vente, en 1314, par Ulrich Spies de Colmar, de sept schatz de vignes à Saint-Pierre de Bâle341. En revanche, dans la banlieue, les bourgeois ou habitants des villes possédaient bien des vignes à des fins domestiques, mais aussi spéculatives, comme en témoignent les actes d’achats ou les rentes342. Ces vignes, disposées en amphithéâtre autour des murailles, sur les premiers talus venus, permettaient d’assurer aisément l’entretien quotidien de quelques vignes réservées à la famille. Mais l’investissement systématique n’apparaît avant 1350 que pour les bourgeois de quelques villes, au premier rang desquelles, Bâle.

    193Les vignobles de Rouffach, Soultz et Thann semblent être les premiers, en effet, à avoir attiré les bourgeois bâlois dans le sillage des établissements ecclésiastiques déjà bien lotis dans cette région. Ces vignes achetées et revendues faisaient l’objet de spéculations. À Soultz, en 1315, l’abbaye de Königsfelden acheta à un bourgeois de Bâle, Heinrich Wagener343, pour la somme considérable de 295 marcs d’argent, un vaste domaine avec en sus 116 schatz de vignes. Son concitoyen Burchard zum Rosen devint en 1296 propriétaire de pièces sur les flancs du célèbre rangen de Thann344. Sur le ban de Soultzmatt345, les Münch de Bâle tenaient en fief de l’évêque de Strasbourg des schatz de vignes346. Le registre des rentes viagères de Rouffach347 semble contenir toute la ville de Bâle ! Chaque page contient plusieurs Bâlois, et non des moindres, qui se pressent à chaque rubrique : le secrétaire général de la ville, une moniale de l’abbaye de Klingental, un bénédictin, un chanoine, etc.348. Même s’il débute en 1409, le registre consigne des rentes assignées depuis plusieurs générations parfois ou, le plus souvent, depuis de nombreuses années. Le rapport en est grosso modo de 10 % avec des capitaux relativement importants d’au moins une centaine de florins.

    194Les bourgeois de Colmar, à plus petite échelle, participaient également à ce type d’investissement. Johann Corona, bourgeois, acheta en 1246 à Eberhard von Greifenstein des vignes à Wintzenheim, ville toute proche de Colmar349. Le Schultheiβ de Colmar, le chevalier Walter Landose, offrit à l’abbaye de Pairis des vignes qu’il possédait à Nierdermorschwihr en 1226 et à Katzental350 en 1264351. Ces donations témoignent de propriétés assez largement réparties dans le vignoble, comme par exemple ce bourgeois de Brisach à Kientzheim352.

    195Laissons conclure le botaniste Hieronymus Bock de Strasbourg auquel on prête cette affirmation, vers le milieu du XVIe siècle : « Le bon vin, c’est la moitié de la vie ». Dans l’Oberrhein, la proportion peut être supérieure ! Le vignoble rend compte en effet de toute l’histoire et des particularités de la région étudiée.

    196Cette production singulière a bénéficié d’un biotype en tous points favorable qui a formé une sorte d’écosystème influençant grandement le développement politique, économique et social de la région. L’écrasante présence du souverain et de l’Église (abbayes et évêchés) au VIIIe siècle a d’abord favorisé l’implantation et le développement d’un vignoble de piémont et de plaine, par une forte consommation et par des moyens mis en œuvre sur un temps long et à l’échelle de grands domaines. L’exportation facile par de nombreux cours d’eau formant réseau avec l’Ill et le Rhin a stimulé un vignoble favorisé également par un climat atypique à cette latitude. Cette culture spécifique exigeait aussi une compétence et une disponibilité quotidiennes qui ont transformé le paysan sans qualification en un professionnel de la vigne pouvant assurer la production et la vente. Grâce à la rentabilité d’une culture à la fois indispensable et luxueuse ouvrant les marchés des grandes cours princières et ecclésiastiques, le vigneron a acquis sa liberté et une participation aux circuits d’échange en argent. L’Oberrhein, par sa fertilité, permettait d’assurer des cultures vivrières en temps et espace réduits : une production intensive et intégrée à la culture de la vigne. La circulation et la consommation de cette denrée précieuse ont cristallisé des marchés et des villes tenus par des maîtres tous différents et mobilisés autour de cette source de richesse : aucun n’a pu transformer l’Oberrhein en une principauté unique avant la mainmise tardive des Habsbourg. L’enjeu symbolique, économique, et même politique, que représentait un tel vignoble a retardé l’évolution observée partout ailleurs en Europe, la montée de pouvoirs effectifs structurant des États même modestes. « On ne touche pas aux choses de l’Alsace », disait le contrôleur général des finances de Louis XIV.

    197Le vignoble a ainsi marqué toute une société dans son mode d’expression le plus quotidien, matériel et symbolique. Avant 1350, l’omniprésence de la vigne se remarque surtout dans les arts décoratifs, l’hagiographie. Les outils de la semaine figuraient dans les églises fréquentées le dimanche : que de chapiteaux353, de piliers354 ou de portails355 décorés de serpes, de couteaux à vigne ou de feuilles et de grains ! Tous les arts ont utilisé le même langage décoratif ou symbolique356, l’enfant Jésus aux raisins, la Vierge aux grappes et le cortège des saints mobilisés pour la bonne marche du vignoble. Le culte de saint Urbain, spécialiste du vin, a connu un essor considérable quand Irmengard, femme de Lothaire, fit translater en 849 à Erstein une jambe de ce saint, devenu le pape Urbain Ier (222-230). L’origine de la dévotion serait-elle liée à son Liber pontificalis qui prescrivait l’utilisation d’or ou d’argent pour la fabrication des vases sacrés ? Le 25 mai, au moment où la vigne hésite à fleurir, sa fête rassemblait de nombreux fidèles auxquels Urbain répondait par des miracles attestant de son intérêt pour le vin. En réalité, ce saint n’exerça aucun monopole, car bien d’autres saints faisaient l’objet de vénération. Les saints « climatiques » connaissaient un réel succès : Médard, fêté le 8 mai, pouvait assurer un été sec, Bartholomé assurait la délicate maturation finale des raisins à partir du 24 août, et chaque village vénérait un saint auquel il s’identifiait.

    198Vigne, raisin et vin dans la vie quotidienne ont, enfin, contribué à façonner cette caractéristique de l’Oberrhein : un mode de vie campagnard en ville, et citadin à la campagne.

    Notes de bas de page

    1 Die deutschen Königspfalzen. Repertorium der Pfalzen. Königshöfe und übrigen Aufenthaltsorte der Könige im deutschen Reich des Mittelalters, t. 3, Baden-Württemberg, H. Maurer dir., Göttingen, 1988. H. Boockmann, Stauferzeit und spätes Mittelalter. Deutschland 1125-1517, Berlin, 1987 (Cf. carte p. 186 Die Aufenthaltsorte König Rudolfs von Habsburg).

    2 H. C. Peyer, « Das Reisekönigtum des Mittelalters », VSWG, 51 (1964), p. 1-21. H. Schwarzmaier, « Das Königsgut in karolingischer, ottonischer und salischer Zeit », in Historischer Atlas von Baden-Württemberg..., op. cit., cf. cartes : V, 2, p. 9.

    3 F. X. Vollmer, « Besitz der Staufer (bis 1250) », in Historischer Atlas von Baden-Württemberg..., op. cit., cf carte Stauferbesitz um 1240 : V, 4, p. 7. T. Zotz, « Grundlagen und Zentren der Königsherrschaft im deutschen Südwesten in karolingischer und ottonischer Zeit », in Archäologie und Geschichte..., op. cit.. p. 275-293.

    4 Cf. la présentation d’Ermold le Noir dans l’introduction.

    5 Gebiete mit Weinbau und landwirtschaftlichen Sonderkulturen oder Regionen, die vom ländlichen Gewerbe durchsetzt waren, reagierten anders auf die Agrarkrise als ausgeprägte Getreidebaulandschaften, W. Rösener, « Krisen und Konjunkturen der Wirtschaft im spätmittelalterlichen Deutschland », in Europa 1400, Die Krise des Spätmittelalters, F. Seibt et W. Eberhard (éd.), Stuttgart, 1984, p. 37. F. Irsigler, « Weinstädte an der Mosel im Mittelalter », in Stadt und Wein, F. Oppl (éd), Linz-Donau, 1996 (Beiträge zur Geschichte der Städte Mitteleuropas, 14), p. 165-179. W. Rösener, « Bauern in der Salierzeit », in Die Salier und das Reich, t. 3, Gesellschaftlicher und ideengeschichtlicher Wandel im Reich der Salier, S. Weinfurter (éd), Sigmaringen, 1991.

    6 Le doute méthodologique doit être poussé plus loin : si des pièces sans rapport avec Unterlinden se trouvent dans ce fonds, des pièces provenant d’Unterlinden se trouvent dans d’autres fonds non encore inventoriés. L’enquête documentaire restera incomplète tant que l’ensemble des fonds anciens des ADHR ne sera pas classé et inventorié pièce à pièce.

    7 Voir l’histoire des fonds en introduction aux sources données en annexe. R. H. Bautier avait le projet de traiter ces archives comme il l’a fait pour les fonds du Sud-est : R. H. Bautier et J. Sornay, Les sources de l'histoire économique et sociale du Moyen Âge, Provence, Dauphiné, vol. 1, éd. du CNRS, Paris, 1968. Même ce maître a dû y renoncer !

    8 ADHR H Unterlinden, 121-2

    9 ADHR C 45. R. Maag, Das habsburgische Urbar, 3 vol., Bâle, 1894-1904.

    10 ADHR E 2858. Rouleau remarquable de pièces de parchemins cousues, conservé dans une grande boite et qui attend son éditeur. À la différence de celui des Habsbourg, sa composition est complexe en une succession, non différenciée matériellement, de petits articulets concernant une personne ou un bien. Cf. extraits en annexe.

    11 Voir en annexe l’introduction aux sources : histoire des fonds d’archives.

    12 De façon surprenante, certains couvents (grâce à la Réforme) s’y trouvent puisque les archives de l’évêché et du diocèse sont conservées à Porrentruy (où on ne trouve pas pléthore de documents pour la période médiévale).

    13 La société créée en 1819 voulait « contribuer à maintenir l’amour de la patrie commune ». H. Fuhrmann, « Les premières décennies des Monumenta Germaniae Historica », Francia, 21/1 (1994), Miszellen, p. 175-180.

    14 A. Bruckner, Regesta Alsatiae aevi merovingici et karolini (496-918), t. 1, Quellenband (seul paru), Strasbourg-Zurich, 1949.

    15 H. Haefele, « Notker der Stammler, Taten Kaisers Karls des Grossen », MGH SS Rerum Germanicarum, nova series, t. XII, Munich, 1980.

    16 K. Schmid et H.-J. Wollasch (éd.), Societas et fraternitas. Begründung des kommentierten Quellenwerkes zur Erforschung der Personen und Personengruppen des Mittelalters, Berlin, 1975. H. J. Wollasch et C. Wilsdorf, « Notker le Bègue et l’Alsace », in L'abbaye de Saint-Gall et l'Alsace au haut Moyen Âge, Archives départementales du Haut-Rhin, 1997, p. 7-14.

    17 J. Grimm, Weisthümer, 1-7, 1840-1878. (Nouvelle éd. 1957). Le but idéologique de l’entreprise visait à mettre en valeur les temps heureux où les paysans étaient libres. W. Rösener, « Frühe Hofrechte und Weistümer im Hochmittelalter », Agrargeschichte, Universität Rostock, 23 (1990), p. 12-29. C. Wilsdorf, « Un domaine dans la première moitié du XIIIe siècle : la cour du comte de Woffenheim d’après son coutumier », in Histoire rurale de l'Alsace, Strasbourg, 1981, p. 101-112. Werner Rösener estime que pour la région ici étudiée, les Weistümer correspondent aux règlements de domaines (Dinghofrodeln) ou de villages (Dorfrechte).

    18 Pour l’espace et la période étudiés dans ce travail, il n’y a que très peu de sources (Öderen, Woffenheim, mention de Pfaffenheim).

    19 Leurs méthodes et leurs œuvres ont été évoquées dans la présentation historiographique de l’Alsace en début de travail.

    20 Collation d’actes édités dans des publications diverses et regroupés selon un thème : tous les actes concernant un établissement ecclésiastique, la vigne, une ville, une période chronologique...

    21 Par exemple, la donation de 52 pièces de vigne (situées à Sigolsheim) à l’abbaye Saint-Pierre d’Étival par sainte Richarde (épouse de Charles le Gros) le 1 mai 884, citée par A. Brückner, Regesla..., op. cit., p. 373, no 616, comme « venmechtet » et figurant dans MGH DD regum Germaniae ex Stirpe Karolinorum II, 326, no 1.

    22 A. Schäfer, « Die ältesten Zinsrödel im Badischen Generallandesarchiv. Rödel als Vorläufer und Vorstufen der Urbare », ZGO, 112 (1964), p. 297-372.

    23 Très peu de terriers pourtant nombreux dans le sud-ouest de l’Empire ont fait l’objet d’édition ou même suscité des travaux d’exploitation. Cf. N. Ohler, Die Adelhauser Urbare..., op. cit., p. XIII.

    24 H. Ott, « Probleme und Stand der Urbarsinterpretation », Zs für Agrargeschichte und Agrarsoziologie, 18 (1970), p. 159-184. Cf. carte Oberrheinische Urbare und Rödel vom Ende des 13. bis zum Beginn des 15. Jahrhunderts, p. 181.

    25 Profession réellement exercée ou devenue déjà un patronyme ? Toutes ces questions sont loin d’être résolues. Cf. les travaux de Monique Bourin et de son équipe. Genèse médiévale de l'anthroponymie moderne, 5 vol., 1990-1995 (Publications de l’Université de Tours).

    26 Das Tennenbacher Güterbuch..., op. cit., p. XIII et suivantes. Un des textes fondateurs de la ville de Fribourg s’y trouve même inséré. Cf. M. Blattmann, Die Freiburger Stadtrechte..., op. cit.

    27 ADHR 3G 11 Saint Pierre, Registrum acker, grangia, silva (1334). Les registres de cens sur les biens immobiliers (von iren husern gelegen in der stat ze Colmer) sont plus tardifs.

    28 À sa retraite de professeur, ce prêtre historien devint bibliothècaire-archiviste de la ville de Haguenau. En 1864 il publia La constitution des campagnes au Moyen Âge, ouvrage très remarqué qui lui valut de collaborer à l’édition des Weisthümer de Jakob Grimm. Dans une problématique de la richesse/pauvreté des campagnes, de la valeur relative de l’argent et du coût de la vie, il a publié des données techniques et précieuses dans ses Études économiques sur L'Alsace ancienne et moderne. En 1865, il fait la synthèse, sous le titre Les paysans d'Alsace, d’une série d’articles sur les cours colongères (dinghof).

    29 H. Dubled, « Les paysans d’Alsace au Moyen Âge (VIIIe-XVe siècles). Grands traits de leur histoire », in Paysans d’Alsace, Strasbourg, 1959 (Publications de la Société Savante d’Alsace et des régions de l’Est, VII) p. 21-50. Id., « Administration et exploitation des terres de la seigneurie rurale en Alsace aux XIe et XII e siècles », VSWG, 47 (1960), p. 433-473. Id., « La communauté de village en Alsace au XIIIe siècle », Revue d'Histoire économique et sociale, XLI (1963), p. 5-33. Id., « Les grandes tendances de l’exploitation au sein de la seigneurie rurale en Alsace du XIIIe au XVe siècle. Traditions et évolutions », VSWG, 49 (1962), p. 41-421.

    30 W. Rösener, Grundherrschaft im Wandel, Göttingen, 1991, p. 564, n. 9. Charles-Edmond Perrin s’est appuyé sur la thèse de W. Wittich opposant une seigneurie éclatée dans le nord de l’Allemagne et une seigneurie fossilisée dans le sud.

    31 H. Ott, Studien zur spätmittelalterlichen Agrarverfassung im Oberrheingebiet, Stuttgart, 1970 (Quellen und Forschungen zur Agrargeschichte, 23).

    32 H. Ott, Stand und Probleme der Urbarinterpretation..., op. cit.

    33 W. Rösener (éd.), Grundherrschaft und bäuerliche Gesellschaft im Hochmittelalter, Götttingen, 1995 (Veröff. des Max-Planck-Instituts für Geschichte, 115).

    34 N. Ohler, « Die Urbare des Klosters Adelhausen von 1327 und 1423. Zur Wirtschafts- und Sozialgeschichte des Breisgaus », Alemannisches Jahrbuch (1976-78), p. 111-182. Plus spécialement p. 141 et suivantes Möglichkeiten und Grenzen einer quantitativen Auswertung.

    35 O. Kammerer, « Les Colmariens dans leurs campagnes : à propos du terrier d’Ursule Marx von Eckwersheim (1535) », Annuaire de la Société d'Histoire et d’Archéologie de Colmar (1983), p. 37-45.

    36 Pour des travaux ultérieurs nécessitant tout un travail d’équipe. La seule application possible dans le cadre de cette recherche sera la présentation du vignoble et des autres terroirs. Le lecteur ne s’étonnera donc point de voir des perspectives encore largement ouvertes, des hypothèses et des questions plus nombreuses que des réponses.

    37 P. Dollinger, L'évolution des classes rurales en Bavière depuis la fin de l'époque carolingienne jusqu'au milieu du XIIIe siècle. Paris, 1949, traduction allemande : Der bayerische Bauernstand vom 9. bis zum 13. Jahrhundert, 1982, p. 121.

    38 W. Rösener, « Strukturformen der adeligen Grundherrschaft in der Karolingerzeit », in Strukturen der Grundherrschaft im frühen Mittelalter, W. Rösener (éd.), Göttingen, 1989, p 126-180.

    39 R. Fossier, « Polyptyques et censiers », Typologie des sources du Moyen Age occidental, 28 (1978), p. 25 et suivantes.

    40 W. Rösener, Grundherrschaft im Wandet, Göttingen, 1991. Id., « Bauern in der Salierzeit », in Die Salier..., op. cit.

    41 « La seigneurie est une entreprise de coercition, enserrant la paysannerie dans un réseau d’obligations multiples ». M. Bourin, Vivre au village au Moyen Age. Les solidarités paysannes du 11e au 13e siècle, Paris, 1984, p. 113.

    42 H. Hildebrandt, « Historische Feldsystem in Mitteleuropa », in Das Dorf am Mittelrhein, A. Gerlich (éd.), Stuttgart, 1989 (Geschichtliche Landeskunde, 30), p. 103-148.

    43 W. Rösener, Bauern im Mittelalter, Munich, 1985, p. 27.

    44 Cités par W. Rösener, « Bauern in der Salierzeit », in Die Salier... op. cit., p. 62.

    45 W. Rösener, Grundherrschaft..., op. cit., p. 361.

    46 À Marmoutier, la réserve avait déjà diminué de 20 à 30 % au début du XIIe siècle. A. M. Burg, « Maursmünster », Lexicon fûr Theologie und Kirche, 7 (1962), col. 197.

    47 Fronhofwirtschft.

    48 « Die Zustände des Elsasses im Beginn des 13. Jahrhunderts ». in Annalen und Kronik..., op. cit., p. 129.

    49 W. Rösener, « Ministerialität, Vassalität und niederadlige Ritterschaft im Herrschaftsbereich der Markgrafen von Baden vom 11. bis zum 14. Jahrhundert », in Herrschaft und Stand, J. Fleckenstein (éd), Göttingen, 1977 (Veröff. des Max-Planck-Instituts für Geschichte, 51), p. 51 et suivantes.

    50 W. Metz, « Zu Wesen und Struktur der geistlichen Grundherrschaft », in Nascita dell'Europa ed Europa carolingia : Un equazione da verificare, Spolète, 1981 (Settimane di Studio del centra italiano di studi sull’alto medioevo, 27), p. 147-169.

    51 W. Rösener, Grundherrschaft im Wandel..., op. cit., p. 564.

    52 H. Hildebrandt, « Historische Feldsysteme in Mitteleuropa. Zur Struktur und Genese der Anbauformen in der Zeit vom 9. bis zum 11. Jahrhundert », in Das Dorf am Milteirhein..., op. cit., p. 104-148.

    53 L’utilisation de la photographie aérienne se révèle de la plus grande utilité.

    54 Par exemple, à propos du phénomène des désertifications qui a grandement affecté les campagnes, voir H. Jäger, « Zur Wüstungs-und Kulturlandschaftsforschung », Erdkunde VIII, Heft 4 (1954), p. 302-309. Id., « Einige Grundfragen der Wüstungsforschung mit besonderer Berücksichtigung von Mainfranken », Würzburger Geographischen Arbeiten, 12 (1964), p. 123-138.

    55 H. Ott, Studien zur spätmittelalterlichen Agrarverfassung im Oberrheingebiet..., op. cit.

    56 Hügelheim, Gallenweiler, Obereggenen, Sitzenkirch.

    57 B. Metz, « Les cimetières fortifiés », Encyclopédie d’Alsace, 3 (1983), p. 1736-1746.

    58 B. Boesch, « Ortsnamen am Oberrhein », in Festschrift für F. Maurer zum 65. Geburtstag, Stuttgart, 1963, p. 138-158.

    59 Historischer Atlas von Baden-Württemberg, op. cit., Karten IV/1 et IV/2 : Der alemannische und fränkische Siedlungsraum : 1 Ortsnamen auf-ingen,-heim und -dorf. 2 Ortsnamen auf - hausen, -hofen, -stetten, -statt,-weiter.

    60 Nouveau se traduit par neu (= nuw), jung.

    61 Rodung. De la même étymologie, rott, rod, reut, ruti.

    62 Fron désigne le sacré et ce qui appartient ou sert au seigneur.

    63 L’accord de Marquait en 1339 (texte en annexe), exprime surtout la toute-puissance de l’abbé.

    64 Dans l’arrondissement de Mulhouse, canton de Habsheim, ce village partage son ban entre un ancien lit du Rhin (alluvions et prés humides = au), et les terrains de graviers (=harth) limité par un talus.

    65 Trott = pressoir.

    66 Dans l’espace éudié, deux secteurs miniers argentifères furent précocement exploités et attestés. En 984 pour Sainte-Marie-aux-Mines dans les Vosges, et en 1028, pour Sulzburg et Badenweiler en Forêt-Noire. Cf. Geschichte der Stadt Freiburg..., op. cit., carte p. 324. H. Steuer, « Erzbergbau im Schwarzwald zur Salierzeit », in Siedlungen und Landesausbau zur Salierzeit, t. 2, H. W. Böhme (éd), Sigmaringen, 1991, p. 67-96.

    67 Montanarchäologie in Europa. Berichte zum Internationalen Kolloquium « Frühe Erzgewinnung und Verhüttung in Europa » in Freiburg vom 4. bis 7. Oktober 1990, H. Steuer et U. Zimmermann (éd.), Sigmaringen, 1993. Voir particulièrement dans ce volume : T. Zotz, « Schriftquellen zum Bergbau im frühen Mittelalter », p. 183-199. P. Fluck, « Montanarchäologie in den Vogesen. Eine Zwischenbilanz », p. 267-289. P. Fluck, « Du minerai au lingot : l’élaboration de l’argent à l’époque de la Renaissance. Une conjonction de l’histoire, de l’archéologie et de la géologie », Bulletin de la Société d’Histoire Naturelle de Colmar, 62 (1993-94), p. 3-47.

    68 Du latin (fin XIIIe siècle) emphyteosis, altéré du latin juridique emphyteusis, emprunté au grec emphuteusis, e mphuteuein = planter. Bail à long terme donnant le droit de faire des plantations.

    69 Cf. texte de 1267, en annexe, concernant une opération masquée de crédit.

    70 Auf tausend Jahr und och me. Citation de T. Walter, Urkunden und Regesten der Stadt und Vogtei Rufach (1350-1500), Rouffach, 1913, p. 122.

    71 Schatz = 1/4 de l'acker = 1/2 du mannwerk = environ 3,5 ares. Haufen reben = la moitié, (évocation des piquets de vigne arrachés avant l’hiver et entassés au bord des pièces avant d’être évacués).

    72 R. H. Bautier, « Recherches sur les routes de l’Europe médiévale », Bulletin Philologique et Historique (jusqu'en 1610) du Comité des travaux historiques et scientifiques, t. 1, 1960, p. 99-143.

    73 H. Löffler, Geschichte des Verkehrs in Baden insbesondere der Nachrichten- und Personenbeförderung von der Römerzeit bis 1872. Heidelberg, 1910. J. Braun, Histoire des routes en Alsace des origines à nos jours, Strasbourg, 1987. Francis Rapp avait organisé en 1986-87 un séminaire sur ce thème mais, à ma connaissance, les communications n’en ont pas été publiées.

    74 Cf. la vue cavalière des environs d’Ammerschwihr par Mérian, en annexe. On observera la position très rapprochée de Kientzheim, Ammerschwihr, Kaysersberg, les enclos et les pièces de vigne, la forêt et les nombreuses voies de communication (à une époque ultérieure, il est vrai).

    75 N. Ohler, Die Urbare des Klosters Adelhausen..., op. cit., p. 132.

    76 Strasse nach, weg nach, pfad nach.

    77 N. Ohler, Die Urbare des Klosters Adelhausen..., op. cit., p. 136-137.

    78 M. Parisse, « Saint-Denis et ses biens en Lorraine et en Alsace », Bulletin philologique et historique (jusqu'en 1610) du Comité des travaux historiques et scientifiques, t. 1, 1967, p. 237 et p. 248-250.

    79 R. Forrer, « L’Alsace romaine », in Études d'archéologie et d'histoire, Paris, 1935.

    80 A. Brückner, Regesta..., op. cit., p. 152-153, no 245.

    81 A. M. Zundel, « Les routes en Haute-Alsace à la fin du Moyen Âge », in Positions de thèses de l'École Nationale des Chartes (1960). L’auteur distingue quatre itinéraires : l’un le long du Rhin, un autre parallèle sur le piémont des Vosges, un troisième en diagonale, Bâle-Colmar (par Blotzheim, Sierentz, Reguisheim, Meyenheim) et le quatrième, la traversée du Sundgau.

    82 V. Serna, « Quelques réflexions à propos du concept de navigabilité des rivières au Moyen Âge en France », in Navalia archeologia..., op. cit., p. 105-115.

    83 La propriété du cimetière qui entourait l’église reste un problème historique ouvert. En principe, église et cimetière formant une unité dépendaient du même propriétaire ou patron à partir du XIIe siècle. Coexistaient les cimetières seigneuriaux et communaux. Mais la fréquence des conflits (attestés à la fin du Moyen Âge) avec les curés ou la communauté paroissiale chargée de l’entretien suffirait à prouver qu’il n’existait aucune position canonique d’ensemble. Ambiguïté et appréciations in situ conduisaient à des solutions fort variées.

    84 Pour l'instant, cette vaste enquête n’a fait l’objet que de peu de publications de synthèse parmi lesquelles : « Cimetières fortifiés », Encyclopédie d'Alsace, 3, p. 1736-1746.

    85 La chronologie du début et de la fin du phénomène reste extrêmement hasardeuse. Bernhard Metz n’a trouvé de datation certaine que pour quatre fortifications concernant l’espace ici étudié. Cernay 1187. Colmar 1212. Ingersheim 1234. Wintzenheim 1279. Toutes sont dans le vignoble : est-ce un hasard ?

    86 H. Dubled, « La communauté de village en Alsace », op. cit., p. 5-33.

    87 H. Dubled, « Ville et village en Alsace au Moyen Âge. Essai de définitions, critères de distinction », in La Bourgeoisie Alsacienne, Paris, 1954, p. 57-69.

    88 G. L. von Maurer, Einleitung zur Geschichte der Mark-, Hof-, Dorf- und Stadtverfassung, Munich, 1854. Rééd. Aalen, 1966. Ces communaux, communs à plusieurs villages ou seigneuries, expriment au contraire, selon l’historiographie actuelle, une réaction seigneuriale aux empiètements des défricheurs.

    89 O. von Gierke, Das deutsche Genossenschaftsrecht, 4 vol., Berlin, 1868-1913.

    90 K. T. von Inama-Stemegg, « Über die Quellen der deutschen Wirtschaftsgeschichte », Sitzungsberichte der Kaiserlichen Akademie der Wissenschaflichen Philosophischen-Historischen, Klasse 84(1876), p. 135-210.

    91 P. Blickle (éd.), Deutsche ländliche Rechtsquellen, Probleme und Wege der Weistumsforschung, Stuttgart, 1977.

    92 A. Dopsch, Herrschaft und Bauer in der deutschen Kaiserzeit. Untersuchungen zur Agrar- und Sozialgeschichte des hohen Mittelalters mit besonderer Berücksichtigung des südostdeutschen Raumes, Iéna, 1939.

    93 W. Rösener, « Frühe Hoffechte und Weistümer im Hochmittelalter », Agrargeschichte, (Universität Rostok), 23 (1990), p. 12-29. F. Rapp, « Du domaine à l’État : les avatars de la seigneurie rurale », in Histoire de l'Alsace..., op. cit., p. 83-99.

    94 H. Dubled, « La communauté de village », op. cit., p. 7. G. Sivery, Terroirs et communautés rurales dans l’Europe occidentale au Moyen Âge, Lille, 1990. Nombreux exemples choisis dans les montagnes, le vignoble ou les pâturages de l’espace européen.

    95 L'office de maire de Soulzbach (vallée de Munster) dépendait de l’abbé de Munster, qui authentifiait les actes de son sceau, et du prieur de Saint-Gilles, proviseur de Saint-Pierre de Colmar. L’abbé de Payerne (dont dépendaient, on s’en souvient, ces prieurés) avait investi en emphythéose à Henri Giseler de Soulzbach la moitié de la mairie. Le 20 décembre 1318, la fille et le gendre de cet Henri Giseler acceptèrent le transfert de cette moitié d’office en fief héréditaire, moyennant des redevances annuelles : une livre de deniers de Bâle, quatre quartaux de seigle et d’orge, soixante écuelles et deux terrines à couvercle (kar) et quatre cuillers et deux plats de poisson cuits pour le repas de la Saint-Martin. Ils devraient, de plus, assurer le gîte chaque année à l’abbé de Payerne (pour lui et quatre chevaux) et ne pas aliéner cette part de la mairie et les biens y afférents. On remarquera l’absence de redevances en vin, dans cette vallée, mais l’importance de celles, en argent et en poisson, qui ne se rapportent, souligons-le, qu’à la moitié de l’office. X. Mossmann, « Les regestes du prieuré de Saint-Pierre », op. cit., p. 129, no 47.

    96 K. Blaschke, « Die Ursachen des spätmittelalterlichen Wüstungsvorgangs », in Festschrift für Wilhelm Abel, 1974, p. 55-65. H. Jäger, « Wüstungsforschung in geographischer und historischer Sicht », in Geschichtswissenschaft und Archäologie, H. Jankuhn et R. Wenskus éd., 1979, p. 193-240.

    97 Das Reichsland Elsaβ-Lothringen..., op. cit.

    98 A. M. Burg, Histoire de l'Église d'Alsace, Colmar, 1946.

    99 A. Humm, Villages et hameaux disparus en Basse-Alsace. Contribution à l’histoire de l'Alsace rurale, Strasbourg, 1970. L. G. Werner, « Villages disparus de la Haute-Alsace », Bulletin de la Société Industrielle de Mulhouse, 1914) p. 292-323, p. 557-590. Ibid., 1919, p. 175-230. Ibid., 1921, p. 376-424. A. Straub, Les villages disparus en Alsace, Strasbourg, 1887. A. Poinsignon, « Ödungen und Wüstungen im Breisgau », ZGO, NF, 11 (1887), p. 322-368. Ibid., p. 449-480.

    100 La tradition orale affectionne, pour faire disparaître les villages, les pestes, les « troubles », les guerres ou les Armagnacs. Sans nier leur influence, ne s’agirait-il pas plutôt d’un coup de grâce ?

    101 Les juristes du XVIIIe siècle ont forgé le mot « colonge » pour désigner la cour seigneuriale, d’où l’adjectif colonger qu’Hanauer utilise dans l’expression rotule colonger ou cour colongère.

    102 Andolsheim, cour appartenant au prieuré de Lièpvre ((fragments rédigés en allemand. Minnewiler (Meiwihr, village disparu près d’Ammerschwihr) et Ingersheim, sont donnés par Hanauer pour des « colonges souveraines ». Leur datation antérieure à 1300 ne fait pas l'unanimité des historiens.

    103 C. E. Perrin, « Chartes de franchise et rapports de droits en Lorraine », Le Moyen Âge, LII (1946), p. 11-42.

    104 J. Grimm (éd.), Weisthümer..., op. cit.

    105 La cour (curtis) formait le coeur de la seigneurie et/ou du village puisque s’y réunissait l’assemblée judiciaire (plaid, placitum, ding). Les documents fabriqués à cette occasion en forme de rotule portent le nom de dinghofrödel.

    106 K.T. Inama-Stemegg, Über die Quellen..., op. cit.

    107 W. Rösener, Frühe Hofrechte und Weistümer..., op. cit.

    108 Original à Bâle : Staatsarchiv Basel H 3 w 34. L’édition d’Anton Brückner a été reprise et critiquée par Christian Wilsdorf qui a identifié le comte comme étant celui de Ferrette et arrêté la datation. C. Wilsdorf, « Un domaine dans la première moitié du XIIIe siècle : la cour du comte de Woffenheim d’après son coutumier », in Histoire rurale, op. cit., p. 101-112.

    109 F. Staab, « Verfassungswandel in rheinhessischen Dörfern zwischen dem 12. und 14. Jahrhunderten », in Das Dorf am Mittelrhein, op. cit., p. 149-173.

    110 T. Biller et B. Metz, Die Burgen des Elsaβ, 4 vol., Munich, 1995. Les tomes 2 et 3 concernent chronologiquement la période ici étudiée (1200-1250, 1250-1300) mais l’introduction et la conclusion générale se trouvent dans les tomes 1 et 4. F. Rapp, Le château-fort dans la vie médiévale. Le château-fort et la politique territoriale, Strasbourg, 1968 (Recherches sur les châteaux-forts alsaciens, 1).

    111 T. Biller et B. Metz, « Anfänge der Adelsburg im Elsass in ottonischer, salischer und frühstaufischer Zeit », in H. W. Böhme (éd.), Burgen der Salierzeit, II, 1991, p. 245-284.

    112 Comparativement à la proche Lorraine, par exemple. M. Parisse, Austrasie, Lotharingie, Lorraine, op. cit., cf. carte p. 71. Voir aussi la vue des trois châteaux des Ribeaupierre par Mérian, reproduite en annexe.

    113 Parmi les nombreuses études, citons : M. Bitschnau, « Burg und Adel zwischen 1050 und 1300 », Österreiche Akademie des Wissenschassen, Philosophisch-Historische Klasse, Sitzungsbericht 403 (1983). M. Bourin-Derruau, Villages et communautés villageoises en Languedoc : l'exemple du Biterrois, Paris, 1988. J. P. Poly, La Provence et la société féodale, 879-1166, Paris, 1976. D. Barthélemy, Les deux âges de la seigneurie banale. Coucy. (XIe-XIIIe siècle), Paris, 2e éd., 2000.

    114 J. Burnouf, « Les mottes castrales en Alsace », Revue d'Alsace, 111 (1985), p. 3-45. Id., « Les mottes castrales en Alsace : corpus documentaire », Revue d’Alsace, 112 (1986), p. 3-48. B. Metz, « Les mottes castrales en Alsace. Quelques compléments », Revue d’Alsace, 113 (1987), p. 57-79.

    115 F. Rapp, « Zur Geschichte der Burgen im Elsass mit besonderer Berücksichtigung der Ganerbschaften und der Burgfrieden », in H. Patze (éd), Die Burgen im deutschen Sprachraum. Ihre rechts-und verfassungsgeschichtliche Bedeutung, t. 2, Sigmaringen, 1976 (VuF, 19), p. 229-248.

    116 A. Hertzog, « Die Entwicklung und Organisation des Elsässischen Weinbaues im Mittelalter », Jahrbuch für Geschichte. Sprache und Literatur Elsaβ-Lothringens, XII (1896), p. 3-39. Médard Barth conteste à plusieurs reprises les affirmations de Hertzog.

    117 M. Barth, Der Rebbau..., op. cit.

    118 R. Dion, Histoire de la vigne et du vin en France des origines au XIXe siècle, Paris, 1959.

    119 F. Bassermann-Jordan, Geschichte des Weinbaues, 3 vol., Francfort-sur-le-Main, 1924. L. Sittler, L'agriculture et la viticulture en Alsace, Colmar-Ingersheim, 1974. Vignes, vignerons et vin d'Alsace, Colmar, 1975. G. Bischoff, J.-M. Boehler, J.-V. Dietrich, G. Dopff, J. Dryer, R. Dumay, R. Goffard, P. Huglin, F. Rapp, L. Sittler, Le vin d'Alsace, Paris, 1978. É. Juillard, « Histoire et géographie du vignoble alsacien », Bulletin de la Socété Industrielle de Mulhouse, 780 (1981), p. 37-42.

    120 B. Bernard, « Bergheim. Sa population, son vignoble », Bulletin de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Ribeauvillé. 24 (1961), p. 9-57.

    121 R. Faller, « Notes sur le vignoble de Ribeauvillé », Bulletin de la Société d’Histoire et d’archéologie de Ribeauvillé, 15 (1952), p. 28-68.

    122 C. Wolff, Riquewihr, son vignoble et ses vins à travers les âges, Ingersheim, 1967. Id., « Vignes et vins de l’ancien Westhoeffen », Bulletin de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Saverne et Environs, 90 (1972), p. 59-65.

    123 A. Billich, Turckheim. Histoire d'un vignoble, Colmar, 1949.

    124 L. Sittler, La viticulture et le vin de Colmar à travers les siècles, Colmar, 1956.

    125 T. Walter, « Rebbau und Wein im alten Rufach », Neuer elsässer Kalender, 93 (1932), p. 63-94.

    126 L. Ehret, Weinbau. Weinhandel und Weinverbrauch in Gebweiler, Guebwiller, 1932. Peu d'éléments concernant la période médiévale, surtout le XVIIe siècle.

    127 B. Götz, Geplanzt, gekeltert und getrunken. Der Weinbau von Freiburg im Wandel der Zeiten, Fribourg, 1973 (Freiburger Stadthefte, 20). F.J. Mone, « Zur Geschichte des Weinbaues vom 14. bis 16. Jahrhundert in der Schweitz, Württemberg, Baden, Hessen und Rheinprovinzen », ZGO, 3 (1852), p. 257-299. K. Müller, Geschichte des badischen Weinbaues. Mit einer badischen Weinchronik und einer Darstellung der Klimaschwankungen im letzten Jahrtausend, T éd., Lahr, 1953. Dans le catalogue de l’exposition prévue pour octobre 2001 à Karlsruhe sur Alltag, Handel und Handwerk am Oberrhein im Spätmittelalter deux contributions à paraître : G. Mathey, « Weinbau in Baden. Eine Untersuchung der Schauenburger Urkunden im späten Mittelalter unter Berücksichtigung des historischen Kontextes ». S. Sicheneder, « Städtische Berufe um den Wein. »

    128 C. Wolff, « Le vignoble », in Histoire de l'Alsace rurale, op. cit., p. 447-458.

    129 Les toponymes, par exemple, à Rouffach : under der schemele viendraient de scamnellum ; pfurke viendrait de furca (tonnelle).

    130 Il est bien sûr assez difficile de connaître précisément pour la période médiévale les techniques de vinification. Selon Médard Barth et Francis Rapp, l’ajout d’aromates, d’épices et de sucre, n’avait rien d’exceptionnel. Un règlement de 1403 pris par la ville de Ribeauvillé stipule que personne n’a le droit de « médicamenter » (artzenen) son vin.

    131 É. Juillard, L’Europe rhénane, Paris, 1968.

    132 A, Lucius, « Le vignoble d’Alsace », Annales de géographie, 31 (1922), p. 205-214 : « La culture de la vigne en Alsace a, comme dans tout l’Est de la France, quelque chose d’artificiel... Elle ne peut y exister que grâce à la présence de conditions naturelles particulièrement favorables ».

    133 A. Hertzog, « Die Weinjahre von Elsass-Lothringen in des verlossenen Jahrhunderten », Bulletin de la Société d'Histoire Naturelle de Colmar, Nouvelle série, VIII (1905-1906), p. 1-86.

    134 Ibid., p. 16.

    135 D’après Karl Müller (Geschichte des badischen...., op. cit., p. 20), les abbayes de Salem et Weingarten auraient consommé environ 600 Fuder de vin par an, soient quelque 7 380 hectolitres. Pour satisfaire en Seewein les besoins de l’ensemble des établissements religieux autour du lac de Constance, il aurait fallu environ 24 600 hectolitres. L’auteur ne précise malheureusement pas la chronologie de ses sources et la méthode de ses calculs.

    136 L’évêque fut battu le 8 mars 1262.

    137 Urkundenbuch der Stadt Strassburg. I, Urkunden und Stadrechte bis zum Jahr 1266, W. Wiegand (éd), Strasbourg, 1879, p. 383, no 506.

    138 Annales Colmarienses majores, MGH SS 17, 217.

    139 Ce terme d’écosystème est utilisé dans sa plus large acception : unité écologique de base formée par le milieu vivant (biotope) et les organismes animaux et végétaux qui y vivent.

    140 Cf. carte Implantation schématique du vignoble dans l'Oberrhein dès le IXe siècle en annexe.

    141 La toponymie en témoigne : Königsgut, Königsheim d’où Kintzheim (deux localités proches de Sélestat et de Kaysersberg portent ce nom avec une petite variante orthographique).

    142 Cf. carte, Implantation schématique du vignoble..., en annexe.

    143 Ont aussi été comptabilisés les villages disparus dont il sera question plus loin.

    144 Le château mentionné pour la première fois en 1236 appartenait à une famille de noblesse lorraine (éteinte en 1361) liée aux comtes de Lunéville et à une famille de la Petite-Pierre dont elle portait les armoiries. Deux aker de vigne figurent dans un acte de 1256. Cf. K. Albrecht, Rappoltsteinisches..., op. cit., I, p. 92, no 92.

    145 Colline jurassique de quelque 363 mètres à l’ouest de Rouffach, tout à fait remarquable par sa flore subméditerranéenne. Attestée dès l’époque mérovingienne, une église, avec son enclos cimetérial, y desservait plusieurs villages. Des vignes sont attestées en 1290 et 1324. T. Walter, Urkunden und Regesten..., op. cit., I, p. 56 et 119.

    146 Confirmation pontificale à l’abbaye d’Ebermünster, en 1183. J. D. Schöpflin, Alsatia diplomatica..., op. cit., p. 279, no 330. Hors village s’il s’agit du lieu-dit entre Bergheim et Guémar, mais le toponyme (Feldkirch = église au milieu des champs) renvoie à un site fréquenté puisqu’il s’agit d’une église-mère desservant plusieurs villages. Il existe trois autres Feldkirch près de Bollwiller, de Wettolsheim et de Bad Krozingen.

    147 Dix-neuf vignobles posent des problèmes de datation : soit une mention postérieure à 1350 donne un toponyme de vigne nécessairement antérieur, soit les mentions sont indirectes et allusives.

    148 Chartularium Sangallense, t. 1, O. P. Clavadetscher (éd.), Saint-Gall, 1983.

    149 Dans les données générales rassemblées sous forme de tableau, cette localité a été enregistrée comme vignoble de montagne compte tenu de l’étroitesse du site, à l’orée du vallon et antérieurement au développement de Guebwiller.

    150 A. Bruckner, Regesta Alsatiae aevi merovingici et karolini, op. cit., t. I, p. 152-153, no 243 (Wissembourg, 774), no 244 (Wissembourg, 774), no 245, etc.

    151 M. Parisse, Saint-Denis et ses biens en Lorraine et en Alsace, op. cit.

    152 Cum terris, domibus... vineis..., MGH DD Regum Germaniae Karolinorum I, p. 38, no 27.

    153 Vallonnement à l’ouest du Bollenberg près de Rouffach. Vignoble déjà réputé en 728 puisqu’Otalswilre fit l’objet d’une donation du comte Eberhard d’Eguisheim à l’abbaye de Murbach

    154 P. A. Grandidier, Histoire de l'Église de Strasbourg, op. cit., t. 2, pièces justificatives p. CXXII, no 71 et 71 bis.

    155 J. D. Schöpflin, Alsatia diplomalica, op. cit., I, p. 41, no 37.

    156 Village disparu entre Beblenheim et le promontoire de Zellenberg.

    157 Village disparu près de Sainte-Croix-en-Plaine.

    158 Pour ne s'en tenir qu’au cadre de cette étude, car le vignoble badois couvrait largement la rive droite de Lahr à Bâle.

    159 Hausen an der Möhlin au nord-ouest de Biengen et de Bad Krozingen. Le toponyme de Hausen (= maisons) se trouve fréquemment attesté tant sur la rive droite que sur la gauche (Husseren-les-Châteaux près d’Eguisheim).

    160 De l’ordre de la cinquantaine.

    161 W. Kleiber, « Die Bezeichnungen für Rebneuanlage am Oberrhein im 14. Jahrhundert. Ein Beitrag zur historische Wort-und Lautgeographie », ZGO, 112, NF 73, (1964), p. 225-242.

    162 M. Barth, Der Rebbau des Elsaβ, op. cit., t. 2, Regesten, p. 56.

    163 K. Müller, Geschichte des badischen Weinbaus, op. cit., p. 76.

    164 Quelques noyaux ont subsisté, pôles économiques et administratifs nécessaires, autour de Sélestat, Colmar, Turckeim et Cemay.

    165 Cf. carte, Établissements ecclésiastiques possessionnés dans le vignoble de l'Oberrhein au XIIIe siècle, en annexe.

    166 Les articles d’Heinrich Büttner qui fait autorité en la matière ont été réunis dans Geschichte des Elsaβ, op. cit. Plusieurs abbayes évoquées dans ce travail y figurent : Saint-Biaise (p. 185-204), Hohenbourg (p. 205-227), Andlau (p. 269-294), Munster (p. 302-313), Moutier-Grandval et Saint-Ursanne (p. 314-332).

    167 Cf. carte, Établissements ecclésiastiques..., en annexe.

    168 Particulièrement serrée était la « cohabitation » entre les diocèses de Strasbourg et de Bâle dans le vignoble autour de Rouffach, capitale du Haut-Mundat dépendant de Strasbourg mais aussi antenne économique de Bâle. Quand elles apparaissent, toutes les redevances en argent, même celles qui sont dues à Strasbourg, sont libellées en monnaie bâloise.

    169 Avant 881, à Wintzenheim, Sélestat, Kintzheim. Cf. P. A. Grandidier, Histoire de l’Église, op. cit., t. 1, p. 268 et A. Bruckner, Regesta..., op. cit., p. 368-369, no 6-7.

    170 D’après le plus ancien nécrologe (moitié du XIIIe siècle), le roi Dagobert aurait donné des vignes en Alsace (Jebsheim, Kintzheim et Sélestat.) de quo dantur XV carratae boni vint. F. X. Remling, Geschichte der Bischöfe zu Speyer, I, Mayence, 1852, p. 104.

    171 Celui de Strasbourg se trouvait bien loti dans toute la région : autour de Ribeauvillé (Beblenheim, Zellenberg), de Rouffach (Gueberschwihr, Eguisheim, Pfaffenheim, Soultzmatt), de Guebwiller (Bergholz, Issenheim, Uffoltz).

    172 R. Weis-Müller, Die Reform des Klosters Klingental und ihr Personenkreis, Bâle, 1956 (Basler Beiträge zur Geschichtswissenschaft, 59). Les autres couvents ont déjà fait l’objet de références au début de ce chapitre.

    173 Cf. carte, Établissements ecclésiastiques..., en annexe.

    174 M. Parisse, Histoire de la Lorraine, op. cit., p. 42.

    175 Cf. carte, Établissements ecclésiastiques..., en annexe. La densité des abbayes autochtones n’a pas permis de porter, sinon schématiquement, tous les établissements, en particulier les couvents urbains.

    176 En 803. P. A. Grandidier, Histoire de l'Église..., op. cit., t. 2, p. 147, no 82.

    177 Ostheim reste le seul village après la destruction de Altheim (le long de l'Ill) par Rodolphe de Habsbourg en 1287 au cours de sa Fehde contre les Ribeaupierre. En 1324, Ostheim passa, avec la seigneurie des Horbourg-Wihr, aux comtes de Wurtemberg. Les toponymes attestent de zones humides et de pâturages gagnés par des défrichements de broussailles (Bifang, Kohlerholz, Rossmatt, Schafläger, ou, très suggestif, Pfaffenhurst = bocage des curés).

    178 Jouxtant le vignoble de Colmar (oberhart, mittelhart) et sur une petite colline. J. F. Schannat, Vindemiae literariae. Hoc est veterum monumentorum ad Germaniam sacram praecipue spectantium collectio prima, t. 1, Fulda-Leipzig, 1723, p. 38, no 76.

    179 En 785. J. F. Schannat, Vindemiae literariae..., op. cit., p. 38,no 75-76.

    180 En 785. A. Bruckner, Regesta Alsatiae, op. cit., t. 1, p. 195, no 311.

    181 L’exemple de Saint-Biaise étudié par Heinrich Büttner apporte beaucoup d’élements sur l'intérêt qu’avait cette abbaye à posséder des pièces à Ostheim, Pfaffenheim, Soulzmatt, etc., au point que, dans le dernier quart du ΧΙΙIe siècle, un procurator fut nommé pour la seule gestion des biens en Alsace, alors qu’en Brisgau un tel agent n’est mentionné qu’en 1283. H. Büttner, « Sankt Blasien und das Elsass », in Geschichte des Elsaβ, op. cit., p. 200-201. H. Ott, « Die Klostergrundherrschaft St Blasien im Mittelalter », in Arbeiten zum historischen Atlas von Südwestdeutschland. Heft 4, Stuttgart, 1969.

    182 VIIe-Xe siècles : Murbach, Munster, Hohenbourg, Masevaux, Saint-Blaise, Saint-Gall, Ebersmunster. XIe-XIIe siècles : Silo (Sélestat), Pains, Lucelle, Marbach. XIIIe-XIVe siècles : Issenheim (Antonites), Colmar (Unterlinden, Dominicains, Sainte-Catherine), Bâle (Sainte-Claire, Saint-Léonard, Klingenthal).

    183 À huit kilomètres au sud de Colmar, ce monasterium Sanctae Crucis, abbaye de bénédictines fondée par Hugues IV d’Eguisheim et son épouse Heilwige de Dabo connus pour être les parents du futur pape Léon IX, rencontra un très vif succès quand ce dernier dota le monastère d’un morceau de la vraie Croix.

    184 H. Ott, Studien zur Geschichte des Klosters Sankt Blasien im hohen und späten Mittelalter, Stuttgart, 1963 (Veröff. der Komm. für geschichtliche Landeskunde in Baden-Württemberg, Reihe B). Id., « Die Klostergrundherrschaft Sankt Blasien im Mittelalter. Beiträge zu ihrer Besitzgeschichte », in Arbeiten zum Historischen Atlas von Südwestdeutschland, Heft 4, Stuttgart, 1969.

    185 Sur un site donné par trois frères d’une illustre famille des environs de Besançon, les Montfaucon, l’abbaye cistercienne fut fondée en 1124, dans des bâtiments existant depuis quelques années déjà. Le succès de Lucelle a été fort rapide puisqu’elle essaima et fonda en quelques années Lieu-Croissant, Salem, Pairis, Neubourg, etc. La générosité des parentèles des religieux apporta à l’abbaye, dès 1136, des vignes à Hattstatt puis plus tard (vers 1147) à Cernay. A. Chèvre, Lucelle. Histoire d'une ancienne abbaye cistercienne. Délémont, 1973.

    186 Ces deux dernières maisons se trouvent, pour le nombre de leurs vignes, juste derrière Murbach qui détenait le record. Pairis, au fond du val d’Orbey, grâce à une donation du comte d’Eguisheim, fut fondée après Lucelle en 1138.

    187 À Beblenheim, Hunawihr, Mittelwihr, Ingersheim.

    188 À Bergheim, Kestenholz.

    189 À Colmar, Kientzheim, Sigolsheim.

    190 À Hochstatt.

    191 A Bennwihr, Soulz et Zellenberg.

    192 Sur une carte très suggestive, Michel Parisse a situé toutes les abbayes qui furent mentionnées dans le partage de Meersen de 870. M. Parisse, Histoire de la Lorraine, op. cit., p. 54. On y remarque, de part et d’autre du massif vosgien, un ensemble d’abbayes qui, toutes, tiraient leur vin du vignoble étudié : Étival, Saint-Dié, Moyenmoutier, Marmoutier, Strasbourg (Saint-Étienne), Hohenbourg (Mont-Sainte-Odile), Erstein, Ebersheim, Munster, Murbach, Masevaux, Bâle. Au sud-ouest, Remiremont et Luxeuil.

    193 Sur une petite élévation qui domine le lac de Constance, un certain Gontrand d’Adelsberg avait confié, en 1134, un monastère à l’abbé Christian de Salmannsweiler. Quelques années plus tard, l’arrivée de douze moines de Lucelle en fit l’abbaye de Salem, fille de Lucelle.

    194 Diocèse de Besançon, au nord de l’Isle-sur-le-Doubs. L’abbaye Locum Crescens (Lieu-Croissant) ou des Trois-Rois, en raison des reliques des rois mages qu’elle abritait, fut fondée en 1134 par Lucelle.

    195 À Ribeauvillé, où se trouve possessionnée Pairis, sont attestés des toponymes évoquant les défrichements : jungholtz, brandstatt, forst, gereut, etc. La relation entre Pairis et les défrichements y est moins évidente qu’à Turckheim. Dans le censier des vignes de Pairis (ADHR H Pairis, carton 15), les pièces correspondent aux zones anciennement forestières : am eichberg obwendig der slat.

    196 Fondation du Xe siècle par le prévôt Eberhard de Strasbourg, à l’instar de Saint-Gall, sur l’emplacement de la cellule de l’ermite Meinrad.

    197 Muri a aussi été réformée par Saint-Blaise.

    198 Près de Gueberschwihr.

    199 Sur le piémont entre Cemay et Soultz. A. Bruckner, Regesta..., op. cit., p. 236, no 373 (Folkmar ou Folkwin, en latin dans l’acte Folcuinus).

    200 M. Barth, Der Rebbau, t. 2, Regesten, op. cit., p. 27 (Berrweiler).

    201 ADHR 1 H Munster 12/3 (6 juin 1360).

    202 Strassburger Urkundenbuch, op. cit., IV, p. 282. Aus dem Verzeichnis der Lehensleute der Strasburger Kirche, f° 160, p. 282. Burkardus dictus Zorn... in banno ville Wetzelsheim centum scados... silos... dictos vulgariter der nuwe berg.

    203 Cadastre de 1952 conservé dans les services de la Direction Départementale de l’Équipement à Colmar.

    204 = La pépinière (de plants de vigne).

    205 MGH DD Reg. et Imp. I, p. 238, no 157 (Urkunden Ottos I, 15 oct. 952).

    206 Comme on le verra, l’état d’entretien et d’exploitation des vignes cédées faisait l’objet d’une surveillance régulière.

    207 Strassburger Urkundenbuch, op. cit. t. I, p. 164, no 205. In Morswilre, que dicitur rebegarte, per muri divisionem separando quondam portionem dedimus.

    208 Établissement fondé par le chapitre Saint-Thomas à la fin du XIIe siècle pour accueillir pauvres et pèlerins. Concédé aux Dominicains et transféré au-delà de la future porte de l’Hôpital pour des religieuses, il connut un succès immédiat et la maison se dota d’un réglement dit « Constitutions de Saint-Marc », adopté par beaucoup d’autres établissements dans l’Oberrhein.

    209 Dans le Haut-Mundat de l'évêque de Strasbourg, Soultzmatt occupait une fonction centrale pour toutes les localités de la vallée de l'Ohmbach. Beaucoup de nobles, jusqu’à la fin du XIIIe siècle, portaient le nom du village sans que leur titulature corresponde nécessairement à une fonction réelle comme agent de l’évêque.

    210 Strassburger Urkundenbuch., op. cit., t. III, p. 9, no 30. Wir mittenandere einen wehssei hant getan.

    211 Couvent d’Augustines fondé sous l’obédience de Marbach au milieu du XIIe siècle, encaissé dans la vallée de Soultzmatt, à l’ouest de Rouffach. Des fouilles archéologiques ont permis de retrouver quelques traces de cet établissement disparu matériellement mais encore vivant dans l’histoire des manuscrits puisqu’un des auteurs du célèbre codex Guta-Sintram est la chanoinesse Guta de Schwarzenthann, l’autre, le chanoine Sintram de Marbach, comme nous l’avons déjà vu.

    212 T. Walter, Urkunden und Regesten, op. cit., t. I, p. 122, no 273.

    213 ADHR 1 H Munster 11/6 (29 novembre 1319).

    214 L. Stouff, La chronique de Lucelle. Strasbourg, 1950, p. 122. Il s’agit de l’édition de la Chronikon Lucellense du père Bernardin Walch (XVIIIe siècle) critiquée par Christian Wilsdorf dans la Revue d’Alsace (1950/51), p. 135-139.

    215 A. Chèvre, Lucelle, op. cit., p. 51.

    216 22 février 1290, ADHR 24 H Unterlinden 8, no 6. Achat aux Guillelmites de Fribourg.

    217 9 novembre 1291, ADHR 24 H Unterliden 8, no 6. Achat de pièces mitoyennes à plusieurs propriétaires.

    218 11 mars 1296, zu Rumerstal, dans le ban de Minrevilre (village disparu près d’Ammerschwihr), ADHR 24 H Unterlinden 10, no 6.

    219 14 juillet 1300 ADHR 24 H Unterlinden 8, no 12. Achat aux Franciscains de Sélestat.

    220 Cf. texte de l’exemption accordée par Wintzenheim en 1270, en annexe.

    221 Basel Urkundenbuch, op. cit., t. III, p. 168, no 316. Pro quinquaginta libris denarorum Basiliensium in monte dicto am Rangen inter vineas.

    222 K. Müller, Geschichte des badischen..., op. cit., p. 102. Cette pratique existe encore de nos jours pour la vigne et certaines opérations de jardinage.

    223 Pour la région, on en connaît trois : Muri au cours de la période étudiée et, plus tardifs, Colmar (1438) et Mulhouse (1479).

    224 Cf. l’aménagement du piémont viticole autour de Riquewihr. On remarque encore au XVIIe siècle, les arbres fruitiers dans les pièces de vigne, comme en témoigne la gravure déjà citée de Merian.

    225 MGH Legum II, Capitularia regum Francorum I, 32, Capitulare de villis, p. 87.

    226 La comparaison est utile avec une région proche et moins favorisée d’un point de vue climatique, le comté de Vaudémont. Cf. M. Maguin, La vigne et le vin en Lorraine : l'exemple de la Lorraine médiane à la fin du Moyen Âge, Nancy, 1982. Les registres des receveurs, base documentaire utilisée, se trouvent évidemment bien postérieurs à la période ici retenue.

    227 Le célèbre Hortus Deliciarum de l’abbesse Herrade du monastère du Hohenbourg (Mont-Sainte-Odile) propose dans la seconde moitié du XIIe siècle, de suggestives illustrations de vignes enroulées le long de pieux. Certaines chroniques illustrées présentent la même technique d’un pampre de vigne enroulé sur un échalas comme celle de Rudolf von Ems, Bible historiée, BMC, Ms 305 (1459), fol. 20.

    228 Situé à une dizaine de kilomètres au sud de Soultz, au pied du Hartmannswillerkopf, sur le piémont.

    229 Cité par A. Gatrio, Abtei Murbach, op. cit., t. 1, p. 246.

    230 Rebgewann vlenter (1281), in den pflentzer (1423). J. D. Schöpflin, Alsatia diplomatica, op. cit., t. II, p. 337.

    231 ADHR H Pairis, carton 15.

    232 K. Müller, Gechichte des badischen..., op. cit., p. 82. Traduction donnée en annexe.

    233 La Chandeleur, le 2 février (Lichtmesse), constitue une date pivot pour le travail annuel de la vigne.

    234 Cf. extraits des Us et coutumes de Munster (1330) en annexe. N’ont été retenus, sur un total de 106, que les 18 articles concernant les forêts et le travail du bois, destiné en grande partie à la viticulture.

    235 Unusquisque debet... carradam palorum ad vîtes dare. Weistum du ΧIIIe siècle cité par M. Barth, Der Rebbau... op. cit.. p. 79, n. 16.

    236 Prédicateur strasbourgeois mystique (vers 1290-1361). F. Vetter, (éd.), Die Taulers Predigten aus der Engelberger und der Freiburger Handschriften sowie aus Schmidts Abschriften der ehemaligen Strasburger Handschriften, Dublin-Zurich, 1968, (Deutsche Texte des Mittelalters, hg von der Deutschen Akademie der Wissenschaften, 11). Dans le septième sermon, on trouve l’onomatopée suggestive du travail que doit accomplir sur lui-même tout chrétien : mit starcken stecken sticket (p. 32).

    237 En Bordelais, on déchaussait la vigne quatre fois par an, en Lyonnais, trois fois et en Bourgogne, deux à trois fois.

    238 D, Rippmann, « Alltagsleben und materielle Kultur im Spiegel von Wirtschaftsquellen : Materielle Kultur und Geschlecht », Medium Aevum Quotidianum, 30 (1994), p. 44-61. Voir surtout p. 53 : « Arbeitsorganisation im Weinbau ».

    239 Le fuder de vin (carrata) correspondait à ce que 4 à 6 chevaux pouvaient tirer. La métrologie varie entre 38,82 litres à Ribeauvillé et 50,27 à Rouffach d’après les travaux d’Auguste Hanauer.

    240 M. Barth, Der Rebbau..., t. 2 Regesten, op. cit,. p. 144 (Uffholz).

    241 Fälschungen im Mittelalter. Internationaler Kongress der Monumenta Germaniae Historica, Munich, 16-17 sept. 1986, V, Hanovre, 1988. Voir surtout p. 669-702.

    242 K. Müller, Geschichte des badischen..., op. cit. p. 21.

    243 L. Sittler, « La vie à Ribeauvillé d'après les anciens statuts municipaux », in Bulletin de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Ribeauvillé XIII, 1950, p. 48-66.

    244 Cf. l’article 8 du traité entre l’abbé Marquart et Munster en 1339. Texte en annexe.

    245 H. Ammann, Schaffhauser Wirtschaft im Mittelalter, Thaingen, 1949.

    246 K. Müller, Geschichte des badischen,...op. cit., p. 23.

    247 A. Gatrio, Abtei Murbach im Elsaβ, op. cit., t. 1, p. 437.

    248 Weistum cité par Grimm, Weistümer..., op. cit., IV, p. 229.

    249 L. Ehret, Weinbau, Weinhandel und Weinverbrauch in Gebweiler, op. cit., p. 4 et p. 78.

    250 F. Bassermann-Jordan, Geschichte..., op. cit., t. 1, p. 122 et suiv.

    251 Annalen und Kronik, Beschreibung des Elsaβes..., op. cit., p. 188, Ein trefflicher Weiβwein im reichlicher Fülle.

    252 J. Schneider, La ville de Metz aux XIIIe et XIVe siècles, Nancy, 1950, p. 419.

    253 Chronicon Colmariense, MGH SS 17, 270.

    254 Karl Müller cite, mais sans indiquer ses sources, le cas d’abbayes qui embauchaient des spécialistes pour former leurs moines (Geschichte des badischen..., op. cit., p. 20).

    255 L’échange déjà cité entre l’évêque de Coire et Liutwart de Verceil en 881

    256 M. Barth, Der Rebbau..., op. cit., p. 83.

    257 Werner Rösener a pu établir que, dans les pays de vignoble, les redevances étaient le plus souvent en nature, c’est-à-dire en vin. W. Rösener, Die Grundherrschaft..., op. cit., p. 145, p. 156.

    258 W. Rösener, Frühe Hofrechte und Weistümer im Hochmittelalter..., op. cit., p. 17.

    259 L’activité des juifs attestée de façon générale ne se laisse pas facilement saisir dans les actes avant 1350. Les communautés religieuses empruntaient des sommes importantes. Le prévôt de Saint-Pierre de Colmar devait 60 marcs d’argent à Jecelin, juif de Sélestat. Pour s’en libérer, il lui engagea pour 6 ans un tonlieu qu’il tenait à Colmar (10 nov. 1313, ADHR 3 G Saint-Pierre 16 D 19). La même année, Salomon Buhtrum, juif de Strasbourg, renonça, devant le tribunal, « sans y être contraint », à tous les contrats et actions vis-à-vis de Saint-Pierre (ADHR 3 G Saint-Pierre 16 D 19). G. Mentgen, Studien zur Geschichte der Juden im mittelalterlichen Elsaβ, Hanovre, 1995 (Forschungen zur Geschichte der Juden, Abt.A, Abhandlungen, Bd 2).

    260 Das habsburgische Urbar..., op. cit., Bd 1, p. 40

    261 Stefninger = le denier bourguignon, ainsi dénommé en raison de la cathédrale Saint-Stéphane de Besançon.

    262 H. J. Gilomen, Die Grundherrschaft des basier..., op. cit., p. 217.

    263 Un viertel d’épeautre = 6 sous, 1 sac d’orge = 4 sous, 1 ohm (45,51 litres mesure de Bâle) de vin = 5 sous, etc.

    264 Le Sundgau (« grenier et cellier de Bâle ») et le sud du Brisgau. Pour l’espace étudié, on note des redevances en vin à Westhalten, en céréales à Blodelsheim et Fessenheim et en argent à Mulhouse, Leibersheim et Appenwihr. À Habsheim, toutes les sortes de redevances.

    265 B. Veyrassat-Herren, « Dîmes alsaciennes », in Les fluctuations du produit de la dîme, (Communications et travaux rassemblés par Joseph Goy et Emmanuel Leroy-Ladurie), Mouton, 1972, p. 83-102. J. Goy et E. Leroy Ladurie, Prestations paysannes, dîmes, rentes foncières et mouvement de la production agricole à l'époque préindustrielle, 2 vol., Paris, 1982. Les études générales portant sur les dîmes s’interrogent plutôt sur la manière d’évaluer la production en fonction du montant de la dîme.

    266 Freiburger Urkundenbuch..., op. cit. I, no 72.

    267 ADHR 1 H Munster 4/1 (10 avril 1336).

    268 ADHR 1 H Munster 11/1 (31 mars 1266).

    269 Cf. texte concernant un cens en vin en annexe.

    270 B. Schnapper, Les rentes au XVIe siècle : histoire d'un instrument de crédit, Paris, 1957.

    271 ADHR. Pour la partie de l’évêché de Strasbourg à Rouffach (Haut-Mundat) série à partir de 1333, 3 G 64. Dans les comptes de Murbach, rentes à Guebwiller dans 9 G Murbach 56. Dès le XIIIe siècle, H Unterlinden 121-2, 138-9.

    272 GLA Karlsruhe, Kopialbuch 46, p. 194.

    273 Village disparu près de Ribeauvillé.

    274 Environ 136 litres.

    275 Item habemus... bonis sitis in Oesthein locatis viro discreto Petro... von zwein ackern reben, die sint gelegen Cellenberg und ze Ellenwiler, von denen man git vier som wins dem gotzhus und sint geluwen... ze einzm erbe.

    276 J. Trouillat, Monuments pour l’ancienne histoire..., op. cit., IV, p. 92-94 (1355).

    277 F. J. Himly, Dictionnaire ancien alsacien-français ΧΙΙIe-XVIIIe siècle, Strasbourg, 1983, p. 56.

    278 H. J. Gilomen, Die Grundherrschaft..., op. cit., p. 199.

    279 ADHR 1 H Munster 17/8(13 septembre 1287).

    280 H. Büttner, St-Blasien und das Elsaβ, op. cit., p. 198.

    281 Confiteor enim me nullum ius hereditarium, quod vulgus erbe nominal, in prediclis vinelis habere vel ullo tempore habuisse. GLA Karlsruhe Kopialbuch 46, p. 193.

    282 H. Büttner, St-Blasien..., op. cit., p. 198.

    283 GLA Karlsruhe 11/Ausland, Ostheim. Debent etiam conductores prefati abbatem monasterii s.Blasii, si biennio vel triennio se ad visitandum bona sua in Alsatia receperit et apud eos pernoctare seu alias ad unum prandium moram trahere voluerit, cum familia sua suscipere et albergare.

    284 B. Schnapper, Les rentes au XVIe siècle, op. cit.

    285 ADHR 1 H Munster 4/3 (11 juin 1347).

    286 Au XVe siècle, 30 000 hectares de vigne depuis Wissembourg jusqu’à Leimen contre 14 000 de nos jours !

    287 Près de leur village de Woffenheim, déjà rencontré, les Eguisheim fondèrent un couvent de Bénédictines dans la première moitié du XIe siècle. Le fils de Hugues IV devenu pape sous le nom de Léon IX, dota le couvent d’un morceau de la vraie croix. Le succès assuré du couvent entraîna le développement d’un village, Sainte-Croix-en-Plaine, entouré de murailles et désigné comme oppidum en 1250.

    288 Cf. la gravure de Colmar par Merian en annexe. Elle rend parfaitement le spectacle. À l’horizon, entre Bâle et le Sundgau, l’artiste a fait figurer les Alpes (Schweizer Geburg). Saint-Croix-en-Plaine (H. Creuβ), juste au sud de Colmar, se trouve dans la perspective. Il est vrai que les massifs forestiers pouvaient gêner la vue !

    289 Annalen und Kronik, Die Beschreibung des Elsaβes, op. cit., p. 138 : « Il y pousse du blé, du froment, de l’orge et de l’avoine ; y prospèrent aussi des légumineux, des haricots, des petits pois, des lentilles. »

    290 W. Rösener, Bauern im Mittelalter, Munich, 1987, p. 131-132. Pour l’Oberrhein toutefois, la rotation triennale semble plus développée que la biennale, plus adaptée selon l’auteur à ces riches régions viticoles. Le programme de recherche de l’Université de Trèves, C5, animé par Franz Irsigler, a donné lieu à un colloque du 2 au 5 sept. 1993 sur le thème Weinbau zwischen Maas und Rhein in der Antike und im Mittelalter et l’un des ateliers portait sur le thème Weinbau und andere Sonderkulturen an der Mosel und ihren nebenssüssen vom 13. bis 16. Jahrhundert. Publié dans le t. 23 des Trierer Historischen Forschungen, 1994, M. Matheus et L. Clemens (éd.).

    291 À la différence de l’âne de saint Martin dont la légende veut qu’il ait inventé la vigne, l’âne de l’Oberrhein ne semble avoir développé aucune tradition sinon celle, fort utilitaire, de transporter le fumier sur place (Mistesel).

    292 AMC CC 35 (Lehensguetter zu Frau Ursula von Merxin), f° 1 v°.

    293 Village disparu à la porte nord de Colmar. ADHR 3 G 16 (Lehenzettel zu Sankt Peter) f° 3 v°.

    294 ADHR 3 G 16 (Lehenzettel zu Sankt Peter) f° 2 v°.

    295 Staatsarchiv Basel Klosterarchiv Sankt Alban J, Zwing und bann zu Schlierbach, p 398

    296 GLA Karlsruhe, Beraine, Urbare, 66/8553 Güter des Klosters Tennenbach, col. 232 et 270 M. Weber (éd), Stuttgart, 1968, op. cit., p. 146 et p. 148.

    297 M. Barth, Der Rebbau..., Regesten, op. cit., p. 18.

    298 1/2 juchert ist zu den einem seytt ein anwander. ADHR 3 G 16, f° 3 v°

    299 Staatsarchiv Basel, Klosterarchiv, E 1 Klöster insgemein, St Alban J, B, D, F, etc. Augustiner H 8.

    300 ADHR 1 H Munster 130/9 (24 juin 1349).

    301 Le centre archéologique de Tours, animé jusqu’en 1999 par Joëlle Bumouf, initie un certain nombre d’études d’archéologie subaquatique pour déterminer l’interaction de l’homme et du fleuve grâce à l’aménagement des rives.

    302 Annalen und Kronik, Die Zustände des Elsaβes, op. cit., p. 134.

    303 F. Irsigler, Weinstädte an der Mosel, op. cit. M. Suttor, « Sources et méthodes pour l’histoire de la navigation fluviale : l’exemple de la Meuse », Le Moyen Âge, t. XCVI, 1990, p. 5-24. R. H. Bautier, « La circulation fluviale dans la France du Moyen Age », in Recherches sur l'économie... op. cit., p. 7-36.

    304 F. Irsigler, « Mehring. Ein prümer Winzerdorf um 900 », in Peasants & Townsmen in medieval Europe, Studia in honorem Adriaan Verhulst, Gand, 1995, p. 297-324.

    305 Vivre au Moyen Âge. 30 ans d'archéologie médiévale en Alsace, catalogue d’exposition, Strasbourg, 1990, p. 149.

    306 M. Barth, Der Rebbau..., op. cit., t. 2, Regesten, p. 13.

    307 K. Lamprecht, Deutsches Wirtschaftsleben im Mittelalter, I, 1, Leipzig, 1886, p. 163.

    308 W. Rösener, « Bauern in der Salierzeit », in Die Salier und das Reich, t.3. Gesellschaftlicher Wandel im Reich der Salier, S. Weinfurter (éd.), Sigmaringen, 1991, p. 67.

    309 Un travail exemplaire à cet égard a été accompli d’abord dans le cadre d’une association de sauvetage « Maisons Paysannes d’Alsace » puis par le développement de l’écomusée d’Ungersheim où les maisons, bâtiments d’exploitation, tour fortifiée, église, etc. sont disposés presqu’in situ. Le centre de documentation de cet écomusée gère toutes les données historiques et archéologiques concernant l’habitat rural.

    310 M. Grodwohl, « La maison gothique du XVIe siècle en pierre dans le Sundgau », Recherches sur l'habitat rural en Alsace, 3 (fév. 1973). Id., « Une contribution de l’archéologie à la connaissance de la maison rurale (Gommersdorf) », Espace Alsacien, 15, p. 63-68.

    311 H. Hinz et M. Petry, « Befestigung », in Lex. Μ. 1, 1980, col. 1785-1793. G. Binding et H. Ebner. « Burg », in Lex. Μ. 2, 1984, col. 957-1003. G. Binding, Deutsche Königspfalzen : von Karl dem Groβen bis Friedrich II 765-1240, Darmstadt, 1996. H. Patze (éd.), Die Burgen in deutschen Sprachraum. Ihre rechts-und verfassungsgeschichtliche Bedeutung, Sigmaringen, 1976 (VuF, 19). A. Antonow, Burgen des südwestdeutschen Raumes in 13. und 14. Jahrhundert unter besonderer Berücksichtigung des Schildmauers, Bühl-Baden, 1977 (ouvrage technique).

    312 B. Metz et J. Burnouf, « Les mottes castrales en Alsace », op. cit., p. 3-45. T. Biller et B. Metz, « Interdisciplinäre Zusammenarbeit von Historiker und Architekt zur Erforschung der mittelalterlichen Adelsburg dargestellt an elsässischen Beispielen », Alemannisches Jahrbuch, 1984-86, p. 147-181. T. Biller et B. Metz, Die Burgen..., op. cit.

    313 H. M. Maurer, « Die Burgen », in Die Zeit der Staufer, Katalog der Ausstellung, 5 vol., Stuttgart, 1977, p. 119-128. Sur le piémont alsacien du seul espace étudié, vingt-sept châteaux peuvent être répertoriés : Frankenbourg, Ortenbourg, Ramstein, Châtenois, Haut-Echery, HautKoenigsbourg, Girsberg, Saint-Ulrich, Bilstein, Zellenberg, Wineck, Gotenbourg, Schwartzenbourg, Hohnack, Pflixbourg, Hohlandsberg, les trois châteaux d’Eguisheim, Herrlisheim, Hattstatt, Laubeck, Orschwihr, Jungholz, Hugstein, Freundstein, Hirtzenstein.

    314 Ce mouvement qui fait de tous ces nobles de grand lignage, ministériaux ou petits seigneurs, des patrons de château, est désigné par nos collègues allemands du terme de Verherrschaftlichung.

    315 F. Irsigler, Weinstädte an der Mosel im Mittelalter..., op. cit., p. 165-167.

    316 Il reprend en le complétant l’ouvrage de L. Clemens, Trier. Eine Weinstadt im Mittelalter, Trèves, 1993 (Trierer Historische Forschungen, 22).

    317 Franz Irsigler étudie les villes jusqu’à l’époque moderne.

    318 Badisches Städtehuch. Urkundenbuch Endingen, E. Keyser (éd.), Stuttgart, 1959, p. 215.

    319 Dans le statut (Handfeste) de 1292, le vin était présent comme les métaux précieux : § 76 Item omnis mensura vint, frumenti et omne pondus auri et argenti in potestat consulum erit. Neuenburg am Rhein, W. Merk (éd), Heidelberg, 1913 (Oberrheinische Stadtrechte 2, Schwäbische Stadtrechte).

    320 W. Bockholt, Ackerbürgerstädte in Westfalen. Ein Beitrag zur historischen Stadtgeographie, Watendorf, 1987.

    321 P. W. Finsterwalder, Colmarer Stadrechte, Heidelberg, 1938 (Oberrheinische Stadtrechte, 3, Elsässische Stadtrechte, 3), p. 36, p. 43, p. 54, p. 127.

    322 À Colmar, 1 schatz = 3,5 ares.

    323 Geschichte der Stadt Freiburg, op. cit., p. 155, p. 238.

    324 Archives municipales de Rouffach AA 9, 1343 (réglements).

    325 Badisches Städtebuch, op. cit., p. 323.

    326 J. Baumann, Histoire de Thann des origines à nos jours, Ingersheim-Colmar, 1981.

    327 Badisches Städtebuch..., op. cit., p. 199, p. 205, p. 272.

    328 Kenzingen, Sélestat, Colmar, Brisach.

    329 Un bourgeois fit don d’une cour et d’une cave. J. Trouillat, Monuments..., op. cit., III, p. 776. 8 avril 1357 : curiam, domum et cellarium suas sitas in oppido Mulhusen.

    330 Cf. carte, Exportation du vin..., en annexe.

    331 L. Sittler, La viticulture et le vin de Colmar à travers les siècles, Colmar, 1956.

    332 F. J. Himly, « L’exportation du vin d’Alsace en Europe au Moyen Âge », Revue d'Alsace, 1949, p. 25-36.

    333 H. Ammann, Von der Wirtschaftsgeltung des Elsaβ im Mittelalter, Lahr, 1955. Id., « Untersuchungen zur Wirtschaftsgeschichte des Oberrheinraumes. Konrad von Weinsbersgeschäft mit Elsässer Wein nach Lübeck im Jahre 1426 », ZGO, 108 (1961), p. 466-498. Id., « Elsässisch-schweizerisch Wirtschaftsbeziehungen im Mittelalter », Elsaβ-lothringisches Jahrbuch, 7 (1928), p. 36-61.

    334 Voir carte, Exportation du vin..., en annexe.

    335 P. W. Finsterwalder, Colmarer Stadrechte, op. cit., p. 64.

    336 Geschichte der Stadt Freiburg, op. cit., carte p. 239.

    337 Le droit de marché ne fait qu’exceptionnellement l’objet d’un acte conservé. On trouve donc un ancien marché remplacé par une foire, un nouveau marché couvert, etc. Les dates retenues ont été en grande partie établies par François-Jacques Himly dans son Atlas des villes, op. cit., p 12-22.

    338 Une réglementation protectionniste contre le vin étranger fut prise le 13 janvier 1331, conjointement par Burchard von Üsenberg et le conseil d’Endingen. H. Maurer, « Urkunden der Stadt Endingen und Kenzingen », ZGO, NF 1, 1886, Mitteilungen : m 67-69 et m 91-94.

    339 La première mention explicite date du début du XVIe siècle, mais le marché existait sans aucun doute antérieurement.

    340 L’évêque tenait marché avant de l’accorder à la ville à cette date.

    341 T. Walter, Urkunden..., op. cit., p. 94.

    342 ADHR H Unterlinden 12 (actes de rentes et de donations 121-2 (1204-1261), 138-9 (1282-1446), ADHR 3 G 64 (évêché de Strasbourg, rentes à partir de 1333), ADHR 10 G Murbach 56 (comptes, rentes à Guebwiller).

    343 M. Barth, Der Rebbau, t. 2, Regesten, op cit., p. 137.

    344 Basel Urkundenbuch, op. cit., Ill, no 169.

    345 Ouest de Rouffach.

    346 M. Barth, Der Rebbau, t. 2, Regesten, op. cit., p. 138.

    347 Archives Municipales de Rouffach AA 3 : Landebuch. Dis sind die lipgeding so die statt rufach allein uf sich genomenhatt.

    348 Her Conrat Amstet von Rückingen oberschriber zu Basel (f° 1), frau Grede Musingerin closterfrau zu Klingental (f° 1), binder Conrat Roten von Basel probst des huses zu Burgelin St Benediktenorden (f° 1), herr Conrat von Tanneck thumhere zu Basel (f° 2 v°).

    349 A. Hessel, Elsässische Urkunden vornehmlich des 13. Jahrhunderts, Strasbourg, 1915, p. 15, no 12.

    350 Petit vallon entre Ammerschwihr et Ingersheim, près de Colmar. Katzental se trouve sous le château du Wineck ayant appartenu aux Ferrette. Les comtes le donnèrent à l’évêque de Strasbourg ; qui le leur rendit en fief (1251), puis en 1271, ils le vendirent à l’évêque de Bâle qui le leur rendit aussi en fief. Il passa aux Habsbourg avec la succession, puis aux Ratsamhausen.

    351 M. Barth, Der Rebbau, t. 2, Regesten, op. cit., p. 75 et p. 100.

    352 Donation en 1293 à Unterlinden. Voir A. M. P. Ingold, « Le monastère des Unterlinden au XIIIe siècle », Bulletin d'Alsace, 18 (1896), p. 238 et suiv.

    353 On peut encore découvrir un petit chapiteau aux raisins de l’abbaye d’Alspach, magnifique mais méconnu, aux portes de Kaysersberg, actuellement dans une cour de papeterie.

    354 Citons celui de Sigolsheim, berceau du meilleur vin, le sigolt.

    355 On connaît celui qui subsiste de l’abbaye de Murbach.

    356 À la fin du Moyen Âge, se multiplièrent dans les manuscrits à peinture de nombreux pressoirs mystiques. Par exemple : BMC, Le pressoir mystique et les sept sacrements. Spigel des leiden Cristi, Ms 306, f° 1.

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    1 Die deutschen Königspfalzen. Repertorium der Pfalzen. Königshöfe und übrigen Aufenthaltsorte der Könige im deutschen Reich des Mittelalters, t. 3, Baden-Württemberg, H. Maurer dir., Göttingen, 1988. H. Boockmann, Stauferzeit und spätes Mittelalter. Deutschland 1125-1517, Berlin, 1987 (Cf. carte p. 186 Die Aufenthaltsorte König Rudolfs von Habsburg).

    2 H. C. Peyer, « Das Reisekönigtum des Mittelalters », VSWG, 51 (1964), p. 1-21. H. Schwarzmaier, « Das Königsgut in karolingischer, ottonischer und salischer Zeit », in Historischer Atlas von Baden-Württemberg..., op. cit., cf. cartes : V, 2, p. 9.

    3 F. X. Vollmer, « Besitz der Staufer (bis 1250) », in Historischer Atlas von Baden-Württemberg..., op. cit., cf carte Stauferbesitz um 1240 : V, 4, p. 7. T. Zotz, « Grundlagen und Zentren der Königsherrschaft im deutschen Südwesten in karolingischer und ottonischer Zeit », in Archäologie und Geschichte..., op. cit.. p. 275-293.

    4 Cf. la présentation d’Ermold le Noir dans l’introduction.

    5 Gebiete mit Weinbau und landwirtschaftlichen Sonderkulturen oder Regionen, die vom ländlichen Gewerbe durchsetzt waren, reagierten anders auf die Agrarkrise als ausgeprägte Getreidebaulandschaften, W. Rösener, « Krisen und Konjunkturen der Wirtschaft im spätmittelalterlichen Deutschland », in Europa 1400, Die Krise des Spätmittelalters, F. Seibt et W. Eberhard (éd.), Stuttgart, 1984, p. 37. F. Irsigler, « Weinstädte an der Mosel im Mittelalter », in Stadt und Wein, F. Oppl (éd), Linz-Donau, 1996 (Beiträge zur Geschichte der Städte Mitteleuropas, 14), p. 165-179. W. Rösener, « Bauern in der Salierzeit », in Die Salier und das Reich, t. 3, Gesellschaftlicher und ideengeschichtlicher Wandel im Reich der Salier, S. Weinfurter (éd), Sigmaringen, 1991.

    6 Le doute méthodologique doit être poussé plus loin : si des pièces sans rapport avec Unterlinden se trouvent dans ce fonds, des pièces provenant d’Unterlinden se trouvent dans d’autres fonds non encore inventoriés. L’enquête documentaire restera incomplète tant que l’ensemble des fonds anciens des ADHR ne sera pas classé et inventorié pièce à pièce.

    7 Voir l’histoire des fonds en introduction aux sources données en annexe. R. H. Bautier avait le projet de traiter ces archives comme il l’a fait pour les fonds du Sud-est : R. H. Bautier et J. Sornay, Les sources de l'histoire économique et sociale du Moyen Âge, Provence, Dauphiné, vol. 1, éd. du CNRS, Paris, 1968. Même ce maître a dû y renoncer !

    8 ADHR H Unterlinden, 121-2

    9 ADHR C 45. R. Maag, Das habsburgische Urbar, 3 vol., Bâle, 1894-1904.

    10 ADHR E 2858. Rouleau remarquable de pièces de parchemins cousues, conservé dans une grande boite et qui attend son éditeur. À la différence de celui des Habsbourg, sa composition est complexe en une succession, non différenciée matériellement, de petits articulets concernant une personne ou un bien. Cf. extraits en annexe.

    11 Voir en annexe l’introduction aux sources : histoire des fonds d’archives.

    12 De façon surprenante, certains couvents (grâce à la Réforme) s’y trouvent puisque les archives de l’évêché et du diocèse sont conservées à Porrentruy (où on ne trouve pas pléthore de documents pour la période médiévale).

    13 La société créée en 1819 voulait « contribuer à maintenir l’amour de la patrie commune ». H. Fuhrmann, « Les premières décennies des Monumenta Germaniae Historica », Francia, 21/1 (1994), Miszellen, p. 175-180.

    14 A. Bruckner, Regesta Alsatiae aevi merovingici et karolini (496-918), t. 1, Quellenband (seul paru), Strasbourg-Zurich, 1949.

    15 H. Haefele, « Notker der Stammler, Taten Kaisers Karls des Grossen », MGH SS Rerum Germanicarum, nova series, t. XII, Munich, 1980.

    16 K. Schmid et H.-J. Wollasch (éd.), Societas et fraternitas. Begründung des kommentierten Quellenwerkes zur Erforschung der Personen und Personengruppen des Mittelalters, Berlin, 1975. H. J. Wollasch et C. Wilsdorf, « Notker le Bègue et l’Alsace », in L'abbaye de Saint-Gall et l'Alsace au haut Moyen Âge, Archives départementales du Haut-Rhin, 1997, p. 7-14.

    17 J. Grimm, Weisthümer, 1-7, 1840-1878. (Nouvelle éd. 1957). Le but idéologique de l’entreprise visait à mettre en valeur les temps heureux où les paysans étaient libres. W. Rösener, « Frühe Hofrechte und Weistümer im Hochmittelalter », Agrargeschichte, Universität Rostock, 23 (1990), p. 12-29. C. Wilsdorf, « Un domaine dans la première moitié du XIIIe siècle : la cour du comte de Woffenheim d’après son coutumier », in Histoire rurale de l'Alsace, Strasbourg, 1981, p. 101-112. Werner Rösener estime que pour la région ici étudiée, les Weistümer correspondent aux règlements de domaines (Dinghofrodeln) ou de villages (Dorfrechte).

    18 Pour l’espace et la période étudiés dans ce travail, il n’y a que très peu de sources (Öderen, Woffenheim, mention de Pfaffenheim).

    19 Leurs méthodes et leurs œuvres ont été évoquées dans la présentation historiographique de l’Alsace en début de travail.

    20 Collation d’actes édités dans des publications diverses et regroupés selon un thème : tous les actes concernant un établissement ecclésiastique, la vigne, une ville, une période chronologique...

    21 Par exemple, la donation de 52 pièces de vigne (situées à Sigolsheim) à l’abbaye Saint-Pierre d’Étival par sainte Richarde (épouse de Charles le Gros) le 1 mai 884, citée par A. Brückner, Regesla..., op. cit., p. 373, no 616, comme « venmechtet » et figurant dans MGH DD regum Germaniae ex Stirpe Karolinorum II, 326, no 1.

    22 A. Schäfer, « Die ältesten Zinsrödel im Badischen Generallandesarchiv. Rödel als Vorläufer und Vorstufen der Urbare », ZGO, 112 (1964), p. 297-372.

    23 Très peu de terriers pourtant nombreux dans le sud-ouest de l’Empire ont fait l’objet d’édition ou même suscité des travaux d’exploitation. Cf. N. Ohler, Die Adelhauser Urbare..., op. cit., p. XIII.

    24 H. Ott, « Probleme und Stand der Urbarsinterpretation », Zs für Agrargeschichte und Agrarsoziologie, 18 (1970), p. 159-184. Cf. carte Oberrheinische Urbare und Rödel vom Ende des 13. bis zum Beginn des 15. Jahrhunderts, p. 181.

    25 Profession réellement exercée ou devenue déjà un patronyme ? Toutes ces questions sont loin d’être résolues. Cf. les travaux de Monique Bourin et de son équipe. Genèse médiévale de l'anthroponymie moderne, 5 vol., 1990-1995 (Publications de l’Université de Tours).

    26 Das Tennenbacher Güterbuch..., op. cit., p. XIII et suivantes. Un des textes fondateurs de la ville de Fribourg s’y trouve même inséré. Cf. M. Blattmann, Die Freiburger Stadtrechte..., op. cit.

    27 ADHR 3G 11 Saint Pierre, Registrum acker, grangia, silva (1334). Les registres de cens sur les biens immobiliers (von iren husern gelegen in der stat ze Colmer) sont plus tardifs.

    28 À sa retraite de professeur, ce prêtre historien devint bibliothècaire-archiviste de la ville de Haguenau. En 1864 il publia La constitution des campagnes au Moyen Âge, ouvrage très remarqué qui lui valut de collaborer à l’édition des Weisthümer de Jakob Grimm. Dans une problématique de la richesse/pauvreté des campagnes, de la valeur relative de l’argent et du coût de la vie, il a publié des données techniques et précieuses dans ses Études économiques sur L'Alsace ancienne et moderne. En 1865, il fait la synthèse, sous le titre Les paysans d'Alsace, d’une série d’articles sur les cours colongères (dinghof).

    29 H. Dubled, « Les paysans d’Alsace au Moyen Âge (VIIIe-XVe siècles). Grands traits de leur histoire », in Paysans d’Alsace, Strasbourg, 1959 (Publications de la Société Savante d’Alsace et des régions de l’Est, VII) p. 21-50. Id., « Administration et exploitation des terres de la seigneurie rurale en Alsace aux XIe et XII e siècles », VSWG, 47 (1960), p. 433-473. Id., « La communauté de village en Alsace au XIIIe siècle », Revue d'Histoire économique et sociale, XLI (1963), p. 5-33. Id., « Les grandes tendances de l’exploitation au sein de la seigneurie rurale en Alsace du XIIIe au XVe siècle. Traditions et évolutions », VSWG, 49 (1962), p. 41-421.

    30 W. Rösener, Grundherrschaft im Wandel, Göttingen, 1991, p. 564, n. 9. Charles-Edmond Perrin s’est appuyé sur la thèse de W. Wittich opposant une seigneurie éclatée dans le nord de l’Allemagne et une seigneurie fossilisée dans le sud.

    31 H. Ott, Studien zur spätmittelalterlichen Agrarverfassung im Oberrheingebiet, Stuttgart, 1970 (Quellen und Forschungen zur Agrargeschichte, 23).

    32 H. Ott, Stand und Probleme der Urbarinterpretation..., op. cit.

    33 W. Rösener (éd.), Grundherrschaft und bäuerliche Gesellschaft im Hochmittelalter, Götttingen, 1995 (Veröff. des Max-Planck-Instituts für Geschichte, 115).

    34 N. Ohler, « Die Urbare des Klosters Adelhausen von 1327 und 1423. Zur Wirtschafts- und Sozialgeschichte des Breisgaus », Alemannisches Jahrbuch (1976-78), p. 111-182. Plus spécialement p. 141 et suivantes Möglichkeiten und Grenzen einer quantitativen Auswertung.

    35 O. Kammerer, « Les Colmariens dans leurs campagnes : à propos du terrier d’Ursule Marx von Eckwersheim (1535) », Annuaire de la Société d'Histoire et d’Archéologie de Colmar (1983), p. 37-45.

    36 Pour des travaux ultérieurs nécessitant tout un travail d’équipe. La seule application possible dans le cadre de cette recherche sera la présentation du vignoble et des autres terroirs. Le lecteur ne s’étonnera donc point de voir des perspectives encore largement ouvertes, des hypothèses et des questions plus nombreuses que des réponses.

    37 P. Dollinger, L'évolution des classes rurales en Bavière depuis la fin de l'époque carolingienne jusqu'au milieu du XIIIe siècle. Paris, 1949, traduction allemande : Der bayerische Bauernstand vom 9. bis zum 13. Jahrhundert, 1982, p. 121.

    38 W. Rösener, « Strukturformen der adeligen Grundherrschaft in der Karolingerzeit », in Strukturen der Grundherrschaft im frühen Mittelalter, W. Rösener (éd.), Göttingen, 1989, p 126-180.

    39 R. Fossier, « Polyptyques et censiers », Typologie des sources du Moyen Age occidental, 28 (1978), p. 25 et suivantes.

    40 W. Rösener, Grundherrschaft im Wandet, Göttingen, 1991. Id., « Bauern in der Salierzeit », in Die Salier..., op. cit.

    41 « La seigneurie est une entreprise de coercition, enserrant la paysannerie dans un réseau d’obligations multiples ». M. Bourin, Vivre au village au Moyen Age. Les solidarités paysannes du 11e au 13e siècle, Paris, 1984, p. 113.

    42 H. Hildebrandt, « Historische Feldsystem in Mitteleuropa », in Das Dorf am Mittelrhein, A. Gerlich (éd.), Stuttgart, 1989 (Geschichtliche Landeskunde, 30), p. 103-148.

    43 W. Rösener, Bauern im Mittelalter, Munich, 1985, p. 27.

    44 Cités par W. Rösener, « Bauern in der Salierzeit », in Die Salier... op. cit., p. 62.

    45 W. Rösener, Grundherrschaft..., op. cit., p. 361.

    46 À Marmoutier, la réserve avait déjà diminué de 20 à 30 % au début du XIIe siècle. A. M. Burg, « Maursmünster », Lexicon fûr Theologie und Kirche, 7 (1962), col. 197.

    47 Fronhofwirtschft.

    48 « Die Zustände des Elsasses im Beginn des 13. Jahrhunderts ». in Annalen und Kronik..., op. cit., p. 129.

    49 W. Rösener, « Ministerialität, Vassalität und niederadlige Ritterschaft im Herrschaftsbereich der Markgrafen von Baden vom 11. bis zum 14. Jahrhundert », in Herrschaft und Stand, J. Fleckenstein (éd), Göttingen, 1977 (Veröff. des Max-Planck-Instituts für Geschichte, 51), p. 51 et suivantes.

    50 W. Metz, « Zu Wesen und Struktur der geistlichen Grundherrschaft », in Nascita dell'Europa ed Europa carolingia : Un equazione da verificare, Spolète, 1981 (Settimane di Studio del centra italiano di studi sull’alto medioevo, 27), p. 147-169.

    51 W. Rösener, Grundherrschaft im Wandel..., op. cit., p. 564.

    52 H. Hildebrandt, « Historische Feldsysteme in Mitteleuropa. Zur Struktur und Genese der Anbauformen in der Zeit vom 9. bis zum 11. Jahrhundert », in Das Dorf am Milteirhein..., op. cit., p. 104-148.

    53 L’utilisation de la photographie aérienne se révèle de la plus grande utilité.

    54 Par exemple, à propos du phénomène des désertifications qui a grandement affecté les campagnes, voir H. Jäger, « Zur Wüstungs-und Kulturlandschaftsforschung », Erdkunde VIII, Heft 4 (1954), p. 302-309. Id., « Einige Grundfragen der Wüstungsforschung mit besonderer Berücksichtigung von Mainfranken », Würzburger Geographischen Arbeiten, 12 (1964), p. 123-138.

    55 H. Ott, Studien zur spätmittelalterlichen Agrarverfassung im Oberrheingebiet..., op. cit.

    56 Hügelheim, Gallenweiler, Obereggenen, Sitzenkirch.

    57 B. Metz, « Les cimetières fortifiés », Encyclopédie d’Alsace, 3 (1983), p. 1736-1746.

    58 B. Boesch, « Ortsnamen am Oberrhein », in Festschrift für F. Maurer zum 65. Geburtstag, Stuttgart, 1963, p. 138-158.

    59 Historischer Atlas von Baden-Württemberg, op. cit., Karten IV/1 et IV/2 : Der alemannische und fränkische Siedlungsraum : 1 Ortsnamen auf-ingen,-heim und -dorf. 2 Ortsnamen auf - hausen, -hofen, -stetten, -statt,-weiter.

    60 Nouveau se traduit par neu (= nuw), jung.

    61 Rodung. De la même étymologie, rott, rod, reut, ruti.

    62 Fron désigne le sacré et ce qui appartient ou sert au seigneur.

    63 L’accord de Marquait en 1339 (texte en annexe), exprime surtout la toute-puissance de l’abbé.

    64 Dans l’arrondissement de Mulhouse, canton de Habsheim, ce village partage son ban entre un ancien lit du Rhin (alluvions et prés humides = au), et les terrains de graviers (=harth) limité par un talus.

    65 Trott = pressoir.

    66 Dans l’espace éudié, deux secteurs miniers argentifères furent précocement exploités et attestés. En 984 pour Sainte-Marie-aux-Mines dans les Vosges, et en 1028, pour Sulzburg et Badenweiler en Forêt-Noire. Cf. Geschichte der Stadt Freiburg..., op. cit., carte p. 324. H. Steuer, « Erzbergbau im Schwarzwald zur Salierzeit », in Siedlungen und Landesausbau zur Salierzeit, t. 2, H. W. Böhme (éd), Sigmaringen, 1991, p. 67-96.

    67 Montanarchäologie in Europa. Berichte zum Internationalen Kolloquium « Frühe Erzgewinnung und Verhüttung in Europa » in Freiburg vom 4. bis 7. Oktober 1990, H. Steuer et U. Zimmermann (éd.), Sigmaringen, 1993. Voir particulièrement dans ce volume : T. Zotz, « Schriftquellen zum Bergbau im frühen Mittelalter », p. 183-199. P. Fluck, « Montanarchäologie in den Vogesen. Eine Zwischenbilanz », p. 267-289. P. Fluck, « Du minerai au lingot : l’élaboration de l’argent à l’époque de la Renaissance. Une conjonction de l’histoire, de l’archéologie et de la géologie », Bulletin de la Société d’Histoire Naturelle de Colmar, 62 (1993-94), p. 3-47.

    68 Du latin (fin XIIIe siècle) emphyteosis, altéré du latin juridique emphyteusis, emprunté au grec emphuteusis, e mphuteuein = planter. Bail à long terme donnant le droit de faire des plantations.

    69 Cf. texte de 1267, en annexe, concernant une opération masquée de crédit.

    70 Auf tausend Jahr und och me. Citation de T. Walter, Urkunden und Regesten der Stadt und Vogtei Rufach (1350-1500), Rouffach, 1913, p. 122.

    71 Schatz = 1/4 de l'acker = 1/2 du mannwerk = environ 3,5 ares. Haufen reben = la moitié, (évocation des piquets de vigne arrachés avant l’hiver et entassés au bord des pièces avant d’être évacués).

    72 R. H. Bautier, « Recherches sur les routes de l’Europe médiévale », Bulletin Philologique et Historique (jusqu'en 1610) du Comité des travaux historiques et scientifiques, t. 1, 1960, p. 99-143.

    73 H. Löffler, Geschichte des Verkehrs in Baden insbesondere der Nachrichten- und Personenbeförderung von der Römerzeit bis 1872. Heidelberg, 1910. J. Braun, Histoire des routes en Alsace des origines à nos jours, Strasbourg, 1987. Francis Rapp avait organisé en 1986-87 un séminaire sur ce thème mais, à ma connaissance, les communications n’en ont pas été publiées.

    74 Cf. la vue cavalière des environs d’Ammerschwihr par Mérian, en annexe. On observera la position très rapprochée de Kientzheim, Ammerschwihr, Kaysersberg, les enclos et les pièces de vigne, la forêt et les nombreuses voies de communication (à une époque ultérieure, il est vrai).

    75 N. Ohler, Die Urbare des Klosters Adelhausen..., op. cit., p. 132.

    76 Strasse nach, weg nach, pfad nach.

    77 N. Ohler, Die Urbare des Klosters Adelhausen..., op. cit., p. 136-137.

    78 M. Parisse, « Saint-Denis et ses biens en Lorraine et en Alsace », Bulletin philologique et historique (jusqu'en 1610) du Comité des travaux historiques et scientifiques, t. 1, 1967, p. 237 et p. 248-250.

    79 R. Forrer, « L’Alsace romaine », in Études d'archéologie et d'histoire, Paris, 1935.

    80 A. Brückner, Regesta..., op. cit., p. 152-153, no 245.

    81 A. M. Zundel, « Les routes en Haute-Alsace à la fin du Moyen Âge », in Positions de thèses de l'École Nationale des Chartes (1960). L’auteur distingue quatre itinéraires : l’un le long du Rhin, un autre parallèle sur le piémont des Vosges, un troisième en diagonale, Bâle-Colmar (par Blotzheim, Sierentz, Reguisheim, Meyenheim) et le quatrième, la traversée du Sundgau.

    82 V. Serna, « Quelques réflexions à propos du concept de navigabilité des rivières au Moyen Âge en France », in Navalia archeologia..., op. cit., p. 105-115.

    83 La propriété du cimetière qui entourait l’église reste un problème historique ouvert. En principe, église et cimetière formant une unité dépendaient du même propriétaire ou patron à partir du XIIe siècle. Coexistaient les cimetières seigneuriaux et communaux. Mais la fréquence des conflits (attestés à la fin du Moyen Âge) avec les curés ou la communauté paroissiale chargée de l’entretien suffirait à prouver qu’il n’existait aucune position canonique d’ensemble. Ambiguïté et appréciations in situ conduisaient à des solutions fort variées.

    84 Pour l'instant, cette vaste enquête n’a fait l’objet que de peu de publications de synthèse parmi lesquelles : « Cimetières fortifiés », Encyclopédie d'Alsace, 3, p. 1736-1746.

    85 La chronologie du début et de la fin du phénomène reste extrêmement hasardeuse. Bernhard Metz n’a trouvé de datation certaine que pour quatre fortifications concernant l’espace ici étudié. Cernay 1187. Colmar 1212. Ingersheim 1234. Wintzenheim 1279. Toutes sont dans le vignoble : est-ce un hasard ?

    86 H. Dubled, « La communauté de village en Alsace », op. cit., p. 5-33.

    87 H. Dubled, « Ville et village en Alsace au Moyen Âge. Essai de définitions, critères de distinction », in La Bourgeoisie Alsacienne, Paris, 1954, p. 57-69.

    88 G. L. von Maurer, Einleitung zur Geschichte der Mark-, Hof-, Dorf- und Stadtverfassung, Munich, 1854. Rééd. Aalen, 1966. Ces communaux, communs à plusieurs villages ou seigneuries, expriment au contraire, selon l’historiographie actuelle, une réaction seigneuriale aux empiètements des défricheurs.

    89 O. von Gierke, Das deutsche Genossenschaftsrecht, 4 vol., Berlin, 1868-1913.

    90 K. T. von Inama-Stemegg, « Über die Quellen der deutschen Wirtschaftsgeschichte », Sitzungsberichte der Kaiserlichen Akademie der Wissenschaflichen Philosophischen-Historischen, Klasse 84(1876), p. 135-210.

    91 P. Blickle (éd.), Deutsche ländliche Rechtsquellen, Probleme und Wege der Weistumsforschung, Stuttgart, 1977.

    92 A. Dopsch, Herrschaft und Bauer in der deutschen Kaiserzeit. Untersuchungen zur Agrar- und Sozialgeschichte des hohen Mittelalters mit besonderer Berücksichtigung des südostdeutschen Raumes, Iéna, 1939.

    93 W. Rösener, « Frühe Hoffechte und Weistümer im Hochmittelalter », Agrargeschichte, (Universität Rostok), 23 (1990), p. 12-29. F. Rapp, « Du domaine à l’État : les avatars de la seigneurie rurale », in Histoire de l'Alsace..., op. cit., p. 83-99.

    94 H. Dubled, « La communauté de village », op. cit., p. 7. G. Sivery, Terroirs et communautés rurales dans l’Europe occidentale au Moyen Âge, Lille, 1990. Nombreux exemples choisis dans les montagnes, le vignoble ou les pâturages de l’espace européen.

    95 L'office de maire de Soulzbach (vallée de Munster) dépendait de l’abbé de Munster, qui authentifiait les actes de son sceau, et du prieur de Saint-Gilles, proviseur de Saint-Pierre de Colmar. L’abbé de Payerne (dont dépendaient, on s’en souvient, ces prieurés) avait investi en emphythéose à Henri Giseler de Soulzbach la moitié de la mairie. Le 20 décembre 1318, la fille et le gendre de cet Henri Giseler acceptèrent le transfert de cette moitié d’office en fief héréditaire, moyennant des redevances annuelles : une livre de deniers de Bâle, quatre quartaux de seigle et d’orge, soixante écuelles et deux terrines à couvercle (kar) et quatre cuillers et deux plats de poisson cuits pour le repas de la Saint-Martin. Ils devraient, de plus, assurer le gîte chaque année à l’abbé de Payerne (pour lui et quatre chevaux) et ne pas aliéner cette part de la mairie et les biens y afférents. On remarquera l’absence de redevances en vin, dans cette vallée, mais l’importance de celles, en argent et en poisson, qui ne se rapportent, souligons-le, qu’à la moitié de l’office. X. Mossmann, « Les regestes du prieuré de Saint-Pierre », op. cit., p. 129, no 47.

    96 K. Blaschke, « Die Ursachen des spätmittelalterlichen Wüstungsvorgangs », in Festschrift für Wilhelm Abel, 1974, p. 55-65. H. Jäger, « Wüstungsforschung in geographischer und historischer Sicht », in Geschichtswissenschaft und Archäologie, H. Jankuhn et R. Wenskus éd., 1979, p. 193-240.

    97 Das Reichsland Elsaβ-Lothringen..., op. cit.

    98 A. M. Burg, Histoire de l'Église d'Alsace, Colmar, 1946.

    99 A. Humm, Villages et hameaux disparus en Basse-Alsace. Contribution à l’histoire de l'Alsace rurale, Strasbourg, 1970. L. G. Werner, « Villages disparus de la Haute-Alsace », Bulletin de la Société Industrielle de Mulhouse, 1914) p. 292-323, p. 557-590. Ibid., 1919, p. 175-230. Ibid., 1921, p. 376-424. A. Straub, Les villages disparus en Alsace, Strasbourg, 1887. A. Poinsignon, « Ödungen und Wüstungen im Breisgau », ZGO, NF, 11 (1887), p. 322-368. Ibid., p. 449-480.

    100 La tradition orale affectionne, pour faire disparaître les villages, les pestes, les « troubles », les guerres ou les Armagnacs. Sans nier leur influence, ne s’agirait-il pas plutôt d’un coup de grâce ?

    101 Les juristes du XVIIIe siècle ont forgé le mot « colonge » pour désigner la cour seigneuriale, d’où l’adjectif colonger qu’Hanauer utilise dans l’expression rotule colonger ou cour colongère.

    102 Andolsheim, cour appartenant au prieuré de Lièpvre ((fragments rédigés en allemand. Minnewiler (Meiwihr, village disparu près d’Ammerschwihr) et Ingersheim, sont donnés par Hanauer pour des « colonges souveraines ». Leur datation antérieure à 1300 ne fait pas l'unanimité des historiens.

    103 C. E. Perrin, « Chartes de franchise et rapports de droits en Lorraine », Le Moyen Âge, LII (1946), p. 11-42.

    104 J. Grimm (éd.), Weisthümer..., op. cit.

    105 La cour (curtis) formait le coeur de la seigneurie et/ou du village puisque s’y réunissait l’assemblée judiciaire (plaid, placitum, ding). Les documents fabriqués à cette occasion en forme de rotule portent le nom de dinghofrödel.

    106 K.T. Inama-Stemegg, Über die Quellen..., op. cit.

    107 W. Rösener, Frühe Hofrechte und Weistümer..., op. cit.

    108 Original à Bâle : Staatsarchiv Basel H 3 w 34. L’édition d’Anton Brückner a été reprise et critiquée par Christian Wilsdorf qui a identifié le comte comme étant celui de Ferrette et arrêté la datation. C. Wilsdorf, « Un domaine dans la première moitié du XIIIe siècle : la cour du comte de Woffenheim d’après son coutumier », in Histoire rurale, op. cit., p. 101-112.

    109 F. Staab, « Verfassungswandel in rheinhessischen Dörfern zwischen dem 12. und 14. Jahrhunderten », in Das Dorf am Mittelrhein, op. cit., p. 149-173.

    110 T. Biller et B. Metz, Die Burgen des Elsaβ, 4 vol., Munich, 1995. Les tomes 2 et 3 concernent chronologiquement la période ici étudiée (1200-1250, 1250-1300) mais l’introduction et la conclusion générale se trouvent dans les tomes 1 et 4. F. Rapp, Le château-fort dans la vie médiévale. Le château-fort et la politique territoriale, Strasbourg, 1968 (Recherches sur les châteaux-forts alsaciens, 1).

    111 T. Biller et B. Metz, « Anfänge der Adelsburg im Elsass in ottonischer, salischer und frühstaufischer Zeit », in H. W. Böhme (éd.), Burgen der Salierzeit, II, 1991, p. 245-284.

    112 Comparativement à la proche Lorraine, par exemple. M. Parisse, Austrasie, Lotharingie, Lorraine, op. cit., cf. carte p. 71. Voir aussi la vue des trois châteaux des Ribeaupierre par Mérian, reproduite en annexe.

    113 Parmi les nombreuses études, citons : M. Bitschnau, « Burg und Adel zwischen 1050 und 1300 », Österreiche Akademie des Wissenschassen, Philosophisch-Historische Klasse, Sitzungsbericht 403 (1983). M. Bourin-Derruau, Villages et communautés villageoises en Languedoc : l'exemple du Biterrois, Paris, 1988. J. P. Poly, La Provence et la société féodale, 879-1166, Paris, 1976. D. Barthélemy, Les deux âges de la seigneurie banale. Coucy. (XIe-XIIIe siècle), Paris, 2e éd., 2000.

    114 J. Burnouf, « Les mottes castrales en Alsace », Revue d'Alsace, 111 (1985), p. 3-45. Id., « Les mottes castrales en Alsace : corpus documentaire », Revue d’Alsace, 112 (1986), p. 3-48. B. Metz, « Les mottes castrales en Alsace. Quelques compléments », Revue d’Alsace, 113 (1987), p. 57-79.

    115 F. Rapp, « Zur Geschichte der Burgen im Elsass mit besonderer Berücksichtigung der Ganerbschaften und der Burgfrieden », in H. Patze (éd), Die Burgen im deutschen Sprachraum. Ihre rechts-und verfassungsgeschichtliche Bedeutung, t. 2, Sigmaringen, 1976 (VuF, 19), p. 229-248.

    116 A. Hertzog, « Die Entwicklung und Organisation des Elsässischen Weinbaues im Mittelalter », Jahrbuch für Geschichte. Sprache und Literatur Elsaβ-Lothringens, XII (1896), p. 3-39. Médard Barth conteste à plusieurs reprises les affirmations de Hertzog.

    117 M. Barth, Der Rebbau..., op. cit.

    118 R. Dion, Histoire de la vigne et du vin en France des origines au XIXe siècle, Paris, 1959.

    119 F. Bassermann-Jordan, Geschichte des Weinbaues, 3 vol., Francfort-sur-le-Main, 1924. L. Sittler, L'agriculture et la viticulture en Alsace, Colmar-Ingersheim, 1974. Vignes, vignerons et vin d'Alsace, Colmar, 1975. G. Bischoff, J.-M. Boehler, J.-V. Dietrich, G. Dopff, J. Dryer, R. Dumay, R. Goffard, P. Huglin, F. Rapp, L. Sittler, Le vin d'Alsace, Paris, 1978. É. Juillard, « Histoire et géographie du vignoble alsacien », Bulletin de la Socété Industrielle de Mulhouse, 780 (1981), p. 37-42.

    120 B. Bernard, « Bergheim. Sa population, son vignoble », Bulletin de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Ribeauvillé. 24 (1961), p. 9-57.

    121 R. Faller, « Notes sur le vignoble de Ribeauvillé », Bulletin de la Société d’Histoire et d’archéologie de Ribeauvillé, 15 (1952), p. 28-68.

    122 C. Wolff, Riquewihr, son vignoble et ses vins à travers les âges, Ingersheim, 1967. Id., « Vignes et vins de l’ancien Westhoeffen », Bulletin de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Saverne et Environs, 90 (1972), p. 59-65.

    123 A. Billich, Turckheim. Histoire d'un vignoble, Colmar, 1949.

    124 L. Sittler, La viticulture et le vin de Colmar à travers les siècles, Colmar, 1956.

    125 T. Walter, « Rebbau und Wein im alten Rufach », Neuer elsässer Kalender, 93 (1932), p. 63-94.

    126 L. Ehret, Weinbau. Weinhandel und Weinverbrauch in Gebweiler, Guebwiller, 1932. Peu d'éléments concernant la période médiévale, surtout le XVIIe siècle.

    127 B. Götz, Geplanzt, gekeltert und getrunken. Der Weinbau von Freiburg im Wandel der Zeiten, Fribourg, 1973 (Freiburger Stadthefte, 20). F.J. Mone, « Zur Geschichte des Weinbaues vom 14. bis 16. Jahrhundert in der Schweitz, Württemberg, Baden, Hessen und Rheinprovinzen », ZGO, 3 (1852), p. 257-299. K. Müller, Geschichte des badischen Weinbaues. Mit einer badischen Weinchronik und einer Darstellung der Klimaschwankungen im letzten Jahrtausend, T éd., Lahr, 1953. Dans le catalogue de l’exposition prévue pour octobre 2001 à Karlsruhe sur Alltag, Handel und Handwerk am Oberrhein im Spätmittelalter deux contributions à paraître : G. Mathey, « Weinbau in Baden. Eine Untersuchung der Schauenburger Urkunden im späten Mittelalter unter Berücksichtigung des historischen Kontextes ». S. Sicheneder, « Städtische Berufe um den Wein. »

    128 C. Wolff, « Le vignoble », in Histoire de l'Alsace rurale, op. cit., p. 447-458.

    129 Les toponymes, par exemple, à Rouffach : under der schemele viendraient de scamnellum ; pfurke viendrait de furca (tonnelle).

    130 Il est bien sûr assez difficile de connaître précisément pour la période médiévale les techniques de vinification. Selon Médard Barth et Francis Rapp, l’ajout d’aromates, d’épices et de sucre, n’avait rien d’exceptionnel. Un règlement de 1403 pris par la ville de Ribeauvillé stipule que personne n’a le droit de « médicamenter » (artzenen) son vin.

    131 É. Juillard, L’Europe rhénane, Paris, 1968.

    132 A, Lucius, « Le vignoble d’Alsace », Annales de géographie, 31 (1922), p. 205-214 : « La culture de la vigne en Alsace a, comme dans tout l’Est de la France, quelque chose d’artificiel... Elle ne peut y exister que grâce à la présence de conditions naturelles particulièrement favorables ».

    133 A. Hertzog, « Die Weinjahre von Elsass-Lothringen in des verlossenen Jahrhunderten », Bulletin de la Société d'Histoire Naturelle de Colmar, Nouvelle série, VIII (1905-1906), p. 1-86.

    134 Ibid., p. 16.

    135 D’après Karl Müller (Geschichte des badischen...., op. cit., p. 20), les abbayes de Salem et Weingarten auraient consommé environ 600 Fuder de vin par an, soient quelque 7 380 hectolitres. Pour satisfaire en Seewein les besoins de l’ensemble des établissements religieux autour du lac de Constance, il aurait fallu environ 24 600 hectolitres. L’auteur ne précise malheureusement pas la chronologie de ses sources et la méthode de ses calculs.

    136 L’évêque fut battu le 8 mars 1262.

    137 Urkundenbuch der Stadt Strassburg. I, Urkunden und Stadrechte bis zum Jahr 1266, W. Wiegand (éd), Strasbourg, 1879, p. 383, no 506.

    138 Annales Colmarienses majores, MGH SS 17, 217.

    139 Ce terme d’écosystème est utilisé dans sa plus large acception : unité écologique de base formée par le milieu vivant (biotope) et les organismes animaux et végétaux qui y vivent.

    140 Cf. carte Implantation schématique du vignoble dans l'Oberrhein dès le IXe siècle en annexe.

    141 La toponymie en témoigne : Königsgut, Königsheim d’où Kintzheim (deux localités proches de Sélestat et de Kaysersberg portent ce nom avec une petite variante orthographique).

    142 Cf. carte, Implantation schématique du vignoble..., en annexe.

    143 Ont aussi été comptabilisés les villages disparus dont il sera question plus loin.

    144 Le château mentionné pour la première fois en 1236 appartenait à une famille de noblesse lorraine (éteinte en 1361) liée aux comtes de Lunéville et à une famille de la Petite-Pierre dont elle portait les armoiries. Deux aker de vigne figurent dans un acte de 1256. Cf. K. Albrecht, Rappoltsteinisches..., op. cit., I, p. 92, no 92.

    145 Colline jurassique de quelque 363 mètres à l’ouest de Rouffach, tout à fait remarquable par sa flore subméditerranéenne. Attestée dès l’époque mérovingienne, une église, avec son enclos cimetérial, y desservait plusieurs villages. Des vignes sont attestées en 1290 et 1324. T. Walter, Urkunden und Regesten..., op. cit., I, p. 56 et 119.

    146 Confirmation pontificale à l’abbaye d’Ebermünster, en 1183. J. D. Schöpflin, Alsatia diplomatica..., op. cit., p. 279, no 330. Hors village s’il s’agit du lieu-dit entre Bergheim et Guémar, mais le toponyme (Feldkirch = église au milieu des champs) renvoie à un site fréquenté puisqu’il s’agit d’une église-mère desservant plusieurs villages. Il existe trois autres Feldkirch près de Bollwiller, de Wettolsheim et de Bad Krozingen.

    147 Dix-neuf vignobles posent des problèmes de datation : soit une mention postérieure à 1350 donne un toponyme de vigne nécessairement antérieur, soit les mentions sont indirectes et allusives.

    148 Chartularium Sangallense, t. 1, O. P. Clavadetscher (éd.), Saint-Gall, 1983.

    149 Dans les données générales rassemblées sous forme de tableau, cette localité a été enregistrée comme vignoble de montagne compte tenu de l’étroitesse du site, à l’orée du vallon et antérieurement au développement de Guebwiller.

    150 A. Bruckner, Regesta Alsatiae aevi merovingici et karolini, op. cit., t. I, p. 152-153, no 243 (Wissembourg, 774), no 244 (Wissembourg, 774), no 245, etc.

    151 M. Parisse, Saint-Denis et ses biens en Lorraine et en Alsace, op. cit.

    152 Cum terris, domibus... vineis..., MGH DD Regum Germaniae Karolinorum I, p. 38, no 27.

    153 Vallonnement à l’ouest du Bollenberg près de Rouffach. Vignoble déjà réputé en 728 puisqu’Otalswilre fit l’objet d’une donation du comte Eberhard d’Eguisheim à l’abbaye de Murbach

    154 P. A. Grandidier, Histoire de l'Église de Strasbourg, op. cit., t. 2, pièces justificatives p. CXXII, no 71 et 71 bis.

    155 J. D. Schöpflin, Alsatia diplomalica, op. cit., I, p. 41, no 37.

    156 Village disparu entre Beblenheim et le promontoire de Zellenberg.

    157 Village disparu près de Sainte-Croix-en-Plaine.

    158 Pour ne s'en tenir qu’au cadre de cette étude, car le vignoble badois couvrait largement la rive droite de Lahr à Bâle.

    159 Hausen an der Möhlin au nord-ouest de Biengen et de Bad Krozingen. Le toponyme de Hausen (= maisons) se trouve fréquemment attesté tant sur la rive droite que sur la gauche (Husseren-les-Châteaux près d’Eguisheim).

    160 De l’ordre de la cinquantaine.

    161 W. Kleiber, « Die Bezeichnungen für Rebneuanlage am Oberrhein im 14. Jahrhundert. Ein Beitrag zur historische Wort-und Lautgeographie », ZGO, 112, NF 73, (1964), p. 225-242.

    162 M. Barth, Der Rebbau des Elsaβ, op. cit., t. 2, Regesten, p. 56.

    163 K. Müller, Geschichte des badischen Weinbaus, op. cit., p. 76.

    164 Quelques noyaux ont subsisté, pôles économiques et administratifs nécessaires, autour de Sélestat, Colmar, Turckeim et Cemay.

    165 Cf. carte, Établissements ecclésiastiques possessionnés dans le vignoble de l'Oberrhein au XIIIe siècle, en annexe.

    166 Les articles d’Heinrich Büttner qui fait autorité en la matière ont été réunis dans Geschichte des Elsaβ, op. cit. Plusieurs abbayes évoquées dans ce travail y figurent : Saint-Biaise (p. 185-204), Hohenbourg (p. 205-227), Andlau (p. 269-294), Munster (p. 302-313), Moutier-Grandval et Saint-Ursanne (p. 314-332).

    167 Cf. carte, Établissements ecclésiastiques..., en annexe.

    168 Particulièrement serrée était la « cohabitation » entre les diocèses de Strasbourg et de Bâle dans le vignoble autour de Rouffach, capitale du Haut-Mundat dépendant de Strasbourg mais aussi antenne économique de Bâle. Quand elles apparaissent, toutes les redevances en argent, même celles qui sont dues à Strasbourg, sont libellées en monnaie bâloise.

    169 Avant 881, à Wintzenheim, Sélestat, Kintzheim. Cf. P. A. Grandidier, Histoire de l’Église, op. cit., t. 1, p. 268 et A. Bruckner, Regesta..., op. cit., p. 368-369, no 6-7.

    170 D’après le plus ancien nécrologe (moitié du XIIIe siècle), le roi Dagobert aurait donné des vignes en Alsace (Jebsheim, Kintzheim et Sélestat.) de quo dantur XV carratae boni vint. F. X. Remling, Geschichte der Bischöfe zu Speyer, I, Mayence, 1852, p. 104.

    171 Celui de Strasbourg se trouvait bien loti dans toute la région : autour de Ribeauvillé (Beblenheim, Zellenberg), de Rouffach (Gueberschwihr, Eguisheim, Pfaffenheim, Soultzmatt), de Guebwiller (Bergholz, Issenheim, Uffoltz).

    172 R. Weis-Müller, Die Reform des Klosters Klingental und ihr Personenkreis, Bâle, 1956 (Basler Beiträge zur Geschichtswissenschaft, 59). Les autres couvents ont déjà fait l’objet de références au début de ce chapitre.

    173 Cf. carte, Établissements ecclésiastiques..., en annexe.

    174 M. Parisse, Histoire de la Lorraine, op. cit., p. 42.

    175 Cf. carte, Établissements ecclésiastiques..., en annexe. La densité des abbayes autochtones n’a pas permis de porter, sinon schématiquement, tous les établissements, en particulier les couvents urbains.

    176 En 803. P. A. Grandidier, Histoire de l'Église..., op. cit., t. 2, p. 147, no 82.

    177 Ostheim reste le seul village après la destruction de Altheim (le long de l'Ill) par Rodolphe de Habsbourg en 1287 au cours de sa Fehde contre les Ribeaupierre. En 1324, Ostheim passa, avec la seigneurie des Horbourg-Wihr, aux comtes de Wurtemberg. Les toponymes attestent de zones humides et de pâturages gagnés par des défrichements de broussailles (Bifang, Kohlerholz, Rossmatt, Schafläger, ou, très suggestif, Pfaffenhurst = bocage des curés).

    178 Jouxtant le vignoble de Colmar (oberhart, mittelhart) et sur une petite colline. J. F. Schannat, Vindemiae literariae. Hoc est veterum monumentorum ad Germaniam sacram praecipue spectantium collectio prima, t. 1, Fulda-Leipzig, 1723, p. 38, no 76.

    179 En 785. J. F. Schannat, Vindemiae literariae..., op. cit., p. 38,no 75-76.

    180 En 785. A. Bruckner, Regesta Alsatiae, op. cit., t. 1, p. 195, no 311.

    181 L’exemple de Saint-Biaise étudié par Heinrich Büttner apporte beaucoup d’élements sur l'intérêt qu’avait cette abbaye à posséder des pièces à Ostheim, Pfaffenheim, Soulzmatt, etc., au point que, dans le dernier quart du ΧΙΙIe siècle, un procurator fut nommé pour la seule gestion des biens en Alsace, alors qu’en Brisgau un tel agent n’est mentionné qu’en 1283. H. Büttner, « Sankt Blasien und das Elsass », in Geschichte des Elsaβ, op. cit., p. 200-201. H. Ott, « Die Klostergrundherrschaft St Blasien im Mittelalter », in Arbeiten zum historischen Atlas von Südwestdeutschland. Heft 4, Stuttgart, 1969.

    182 VIIe-Xe siècles : Murbach, Munster, Hohenbourg, Masevaux, Saint-Blaise, Saint-Gall, Ebersmunster. XIe-XIIe siècles : Silo (Sélestat), Pains, Lucelle, Marbach. XIIIe-XIVe siècles : Issenheim (Antonites), Colmar (Unterlinden, Dominicains, Sainte-Catherine), Bâle (Sainte-Claire, Saint-Léonard, Klingenthal).

    183 À huit kilomètres au sud de Colmar, ce monasterium Sanctae Crucis, abbaye de bénédictines fondée par Hugues IV d’Eguisheim et son épouse Heilwige de Dabo connus pour être les parents du futur pape Léon IX, rencontra un très vif succès quand ce dernier dota le monastère d’un morceau de la vraie Croix.

    184 H. Ott, Studien zur Geschichte des Klosters Sankt Blasien im hohen und späten Mittelalter, Stuttgart, 1963 (Veröff. der Komm. für geschichtliche Landeskunde in Baden-Württemberg, Reihe B). Id., « Die Klostergrundherrschaft Sankt Blasien im Mittelalter. Beiträge zu ihrer Besitzgeschichte », in Arbeiten zum Historischen Atlas von Südwestdeutschland, Heft 4, Stuttgart, 1969.

    185 Sur un site donné par trois frères d’une illustre famille des environs de Besançon, les Montfaucon, l’abbaye cistercienne fut fondée en 1124, dans des bâtiments existant depuis quelques années déjà. Le succès de Lucelle a été fort rapide puisqu’elle essaima et fonda en quelques années Lieu-Croissant, Salem, Pairis, Neubourg, etc. La générosité des parentèles des religieux apporta à l’abbaye, dès 1136, des vignes à Hattstatt puis plus tard (vers 1147) à Cernay. A. Chèvre, Lucelle. Histoire d'une ancienne abbaye cistercienne. Délémont, 1973.

    186 Ces deux dernières maisons se trouvent, pour le nombre de leurs vignes, juste derrière Murbach qui détenait le record. Pairis, au fond du val d’Orbey, grâce à une donation du comte d’Eguisheim, fut fondée après Lucelle en 1138.

    187 À Beblenheim, Hunawihr, Mittelwihr, Ingersheim.

    188 À Bergheim, Kestenholz.

    189 À Colmar, Kientzheim, Sigolsheim.

    190 À Hochstatt.

    191 A Bennwihr, Soulz et Zellenberg.

    192 Sur une carte très suggestive, Michel Parisse a situé toutes les abbayes qui furent mentionnées dans le partage de Meersen de 870. M. Parisse, Histoire de la Lorraine, op. cit., p. 54. On y remarque, de part et d’autre du massif vosgien, un ensemble d’abbayes qui, toutes, tiraient leur vin du vignoble étudié : Étival, Saint-Dié, Moyenmoutier, Marmoutier, Strasbourg (Saint-Étienne), Hohenbourg (Mont-Sainte-Odile), Erstein, Ebersheim, Munster, Murbach, Masevaux, Bâle. Au sud-ouest, Remiremont et Luxeuil.

    193 Sur une petite élévation qui domine le lac de Constance, un certain Gontrand d’Adelsberg avait confié, en 1134, un monastère à l’abbé Christian de Salmannsweiler. Quelques années plus tard, l’arrivée de douze moines de Lucelle en fit l’abbaye de Salem, fille de Lucelle.

    194 Diocèse de Besançon, au nord de l’Isle-sur-le-Doubs. L’abbaye Locum Crescens (Lieu-Croissant) ou des Trois-Rois, en raison des reliques des rois mages qu’elle abritait, fut fondée en 1134 par Lucelle.

    195 À Ribeauvillé, où se trouve possessionnée Pairis, sont attestés des toponymes évoquant les défrichements : jungholtz, brandstatt, forst, gereut, etc. La relation entre Pairis et les défrichements y est moins évidente qu’à Turckheim. Dans le censier des vignes de Pairis (ADHR H Pairis, carton 15), les pièces correspondent aux zones anciennement forestières : am eichberg obwendig der slat.

    196 Fondation du Xe siècle par le prévôt Eberhard de Strasbourg, à l’instar de Saint-Gall, sur l’emplacement de la cellule de l’ermite Meinrad.

    197 Muri a aussi été réformée par Saint-Blaise.

    198 Près de Gueberschwihr.

    199 Sur le piémont entre Cemay et Soultz. A. Bruckner, Regesta..., op. cit., p. 236, no 373 (Folkmar ou Folkwin, en latin dans l’acte Folcuinus).

    200 M. Barth, Der Rebbau, t. 2, Regesten, op. cit., p. 27 (Berrweiler).

    201 ADHR 1 H Munster 12/3 (6 juin 1360).

    202 Strassburger Urkundenbuch, op. cit., IV, p. 282. Aus dem Verzeichnis der Lehensleute der Strasburger Kirche, f° 160, p. 282. Burkardus dictus Zorn... in banno ville Wetzelsheim centum scados... silos... dictos vulgariter der nuwe berg.

    203 Cadastre de 1952 conservé dans les services de la Direction Départementale de l’Équipement à Colmar.

    204 = La pépinière (de plants de vigne).

    205 MGH DD Reg. et Imp. I, p. 238, no 157 (Urkunden Ottos I, 15 oct. 952).

    206 Comme on le verra, l’état d’entretien et d’exploitation des vignes cédées faisait l’objet d’une surveillance régulière.

    207 Strassburger Urkundenbuch, op. cit. t. I, p. 164, no 205. In Morswilre, que dicitur rebegarte, per muri divisionem separando quondam portionem dedimus.

    208 Établissement fondé par le chapitre Saint-Thomas à la fin du XIIe siècle pour accueillir pauvres et pèlerins. Concédé aux Dominicains et transféré au-delà de la future porte de l’Hôpital pour des religieuses, il connut un succès immédiat et la maison se dota d’un réglement dit « Constitutions de Saint-Marc », adopté par beaucoup d’autres établissements dans l’Oberrhein.

    209 Dans le Haut-Mundat de l'évêque de Strasbourg, Soultzmatt occupait une fonction centrale pour toutes les localités de la vallée de l'Ohmbach. Beaucoup de nobles, jusqu’à la fin du XIIIe siècle, portaient le nom du village sans que leur titulature corresponde nécessairement à une fonction réelle comme agent de l’évêque.

    210 Strassburger Urkundenbuch., op. cit., t. III, p. 9, no 30. Wir mittenandere einen wehssei hant getan.

    211 Couvent d’Augustines fondé sous l’obédience de Marbach au milieu du XIIe siècle, encaissé dans la vallée de Soultzmatt, à l’ouest de Rouffach. Des fouilles archéologiques ont permis de retrouver quelques traces de cet établissement disparu matériellement mais encore vivant dans l’histoire des manuscrits puisqu’un des auteurs du célèbre codex Guta-Sintram est la chanoinesse Guta de Schwarzenthann, l’autre, le chanoine Sintram de Marbach, comme nous l’avons déjà vu.

    212 T. Walter, Urkunden und Regesten, op. cit., t. I, p. 122, no 273.

    213 ADHR 1 H Munster 11/6 (29 novembre 1319).

    214 L. Stouff, La chronique de Lucelle. Strasbourg, 1950, p. 122. Il s’agit de l’édition de la Chronikon Lucellense du père Bernardin Walch (XVIIIe siècle) critiquée par Christian Wilsdorf dans la Revue d’Alsace (1950/51), p. 135-139.

    215 A. Chèvre, Lucelle, op. cit., p. 51.

    216 22 février 1290, ADHR 24 H Unterlinden 8, no 6. Achat aux Guillelmites de Fribourg.

    217 9 novembre 1291, ADHR 24 H Unterliden 8, no 6. Achat de pièces mitoyennes à plusieurs propriétaires.

    218 11 mars 1296, zu Rumerstal, dans le ban de Minrevilre (village disparu près d’Ammerschwihr), ADHR 24 H Unterlinden 10, no 6.

    219 14 juillet 1300 ADHR 24 H Unterlinden 8, no 12. Achat aux Franciscains de Sélestat.

    220 Cf. texte de l’exemption accordée par Wintzenheim en 1270, en annexe.

    221 Basel Urkundenbuch, op. cit., t. III, p. 168, no 316. Pro quinquaginta libris denarorum Basiliensium in monte dicto am Rangen inter vineas.

    222 K. Müller, Geschichte des badischen..., op. cit., p. 102. Cette pratique existe encore de nos jours pour la vigne et certaines opérations de jardinage.

    223 Pour la région, on en connaît trois : Muri au cours de la période étudiée et, plus tardifs, Colmar (1438) et Mulhouse (1479).

    224 Cf. l’aménagement du piémont viticole autour de Riquewihr. On remarque encore au XVIIe siècle, les arbres fruitiers dans les pièces de vigne, comme en témoigne la gravure déjà citée de Merian.

    225 MGH Legum II, Capitularia regum Francorum I, 32, Capitulare de villis, p. 87.

    226 La comparaison est utile avec une région proche et moins favorisée d’un point de vue climatique, le comté de Vaudémont. Cf. M. Maguin, La vigne et le vin en Lorraine : l'exemple de la Lorraine médiane à la fin du Moyen Âge, Nancy, 1982. Les registres des receveurs, base documentaire utilisée, se trouvent évidemment bien postérieurs à la période ici retenue.

    227 Le célèbre Hortus Deliciarum de l’abbesse Herrade du monastère du Hohenbourg (Mont-Sainte-Odile) propose dans la seconde moitié du XIIe siècle, de suggestives illustrations de vignes enroulées le long de pieux. Certaines chroniques illustrées présentent la même technique d’un pampre de vigne enroulé sur un échalas comme celle de Rudolf von Ems, Bible historiée, BMC, Ms 305 (1459), fol. 20.

    228 Situé à une dizaine de kilomètres au sud de Soultz, au pied du Hartmannswillerkopf, sur le piémont.

    229 Cité par A. Gatrio, Abtei Murbach, op. cit., t. 1, p. 246.

    230 Rebgewann vlenter (1281), in den pflentzer (1423). J. D. Schöpflin, Alsatia diplomatica, op. cit., t. II, p. 337.

    231 ADHR H Pairis, carton 15.

    232 K. Müller, Gechichte des badischen..., op. cit., p. 82. Traduction donnée en annexe.

    233 La Chandeleur, le 2 février (Lichtmesse), constitue une date pivot pour le travail annuel de la vigne.

    234 Cf. extraits des Us et coutumes de Munster (1330) en annexe. N’ont été retenus, sur un total de 106, que les 18 articles concernant les forêts et le travail du bois, destiné en grande partie à la viticulture.

    235 Unusquisque debet... carradam palorum ad vîtes dare. Weistum du ΧIIIe siècle cité par M. Barth, Der Rebbau... op. cit.. p. 79, n. 16.

    236 Prédicateur strasbourgeois mystique (vers 1290-1361). F. Vetter, (éd.), Die Taulers Predigten aus der Engelberger und der Freiburger Handschriften sowie aus Schmidts Abschriften der ehemaligen Strasburger Handschriften, Dublin-Zurich, 1968, (Deutsche Texte des Mittelalters, hg von der Deutschen Akademie der Wissenschaften, 11). Dans le septième sermon, on trouve l’onomatopée suggestive du travail que doit accomplir sur lui-même tout chrétien : mit starcken stecken sticket (p. 32).

    237 En Bordelais, on déchaussait la vigne quatre fois par an, en Lyonnais, trois fois et en Bourgogne, deux à trois fois.

    238 D, Rippmann, « Alltagsleben und materielle Kultur im Spiegel von Wirtschaftsquellen : Materielle Kultur und Geschlecht », Medium Aevum Quotidianum, 30 (1994), p. 44-61. Voir surtout p. 53 : « Arbeitsorganisation im Weinbau ».

    239 Le fuder de vin (carrata) correspondait à ce que 4 à 6 chevaux pouvaient tirer. La métrologie varie entre 38,82 litres à Ribeauvillé et 50,27 à Rouffach d’après les travaux d’Auguste Hanauer.

    240 M. Barth, Der Rebbau..., t. 2 Regesten, op. cit,. p. 144 (Uffholz).

    241 Fälschungen im Mittelalter. Internationaler Kongress der Monumenta Germaniae Historica, Munich, 16-17 sept. 1986, V, Hanovre, 1988. Voir surtout p. 669-702.

    242 K. Müller, Geschichte des badischen..., op. cit. p. 21.

    243 L. Sittler, « La vie à Ribeauvillé d'après les anciens statuts municipaux », in Bulletin de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Ribeauvillé XIII, 1950, p. 48-66.

    244 Cf. l’article 8 du traité entre l’abbé Marquart et Munster en 1339. Texte en annexe.

    245 H. Ammann, Schaffhauser Wirtschaft im Mittelalter, Thaingen, 1949.

    246 K. Müller, Geschichte des badischen,...op. cit., p. 23.

    247 A. Gatrio, Abtei Murbach im Elsaβ, op. cit., t. 1, p. 437.

    248 Weistum cité par Grimm, Weistümer..., op. cit., IV, p. 229.

    249 L. Ehret, Weinbau, Weinhandel und Weinverbrauch in Gebweiler, op. cit., p. 4 et p. 78.

    250 F. Bassermann-Jordan, Geschichte..., op. cit., t. 1, p. 122 et suiv.

    251 Annalen und Kronik, Beschreibung des Elsaβes..., op. cit., p. 188, Ein trefflicher Weiβwein im reichlicher Fülle.

    252 J. Schneider, La ville de Metz aux XIIIe et XIVe siècles, Nancy, 1950, p. 419.

    253 Chronicon Colmariense, MGH SS 17, 270.

    254 Karl Müller cite, mais sans indiquer ses sources, le cas d’abbayes qui embauchaient des spécialistes pour former leurs moines (Geschichte des badischen..., op. cit., p. 20).

    255 L’échange déjà cité entre l’évêque de Coire et Liutwart de Verceil en 881

    256 M. Barth, Der Rebbau..., op. cit., p. 83.

    257 Werner Rösener a pu établir que, dans les pays de vignoble, les redevances étaient le plus souvent en nature, c’est-à-dire en vin. W. Rösener, Die Grundherrschaft..., op. cit., p. 145, p. 156.

    258 W. Rösener, Frühe Hofrechte und Weistümer im Hochmittelalter..., op. cit., p. 17.

    259 L’activité des juifs attestée de façon générale ne se laisse pas facilement saisir dans les actes avant 1350. Les communautés religieuses empruntaient des sommes importantes. Le prévôt de Saint-Pierre de Colmar devait 60 marcs d’argent à Jecelin, juif de Sélestat. Pour s’en libérer, il lui engagea pour 6 ans un tonlieu qu’il tenait à Colmar (10 nov. 1313, ADHR 3 G Saint-Pierre 16 D 19). La même année, Salomon Buhtrum, juif de Strasbourg, renonça, devant le tribunal, « sans y être contraint », à tous les contrats et actions vis-à-vis de Saint-Pierre (ADHR 3 G Saint-Pierre 16 D 19). G. Mentgen, Studien zur Geschichte der Juden im mittelalterlichen Elsaβ, Hanovre, 1995 (Forschungen zur Geschichte der Juden, Abt.A, Abhandlungen, Bd 2).

    260 Das habsburgische Urbar..., op. cit., Bd 1, p. 40

    261 Stefninger = le denier bourguignon, ainsi dénommé en raison de la cathédrale Saint-Stéphane de Besançon.

    262 H. J. Gilomen, Die Grundherrschaft des basier..., op. cit., p. 217.

    263 Un viertel d’épeautre = 6 sous, 1 sac d’orge = 4 sous, 1 ohm (45,51 litres mesure de Bâle) de vin = 5 sous, etc.

    264 Le Sundgau (« grenier et cellier de Bâle ») et le sud du Brisgau. Pour l’espace étudié, on note des redevances en vin à Westhalten, en céréales à Blodelsheim et Fessenheim et en argent à Mulhouse, Leibersheim et Appenwihr. À Habsheim, toutes les sortes de redevances.

    265 B. Veyrassat-Herren, « Dîmes alsaciennes », in Les fluctuations du produit de la dîme, (Communications et travaux rassemblés par Joseph Goy et Emmanuel Leroy-Ladurie), Mouton, 1972, p. 83-102. J. Goy et E. Leroy Ladurie, Prestations paysannes, dîmes, rentes foncières et mouvement de la production agricole à l'époque préindustrielle, 2 vol., Paris, 1982. Les études générales portant sur les dîmes s’interrogent plutôt sur la manière d’évaluer la production en fonction du montant de la dîme.

    266 Freiburger Urkundenbuch..., op. cit. I, no 72.

    267 ADHR 1 H Munster 4/1 (10 avril 1336).

    268 ADHR 1 H Munster 11/1 (31 mars 1266).

    269 Cf. texte concernant un cens en vin en annexe.

    270 B. Schnapper, Les rentes au XVIe siècle : histoire d'un instrument de crédit, Paris, 1957.

    271 ADHR. Pour la partie de l’évêché de Strasbourg à Rouffach (Haut-Mundat) série à partir de 1333, 3 G 64. Dans les comptes de Murbach, rentes à Guebwiller dans 9 G Murbach 56. Dès le XIIIe siècle, H Unterlinden 121-2, 138-9.

    272 GLA Karlsruhe, Kopialbuch 46, p. 194.

    273 Village disparu près de Ribeauvillé.

    274 Environ 136 litres.

    275 Item habemus... bonis sitis in Oesthein locatis viro discreto Petro... von zwein ackern reben, die sint gelegen Cellenberg und ze Ellenwiler, von denen man git vier som wins dem gotzhus und sint geluwen... ze einzm erbe.

    276 J. Trouillat, Monuments pour l’ancienne histoire..., op. cit., IV, p. 92-94 (1355).

    277 F. J. Himly, Dictionnaire ancien alsacien-français ΧΙΙIe-XVIIIe siècle, Strasbourg, 1983, p. 56.

    278 H. J. Gilomen, Die Grundherrschaft..., op. cit., p. 199.

    279 ADHR 1 H Munster 17/8(13 septembre 1287).

    280 H. Büttner, St-Blasien und das Elsaβ, op. cit., p. 198.

    281 Confiteor enim me nullum ius hereditarium, quod vulgus erbe nominal, in prediclis vinelis habere vel ullo tempore habuisse. GLA Karlsruhe Kopialbuch 46, p. 193.

    282 H. Büttner, St-Blasien..., op. cit., p. 198.

    283 GLA Karlsruhe 11/Ausland, Ostheim. Debent etiam conductores prefati abbatem monasterii s.Blasii, si biennio vel triennio se ad visitandum bona sua in Alsatia receperit et apud eos pernoctare seu alias ad unum prandium moram trahere voluerit, cum familia sua suscipere et albergare.

    284 B. Schnapper, Les rentes au XVIe siècle, op. cit.

    285 ADHR 1 H Munster 4/3 (11 juin 1347).

    286 Au XVe siècle, 30 000 hectares de vigne depuis Wissembourg jusqu’à Leimen contre 14 000 de nos jours !

    287 Près de leur village de Woffenheim, déjà rencontré, les Eguisheim fondèrent un couvent de Bénédictines dans la première moitié du XIe siècle. Le fils de Hugues IV devenu pape sous le nom de Léon IX, dota le couvent d’un morceau de la vraie croix. Le succès assuré du couvent entraîna le développement d’un village, Sainte-Croix-en-Plaine, entouré de murailles et désigné comme oppidum en 1250.

    288 Cf. la gravure de Colmar par Merian en annexe. Elle rend parfaitement le spectacle. À l’horizon, entre Bâle et le Sundgau, l’artiste a fait figurer les Alpes (Schweizer Geburg). Saint-Croix-en-Plaine (H. Creuβ), juste au sud de Colmar, se trouve dans la perspective. Il est vrai que les massifs forestiers pouvaient gêner la vue !

    289 Annalen und Kronik, Die Beschreibung des Elsaβes, op. cit., p. 138 : « Il y pousse du blé, du froment, de l’orge et de l’avoine ; y prospèrent aussi des légumineux, des haricots, des petits pois, des lentilles. »

    290 W. Rösener, Bauern im Mittelalter, Munich, 1987, p. 131-132. Pour l’Oberrhein toutefois, la rotation triennale semble plus développée que la biennale, plus adaptée selon l’auteur à ces riches régions viticoles. Le programme de recherche de l’Université de Trèves, C5, animé par Franz Irsigler, a donné lieu à un colloque du 2 au 5 sept. 1993 sur le thème Weinbau zwischen Maas und Rhein in der Antike und im Mittelalter et l’un des ateliers portait sur le thème Weinbau und andere Sonderkulturen an der Mosel und ihren nebenssüssen vom 13. bis 16. Jahrhundert. Publié dans le t. 23 des Trierer Historischen Forschungen, 1994, M. Matheus et L. Clemens (éd.).

    291 À la différence de l’âne de saint Martin dont la légende veut qu’il ait inventé la vigne, l’âne de l’Oberrhein ne semble avoir développé aucune tradition sinon celle, fort utilitaire, de transporter le fumier sur place (Mistesel).

    292 AMC CC 35 (Lehensguetter zu Frau Ursula von Merxin), f° 1 v°.

    293 Village disparu à la porte nord de Colmar. ADHR 3 G 16 (Lehenzettel zu Sankt Peter) f° 3 v°.

    294 ADHR 3 G 16 (Lehenzettel zu Sankt Peter) f° 2 v°.

    295 Staatsarchiv Basel Klosterarchiv Sankt Alban J, Zwing und bann zu Schlierbach, p 398

    296 GLA Karlsruhe, Beraine, Urbare, 66/8553 Güter des Klosters Tennenbach, col. 232 et 270 M. Weber (éd), Stuttgart, 1968, op. cit., p. 146 et p. 148.

    297 M. Barth, Der Rebbau..., Regesten, op. cit., p. 18.

    298 1/2 juchert ist zu den einem seytt ein anwander. ADHR 3 G 16, f° 3 v°

    299 Staatsarchiv Basel, Klosterarchiv, E 1 Klöster insgemein, St Alban J, B, D, F, etc. Augustiner H 8.

    300 ADHR 1 H Munster 130/9 (24 juin 1349).

    301 Le centre archéologique de Tours, animé jusqu’en 1999 par Joëlle Bumouf, initie un certain nombre d’études d’archéologie subaquatique pour déterminer l’interaction de l’homme et du fleuve grâce à l’aménagement des rives.

    302 Annalen und Kronik, Die Zustände des Elsaβes, op. cit., p. 134.

    303 F. Irsigler, Weinstädte an der Mosel, op. cit. M. Suttor, « Sources et méthodes pour l’histoire de la navigation fluviale : l’exemple de la Meuse », Le Moyen Âge, t. XCVI, 1990, p. 5-24. R. H. Bautier, « La circulation fluviale dans la France du Moyen Age », in Recherches sur l'économie... op. cit., p. 7-36.

    304 F. Irsigler, « Mehring. Ein prümer Winzerdorf um 900 », in Peasants & Townsmen in medieval Europe, Studia in honorem Adriaan Verhulst, Gand, 1995, p. 297-324.

    305 Vivre au Moyen Âge. 30 ans d'archéologie médiévale en Alsace, catalogue d’exposition, Strasbourg, 1990, p. 149.

    306 M. Barth, Der Rebbau..., op. cit., t. 2, Regesten, p. 13.

    307 K. Lamprecht, Deutsches Wirtschaftsleben im Mittelalter, I, 1, Leipzig, 1886, p. 163.

    308 W. Rösener, « Bauern in der Salierzeit », in Die Salier und das Reich, t.3. Gesellschaftlicher Wandel im Reich der Salier, S. Weinfurter (éd.), Sigmaringen, 1991, p. 67.

    309 Un travail exemplaire à cet égard a été accompli d’abord dans le cadre d’une association de sauvetage « Maisons Paysannes d’Alsace » puis par le développement de l’écomusée d’Ungersheim où les maisons, bâtiments d’exploitation, tour fortifiée, église, etc. sont disposés presqu’in situ. Le centre de documentation de cet écomusée gère toutes les données historiques et archéologiques concernant l’habitat rural.

    310 M. Grodwohl, « La maison gothique du XVIe siècle en pierre dans le Sundgau », Recherches sur l'habitat rural en Alsace, 3 (fév. 1973). Id., « Une contribution de l’archéologie à la connaissance de la maison rurale (Gommersdorf) », Espace Alsacien, 15, p. 63-68.

    311 H. Hinz et M. Petry, « Befestigung », in Lex. Μ. 1, 1980, col. 1785-1793. G. Binding et H. Ebner. « Burg », in Lex. Μ. 2, 1984, col. 957-1003. G. Binding, Deutsche Königspfalzen : von Karl dem Groβen bis Friedrich II 765-1240, Darmstadt, 1996. H. Patze (éd.), Die Burgen in deutschen Sprachraum. Ihre rechts-und verfassungsgeschichtliche Bedeutung, Sigmaringen, 1976 (VuF, 19). A. Antonow, Burgen des südwestdeutschen Raumes in 13. und 14. Jahrhundert unter besonderer Berücksichtigung des Schildmauers, Bühl-Baden, 1977 (ouvrage technique).

    312 B. Metz et J. Burnouf, « Les mottes castrales en Alsace », op. cit., p. 3-45. T. Biller et B. Metz, « Interdisciplinäre Zusammenarbeit von Historiker und Architekt zur Erforschung der mittelalterlichen Adelsburg dargestellt an elsässischen Beispielen », Alemannisches Jahrbuch, 1984-86, p. 147-181. T. Biller et B. Metz, Die Burgen..., op. cit.

    313 H. M. Maurer, « Die Burgen », in Die Zeit der Staufer, Katalog der Ausstellung, 5 vol., Stuttgart, 1977, p. 119-128. Sur le piémont alsacien du seul espace étudié, vingt-sept châteaux peuvent être répertoriés : Frankenbourg, Ortenbourg, Ramstein, Châtenois, Haut-Echery, HautKoenigsbourg, Girsberg, Saint-Ulrich, Bilstein, Zellenberg, Wineck, Gotenbourg, Schwartzenbourg, Hohnack, Pflixbourg, Hohlandsberg, les trois châteaux d’Eguisheim, Herrlisheim, Hattstatt, Laubeck, Orschwihr, Jungholz, Hugstein, Freundstein, Hirtzenstein.

    314 Ce mouvement qui fait de tous ces nobles de grand lignage, ministériaux ou petits seigneurs, des patrons de château, est désigné par nos collègues allemands du terme de Verherrschaftlichung.

    315 F. Irsigler, Weinstädte an der Mosel im Mittelalter..., op. cit., p. 165-167.

    316 Il reprend en le complétant l’ouvrage de L. Clemens, Trier. Eine Weinstadt im Mittelalter, Trèves, 1993 (Trierer Historische Forschungen, 22).

    317 Franz Irsigler étudie les villes jusqu’à l’époque moderne.

    318 Badisches Städtehuch. Urkundenbuch Endingen, E. Keyser (éd.), Stuttgart, 1959, p. 215.

    319 Dans le statut (Handfeste) de 1292, le vin était présent comme les métaux précieux : § 76 Item omnis mensura vint, frumenti et omne pondus auri et argenti in potestat consulum erit. Neuenburg am Rhein, W. Merk (éd), Heidelberg, 1913 (Oberrheinische Stadtrechte 2, Schwäbische Stadtrechte).

    320 W. Bockholt, Ackerbürgerstädte in Westfalen. Ein Beitrag zur historischen Stadtgeographie, Watendorf, 1987.

    321 P. W. Finsterwalder, Colmarer Stadrechte, Heidelberg, 1938 (Oberrheinische Stadtrechte, 3, Elsässische Stadtrechte, 3), p. 36, p. 43, p. 54, p. 127.

    322 À Colmar, 1 schatz = 3,5 ares.

    323 Geschichte der Stadt Freiburg, op. cit., p. 155, p. 238.

    324 Archives municipales de Rouffach AA 9, 1343 (réglements).

    325 Badisches Städtebuch, op. cit., p. 323.

    326 J. Baumann, Histoire de Thann des origines à nos jours, Ingersheim-Colmar, 1981.

    327 Badisches Städtebuch..., op. cit., p. 199, p. 205, p. 272.

    328 Kenzingen, Sélestat, Colmar, Brisach.

    329 Un bourgeois fit don d’une cour et d’une cave. J. Trouillat, Monuments..., op. cit., III, p. 776. 8 avril 1357 : curiam, domum et cellarium suas sitas in oppido Mulhusen.

    330 Cf. carte, Exportation du vin..., en annexe.

    331 L. Sittler, La viticulture et le vin de Colmar à travers les siècles, Colmar, 1956.

    332 F. J. Himly, « L’exportation du vin d’Alsace en Europe au Moyen Âge », Revue d'Alsace, 1949, p. 25-36.

    333 H. Ammann, Von der Wirtschaftsgeltung des Elsaβ im Mittelalter, Lahr, 1955. Id., « Untersuchungen zur Wirtschaftsgeschichte des Oberrheinraumes. Konrad von Weinsbersgeschäft mit Elsässer Wein nach Lübeck im Jahre 1426 », ZGO, 108 (1961), p. 466-498. Id., « Elsässisch-schweizerisch Wirtschaftsbeziehungen im Mittelalter », Elsaβ-lothringisches Jahrbuch, 7 (1928), p. 36-61.

    334 Voir carte, Exportation du vin..., en annexe.

    335 P. W. Finsterwalder, Colmarer Stadrechte, op. cit., p. 64.

    336 Geschichte der Stadt Freiburg, op. cit., carte p. 239.

    337 Le droit de marché ne fait qu’exceptionnellement l’objet d’un acte conservé. On trouve donc un ancien marché remplacé par une foire, un nouveau marché couvert, etc. Les dates retenues ont été en grande partie établies par François-Jacques Himly dans son Atlas des villes, op. cit., p 12-22.

    338 Une réglementation protectionniste contre le vin étranger fut prise le 13 janvier 1331, conjointement par Burchard von Üsenberg et le conseil d’Endingen. H. Maurer, « Urkunden der Stadt Endingen und Kenzingen », ZGO, NF 1, 1886, Mitteilungen : m 67-69 et m 91-94.

    339 La première mention explicite date du début du XVIe siècle, mais le marché existait sans aucun doute antérieurement.

    340 L’évêque tenait marché avant de l’accorder à la ville à cette date.

    341 T. Walter, Urkunden..., op. cit., p. 94.

    342 ADHR H Unterlinden 12 (actes de rentes et de donations 121-2 (1204-1261), 138-9 (1282-1446), ADHR 3 G 64 (évêché de Strasbourg, rentes à partir de 1333), ADHR 10 G Murbach 56 (comptes, rentes à Guebwiller).

    343 M. Barth, Der Rebbau, t. 2, Regesten, op cit., p. 137.

    344 Basel Urkundenbuch, op. cit., Ill, no 169.

    345 Ouest de Rouffach.

    346 M. Barth, Der Rebbau, t. 2, Regesten, op. cit., p. 138.

    347 Archives Municipales de Rouffach AA 3 : Landebuch. Dis sind die lipgeding so die statt rufach allein uf sich genomenhatt.

    348 Her Conrat Amstet von Rückingen oberschriber zu Basel (f° 1), frau Grede Musingerin closterfrau zu Klingental (f° 1), binder Conrat Roten von Basel probst des huses zu Burgelin St Benediktenorden (f° 1), herr Conrat von Tanneck thumhere zu Basel (f° 2 v°).

    349 A. Hessel, Elsässische Urkunden vornehmlich des 13. Jahrhunderts, Strasbourg, 1915, p. 15, no 12.

    350 Petit vallon entre Ammerschwihr et Ingersheim, près de Colmar. Katzental se trouve sous le château du Wineck ayant appartenu aux Ferrette. Les comtes le donnèrent à l’évêque de Strasbourg ; qui le leur rendit en fief (1251), puis en 1271, ils le vendirent à l’évêque de Bâle qui le leur rendit aussi en fief. Il passa aux Habsbourg avec la succession, puis aux Ratsamhausen.

    351 M. Barth, Der Rebbau, t. 2, Regesten, op. cit., p. 75 et p. 100.

    352 Donation en 1293 à Unterlinden. Voir A. M. P. Ingold, « Le monastère des Unterlinden au XIIIe siècle », Bulletin d'Alsace, 18 (1896), p. 238 et suiv.

    353 On peut encore découvrir un petit chapiteau aux raisins de l’abbaye d’Alspach, magnifique mais méconnu, aux portes de Kaysersberg, actuellement dans une cour de papeterie.

    354 Citons celui de Sigolsheim, berceau du meilleur vin, le sigolt.

    355 On connaît celui qui subsiste de l’abbaye de Murbach.

    356 À la fin du Moyen Âge, se multiplièrent dans les manuscrits à peinture de nombreux pressoirs mystiques. Par exemple : BMC, Le pressoir mystique et les sept sacrements. Spigel des leiden Cristi, Ms 306, f° 1.

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    • (2003) La Ville médiévale. DOI: 10.3917/oj.dutou.2003.01.0263
    • Kahn, René. (2005) La minoration / majoration appliquée aux régions : le cas de l'Alsace. Cahiers de sociolinguistique, n° 10. DOI: 10.3917/csl.0501.0067
    • Martín Romera, María Ángeles. (2018) Hermanas desiguales. Las jerarquías urbanas a través de las hermandades bajomedievales. Anuario de Estudios Medievales, 48. DOI: 10.3989/aem.2018.48.1.03

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