1. Images de l’empereur
p. 7-12
Texte intégral
Les images d’empereurs, peintes ou en mosaïque, sculptées dans l’ivoire ou décorant des objets d’orfèvrerie, sont, au même titre que celles qui se trouvent sur les monnaies et les sceaux, des vecteurs de l’idéologie officielle, qu’elles aient été commandées par les empereurs eux-mêmes à titre commémoratif (voire à des fins de propagande) ou par d’autres pour les flatter ou en signe de gratitude. À l’image traditionnelle du souverain hiératique, impassible, pourvu de tous ses regalia, s’ajoutent les portraits de famille (mosaïque du Kainourgion, miniature du manuscrit Paris. gr. 510, monnaies) qui témoignent de l’affirmation du sentiment dynastique. Dans la plupart des images, l’empereur est désormais mis en scène dans des compositions qui le sacralisent et le présentent comme l’élu de Dieu, en l’associant au Christ, à la Théotokos ou à d’autres membres de la cour céleste.
Caractéristique à cet égard est l’émergence à l’époque macédonienne du thème du couronnement symbolique de l’empereur (ou de sa bénédiction) par le Christ, la Vierge, un archange ou un saint. Basile Ier apparaît ainsi, couronné par l’archange Gabriel, au début du Paris. gr. 510, recueil de luxe des Homélies de Grégoire de Nazianze, qui fut commandé et conçu par le patriarche Photius, entre 879 et 882. Mais c’est souvent le Christ lui-même qui couronne ou bénit l’empereur (Constantin VII, sur l’ivoire du musée Pouchkine à Moscou) ou le couple impérial, comme sur l’ivoire du Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale de France, qui représente Romain – probablement Romain II – et Eudocie, ou sur une miniature du manuscrit des Homélies de Jean Chrysostome (BnF, Ms. Coislin 79), où il s’agit de Michel VII (dont le visage a été modifié pour figurer son successeur Nicéphore III Botaneiatès) et de Marie d’Alanie.
L’iconographie utilise aussi, pour proclamer la légitimité de l’empereur régnant, la référence à Constantin le Grand, ainsi qu’aux grandes figures de l’Ancien Testament, qui sont présentées comme ses modèles idéaux. Très significative est, à cet égard, l’illustration du Paris. gr. 510, dont les 46 miniatures pleine-page commentent le texte de Grégoire de Nazianze, en reflétant les préoccupations contemporaines de la cour et du patriarcat. Certaines miniatures composent un véritable panégyrique visuel en l’honneur de l’empereur : elles soulignent l’approbation divine au règne de Basile Ier, présenté comme le digne successeur de Constantin et des héros bibliques, tels Joseph (fol. 69v), Samson (fol. 347v), David (fol. 174v) et Josué (fol. 226v, 424v), et proclament la légitimité de la nouvelle dynastie. Mais à travers d’autres images – David (fol. 143v), Ezéchias (fol. 435v) – c’est aussi la nécessaire soumission des souverains à l’autorité religieuse qui est rappelée.
Les thèmes de la prière et de l’offrande soulignent la piété et la philanthropie de la famille impériale, comme le montrent par exemple deux panneaux en mosaïque situés à l’extrémité orientale de la tribune sud de Sainte-Sophie de Constantinople, qui commémorent des donations impériales faites à l’Église. Situés dans un espace qui n’était accessible qu’à l’empereur et à son entourage, ils n’étaient visibles que par eux et ne répondent donc pas à un souci de propagande. L’un montre Constantin IX et Zoé, l’autre Jean II Comnène et Irène, présentant leurs dons respectivement au Christ et à la Vierge à l’Enfant. L’empereur offre une bourse (apokombion) et l’impératrice un rouleau, le document officiel (chrysobulle) garantissant les dons faits à l’Église. Sur la première mosaïque figurait initialement le premier mari de Zoé, Romain III Argyre, et lorsque l’on remplaça sa tête par celle de Constantin IX, on changea également celles de Zoé et du Christ, modification qui a suscité plusieurs tentatives d’explication.
Parfois sont associées aux portraits impériaux des personnifications, telles celles de la Vérité, de la Justice, de la Miséricorde ou de la Modestie (Budapest, Magyar Nemzeti Múseum, « Couronne de Constantin Monomaque », 1042-1050 ; BnF, Ms. Coislin 79, vers 1071-1081 ; Biblioteca Apostolica Vaticana, Ms. Urb. gr. 2, vers 1128). Si, aux xe-xie siècles, ce sont surtout les vertus chrétiennes qui sont mises en avant, le thème de l’empereur victorieux, à la guerre ou à la chasse, est aussi attesté (coffret en ivoire de la cathédrale de Troyes ; psautier de Basile II à Venise, Biblioteca Marciana, Ms. gr. Z. 17). Il faut cependant attendre l’époque des Comnènes pour que les talents guerriers des empereurs soient régulièrement exaltés.
Bibliographie
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1 : L. Brubaker, Vision and Meaning in Ninth Century Byzantium. Images as Exegesis in the Homilies of Gregory of Nazianzus, Cambridge 1999, p. 147-200.
2 : Byzance. L’art byzantin dans les collections publiques françaises, Paris 1992, no 148, p. 232-233.
3 : R. Cormack, « The Emperor at St. Sophia : Viewer and Viewed », dans Byzance et les images, dir. A. Guillou, J. Durand, Paris 1994, p. 223-253. I. Kalavrezou, « Irregular Marriages in the Eleventh Century and the Zoe and Constantine Mosaic in Hagia Sophia », dans Law and Society in Byzantium : Ninth-Twelfth Centuries, éd. A. E. Laiou, D. Simon, Washington D.C. 1994, p. 241-259. N. Oikonomidès, « The Mosaic Panel of Constantine IX and Zoe in Saint Sophia », Revue des Études byzantines 36, 1978, p. 219-232.
1. Paris, Bibliothèque nationale de France, codex graecus 510 : Homélies de Grégoire de Nazianze

Fol. Br – Eudocie entre ses fils, les co-empereurs Léon et Alexandre. © BnF.
Fol. 440r – registre supérieur : le songe de Constantin ; registre médian : la vision de la croix à la bataille du pont Milvius ; registre inférieur : Hélène et la découverte de la vraie Croix à Jérusalem. © BnF.


© BnF.
2. Paris, Bibliothèque nationale de France, Cabinet des médailles, plaque d’ivoire : le Christ couronnant Romain (II ?) et Eudocie

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