Version classiqueVersion mobile

Savoirs et philosophie à Paris dans la première moitié du XVIIe siècle

 | 
Simone Mazauric

Première partie. Une assemblée savante dans la première moitié du XVIIe siècle les conférences du bureau d'adresse

Chapitre 4. La notoriété des conférences du bureau d’adresse en leur temps

Texte intégral

1En organisant les Conférences du Bureau d’Adresse, Renaudot avait délibérément l’intention d’offrir un nouveau « service » répondant aux aspirations, qu’il avait parfaitement saisies, de certains de ses contemporains. Reste à savoir maintenant si ces Conférences ont véritablement satisfait ces aspirations et quel accueil, en conséquence, leur a été réservé, quel a été exactement leur retentissement et leur impact dans leur époque.

1 – Le succès revendiqué

2Si l’on s’en tient d’abord aux déclarations de Renaudot lui-même ou de certains intervenants, on ne peut que conclure au très grand succès de ces conférences, succès dont témoignent aussi bien l’« affluence » du public qu’elles ont drainé que leur longévité.

  • 1 Première Centurie..., Avis au lecteur.
  • 2 Ibid.
  • 3 Ibid., Avis au lecteur.
  • 4 Ibid., p. 16.
  • 5 Seconde Centurie..., « Ouverture... », p. 1.
  • 6 Ibid., p. 1.

3Le succès des Conférences du Bureau d’Adresse fut en effet, selon eux, à la fois immédiat et durable. Dès la seconde édition de la Première Centurie, Renaudot se complaît à évoquer les « milliers de personnes d’honneur qui ont fait partie des Conférences »1 et déplore que toutes les personnes de la qualité requise n’aient pu pénétrer dans la grande salle du Bureau d’Adresse en raison « de l’exiguïté du lieu, tout spacieux qu’il est »2. Cette relative exiguïté des lieux a donc eu pour conséquence que souvent certains ont été contraints de s’en retourner3. Ce succès immédiat a par ailleurs dépassé les frontières de la France : dans la Première Centurie nous lisons ainsi qu’un poète suédois, auteur du poème en latin de douze mille vers consacré au roi de Suède auquel nous avons déjà eu l’occasion de faire référence, est venu présenter son œuvre chez Renaudot « ayant remontré à la Compagnie que la grande réputation de ces Conférences l’avait fait venir de son pays dans cette ville exprès pour pouvoir corriger, livrer et polir son ouvrage par la censure de tant de bons esprits qui s’y rencontrent »4. L’« Ouverture » de la Seconde Centurie qui fait suite à l’interruption annuelle des Conférences commence de son côté par constater que plusieurs ont supporté cette interruption avec impatience5 et en donne pour preuve « l’affluence des personnes d’honneur qui s’est souvent rencontrée aux jours et heure cy-devant destinez aux Conferences lors qu’on ne les y attendoit pas »6.

  • 7 Ibid., p. 1.
  • 8 Quatrième Centurie..., p. 460.

4Mais le succès de l’académie de Renaudot n’a pas été seulement immédiat ; il s’est aussi inscrit dans la durée et le fondateur de la Gazette avoue qu’il en a été lui-même surpris, abusé qu’il avait été par « le jugement que font les estrangers et plusieurs de nos françois mesmes, de l’humeur de notre nation qu’ils appellent changeante et volage », au point qu’il ne s’attendait pas à ce que « cette institution [...] deust atteindre cette troisième année, et suivre à la grace de sa nouveauté »7. En 1641, le succès des Conférences paraîtra encore plus patent et un intervenant verra en conséquence dans « l’affluence des personnes d’honneur qui s’y trouvent depuis neuf ans qu’elles ont été continuées avec un applaudissement universel8 » la preuve incontestable de leur excellence.

2 – Un succès confirmé

5Il est vrai que la longévité des Conférences est un argument qui témoigne à l’évidence de la faveur dont elles ont fait l’objet, faveur dont on peut aussi percevoir un indice dans la fidélité de leurs membres aussi bien que du public.

  • 9 Voir La defense de la Faculté de Medecine contre son calomniateur. Dédiée à l’Eminentissime Cardin (...)
  • 10 Response de Théophraste Renaudot, Docteur en la celebre Faculté de medecine de Montpellier, Medeci (...)
  • 11 Première Centurie..., p. 235.
  • 12 Seconde Centurie..., p. 54.
  • 13 Troisième Centurie..., p. 155.
  • 14 Ibid., p. 429.
  • 15 Quatrième Centurie..., p. 114.
  • 16 Ibid., p. 341.
  • 17 Ibid., p. 374.

6Les Centuries donnent ainsi de multiples preuves de l’assiduité irréprochable des membres de l’académie de Renaudot. Au long des dix années qu’elle a duré, c’est manifestement autour d’un noyau stable de « beaux-esprits » que s’est retrouvé chez Renaudot un public fidèle qui s’est passionné pour son entreprise. Il est difficile d’essayer de chiffrer le nombre de ceux qui pouvaient constituer les membres réguliers de cette académie. Lorsque Renaudot a dû répondre aux diverses accusations lancées contre lui par le porte-parole de la Faculté de médecine9 qui mettait en cause, entre autres, ses Conférences, il a allégué les « deux mil plus honnestes gens que luy qui y ont parlé »10. Ce chiffre peut paraître toutefois très surestimé. Que le total des interventions ait pu l’atteindre est incontestable, mais il est en revanche douteux qu’il désigne le nombre des intervenants qui, plus probablement, devaient se renouveler partiellement autour d’un noyau d’habitués. A plusieurs reprises, les conférenciers évoquent ainsi le contenu de conférences antérieures et témoignent par là-même autant de leur présence régulière que de leur parfaite connaissance de tous les sujets qui ont pu être traités auparavant et dont ils conservent un souvenir très précis (même s’ils pouvaient être aidés en cela par les comptes rendus régulièrement publiés). Certaines de ces allusions concernent des conférences qui peuvent être certes très ou assez proches dans le temps : ainsi la conférence sur la salure de la mer du 6 mars 1634 fait-elle référence11 à la conférence sur l’origine des fontaines du 2 janvier de la même année ; la conférence sur l’éloquence du 1er décembre 1634 rappelle celle « d’il y a huit jours »12 sur les poètes ; la conférence du 15 décembre 1636 évoque elle aussi13 la conférence immédiatement précédente, et il en est de même le 8 mars 163814 ; de son côté la conférence du 29 août 1639 qui s’interroge sur les raisons pour lesquelles les mulets ne peuvent engendrer est amenée à faire référence aux causes générales de la stérilité, déjà énumérées dans la conférence de 22 juin 1639 consacrée au problème de savoir « si la stérilité vient plus communément du côté des hommes que des femmes et au contraire »15 ; le premier intervenant qui doit répondre à la question de savoir « s’il faut faire du bien à tous », le 29 octobre 1640, commence par faire remarquer que « cette question dépend de celle naguère agitée céans, touchant le traitement qu’on doit faire aux ingrats »16, et qui avait été traitée le 24 septembre précédent ; enfin celui qui doit décider si l’âme peut agir hors de la matière, le 10 décembre 1640 répond en se fondant sur l’exemple des « ectases » et sur les résultats supposés acquis de la conférence consacrée à ce sujet, quelques mois auparavant, le 23 avril17.

  • 18 Troisième Centurie..., p. 466.
  • 19 Ibid., p. 451.
  • 20 Ibid., 161e conférence.
  • 21 Ibid., p. 397.
  • 22 Première Centurie...,10e conférence, 24 octobre 1633.
  • 23 Quatrième Centurie..., p. 94.
  • 24 Cinquième Centurie..., p. 107.
  • 25 Troisième Centurie..., « De l’heur ou du malheur », 135e conférence du 30 mars 1637.
  • 26 Seconde Centurie..., « De la fortune », 54e conférence du 27 novembre 1634.
  • 27 Quatrième Centurie..., « S’il y a de l’heur ou du malheur », 259e Conférence du 27 août 1640, p. 3 (...)
  • 28 Seconde Centurie..., « S’il y a de la certitude aux sciences humaines », 84e conférence du 16 juil (...)
  • 29 Quatrième Centurie..., « Si les sciences sont utiles à un Etat », 279e conférence du lundi 28 janv (...)
  • 30 Seconde Centurie..., « Quel est le plus nécessaire de tous les arts », 72e conférence du 2 avril 1 (...)
  • 31 Quatrième Centurie..., « Quelle science est la plus nécessaire à un Etat », 286e conférence du 11 (...)

7Mais les orateurs peuvent tout aussi bien garder le souvenir de conférences qui ont eu lieu deux ans, trois ans ou même six ans plus tôt. Ainsi, nous l’avons constaté, l’un des intervenants de la conférence consacrée au calcul des longitudes rappelle-t-il l’intervention, deux ans auparavant, de J. B. Morin et celui qui doit parler des amulettes met-il en corrélation ce sujet avec celui des talismans18 traité un an auparavant ; parler des exercices du corps amène à rappeler la conférence sur la danse19 qui a eu lieu trois ans plus tôt, et lorsqu’il s’agit de traiter le problème de savoir « si les hommes se formeraient un langage, n’en ayant point appris d’autre »20, le premier intervenant fait remarquer que cette question est « agitée pour la seconde fois »21 : le 21 mai 1635, on s’était en effet déjà demandé « si la parole est naturelle et particulière à l’homme » ; enfin six ans plus tard, à l’occasion du problème de savoir lequel est l’aîné de deux jumeaux, le cas des frères siamois qui avait suscité une conférence22 est évoqué23 ; et celui qui doit parler de la purgation la met en parallèle en tant que remède « de la plénitude des humeurs »24 avec la saignée dont il avait été question en 1636. Il convient aussi de remarquer que la plupart des conférenciers ne se contentent pas de faire simplement allusion à des conférences antérieures ; ils s’efforcent également de mettre en évidence entre elles des corrélations logiques, un parallélisme, une complémentarité voire une redondance, lorsqu’il arrive, nous venons d’en avoir un exemple, que des sujets soient traités pour la seconde fois, témoignant ainsi de leur souci – nous y reviendrons – de conférer une certaine cohérence à un ensemble disparate. Les références peuvent alors à la fois couvrir une longue période et relier entre elles plusieurs conférences ; ainsi le troisième intervenant de la conférence qui s’intitule « s’il y a de l’heur ou du malheur » précise-t-il qu’il allait employer « ce qui a été dit en la conférence où cette question a déjà été traitée d’autre façon qu’ici25 et en celle où il est parlé de la Fortune26 pour montrer qu’il s’agit d’une pure imagination »27 ; et celui qui doit ouvrir la conférence du 11 mars 1641 qui pose la question : « quelle science est la plus nécessaire à un Etat » ? fait remarquer qu’« après avoir traité s’il y a des sciences28, si elles sont utiles à un Etat29, quel art est le plus nécessaire30, il était à propos de traiter aussi quelle science est la plus nécessaire à un Etat »31.

  • 32 A. Furetière, Le roman bourgeois dans : Romanciers du xviie siècle, édition A. Adam, Paris, 1958, (...)

8Fidélité donc des participants mais fidélité du public aussi, dont les témoignages des contemporains fournissent une confirmation. Tallemant des Réaux soulignait la remarquable assiduité de la Calprenède qui ne manquait pas selon lui une conférence du Bureau d’Adresse et Furetière dans le Roman Bourgeois a dressé le portrait d’un avocat fidèle habitué lui aussi des Conférences : « Depuis vingt ans, il n’avoit pas manqué un matin de se trouver au Palais, et cependant il n’avoit jamais fait consultation, escritures ny plaidoyer. En récompense il estoit fort occupé à discourir sur plusieurs fausses nouvelles qui se débitoient à son pillier, et il avait fait plusieurs consultations sur les affaires publiques et sur le gouvernement, car il se méloit parmy de gros pelotons de gens inutiles, qui tous les matins vont au Palais, et y parlent de toutes sortes de nouvelles, comme s’ils estoient contrôleurs d’estat (offices fort connus et fort en vogue) ; je m’étonne de ce qu’on ne les fait point financer. L’apres-desnée il alloit aux conférences du Bureau d’adresse, aux harangues qui se faisoient par les professeurs dans les colleges, aux sermons, aux musiques des églises, à l’Orviétan, et à tous les autres jeux et divertissements publics qui ne coustoient rien – car c’estoit un homme que l’avarice dominoit entièrement »32. Certes, le personnage est imaginaire mais l’on sait que les romanciers empruntent à la réalité et le type de l’habitué des Conférences du Bureau d’Adresse devait être suffisamment répandu à l’époque pour que Furetière l’ait introduit dans son roman, sachant qu’il aurait une résonance auprès de ses contemporains.

9Un autre témoignage incontestable du succès que remportèrent les conférences auprès du public peut se lire dans le fait que les Centuries, du moins certaines d’entre elles, connurent plusieurs éditions, fait à l’époque relativement rare. Si la Seconde, la Troisième et la Quatrième Centurie n’eurent qu’une édition, la Première Centurie fut éditée en 1634 et rééditée en 1635, 1636 et 1638 et la Troisième Centurie éditée en 1639 fut rééditée en 1641.

  • 33 A Question : Of the Cock, and Whether his crowing do affright the Lion ? Being one of those Questi (...)

10De plus, et ceci prouve également que leur renommée s’étendit comme il a déjà été dit hors des frontières du Royaume, elles furent en partie traduites en anglais. Cinq conférences – extraites de la Quatrième Centurie : Du coq et si son chant épouvante les lions – Pourquoi les corps morts saignent en la présence de leurs meurtriers. Si la vérité engendre haine et pourquoi – Lequel est le plus à estimer de l’esprit, du jugement et du courage – S’il n’y a rien de nouveau – furent ainsi traduites séparément l’année même de leur parution en France, et quelques années plus tard, en 1664, c’est un recueil entier de cent conférences – correspondant à la Première et à la Seconde Centurie – traduites en anglais qui fut édité à Londres, suivi en 1665 par un autre recueil de cent quarante conférences33.

  • 34 Respectivement en 1655-1656, 1666 et 1670.

11L’impact des conférences du Bureau d’Adresse se prolongea par ailleurs au-delà des années durant lesquelles elles se réunirent. Comme à Londres où elles furent traduites et éditées vingt ans après leur interruption, elles connurent en France des rééditions au cours de la seconde moitié du xviie siècle34.

  • 35 J. Sourdier de Richesource, Quatorze problèmes..., op. cit. L’Académie des philosophes-orateurs a (...)
  • 36 Ibid., p. 2.
  • 37 Ibid., p. 5.
  • 38 Ibid., p. 10.
  • 39 Ibid., p. 17.
  • 40 Ibid., p. 19.
  • 41 Ibid., p. 19.
  • 42 Ibid., p. 20.
  • 43 Ibid., p. 60.
  • 44 Ibid., première conférence.
  • 45 Troisième Centurie..., 108e conférence.
  • 46 Quatorze..., Seconde conférence.
  • 47 Cinquième Centurie..., 332e conférence.
  • 48 Quatorze..., quatrième conférence.
  • 49 Quatrième Centurie..., 279e conférence.
  • 50 Quatorze..., cinquième conférence.
  • 51 Première Centurie..., 40e conférence.
  • 52 Quatorze..., neuvième conférence.
  • 53 Seconde Centurie..., 92e conférence.

12Bien plus, leur retentissement plus avant dans le siècle fut encore si grand qu’elles ont fourni le modèle de l’Académie des philosophes – orateurs, dont un dernier volume de conférences parut en 168635. Le fait que la fondation des Conférences du Bureau d’Adresse fut suivie presque immédiatement de l’apparition d’autres assemblées savantes n’implique pas en effet pour autant que celles-ci aient imité celles-là. Si l’académie de Renaudot a été incontestablement un élément qui a pu déclencher, susciter, inciter à la fondation d’autres académies, si Mersenne et surtout l’abbé Bourdelot ont pu s’inspirer ce qui se passait ou s’était passé au Bureau d’Adresse pour organiser leurs propres réunions, ils ont cependant donné à celles-ci une physionomie propre et originale qui interdit de surestimer l’importance du modèle qu’a pu représenter pour eux l’académie de Renaudot. En revanche, en ce qui concerne l’académie des philosophes-orateurs, les ressemblances qu’elle révèle avec cette dernière sont trop manifestes pour ne pas être délibérées. L’« Avis de l’Académie aux lecteurs », qui introduit les Quatorze problèmes... informe en effet que les Conférences « se tiennent le lundi de chaque semaine depuis deux heures après-midi jusqu’au soir »36 ; qu’elles sont « publiques et [qu’j on y parle sur toutes sortes de sujets »37 ; que l’on y fait « imprimer les manuscrits »38. L’utilité des Conférences y est également décrite dans des termes et dans un esprit très comparable à ceux dans lesquels Renaudot a présenté les siennes : elles permettent de « triompher dans la chaire, de triompher dans le bureau, de joindre l’un et l’autre dans les conversations civiles, d’exciter l’admiration, de gagner l’estime »39. Les sujets que l’on y traite sont « libres et honnêtes »40 et on peut « proposer des sujets pour être traités et imprimés pourvu qu’ils ne soient point des affaires d’Etat et de Religion »41. Leur succès y est décrit dans des termes familiers : « ceux qui viennent en foule à nos assemblées et qui s’y trouvent avec assiduité, en justifient assez l’importance »42. Les participants, dont le nom et la profession sont en revanche précisés, appartiennent aux mêmes catégories socio-professionnelles que ceux de l’assemblée de Renaudot (et des autres assemblées savantes) : ce sont des avocats, des parlementaires, des médecins et l’on y retrouve, nous l’avons dit plus haut, la Calprenède, désigné comme l’« un des plus beaux esprits de cette assemblée »43. Enfin, la similitude avec les Conférences de Renaudot va jusqu’aux sujets qui ont été traités dans les deux académies : sur les quatorze sujets que propose le recueil de 1686 cinq d’entre eux sont soit identiques, soit très proches de ceux qui avaient été traités au Bureau d’Adresse : « Si la vie civile doit être préférée à la vie rustique »44 est la reprise de la 108e conférence : « Quelle est à préférer de la vie rustique ou civile »45. « Si les enfants ont plus de tendresse pour leur père que pour leur mère »46 est l’image inversée du « lequel aime plus ses enfants du père ou de la mère »47. « Quelle est la science la plus utile ou la plus agréable »48 s’inspire de « si les sciences sont utiles à l’Etat »49. « S’il est plus difficile de commander que de bien obéir »50 renvoie à l’évidence à : « Pourquoi tous aiment-ils mieux commander qu’obéir »51 et « Si les actions de la vie contemporaine donnent plus de perfection à l’homme que celles de la vie active »52 ne diffère pas fondamentalement de « Quel est à préférer de la vie contemplative ou de l’active »53.

  • 54 Ibid., p. 19.

13Il convient certes de tenir compte en cela du fait que ces sujets n’étaient pas déjà chez Renaudot des sujets forcément originaux mais qu’ils constituaient au contraire quelques-uns des thèmes traditionnels de la rhétorique philosophique de l’époque et faisaient en quelque sorte partie du « domaine public » ; de la même façon, la similitude des termes employés ne doit pas tromper : là encore c’est l’époque, plus que des individualités, qui exprime ses préoccupations, ses intérêts, ses valeurs à travers une sémantique commune. Toutefois les diverses ressemblances qui viennent d’être relevées ne sont pas de même nature que celles qui existaient à l’époque entre les différents modes de manifestation de la vie académique et d’ailleurs Richesource fait lui-même remarquer que quelques-uns considèrent ses Conférences comme « la suite de celles qui se tenaient autrefois au Bureau d’Adresse »54, avouant et revendiquant à la fois par là même sa dette à l’égard de son illustre ancêtre. De plus, il est possible d’inférer, à partir de cet aveu et de cette revendication, que le modèle dont s’est inspiré Richesource devait être encore suffisamment prestigieux pour qu’il ne le passât point sous silence.

14Il est donc certain que les Conférences du Bureau d’Adresse ont bénéficié dans leur siècle d’une notoriété incontestable – leur « entrée » dans la littérature romanesque, pour ne retenir que cet indice, en est une preuve flagrante – et qu’elles ont su rallier les suffrages d’une partie au moins des couches les plus cultivées de la population de l’époque. Toutefois cette approbation n’a pas été pour autant universelle et quelques appréciations, quelques jugements à la tonalité fort différente de ceux qui viennent d’être recensés conduisent à tempérer cette première estimation.

3 – Un succès contesté

15Les jugements des contemporains n’ont pas tous en effet témoigné d’une estime excessive à l’égard de l’académie de Renaudot et celle-ci a suscité également des réactions plus ou moins mitigées, allant de la franche hostilité à une réserve prudente dont les causes exactes ne sont pas toutes aisées à déceler.

3.1. La raison politique

  • 55 Mathieu de Morgues, Jugement sur la Préface et diverses pièces que le Cardinal de Richelieu préten (...)
  • 56 Mathieu de Morgues, Remontrance de Caton Chrétien au Cardinal de Richelieu, p. 210, cité par E. Th (...)

16Certaines des causes de l’hostilité qui a pu être manifestée à l’égard des Conférences sont en effet faciles à déterminer. Les opposants les plus résolus à la politique de Richelieu n’ont pas manqué en effet de dénoncer en elles, en raison des liens bien connus qui existaient entre Renaudot et le ministre, un instrument de propagande en faveur de la politique de ce dernier. Mathieu de Morgues, dit l’abbé de Saint-Germain, pamphlétaire attitré du parti de la Reine Mère et du parti dévot qui largement se confondent, ne s’est pas privé de les ranger, avec la Gazette, parmi les moyens qu’utilisait le Cardinal pour rallier les suffrages de « l’opinion » en faisant répandre partout ses louanges. Le cardinal, écrivait-il, « a dressé une école, ou plutôt une volière de Psaphon, l’Académie qui est en la maison du gazetier, c’est-à-dire le père du mensonge. Là s’assemble un nombre de pauvres ardents qui apprennent à composer du fard pour plâtrer ses laides actions et à faire des onguents pour mettre sur les plaies du public et du cardinal. Il promet quelque avancement à cette canaille qui combat la vérité pour du pain »55. Mathieu de Morgues a utilisé en d’autres circonstances cette même image mais en l’explicitant cette fois et en s’adressant directement à Richelieu : « Vous imitez en cela ce Psaphon, qui avait dans des cages quantité de perroquets, merles, pies, geais, sansonnets et autres oiseaux de semblable nature ; auxquels ayant enseigné, avec un très grand soin, à dire souvent : « Psaphon est un grand dieu », et les ayant lâchés, ces écoliers qui répétaient toujours la même leçon qu’ils savaient attirèrent le peuple ignorant à dresser des autels à cet imposteur »56.

17Il est vrai que la question se pose inévitablement de savoir si l’académie de Renaudot fut vraiment cette « volière de Psaphon » décrite par l’abbé de saint-Germain. La manière dont Richelieu a fait servir à ses fins aussi bien, même si ce fut de façon différente, l’Académie française que la Gazette oblige à soupçonner une possible volonté d’utilisation à des fins politiques d’une entreprise qui, dirigée par celui qu’il protégeait, pouvait fort bien constituer à ses yeux un instrument supplémentaire de direction de l’opinion.

  • 57 Première Centurie..., « Epistre dédicatoire », non paginée.
  • 58 Ibid.

18Il est toutefois difficile de donner dès maintenant une réponse à cette question. On peut seulement se contenter de souligner que si l’on considère exclusivement le problème de la vérité littérale de l’accusation de Mathieu de Morgues, l’étude des textes l’invalide très largement, même s’il est vrai que l’on peut découvrir, au fil des Centuries, quelques passages particulièrement flatteurs pour Richelieu. L’« Epitre dédicatoire » de la Première Centurie est un modèle de célébration dithyrambique de celui auquel elle est destinée. S’adressant au ministre de Louis XIII, Renaudot se livre à un éloge direct et emphatique de sa politique : « La France, assure-t-il, toute enflée qu’elle est de ses succès prodigieux reconnaît unanimement devoir à vos soins la différence qu’elle void entre son état présent et ce qu’elle était quand vous en pristes l’administration : avant que vous l’eussiez rendu la terreur de ses ennemis et l’appui de ses alliés : que vous l’eussiez fait devenir la honte des siècles passéz, la merveille de celui-ci et l’exemple de ceux qui sont à venir »57. Mais ce ne sont pas les seules qualités de l’homme politique que loue Renaudot ; au nom de la liberté d’expression qui est censée caractériser les Conférences, celles-ci, leur fait-il dire, qui sont donc « en position de dire ouvertement ce qu’elles pensent, craignent d’autant moins de vous porter la palme des beaux-esprits et vous en publier le parangon. Elles avoüent, au nom de tout le monde lettré, comme elles l’entendent dire au reste des hommes, que ce prix ne peut être contesté à vostre mérite [...] voire, elles se vantent de n’avoir point avancé de proposition plus veritable que celle-là, entre ce grand nombre de sujets qu’elles ont agité ». Et c’est pourquoi on lit in fine une justification bien curieuse de la méthode des Conférences : « Ce n’est donc pas sans cause que tant de bons esprits, qui se sont trouvez à diverses fois en nos assemblées, n’ont rien décidé sur les questions mises en avant. Sans doute que leurs génies adorans la puissance du vostre, auquel cet ouvrage devoit estre dédié, lui en ont voulu laisser le jugement tout entier, et l’établissement de la paix en l’Escole comme en l’Estat »58.

19La portée de cette lettre-dédicatoire ne doit pas cependant être exagérée ; elle se contente en effet d’obéir aux règles du genre et les éloges outranciers étaient à l’époque monnaie courante dès lors qu’il s’agissait de s’adresser à un personnage dont l’importance de patronage, comme c’était le cas en l’espèce avec Richelieu, était considérable.

  • 59 Ibid., p. 120.
  • 60 Ibid., p. 272.
  • 61 Troisième Centurie..., p. 404.
  • 62 Ibid., p. 352.
  • 63 Quatrième Centurie..., p. 396.
  • 64 Seconde Centurie..., p. 395.

20Quelques conférenciers ont toutefois eux aussi, mais plus discrètement, rendu à l’occasion un hommage plus ou moins appuyé au Cardinal. Ainsi l’un d’entre eux, qui est amené à parler d’un traité composé par « Monsieur Citoys » précise-t-il qu’il s’agit du « docte médecin de Monseigneur le Cardinal duc de Richelieu, et qui n’a plus besoin d’éloge après le choix qu’en a fait un tel maître »59 ; un autre vante les vertus cardinales en affirmant que « les mots de Cardinal et d’éminent [sont] aujourd’hui réciproques »60 ; un troisième, au passage, rend hommage au « grand génie de l’Etat qui l’anime aujourd’hui »61 et la question de savoir « s’il y a eu de plus grands hommes en quelques-uns des siècles précédents qu’en celui-ci » conduit le dernier intervenant à une conclusion en forme d’apologie des hommes d’Etat qui les gouvernent présentement : « Et pourquoi, interroge-t-il, ne m’est-il pas ici permis par la modestie de ceux qui nous gouvernent qui ne haïssent pas moins les vanites de la loüange qu’ils sçavent heureusement pratiquer toutes les actions qui la meritent, de vous faire voir que tous les siecles passez n’ont rien eu qui approchas de la grandeur de leur esprit ? et que leur conduite est d’autant plus à admirer qu’ils ont affaire à se maintenir avec des amis, et mettre à la raison des ennemis qui aident aussi à vérifier qu’il y a de plus grands hommes d’Estat et de plus grands Capitaines en ce siecle qu’en aucun des précédens »62 ; enfin un dernier répond à la question de savoir « si les sciences sont utiles à un Etat » en faisant remarquer que « le puissant génie qui gouverne si heureusement la France sous les auspices de nostre victorieux Monarque, fait aussi connaistre combien les sciences servent au gouvernement de cet Estat, qui tire sa principale force de la teste de ses Conseillers d’Estat consumez en toute sorte de science »63. On peut, par ailleurs, déceler une marque de flagornerie, cette fois plus indirecte, dans la Conférence consacrée aux armoiries, où la description des différents blasons particuliers est conduite dans un ordre qui ne doit rien au hasard et qui situe Richelieu dans une position fort flatteuse puisqu’il vient immédiatement après le Roi, la Reine et Monsieur, le duc d’Orléans, frère du roi et donc avant les Ducs et pairs du royaume64.

  • 65 Mathieu de Morgues, « L’ambassadeur chimérique du Cardinal de Richelieu » dans Pièces curieuses... (...)

21Tout ceci doit être évidemment pris en considération mais peut passer au total pour fort peu si l’on tient compte du fait que les cinq volumes des Centuries représentent en tout plus de deux mille pages et l’on doit donc admettre que les conférenciers de Renaudot, les « ardents de l’Académie gazétique » comme les appelle l’abbé de Saint Germain65 n’ont pas fait un usage abusif de la flagornerie. Il est vrai aussi que les sujets politiques étant interdits, les occasions directes de flatter Richelieu s’avéraient tout de même assez rares et ce n’était donc guère que par artifice, ainsi qu’on peut le constater, qu’il était possible de décocher quelque éloge au Cardinal. Toutefois, pour juger véritablement du bien-fondé de l’accusation de Mathieu de Morgues, il faut tenir compte de l’exagération inhérente à tout texte à vocation polémique et bien comprendre que leur auteur lui-même n’entendait certainement pas cette accusation au sens littéral. Le problème qui est donc finalement posé est celui de savoir si, à leur manière propre et compte tenu de leur spécificité, les Conférences ont pu constituer un mode d’intervention possible dans la fabrication ou l’infléchissement de l’opinion. Il faudrait alors tenter de déceler d’éventuels liens plus ou moins directs et surtout beaucoup plus discrets entre certaines prises de position des conférenciers et la politique de Richelieu. Or seule l’étude détaillée du contenu des conférences de donner une réponse à cette question, que nous différons donc momentanément.

3.2. La Faculté de médecine de Paris contre Renaudot

22L’hostilité aux Conférences de Renaudot fut toutefois infiniment plus vive, et beaucoup plus active, puisqu’elle eut pour résultat d’en provoquer l’interdiction, de la part du corps des médecins parisiens entraîné par Gui Patin, doyen de la Faculté de médecine de Paris de 1650 à 1652, puis professeur au Collège Royal à partir de 1654 et qui s’afficha ouvertement comme l’adversaire le plus résolu de Renaudot.

  • 66 Voir E. Thuau, Raison d’Etat..., op. cit., pp. 160-165.
  • 67 Ibid., p. 163.

23Les raisons de son hostilité tenaient sans doute pour une part, comme pour Mathieu de Morgues, à des motifs d’ordre politique. Il était en effet, comme ce dernier, un adversaire décidé de Richelieu ; toutefois, les motifs de son opposition paraissent sensiblement différents. Mathieu de Morgues appartenait au camp des dévots qui soutenaient la politique d’alliance avec l’Espagne et avec la papauté ; Gui Patin, loin d’être du parti pro-espagnol qui dominait la Curie était gallican et sans être libertin ni incroyant, détestait les moines et tout ce qui ressemblait à de la bigoterie. Son gallicanisme aurait pu le rapprocher du Cardinal mais, très attaché – du moins en proclamations – à la liberté de pensée et aux libertés publiques, il détestait le régime de Richelieu dans lequel il dénonçait une forme de tyrannie insupportable66. On comprend en conséquence qu’en ce cas encore les liens qui existaient entre le ministre de Louis XIII et Renaudot aient pu être à l’origine de la violente animosité qu’il manifesta avec constance à l’égard de ce dernier auquel il reprochait en particulier sa totale servilité à l’égard de son protecteur67.

  • 68 Nouvelles lettres de Feu Mr Gui Patin, tirées du cabinet de Mr Charles Spon, Amsterdam, 1718, lett (...)

24Mais ce ne sont sûrement pas là les motifs les plus puissants de la haine qu’il éprouvait à l’égard de celui qu’il considérait comme « le dernier de tous les hommes »68 et qu’il n’appelait avec mépris que « le gazetier ». Si Gui Patin haïssait Renaudot, c’est d’abord et avant tout parce qu’il était médecin et c’est essentiellement à ce titre qu’il a mené contre lui un combat couvert d’abord puis ouvert, lorsque les protecteurs de ce dernier auront disparu.

25Il faut en effet se garder de voir dans la querelle qui a opposé G. Patin à Renaudot une simple querelle de personnes. En réalité, ce conflit qui prit une forme personnelle, était dominé par des enjeux fondamentaux, qui expliquent la violence qu’il revêtit. Car si G. Patin et Renaudot s’affrontèrent, c’est parce que le premier était docteur de la Faculté de médecine de Paris et le second docteur de la faculté de médecine de Montpellier. La guerre de l’un contre l’autre fut donc d’abord l’affrontement des deux facultés, plus encore des deux écoles qui dominaient dans la première moitié du xviie siècle l’enseignement de la médecine dans le royaume et qui se heurtèrent dans une rivalité perpétuelle.

  • 69 Voir P. Delaunay, La vie médicale..., op. cit., p. 289.
  • 70 Ibid., p. 291.
  • 71 Ibid., pp. 303-304.
  • 72 L. Dulieu, dans Histoire générale des sciences, sous la direction de R. Taton, Paris 1958, t. II, (...)

26La rivalité entre ce qui constituait alors les deux pôles majeurs de la médecine en France était d’abord d’ordre institutionnel. Les médecins sous l’Ancien Régime n’avaient pas en effet la possibilité d’exercer leur art où bon leur semblait mais uniquement sur les lieux où ils avaient été diplômés69. Seules deux facultés échappaient à cette règle : Paris et Montpellier, qui avaient reçu du Saint-Siège le droit de faire des médecins exerçant hic et ubique terrarum70. En conséquence de cette dérogation, les médecins montpelliérains prétendaient pouvoir exercer à Paris, prétention que n’admettaient pas facilement les médecins parisiens, soucieux de défendre ce qu’ils tenaient pour leur privilège exclusif contre ceux qu’ils considéraient comme des concurrents71. De plus, source de grief supplémentaire, les docteurs de Montpellier passaient pour monopoliser les places d’honneur à la Cour72.

  • 73 J. Lévy-Valensi, La médecine..., op. cit., p. 280.

27Mais la rivalité qui dressait l’une contre l’autre les facultés de médecine de Paris et de Montpellier était aussi une rivalité d’ordre théorique. Nous avons déjà souligné qu’au sein de l’université parisienne qui ne se caractérisait pourtant pas par une capacité très marquée d’ouverture à la novation, la faculté de médecine se distinguait par son remarquable immobilisme. Perpétuant le culte des Anciens et tout particulièrement celui d’Hippocrate et de Galien, considérés comme la source de toute vérité en matière médicale, orgueilleuse de ses privilèges, figée dans la routine, ne jurant que par la tradition et le principe d’autorité, ignorant l’observation et l’expérience, cette faculté demeurait fermée à toutes les formes d’innovation, notamment à la médecine chimique, innovation thérapeutique majeure introduite par Paracelse dans la seconde moitié du xvie siècle. Médecine chimique qui en revanche avait pénétré la faculté de médecine de Montpellier73 et dont Renaudot s’était fait le propagateur.

  • 74 Ibid., p. 40.
  • 75 Ibid., p. 370 et sq, p. 388 et sq.

28On comprend en conséquence pourquoi G. Patin, médecin de Paris et viscéralement attaché à l’institution dont il était membre, qui était de plus jusqu’à la caricature, le parfait représentant de l’immobilisme de cette institution, ne pouvait que haïr Renaudot, parfait représentant, lui, de la faculté rivale. Ce dernier en effet exerçait à Paris à titre d’abord de médecin ordinaire du roi, mais aussi simplement à titre de médecin de Montpellier. Il était donc l’un de ces concurrents que les médecins parisiens cherchaient à tout prix à évincer. G. Patin avait donc une première raison d’en vouloir à Renaudot. Mais en outre, l’attachement à la liberté de pensée dont le premier se faisait théoriquement le héraut n’allait pas en effet chez lui jusqu’à, non pas même une adhésion, mais au moins une attitude d’attention ou de prise en considération des idées nouvelles. Champion de l’orthodoxie en matière médicale, il les récusait en fait a priori radicalement et faisait preuve de la plus parfaite intolérance à l’égard de quiconque les énonçait ou les défendait. Il se posa ainsi en adversaire sans défaillance de toutes les théories médicales qui l’une après l’autre ébranlaient l’édifice de la médecine hippocratico-galénique et mena immanquablement tous les combats d’arrière-garde. Il refusa notamment d’adhérer aux théories de Harvey sur la circulation du sang, accablant de sarcasmes dans sa correspondance les « circulateurs », il combattit Pecquet dont les découvertes confirmaient celles de Harvey74. Il dénonça sans relâche les médications chimiques au premier rang desquelles l’antimoine, et mena en personne le combat contre les chirurgiens et les apothicaires qui tentaient alors de s’émanciper de la tutelle de la faculté de médecine75.

  • 76 Sur ces points, voir infra, IIIe partie.

29Il ne pouvait donc pour cette raison encore que haïr Renaudot, médecin de Montpellier et qui répandait lui-même ou par l’intermédiaire de confrères eux aussi médecins de Montpellier des théories honnies au cours de ses conférences où s’exprimaient librement et ouvertement les disciples de Paracelse et les tenants de la médecine chimique ; et qui de plus semblait vouloir prendre sous sa protection les apothicaires et les chirurgiens76 que, Patin, quant à lui, méprisait tellement. Mais c’est également en tant que membre d’une institution qu’il sentait menacée dans ses privilèges et à laquelle il était si fort attaché qu’il réagissait avec violence aux innovations de Renaudot dont la dernière, l’instauration en 1640 dans le Bureau d’Adresse de consultations charitables pour les pauvres malades, déclencha le conflit dont Renaudot sortit vaincu.

30Ce conflit, qui opposa essentiellement la Faculté de médecine de Paris à Renaudot fut toutefois incontestablement aussi celui qui opposa une coalition d’intérêts – au premier rang desquels ceux de la Faculté de médecine – à un homme dont chaque initiative était allé à l’encontre des privilèges traditionnels des divers métiers et communautés, « corporations » comme on dira au siècle suivant.

31Privilèges des libraires, battus en brèche par la permission accordée à Renaudot d’imprimer non seulement la Gazette mais aussi tous les textes qu’il jugeait bon de produire, privilège des « proxénètes et intermédiaires » ébranlés par la création des annonces du Bureau d’Adresse, privilèges des commerçants en partie usurpés par la vente des objets demeurés en gage au Mont de Piété, privilèges encore des médecins parisiens d’enseigner et d’exercer leur art à Paris remis en question par les Conférences du lundi ainsi que par les consultations charitables. Enfin, les motivations politiques ne furent pas absentes d’une lutte qui dura plus de trois ans.

  • 77 « La Doctrine veritable et orthodoxe, que l’Eschole de Paris professe et maintient inviolablement (...)
  • 78 « On veut faire une nouvelle Eschole et une nouvelle Academie au prejudice des Medecins de Paris, (...)

32Si les docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris et Gui Patin à leur tête avaient sans aucun doute considéré dès le début avec hostilité les Conférences où non seulement étaient professées des doctrines médicales jugées à leurs yeux insoutenables77 mais qui pouvaient passer en outre pour diffuser un enseignement qui concurrençait celui de la Faculté elle-même, l’instauration de ce service de consultations gratuites auquel participaient les médecins de Montpellier que Renaudot avait regroupés autour de lui accrut l’inquiétude du corps des médecins parisiens qui vit dans ce nouveau service une forme de rivalité encore plus ostensible et le moyen de réaliser ce dont il ne doutait pas que ce fût l’objectif dernier de Renaudot : instaurer à Paris une cinquième faculté et ruiner ce faisant la très ancienne Faculté de médecine78.

  • 79 Un texte postérieur, Les conclusions de la Faculté..., rappellera que Renaudot « s’appuyait d’une (...)
  • 80 La defense de la Faculté de Medecine de Paris,..., op. cit.
  • 81 A la defense..., op. cit., succédèrent la Response de Théophraste Renaudot, Docteur en la celebre F (...)

33La protection dont Renaudot bénéficiait et qui a sans doute différé pendant plusieurs années les attaques des médecins parisiens ne fut plus jugée suffisamment intimidante79 pour que ceux-ci, manifestement très inquiets et indignés de cette dernière innovation, soient empêchés de réagir en n’hésitant pas à s’adresser directement à Richelieu pour qu’il fasse interdire les consultations charitables dans un long texte, La defense de la Faculté de Medecine contre son calomniateur80 présenté comme émanant du doyen et du corps des « docteurs régens » de la dite faculté mais plus probablement rédigé par Gui Patin et qui ne fut que le premier d’une longue série de réponses et de ripostes successives81.

34De cette suite de textes, il ressort à l’évidence que si le pivot de l’argumentation déployée contre Renaudot est bien constitué par le désir de prouver que ce dernier et les médecins réunis autour de lui pratiquent une forme de concurrence déloyale et bien pis se livrent à une forme d’exercice illégal de la médecine, de multiples autres griefs viennent s’ajouter et interférer avec celui-ci.

  • 82 C’est là, affirment les ou l’auteur de La defense... « le fond de la dispute et du procez que nous (...)
  • 83 La defense..., op. cit., p. 8.
  • 84 Conclusions..., op. cit., p. 7.
  • 85 La defense..., p. 23.
  • 86 Examen de la Requeste..., op. cit., p. 8.
  • 87 La defense..., pp. 9-10.
  • 88 Ibid., p. 11.
  • 89 Ibid., p. 17.
  • 90 Ibid., p. 17.
  • 91 Examen..., p. 17 et p. 21, Arrest de la Cour de Parlement..., p. 16.
  • 92 La defense..., p. 22 et p. 49.
  • 93 Conclusions..., p. 9 et p. 12, Examen..., pp. 14-15.
  • 94 Examen..., p. 18.
  • 95 La defense..., p. 21, Conclusions..., p. 2, Arrest..., p. 6. On fait ici bien sûr allusion à la cé (...)
  • 96 Conclusions..., p. 8.

35Les arguments juridiques très détaillés en conclusion desquels il appert que le privilège octroyé aux médecins de Montpellier d’exercer hic et ubique terrarum ne les autorise pas pour autant à exercer la médecine à Paris82, n’empêchent pas en effet qu’il ne soit fait également flèche de tout bois et que la défense de la Faculté de médecine ne se transforme en réquisitoire en règle aussi bien contre les activités de Renaudot que contre sa personne. N’hésitant pas à invoquer les « fautes enormes et insupportables dans ses discours imprimez, qui ne sont à proprement parler qu’une panspermie d’ignorances et d’erreurs »83, lui reprochant d’énoncer des « maximes perilleuses et pernicieuses en ses Conferences de Medecine »84 ainsi que d’y laisser parler des « Cabbalistes et des platoniciens »85, dénonçant non seulement l’inculture dont témoignent les Gazettes mais également les « mensonges, impostures et calomnies » dont elles sont pleines86, lui reprochant sa totale inefficacité dans le traitement promis du problème de la pauvreté87, mettant en cause son honnêteté en l’accusant de vouloir s’accaparer les revenus des hôpitaux et des aumônes88, le méprisant de pratiquer des « trafics indignes d’un homme d’honneur et esloignez de la profession d’un médecin »89, allant jusqu’à lui reprocher de faire « payer les bans et les sieges sur lesquels on prend place dans ses Conférences, comme on fait aux Comediens »90, de transformer la « sale de Conference et de Consultations charitables » en une « halle de fripiers »91, rappelant constamment ses origines huguenotes92, dénonçant non seulement l’incurie93 des médecins qu’il rassemblait autour de lui mais les désignant en outre comme autant de « libertins, vagabonds, heretiques et huguenots »94, lui faisant un crime d’être né à Loudun, la patrie des démons95 n’hésitant pas enfin à recourir à un dernier argument ad hominen en lui reprochant la difformité de son nez96 !

  • 97 Il s’agit d’un article paru le 4 juin 1633 (Recueil de Gazettes de l’année 1633, Paris, 1634, n° 5 (...)

36Les médecins parisiens attendirent toutefois la mort de Louis XIII, qu’avait précédée quelques mois plus tôt celle de son ministre, pour incriminer un article de la Gazette, paru dix ans auparavant, et selon eux rempli de calomnies contre le roi, la reine et de celui qui passait alors pour l’héritier potentiel de la couronne, le duc d’Orléans97.

  • 98 Conclusions..., pp. 1-2.
  • 99 Le jugement confirme simplement la sentence qui avait déjà été prononcée par le Lieutenant civil d (...)
  • 100 Ibid., p. 33.

37L’attaque dirigée contre Renaudot fut donc bien conduite au nom d’une coalition d’intérêts et si les médecins parisiens se sont contentés de revendiquer que « defenses et inhibitions tres-expresses soient faites au dit Théophraste Renaudot (...) et à ses adherans et associez, soy disans Medecins, de faire cy-apres dans le dit Bureau d’Adresse, ny en un autre lieu de cette ville et faux-bourgs de Paris, aucunes Assemblées et Conferences touchant l’Art et les fonctions de la Medecine, sous aucucn filtre ou pretexte que ce soit »98, l’arrêt du Parlement de Paris prononcé le 1er mars 1644 par Orner Talon ne se contenta pas de rendre une sentence qui leur donnait entière satisfaction99 mais interdit également le « trafic » auquel Renaudot se livrait en lui défendant de se livrer à l’avenir aussi bien aux prêts qu’aux ventes sur gages100.

38Si cet arrêt a manifesté la résistance de la haute magistrature aux entreprises réformatrices de la monarchie dont Renaudot avait été l’auxiliaire et mis un terme à l’ascension sociale de ce dernier, il a surtout signifié, pour ce qui nous préoccupe essentiellement, la fin des Conférences du Bureau d’Adresse dont tout porte donc à penser qu’elles ont dû se poursuivre jusqu’en 1644 alors que la publication de leurs comptes rendus prend fin en septembre 1642. Aucun document ne permet de connaître ni même de deviner les raisons qui ont conduit Eusèbe Renaudot à ne publier qu’un volume incomplet de Conférences.

39Cet épisode dont l’importance est considérable puisqu’il joua un rôle fatal dans l’histoire des Conférences permet également de constater que celles-ci ont pu, en leur temps, susciter des appréciations apparemment contradictoires. Instrument de direction de l’opinion par le pouvoir pour les uns, elles ont pu passer en même temps pour le lieu d’une trop grande liberté intellectuelle en autorisant la diffusion de savoirs qui ne se souciaient pas de se conformer à une quelconque orthodoxie et qui recélaient en outre un possible danger de subversion sociale aux yeux des partisans traditionnalistes d’un ordre que menaçaient les visées novatrices des artisans de la constitution de l’Etat moderne. Contradiction toutefois plus apparente que réelle ainsi que nous aurons l’occasion de le montrer mieux ultérieurement et qui prend sa source dans la complexité de la réalité historique de ce premier xviie siècle.

3.3. De la réserve à la défiance

40Or Gui Patin n’était pas le seul en son temps à reprocher à Renaudot de se livrer à des activités qu’il jugeait, quant à lui, indignes d’un médecin et ce sont certainement ces dernières qui ont suscité chez les contemporains du fondateur de la Gazette une attitude non plus cette fois-ci d’hostilité mais de prudente réserve teintée, et même en certains cas fortement colorée, d’un certain mépris à l’égard de ses conférences.

  • 101 Charles Sorel, Discours..., op. cit., p. 16.
  • 102 Ibid., p. 16.
  • 103 Ibid., p. 176.

41Le témoignage de Charles Sorel est à cet égard très significatif. Nous avons déjà reproduit sans le commenter le passage de son Discours sur l’Académie française dans lequel il se livre à l’historique des différentes académies qui ont précédé cette dernière et où il présente l’académie de Renaudot comme son ancêtre le plus direct. Plusieurs pages auparavant il avait toutefois déjà évoqué cette académie de Renaudot et cela dans des termes apparemment fort peu flatteurs puisqu’il la présentait comme « une Assemblée de quelques pauvres pédans qui se faisait dans la maison du gazetier »101. Ce passage est toutefois ambigu car l’on ne sait pas très bien si Charles Sorel parle ici en son nom propre ou s’il se contente de reproduire le jugement de Mathieu de Morgues. Le contexte de ce passage est en effet le suivant : s’adressant à ces « Messieurs de l’Académie » [française, s’entend], il les rassure en leur disant qu’ils ne doivent pas s’inquiéter de son ouvrage mais qu’ils doivent au contraire s’en réjouir puisqu’il « fait savoir que l’abbé de Saint Germain s’était fort abusé dans ses gros libelles qu’il écrivait en Flandres, lorsqu’il prenait leur Académie pour une Assemblée de quelques pauvres pédans qui se faisait dans la maison du gazetier »102, autrement dit que ces « messieurs de l’Académie » ne doivent pas prendre pour eux les jugements fort peu flatteurs de Mathieu de Morgues qui ne visaient en réalité que les membres de l’académie de Renaudot, avec lesquels, de Flandres, il avait tendance à les confondre. Nous penchons quant à nous pour la seconde hypothèse car, quelques pages plus loin, il émet un jugement fort différent sur les Conférences du Bureau d’Adresse dont il affirme qu’« il ne sert de rien de les traiter de mépris, à cause des divers tracas qui se faisait encore au même lieu, comme de la vente et distribution des gazettes, et de la communication que l’on y donnait des registres de bénéfices à permuter, et de maisons à vendre, et pour les valets que l’on y trouvait à louer, l’argent que l’on y prêtait sur gages, et les hardes engagées que l’on vendait à l’encan, ce qui rendait quelquefois cette maison une vraie friperie »103.

42Ce passage est toutefois avant tout un témoignage incontestable de la façon dont certains contemporains jugeaient les Conférences de Renaudot et il révèle le mépris qu’elles ont pu susciter en raison des différentes activités auxquels on se livrait par ailleurs dans le Bureau d’Adresse : activités commerciales, prêts sur gages (Renaudot avait adjoint à partir de 1637 un Mont-de-Piété au Bureau d’Adresse), vente aux enchères, toutes opérations fortement dépréciées dans une société adhérant encore largement aux valeurs aristocratiques et affectant un profond mépris à l’égard de l’activité rémunératrice, et très peu disposée, même si une évolution en ce sens commençait à s’opérer, à leur substituer un idéal de bourgeois négociant loin encore pour l’instant de faire l’unanimité. C’est pourquoi nous sommes un peu sceptiques quant à l’affluence réelle, parmi le public, des gens de qualités, des nobles ou des gens du monde, que Renaudot se flatte d’avoir attirés et auxquels Reynier, Magendie et Solomon à leur suite affirmaient que les Conférences étaient destinées. Le jugement implicitement méprisant de Tallemant de Réaux qui s’étonnait de la présence assidue de la Calprenède aux Conférences de Renaudot (« quoiqu’il fit l’homme de condition ») va en effet dans le même sens que le témoignage de Sorel et invite à penser que les « gens de condition » ne se rendaient pas en foule au Bureau d’Adresse et qu’on y devait rencontrer plus de gens de bonne et haute roture que nobles titrés et gens de cour.

  • 104 « Le roman français au xviie siècle » dans Romanciers du xviie siècle, op. cit., p. 44.

43Enfin le témoignage de Furetière concorde avec celui de Sorel et de Tallemant des Réaux. Le passage du Roman Bourgeois que nous avons reproduit plus haut ne présente pas non plus les Conférences sous un jour extrêmement flatteur dans la mesure où elles apparaissent comme l’un des passe-temps de prédilection d’un personnage que Furetière tend à ridiculiser. Il n’est pas certain toutefois que ce soient les Conférences que vise ce dernier à travers le personnage qu’il dépeint et peut-être celui-ci est-il la seule cible du romancier. A. Adam affirme d’ailleurs de ce dernier qu’il était un ami de Renaudot104. Toutefois même si ce ne sont pas les Conférences qui sont en ce cas véritablement en cause, il est certain qu’elles n’apparaissent pas dans un contexte très valorisant. L’ensemble de ces témoignages invite donc à relativiser les conclusions que l’on pourrait être tenté de tirer quant à l’attrait qu elles ont pu susciter en leur temps et l’on pourrait dire en un mot que si les Conférences de Renaudot ont été peu appréciées par certains de ses contemporains, c’est essentiellement parce qu’ils le jugeaient trop commerçant, trop affairiste, trop entrepreneur, trop « bourgeois » en un mot.

  • 105 Il y a là une double erreur manifeste de la part de Sorel.
  • 106 Ch. Sorel, Discours..., op. cit., p. 177.

44Toutefois il faut ajouter que Sorel ne prend pas à son compte le jugement dont il n’est que le rapporteur ; il le corrige même très sensiblement en montrant qu’il fallait faire l’effort d’apprécier les Conférences pour elles-mêmes, en les détachant du contexte matériel dans lequel elles se déroulaient ; en ce cas alors tout ce trafic, tout ce négoce qui les entouraient « n’empêchait pas qu’à d’autres heures elle ne parut soudain une Ecole de philosophes, et Ton pouvait dire que ses diverses applications se faisaient, pour la rendre un modèle de notre police, et un abrégé de la vie humaine. En ce qui est de ses Disputes ou Discours de Doctrine, quoiqu’ils ne fussent pas avec tant d’appareil et d’ordre que Ton les eut pû faire chez les grandes seigneurs, c’était à peu près néanmoins ce que pouvait exécuter un petit particulier, et cette Assemblée a eu ceci d’excellent au-dessus de beaucoup d’autres qu’il reste quatre livres de ses conférences pour quatre années105 qu’elles ont duré où l’on trouve beaucoup de belles curiosités »106.

45Reste à savoir cependant si cette estimation finalement élogieuse des Conférences était partagée par ceux qui étaient à l’époque les plus à même d’apprécier leur valeur d’un point de vue purement théorique et s’ils les considéraient eux aussi, à l’instar de Sorel, comme une véritable « école de philosophes ». Il serait en effet souhaitable de pouvoir déterminer la façon dont les membres les plus illustres des assemblées savantes et parmi eux en particulier les savants et les philosophes se sont comportés à leur égard et comment ils les ont eux-mêmes jugées et appréciées, ce qui recoupe en partie le problème déjà abordé de leur participation éventuelle à ces Conférences. Il est vrai que nous ne possédons pas à ce sujet de témoignages à proprement parler. Nous ne pouvons donc faire état que d’impressions, qui ne constituent évidemment pas des preuves.

  • 107 Voir supra p. 96, Chap. 3.

46Si l’on reprend donc de ce point de vue l’examen des sources précédemment évoquées, on peut semble-t-il en déduire que ceux qui constituaient alors les personnalités les plus prestigieuses d’un point de vue scientifique ou philosophique, n’ignorent pas ces Conférences. Manifestement, et cela paraît assez logique au regard de l’intérêt qu’ils portent au mouvement de la vie intellectuelle, ils veulent être et sont informés de ce qui s’y passe. C’est ce dont témoigne à l’évidence la lettre de Gassendi à Boulliau du 17 mai 1633107 mais il paraît qu’ils n’en ont justement qu’une connaissance indirecte par le moyen d’informateurs qui les renseignaient et que hormis le cas particulier de Morin ou de Boulliau, ils ne s’y rendaient pas eux-mêmes ; il resterait d’ailleurs à prouver que la présence de ces derniers n’ait pas été exceptionnelle.

  • 108 Voir supra p. 97.
  • 109 R. Taton, Les origines..., op. cit., p. 16.

47Or cet intérêt distancié s’expliquerait par deux causes distinctes qui auraient pu jouer aussi bien séparément que concurremment. Il faut d’abord écarter d’emblée l’éventualité de motifs d’ordre politique qui n’ont pu intervenir en ce cas et les liens de Renaudot avec Richelieu ne sont pas ici en cause. En effet aucun de ceux dont nous parlons : les frères Dupuy, Peiresc, Mersenne, Pascal le père, Fermat, Roberval, Mydorge, etc., n’ont été des opposants à la politique du Cardinal que plusieurs même ont servi. Mais par contre ils ont pu parfaitement eux aussi manifester leur éloignement à l’égard d’un Renaudot somme toute peu fréquentable en raison de ses activités jugées triviales. Ce pourrait être le cas de Jacques Dupuy en particulier et cela rendrait bien compte de son « J’ai peu de communication avec ce monsieur »108. C’est ainsi que Taton interprète lui aussi cette phrase et il considère également comme fort probable que « les autres activités du Bureau aient conduit la plupart des savants parisiens à n’y participer qu’assez rarement »109.

  • 110 G. Bigourdan, « Les premières... », op. cit., p. 943.

48Mais une raison supplémentaire de l’éloignement de ces derniers tient aussi sans doute au fait que l’académie de Renaudot n’avait – c’est ce que nous avons déduit de ses intentions affichées et c’est ce que confirmera l’étude du contenu des Conférences – que des ambitions théoriques finalement modestes, sur lesquelles prenaient le pas un souci de publicité et de mondanité qui, au contraire, passait pour eux au second plan. Cette dimension à la fois publique et mondaine des Conférences, si peu conforme à leur propre démarche, a pu en conséquence rebuter beaucoup de ces savants. C’est l’hypothèse qu’émettait G. Bigourdan : « Pour beaucoup de savants, jugeait-il, une telle publicité est peu favorable à une discussion sérieuse et cela explique la fondation de réunions privées analogues à celles qui peu après furent tenues chez le P. Mersenne »110, et elle nous paraît tout à fait fondée.

49Le succès des Conférences de Renaudot fut donc peut-être et en fin de compte moins univoque que ce dernier ne l’a prétendu. Il n’est pas question pour autant d’en nier la réalité mais il convient d’essayer de l’apprécier le plus exactement possible. Si à la suite de Mathieu de Morgues certains opposants à Richelieu ont pu bouder les conférences, si Gui Patin a pu entraîner dans sa haine quelques médecins parisiens atrabilaires, c’est fort possible mais cela ne représente pas, somme toute, un public potentiel considérable et tout invite à penser que l’académie de Renaudot jouit d’un large succès auprès d’un public qui éprouvait de plus en plus d’intérêt pour le savoir et la connaissance, sans englober toutefois pour autant, si ce n’est occasionnellement, les éléments qui, au même moment, œuvraient à la constitution des savoirs et des connaissances nouvelles et par là participaient activement et directement à la révolution philosophique et scientifique du premier xviie siècle.

Conclusion de la première partie

  • 111 Ibid., p. 133. Cet article précisait « que celuy qui préside establira, de l’advis de la Compagnie (...)

50Au terme de cette analyse, il est possible de déterminer la place qu’ont occupée les Conférences du Bureau d’Adresse au sein de la vie académique du premier xviie siècle français. Le premier constat qui s’impose est qu’elles ont largement impulsé un mouvement qui, dans les années qui ont suivi leur formation, est allée en s’accélérant et en s’amplifiant. Si l’on excepte en effet le Cabinet des frères Dupuy, elles n’ont été précédées par aucune académie d’une importance comparable. En revanche, leur création a été suivie presque immédiatement par l’apparition très rapprochée de plusieurs assemblées savantes. Elles ont par ailleurs amorcé un mouvement d’institutionnalisation de la vie académique que n’infirment pas véritablement les exemples respectifs de l’académie de Mersenne et de ce qui a été l’embryon de l’académie de Montmor. Organisées selon des règles très précises, même si certaines d’entre elles ont été au cours du temps soumises à révision, elles peuvent légitimement être rangées dans la catégorie de ce que Le Gallois a appelé plus tard les académies véritables, celles qui ont des constitutions et des lois. Elles n’ont d’ailleurs pas seulement dessiné une tendance qui devint ultérieurement dominante, elles ont, dans certains cas, fourni un modèle organisationnel (ce fut le cas pour l’académie des philosophes-orateurs, ce fut également le cas pour l’académie de Montmor sous sa forme définitive dont G. Bigourdan faisait remarquer que certains articles de son règlement » et notamment le second (s’étaient) manifestement inspirés de ce qui avait lieu aux Conférences du Bureau d’adresse »111. Ces dernières ont été en ce sens particulièrement représentatives de cette période singulière de la vie académique française où celle-ci, en s’institutionnalisant, a préparé incontestablement sa future officialisation, mais a conservé en même temps quelque chose de la liberté qui lui avait primitivement donné naissance. Enfin elles ont pleinement épousé, nous avons pu le constater, la plupart des préoccupations qui motivèrent la fondation des autres assemblées savantes et au premier chef, le désir de renouvellement des formes de l’échange intellectuel. Pour toutes ces raisons, elles méritent d’être considérées, du moins à titre de structure de sociabilité savante, comme un mode d’expression parfaitement caractéristique de la vie intellectuelle du premier xviie siècle français.

51Toutefois, par d’autres aspects, les Conférences du Bureau d’Adresse se sont distinguées au sein de celle-ci. Leur désir affiché de vulgarisation, les jugements qu’elles ont parfois suscités, l’attitude que les élites intellectuelles ont adoptée à leur égard laissent supposer que c’est essentiellement de par la place spécifique qui a été la leur au sein de la vie intellectuelle de l’époque, considérée cette fois dans sa dimension proprement théorique, qu’elles se sont singularisées. C’est donc à l’appréciation de cette singularité que nous voudrions maintenant nous consacrer et cela à partir de l'étude des contenus qu’elles véhiculèrent et dont les Centuries ont conservé la trace. Toutefois, cette singularité ne nous paraît pas devoir être seulement appréciée par rapport au rôle qu’ont pu également jouer dans l’ordre théorique les autres assemblées savantes, elle nous paraît devoir être plus fondamentalement appréciée par rapport à ce que fut le mouvement de la vie intellectuelle dans son ensemble et surtout dans ses modes de manifestation jugés rétrospectivement les plus prestigieux.

Notes

1 Première Centurie..., Avis au lecteur.

2 Ibid.

3 Ibid., Avis au lecteur.

4 Ibid., p. 16.

5 Seconde Centurie..., « Ouverture... », p. 1.

6 Ibid., p. 1.

7 Ibid., p. 1.

8 Quatrième Centurie..., p. 460.

9 Voir La defense de la Faculté de Medecine contre son calomniateur. Dédiée à l’Eminentissime Cardinal Duc de Richelieu, Paris, 1641. Ce texte anonyme est sans doute l’œuvre de René Moreau.

10 Response de Théophraste Renaudot, Docteur en la celebre Faculté de medecine de Montpellier, Medecin du Roy, Commissaire general des pauvres, Maistre et Intendant general des Bureaux d’Adresse de France, au libelle fait contre les Consultations charitables pour les pauvres malades, Paris, Au Bureau d’Adresse, 1641, p. 12. « Luy » désigne l’auteur anonyme de la Defense.

11 Première Centurie..., p. 235.

12 Seconde Centurie..., p. 54.

13 Troisième Centurie..., p. 155.

14 Ibid., p. 429.

15 Quatrième Centurie..., p. 114.

16 Ibid., p. 341.

17 Ibid., p. 374.

18 Troisième Centurie..., p. 466.

19 Ibid., p. 451.

20 Ibid., 161e conférence.

21 Ibid., p. 397.

22 Première Centurie...,10e conférence, 24 octobre 1633.

23 Quatrième Centurie..., p. 94.

24 Cinquième Centurie..., p. 107.

25 Troisième Centurie..., « De l’heur ou du malheur », 135e conférence du 30 mars 1637.

26 Seconde Centurie..., « De la fortune », 54e conférence du 27 novembre 1634.

27 Quatrième Centurie..., « S’il y a de l’heur ou du malheur », 259e Conférence du 27 août 1640, p. 304.

28 Seconde Centurie..., « S’il y a de la certitude aux sciences humaines », 84e conférence du 16 juillet 1635.

29 Quatrième Centurie..., « Si les sciences sont utiles à un Etat », 279e conférence du lundi 28 janvier 1641.

30 Seconde Centurie..., « Quel est le plus nécessaire de tous les arts », 72e conférence du 2 avril 1635.

31 Quatrième Centurie..., « Quelle science est la plus nécessaire à un Etat », 286e conférence du 11 mars 1641, p. 421.

32 A. Furetière, Le roman bourgeois dans : Romanciers du xviie siècle, édition A. Adam, Paris, 1958, p. 953.

33 A Question : Of the Cock, and Whether his crowing do affright the Lion ? Being one of those Questions handled in the weekly Conferences of Monsieurs Renaudot’s Bureau d’Adresses at Paris. Translated into English, anno 1640, pp. 6. J. Emery : London [1640]. – A Question. Whether there bee nothing new. Being one of those Questions handled in the weekkly Conferences of Monsieurs Renaudot’s Bureau d’Adresses at Paris. Translated into English, anno 1640, pp. 6. R. B., for Jasper Emery : London [1640]. – A Question. Wheter Truth beget Hatred and why ? Being one of those Questions handled in the weekly Conferences of Monsieurs Renaudot’s Bureau d’Adresses at Paris. Translated into English, anno 1640, pp. 6. J. Emery : London [1640]. – A Question. Which is most to be esteemed, an Inventive Wit, Judgement, or Courage. Bein one of those Questions handled in the weekly Conferences of Monsieur Renaudot’s Bureau d’Adresses at Paris. Translated into English, anno 1640. pp. 6. R. B., for Jasper Emery : London, 1640. – A Question. Why dead bodies Bleed in the presence of their murtherers. Being one of those Questions handled in the weekly Conferences of Monsieur Renaudot’s Bureau d’Addresses at Paris. Translated into English, anno 1640. pp. 10. J. Emery : London [1640]. – A General Collection of Discourses of the Virtuosi of France, upon questions of all sorts of Philosophy, and other Natural knowledge. Made in the assembly of the Beaux Esprits at Paris, by the most ingenious persons of that nation. Render’d into English by G. Havers [A translation of the first hundred conferences of the « Recueil général des questions traitées és conférences du Bureau d’Adresse », the compilation by T. and E. Renaudot originally issued as « Première (-quatriesme) Centurie des questions traitées ez conférences du Bureau d’Adresse »]. pp. 580. 1664. – Another Collection of Philosophical Conferences of the French Virtuosi, upon questions of all sorts ; for the improving of Natural knowledge. Made in the Assembly of the Beaux Esprits at Paris, by the most ingenious persons of that nation. Render’d into English, by G. Havers... & J. Davies. [A translation of 140 confrences of the « Recueil général des questions traitées es conférences du Bureau d’Adresse », the compilation by T. and E. Renaudot originally issued as « Première (-quatriesme) Centurie des questions traitées ez conférences du Bureau d’Adresse »], pp. 496, 1665. L’Angleterre est sans doute le seul pays dans lequel les Centuries aient été traduites. Des recherches accomplies en Italie ainsi qu’en Allemagne n’ont pas permis d’y retrouver la trace d’un intérêt comparable pour les Conférences du Bureau d’Adresse.

34 Respectivement en 1655-1656, 1666 et 1670.

35 J. Sourdier de Richesource, Quatorze problèmes..., op. cit. L’Académie des philosophes-orateurs a été fondée en 1653 par Richesource, né à Loudun comme Renaudot. C’est peut-être là la raison de sa fidélité au modèle des Conférences du Bureau d’Adresse. Un premier volume de conférences parut en 1661 : la Première partie des conférences académiques et oratoires..., Paris, rue de la Huchette, 1661, suivi de trois autre volumes. Les Quatorze problèmes... ont achevé ce cycle de publications.

36 Ibid., p. 2.

37 Ibid., p. 5.

38 Ibid., p. 10.

39 Ibid., p. 17.

40 Ibid., p. 19.

41 Ibid., p. 19.

42 Ibid., p. 20.

43 Ibid., p. 60.

44 Ibid., première conférence.

45 Troisième Centurie..., 108e conférence.

46 Quatorze..., Seconde conférence.

47 Cinquième Centurie..., 332e conférence.

48 Quatorze..., quatrième conférence.

49 Quatrième Centurie..., 279e conférence.

50 Quatorze..., cinquième conférence.

51 Première Centurie..., 40e conférence.

52 Quatorze..., neuvième conférence.

53 Seconde Centurie..., 92e conférence.

54 Ibid., p. 19.

55 Mathieu de Morgues, Jugement sur la Préface et diverses pièces que le Cardinal de Richelieu prétend de faire servir à l’histoire de son crédit, 1635, p. 4. Cité par P. Delavaud, « Quelques collaborateurs de Richelieu » dans Rapports et notices sur l’édition des mémoires de Richelieu, Société de l’histoire de France, t. II, fasc. IV, no XVI, 1907-1914, pp. 77-78. Cité également par E. Thuau, Raison d’Etat..., op. cit., p. 124.

56 Mathieu de Morgues, Remontrance de Caton Chrétien au Cardinal de Richelieu, p. 210, cité par E. Thuau, Raison d'Etat..., p. 123. Dans ce texte, Mathieu de Morgues vise cette fois les membres du cabinet de presse de Richelieu mais le rôle qu’ils jouent est selon lui identique à celui des « ardents » de l’académie de Renaudot.

57 Première Centurie..., « Epistre dédicatoire », non paginée.

58 Ibid.

59 Ibid., p. 120.

60 Ibid., p. 272.

61 Troisième Centurie..., p. 404.

62 Ibid., p. 352.

63 Quatrième Centurie..., p. 396.

64 Seconde Centurie..., p. 395.

65 Mathieu de Morgues, « L’ambassadeur chimérique du Cardinal de Richelieu » dans Pièces curieuses..., op. cit., p. 2.

66 Voir E. Thuau, Raison d’Etat..., op. cit., pp. 160-165.

67 Ibid., p. 163.

68 Nouvelles lettres de Feu Mr Gui Patin, tirées du cabinet de Mr Charles Spon, Amsterdam, 1718, lettre à Charles Spon du 6 décembre 1644, t. I, p. 96.

69 Voir P. Delaunay, La vie médicale..., op. cit., p. 289.

70 Ibid., p. 291.

71 Ibid., pp. 303-304.

72 L. Dulieu, dans Histoire générale des sciences, sous la direction de R. Taton, Paris 1958, t. II, la Science moderne, p. 382.

73 J. Lévy-Valensi, La médecine..., op. cit., p. 280.

74 Ibid., p. 40.

75 Ibid., p. 370 et sq, p. 388 et sq.

76 Sur ces points, voir infra, IIIe partie.

77 « La Doctrine veritable et orthodoxe, que l’Eschole de Paris professe et maintient inviolablement presque toute seule » courait en effet ainsi le risque d’être « falsifiée, dépravée, et peu à peu negligée » (Conclusions de la Faculté de Paris contre Renaudot, p. 6).

78 « On veut faire une nouvelle Eschole et une nouvelle Academie au prejudice des Medecins de Paris, et à la barbe de l’Université la plus florissante de l’Europe, dans laquelle on veut plante une cinquiesme Faculté » (Examen de la Requeste présentée à la Reine par le Gazettier, Paris, 1643 (texte anonyme attribué à René Moreau ou à Riolan), p. 17). La même inquiétude se lit dans la dénonciation des « Assemblées illicites introduites pour authoriser une nouvelle Eschole de medecine » (Arrest de la Cour de Parlement, pour les Doyens et Docteurs Regens de ta Faculté de Medecine de Paris, contre Théosphraste Renaudot, Paris, (Claude Morlot), 1644, p. 31).

79 Un texte postérieur, Les conclusions de la Faculté..., rappellera que Renaudot « s’appuyait d’une puissance, à laquelle il estoit assez difficile et dangereux de ne pas se soumettre entièrement » (p. 1).

80 La defense de la Faculté de Medecine de Paris,..., op. cit.

81 A la defense..., op. cit., succédèrent la Response de Théophraste Renaudot, Docteur en la celebre Faculté de Medecine de Montpellier, Medecin du Roy, Commissaire general des pauvres, Maistre et Intendant general des Bureaux d’Adresse de France, au libelle fait contre les consultations charitables pour les pauvres malades, Paris, Au Bureau d’Adresse, 1641, l'Advertissement à Théophraste Renaudot contenant les Mémoires pour justifier les Anciens droicts et privileges de la Faculté de Medecine de Paris, 1641, les Remarques sur l’« Avertissement à Me Theophraste Renaudot », Portées à son autheur par Maschurat Compagnon Imprimeur, Paris, 1641 (Maschurat serait selon Gilles de la Tourette, et cette hypothèse paraît vraisemblable, le pseudonyme de Renaudot), l'Examen de la Requeste présentée à la Reine par le Gazettier, Paris, 1643, la Requête de Théophraste Renaudot, adressée au Conseil du Roi, pour que son procès contre la faculté de Medecine de Paris ne soit pas porté devant le Parlement, la Response à l’« Examen de la Requeste présentée à la Reyne par Mr Théophraste Renaudot », portée à son autheur par Maschurat, Paris, 1644, un texte sans titre, désigné dans le catalogue de la Bibliothèque nationale comme les Conclusions de la faculté de Paris contre Renaudot et à la bibliothèque de l’Arsenal comme un Mémoire de la Faculté de Medecine, Paris, 1643, enfin l'Arrest de la Cour de Parlement..., op. cit.

82 C’est là, affirment les ou l’auteur de La defense... « le fond de la dispute et du procez que nous avons contre luy » (p. 5).

83 La defense..., op. cit., p. 8.

84 Conclusions..., op. cit., p. 7.

85 La defense..., p. 23.

86 Examen de la Requeste..., op. cit., p. 8.

87 La defense..., pp. 9-10.

88 Ibid., p. 11.

89 Ibid., p. 17.

90 Ibid., p. 17.

91 Examen..., p. 17 et p. 21, Arrest de la Cour de Parlement..., p. 16.

92 La defense..., p. 22 et p. 49.

93 Conclusions..., p. 9 et p. 12, Examen..., pp. 14-15.

94 Examen..., p. 18.

95 La defense..., p. 21, Conclusions..., p. 2, Arrest..., p. 6. On fait ici bien sûr allusion à la célèbre affaire des « possédées » de Loudun. (Cf. infra, IIIe partie).

96 Conclusions..., p. 8.

97 Il s’agit d’un article paru le 4 juin 1633 (Recueil de Gazettes de l’année 1633, Paris, 1634, n° 54, p. 236). Cet article, résume l’auteur de l'Examen..., évoquait la possibilité de répudier la reine, de déclarer le duc d’Orléans inhabile et incapable de succéder à la couronne et revendiquait la liberté pour le roi de protéger les luthériens (p. 22). Il s’agissait bien évidemment en rappelant l’existence de cet article d’enlever à Renaudot son dernier possible soutien politique, celui de la reine Anne d’Autriche qui lui fit en effet entièrement défaut, bien que Renaudot ait protesté de son innocence en affirmant qu’il s’était en cette affaire contenté d’obéir et d’insérer dans la Gazette un article qui lui fut, assure-t-il, « envoyé par le defunct Cardinal Duc, de la part du Roy ». (Requeste présentée..., pp. 4-6).

98 Conclusions..., pp. 1-2.

99 Le jugement confirme simplement la sentence qui avait déjà été prononcée par le Lieutenant civil de Paris et qui s’énonçait presque dans les mêmes termes que la revendication des médecins. (Voir l'Arrest..., p. 33). Il va sans dire que Gui Patin triompha sans retenue dès la sentence rendue.

100 Ibid., p. 33.

101 Charles Sorel, Discours..., op. cit., p. 16.

102 Ibid., p. 16.

103 Ibid., p. 176.

104 « Le roman français au xviie siècle » dans Romanciers du xviie siècle, op. cit., p. 44.

105 Il y a là une double erreur manifeste de la part de Sorel.

106 Ch. Sorel, Discours..., op. cit., p. 177.

107 Voir supra p. 96, Chap. 3.

108 Voir supra p. 97.

109 R. Taton, Les origines..., op. cit., p. 16.

110 G. Bigourdan, « Les premières... », op. cit., p. 943.

111 Ibid., p. 133. Cet article précisait « que celuy qui préside establira, de l’advis de la Compagnie, la question pour la conférence prochaine, et priera nommement deux personnes qu’il en jugera des mieux informées de rapporter leur sentiment, laissant aux autres la liberté d’en dire leurs pensées » (Ibid., p. 132).

© Éditions de la Sorbonne, 1997

Licence OpenEdition Books

Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de caractères.
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search