Version classiqueVersion mobile

Savoirs et philosophie à Paris dans la première moitié du XVIIe siècle

 | 
Simone Mazauric

Première partie. Une assemblée savante dans la première moitié du XVIIe siècle les conférences du bureau d'adresse

Chapitre 3. Les conférences du bureau d’adresse dans leur dimension académique

Texte intégral

  • 1 Première Centurie des questions traitées ez Conférences du Bureau d’Adresse, depuis le 22 jour d'A (...)
  • 2 Seconde Centurie des questions traitées ez Conférences du Bureau d’Adresse, depuis le 3 jour de No (...)
  • 3 Troisième Centurie des questions traitées aux Conférences du Bureau d’Adresse, depuis le 18 Févrie (...)
  • 4 Quatrième Centurie des questions traitées aux Conférences du Bureau d’Adresse, depuis le 24 janvie (...)
  • 5 Cinquième et dernier tome du Recueil Général des questions traitées es conférences du Bureau d'Adr (...)

1Les Conférences du Bureau d’Adresse possèdent cette particularité paradoxale d’être à la fois très célèbres et relativement méconnues. Très célèbres car il est peu d’ouvrages consacrés à tel ou tel aspect du premier xviie siècle français qui ne leur accordent une mention, plus ou moins précise et détaillée selon les cas. Relativement méconnues aussi car il est très rare d’une part que ces mentions ne comportent pas une ou plusieurs erreurs, ce qui est d’autant plus étonnant que l’on a la chance de posséder à leur sujet des documents dont il n’existe l’équivalent pour aucune autre académie de l’époque, à savoir les comptes rendus de toutes les conférences qui se sont tenues pendant neuf ans de 1633 à 1642. Ces comptes rendus parurent d’abord hebdomadairement, au rythme des conférences, puis furent rassemblés en un premier volume regroupant cent sujets et qui, pour cette raison, fut publié en 1634 sous le titre de Première Centurie des questions traitées ez Conférences du Bureau d’Adresse1. Ce premier volume fut suivi en 1636 par une Seconde Centurie2, en 1639 par une Troisième Centurie3, en 1641 par une Quatrième Centurie4. Seul le cinquième et dernier volume qui ne rassembla que cinquante et un sujets au lieu des cent habituels, parut après la mort de Renaudot et fut publié par son fils Eusèbe en 1655 seulement5. Relativement méconnues aussi et surtout dans la mesure où ces comptes rendus ont été finalement sous-exploités.

  • 6 Ch. Sorel, Discours sur l’Académie française..., op. cit., pp. 176-177.
  • 7 J. Sourdier de Richesource, Quatorze problèmes choisis des onze volumes de Conférences académiques (...)

2La fréquence des références aux Conférences du Bureau d’Adresse dans l’historiographie du xviie siècle tient au fait qu’elles sont susceptibles de retenir l’attention de plusieurs catégories d’historiens, et, au premier chef, bien sûr, des historiens de la culture et plus précisément de la vie académique. En effet, puisque ces Conférences figurent au rang de ces assemblées savantes que nous venons d’étudier, elles prennent logiquement leur place dans l’histoire du mouvement académique. A ce titre, elles sont évoquées pour la première fois par celui que l’on peut considérer comme le premier historiographe de celui-ci, Charles Sorel, dans son Discours sur l’Académie française6 et font l’objet d’une brève mention par J. Sourdier de Richesource, modérateur de l’académie de philosophes orateurs dans son « Avis de l’Académie aux lecteurs » qui préface les Quatorze problèmes choisis des onze volumes de Conférences académiques et oratoires7.

  • 8 G. Bigourdan, « Les premières sociétés... », op. cit, pp. 937-943.
  • 9 F. Yates, Les académies..., op. cit., pp. 296-297.
  • 10 H. Brown, Scientific..., op. cit., pp. 17-40.
  • 11 R. Taton, Les origines..., op. cit., pp. 15-16.

3L’histoire du mouvement académique, au xixe siècle, a ignoré l’académie de Renaudot et c’est seulement au début du xxe siècle que Georges Bigourdan leur a consacré un article « Les premières sociétés scientifiques de Paris au xviie siècle. Les Conférences du Bureau d’Adresse » paru dans les Comptes rendus de l’Académie des Sciences8. Frances Yates leur a accordé quelques lignes lorsqu’elle a étudié la postérité des académies du xvie siècle français9. H. Brown, un peu auparavant, on avait proposé une étude cette fois-ci beaucoup plus détaillée dans l’un des seuls ouvrages de synthèse qui, nous l’avons déjà signalé, ait été consacré au mouvement académique français dans le premier xviie siècle10. Enfin René Taton les a évoquées plus tardivement et plus succinctement dans son ouvrage consacré aux Origines de l'Académie Royale des Sciences11.

  • 12 M. Magendie, La politesse..., op. cit., p. 140.
  • 13 R. Pintard, Le libertinage..., op. cit., p. 91.
  • 14 R. Mandrou, Des humanistes..., op. cit., pp. 149-150.
  • 15 P. Delaunay, La vie médicale aux xvie,xviie et xviiie siècles, Paris 1935, pp. 467-468.
  • 16 R. Lenoble, Mersenne..., op. cit., p. 590.

4Par ailleurs, d’autres ouvrages qui n’ont pas pour objet d’étude spécifique la vie académique au xviie siècle, mais qui sont toutefois conduits à s’y intéresser, évoquent eux aussi ces Conférences considérées dans leur dimension académique. C’est le cas de l’ouvrage de Maurice Magendie qui étudie La politesse mondaine et les théories de l’honnêteté en France du xviie siècle de 1600 à 166012, de celui de René Pintard qui explore en profondeur Le libertinage érudit dans la première moitié du xviie siècle13 ou de celui de Robert Mandrou, Des humanistes aux hommes de science14. Paul Delaunay leur a accordé également une brève mention à l’occasion de son étude consacrée à La Vie médicale aux xvie, xviie et xviiie siècles15. On ose à peine intégrer a cette liste, tant l'allusion aux Conférences du Bureau d’Adresse y est rapide, l’ouvrage de Robert Lenoble consacré au père Mersenne dans lequel son auteur se contente d’indiquer que « certains d’entre eux [les savants] se réunissent chez Renaudot, en une assemblée dont nous avons conservé les comptes rendus de 1633 à 1642 »16.

  • 17 G. Reynier, La femme..., op. cit., pp. 142-149.
  • 18 J. Lévy-Valensi, La Médecine et les médecins français au xviie siècle, Paris, 1933.
  • 19 J. Lévy-Valensi, La Médecine et les médecins français au xviie siècle, Paris, 1933,
  • 20 « S’il est bon de se servir de remèdes chimiques », Troisième Centurie...107e Conférence.
  • 21 P. Delaunay, La vie..., op. cit.
  • 22 F. de Dainville, La géographie des humanistes, Paris, 1940, p. 365.
  • 23 R. Mandrou, Magistrats et sorciers au xviie siècle, Paris, 1968.
  • 24 Ainsi par exemple, « Des sorciers », Seconde Centurie..., 77e Conférence ; « Des incubes et des su (...)
  • 25 L. M. Richardson, « The “Conférences” of Théophraste Renaudot » : an episode in the quarrel of the (...)
  • 26 J. J. Denonain, « Les problèmes de l’honnête homme vers 1635. Religio Medici et les Conférences du (...)
  • 27 Correspondance du P. Marin Mersenne, op. cit., t. III, p. 401, n. 5, p. 546, η. 1, p. 602 ; n. 2, (...)
  • 28 J. Roger, Les sciences de la vie dans la pensée française au xviiie siècle, Paris, 1963.

5Cependant en raison de ce fait tout à fait exceptionnel que souligne Lenoble, les Conférences du Bureau d’Adresse offrent aussi un intérêt évident pour l’historien des idées qui peut découvrir dans ces comptes rendus maints aspects de la vie intellectuelle du premier xviie siècle, et c’est pourquoi on n’a pas manqué non plus de les utiliser à ce titre, même si cette utilisation n’a pas été, loin de là, à la mesure de la richesse de l'information qu’ils procuraient. C’est ainsi que Gustave Reynier s’est contenté de mettre en évidence le rôle qu’ont pu joué les Conférences du Bureau d'Adresse dans l’instruction générale des hommes (au sens générique du terme) du xviie siècle, alors que consacrant son ouvrage à la Femme au xviiie siècle17 il a dédaigné d’exploiter ces conférences aux titres si suggestifs et au contenu si riche : – Quel est le plus noble de l'homme ou de la femme – Du caprice des femmes – S’il est expédient aux femmes d'être savantes – Si la stérilité vient plus communément du côté des hommes que des femmes et au contraire,18 etc., se contentant de citer le titre de l'une d’entre elles. De la même façon, alors que les sujets médicaux étaient abondamment traités dans les conférences et que celles-ci sont en conséquence susceptibles d’intéresser également l’histoire de la médecine, celle-ci les a véritablement négligées. Ainsi J. Lévy-Valensi qui dans la Médecine et les médecins français au xviie siècle19 décrit assez longuement le conflit qui a opposé Théophraste Renaudot et la Faculté de médecine de Paris à propos de la querelle de l’antimoine en particulier, et de la médecine chimique en général, ne prend pas la peine d’aller puiser un supplément d’information dans le texte de la conférence consacrée à ce sujet20. Et Paul Delaunay qui traite de La vie médicale aux xvie, xviie et xviiie siècles21 se contente nous l'avons dit, d’évoquer les Conférences dans leur seule fonction d’académie. On pourrait adresser le même reproche à François de Dainville qui, dans sa Géographie des humanistes, se contente également de relever que les conférences ont traité de sujets qui intéressent l’historien de la géographie, « de l’origine des vents, des sources, du mouvement ou repos de la terre, des longitudes, de la salure de la mer, de l’existence du feu central, des volcans, des tremblements de terre, de la génération des pierres ou des métaux »22, mais qui, lui non plus, ne va pas au-delà de ce constat. Et si Robert Mandrou évoque à plusieurs reprises l’académie de Renaudot dans son ouvrage Magistrats et sorciers au xviie siècle23, on ne peut pas ne pas regretter qu’il ne soit pas allé très au-delà de la simple allusion aux problèmes débattus dans les conférences consacrées à la démonologie24. D’autres se contentent de résumer le contenu d’une conférence : c’est le cas de L. M. Richardson dans son article : « The “Conférences” of Théophraste Renaudot : un épisode in the quarrel of the ancients and moderns »25 et J. J. Denonain reproduit simplement de longues citations de différents passages des Centuries dans son article « Les problèmes de l’honnête homme vers 1635. Religio Medici et les Conférences du Bureau d’Adresse »26. Enfin les notes de la Correspondance du Père Mersenne renvoient de temps à autre aux Conférences lorsque le groupe de l’Académie parisienne s’intéresse à des problèmes identiques à ceux qui sont traités lors des réunions organisées par Renaudot27. D’une certaine façon seul Jacques Roger exploite réellement les conférences consacrées aux problèmes relevant de la biologie lorsqu’il étudie Les sciences de la vie dans la pensée française au xviiie siècle28.

  • 29 E. Hatin, Théophraste Renaudot et ses innocentes inventions, Poitiers, 1883, G. Gilles de la Toure (...)
  • 30 H. M. Solomon, Public Welfare science and propaganda in Seventeenth Century France. The innovation (...)

6Pour leur part, les biographes de Renaudot sont nécessairement conduits à évoquer celles-ci puisqu’elles font partie des nombreuses innovations que le fondateur de la Gazette a introduites dans son siècle. Eugène Hatin (que l’on peut considérer comme le premier biographe de Renaudot) n’accorde pas cependant a son académie une très grande attention même s’il en exalte le mérite et Georges Gilles de la Tourette29 préfère mettre au centre de sa biographie l’œuvre charitable de Renaudot en faveur des pauvres et des malades. C’est en fait à l'historien américain H. M. Solomon que l’on doit l’exposé le plus détaillé – le fait est exceptionnel – concernant les Conférences du Bureau d’Adresse puisqu’il leur consacre un chapitre entier de quarante pages dans son ouvrage Public Welfare, science, and propaganda in Seventeenth Century France. The innovations of Théophraste Renaudot30.

  • 31 Eugène Hatin, Histoire politique et littéraire de la Presse en France, avec une introduction histo (...)
  • 32 Cahiers de l’Institut français de presse, « Théophraste Renaudot. L’homme, le médecin, le journali (...)
  • 33 Les petites affiches, octobre 1986, numéro spécial 127.

7L’historiographie de la presse française est également parfois amené à faire une rapide allusion aux Conférences lorsqu’elle étudie la fondation de la Gazette par Théophraste Renaudot dans la mesure où le lieu d’élaboration de celle-ci, le Bureau d’Adresse, était aussi le lieu où se déroulaient ces conférences, dans la mesure aussi où les collaborateurs de Renaudot, ou du moins l’un d’entre eux, est réputé avoir été aussi l’un des membres de son académie31. Les Cahiers de l’Institut français de presse ont commémoré en 1986 le quadricentenaire de la naissance de Renaudot en lui consacrant un numéro spécial mais dans celui-ci également on ne trouve que de simples allusions aux Conférences32. Seul ici encore le journal Les petites affiches a fait paraître lui aussi à l’occasion de cette commémoration un numéro spécial dans lequel un article entier est consacré aux Conférences33.

  • 34 H. Hauser, La pensée et l’action économiques du Cardinal de Richelieu, Paris, 1944, p. 170, E. Thu (...)

8Enfin, les liens de clientèle qui existaient entre Théophraste Renaudot et son protecteur Richelieu ont aussi conduit les historiographes de ce dernier à mentionner, mais dans ce cas encore de façon pour le moins extrêmement succincte, les fameuses Conférences34.

9L'académie de Renaudot est donc bien l’objet d’une reconnaissance ambiguë dans l’historiographie du premier xviie siècle français puisque celle-ci en atteste à maintes reprises l'existence et en affirme le plus souvent l’importance, sans que pour autant, si l'on excepte les ouvrages de H. Brown et de H. Solomon, un exposé détaillé et systématique de toutes les informations que Ton peut réunir sur le mode de fonctionnement de cette académie soit proposé et sans que l’importance que Ton veut bien lui reconnaître soit véritablement justifiée et argumentée. C’est à cette double tâche que nous voudrions nous consacrer.

1 – Théophraste Renaudot : éléments biographiques

10Toutefois il est difficile d’exposer le mode de fonctionnement des Conférences du Bureau d’Adresse sans commencer par consacrer quelques lignes à leur fondateur, Théophraste Renaudot, la personnalité de celui-ci ainsi que le rôle qu’il a joué dans la vie publique à Paris durant les années du ministériat de Richelieu, et qui dépasse de beaucoup sa simple fonction de fondateur des Conférences, étant des éléments indispensables pour éclairer bien des points concernant celles-ci. Cependant la personnalité concrète de Renaudot paraît en dernière instance assez difficile à cerner et il n’est pas si simple non plus de déterminer exactement la façon dont il convient d’apprécier l’importance et surtout la valeur de ses multiples interventions dans le domaine de la vie publique à Paris mais aussi dans toute la France, des années 1628 aux années 1642 essentiellement.

  • 35 E. Hatin, Histoire..., op. cit., p. 63.
  • 36 E. Hatin, Théophraste Renaudot..., op. cit.
  • 37 G. Gilles de la Tourette, La vie et les œuvres..., op. cit., p. 32.
  • 38 Ibid., pp. 51-52.

11Les premiers biographes de Renaudot n’ont pas éprouvé de toute évidence de semblables hésitations et ont tracé de sa vie et de ses œuvres un portrait largement sinon exclusivement monocolore. Les ouvrages qu’ils lui ont consacrés et qui datent tous de la fin du xive siècle ont certes eu le mérite d’attirer l’attention sur l’extrême diversité de ses initiatives – dont on ne retient le plus souvent que la fondation de la Gazette – et sur l'importance du rôle qu’il a joué dans la vie sociale de son époque ; ils ont cependant aussi l’inconvénient majeur de présenter des accents hagiographiques beaucoup trop accusés. Ainsi E. Hatin manifeste-t-il une certaine réserve même s’il porte sur lui un jugement d’ensemble très largement élogieux lorsqu’il évoque des éléments de sa biographie à travers l’étude de son rôle de fondateur de la presse française35, mais en revanche il se livre à l’éloge systématique de toutes les initiatives de Renaudot et épouse sans la moindre distance critique les justifications que ce dernier a été constamment conduit à en produire lorsqu’il lui consacre une monographie36. Pour sa part, Georges Gilles de la Tourette n'abandonne à aucun moment le ton du panégyrique et fait de Renaudot une sorte de saint laïc, animé par un idéal philanthropique sans défaillance qui l’aurait conduit à se dévouer entièrement à la cause des plus misérables au point qu’il fut finalement, prétend-il, perdu par sa propre charité37, et bien qu’il fût de la façon la plus injuste en butte à des calomnies incessantes et persécuté par ses ennemis, il aurait mené cependant jusqu’à la fin de sa vie une existence édifiante en pratiquant à l’égard de ces ennemis le pardon des offenses, sans cesser de s’intéresser aux malheureux en dépit des vicissitudes qui désolèrent les dernières années de sa vie38.

  • 39 Gérard Jubert, « Ambition, talent et combat au temps de Louis XIII », dans les Petites affiches, o (...)

12On peut difficilement face à ces éloges un peu incontinents ne pas manifester quelques réserves. Il faut cependant attendre l’ouvrage de l’américain H. M. Solomon Public Welfare, science and propaganda in Seventeenth Century France pour lire une biographie de Renaudot à la fois plus précise et surtout infiniment plus nuancée. Si cette étude n’a pas pour ambition, loin de là, de minimiser l’importance de l’œuvre du fondateur des Conférences du Bureau d’Adresse, elle tente toutefois d’apprécier celle-ci avec lucidité et ne gomme pas les éventuelles zones d’ombre de sa carrière. Il faut croire pourtant que cette carrière présente suffisamment de traits remarquables pour qu’elle ait encore récemment fait l’objet d’une appréciation fort élogieuse par l’un des derniers en date des biographes de Renaudot39.

13Nous n’allons pas nous-mêmes tenter d’écrire une nouvelle biographie de celui-ci. Nous allons simplement nous contenter, en utilisant d’ailleurs largement les travaux qui viennent d’être évoqués, de rappeler les éléments de sa vie et de son œuvre sans lesquels bien des points concernant les Conférences du Bureau d'Adresse, aussi bien du point de vue de leur mode de fonctionnement que de leur contenu, resteraient incompréhensibles. Ce faisant, nous serons certainement conduits à porter un jugement appréciatif sur les différentes entreprises de Renaudot, jugement dont nous voulons bien admettre par avance qu’il ne sera pas plus « définitif » que les précédents.

1.1. Théophraste Renaudot : formation et ascension

14Nous n’allons retenir des nombreux éléments de la vie de Renaudot livrés par ses biographes que ceux-là seuls qui nous paraissent indispensables pour éclairer aussi bien la genèse que le mode de fonctionnement et l’impact dans leur époque des Conférences du Bureau d’Adresse. Et, il faut bien le dire, il est finalement peu d’éléments de sa biographie qui n’aient pas, de ce point de vue, leur importance.

  • 40 G. Gilles de la Tourette, La vie et les œuvres..., op. cit., p. 3.
  • 41 G. Jubert, « Ambition... », op. cit., p. 8.
  • 42 Ibid., p. 12.
  • 43 Response de Théophraste Renaudot... au libelle fait contre les consultations charitables pour les (...)
  • 44 Nous poserons ultérieurement de façon plus précise le problème de la pauvreté.
  • 45 Cf. G. Gilles de la Tourette, La vie..., pp. 7-8, p. 13, et aussi G. Jubert, « Ambition... », op. (...)

15Théophraste Renaudot est né à Loudun en 1586. Très jeune il choisit la carrière médicale afin de réaliser, selon G. Gilles de la Tourette qui détecte fort tôt les prémisses de sa vocation charitable, « une idée humanitaire »40. Comme il est sans doute aléatoire de lui prêter si précocement des intentions philanthropiques, on peut se contenter de noter qu’il a commencé à suivre à l’âge de seize ans des études de chirurgie au Collège de Saint-Côme, à Paris. La faculté de médecine lui était en effet interdite car il était protestant et que cette faculté n’accueillait que les catholiques. Il doit donc commencer ailleurs, peut-être à Poitiers41, des études médicales qu’il achèvera à Montpellier, ville de sûreté du protestantisme et dont la faculté de médecine était en conséquence ouverte aux réformés. En 1606, âgé de vingt ans, il obtient ainsi le titre de docteur en médecine de l’Université de Montpellier. Les biographes de Renaudot s’accordent ici à reconnaître qu’il a sans doute différé, en raison de son jeune âge, le moment d’exercer sa profession et qu’il a, dans la tradition de l’époque, voyagé pendant quelques années – deux ans au plus – probablement en Italie, en Hollande, en Allemagne, et, cette fois-ci c’est une certitude, en Angleterre42. Au terme de ce périple, il retourne habiter Loudun où il exerce, du moins selon ses dires, la médecine avec succès43 et où il fréquente le cercle littéraire organisé autour du poète et humaniste Scévole de Sainte-Marthe, ancien membre de l’Académie du Palais, cercle où il eut l’occasion de rencontrer l’un de ses habitués, Urbain Grandier. C’est à Loudun aussi qu’il fait la connaissance de François Le Clerc du Tremblay, dit le père Joseph, par l’intermédiaire duquel il est mis en contact avec Armand du Plessis, futur Cardinal de Richelieu qui n’est pour l’instant que l’évêque de Luçon. Cette rencontre avec Richelieu, qu’il faut sans doute situer vers 1610, est déterminante dans la carrière de Renaudot. Dès cette époque, en effet, Richelieu devient le protecteur de celui-ci, même si cette protection, en ce moment où l’Evêque de Luçon ne possède encore aucun pouvoir et se contente de faire partie du clan de ceux qui sont appelés à graviter autour de la Reine Mère Marie de Médicis, ne signifie pas grand-chose de bien concret. Il semble que ce soit aussi dès cette époque que Renaudot ait commencé à s’intéresser au problème de la pauvreté de masse qui affectait alors le Royaume de France en général et la région du Loudunais tout autant que les autres régions du pays. Au tournant du siècle, la misère atteignait il est vrai des proportions considérables du fait des à-coups de la conjoncture économique joints aux retombées des affrontements liés aux guerres de religion, et pendant des années encore cette misère allait constituer un problème social et politique tout à fait crucial. A partir de 1630, la politique de Richelieu, impliquant une augmentation constante des prélèvements fiscaux eut évidemment pour effet de l’aggraver plutôt que de la réduire44 La question de la pauvreté ne pouvait donc pas après la décennie 1610 et pendant plusieurs décennies encore, ne pas devenir une préoccupation centrale pour les élites politiques et religieuses du temps. Or il est incontestable, et on peut en donner acte à G. Gilles de la Tourette, que Renaudot a bien accordé à ce problème une place majeure puisqu’il a représenté en quelque sorte le centre de gravité autour duquel s’est organisé l’essentiel de sa carrière et qu’il a constitué le fil directeur reliant la plupart de ses entreprises. Que ce soit cependant dans un esprit exclusif de charité chrétienne et mu par un unique souci de philanthropie comme beaucoup de ses biographes n’ont pas hésité à l’affirmer45 que Renaudot ait abordé ce problème, est l’un des points que nous tenterons d’éclaircir ultérieurement.

16Il est toutefois certain que Renaudot dès ce moment est conduit à imaginer et à proposer un certain nombre de projets visant à réduire la misère dans le royaume et ce sont certainement ces projets qui ont attiré sur lui l’attention de Richelieu qui parvient à le faire nommer en 1612 médecin ordinaire du roi et à lui faire confier la mission de « s’employer au règlement général des pauvres du royaume ». A cette fin, il lui fait également obtenir le privilège de « faire tenir Bureaux et registres d’Adresses de toutes commodités réciproques des sujets du royaume ». Il convient toutefois de préciser que ces différentes charges et ces privilèges, hormis la charge de médecin ordinaire du Roi, ne furent suivis dans l’immédiat d'aucun effet concret, et qu’il en fut de même pour le titre de Commissaire général des pauvres du Royaume dont il fut investi en 1619. Les titres et privilèges devaient en effet pour devenir autre chose qu’honorifiques être confirmés par le Parlement qui ne manifesta aucun empressement à entériner les décisions du roi. Ce n’est donc en fait que lorsque le pouvoir de Richelieu sera réellement assis, c’est-à-dire en 1630 après la Journée des Dupes que sa protection sera véritablement efficace et sera susceptible d'imposer la volonté du roi face à un Parlement qui ne cessera à toutes les occasions d'affirmer son indépendance.

  • 46 En 1626, selon Solomon et en 1628 selon Jubert.
  • 47 H. M. Solomon, Public welfare..., op. cit., p. 19.

17En 1625 alors que commence vraiment l’ascension politique de Richelieu, Renaudot quitte Loudun pour s’installer à Paris et en 1626 ou 1628, selon les auteurs46, il se convertit au catholicisme. On s’est bien sûr demandé si cette conversion était sincère ou si elle était le simple effet d’une stratégie destinée à s’attirer définitivement les bonnes grâces de Richelieu. La plupart des biographes penchent pour la première hypothèse mais pour Solomon : « Renaudot’s baptism and seulement in Paris were not simply coincidental. By these two acts, he renounced his past and declared his active service to Richelieu »47. Il est certainement difficile de trancher véritablement dans cette question. On peut sans doute se contenter de faire remarquer que même si la conversion de Renaudot était sincère, elle était aussi incontestablement judicieuse. Pendant ces années, il pratique la médecine en attendant de pouvoir mettre en œuvre les projets ou plutôt le grand projet qu’il a formé, nous venons de le voir, depuis longtemps, celui de fonder un Bureau d’Adresse destiné à traiter sinon à résoudre le problème de la pauvreté. Ce n’est qu’en 1630, l’année même où Richelieu triomphe définitivement de ses adversaires politiques, qu’il peut enfin concrétiser ce projet.

1.2. Le Bureau d’Adresse

  • 48 Inventaire des Adresses du Bureau de rencontre où chacun peut donner et recevoir avis de toutes le (...)
  • 49 Ibid., p. 19.
  • 50 Mercure français, tome XX, adjonction à l’an MDCXXXVII, Paris, 1641, pp. 61-68.
  • 51 Ibid., p. 61.
  • 52 Inventaire..., op. cit., p. 15.

18Renaudot avait donc obtenu dès 1612 un brevet du roi qui lui donnait « pouvoir exclusivement à tous les autres d’établir les Bureaux de ces Adresses en tous les lieux de son obéissance » ainsi qu’il le rappelle dans l'Inventaire des Adresses du Bureau de rencontre48. Toutefois ce brevet ne fut finalement entériné par sentences du Lieutenant civil que le 5 mars 1630 seulement49 et ce n’est donc qu’à partir de cette date que le Bureau d’Adresse accéda à une existence « officielle ». Dans un texte plus tardif, le « Discours sur l'utilité des Bureaux d’Adresse, usage et commodité d’iceux » paru dans le Mercure français50, Renaudot a confirmé cette date en affirmant du Bureau d’adresse qu’« il avint l’an 1630 »51. Entre 1612 et 1630 il y eut bien, à plusieurs reprises, en 1617, 1618, 1624, 1628 et 1629 différents brevets, privilèges, arrêts du conseil qui confirmèrent le brevet de 16 1252 mais il fallut la décision du Lieutenant civil de 1630 pour que Renaudot puisse véritablement rendre publique l'ouverture du Bureau d’Adresse. On peut toutefois penser que le mode de fonctionnement en avait été arrête avant cette date et qu’il a pu même commencé à fonctionner un peu plus tôt par anticipation de la décision. Ce qui paraît étayer cette hypothèse, à laquelle beaucoup d’auteurs se rallient, c’est que le privilège de l'Inventaire date de 1629. On n’en doit pas moins toutefois s’en tenir à la date de 1630, donnée d’ailleurs par Renaudot lui-même, puisqu’elle est celle du dernier acte officiel donnant une existence légale au Bureau d’Adresse.

19Mais il reste à savoir en quoi consistait exactement celui-ci et en quoi il pouvait constituer un moyen de lutter contre la pauvreté. Et reste à savoir également si en le fondant Renaudot ne poursuivait pas d’autre objectif que celui-ci. Or il convient peut-être ici de distinguer les intentions affichées et les intentions réelles ou, plus exactement, car Renaudot d’une certaine façon ne cache pas qu’il puisse poursuivre à travers son Bureau d’Adresse un autre objectif que la lutte contre le paupérisme, les intentions hautement proclamées et celles qui sont plus discrètement mises en avant. Deux textes de Renaudot sont à cet égard très instructifs. Il s’agit d’une part de l'Inventaire... qui vient d’être cité et d’autre part du « Discours sur l’utilité... » que nous évoquions également précédemment. Toutefois ce « Discours » n’apporte en fait pratiquement aucun élément nouveau en ce qui concerne la façon dont Renaudot conçoit la finalité et l’utilité générale des Bureaux d’Adresse puisqu’il n’est, à un détail près, que la simple reproduction du texte de 1630.

  • 53 A l’exception notable de celle que lui a accordée Gilles Feyel, article « Feuille du Bureau d’Adre (...)

20L'Inventaire... apparaît à bien des égards comme un texte très important et alors même qu’il est très fréquemment évoqué, il nous paraît qu’il n’a jamais fait l’objet d’une attention critique suffisante53. Il est à remarquer d’abord que ce petit ouvrage est dédié au Commandeur de la Porte, qui n’est autre que l’oncle maternel de Richelieu, ce qui montre un Renaudot soucieux de cultiver ses liens avec le lignage du Cardinal dont on sait qu’il constituait le noyau de son « parti ». L’intérêt de ce texte réside cependant plus fondamentalement dans le fait qu’il constitue une sorte de long placard publicitaire destiné à vanter les mérites, à faire valoir tous les avantages de l'organisme que Renaudot vient de fonder. Il éclaire en conséquence sur la façon dont celui-ci en conçoit la finalité, mais le problème est que cette finalité est sinon ambiguë, à tout le moins susceptible d’une double interprétation.

21Cet Inventaire.., véritable manifeste en faveur des Bureaux d’Adresse, est un petit texte de trente-six pages qui se compose de quatre parties : une lettre-dédicatoire, adressée donc au Commandeur Amador de la Porte, précédée d’un quatrain en l’honneur de celui-ci et rédigé par Isaac Renaudot, l’un des deux fils de Théophraste, une préface, la reproduction des différents documents officiels, brevets, déclarations et privilèges qui s’étaient succédés depuis le premier brevet de 1612 jusqu à l'entérinement de 1630 et enfin l’inventaire proprement dit composé de trois livres, le tout suivi, si l’on veut être absolument précis, d’un court avertissement au lecteur. Or c’est par trois fois que Renaudot a, dans ces quelques pages, proposé une justification des Bureaux d’Adresse.

  • 54 Inventaire..., op. cit., p. 4.
  • 55 Ibid., p. 5.
  • 56 Ibid., p. 5.
  • 57 Ibid., p. 4.
  • 58 Ibid., pp. 5-6.

22La « lettre dédicatoire », en premier, assigne aux Bureaux d’Adresse une fonction très générale puisqu’elle les présente comme nécessaires « à l’établissement d’un dessein qui regarde si notoirement T utilité publique »54 mais aussi très précise car ce dessein n’est autre que « le règlement des pauvres »55. La finalité des Bureaux d’Adresse est donc très clairement spécifiée : ils entrent officiellement dans le cadre d’une lutte contre le paupérisme qui est un devoir reconnu dans la mentalité post-tridentine, et n’ont été inventés qu’à une seule fin : « le bien et soulagement des peuples »56. Or pour pouvoir procéder au règlement des pauvres, il faut détecter la cause essentielle de la misère qui du moins en ce qui concerne les pauvres valides n’est autre, selon Renaudot, que le chômage. Mais si la plupart des pauvres ne trouvent pas d’emploi c’est tout simplement « faute d’adresse des lieux et choses nécessaires à l’entretien de leur vie »57. En conséquence, il suffit de disposer d’un organisme permettant de fournir à ceux qui cherchent un emploi ces adresses qui leur font défaut pour que, par la résorption de sa cause : le chômage, disparaisse la pauvreté. Ainsi les Bureaux d’Adresse seront-ils des agences pour l’emploi avant la lettre, des lieux où « a toute heure les Pauvres [...] trouveront gratuitement avis des commoditez et occasions qu’il y aura de gagner leur vie, la plus charitable aumosne qu’on leur puisse departir »58.

  • 59 Ibid., p. 12.
  • 60 Ibid., p. 12.
  • 61 Ibid, p. 12.
  • 62 Ibid., p. 22.

23La « lettre-dédicatoire » de l'Inventaire est donc sans ambiguïté et n’assigne aux Bureaux d’Adresse aucune autre finalité sinon celle d’être des sortes de bureaux d’offres d’emploi facilitant la recherche du travail pour les pauvres valides. Cette même finalité des Bureaux d’Adresse leur est également assignée dans la « Préface » qui suit la « Lettre-dédicatoire ». Renaudot y analyse simplement un peu plus longuement et aussi de façon plus dramatisée les causes de la pauvreté et ses conséquences : « Entre toutes les causes de la pauvreté, constate-t-il, [...], l’une des plus manifestes et qui réduit les personnes de moindre condition au miserable estat de mendicité ou à soustenir leur vie par moyens illicites et finalement à l’Hostel Dieu si pis ne leur arrive. C’est qu’ils accourent à trouppes en cette Ville (...) sous l’esperance de quelque avancement qui se trouve ordinairement vaine et trompeuse ». Ils sont en conséquence « portez à la mendicité, aux vols, meurtres, et autres crimes enormes et par les maladies que leur apporte en bref la disette, infectent la pureté de notre air et surchargent tellement, par leur multitude, l’Hostel Dieu et les autres Hospitaux»59 mais il en propose toujours le même remède : « au lieu qu’ils pourront desormais une heure apres leur arrivée en cette Ville venir apprendre au Bureau s’il y à quelque employ ou condition presente, et y entrer beaucoup plus aysement »60. ce qui, ajoute-t-il, mais nous ne commenterons pas ces lignes pour l’instant, « fera discerner plus finalement les faineants et gens sans adveu, pour en faire la punition qu’il appartiendra »61. Enfin le chapitre IX du livre premier de l'Inventaire proprement dit résume sobrement l’essentiel de ce qui a été développé de façon détaillée auparavant. Le Bureau d’Adresse y est présenté comme « le plus asseuré moyen et précaution pour empescher la Pauvreté et mendicité d’advenir » en fournissant « promptement à tous ceux qui en sont menacez, les occasions de s’ayder de leur industrie et des autres moyens qu’ils ont en main... »62.

  • 63 Ibid., p. 9.
  • 64 Ibid., p. 10.
  • 65 Ibid., p. 10.
  • 66 Ibid., p. 9.

24Toutefois même si Renaudot ne varie pas en ce qui concerne la fonction qu’il assigne aux Bureaux d’Adresse d’une partie à l’autre de son ouvrage, on peut noter des différences assez notables entre la façon dont il présente cette fonction dans l’« Epitre dédicatoire » d’une part et dans la « Préface » de l'Inventaire de l’autre. Ce qui revient à constater que Renaudot ne présente pas exactement la même justification des Bureaux d’Adresse lorsqu’il s’adresse à l’oncle de Richelieu qui représente ici le pouvoir et l’organe qui dispense le privilège de droit, et lorsqu’il s’adresse au public lui-même auquel l’ouvrage est plus largement destiné. En effet, la « Préface » à l'Inventaire assigne aux Bureaux d’Adresse une finalité non pas différente mais beaucoup plus ample que celle que la « Lettre dédicatoire » leur avait conférée. Si celle-ci faisait des Bureaux d’Adresse une institution utile aux plus misérables, celle-là étend leur utilité à la société tout entière. Usant d’une image d’inspiration biologique, Renaudot présente en effet les villes et les Etats comme des corps composés de parties représentées par tant de « conditions, d’arts et de professions différentes »63. Or, cette métaphore organiciste a pour fonction de justifier la nécessité d’une coopération réglée entre ses différentes parties de façon à assurer la bonne marche de l’ensemble. Ce qui constitue en effet un frein au bon fonctionnement de la vie sociale est essentiellement l’absence de régulation des échanges de tout ordre au sein de la société civile où, déplore Renaudot, « la plus part des affaires humaines ne se font que par hazard »64. C’est par hasard en effet que l’on rencontre celui dont a besoin lorsque l’on veut par exemple se procurer un bien ou obtenir un service. Or, plutôt que de laisser ces rencontres au hasard avec tous les risques de déperdition que cela comporte (le hasard ne fait pas nécessairement bien les choses)65, il est nécessaire d’organiser rationnellement ces échanges et c’est là précisément qu’apparaît la nécessité des Bureaux d’Adresse qui doivent permettre à tous et à chacun de connaître les besoins, dans les domaines les plus variés, des uns et des autres, de façon à ce que chacun puisse agir de façon rationnelle, en connaissance de cause et, partant, avec une plus grande liberté. Que ce soit plutôt ainsi que Renaudot souhaite que le public perçoive la finalité des Bureaux d’Adresse, c’est ce qui ressort à l’évidence du texte suivant : « il semble manquer à la perfection de nostre société quelque lieu public qui soit comme la lunette d’approche, l’abregé et le ralliement de tant de pièces destachées, fournissant de notices generales à nostre intellect, d’especes à la mémoire et d’objéts à la volonté, à faute desquels elle est frustrée de son chois, la plus excellente des puissances de l’ame. C’est à quoy je préten remedier (mon Lecteur) par l’establissement d’un Bureau d’addresse et de rencontre de toutes les commoditez de la vie »66.

  • 67 Ibid., p. 11. Nous ne reproduisons pas en totalité ce passage des Essais, que Renaudot cite fort l (...)

25Assez curieusement, Renaudot s’adresse ensuite plus particulièrement aux hommes de lettres et à la fois leur fait miroiter les avantages qu’ils retireront des Bureaux d’Adresse et les utilise comme caution en reconnaissant sa dette à l’égard de Montaigne en ce qui concerne l’« invention » de tels organismes : « Pour servir de preuve a bien qu’il en reviendra aux hommes des lettres et montrer quel est leur avis sur cette matière, même en notre aage et en celuy de nos Peres : je transcriray icy le 34 Chapitre [du 1er livre] des Essais du Sieur de Montaigne. « Feu mon père (dit-il) homme, pour n’estre aydé que de l’expérience et du naturel, d’un jugement bien nét, m’a dit autrefois qu’il avoit desiré mettre en train qu’il y eust ez Villes certain lieu designé, auquel ceux qui auroyent besoin de quelque chose se pourroyent addresser, et faire enregistrer leur affaire à un Officier establi pour cét effect. Comme, je cherche à vendre des Perles, je cherche des Perles à vendre ; tel veut compagnie pour aller à Paris : tel s’enquiert d’un serviteur de telle qualité, tel d’un maistre : tel demande un ouvrier : qui cecy, qui cela, chacun selon son besoin. Et semble que ce moyen de nous entre’advertir apporteroit non legere commodité au commerce public. Car à tous coups il y a des conditions qui s’entre-cherchent, et pour ne s’entr’entendre laissent les hommes en extrême nécessité »67.

  • 68 « Discours sur l’utilité... », op. cit., p. 61.

26Dans la réédition de l'Inventaire parue dans le Mercure français Renaudot invoquera de plus, et c’est la seule variante que l’on peut constater entre les deux textes, l’autorité d’Aristote, pour justifier l’utilité du Bureau d’Adresse68.

  • 69 Inventaire..., p. 12.

27A cette justification très générale des Bureaux d’Adresse, Renaudot ajoute une justification plus particulière : il devrait en résulter un progrès du commerce. Il ne doute pas en effet que le trafic en sera « notoirement facilité » car « tout estant, par maniere de dire exposé aux yeux de ceux qui le voudront voir, il ne faut point douter que pour un marché, il ne s’en face trois »69. Et ce n’est qu’en dernier lieu que Renaudot en vient au problème de la pauvreté qu’il traite et résoud, nous l’avons vu, dans une perspective tout à fait comparable à celle qu’il avait adoptée dans la « Lettre dédicatoire ».

28Ce qui constitue la différence essentielle entre cette « Lettre dédicatoire » et l'Inventaire est donc bien l’importance respective qu’il accorde au problème de la pauvreté dans les deux textes : problème crucial qui à lui seul nécessite la fondation d’un Bureau d’Adresse dans le premier, il n’est plus désormais, dans le second, que l’un des nombreux problèmes de régulation sociale que, parmi d’autres, un tel organisme se propose de résoudre.

  • 70 Ibid., p. 21.
  • 71 Ibid., p. 26.
  • 72 Ibid., p. 30.
  • 73 Ibid., p. 22.
  • 74 Ibid., p. 23.
  • 75 Ibid., p. 24.
  • 76 Ibid., p. 27.
  • 77 Ibid., p. 27.
  • 78 Ibid., p. 27.
  • 79 Ibid., p. 29.
  • 80 Ibid., p. 29.

29La lecture de l'Inventaire proprement dit confirme l’analyse précédente. Cet Inventaire, ou « Sommaire des chapitres de l’inventaire des addresses du bureau ou table de rencontre », composé de trois livres formés chacun de vingt et un chapitres, n’est en fait qu’une sorte de prospectus détaillant la liste de tous les services qu’est susceptible d’offrir le Bureau d’Adresse. Or le chapitre premier du livre I ouvre cet Inventaire par de nouvelles métaphores qui elles aussi assignent au Bureau d’Adresse une finalité pour le moins très générale : « Ce Bureau d’Addresse ou table de rencontre est ainsi appelé de son effet pareil à celui des enseignes ou addresses des Carrefours et des tables qu’on met au commencement, où à la fin des livres, pour y trouver plustost ce qu’on y cherche »70. La suite de l'Inventaire, hormis les chapitres où Renaudot présente une justification des différents articles du règlement du Bureau d’Adresse (en particulier celui qui précise que l’entrée en est permise aux hommes seulement)71 ou bien répond par avance aux critiques qu’on pourrait lui adresser (en particulier celle qui consisterait à lui reprocher de s’adonner à une activité indigne d’un médecin)72, offre un éventail complet des différentes « adresses » que l’on pourra s’y procurer. Or sur les soixante-trois chapitres de cet Inventaire, un petit nombre seulement concerne le « règlement des pauvres ». Si les offres d’emploi constituent bien l’un des services assurés par le Bureau d’Adresse73, si celui-ci s’offre à servir d’intermédiaire entre les personnes désireuses de faire la charité et celles qui sont susceptibles d’être l’objet de celle-ci74, s’il est aussi à même de fournir les adresses de médecins, chirurgiens, apothicaires prêts à exercer gratuitement leur art75, les autres services proposés : fournir les adresses des académies pour exercices de la noblesse76, faire connaître les bénéfices à conférer, à permuter77 ainsi que les noms et demeures de toutes les personnes de considération : princes et officiers de la couronne, membres des cours souveraines78, le moyen de vendre et acheter des choses exquises79, donner des informations sur les mariages, les naissances, les morts80, etc., débordent très largement la fonction initialement assignée à cet organisme.

  • 81 H. M. Solomon, Public welfare..., op. cit., p. 53.
  • 82 G. Jubert, « Ambition... », op. cit., p. 29.

30On est donc, semble-t-il, autorisé à conclure au terme de cette analyse que Renaudot n’a pas fondé le Bureau d’Adresse dans le but exclusif d’en faire l’un des éléments de son programme de lutte contre le paupérisme. Tel est bien certes le motif pour lequel on l’a explicitement autorisé à fonder cet organisme. Tel est bien aussi le motif qu’il met en avant lorsqu’il s’adresse au représentant de la monarchie. Tel est bien même sans doute l’objectif qu’il poursuit sincèrement. Mais on ne peut nier qu’au-delà de cet objectif, Renaudot tentait en même temps de satisfaire des ambitions plus personnelles. Constat qui d’ailleurs n’a pas pour but de déprécier son action mais seulement de rectifier l’image transmise par la tradition hagio-biographique déjà évoquée et qui jusqu’ici n’a été que très prudemment remise en cause. Ainsi Solomon paraît-il interpréter cette ouverture du Bureau d’Adresse vers les couches moyennes et supérieures de la société comme un moyen de financer ses activités charitables : « If the Bureau aided the poor, « the most agreable end » said Renaudot, « that I could ever consider », it seems that upper and middle class citizens were the financial mainstays of the Bureau »81. Jubert, lui, reconnaît qu’il est difficile de dénier catégoriquement à Renaudot tout souci de son intérêt personnel82. Il nous paraît quant à nous que cette réserve quant au dévouement absolu de Renaudot aux intérêts des pauvres est très euphémisée, et qu’incontestablement il a joué de son crédit auprès de Richelieu pour mener à bien des entreprises qui lui étaient plus personnelles, ce qui s’avérait d’ailleurs plus ou moins inévitable dans un système social où le clientélisme était le mode quasi obligé de l’ascension sociale.

31Cette analyse poursuit aussi un autre objectif, celui d’éclairer la personnalité de Renaudot, ou plus exactement peut-être, de dégager les orientations essentielles de son action, sinon de sa pensée. Il apparaît en effet comme un homme avant tout soucieux d’intervenir dans la vie sociale – toute son activité ultérieure sera dirigée en ce sens – et d’y intervenir de façon novatrice. Même si ce qu’il a baptisé ses « inventions » ont toujours été plus ou moins inspirées de modèles pour la plupart étrangers, il le reconnaît d’ailleurs lui-même volontiers (c’est vrai pour le Bureau d’Adresse, et ce sera vrai également pour la Gazette et les Monts-de-piété), elles n’en reste pas moins d’authentiques innovations au regard de la réalité sociale française. Enfin, la justification que produit Renaudot du Bureau d’Adresse traduit également l’une de ses préoccupations majeures : favoriser la communication, sous toutes ses formes, au sein de la vie sociale. En tout cela se révèle l’indéniable modernité de Renaudot dont nous aurons encore plusieurs témoignages.

  • 83 Voir E. Hatin, Théophraste..., op. cit., H. M. Solomon, Public..., op. cit., p. 57, G. Jubert, « A (...)

32Le premier Bureau d’Adresse ouvrit donc ses portes en 1630 et s’installa rue de la Calandre, dans l’île de la Cité. Il connut immédiatement un formidable succès, au point qu’il fournit le sujet d’un ballet dansé au Louvre devant le roi83.

1.3. La fondation de la Gazette

  • 84 Sur la Gazette, et en particulier sur les circonstances de sa fondation, sur sa composition etc. o (...)

33Cette première innovation fut presque immédiatement suivie par celle qui a sans aucun doute le plus contribué à la renommée de Renaudot, la fondation en 1631 de la Gazette. Dans la mesure toutefois où cette dernière est moins directement liée aux Conférences du Bureau d’Adresse que la précédente, nous nous contenterons de renvoyer sur de nombreux points aux différentes études qui lui ont été consacrées84 et nous nous en tiendrons aux seuls éléments qui nous paraissent importants pour le traitement de notre sujet.

  • 85 Sur la préhistoire de la Gazette, voir tous les ouvrages qui viennent d’être cités.
  • 86 Recueil des gazettes... pour l’année 1631, Paris, 1632, Préface, p. 5.

34Renaudot est souvent crédité du mérite d’avoir été l’inventeur du journalisme en créant le premier journal français : la Gazette. En réalité tous les historiens ont à cœur de rectifier cette affirmation et de montrer que celle-ci avait été précédée, aussi bien à l’étranger (en Hollande en particulier) qu’en France, par des recueils de nouvelles aux appellations ainsi qu’à la périodicité ou à l’importance variables85. Renaudot lui-même reconnaît d’ailleurs, comme pour la fondation du Bureau d’Adresse, s’être inspiré de modèles étrangers : « La publication des gazettes est à la vérité nouvelle mais en France seulement »86. Au sens strict du terme, on ne peut donc considérer Renaudot comme l’inventeur de la presse périodique. Toutefois il est certain qu’il a donné à celle-ci un développement et un statut sans équivalents jusqu’alors et à ce titre, il peut authentiquement être considéré comme le père du journalisme français.

  • 87 Sur ces différents types de périodiques, consulter également les ouvrages précités.
  • 88 Ibid.

35Cette activité, qui paraît et est incontestablement très éloignée de sa formation médicale, peut toutefois s’inscrire dans la logique générale qui a commandé toutes ses entreprises. Car Renaudot peut être considéré avant tout comme un homme éminemment désireux d’intervenir dans la vie sociale et le souci dont il a témoigné dans la fondation du Bureau d’Adresse de faciliter la communication au sein de celle-ci peut parfaitement expliquer son activité journalistique, ainsi que le fait qu’il se soit consacré pleinement à cette activité qui est la seule qu’il put exercer jusqu’à sa mort. En ce cas encore, il convient de faire remarquer que le soutien de Richelieu se révéla déterminant pour que son protégé puisse obtenir en 1631 le privilège qui s’étendait d’ailleurs aussi à ses enfants, d’imprimer et d’éditer la Gazette ainsi que les autres périodiques qu’il adjoignit très rapidement à ce premier : Les Nouvelles ordinaires de divers endroits, les Relations des nouvelles du monde reçues dans tout le mois, les Extraordinaires et, éventuellement lorsque l’actualité l’exigeait, des Suppléments87. Il faut ajouter que ce privilège avait forcément pour conséquence d’interdire à tout autre, et en particulier aux libraires Vendosme, Martin et Pommeray qui l’avaient précédé dans la publication des Nouvelles ordinaires, toute future publication88.

  • 89 G. Feyel, « Richelieu et la Gazette... », op. cit.
  • 90 G. G. de la Tourette, La vie et les œuvres..., op. cit., p. 20.

36Que Richelieu ait accordé un soutien très actif à Renaudot en cette nouvelle circonstance ne surprend guère. Tout le monde s’accorde à reconnaître que le Cardinal – ministre perçut très rapidement l’intérêt que pouvait représenter pour lui une presse qui, dirigée par l’une de ses créatures, pourrait devenir une arme particulièrement efficace en faveur de sa politique si vivement contestée par de puissantes coalitions d’opinions et d’intérêts car, si la Gazette ne peut être strictement tenue pour le premier journal français, elle peut par contre sans conteste être considérée comme ayant été, selon le titre de l’article de Gilles Feyel, « aux origines de la presse de propagande»89. Sur ce point, tous les historiens sont parfaitement d’accord, même G. Gilles de la Tourette qui toutefois se croyait obligé d’en excuser Renaudot en faisant remarquer qu’« en servant la politique de Richelieu, Renaudot faisait acte de patriote à une époque où les princes de sang comme Condé n’hésitaient pas pour servir leurs intérêts personnels à offrir leur épée aux ennemis de la France »90.

  • 91 Voir E. Thuau, Raison d’Etat..., op. cit., pp. 108-109.
  • 92 Ibid., p. 169.
  • 93 Ibid., p. 169.

37La fondation de la Gazette s’inscrit en effet dans une conjoncture historique et politique précise. Richelieu, après la Journée des Dupes, vient d’échapper à une disgrâce qui paraissait inéluctable et en tire une force nouvelle qui lui permettra de dominer ses adversaires politiques représentés à la fois par les cercles proches de la Reine Mère et/ou de Gaston d’Orléans, la faction du parti dévot et de l’alliance espagnole et l’irrédentisme féodal des familles princières. Toutefois ses adversaires ne s’avouent pas vaincus et il fait l’objet d’attaques incessantes d’autant plus vives que son succès l’expose plus directement. Ces attaques viennent en particulier du parti dévot qui s’oppose farouchement à sa politique étrangère dont les deux volets, le conflit avec l’Espagne et l’hostilité aux Habsbourg de Vienne comme de Madrid, d’une part, et les alliances avec les pays protestants, de l’autre, l’alarment profondément91. Le Cardinal qui se sent encore très menacé, lutte bien sûr contre ses adversaires directement mais aussi de façon plus indirecte en tâchant de trouver un soutien du côté du public. Pour ce faire, il doit s’efforcer de gagner dans l’opinion une sorte de « parti » de Richelieu et tâche de rallier à lui au sein de la bourgeoisie parisienne, les serviteurs de l’Etat que sont les magistrats, les maîtres de requête qui avaient déjà soutenu Henri IV. C’est dans cette circonstance précise qu’il prend conscience de la nécessité de disposer d’une arme de propagande destinée à lui assurer, selon la formule de Thuau, « le gouvernement des esprits »92. Certes, reconnaît ce dernier « il y avait déjà eu dans l’histoire des entreprises de propagande mais, poursuit-il, Richelieu a compris et organisé la propagande politique avec une perfection et une efficacité qu’elle n’avait pas encore eues »93.

  • 94 A. Adam, Histoire..., op. cit.
  • 95 Ibid., p. 214.
  • 96 E. Thuau, Raison d’Etat..., op. cit., p. 214.
  • 97 A. Adam, Histoire..., op. cit., p. 225.
  • 98 Ibid., p.226.
  • 99 Ibid., p. 227. Sur son rôle toutefois de normalisation des pratiques littéraires, voir R. Chartier (...)

38Pour ce faire, Richelieu entreprend d’abord de donner naissance à une véritable littérature de propagande en mobilisant à son service de nombreux écrivains. Déjà, dans son Histoire de la littérature française au xviie siècle94, Antoine Adam avait analysé le rôle joué par Richelieu dans la vie littéraire française à partir de son arrivée au pouvoir en 1624. « Le Cardinal, reconnaissait-il, aimait les belles-lettres et plus encore le théâtre » mais, ajoutait-il, « quel que fut son amour désintéressé des belles-lettres, on risque de ne rien comprendre à l’attitude de Richelieu si l’on ne voit pas qu’il a considéré les écrivains comme les propagandistes de la politique et qu’il a prétendu les obliger à servir, comme il avait discipliné les autres forces du royaume »95. A. Adam a le premier indiqué les noms des écrivains qui, de différentes façons, ont servi la politique de Richelieu soit en exaltant le génie du Cardinal et son œuvre, soit de façon plus indirecte en rédigeant des ouvrages théoriques développant les thèmes essentiels de sa pensée politique, thèmes qui peuvent d’ailleurs se résumer en un seul mot d’ordre : l’exaltation de la Raison d’Etat. Ce sont Boisrobert, Silhon, Guez de Balzac, Colomby, Chapelain. A partir de 1628-1630, Richelieu marque encore davantage son emprise sur la littérature en instituant, une sorte de « mécénat d’Etat »96, entreprise qui trouva son parachèvement dans la création de l’Académie française, organisme dont la fondation correspond, nous l’avons déjà montré, à l’institutionnalisation et au contrôle par le pouvoir monarchique de ce groupe d’écrivains attachés au service du Cardinal et dont, souligne A. Adam, ce dernier « attendait une docilité absolue »97. L’Académie française fournissait ainsi en particulier « les polémistes dont le Cardinal avait besoin pour répondre aux libelles des publicistes ennemis »98 au premier plan desquels figurait Mathieu de Morgues, dit l’Abbé de Saint-Germain, anciennement au service de Richelieu quand celui-ci faisait partie du camp des amis de la Reine-Mère et qui, pour cette raison, le connaissait fort bien et pouvait, le temps des reniements venus, dénoncer ses pratiques en connaissance de cause. Tout ceci n’épuise pas le rôle qu’a pu jouer l’Académie française et surtout, bien sûr, celui des écrivains qui la composaient et il serait abusif, prévient A. Adam, « de ne voir en elle qu’un instrument de tyrannie »99.

  • 100 G. Gilles de la Tourette, La vie et les œuvres..., op. cit., p. 20.
  • 101 Ibid., p. 20.
  • 102 E. Hatin, Histoire..., op. cit., p. 105.
  • 103 Op. cit., p. 88.
  • 104 G. Jubert, « L’homme Renaudot », op. cit., p. 14.
  • 105 G. Jubert, « Ambition... », op. cit., p. 20.
  • 106 G. Feyel, « Richelieu et la Gazette... », op. cit., p. 105.
  • 107 Ibid., p. 106.
  • 108 Ibid., p. 109. H. Solomon, E. Thuau, R. Chartier ont émis eux aussi des jugements très comparables (...)

39Le second volet de l’entreprise de contrôle et de direction de l’opinion conduite par Richelieu fut précisément le soutien très actif accordé à Renaudot et à la Gazette, que le Cardinal transforma très rapidement en organe quasi officiel du pouvoir. Sur le caractère orienté de la Gazette, aucun doute ne subsiste. G. Gilles de la Tourette mettait déjà ainsi en évidence le parallélisme entre la politique de Richelieu et le contenu des gazettes100 et montrait comment Richelieu offrait, voire imposait sa collaboration à celle-ci, suivi en cela par Louis XIII lui-même101. E. Hatin, de son côté, souligne que « Richelieu prenait un intérêt tout particulier à la Gazette qu’il regardait comme un puissant moyen de gouvernement ; il y envoyait, ajoute-t-il, des articles entiers et y faisait insérer ce qu’il avait intérêt à faire connaître à l’Europe »102. On lit par ailleurs dans l'Histoire générale de la presse française que « le protégé du Cardinal mit au service de son bienfaiteur une feuille susceptible de justifier sa politique anti-hasbourgeoise ; de fait Louis XIII et son ministre utilisèrent souvent la Gazette anonymement »103. G. Jubert écrit de son côté : « la Gazette on le sait, était le journal « officiel » du pouvoir. Le roi et le Cardinal écrivaient régulièrement dans la Gazette et en surveillaient de très près le contenu. Renaudot n’avait qu’à mettre « en forme selon son habitude ordinaire » les nouvelles qui lui étaient communiquées »104 et dans un autre article, il cite le mot d’Averiel : « La Gazette de Renaudot, en réalité, la Gazette de Richelieu... »105. Enfin, Gilles Feyel présente la Gazette comme étant « au centre du système d’information et de propagande mis peu à peu en place par le Cardinal »106, considère qu’elle remplissait la fonction « d’un véritable monopole de l’information au service de l’Etat monarchique »107 et affirme que Renaudot fut « l’exécutant très fidèle, apprécié et irremplaçable de la politique d’information de Louis XIII et de Richelieu »108.

  • 109 Voir en particulier les articles précités.
  • 110 E. Thuau, Raison d’Etat..., op. cit., p. 221.
  • 111 G. Feyel, « Richelieu et la Gazette... », op. cit. p. 117. Solomon fait ainsi remarquer que la Gaz (...)
  • 112 G. Feyel, « Richelieu... », op. cit., p. 115.

40Il serait intéressant d’analyser ici la façon dont la Gazette a rempli sa fonction d’organe de propagande de la politique de Richelieu, mais là encore nous devons nous contenter de renvoyer aux travaux déjà effectués sur cette question109 et en résumer l’essentiel. La Gazette a tout simplement utilisé les armes traditionnelles de la presse « inspirée » selon le mot de Thuau110 en étant aussi bien – et c’est surtout cet aspect que retiennent les premiers historiens de la Gazette – l’organe où s’exprime directement le pouvoir de l’Etat représenté par Louis XIII et son ministre, qu’en fabriquant une opinion selon des recettes sans doute nouvelles pour l’époque mais qui depuis ont fait leurs preuves : on mettait l’accent sur les faits favorables au pouvoir et on passait sous silence ou l’on minimisait, lorsqu’on ne pouvait les cacher, tous ceux qui allaient au sens contraire. Ainsi pour ne donner qu’un exemple, on exaltait les victoires militaires remportées par les armées du roi et l’on omettait d’évoquer leurs défaites111. Ou bien encore la Gazette s’efforçait de créer une opinion favorable au pouvoir royal en prenant soin de souvent valoriser le roi en donnant l’image idéale de roi père de son peuple, assidu aux devoirs de sa fonction, etc.112.

  • 113 G. Jubert, « L’homme Renaudot », op. cit., p. 14, repris dans « Ambition... », op. cit., p. 22.
  • 114 Response à l’examen de la Requeste présentée à la Reine par Mr Théophraste Renaudot, Portée à son (...)
  • 115 Voir par exemple le Catholicon français ou Plainctes de deux chasteaux, rapportées par Renaudot, M (...)

41En tout ceci, Renaudot se révéla effectivement l’exécutant fidèle des volontés du roi et de son ministre. Il n’avait d’ailleurs guère le choix car le soutien que lui apportait Richelieu exigeait de lui en contrepartie une obéissance absolue aux ordres du Cardinal. G. Jubert cite à ce propos le mot de ce dernier : « la Gazette fera son devoir ou Renaudot sera privé des pensions dont il a joui jusqu’à présent »113. Renaudot reconnut d’ailleurs lui-même sa dépendance à l’égard du pouvoir royal lorsqu’il dut se défendre, après la mort du roi et de son ministre, d’avoir été le serviteur un peu trop zélé de leur politique. « Chacun sait, dit-il, que le roi défunt ne lisait pas seulement mes gazettes et n’y souffrait pas le moindre défaut, mais qu’il m’envoyait presque ordinairement des mémoires pour y employer. Ce que d’ailleurs son conseil me dictait, ce que sa majesté approuvait, et où elle ne trouvait rien à redire me doit-il être aujourd’hui reproché après une suite de tant d’années »114. Il convient d’ajouter que personne n’était dupe de cette mainmise du pouvoir sur l’information et les adversaires de Richelieu ne se sont pas fait faute de la dénoncer, différents libelles de l’époque en sont la preuve115.

  • 116 P. Albert, « Renaudot et le journalisme », Cahiers..., op. cit., p. 36.
  • 117 N. Peiresc, Correspondance, éditée par Ph. Tamizey de Larroque, Paris 1888-1898, notamment t. II, (...)
  • 118 Ch. Sorel, La bibliothèque française, Paris, 1664, p. 326, cité par Solomon, op. cit., p. 124.

42Toutefois, de la même façon qu’Antoine Adam prévenait de ne voir dans l’Académie française qu’un instrument au service de la politique de Richelieu, il serait abusif de limiter le rôle qu’a pu jouer la Gazette en son temps à celui d’un simple instrument de propagande. Ainsi, assure Pierre Albert, « la lecture suivie de la Gazette démontre à l’évidence qu’elle est autant un instrument de propagande qu’un moyen de diffuser des nouvelles »116 et c’est ce qui explique sans aucun doute le très grand succès qu’elle connut immédiatement, elle aussi. Elle répondait, en effet, malgré son orientation systématique, à un besoin d’information que ressentaient ces mêmes milieux qui fournissaient le public des assemblées savantes, besoin qui allait grandissant et dont témoigne par exemple la correspondance de Peiresc qui, vivant en province ne recevait la Gazette qu’avec retard ou de façon irrégulière et qui, à plusieurs reprises prie en conséquence Jacques Dupuy d’intervenir auprès de Renaudot pour que celui-ci lui envoie régulièrement ses gazettes117. Ce public devait somme toute se ranger à l’avis de Charles Sorel qui reconnaissait en dernière instance le caractère informatif de la Gazette lorsqu’il écrivait que « Si on prétend avoir sujet de se plaindre de ce qu’on y voit quelque fois des choses trop exagérées, et d’autres qui ne sont pas extrêmement selon la vérité, il faut prendre garde que les choses éloignées ne sont écrites que sur la foi d’autrui, et que de plus il arrive souvent qu’une gazette corrige l’autre, de sorte qu’on ne peut manquer de trouver la vérité quand on les voit toutes »118.

2 – Les conférences du bureau d’adresse

43Il faut croire que la direction du Bureau d’Adresse et la rédaction de la Gazette, jointes à sa fonction de médecin ordinaire du Roi ne suffisaient pas à satisfaire le besoin d’activité de celui qui, pour beaucoup, ne fut plus désigné désormais que sous le nom de gazetier, puisqu’il organisait à partir de 1632 dans la grande salle du Bureau d’Adresse, des conférences dont les comptes rendus furent publiés dès 1633. En ce domaine, Renaudot fait donc encore une fois figure de précurseur. Exception faite en effet du Cabinet des frères Dupuy qui constituait un des hauts lieux de la sociabilité savante depuis 1617 environ, aucune académie de quelque importance n’est antérieure aux Conférences du Bureau d’Adresse. Bien plus, quelles que soient les particularités qui distinguent ces dernières aussi bien de l’Académie putéane que des différentes académies qui verront le jour ultérieurement, ces conférences s’inscrivent, et aux mêmes titres que celles-ci, dans le mouvement de la vie intellectuelle de l’époque et témoignent elles aussi de la remarquable aptitude de Renaudot à se saisir des possibilités de « l’esprit de son temps » et à répondre par ses différentes initiatives aux besoins éprouvées par les éléments les plus dynamiques – sur tous les plans – et en ce cas précis sur le plan intellectuel, des couches sociales en extension et en ascension.

2.1. Les Conférences du Bureau d’Adresse : une certaine idée de l’académisme

44On peut en effet d’abord constater la présence, dans l’énoncé des buts et des ambitions des Conférences, dans l’image que Renaudot s’efforce d’en donner ainsi que dans l’image que ceux qui y participent s’en font, de la plupart des thèmes majeurs qui structurent la vie intellectuelle du premier xviie siècle français et lui donnent sa physionomie originale. Les textes de Renaudot les plus significatifs à cet égard sont « l’Avis au lecteur » et la « Préface aux conférences » qui ouvrent tous deux la Première Centurie des questions traitées ez Conférences du Bureau d’Adresse d’une part, et « L’ouverture des Conférences du Bureau d’Adresse » qui précède la Seconde Centurie... d’autre part. Quelques pages des Conférences sont également fort instructives.

2.1.1. Académisme et communication

45Nous avons affirmé plus haut que le développement en France de la sociabilité savante sous sa forme académique avait pris sa source dans le besoin fortement éprouvé par les élites intellectuelles de l’époque à la fois de communiquer d’une façon générale, mais aussi de communiquer autre chose et de communiquer autrement que dans les lieux traditionnellement destinés à la diffusion du savoir. Or, en organisant ces Conférences, Renaudot énonce explicitement son intention d’instituer un nouvel espace susceptible de répondre à ce triple besoin, dont le premier va d’ailleurs dans le droit fil de l’une de ses préoccupations essentielles.

  • 119 Première Centurie..., Préface sur les Conférences, p. 1.
  • 120 Ibid., p. 1.
  • 121 Ibid., p. 1.
  • 122 Quatrième Centurie..., p. 420.

46La « Préface sur les Conférences » qui ouvre la Première Centurie indique en effet clairement qu’en adjoignant les conférences aux différentes « nécessités et commodités réciproques »119 que permet de satisfaire le Bureau d’Adresse, celui-ci va ajouter à toutes ces commodités « celle qui se recueille de la conférence des esprits au dire des plus excellents auteurs, la plus excellente communication, voire la plus nécessaire qui soit au monde »120. Renaudot insiste sur l’importance de cette communication des esprits qui n’est qu’une forme particulière du « commerce » en général, c’est-à-dire de la communication et de l’échange : « s’il est nécessaire que le commerce ne soit point interdit à la meilleure partie de l’homme, tandis qu’il est libre à tout le reste : et s’il est vrai ce que dit Cicéron en ce beau discours de Scipion qu’il nous veut faire passer pour songe, que toutes les merveilles du Ciel ne contenteraient point l’esprit de celui qui ne trouverait personne à les raconter »121. Cette conception des Conférences comme instrument de la communication intellectuelle est partagée également par ceux qui y participent et l’un d’entre eux définit ainsi la conférence comme « le commerce des âmes »122.

2.1.2. L’Académie et l’Ecole

47Dans l’esprit de Renaudot, les Conférences du Bureau d’Adresse n’ont pas cependant seulement pour ambition d’être un espace de communication, elles revendiquent aussi celle d’être un lieu où l’on pourra communiquer autre chose et autrement que dans les lieux traditionnellement destinés à cet effet. Renaudot est ici très conscient du caractère novateur de son entreprise ; il sait qu’il va offrir à ses contemporains les moyens d’instaurer une forme de communication dans l’ordre intellectuel qui va s’effectuer selon des modalités renouvelées et différentes de celles qui régnaient dans le lieu chargé depuis le Moyen-Age de la diffusion du savoir, à savoir l’Ecole. C’est pourquoi on rencontre à plusieurs reprises dans l’exposé des intentions le thème quasiment obligé à l’époque de l’opposition à l’Ecole, mais qui est énoncé et argumenté de façon suffisamment originale pour qu’il soit nécessaire de l’analyser de façon détaillée.

  • 123 Première Centurie..., Préface, p. 1.
  • 124 Première Centurie..., Préface, pp. 1-2.

48Renaudot certes, comme beaucoup de ses contemporains, lie innovation dans le domaine de l’échange intellectuel et opposition à l’Ecole ; toutefois il ne prend ses distances avec cette dernière qu’avec beaucoup de mesure et de discrétion. Si, en effet, affirme-t-il en substance, les Conférences vont faire du Bureau d’Adresse un lieu où l’on cultive la raison, il serait outrecuidant d’oublier qu’« une infinité de doctes personnages [aussi la] cultivent soigneusement dans leurs écoles »123 et les Conférences ne revendiquent en conséquence qu’une seule originalité par rapport à ces dernières : « si est-ce que nous pouvons dire sans déroger au respect qui leur est du, comme à de bonnes mères nourrices, qu’il n’y a point eu jusques ici de lieu en ce Royaume, qui fut particulièrement destiné à se faire part les uns aux autres de cette estude, nettoyée de la poussière qui toute inséparable qu’elle est de sa production, toutefois lorsqu’elle est séparée, accroist son prix et la rend de meilleur débit. J’entends ces termes de l’escole qui font sembler les meilleurs discours à un soulier rempli de sa forme : ou, pour les traiter plus magnifiquement, à une voûte garnie des chevrons qui lui ont servi de cintre, et desquelles si vous recognoissez encore quelques traces en nos premières exercices, imputez-le à la difficulté de dépouiller si tost cette seconde nature, qu’on appelle la coustume »124. On peut ainsi constater que Renaudot n’exprime l’ambition novatrice de ses Conférences par rapport à la scolastique que sous une forme extrêmement atténuée et plutôt que de prétendre supplanter celle-ci en proposant une tout autre philosophie, ce qui sera l’ambition de Descartes, de Mersenne ou de Gassendi par exemple, n’assigne plus modestement à ses Conférences que la tâche de la « dépoussiérer » en quelque sorte, de la débarrasser en particulier pour ce faire de toutes les lourdeurs lexicales qui la surchargent afin de la rendre plus « présentable » car, les images choisies en témoignent, ce sont bien davantage des raisons esthétiques qui motivent son entreprise que des raisons théoriques plus essentielles. De plus, non sans circonspection, Renaudot ne se flatte pas par avance de pouvoir mener à bien cette entreprise tant il paraît convaincu que l’empreinte de la scolastique reste puissante, sinon dans les esprits, du moins dans les habitudes langagières de ses contemporains.

  • 125 Œuvres de Descartes, publiées par Ch. Adam et P. Tannery, Discours de la Méthode et Essais, VI, p. (...)

49La modestie avec laquelle les ambitions novatrices des conférences sont affichées peut très bien toutefois s’expliquer par des raisons de prudence et l’hommage rendu aux Ecoles « bonnes mères nourrices » peut très bien n’avoir pour but que de ne pas heurter de front une institution au prestige certes entamé mais qui continue cependant à peser du poids le plus lourd aussi bien sur le plan intellectuel que socio-politique. Il pouvait donc être stratégiquement plus sage de ne pas présenter trop ouvertement les Conférences comme le lieu d’une possible subversion dans l’ordre intellectuel destinée à ébranler les fondements d’une institution encore puissante. Descartes lui-même a mis beaucoup de soin quelques années plus tard dans le Discours de la méthode à ménager celle-ci, en précisant que son désir de réforme intellectuelle ne concernait que « ses propres pensées » et qu’il ne nourrissait pas le dessein « de reformer le cors des sciences, ou l’ordre establi dans les escholes pour les enseigner »125. Ce qui, on le sait, ne correspondait pas à ses intentions réelles puisqu’il souhaitait de fait que sa philosophie fût enseignée dans les collèges en lieu et place de la scolastique.

  • 126 Première Centurie..., Avis au lecteur, non paginé.

50L’extrême mesure de l’opposition qu’exprime Renaudot à l’égard de celle-ci n’est pourtant pas seulement stratégique, pour autant qu’elle le soit réellement. De fait, l’étude du contenu des Conférences révélera que cette opposition, pourtant plusieurs fois réaffirmée et parfois plus nettement par certains conférenciers que par Renaudot lui-même, restera davantage pour beaucoup une opposition de principe plutôt qu’une opposition réelle. Les pesanteurs intellectuelles se révéleront toujours très lourdes et le relevé de leur présence contribuera à nuancer l’opposition un peu schématique que nous n’avons pour l’instant que partiellement tenté de corriger entre une institution universitaire et collégiale figée dans le respect de la tradition et une vie académique résolument tournée vers la nouveauté. De fait, bon nombre des conférenciers de Renaudot se signaleront par leur attachement à une tradition qu’ils ne souhaitaient pas voir remettre en question, au point même, est-il précisé, que certains « eussent desiré qu’on n’eust point laissé avancer d’opinion contraire à celle de l’Eschole. »126 Ainsi l’on sait par avance que l’académie de Renaudot rassemblera novateurs et traditionalistes, conformément à ce qu’était la réalité des relations pluri-tendancielles au sein de la vie intellectuelle de l’époque. C’est peut-être pourquoi, désireux de ménager tout le monde, il adopte une position ambiguë, opérant des ouvertures mais donnant aussi des gages ou essayant de ne pas trop inquiéter les tenants d’une tradition encore puissante.

2.1.3. Académie et liberté de penser

  • 127 Ibid.
  • 128 Première Centurie, Préface aux conférences, p. 2.
  • 129 Voir R. Descartes, Discours de la méthode, en particulier 2e partie, 1re règle de la méthode, B. P (...)
  • 130 Quatrième Centurie..., p. 418.
  • 131 Ibid., pp. 418-419.
  • 132 Ibid., p. 419.
  • 133 Première Centurie..., Avis au lecteur.
  • 134 Seconde Centurie..., Ouverture des conférences, p. 7.
  • 135 Ibid.
  • 136 Première Centurie..., Avis au lecteur.

51Cependant elle ne Tétait peut-être pas suffisamment pour que la proposition de ses champions fût agréée. Celle-ci allait en effet trop manifestement à l’encontre de ce qui était en train de devenir le leitmotiv dominant de la pensée de l’époque : le refus de l’autorité et son pendant, la prétention à penser librement. L’académie de Renaudot a donc refusé de rester inféodée en matière de doctrine à l’Ecole au nom de l’argument selon lequel « cela semble repugner à la liberté de nostre raisonnement qui perdrait son nom s’il demeurait entierement captivé sous la férule d’une authorité magistrale »127. Ainsi si Renaudot et ses conférenciers craignent ou ne désirent pas s’opposer radicalement à la philosophie de l’Ecole, ils ne craignent pas toutefois et même revendiquent fièrement le droit de philosopher librement. Cette liberté de philosopher s’est exprimée essentiellement par le refus d’alléguer les autorités, refus qui repose « outre le désir de brièveté, sur ce fondement que si l’autheur a parlé avec raison, elle doit suffire sans son authorité : sinon, hors la loi divine et celle du Prince, une authorité ne doit point faire de force sur des ames libres »128. Là encore, en choisissant de ne se soumettre qu’à l’autorité de la raison, Renaudot exprime Tune des idées – force de l’époque et que développeront à leur tour magistralement aussi bien Descartes que Pascal pour ne citer qu’eux129. Les conférenciers, à leur tour, ont repris le thème. L’un d’entre eux récuse ainsi la méthode qui consiste à vouloir « faire croire magistralement, grand défaut des précepteurs » car explique-t-il, « rien n’irrite plus notre franc-arbitre que la nécessité qu’on luy veut imposer de croire en des choses où son chois doit estre libre »130. Au contraire, prétend-il quelques lignes plus loin, « ceux qui nous représentent les différens avis et leurs raisons contraires les unes aux autres rendent le mesme respect à notre jugement que font les Avocats aux Juges » qui se prononcent sur le plaidoyer des parties131. Un autre intervenant désapprouve lui aussi au cours de la même conférence la méthode qui consiste à « dicter des authoritez comme autant de loix contre lesquelles, ajoute-t-il, la liberté humaine se cabre toujours plus volontiers qu’elle n’y acquiesce »132. Ce souci de respecter la liberté de jugement de chacun sera donc l’une des règles affirmées des Conférences et sera l’une des raisons pour lesquelles celles-ci consisteront, ainsi que nous le verrons mieux ultérieurement, en une simple succession d’avis sans conclusion imposée : « En vous estallant les avis d’un chacun et vous en laissant le chois, se justifie Renaudot, la Conférence fait voir combien elle défère au jugement de son lecteur »133. Ainsi les conférences revendiquent-elles le mérite d’instaurer en leur sein ce « libéral commerce des esprits »134 qui les ont fait tellement estimer, aux dires de Renaudot, de certains participants135. Il faut toutefois ajouter pour être complet que Renaudot a allégué une autre raison pour plaider en faveur de la liberté du jugement, raison qui peut paraître superficielle et naïve, mais qui correspondait bien à l’esprit du temps friand de physio-géographie, à savoir que de la soumission à l’autorité, « l’humeur de notre nation s’accommode encore moins qu’aucune autre »136.

2.1.4. Des limitations attendues

  • 137 Première Centurie..., Préface, p. 2.
  • 138 R. Descartes, Œuvres..., op. cit., VI, p. 28.
  • 139 Ibid., pp. 23-24.
  • 140 R. Pintard, Le libertinage..., op. cit.

52Cette liberté de penser et de juger que revendiquent Renaudot et les conférenciers ne pouvait cependant être totale. Deux domaines : le religieux (la « loi divine ») et le politique (« celle du prince ») furent donc soustraits a priori à toute discussion collective. Ainsi Renaudot avertissait-t-il ses lecteurs : « de peur d’irriter les esprits aisez à échauffer sur le fait de la Religion, on renvoyé en Sorbonne tout ce qui la concerne. Les mystères des affaires d’Estat tenans aussi de la nature des choses divines, desquelles ceux-là parlent le mieux qui parlent le moins, nous en faisons le renvoi au Conseil, d’où elles procèdent. Tout le reste se présente ici à vous pour servir d’une spacieuse carrière à vos esprits »137. On ne peut pas là encore ne pas penser à Descartes qui dans le Discours de la méthode prenait garde de préciser que la mise en question méthodique des vérités considérées jusqu’alors comme les mieux établies, à laquelle il entreprenait de se livrer, ne s’exercerait ni à propos des vérités de la foi qui ont été, assurait – il, « toujours les premieres en ma creance »138 ni à propos des règles de la vie morale et sociale, auxquelles il choisissait de conformer sa conduite139. Il est certain que Renaudot ne pouvait guère permettre que fussent traités dans des conférences publiques des sujets politiques et religieux et l’on comprend qu’il les ait écartés prudemment, à l’aide d’arguments qui se gardaient bien d’aller au fond des choses. Si l’on s’en tient au seul domaine du religieux, on se doute qu’il ne pouvait par exemple prendre le risque de voir éventuellement soutenir au cours des conférences des opinions libertines dont René Pintard a révélé à quel point elles avaient pu gagner à l’époque la faveur d’une partie relativement importante des élites intellectuelles, mais qui n’osaient s’exprimer librement que dans le secret de ces cercles étroitement réservés qu’étaient certaines assemblées savantes (celles qui étaient fermées au public) ou certaines simples réunions d’amis140.

  • 141 Seconde Centurie..., Ouverture des Conférences, p. 7.
  • 142 Ibid., p. 7.

53Nous constaterons que dans l’ensemble les conférenciers ont respecté ces limites imposées à la liberté d’expression, limites qui, selon Renaudot, n’étaient pas véritablement perçues comme telles puisqu’elles étaient auto-imposées et qu’elles n’entraient donc pas en contradiction avec « cette liberté publique donnée à tout homme d’honneur, de se produire et dire ce qu’il pense en ces Conferences reglées dans les bornes qu’elles se sont-elles-mesmes prescrites, et qui s’y observent s’y estroitement, qu’aucun des plus sévères Censeurs des plus augustes Corps et Compagnies souveraines qui en font souvent partie, n’y ont jusques ici trouvé rien à redire »141. En conséquence, la liberté de parole finalement autorisée en ses conférences pouvait même constituer un témoignage à l’égard de la postérité du libéralisme du gouvernement de Louis XIII et de Richelieu puisqu’elle offrait la preuve de « la genereuse façon d’agir de ceux qui gouvernent, diametralement opposée à l’esclavage tyrannique de quelques autres »142. On ne peut évidemment pas s’empêcher, quand on sait ce que fut dans la réalité le gouvernement de Richelieu tout entier tendu par la volonté d’imposer l’absolu pouvoir du roi, de soupçonner dans ces dernières lignes quelque flagornerie !

2.1.5. Les ambitions théoriques

  • 143 Première Centurie..., p. 3.
  • 144 Quatrième Centurie..., p. 53.

54En analysant maintenant les raisons qui ont été alléguées en faveur de la liberté de penser, hormis la dernière qui est sans grand intérêt, nous constatons que cette liberté n’est pas véritablement et même pas du tout considérée ainsi qu’elle l’était à l’époque généralement, comme le moyen de faire progresser le savoir en se détournant d’une tradition jugée stérilisante et c’est pourquoi sa revendication n’a pas pour corollaire, comme c’était le plus souvent le cas, la mise en avant de vastes ambitions théoriques. Si en effet Renaudot, dans « l’Avis au lecteur » de la Première Centurie, prête aux Conférences l’intention très générale de participer à la « recherche de la vérité », si dans ce même texte la science est présentée comme le « prix de la course d’honneur qu’est la conférence », si les intervenants prêtent aussi à celle-ci l’ambition de « parler de toutes les belles choses qui se trouvent dans les sciences »143 et « d’éclaircir les matières les plus intriguées de la philosophie mais aussi de tout ce qui tombe dans le commerce des hommes »144, cela ne constitue, somme toute, qu’un programme théorique relativement flou, voire très minimaliste et prouve que les Conférences du Bureau d’Adresse n’ont pas affiché, dans le domaine de la recherche scientifique en particulier, d’ambitions comparables à celles que pouvaient affirmer d’autres assemblées savantes à la même époque.

  • 145 Première Centurie..., Préface, p. 2.

55De fait, ce sont apparemment des ambitions davantage pédagogiques et mondaines qui les animèrent. Des ambitions pédagogiques d’abord et c’est là la raison pour laquelle ces conférences étaient publiques, ce qui témoigne que Renaudot les a conçues dans un esprit très différent de celui qui animait par exemple l’Académie putéane. Celle-ci cultivait en effet volontiers un certain goût du « secret ». Ses membres éprouvaient en conséquence le sentiment de composer en quelque sorte un groupe élu et en faire partie constituait à la fois un privilège et une distinction qui n’étaient octroyés qu’avec parcimonie et à bon escient. Renaudot a au contraire ouvert une académie au public pour en faire un instrument de la vulgarisation du savoir hors du cercle étroit de ceux qui participaient à son élaboration. Si, en effet, la communication du savoir apparaissait bien comme une nécessité à ceux qui éprouvaient le sentiment d’appartenir à cette communauté privilégiée que constituaient les membres de la République des Lettres, il faut ajouter que cette communication restait tout de même enserrée dans des bornes étroitement délimitées, celles précisément du monde lettré. Renaudot, quant à lui, a tenté d’étendre les frontières de ce domaine et la façon dont il détermine l'utilité des conférences en témoigne puisque, résume-t-il, « le jeune s’y façonne, le vieil y rafraîchit sa mémoire, le docte s’y fait admirer, les autres y apprennent, et ajoute-t-il, tous y rencontrent un divertissement honnête »145.

2.1.6. Académisme et civilité

  • 146 « Ouverture... », p. 7.
  • 147 Ibid., p. 8.
  • 148 Première Centurie..., Première Conférence.
  • 149 Ibid., p. 5.
  • 150 Première Centurie..., p. 6.

56Un « divertissement honnête » : par cette formule, Renaudot livre en réalité ce qui résumait peut-être l’ambition véritable des Conférences : en effet, plus que de faire progresser la science, autant que d’être un vecteur de la diffusion du savoir, celles-ci se proposaient également d’offrir un passe-temps à la fois agréable et conforme aux exigences de l’honnêteté, et par là même, se trouvaient en adéquation avec les préoccupations dominantes des couches sociales auxquelles elles s’adressaient. La fonction de divertissement constitue d’abord incontestablement l’une des fonctions essentielles que s’assignaient les Conférences. L’« ouverture des Conférences » de la Seconde Centurie reprend ainsi presque à l’identique l’énoncé des fonctions essentielles qui leur étaient dévolues : elles doivent servir « d’apprentissage aux jeunes, de divertissement aux vieux et d’honneste récréation à tous »146. Et parce que les Conférences doivent non seulement instruire mais aussi divertir, on comprend aussi pourquoi elles proposent, sur un même sujet, une variété d’avis différents. La raison n’en est pas seulement en effet le refus du magistère, ou la volonté d’accorder la place la plus large possible à la liberté d’expression, mais elle est aussi la crainte de faire naître l’ennui que ne pourrait manquer de susciter un discours magistral alors que « la multitude des avis concis ressemble à un bouquet varié de plusieurs fleurs de couleur et odeur différentes »147 infiniment plus plaisant et divertissant que ce dernier. Cette crainte de susciter l’ennui, outre le souci d’esthétique, est présenté comme la raison essentielle pour laquelle les Conférences ont choisi de renoncer au vocabulaire scolastique, jugé éminemment rébarbatif, raison au poids théorique pour le moins bien faible. La conférence sur l’Etre148 illustre tout particulièrement ce désir prééminent de plaire plus encore que d’instruire. Cette conférence, qui s’était certes proposé un sujet très ambitieux, a d’abord suscité l’intérêt grâce au premier intervenant qui sut trouver, dit Renaudot, un artifice plaisant pour le traiter149, mais elle tourna court après que le second intervenant se fût lancé dans des considérations jugées absconses sur l’accident et la substance, la matière et la forme, etc. En conséquence, conclut Renaudot, « comme on voulut s’estendre plus avant sur la déduction de chacun des poincts ci-dessus, il fut remontré que ces matieres n’estans pas aisées à concevoir, ni qui se puissent autrement exprimer qu’en termes scholastiques, que nous voulons éviter ; Il sembloit à propos de passer aux choses plus agréables, parcourant le reste le plus legerement qu’il se pourra »150.

57Il serait toutefois imprudent de prendre au pied de la lettre ces allégations et d’en conclure que les Conférences ont été de fait divertissantes et légères. Le prétendu divertissement qu’elles sont censées avoir proposé est resté en réalité extrêmement grave et l’emploi de ce terme peut aussi bien ne résulter que de la simple observance des règles de la civilité qui interdisent de se prendre exagérément au sérieux et ont pour conséquence que l’on affecte une certaine légèreté de peur de paraître pédant. Car le souci de se conformer aux règles de la politesse et de la courtoisie, versant social et mondain de l’honnêteté domine dans les Conférences du Bureau d’Adresse comme il dominait et dominera dans bien d’autres assemblées savantes. L’importance que Renaudot et les membres de son académie confèrent à l’idéal de civilité est d’ailleurs présentée comme la raison la plus déterminante de l’opposition des Conférences à la scolastique et celle pour laquelle elles ont non seulement opéré par rapport à celle-ci une révolution lexicale mais rompu aussi avec son mode traditionnel d’exposition et d’argumentation : la dispute, pour lui substituer le simple exposé successif de différents avis sur une question donnée. Exposé qui leur paraissait un type d’échange intellectuel infiniment plus conforme aux normes de la politesse.

  • 151 Ibid., Avis au lecteur.
  • 152 Ibid., p. 21.
  • 153 Ibid., p. 21.
  • 154 Quatrième Centurie..., p. 420.
  • 155 Ibid.
  • 156 Ibid.
  • 157 Troisième Centurie..., p. 350.
  • 158 Première Centurie, Préface aux Conférences, p. 2.
  • 159 Quatrième Centurie..., p. 420.

58En ce cas encore, l’exposé des motifs de l’opposition à la méthode d’argumentation scolastique paraît bien superficiel, et Ton s’attendait à voir dénoncer celle-ci pour d’autres raisons que l’absence de grâce de son vocabulaire et pour son incivilité. C’est pourtant ce dernier reproche qui apparaît comme un motif récurrent tout au long des Centuries. Renaudot avertit ainsi d’emblée le lecteur que la Conférence ne pouvait « compatir avec la façon d’argumenter qui se pratique aux Ecoles [...] ces disputes et contradictions n’offusquant pas seulement toute la grâce et le plaisir de l’entretien mais finissant même en riotes et injures pédantesques »151. Un intervenant dénonce dans les disputes scolastiques l’opiniâtreté qu’elles supposent et dans laquelle « il y a de la honte » et par laquelle non seulement « on [...] perd souvent son crédit mais tousjours le temps et on se rend desagréable aux auditeurs »152. Et c’est pourquoi « un escolier nourri en ces altercations ne commance à estre estimé dans les compagnies que lorsqu’il a dépoüillé cette habitude de ne ceder jamais »153. Dans le même esprit et dans des termes très comparables, un autre intervenant dénonce « la rudesse des termes de TEscole »154 ainsi que « l’humeur opiniâtre que les Escoliers contractent ordinairement par la dispute où ils apprennent à ne céder jamais ; l’une des plus desobligeantes qualitez et la plus inepte en compagnie qu’un jeune homme y puisse apporter »155, humeur opiniâtre qui par voie de conséquence rend ces jeunes gens « incapables de la fréquentation de la Cour et des autres lieux où ils doivent parestre »156, thème que reprend celui qui condamne le « caquet inutile et scolastique qui ayant esté banni de la compagnie de tous les honnestes gens a esté honteusement confiné dans l’enceinte des collèges »157. A l’inverse, on souligne à quel point la conférence se conforme parfaitement quant à elle aux règles de la civilité. Aux antipodes de la dispute, elle est un « aimable concert et rapport de plusieurs avis »158 et « chacun y expose son avis en toute douceur, se contentant d’accompagner ses raisons d’un ton de voix et d’un geste convenable pour en remettre la décision aux suffrages muets de la compagnie »159.

  • 160 Seconde Centurie..., Ouverture des Conférences, p. 8.
  • 161 Les deux termes se rencontrent fréquemment : voir par exemple : Première Centurie..., Avis au lect (...)
  • 162 Première Centurie..., p. 158.
  • 163 Quatrième Centurie..., p. 205.
  • 164 Voir la conclusion de l’Avis au lecteur, Première Centurie.

59Ainsi par tous ces aspects, peut-on affirmer que les Conférences du Bureau d’Adresse ont pleinement participé du mouvement académique de l’époque, partageant avec les autres assemblées savantes les mêmes préoccupations et les mêmes ambitions majeures, même si elles exprimaient certaines de ces dernières sous une forme originale, la vie académique du premier xviie siècle n’étant en fait, nous l’avons dit, qu’une série de variations sur des thèmes communs. C’est pourquoi elles ont revendiqué, elles aussi, l’honneur de participer à l’édification de « cette République lettrée »160 à laquelle toute assemblée savante avait le sentiment d’appartenir et ont cultivé, quoi qu’il ait été par ailleurs de leur désir de vulgarisation, le sentiment d’être réservées à une minorité choisie de « bons » et des « beaux-esprits »161 ; nous pourrons constater ainsi que les conférenciers, à plusieurs reprises, prendront soin de marquer la différence qui les sépare du « vulgaire » en affichant leur éloignement à l’égard des opinions et des préjugés communs. Ce sentiment aristocratique de la distance qu’éprouvaient les membres des assemblées savantes à l’égard de ceux qui n’avaient pas le privilège d’en faire partie a pu ciller chez certains des premiers jusqu’à une certaine ostentation : l’un des participants avoue en effet qu’aux Conférences beaucoup de ces bons esprits « se piquent d’honneur d’y paraître pour en acquérir comme il se doit la louange due à leurs mérites »162. Un autre participant dénonce quant à lui les conséquences fâcheuses de cette ostentation en désapprouvant « la façon commune d’opiner dans les grandes assemblées comme celle-ci : suivant laquelle on a accoutumé de donner l’avis, non tel qu’on le croit, mais qui doit le plus faire estimer par celui qui le donne »163. Le caractère public des Conférences ne pouvait en effet que flatter chez certains participants le goût de paraître que Renaudot lui-même n’hésita pas à encourager afin d’attirer chez lui le plus grand nombre possible de ces « beaux esprits »164.

2.2. Le mode de fonctionnement des Conférences du Bureau d'Adresse

60L’analyse du mode de fonctionnement des Conférences achemine vers une conclusion proche de la précédente.

61Ce mode de fonctionnement est relativement bien connu lui aussi, même si l’on peut déplorer que certains points demeurent imprécis, grâce encore une fois aux nombreuses indications que Renaudot et les conférenciers ont livrées à son sujet et ce que l’on en apprend par ce moyen révèle l’existence d’une assemblée organisée selon des règles de fonctionnement soigneusement établies.

2.2.1. Le début des Conférences

62Les Conférences du Bureau d’Adresse ont été organisées par Renaudot dès 1632 mais ce n’est qu’en 1633 qu’elles décidèrent de publier les comptes rendus de leurs séances, comptes rendus qui les officialisèrent en quelque sorte et contribuèrent largement à leur notoriété.

  • 165 Première Centurie..., p. 3.
  • 166 Quatrième Centurie..., conférence du 4 mars 1641, p. 420.

63Plusieurs textes attestent qu’elles ont bien commencé d’exister avant le lundi 22 août 1633, date de la publication du premier compte rendu. Celui-ci tout le premier est à ce égard tout à fait explicite puisqu’il commence par ces lignes : « Chacun estant assis dans la grand’sale du Bureau : il fut rapporté que la résolution de la derniere Conférence avait esté d’imprimer desormais les matieres qui seroient proposées et les avis sur icelles qui le meriteroient »165 et l’un des intervenants précise, dans un texte beaucoup plus tardif, que c’est le caractère grandement profitable de la conférence qui « a esté cause que s’estant faite au commancement de vive voix sans en rien coucher par escrit, on ne trouva pas seulement bon d’arrester sur le papier tant de belles pensees, une partie desquelles eust eschappé à la mémoire des auditeurs, mais encor de les imprimer et publier, comme il s’est fait incessamment depuis ce temps là, avec un tel concours que chacun çait »166.

  • 167 Seconde Centurie..., p. 1.
  • 168 Recueil des gazettes... 1636, Extraordinaire du 3 novembre 1636, no 168, p. 692.
  • 169 Dans le compte rendu de la conférence du 10 juin 1641, on lit en effet encore : « depuis neuf ans (...)

64D’autres textes fournissent des indications plus précises encore. Ainsi dans l’« Ouverture des conférences » de la Seconde Centurie, datée de novembre 1634, Renaudot se réjouit de ce que « cette institution (apres avoir duré pres d’un an sans rien publier de ce qu’on y traitoit et imprimé l’année suivante ce qui s’y est passé de plus remarquable) deust atteindre cette troisiesme année et suivre à la grace de sa nouveauté »167. On est donc légitimement conduit à conclure que les conférences ont commencé dès novembre 1632, si elles entrent dans leur troisième année en novembre 1634 ; ce qui est corroboré par l’indication selon laquelle elles ont « duré près d’un an sans rien publier » ; la première publication datant d’août 1633, de novembre 1632 à août 1633, cela fait bien près d’un an. L’Extraordinaire du 3 novembre 1636 annonce de son côté la reprise, après les vacations ordinaires, des « conférences qui se tiennent depuis quatre ans au Bureau d’Adresse »168. On peut donc en toute certitude donner l’année 1632 comme date du début véritable des conférences et c’est la date, nous venons de le constater, que donne toujours Renaudot169.

  • 170 H. M. Solomon, Public welfare..., op. cit., p. 64.

65Pourtant, les historiens se partagent, quant à eux, à ce sujet : G. Gilles de la Tourette, G. Reynier, F. Yates, L. Richardson et G. Jubert donnent eux aussi la date de 1632. Mais beaucoup ne prennent en compte que la date du premier compte rendu et les font donc commencer en 1633 : c’est le cas de E. Hatin, G. Bigourdan, P. Delaunay, J. Lévi-Valensi, M. Magendie, J. J. Denonain, R. Lenoble, F. de Dainville, R. Pintard et R. Taton. Solomon indique aussi la date du 22 août 1633 comme date de la première conférence mais ajoute que « in all likelihood several conferences preceded this first public meeting »170.

  • 171 G. Gilles de la Tourette, La vie et les œuvres..., op. cit., p. 29.
  • 172 Ibid., p. 30.
  • 173 On peut se demander pourquoi Gilles de la Tourette donne le mois de novembre comme date de l’ouver (...)

66L’on ne possède aucune indication précise sur le mode d’organisation des premières réunions. Certains pourtant les ont imaginées. On lit ainsi chez G. Gilles de la Tourette ce récit de la genèse et des débuts des conférences : « Il [Renaudot] avait su grouper autour de lui un nombre considérable d’hommes instruits, médecins et savants distingués, qu’il pouvait employer à discuter et à résoudre les questions les plus controversées dans toutes les branches de la science. Il est probable du reste que, se souvenant des petits cercles littéraires de la province où, avant de venir à Paris, il s’entretenait avec Scévole de Sainte-Marthe et l’infortuné Urbain Grandier, Renaudot avait dû réunir ses amis à jour fixe pour leur soumettre ses projets, leur demander conseil, discuter avec eux l’opportunité de telle ou telle amélioration, à apporter à ses innocentes inventions. Bientôt un véritable comité scientifique se trouva constitué et Renaudot se résolut à rendre publics les entretiens du Bureau d’Adresse... »171. Après avoir situé les débuts des conférences « vers la fin de 1631 ou le commencement de 1632 »172, G. Gilles de la Tourette ajoute « pendant deux ans on n’y admit que des intimes, mais cédant à de nombreuses sollicitations, Renaudot dut en ouvrir la porte toute grande et le 1er lundi du mois de novembre 1633 il fit officiellement l’ouverture des Conférences du Bureau d’Adresse »173.

  • 174 M. Petit, « Les Conférences... », op. cit., p. 42.

67Maurice Petit, dans le même numéro des Petites Affiches, imagine les choses un peu différemment : « Dès l’origine de la Gazette, beaucoup de beaux et curieux esprits prirent l’habitude de se rencontrer à la maison du grand Coq, rue de la Calandre, où elle était imprimée. Ils y échangeaient des idées politiques, scientifiques, philosophiques, sociales (c’est-à-dire humanitaires), voire religieuses, et soyons-en sûrs, les nouvelles et les potins de la cour et de la ville. L’intérêt de ces débats n’échappa pas au gazetier qui, d’ailleurs, y participait fréquemment. Il en devina tout de suite le profit qu’on en pouvait tirer pour l’avancement et la vulgarisation des sciences et particulièrement de la médecine, son souci constant. On était à la fin de 1632 ou au début de 1633. C’étaient alors des réunions informelles »174.

  • 175 Sur les Feuilles du Bureau d’Adresse, voir l’article de Gilles Feyel « Feuille du Bureau d’Adresse (...)

68Il paraît toutefois difficile d’accréditer les deux hypothèses sur lesquelles se fondent ces récits ainsi que les affirmations qui vont dans le même sens : pour G. Gilles de la Tourette, pour G. Jubert aussi, mais pour G. Reynier également ainsi que pour H. Solomon, l’année 1633 aurait donc marqué le moment où les Conférences auraient cessé d’être privées pour devenir publiques. Or rien n’autorise une telle interprétation. Les textes précédemment cités se contentent en effet d’affirmer que la publication des comptes rendus des Conférences commence le 22 août 1633, ils ne disent pas que les Conférences s’ouvrent au public à cette date. D’autre part, on laisse plus ou moins entendre, voire on affirme explicitement, que les Conférences ne se conformèrent à un protocole rigoureux qu’à partir de cette même date. Pourtant, rien ne permet davantage de tirer cette conclusion d’aucun des textes précités ; bien mieux, l’un des deux seuls exemplaires des Feuilles du Bureau d’Adresse175 actuellement connues permet tout à l’inverse de créditer l’hypothèse selon laquelle les Conférences se sont déroulées dès 1632 sous la forme que révéleront ultérieurement les comptes rendus et donc que l’année 1633 ne représente pas dans l’histoire des Conférences une mutation aussi radicale que certains le prétendent.

  • 176 Il s’agit essentiellement d’offres commerciales concernant par exemple des terres ou des maisons à (...)
  • 177 Voir Marc Martin, Trois siècles de publicité en France, Paris, 1992, p. 23.
  • 178 Edourad Fournier, Variétés historiques et littéraires. Recueil de pièces volantes rares et curieus (...)
  • 179 Voir infra p. 87. On peut relever que le second point : de la pierre philosophale sera à nouveau t (...)

69Ces feuilles, destinées à faire connaître les offres diverses proposées par le Bureau d’Adresse176 et qui passent ainsi pour l’ancêtre des petites annonces et l’embryon de la publicité moderne177 paraissent avoir également rempli à l’origine une fonction de supplément de la Gazette. C’est du moins ce qu’estimait, sans doute à juste titre, Edouard Fournier, qui a découvert et publié la Quinzième feuille du Bureau d’Adresse178. Eugène Hatin, rappelle G. Feyel, dit avoir consulté la dix-septième feuille, restée toutefois introuvable, et la Dixième feuille est conservée à la bibliothèque Mazarine. L’intérêt de cette dernière feuille est de se conclure par une annonce en faveur des Conférences qui est antérieure au premier compte rendu puisqu’elle date du premier juillet 1633. Or cette annonce est libellée de la façon suivante : « Le premier des deux points desquels il se traitera, céans en la première heure de la conférence du lundi 11 du présent mois de juillet, à sçavoir à deux heures apres midi sera : D’où vient la diversité du raisonnement des hommes. Le second pour la seconde heure, sera De la pierre philosophale. La troisième heure sera employée à l’ordinaire, en la proposition, rapport et examen des secrets, curiositez et inventions des arts et sciences licites ». On peut ainsi constater que les Conférences n’avaient rien, dès avant le 22 août 1633 des réunions informelles que l’on prétend mais qu’elles étaient organisées de façon très rigoureuse : le jour, l’heure, la durée des Conférences, la répartition en deux thèmes traités chacun en une heure, une troisième heure consacrée à examiner diverses propositions pratiques179 étaient en effet déjà la règle. En outre, on conçoit mal pourquoi des réunions purement privées auraient dû faire l’objet d’une information publique.

70On peut donc tout au plus affirmer qu’il n’est pas interdit d’imaginer qu’une hypothétique lointaine genèse des Conférences, qu’il faudrait alors faire remonter antérieurement à 1632, ait pu ressembler à ce que certains auteurs ont décrit, mais on doit dater en toute certitude le début des Conférences, sous leur forme définitive, de cette même année 1632.

2.2.2. Le rythme des conférences

  • 180 Par exemple, Troisième Centurie..., p. 488, Quatrième Centurie..., p. 124, Recueil des gazettes... (...)

71Donc dès 1632 les conférences se tinrent à un rythme dans l’ensemble très régulier pendant au moins dix ans, c’est-à-dire jusqu’au 1er septembre 1642, date du dernier compte rendu publié. Elles se tenaient tous les lundis, de deux heures à quatre heures de l’après-midi, ainsi que l’indiquent les Feuilles du Bureau d’Adresse mais comme de nombreux autres textes le précisent également : le compte rendu de chaque conférence indique en effet régulièrement le jour et la date de celle-ci ; quant à l’heure, elle est donnée également à plusieurs reprises180. Toutefois il a pu arriver exceptionnellement que certaines conférences aient lieu un autre jour que le lundi. Ainsi sur les cinquante conférences qui ont été rassemblées dans la Première Centurie..., quatre d’entre elles ont eu lieu soit le mardi (37e conférence du mardi 2 mai 1634) soit un mercredi (19e conférence du mercredi 28 décembre 1633, 35e conférence du mercredi 29 avril 1634, 42e conférence du mercredi 7 juin 1634). Il en est de même pour les conférences rassemblées dans la Seconde Centurie mais cette fois-ci, ce sont trois d’entre elles qui ont eu lieu un mardi (59e conférence du mardi 2 décembre 1634, 71e conférence du mardi 27 mars 1635, 80e conférence du mardi 12 juin 1635) et une le mercredi (58e conférence du mercredi 27 décembre 1634). Dans la Troisième Centurie, huit conférences ont eu lieu un mardi (103e conférence du mardi 26 février 1636, 107e conférence du mardi 1er avril 1636, 119e conférence du mardi 9 décembre 1636, 127e conférence du mardi 3 février 1637, 152e conférence du mardi 1er décembre 1637, 159e conférence du mardi 26 janvier 1638, 182e conférence du mardi 7 décembre 1638) et sur les cent conférences de la Quatrième Centurie, une seule a eu lieu également un mardi (197e conférence du mardi 3 mai 1639). Enfin les cinquante et une conférences de la Cinquième Centurie ont toutes eu lieu un lundi. En tout donc, sur trois cent trente-six conférences, seules dix-sept d’entre elles ont eu lieu soit un mardi soit un mercredi, ce qui témoigne d’une assez remarquable régularité. Il faut ajouter qu’aucune indication n’est donnée quant à la raison qui a pu motiver le changement de jour. On peut simplement parfois la deviner : ainsi on comprend par exemple que la 58e conférence n’ait pas eu lieu un lundi puisque ce jour là était celui de Noël.

  • 181 A la date du 31 juillet 1634, vient de s’achever le premier cycle de cinquante conférences qui ava (...)
  • 182 Première Centurie..., p. 408.
  • 183 Troisième Centurie..., p. 488.
  • 184 Quatrième Centurie..., p. 124.

72La régularité se révèle toutefois moins grande en ce qui concerne la périodicité des conférences au long des années. A compter du lundi 22 août 1633, elles se sont tenues toutes les semaines sans interruption jusqu’au lundi 31 juillet 1634. A cette date, Renaudot annonce une première interruption justifiée par la nécessité de prendre quelques vacances : « Pour ce que, explique-t-il, ce nombre181, la raison, l’exemple des autres, les affaires que plusieurs ont à la campagne, et la nécessité qu’ont les esprits aussi bien que les corps de prendre du relâche demandent vacation à cette compagnie : elles les a prises jusques au lundi de devant la S. Martin 6e nov. prochain »182. Les conférences reprennent donc le 6 novembre 1634 et se sont interrompues chaque année jusqu’en 1639 (y compris) à peu près toujours aux mêmes dates et toujours pour les mêmes raisons. En 1635 les « vacations » couvrent la période du 6 août au 12 novembre. L’année 1636 voit se produire une interruption beaucoup plus longue que celle des deux années précédentes puisqu’elle va du 2 juin au 17 novembre, ce qui fait plus de cinq mois. En 1637, les vacations reprennent une durée plus normale : elles vont du 13 juillet au 16 novembre. En 1638, Renaudot annonce le 28 juin que les vacations sont « données au Bureau d’Adresse jusqu’au 1er lundi d’après la S. Martin »183 c’est-à-dire jusqu’au 15 novembre et c’est dans des termes assez semblables à ceux dans lesquels il avait fait connaître les premières vacations de 1634 qu’il annonce le 12 septembre celles de 1639 : « Et pour ce que la raison, l’exemple, la coutume et la saison nous demandent ces vacations, le point qui devait succéder à ce premier à savoir du secret et où il se doit garder, est remis au 1er lundi d’après la S. Martin prochaine »184.

73Seules les trois dernières années 1640, 1641 et 1642 ne connaissent pas l’interruption annuelle aux mois habituels. Par contre, on note ces années là un phénomène qui s’était manifesté dès l’année 1636, de façon certes très ponctuelle, mais qui s’est reproduit ensuite de plus en plus fréquemment. En effet, outre ces interruptions annuelles, d’autres interruptions beaucoup plus brèves d’abord, puis de plus en plus longues se sont produites de temps à autre. Ainsi on note en 1636 un délai de quinze jours entre la 106e conférence du 17 mars et la 107e conférence du 15 avril. En 1638, le même phénomène se reproduit à trois reprises. En 1639, c’est par six fois que les conférences s’interrompent pendant quinze jours. En 1640, on ne constate pas, nous l’avons dit, l’interruption annuelle qui avait lieu habituellement. Mais en revanche, on note six interruptions de quinze jours, une interruption de trois semaines du 2 avril au 23 avril, une de cinq semaines du 11 mai au 18 juin, et l’une de quatre semaines du 18 mars au 15 avril. En 1641, le rythme d’une conférence bimensuelle devient de plus en plus fréquent : il se produit dix-sept fois dans l’année et à cela s’ajoute une interruption de quatre semaines du 18 mars au 15 avril. En 1642 en revanche, on retrouve le rythme hebdomadaire des conférences puisque trois d’entre elles seulement sont séparées par un intervalle de quinze jours et le dernier compte rendu est daté du 1er septembre qui était, dans les premières années, la date habituelle des vacations. Les Conférences semblent donc avoir repris leur rythme quasiment normal la dernière année, sans qu’aucune explication ne soit donnée de ce retour à la normale pas plus qu’il n’en avait été donné les années précédentes des changements survenus. On peut seulement imaginer qu’une certaine difficulté à trouver de nouveaux sujets à débattre ait pu occasionner au cours des dernières années ces interruptions de plus en plus fréquentes.

  • 185 Troisième Centurie..., p. 133.

74Il convient également de préciser que du lundi 22 août 1633, date du premier compte rendu jusqu’au 2 juin 1636, on traitait deux sujets par conférence. Mais à partir du 17 novembre 1636, date de la reprise du cycle annuel, un seul sujet fut désormais chaque semaine proposé à la discussion. Renaudot n’allégua aucune raison de ce changement dont les lecteurs furent simplement informés par un bref avis inséré au début du compte rendu de la 116e conférence, qui annonce que « la seconde question a estée remise à huitaine : et résolu, pour plusieurs raisons, qu’il ne seroit plus traité qu’une question à chaque Conférence : le reste demeurant à l'ordinaire »185. C’est pourquoi il convient de distinguer le nombre des conférences et le nombre des sujets traités au cours de celles-ci : on possède ainsi les comptes rendus de trois cent trente-six conférences qui ont débattu de quatre cent cinquante et un sujets. La Première et la Seconde Centuries regroupent les comptes rendus de cinquante conférences et de cent sujets, la Troisième Centurie de quatre-vingt-cinq conférences et de cent sujets, la Quatrième Centurie de cent conférences et de cent sujets, et la Cinquième Centurie de cinquante et une conférences et de cinquante et un sujets.

  • 186 Première Centurie..., p. 8.
  • 187 Ibid., p. 8.

75Enfin, chaque conférence se prolongeait par ce que Renaudot avait baptisé « l’heure des inventions ». Au cours de celle-ci, tous ceux qui pensaient avoir découvert un procédé ingénieux pour résoudre un problème d’ordre essentiellement pratique, étaient invités à le proposer à la « compagnie » qui désignaient des commissaires chargés d’examiner l’intérêt ou l’efficacité réelle de l’invention qui leur était soumise. Il est précisé que la finalité commune de ces inventions était de « devoir profiter au public »186 et que tous ceux qui les proposaient étaient assurés « que l’honneur et le profit leur en [serait] conservé »187.

  • 188 Ibid., p. 8.
  • 189 Ibid., p. 16.
  • 190 Ibid., p. 32.
  • 191 Ibid., p. 24.

76Il est possible de se faire quelque idée des inventions ainsi examinées, car les premiers comptes rendus leur consacrent quelques lignes. On constate de la sorte qu’elles étaient de nature fort variée : ainsi au terme de la première conférence a-t-il été proposé « un moyen d’apprendre en jouant depuis l’A.B.C. jusques aux sciences plus relevées »188. La semaine suivante, un poème latin de douze mille vers fut soumis au verdict des commissaires alors qu’un autre offrit « de faire voir un mouvement perpétuel »189. Quinze jours plus tard, on vit à nouveau proposées « quelques machines qui avaient apparence de se mouvoir sans fin »190. On reconnaît par ailleurs un microscope parmi les innovations puisque « entre autres inventions fut mise en avant celle d’un instrument qui grossit tellement les espèces qu’une puce paraît de la grosseur d’une souris, et les petits vers qui se trouvent dans tous les bons vinaigres, de la grosseur d’anguilles »191.

  • 192 Ibid., p. 16.
  • 193 Ibid., p. 24.

77Le verdict des commissaires était rendu la semaine suivante, et les premiers comptes rendus en informent également les lecteurs. On peut ainsi constater que « la méthode d’apprendre les disciplines libérales en jouant » suscita un jugement mitigé selon lequel « l’autheur en sembloit fort capable, le discours estant couché en bons termes. Qu’il prou voit évidemment que la chose se pouvoit mettre en pratique : soit de la part de la methode qui paroist faisable, soit de la part des maistres du jeu et des disciplines. Mais que n’ayant decouvert son invention que pour l’art d’apprendre à lire et à escrire, et non pour les autres disciplines : ils ne peuvent donner leur avis que sur ce qui leur a paru, qu’ils loüent et approuvent »192. Quant au poème de douze mille vers, les juges ne trouvèrent semble-t-il rien d’autre à en louer que les dimensions insolites, et se contentèrent de rendre hommage à « une si grande entreprise »193.

  • 194 Ibid., p. 40.
  • 195 Ibid., p. 56.
  • 196 Ibid., p. 48.
  • 197 Ibid., p. 80.
  • 198 Ibid., p. 136.
  • 199 Ibid., p. 296.
  • 200 Recueil des gazettes... de l’année 1634, Paris, 1635, p. 180.

78Toutefois « l’heure des inventions » disparut assez rapidement des comptes rendus. Son évocation commença d’abord par devenir de plus en plus succincte : le compte rendu de la 5e Conférence s’achève ainsi simplement par ces trois lignes : « Les inventions furent bien différentes voire diamétralement opposées : l’une entr’autres proposant le moyen de bastir une forteresse imprenable, l’autre une machine à laquelle rien ne peut résister »194 et le septième compte rendu fut encore plus concis : « Les inventions proposées furent l’expérience de l'Aeolipyle de Vitruve : celle de marcher sous les eaux »195. Entre temps, la 6e conférence avait duré si longtemps qu’« une grande partie de l’heure destinée aux inventions se trouva écoulée » [...]. En conséquence, « on effleura seulement quelques curiosités dont l’examen fut remis à la prochaine conférence »196. Il en fut de même lors de la 10e conférence, dont le second sujet, consacré à deux frères siamois, suscita un tel intérêt que les orateurs continuèrent durant l’heure des inventions à discuter des monstres197. Cette heure fut également sacrifiée lors des 12e, 13e, 14e, 15e et 16e conférences. Renaudot ne voulut pas toutefois y renoncer et avertit à la fin de cette dernière conférence que « la brièveté des jours et les amplifications sur ce sujet ayans empesché en cette conférence aussi bien qu’en quelques précédentes, que les inventions n’y trouvassent lieu, chacun fut prié de s’y préparer pour l’avenir »198. L’invitation ainsi faite aux conférenciers à ne pas délaisser l’examen des inventions ne semble pas avoir eu beaucoup de succès puisqu’il n’y est plus fait allusion jusqu’à la fin de la Première Centurie. A une exception près toutefois : une invention parut en effet d’un intérêt suffisant pour que Renaudot lui ait consacré un exposé relativement détaillé à la fin de la 36e conférence. Il s’agissait d’un moyen « de tirer du charbon de forge des terres de ce royaume, et en ce faisant, creuser des canaux propres à dessécher les marais, et rendre les rivières navigables pour l’abbrégé des voitures et facilitation du commerce, nourriture du bétail et conservation des forêts »199. Renaudot s’étend longuement sur les avantages économiques d’une telle invention à laquelle il attachait assez d’importance sans doute pour qu’il s’en fît également l’écho dans la Gazette du 6 mai 1634, où il fut rapporté que le 28 avril « le Roi, avant partir d’Essonne pour Fontainebleau, vid Texperience de la proposition faite en la demiere Conférence du Bureau d’Adresse par le Sieur de Lamberville, de tirer le mesme usage des terres à brusler de la France (dont il donné l’invention) que celui du charbon d’Angleterre, au grand soulagement de tous les gens de forge »200.

  • 201 Première Centurie..., p. 408.

79La pratique de l’examen des inventions ne fut donc pas abandonnée même si elle se produisit pas toujours avec une parfaite régularité, mais Renaudot choisit manifestement de ne plus l’inclure dans les comptes rendus. La preuve en est qu’il est indiqué à la fin de la Première Centurie que les « vacations » annoncées seront consacrées aux inventions : « Et pour tirer même quelque profit de notre loisir on trouva bon d’employer ces trois mois de vacations à la proposition, examen et conférence de toutes sortes de secrets et curiosités licites où tous les beaux esprits sont conviés à pareil jour et heure, à commencer dès lundi prochain »201.

  • 202 Seconde Centurie..., pp. 3-6.
  • 203 Troisième Centurie..., p. 489. Voir infra, IIIe partie.
  • 204 Quatrième Centurie..., p. 124.

80Et lors de la reprise des conférences, Renaudot a consacré l’essentiel de l’« Ouverture des Conférences » de la Seconde Centurie à la présentation détaillée202 de toutes les inventions proposées et examinées durant les « vacations ». On ne trouve en revanche aucune allusion aux inventions dans la Troisième Centurie dont la période d’interruption des conférences fut consacrée à des « assemblées... touchant les moyens de restablir le commerce »203. Seule la Quatrième Centurie rappelle une dernière fois leur existence en indiquant que les vacations de l’année 1639 seraient consacrées à l’examen des « secrets ou curiosités licites » que d’aucuns pourront proposer « aux heures qui étaient destinés aux conférences »204.

2.2.3. Un fonctionnement concerté

  • 205 Le Gallois, Conversations de l'Académie..., op. cit., p. 58.
  • 206 Recueil des gazettes... de l’année 1636, p. 692.
  • 207 Quatrième Centurie..., pp. 130-131.

81Les conférences avaient donc leur lieu, leur jour, leur heure, leurs périodes de vacances. Elles respectaient d’autres règles de fonctionnement, collectivement édictées par les membres de l’assemblée elle-même ou du moins, peut-on le supposer, par certains d’entre eux. L’académie de Renaudot était ouverte au public ; elle correspondait donc à l’un des modèles analysés par Le Gallois, à savoir celui où l’on pouvait distinguer « ceux qui ne parlent jamais, ceux qui ne parlent que rarement, et ceux qui parlent toujours »205. Ce qui est confirmé par Renaudot qui dans l'Extraordinaire du 3 novembre 1636 rappelle que dans ses Conférences « tous sont reçus à dire leurs avis ou à écouter ceux d’autrui sur la matière proposée »206. Certains parmi ceux qui « disaient » ainsi leurs avis ont trouvé d’ailleurs à redire à ceux qui ne parlaient jamais et qui pour autant ne semblaient pas se priver de juger ceux qui prenaient la parole. L’un des participants n’hésite pas à prétendre ainsi que le silence n’est ordinairement « qu’une honneste couverture de l’ignorance » et il n’en veut pour preuve que « ce qui se void assez souvent en cette compagnie ; où ceux qui n’ont jamais essayé de parler ni ez autres lieux publics, se pensent volontiers quelque chose de plus qu’ils ne sont ; mais lorsqu’ils ont reconnu par leur propre expérience la difficulté qu’il y a de se bien exprimer, ils demeurent juges plus équitables du mérite des autres »207. Or Le Gallois affirmait que seuls ceux qui parlaient toujours composaient véritablement l’académie. On peut penser qu’il en était déjà de même chez Renaudot et que lorsque celui-ci parle de la « compagnie », il désigne par là les membres les plus fidèles et les plus actifs qui en constituaient en quelque sorte le « noyau dur ».

  • 208 Première Centurie..., Avis au lecteur.
  • 209 Seconde Centurie, « Ouverture... », p. 6.
  • 210 Ibid., pp. 6-8.

82C’est à eux que Renaudot avait délégué le soin de déterminer les règles de fonctionnement des Conférences. Plusieurs de ces règles ont en effet manifestement fait l’objet de discussions incessantes. L’« Avis au lecteur » de la Première Centurie révèle ainsi que le problème de savoir si le compte rendu des conférences devait ou non s’achever sous une forme conclusive est une « affaire plusieurs fois mise véritablement sur le bureau »208 et l'« Ouverture des Conférences » de la Seconde Centurie énumère une longue série d’« inconvénients et difficultés qui se sont rencontrés en la pratique de nos Conférences »209. Ainsi constate Renaudot, « les Conférences furent à peine écloses que les uns se fascherent de ce qu’on n’avoit pas fait élection de peu de personnes pour y parler : mais qu’on permettoit à tous ceux qui avoient apparence de gens d’honneur d’y porter et dire tout haut leurs sentiments Les autres au contraire n’ont rien tant estimé en ce libéral commerce des esprits que ce qu’il est commun [...]. Il s’en est trouvé depuis quelques-uns qui eussent desiré qu’on n’y fist parler que deux personnes, l’une pour l’affirmative, l’autre pour la négative et qu’en tout cas un troisiesme fust venu à concilier leurs avis différents és choses où une troisiesme opinion peut avoir lieu, afin que les auditeurs n’eussent plus qu’à se ranger à celuy dés advis qui leur eust semblé le meilleur [...]. Les uns pour faire plus estimer ces Conférences ne les eussent voulu que de mois en mois : les autres ne s’en pouvans lasser, les demandoient tous les jours [...]. Les uns n’y désiroient traiter qu’une question : les autres plusieurs [...] »210.

  • 211 Ibid., p. 8.
  • 212 Recueil des gazettes... de l’année 1636, p. 692.

83Cette remarquable capacité à faire surgir des difficultés dont témoignaient les membres de son académie eut pour conséquence que Renaudot préféra, non sans résignation mais avec quelque humour, les laisser édicter eux-mêmes leurs propres règles : « que si d’autres inconvéniens se rencontrent en la poursuite de mon dessein ; j’y remédie en imitant ce peintre, lequel ayant vestu chaque nation à sa mode : quand il vint au François, le mit tout nud, et à ses pieds une pièce de drap et des cizeaux pour s’habiller à sa guize. Ainsi, laissant tous les jours au chois de la Compagnie de changer ce qu’elle trouvera le mériter : si tout ne luy plaist, elle ne s’en doit prendre qu’à elle-même »211. L’Extraordinaire du 3 novembre 1636 confirme l’existence de cette organisation collective : il invite en effet les membres de l’Assemblée à se réunir une semaine avant la reprise des Conférences qui devait avoir lieu le 17 du même mois pour régler différents problèmes qui ne sont pas davantage précisés : « pour ce qu’il y a plusieurs autres circonstances à régler en ce nouvel ordre, les mesmes sont priez de se trouver le Lundi précédent le dit jour de S. Martin, qui sera le 10 de ce mois ; pour donner leurs suffrages sur les choses qui leur seront proposées, ou qu’ils proposeront eux-mesmes sur le fait dont il s’agit »212.

  • 213 Première Centurie..., Avis au lecteur.
  • 214 Ibid.
  • 215 Quatrième Centurie..., 199e conférence.
  • 216 Ibid., p. 53.
  • 217 Ibid., p. 53.
  • 218 Ibid., p. 193.
  • 219 Ibid., p. 349.

84Parmi les règles de fonctionnement des Conférences, l’une d’entre elles concernait le choix des sujets mis en discussion. Là encore, Renaudot avertit qu’il a préféré prudemment ne pas intervenir en ce domaine : « Ayant à contenter des esprits si différents je n’ai rien trouvé de plus expédient que de leur laisser choisir à eux-mêmes le sujet auquel on devait traiter »213. Or l’assemblée décida que les sujets seraient proposés par les participants eux-mêmes : « l’Assemblée trouva bon de commettre à la volonté d’un chacun le choix des propositions qu’on y devait traiter »214, et que seraient ensuite retenus ceux qui seraient approuvés par la majorité des voix. Lorsqu’un sujet était choisi par l’assemblée, les conférenciers devaient le traiter quels que soient leurs sentiments à son égard ainsi que le laissent à deviner ceux qui, pour diverses raisons, renâclent à traiter certains d’entre eux. Ainsi l’un de ceux qui doit parler « des frères de la Rose-Croix »215 et qui paraît trouver ce sujet un peu trop brûlant – il dit d’abord sa surprise que soit « affiché un titre dont la profession était criminelle en cette ville il n’y a pas si longtemps »216 – prend prudemment quelques précautions en précisant : « quant à moi qui n’avais jamais rien d’eux sinon depuis que l’on m’imposa dans cette compagnie nécessite d’en parler... »217. Un autre ouvre la conférence sur « le beuveur d’eau de la foire de S. Germain » en rappelant que « la pluralité des voix de cette compagnie nous a donné pour tasche à traiter de ce célèbre beuveur d’eau »218. Enfin, un troisième estime que la question de savoir « lequel est le plus nuisible à un Etat, l’oisiveté ou le luxe » est mal posée ; « toutefois, se résigne-t-il, puisque chacun ne choisit pas ici les questions mais y doit opiner selon qu’elles sont résolues à la pluralité des voix, il reste à examiner les inconvénients qui suivent chacun de ces vices »219.

  • 220 Première Centurie..., p. 3.
  • 221 Seconde Centurie..., p. 1.
  • 222 Toutefois, c’est sans doute Renaudot lui-même, aidé éventuellement de son fils Eusèbe, qui rédigea (...)

85Enfin c’est encore la « compagnie » elle-même qui paraît avoir été habilitée à choisir parmi toutes les interventions celles qui étaient retenues pour le compte rendu imprimé. Il est d’abord bien précisé dans le texte qui ouvre la Première Centurie que « la résolution de la dernière conférence avoit été d’imprimer désormais les matières qui seraient proposées et les avis sur icelles qui le mériteroient »220, ce qui est confirmé par l’« Ouverture des Conférences » de la Seconde Centurie qui indique que l’on avait choisi au bout d’un an d’imprimer ce qui s’était passé, dans les Conférences, « de plus remarquable »221, ce qui laisse entendre que les comptes rendus ne reproduisent pas indistinctement toutes les interventions mais supposent une sélection préalable. Or cette sélection était aussi opérée collégialement222, ce qu’atteste, en même temps qu’elle éclaire un autre point, la lecture du Recueil des gazettes de 1638.

  • 223 Première Centurie..., « Préface... », p. 3.
  • 224 Recueil des gazettes... de l’année 1638, no 143, p. 604.

86Ce point est très discrètement abordé dans les Centuries et passerait probablement inaperçu si ce Recueil ne le développait pas plus explicitement. On éprouve en effet le sentiment, à la lecture des Centurie, que ces volumes rassemblent uniquement les interventions orales de ceux qui assistaient aux Conférences de la rue de la Calandre. Or il n’en est rien, car Renaudot avait aussi sollicité la participation écrite des provinciaux, peut-être même des étrangers, sollicitation qui fut suivie d’effet puisqu’il précise dans la « Préface » de la seconde édition de la Première Centurie qu’il fait « voler ces feuilles par l’univers [entendons qu’il les imprime et les édite] afin que ceux qui en sont éloignés puissent nous envoyer leur sentiment sur chacune matière, pour être employez en la troisième impression qui s’en fera : côme plusieurs ont desja fait en cette seconde »223. Toutefois rien dans ce volume pas plus que dans les suivants ne rappelle ce fait et ne signale les avis exprimés oralement ni ne les distingue de ceux qui ont été envoyés par écrit. Et ce n’est que dans le Recueil des gazettes de 1638 que l’on peut découvrir deux textes qui constituent une sollicitation cette fois-ci beaucoup plus explicite à participer par écrit aux Conférences. Ainsi Renaudot annonce-t-il d’abord le 14 octobre 1638, à la fin du n° 143 qui était consacré au récit des réjouissances suivant la naissance du dauphin, le sujet de la prochaine conférence du Bureau d’Adresse afin, souligne-t-il, « que les absens de cette ville, et qui par consequent ne pourront y venir eux-mesmes donner leur avis de bouche, le puissent faire par ecrit qui sera par ce moyen faire un auditoire et une seule eschole de toute la France, j’entens de ceux qui voudront estre de cette loüable et innocente institution purement faite en faveur des lettres »224.

  • 225 Ibid., p. 604.
  • 226 Ibid., p. 604.
  • 227 Ibid., p. 640.

87Il semble que Renaudot tenait particulièrement à cette participation écrite puisqu’il promet à ceux qui donneront leurs avis sous cette forme de publier ceux qui seront « approuvez par la compagnie » - ce qui confirme bien que celle-ci opérait une sélection des interventions - et de continuer « tous les huit jours de les tenir avertis du sujet de la Conference »225. Il les invite aussi à « proposer des points à traiter »226. Et quelques jours plus tard, il récidive en publiant ce nouveau texte qui fait suite à l'Extraordinaire du 29 octobre 1638 : « Ayant nagueres averti ceux qui voudront faire l’honneur à nostre conférence du premier lundi d’apres la Saint Martin, d’y contribuer leurs avis en personne, ou leurs écrits de loing, que la question qu’on traitera ce jour-là est : Quelles sont les plus communes causes des procez et pensant qu’il ne sera pas temps d’avertir seulement huit jours auparavant de la suivante, ceux qui seront de loing, vu que leur responce viendroit à tard pour la faire imprimer : ils sauront que la seconde question d’apres cette Saint Martin sera, S’il est arrivé plus de bien que de mal de l’exercice des trois parties de la medecine par autant de personnes différentes : au lieu qu’elles s’exerçoient autresfois conjointement »227.

88On peut supposer que certains ont dû répondre à ces appels de Renaudot mais rien dans les Centuries elles-mêmes n’en fournit le moindre indice et ne permet aujourd’hui de discerner parmi toutes les interventions celles qui ont pu être envoyées par écrit.

89A ce point de l’analyse, on est tenté de conclure que Renaudot a bien laissé aux membres de son assemblée une entière liberté de choisir eux-mêmes les règles qu’ils souhaitaient y voir appliquer. Il en est une cependant à propos de laquelle il semble ne pas s’être facilement résigné à les suivre, c’est celle qui concerne l’anonymat des publications écrites, ce qui conduit à poser maintenant la question de savoir qui étaient les membres actifs ou passifs des Conférences du Bureau d’Adresse et à faire ainsi surgir le problème le plus insoluble que pose l’étude de cette académie.

2.3. Orateurs et public des Conférences

  • 228 Première Centurie..., Avis au lecteur.
  • 229 Ibid.
  • 230 Première Centurie..., Préface, p. 3.
  • 231 Recueil des gazettes... de l'année 1638, p. 604.

90Le problème de l’anonymat des conférenciers est le premier de ceux qu’aborde l’« Avis au lecteur ». Renaudot nous y apprend qu’en taisant leur nom, il respecte une clause de conscience qui lui a été imposée par les intervenants eux-mêmes : c’est, précise-t-il, « la principale des conditions qu’ils ont requise de moi »228 et il énumère les différentes raisons qui en ont été avancées : « plusieurs pour laisser libre à un chacun le jugement de leurs opinions, que la connaissance des personnes préoccupe volontiers : d’autres pour essayer à couvert quel sentiment le public auroit d’eux : semblables à ces chevaliers errants qui combattoient jadis sous des armes empruntées, laissant à deviner leur nom à ceux qui trouveroient en eux de quoi leur faire désirer : mais tous, conclut-il, par une modestie autant louable à leur regard, qu’injurieux au public »229. La dernière formule laisse à penser que Renaudot n’a pas facilement accepté de se soumettre à cette décision, sans doute parce qu’il souhaitait accroître le prestige de ses Conférences en produisant les noms éventuellement célèbres de ceux qui y participaient, et, de fait, il n’a jamais tout à fait renoncé à les faire changer d’avis. Ainsi la publication de la Première Centurie, pense-t-il, ne pourra que produire une impression favorable et donnera peut-être aux participants l’envie de se faire connaître ; il espère en effet que « le jugement qu’ils verront faire d’eux, se tenant à couvert, leur aura donné sujet de [lui] permettre de produire leurs noms au frontispice de leurs suffrages »230. Et lorsqu’il sollicitera des participations écrites il essaiera de séduire ces collaborateurs potentiels par la promesse de publier leurs avis, « voire, ajoute-t-il, sous leur noms s’ils le désirent »231, espérant que certains se laisseraient tenter par la publicité.

  • 232 Voir supra, p. 42.
  • 233 J. Sourdier de Richesource, Quatorze problèmes..., op. cit.

91Pourtant, aucun des conférenciers n’a dérogé à la règle de l’anonymat, qui constitue une particularité distinctive des Conférences du Bureau d’Adresse. On connaît en effet les noms de la plupart des membres des assemblées savantes de l’époque et lorsque certaines d’entre elles, à l’instar de celle de Renaudot, ont publié à leur tour des comptes rendus, – c’est le cas de l’académie Bourdelot, c’est le cas de l’académie des philosophes orateurs –, elles n’ont pas manqué de préciser l’identité de leurs membres. Le Gallois a ainsi proposé une liste très détaillée des noms et qualités de tous ceux qui ont fait partie de l’académie Bourdelot232 et Richesource a reproduit les interventions de chaque participant aux Conférences qu’il animait en les faisant suivre, sauf exception, du nom et de la qualité sociale de celui-ci233. En ce cas, c’est l’anonymat qui est l’exception et la divulgation de l’identité, la règle, et l’on peut s’interroger sur les raisons de la résolution adoptée par les conférenciers du Bureau d’Adresse.

  • 234 Première Centurie..., Avis au lecteur.
  • 235 Ibid., Préface, p. 3.
  • 236 Seconde Centurie, « Ouverture... », p. 1.
  • 237 Quatrième Centurie..., p. 460.

92Sur la composition de l’académie de Renaudot, l’on est donc réduits aux indications très générales et par la même très vagues que l’on découvre ici et là et, en dernière instance, aux conjectures. Il est d’une part fait plusieurs fois allusion aux « milliers de personnes d’honneur qui ont fait partie des conférences »234, à « tant de personnes d’honneur qui rendent notre assemblée célèbre par leur affluence »235 une fois de plus à « l’affluence des personnes d’honneur »236 et la même formule passepartout est à nouveau reprise lorsque « l’affluence des personnes d’honneur qui s’y trouvent depuis neuf ans qu’elles ont continué »237 est convoquée à titre de preuve de l’utilité des Conférences.

  • 238 Première Centurie..., Avis au lecteur.
  • 239 Ibid.
  • 240 Ibid.
  • 241 Seconde Centurie..., « Ouverture... », pp. 6-7.

93Cette dénomination de « personne d’honneur » reste évidemment assez vague. Elle apprend toutefois que tout en étant ouverte au public, l’académie de Renaudot opérait tout de même une certaine distinction au sein de celui-ci puisque seuls étaient autorisés à en faire partie ceux qui étaient « de la qualité requise »238. Ce contre quoi certains ont protesté : « quelques-uns ont aussi trouvé à redire qu’on n’y admettoit point toutes sortes de personnes comme il sembloit se devoir faire en un lieu [entendons le Bureau d’Adresse] dont l’accez est libre à tout le monde »239 mais, s’est justifié Renaudot et l’on trouve ici exprimé le sentiment aristocratique de faire partie d’une élite privilégiée qu’éprouvaient les membres de la République des Lettres, « ceux qui considéreront que les Académies ne sont pas pour le vulgaire, ne trouveront pas estrange qu’on y ait apporté quelque distinction »240. Cette distinction, condamnée par certains, a pourtant été jugée insuffisante par d’autres : quelques uns ont protesté qu’on n’ait « pas fait élection de peu de personnes pour y parler : mais qu’on permettoit à tous ceux qui avoient apparence de gens d’honneur d’y porter et dire tout haut leurs sentiments »241.

  • 242 Recueil des gazettes... de l’année 1636, p. 692.

94Renaudot n’a pas précisé davantage quelle était la qualité requise pour être admis dans la « grand’salle » du Bureau d’Adresse ni ce qu’il faut exactement entendre par personnes « d’honneur ». On peut cependant supposer que le critère permettant d’opérer la distinction des uns et des autres était un critère social autant qu’un critère d’ordre intellectuel ou moral. La sélection ainsi opérée ne s’est point pour autant avérée suffisante car elle paraît, au cours du temps, être devenue plus rigoureuse. C’est ainsi qu’il faut interpréter ce passage un peu surprenant de l'Extraordinaire du 3 novembre 1636 : « Tous les curieux de cet honneste divertissement [...] sont avertis que pour plusieurs considerations : dont le soupçon des maladies contagieuses n’est pas la demiere : Le nombre de ceux qui seront desormais admis à s’y trouver sera limité : et que pour cet effet ceux qui seront de la condition propre à en faire partie, sont priez de venir tels autres jours que bon leur semblera, avant celui du Lundi, pour déclarer leur dessein, et prendre au Bureau les mereaux qui leur seront gratuitement délivrez pour ce sujet : et tous les autres qui ne se voudront assujetir à cet ordre, requis de s’en abstenir »242. Il faut rappeler, pour comprendre cette proclamation, que le Bureau d’Adresse, en raison des différentes fonctions qu’il remplissait, était effectivement ouvert à tous et il est tout à fait possible qu’à la faveur de leur présence sur les lieux, certains de ceux qui n’étaient pas « de la condition propre à en faire partie », aient pu se glisser parmi le public des Conférences. Quant au soupçon des « maladies contagieuses », il n’était certainement pas à l’époque une crainte absurde et l’ostracisme social dont il témoigne tout autant que les remarques précédentes s’inscrivait parfaitement dans l’ambiance aristocratique du temps.

  • 243 Seconde Centurie..., « Ouverture... » p. 7.

95Une seule indication un peu plus précise peut aider cependant à mieux cerner l’identité sociale et professionnelle des membres de l’académie de Renaudot. Nous avons déjà cité la phrase où il est fait allusion aux membres « des plus augustes Corps et Compagnies souveraines qui en font souvent partie »243. Ceci permet de supposer que les participants aux Conférences devaient appartenir aux mêmes couches sociales que ceux qui faisaient partie des autres assemblées savantes, à quelques différences près toutefois que l’on peut tenter de cerner.

  • 244 M. Magendie, La politesse..., op. cit., p. 140.
  • 245 G. Reynier, La femme..., op. cit., p. 143.
  • 246 H. M. Solomon, Public welfare..., op. cit., p. 69.

96Ils étaient donc sans doute eux-aussi des magistrats, des maîtres des requêtes, des avocats, des médecins également – l’abondance des sujets médicaux permet de l’affirmer – et au moins parmi le public devaient se trouver ces « gens du monde » désireux de s’initier à la culture et à qui, selon certains historiens, les Conférences auraient d’ailleurs été tout spécialement destinées. Magendie considérait ainsi que l’on y traitait avant tout « les questions qui intéressaient les gens du monde et qui étaient débattues dans les salons et dans les romans »244. Selon Gustave Reynier aussi « la plupart des auditeurs [avaient] presque tout à apprendre »245 et Solomon, dans la même ligne, estime que « all of the sessions were directed to a nobility sorely in need of social grace and intellectual sophistication »246.

97L’insistance mise par Renaudot à souligner le caractère « honorable » du public peut confirmer cette interprétation mais il est difficile toutefois d’admettre que le public se recrutait exclusivement dans ces couches sociales et il devait être en fait beaucoup plus ouvert, trop ouvert même nous l’avons vu, aux goûts de certains. Les jugements que certains contemporains ont porté sur les Conférences du Bureau d’Adresse, jugements que nous évoquerons plus loin, tendront à nous faire incliner de préférence vers cette seconde hypothèse.

98La composition sociale et professionnelle de l’académie de Renaudot paraît donc, dans l’ensemble, correspondre à une configuration assez classique. Les très rares indications que l’on possède par d’autres sources et qui permettent de procéder à l’identification personnelle d’un très petit nombre d’entre eux conduisent, par un détour, à la même conclusion.

99L’anonymat des participants a été il est vrai fort bien préservé mais pas au point cependant qu’il soit totalement impénétrable et l’on peut malgré tout proposer les noms de deux ou trois – ce qui est certes fort peu – d’entre eux, à savoir le mathématicien et astronome J. B. Morin, le dramaturge La Calprenède et l’astronome Ismaël Boulliau – né à Loudun comme Renaudot. Encore pour ces deux derniers rien n’assure qu’ils aient activement participé aux Conférences et l’on ne peut être certain que de leur présence à celles-ci.

  • 247 Recueil des gazettes... de l’année 1634, no 30, p. 128.
  • 248 Seconde Centurie..., p. 200.

100C’est la Gazette du 30 avril 1634 qui révèle que J. B. Morin a proposé une méthode de calcul des longitudes dans l’une des conférences du Bureau d’Adresse. Il y est précisé en effet que le 30 mars de la même année, furent rassemblés dans l’Arsenal, sur ordre de Richelieu, plusieurs mathématiciens ayant pour tâche d’examiner « la proposition faite par le Sieur Morin Professeur du Roi ez Mathématiques, touchant le secret des longitudes, ci-devant par lui proposé en l’une des Conférences qui se font tous les Lundis au Bureau d’Adresse de cette ville, dont il fit la démonstration, au contentement de l’assistance »247. Une indication concordante avec celle-ci permet par ailleurs de situer approximativement la date à laquelle eut lieu cette intervention de Morin. Dans le compte rendu de la Conférence du lundi 23 avril 1635, consacrée elle aussi au calcul des longitudes, l’un des participants évoque en effet le moyen de calculer celles-ci par la position de la lune, en montre les difficultés et respectant la règle de l’anonymat, évoque l’intervention passée de Morin en ajoutant qu’il faut finalement « en juger la pratique impossible comme il fut remontré il y a deux ans à celui qui en fit ici la proposition comme sienne de laquelle on n’est pas prêt de voir l’exécution »248. Cette confirmation permet donc de situer l’intervention de Morin vers le mois d’avril 1633, c’est-à-dire à un moment où l’on n’avait pas commencé la publication des comptes rendus, ce qui rend vain tout espoir de retrouver une trace écrite de cette intervention.

  • 249 G. Bigourdan, « Les premières... », op. cit., p. 943.
  • 250 Tallemant des Réaux, Historiettes..., op. cit., t. II, p. 584.
  • 251 Quatorze problèmes..., op. cit., p. 60. La question posée par La Calprenède était la suivante : «  (...)

101La participation de Morin est donc bien attestée et G. Bigourdan dans son article consacré aux Conférences du Bureau d’Adresse, s’en tient prudemment à cette seule identification249. Tallemant des Réaux cependant, nous apprend de la Calprenède que « quoiqu’il fit l’homme de condition, il fut longtemps un des arcs-boutants du Bureau d’Adresse et ne manquait pas une conférence »250. Sans commenter pour l’instant le caractère fort peu élogieux pour les Conférences de Renaudot de l’incise de Tallemant, nous retiendrons de ce dernier qu’il nous permet de savoir que la Calprenède faisait à tout le moins partie du public des Conférences. Rien n’assure pour autant qu’il y ait participé activement. Ce qui incite plutôt à penser le contraire est le fait qu’on le retrouve plusieurs années plus tard – ce qui témoigne de sa part d’un goût très affirmé pour les assemblées savantes – parmi les membres de l’académie des philosophes-orateurs. Toutefois il n’y apparaît que comme l’auteur d’une question proposée aux conférenciers251, ce qui paraît indiquer qu’il se contentait d’y être un spectateur assidu comme il l’avait donc été déjà chez Renaudot.

  • 252 Correspondance du P. Marin Mersenne, Lettre de Gassendi à Boulliau du 17 mai 1633, t. III, p. 401.

102Enfin, une lettre de Gassendi adressée à Boulliau confirme d’une part la présence de Morin aux Conférences et laisse aussi supposer qu’Ismaël Boulliau les fréquentait également. Gassendi lui écrit en effet en parlant de Morin : « Il m’a aussi donné le mesme advis de l’Assemblée qui se fait toutes les semaines au Bureau d’Addresse, et m’a confirmé toutes les mesmes choses que vous m’en avez escrites »252, ce qui fait à tout le moins de Boulliau un auditeur des conférences.

  • 253 H. M. Solomon, Public..., op. cit., p. 68.
  • 254 Ibid., p. 73.
  • 255 Ibid., p. 73.
  • 256 Correspondance de P. Marin Mersenne, Lettre de Gassendi à Boulliau, t. IV, p. 11. Il est très éton (...)
  • 257 Ibid., p. 73.
  • 258 Ibid., p. 73.
  • 259 H. M. Solomon, Public welfare..., op. cit., p. 73.

103Or il semble qu’il faille s’en tenir à ce point en ce qui concerne le problème des identifications. Certains historiographes de Renaudot et de son académie vont cependant plus loin. Solomon, d’abord, cite bien sûr Tallemant des Réaux mais ajoute que dans l’académie de Renaudot, « there were professional scholars, recognized throughout Europe, such as Jean-Baptiste Morin, Tommaso Campanella et Etienne de Claves »253. Quelques pages plus loin, il présente Ismaël Boulliau comme « another probable member of the assembly »254 et il précise que Gassendi « tooked for granted that Boulliau and Renaudot were friends »255 se fondant pour affirmer cela sur une autre lettre de Gassendi à Boulliau du 24 janvier 1634256. Il écrit par ailleurs que « Jacques Dupuy also knew Renaudot and seemed to follow the conferences regularly »257 et que « Marin Mersenne followed Renaudot’s conferences and publicized them to his far-flung correspondants »258. Solomon propose donc outre les noms de la Calprenède, Morin et Boulliau, ceux de Campanella, Etienne de Clave, Jacques Dupuy et Marin Mersenne. En ce qui concerne Campanella et Etienne de Clave, Solomon ne précise pas quelles sont les sources sur lesquelles il se fonde pour étayer ses affirmations et nous avouons n’avoir pu les découvrir. Comme l’ensemble de son ouvrage est par ailleurs bien informé et généralement bien référencé, on peut supposer qu’il n’avance pas ces noms à la légère mais nous ne pouvons nous mêmes les proposer comme assurés. La présence de Jacques Dupuy, quant à elle, est présentée par Solomon comme moins assurée que les précédentes. Après avoir en effet affirmé que « Jacques Dupuy also knew Renaudot and seemed to follow the conferences regularly » il ajoute « It is doubtful if he participated actualy in the weekly sessions, Renaudot’s popular, open academy so different from his own cercle. Even though Dupuy said that he had « little communication with M. Renaudot » his correspondent Peiresc seemed to assume that the two of them were associates »259 et il fonde cette dernière affirmation sur une lettre de Jacques Dupuy à Peiresc qu’il cite en note mais ne reproduit pas.

  • 260 Correspondance du P. Marin Mersenne, Lettre de Jacques Dupuy à Peiresc du 17 février 1634, t. IV, (...)
  • 261 Voir supra, p. 73.
  • 262 Recueil des gazettes... de l’année 1633, Paris, 1634, no 122 de l’année 1633, pp. 530-531.
  • 263 On en a pour preuve la lettre de Peiresc à Pierre Dupuy du 6 février 1634 : « ... Je seray bien ay (...)
  • 264 Correspondance de Peiresc, Lettre de Peiresc aux frères Dupuy du 7 novembre 1633, t. II, pp. 648-6 (...)

104Nous considérons quant à nous la présence régulière de Jacques Dupuy aux Conférences du Bureau d’Adresse comme plus qu’hypothétique. La lettre de celuici qui est invoquée à titre de preuve des liens qui auraient existé entre lui et Renaudot dit en effet ceci : « J’ai reçue vostre lettre du 6 février, et vous diray pour response que je feray parler au P. Mersenne pour sçavoir s’il a retenu copie de la sentence contre le Galilée. Et ne vous sçaurois dire si c’est de ce lieu que l’a tirée le sieur Renaudot, avec lequel j’ai peu de communication ; néantmoins il faut que je le visite pour le confirmer en la résolution qu’il a prise de vous envoyer ses gazettes et offriray une pistole à ses commis pour les récompenser de leur peine »260. Solomon fait bien remarquer que le « j’ai peu de communication » n’incite guère à imaginer une relation très suivie entre J. Dupuy et Renaudot mais il paraît ne pas en tenir vraiment compte. Pourtant la suite de la lettre « néantmoins il faut que je le visite » va dans le même sens. Et si J. Dupuy se fait ainsi une obligation de visiter Renaudot, c’est effectivement pour intervenir auprès de lui pour qu’il envoie régulièrement ses gazettes à Peiresc. Depuis 1631 en effet, c’est-à-dire depuis le début de la parution de la Gazette, Peiresc à maintes reprises s’est plaint auprès de J. Dupuy du fait qu’il ne recevait pas celle-ci aussi régulièrement qu’il l’aurait souhaité et ses lettres sont donc remplies de récriminations au sujet de Renaudot261 ainsi que d’incitations faites à J. Dupuy pour qu’il obtienne du gazetier, comme il dit, qu’il tienne ses promesses. Cela ne prouve pas pour autant l’existence de liens véritables entre J. Dupuy et Renaudot, et le peu de succès manifeste des interventions du premier tendrait plutôt à prouver le contraire ! L’allusion qui est faite au début de la lettre de J. Dupuy à Peiresc à l’affaire Galilée doit aussi rappeler que Renaudot a publié dans la Gazette – et nous y reviendrons – à la fin de Tannée 1633 le texte de la sentence du Tribunal de l’Inquisition contre Galilée262 (d’où d’ailleurs l’avertissement de Gassendi à Boulliau dans la lettre pré-citée), publication qu’ont fortement désapprouvée Peiresc et ses amis263 et qui n’a certainement pas contribué à rapprocher J. Dupuy de Renaudot. Les relations entre les deux hommes ne devaient donc guère dépasser le niveau de simples relations de services. Renaudot avait d’ailleurs lui-même tâché d’utiliser l’amitié de J. Dupuy et de Peiresc et essayé d’obtenir, par l’intermédiaire du premier, la collaboration de Peiresc à la Gazette. Celui-ci récusa l’offre de Renaudot et chargea les Dupuy de l’en informer : « Le dit sieur Renaudot voudrait que je lui écrivisse d’ordinaire. Je vous prie de lui dire ou faire dire que j’ai trop peu de santé pour m’assujettir à cela, et que je me priverai de beaucoup plus grande commodité que ne peut être celle de voir la gazette pour éviter de me soumettre à une telle sujétion. Quand je vous enverrai des nouvelles que vous jugerez de son goût et dont la publication soit indifférente, je ne trouverai pas mauvais que vous les laissiez voir, comme vous pourrez faire à cette heure de celles de Constantinople, où il trouvera peut-être des particularités qu’il n’a pas vues, mais que je me puisse captiver de lui écrire ne de lui en envoyer règlement, c’est ce que je ne saurais faire pour rien au monde »264.

105Le fait enfin que les lettres de Peiresc ne contiennent aucune allusion aux Conférences mais ne traitent que des problèmes posés par la réception des Gazettes n’incite pas davantage à conclure à une présence régulière de Jacques Dupuy rue de la Calandre. Tout ceci n’interdit pas bien sûr d’imaginer que Jacques Dupuy ait pu, par curiosité, assister occasionnellement à certaines des conférences de l’académie de Renaudot – l’intérêt que lui et son frère portaient au mouvement de la vie intellectuelle a très bien pu l’y conduire – mais il est peu probable qu’il en ait été un participant assidu.

  • 265 J. J. Denonain, « Les problèmes... », op. cit., p. 237.
  • 266 Ibid., p. 240.

106Enfin, que Mersenne ait suivi les Conférences de Renaudot, ou tout au moins certaines d’entre elles peut également être jugé possible ; le fait qu’il participait à peu près à toutes les assemblées savantes de l’époque peut inciter à penser qu’il n’a pas fait une exception pour celle de Renaudot. Toutefois on n’en possède aucune preuve véritable, et encore moins du fait qu’il les ait fait connaître à ses correspondants lointains : aucune de ses lettres ne contient en effet la moindre allusion directe au contenu des conférences. Il est vrai que Solomon fonde cette identification sur un article de J. J. Denonain dont la lecture rend encore plus perplexe que les affirmations du premier. Denonain en effet n’hésite pas à proposer « quelques noms, que nous pouvons, dit-il, deviner en dépit de l’anonymat délibérément observé dans les comptes rendus des Conférences [...] ; quelques noms, ceux des membres bien connus des groupes privés qui existaient alors et étaient par ailleurs – nous le savons – assidus à la salle du Grand Coq ; et par exemple, les frères Dupuy, La Mothe Le Vayer, de l'« Académie putéane » Nicolas Bourbon et son amanuensis bénévole, le médecin parisien Guy Patin, le Père Minime Marin Mersenne qui bientôt va fonder une Académie « toute mathématique » et tous ses amis ou associés : le Président Etienne Pascal – le père de Biaise –, Mydorge et le Pailleur (mathématiciens), Roberval, le physicien, D’Espagnet, l’hermétiste, Desargues, Claude Hardy, Montmor, les pères Magnien, Pétau et Jean Sirmond, incidemment aussi Diodati, introducteur de Bacon en France dès 1619 [...] J’en passe, conclut-il enfin, de connus et de moins connus »265. Et il ajoute, quelques pages plus loin, avec la même assurance : « Laïcs ou croyants, prêtres catholiques ou ministres réformés, incrédules couverts, libertins fanfarons et même athées notoires se côtoyaient sous l’aile du Grand Coq comme dans les cercles plus intimes »266.

  • 267 Voir infra, chap. IV.

107Le problème est que Denonain n’indique aucune des sources sur lesquelles il se fonde pour produire ces affirmations et nous avouons, en ce cas encore, ne pas avoir pu les retrouver, si elles existent. On peut aussi cependant émettre l’hypothèse selon laquelle Denonain aurait simplement déterminé les noms des participants à l’académie de Renaudot par induction à partir des noms de ceux qui fréquentaient les autres assemblées savantes – on retrouve en effet sous sa plume des noms bien connus – ce qui, en raison de ce que nous savons des pratiques de la vie académique n’est pas, sur le plan méthodologique, totalement aberrant, mais demeure toutefois de l’ordre de l’incertain ; d’autres raisons, que nous préciserons plus loin, tendent par ailleurs à confirmer cette incertitude. Enfin, ce qui peut inciter également à faire douter de la crédibilité de cette liste de noms proposée par Denonain est la présence, parmi eux, du nom de Gui Patin. Quand on sait en effet l’hostilité, et le mot est faible, que ce dernier manifestait à l’égard de Renaudot267, on peut difficilement imaginer qu’il ait pu fréquenter ses Conférences.

108Ainsi pour autant que l’on soit autorisé à tirer une conclusion des identifications plus que réduites que l’on est en mesure d’opérer, nous pouvons constater que l’on retrouve tout de même deux noms de savants connus de l’époque – J. B. Morin et I. Boulliau – qui étaient par ailleurs partie prenante de la vie académique de l’époque. Ceci peut autoriser à penser que ceux qui fréquentaient l’académie de Renaudot étaient au moins en partie les mêmes que ceux qui participaient par ailleurs au mouvement de cette vie académique. Il nous paraît toutefois qu’il a pu s’adjoindre à cette sorte de tronc commun des participants moins célèbres et tout un public nettement moins « relevé » sur le plan social et c’est ce que tendrait à laisser penser, comme nous allons le voir, la manière dont les Conférences du Bureau d’Adresse ont été jugées et appréciées par les contemporains.

2.4. Une présence féminine ?

  • 268 G. Reynier, La femme..., op. cit., p.143.
  • 269 Solomon désigne ici G. Reynier, auquel il renvoie en note.
  • 270 H. M. Solomon, Public..., op. cit., p. 69.
  • 271 « La présence féminine dans les Conférences du Bureau d’Adresse de Théophraste Renaudot (1633-1642 (...)
  • 272 La formule précédemment citée, ainsi que le constat que certains sujets paraissent avoir été spéci (...)
  • 273 Ibid., pp. 186-187.

109Mais avant d’aborder ce problème, il reste un dernier point à éclaircir en ce qui concerne la fréquentation de l’académie de Renaudot, à savoir celui de la présence ou non des femmes au sein de celle-ci. En 1929, G. Reynier dans son ouvrage sur La femme au xviie siècle penchait pour l’affirmative et fondait sa conviction sur deux arguments de nature et de valeur probante bien inégale. Etant amené lui aussi à poser le problème de l’anonymat des participants et du public des conférences, il faisait remarquer que « Renaudot ne cite personne » et qu’il ne précise pas non plus « si les dames y sont venues ». G. Reynier avait cependant son idée sur la question car, ajoutait-il, « il eût été bien surprenant qu’elles n’aient pas couru en un endroit où l’on se disputait les places et où c’était déjà une petite distinction d’être admis. D’ailleurs plusieurs sujets étaient très évidemment choisis pour elles et [...] auraient perdu tout leur intérêt si elles n’avaient pas été là »268. Plus tardivement, Solomon, de son côté, s’est contenté de reproduire les affirmations de Reynier ou plus exactement son second argument en admettant qu’il était toutefois impossible à prouver : « There are a number of topics dealing with the role and goal of feminity, and some269 have argued that women were regular participants at Renaudot’s academy. This is impossible to prove »270. Enfin, Eva Jallinek affirme catégoriquement qu’au Bureau d’Adresse « les femmes sont là à se disputer les places le lundi après-midi »271 sans préciser davantage sur quels indices se fonde cette assurance, mais en paraissant à son tour s’inspirer largement des arguments de G. Reynier272, tout en ajoutant toutefois au passage que les « flatteries et compliments » adressés aux femmes ainsi que la circonspection dont font preuve certains orateurs lorsqu’ils doivent débattre de sujets qui concernent très directement celles-ci273 constituent des preuves supplémentaires en faveur de l’existence d’un public féminin.

  • 274 Respectivement, Première Centurie..., 14e et 25e conférences, Seconde Centurie..., 83e conférence,(...)
  • 275 Première Centurie..., p. 206.
  • 276 Voir infra, IIIe partie.
  • 277 Inventaire..., op. cit., p. 26.

110Au total, l’essentiel de ces preuves est emprunté à G. Reynier et ce sont elles seules qui méritent d’être d’abord discutées. Il est sans doute inutile de commenter longuement le premier argument, que Solomon se garde de reprendre, car il est évident qu’il repose sur une idée de la féminité dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle nous paraît consternante, ce qui lui enlève toute valeur probante et le disqualifie irrémédiablement. Il y a bien eu par ailleurs des conférences dont le sujet pouvait effectivement intéresser les femmes : – Quel est le plus enclin à l’amour, l’homme ou la femme. Quel est le plus noble de l’homme ou de la femme. Si la femme a plus d’amour envers son mari que le mari envers sa femme. Si la conversation des femmes est utile aux hommes274, etc. – mais cela ne prouve pas pour autant leur présence. Bien mieux, nous pouvons être presque assurés du contraire puisque le second intervenant fait remarquer à propos du débat sur la question de savoir quel est le plus noble de l’homme ou de la femme « que les femmes ne doivent point alléguer, voyant les hommes seuls traiter ce différend sans elles, qu’il est aisé de louer les athéniens dans la ville d’Athènes... »275. Ce qui tend à prouver que les hommes traitaient entre eux cette sorte de questions. En outre, les flatteries et compliments adressés aux femmes ne compensent pas, de très loin, les jugements fort peu élogieux dont elles font également l’objet et qui relativisent d’autant la prétendue circonspection des orateurs276. Enfin, un article du règlement du Bureau d’Adresse précise que l’entrée en est « permise aux hommes seulement »277. Certes les Conférences étaient une activité nettement distincte des autres activités du Bureau d’Adresse et leur règlement d’admission était peut-être différent. N’est donc pas totalement écartée par là même l’hypothèse selon laquelle les femmes auraient pu au moins être autorisées à se cantonner dans le rôle de simples spectatrices, mais cette hypothèse reste tout de même beaucoup moins probable que G. Reynier ne le prétendait.

  • 278 Quatrième Centurie..., p. 3.

111Enfin une dernière information, qui n’appelle aucun commentaire particulier, est donnée sur la composition du public des Conférences : il est en effet indiqué à l’occasion que celui-ci ne rassemblait pas « un moindre nombre de jeunesse que de vieux »278.

Notes

1 Première Centurie des questions traitées ez Conférences du Bureau d’Adresse, depuis le 22 jour d'Aoust 1633 jusques au dernier Juillet 1634. Dédiée à Monseigneur Le Cardinal. Avec une table des matières, Paris, (Au Bureau d’Adresse), 1634.

2 Seconde Centurie des questions traitées ez Conférences du Bureau d’Adresse, depuis le 3 jour de Novembre 1634 jusques à l'11 Février 1636. Dédiée à Monseigneur le Chancelier. Avec une table des matières. Paris, (Au Bureau d’Adresse), 1636.

3 Troisième Centurie des questions traitées aux Conférences du Bureau d’Adresse, depuis le 18 Février 1636 jusques au 17 janvier 1639. Dédiée à Monseigneur de Bautru. Avec une table des matières. Paris, (Au Bureau d’Adresse), 1639.

4 Quatrième Centurie des questions traitées aux Conférences du Bureau d’Adresse, depuis le 24 janvier 1639 jusques au 10 juin 1641. Avec une table des matières. Paris, (Au Bureau d’Adresse), 1641.

5 Cinquième et dernier tome du Recueil Général des questions traitées es conférences du Bureau d'Adresse, sur toutes sortes des matières. Par les plus beaux esprits de ce temps. Non encore mises à jour. Paris, (Loyson), 1655. Nous désignerons toutefois par commodité dans les notes ce dernier volume sous le titre de Cinquième Centurie..., désignation d’ailleurs usitée par E. Renaudot lui-même puisque la première question de ce dernier volume est publiée sous le titre de « Première question de la Cinquième Centurie des Conférences du Bureau d’Adresse », p. 1.

6 Ch. Sorel, Discours sur l’Académie française..., op. cit., pp. 176-177.

7 J. Sourdier de Richesource, Quatorze problèmes choisis des onze volumes de Conférences académiques et oratoires, Paris, 1686, p. 19.

8 G. Bigourdan, « Les premières sociétés... », op. cit, pp. 937-943.

9 F. Yates, Les académies..., op. cit., pp. 296-297.

10 H. Brown, Scientific..., op. cit., pp. 17-40.

11 R. Taton, Les origines..., op. cit., pp. 15-16.

12 M. Magendie, La politesse..., op. cit., p. 140.

13 R. Pintard, Le libertinage..., op. cit., p. 91.

14 R. Mandrou, Des humanistes..., op. cit., pp. 149-150.

15 P. Delaunay, La vie médicale aux xvie,xviie et xviiie siècles, Paris 1935, pp. 467-468.

16 R. Lenoble, Mersenne..., op. cit., p. 590.

17 G. Reynier, La femme..., op. cit., pp. 142-149.

18 J. Lévy-Valensi, La Médecine et les médecins français au xviie siècle, Paris, 1933.

19 J. Lévy-Valensi, La Médecine et les médecins français au xviie siècle, Paris, 1933,

20 « S’il est bon de se servir de remèdes chimiques », Troisième Centurie...107e Conférence.

21 P. Delaunay, La vie..., op. cit.

22 F. de Dainville, La géographie des humanistes, Paris, 1940, p. 365.

23 R. Mandrou, Magistrats et sorciers au xviie siècle, Paris, 1968.

24 Ainsi par exemple, « Des sorciers », Seconde Centurie..., 77e Conférence ; « Des incubes et des succubes, et si les Démons peuvent engendrer », Troisième Centurie..., 128e Conférence.

25 L. M. Richardson, « The “Conférences” of Théophraste Renaudot » : an episode in the quarrel of the ancients and moderns » dans Modern Language notes, may 1933.

26 J. J. Denonain, « Les problèmes de l’honnête homme vers 1635. Religio Medici et les Conférences du Bureau d’Adresse », Etudes anglaises, 1965.

27 Correspondance du P. Marin Mersenne, op. cit., t. III, p. 401, n. 5, p. 546, η. 1, p. 602 ; n. 2, p. 606 ; t. IV p. 69 n. 2 ; t V. p. 77, p. 82 n. 4, p. 284 n. 7, p. 357 n. 3, p. 455 n. 3 ; t. VI, p. 124 n. 4, p. 310 n. 2, t. VIII, p. 755.

28 J. Roger, Les sciences de la vie dans la pensée française au xviiie siècle, Paris, 1963.

29 E. Hatin, Théophraste Renaudot et ses innocentes inventions, Poitiers, 1883, G. Gilles de la Tourette, Théophraste Renaudot, d’après des documents inédits, Paris, 1884 et La vie et les œuvres de Théophraste Renaudot, Paris, 1892.

30 H. M. Solomon, Public Welfare science and propaganda in Seventeenth Century France. The innovations of Theophraste Renaudot, Princeton, 1972.

31 Eugène Hatin, Histoire politique et littéraire de la Presse en France, avec une introduction historique sur les origines du journal et la bibliographie générale des journaux depuis leur origine, Paris, 1859, tome I, p. 66 et p. 149 (ce collaborateur est la Calprenède), Histoire générale de la presse française, publiée sous la direction de C. Bellanger, J. Godechot, P. Amiral et F. Terrou, Paris, 1969, tome I, p. 92, R. Chartier, « Pamphlets et gazettes » dans Histoire de l'édition française. Le livre conquérant. Du Moyen Age au milieu du xviie siècle Paris, 1982, p. 416.

32 Cahiers de l’Institut français de presse, « Théophraste Renaudot. L’homme, le médecin, le journaliste 1586-1986 », no 1, septembre 1987.

33 Les petites affiches, octobre 1986, numéro spécial 127.

34 H. Hauser, La pensée et l’action économiques du Cardinal de Richelieu, Paris, 1944, p. 170, E. Thuau, Raison d’Etat et pensée politique à l’époque de Richelieu, Paris, 1966, G. Couton, « Richelieu et le théâtre » dans Richelieu et la culture, op. cit., p. 81.

35 E. Hatin, Histoire..., op. cit., p. 63.

36 E. Hatin, Théophraste Renaudot..., op. cit.

37 G. Gilles de la Tourette, La vie et les œuvres..., op. cit., p. 32.

38 Ibid., pp. 51-52.

39 Gérard Jubert, « Ambition, talent et combat au temps de Louis XIII », dans les Petites affiches, op. cit., pp. 6-24 et « L’homme Renaudot » dans Cahiers de l’institut..., op. cit., pp. 9-23.

40 G. Gilles de la Tourette, La vie et les œuvres..., op. cit., p. 3.

41 G. Jubert, « Ambition... », op. cit., p. 8.

42 Ibid., p. 12.

43 Response de Théophraste Renaudot... au libelle fait contre les consultations charitables pour les pauvres malades, Paris, (Au Bureau d’Adresse), 1640, pp. 40-41.

44 Nous poserons ultérieurement de façon plus précise le problème de la pauvreté.

45 Cf. G. Gilles de la Tourette, La vie..., pp. 7-8, p. 13, et aussi G. Jubert, « Ambition... », op. cit., p. 16 et « L’homme... », op. cit., p. 16.

46 En 1626, selon Solomon et en 1628 selon Jubert.

47 H. M. Solomon, Public welfare..., op. cit., p. 19.

48 Inventaire des Adresses du Bureau de rencontre où chacun peut donner et recevoir avis de toutes les nécessités, et commodités de la vie et société humaine, Paris, 1630 pp 4-5

49 Ibid., p. 19.

50 Mercure français, tome XX, adjonction à l’an MDCXXXVII, Paris, 1641, pp. 61-68.

51 Ibid., p. 61.

52 Inventaire..., op. cit., p. 15.

53 A l’exception notable de celle que lui a accordée Gilles Feyel, article « Feuille du Bureau d’Adresse » dans Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, 1991, pp. 416-422.

54 Inventaire..., op. cit., p. 4.

55 Ibid., p. 5.

56 Ibid., p. 5.

57 Ibid., p. 4.

58 Ibid., pp. 5-6.

59 Ibid., p. 12.

60 Ibid., p. 12.

61 Ibid, p. 12.

62 Ibid., p. 22.

63 Ibid., p. 9.

64 Ibid., p. 10.

65 Ibid., p. 10.

66 Ibid., p. 9.

67 Ibid., p. 11. Nous ne reproduisons pas en totalité ce passage des Essais, que Renaudot cite fort longuement.

68 « Discours sur l’utilité... », op. cit., p. 61.

69 Inventaire..., p. 12.

70 Ibid., p. 21.

71 Ibid., p. 26.

72 Ibid., p. 30.

73 Ibid., p. 22.

74 Ibid., p. 23.

75 Ibid., p. 24.

76 Ibid., p. 27.

77 Ibid., p. 27.

78 Ibid., p. 27.

79 Ibid., p. 29.

80 Ibid., p. 29.

81 H. M. Solomon, Public welfare..., op. cit., p. 53.

82 G. Jubert, « Ambition... », op. cit., p. 29.

83 Voir E. Hatin, Théophraste..., op. cit., H. M. Solomon, Public..., op. cit., p. 57, G. Jubert, « Ambition... », op. cit., p. 29.

84 Sur la Gazette, et en particulier sur les circonstances de sa fondation, sur sa composition etc. on peut consulter : Eugène Hatin, Histoire politique..., op. cit., t. I., et Théophraste Renaudot..., op. cit., Histoire générale... sous la direction de Claude Bellanger, op. cit., G. Gilles de la Tourette, Théophraste Renaudot... et La vie et les œuvres..., op. cit., H. M. Solomon, Public Welfare..., op. cit., notamment chap. 4 et chap. 5, F. Dahl, F. Petibon et M. Boulet, Les débuts de la presse française. Nouveaux aperçus, Göteborg et Paris, 1951, G. Jubert, « La légende dorée de Théophraste Renaudot », Bulletin de la société des antiquaires de l’Ouest, 4e série, t. XVI, 2e trimestre 1981, et « Ambition... », op. cit., Gilles Feyel, La « Gazette » en province à travers ses réimpressions, 1631-1752, Amsterdam, 1982, « Richelieu et la Gazette », Richelieu et le monde de l’esprit, op. cit., « Richelieu et la Gazette aux origines de la presse de propagande », dans Richelieu et la culture, op. cit., article « Gazette », Dictionnaire des journaux... op. cit., R. Chartier, « Pamphlets et gazettes », op. cit.

85 Sur la préhistoire de la Gazette, voir tous les ouvrages qui viennent d’être cités.

86 Recueil des gazettes... pour l’année 1631, Paris, 1632, Préface, p. 5.

87 Sur ces différents types de périodiques, consulter également les ouvrages précités.

88 Ibid.

89 G. Feyel, « Richelieu et la Gazette... », op. cit.

90 G. G. de la Tourette, La vie et les œuvres..., op. cit., p. 20.

91 Voir E. Thuau, Raison d’Etat..., op. cit., pp. 108-109.

92 Ibid., p. 169.

93 Ibid., p. 169.

94 A. Adam, Histoire..., op. cit.

95 Ibid., p. 214.

96 E. Thuau, Raison d’Etat..., op. cit., p. 214.

97 A. Adam, Histoire..., op. cit., p. 225.

98 Ibid., p.226.

99 Ibid., p. 227. Sur son rôle toutefois de normalisation des pratiques littéraires, voir R. Chartier, « Trajectoires... », op. cit., pp. 342-351.

100 G. Gilles de la Tourette, La vie et les œuvres..., op. cit., p. 20.

101 Ibid., p. 20.

102 E. Hatin, Histoire..., op. cit., p. 105.

103 Op. cit., p. 88.

104 G. Jubert, « L’homme Renaudot », op. cit., p. 14.

105 G. Jubert, « Ambition... », op. cit., p. 20.

106 G. Feyel, « Richelieu et la Gazette... », op. cit., p. 105.

107 Ibid., p. 106.

108 Ibid., p. 109. H. Solomon, E. Thuau, R. Chartier ont émis eux aussi des jugements très comparables à ceux que nous rapportons.

109 Voir en particulier les articles précités.

110 E. Thuau, Raison d’Etat..., op. cit., p. 221.

111 G. Feyel, « Richelieu et la Gazette... », op. cit. p. 117. Solomon fait ainsi remarquer que la Gazette passa sous silence pendant deux mois la prise de la forteresse de Corbie par les troupes espagnoles. En revanche, la reprise de la forteresse qui levait la menace pesant sur Paris fut annoncée par un extraordinaire de quatre pages, le 17 novembre 1636, trois jours seulement après la victoire française (Public..., op. cit., p. 133.).

112 G. Feyel, « Richelieu... », op. cit., p. 115.

113 G. Jubert, « L’homme Renaudot », op. cit., p. 14, repris dans « Ambition... », op. cit., p. 22.

114 Response à l’examen de la Requeste présentée à la Reine par Mr Théophraste Renaudot, Portée à son auteur par Maschurat Compagnon Imprimeur, Paris, 1644, p. 16.

115 Voir par exemple le Catholicon français ou Plainctes de deux chasteaux, rapportées par Renaudot, Maître du Bureau d’Adresse (il s’agit d’un texte apocryphe, faussement attribué à Renaudot) dans Mathieu de Morgues, Pièces curieuses en suite de celles du Sieur de S. Germain, contenant plusieurs pièces pour la défense de la Reyne mère du Roi Très chrétien Louis XIII..., Sur la copie imprimée à Anvers, 1644., p. 7. Ou encore la Satyre d’Etat, Harangue faite par le Maître du Bureau d’Adresse à son éminence le Cardinal de Richelieu, ibid., p. 42.

116 P. Albert, « Renaudot et le journalisme », Cahiers..., op. cit., p. 36.

117 N. Peiresc, Correspondance, éditée par Ph. Tamizey de Larroque, Paris 1888-1898, notamment t. II, pp. 369, 394, 402, 408, 416, 425, etc.

118 Ch. Sorel, La bibliothèque française, Paris, 1664, p. 326, cité par Solomon, op. cit., p. 124.

119 Première Centurie..., Préface sur les Conférences, p. 1.

120 Ibid., p. 1.

121 Ibid., p. 1.

122 Quatrième Centurie..., p. 420.

123 Première Centurie..., Préface, p. 1.

124 Première Centurie..., Préface, pp. 1-2.

125 Œuvres de Descartes, publiées par Ch. Adam et P. Tannery, Discours de la Méthode et Essais, VI, p. 13.

126 Première Centurie..., Avis au lecteur, non paginé.

127 Ibid.

128 Première Centurie, Préface aux conférences, p. 2.

129 Voir R. Descartes, Discours de la méthode, en particulier 2e partie, 1re règle de la méthode, B. Pascal, Œuvres..., op. cit., Préface pour le Traité du Vide, pp. 529-532.

130 Quatrième Centurie..., p. 418.

131 Ibid., pp. 418-419.

132 Ibid., p. 419.

133 Première Centurie..., Avis au lecteur.

134 Seconde Centurie..., Ouverture des conférences, p. 7.

135 Ibid.

136 Première Centurie..., Avis au lecteur.

137 Première Centurie..., Préface, p. 2.

138 R. Descartes, Œuvres..., op. cit., VI, p. 28.

139 Ibid., pp. 23-24.

140 R. Pintard, Le libertinage..., op. cit.

141 Seconde Centurie..., Ouverture des Conférences, p. 7.

142 Ibid., p. 7.

143 Première Centurie..., p. 3.

144 Quatrième Centurie..., p. 53.

145 Première Centurie..., Préface, p. 2.

146 « Ouverture... », p. 7.

147 Ibid., p. 8.

148 Première Centurie..., Première Conférence.

149 Ibid., p. 5.

150 Première Centurie..., p. 6.

151 Ibid., Avis au lecteur.

152 Ibid., p. 21.

153 Ibid., p. 21.

154 Quatrième Centurie..., p. 420.

155 Ibid.

156 Ibid.

157 Troisième Centurie..., p. 350.

158 Première Centurie, Préface aux Conférences, p. 2.

159 Quatrième Centurie..., p. 420.

160 Seconde Centurie..., Ouverture des Conférences, p. 8.

161 Les deux termes se rencontrent fréquemment : voir par exemple : Première Centurie..., Avis au lecteur, également p. 16, p. 408, Seconde Centurie..., Ouverture des conférences, p. 1, Quatrième Centurie..., p. 420, etc.

162 Première Centurie..., p. 158.

163 Quatrième Centurie..., p. 205.

164 Voir la conclusion de l’Avis au lecteur, Première Centurie.

165 Première Centurie..., p. 3.

166 Quatrième Centurie..., conférence du 4 mars 1641, p. 420.

167 Seconde Centurie..., p. 1.

168 Recueil des gazettes... 1636, Extraordinaire du 3 novembre 1636, no 168, p. 692.

169 Dans le compte rendu de la conférence du 10 juin 1641, on lit en effet encore : « depuis neuf ans qu’elles ont continuées », Quatrième Centurie..., p. 46.

170 H. M. Solomon, Public welfare..., op. cit., p. 64.

171 G. Gilles de la Tourette, La vie et les œuvres..., op. cit., p. 29.

172 Ibid., p. 30.

173 On peut se demander pourquoi Gilles de la Tourette donne le mois de novembre comme date de l’ouverture selon lui officielle des conférences.

174 M. Petit, « Les Conférences... », op. cit., p. 42.

175 Sur les Feuilles du Bureau d’Adresse, voir l’article de Gilles Feyel « Feuille du Bureau d’Adresse », Dictionnaire des journaux..., op. cit., pp. 416-422.

176 Il s’agit essentiellement d’offres commerciales concernant par exemple des terres ou des maisons à vendre, etc.

177 Voir Marc Martin, Trois siècles de publicité en France, Paris, 1992, p. 23.

178 Edourad Fournier, Variétés historiques et littéraires. Recueil de pièces volantes rares et curieuses en prose et en vers. Revues et annotées par M. Edouard Fournier, Paris, 1849, t. IX, pp. 47-62. Celui-ci fait remarquer à juste titre que la feuille qu’il édite fait suite à un « occasionnel » de la Gazette, qui relate le Duel signalé d’un Portugais et d’un Espagnol et qu’il ressemble en tous points à ce que seront ultérieurement les différents suppléments de la Gazette. Cette hypothèse est confirmée par le fait que l’exemplaire de la dixième feuille fait également suite à deux récits : le premier consacré à la réception du Roy d’Angleterre en Exosse, le second au Tombeau du roy de Suède. On peut constater en outre l’étroite interaction que Renaudot instaurait entre les différentes branches de son activité : les offres commerciales du Bureau d’Adresse, les Conférences et la Gazette. Nous allons d’ailleurs vérifier qu’il a utilisé à plusieurs reprises la Gazette pour diffuser des informations concernant les Conférences.

179 Voir infra p. 87. On peut relever que le second point : de la pierre philosophale sera à nouveau traité dans l’une des conférences postérieures (De la pierre philosophale, Première Centurie..., 43e conférence du lundi 12 juin 1634).

180 Par exemple, Troisième Centurie..., p. 488, Quatrième Centurie..., p. 124, Recueil des gazettes... de Tannée 1637, p. 774.

181 A la date du 31 juillet 1634, vient de s’achever le premier cycle de cinquante conférences qui avaient permis de traiter cent sujets puisque jusqu’au 2 juin 1636 on traitait deux sujets par conférence. Voir infra, p. 86.

182 Première Centurie..., p. 408.

183 Troisième Centurie..., p. 488.

184 Quatrième Centurie..., p. 124.

185 Troisième Centurie..., p. 133.

186 Première Centurie..., p. 8.

187 Ibid., p. 8.

188 Ibid., p. 8.

189 Ibid., p. 16.

190 Ibid., p. 32.

191 Ibid., p. 24.

192 Ibid., p. 16.

193 Ibid., p. 24.

194 Ibid., p. 40.

195 Ibid., p. 56.

196 Ibid., p. 48.

197 Ibid., p. 80.

198 Ibid., p. 136.

199 Ibid., p. 296.

200 Recueil des gazettes... de l’année 1634, Paris, 1635, p. 180.

201 Première Centurie..., p. 408.

202 Seconde Centurie..., pp. 3-6.

203 Troisième Centurie..., p. 489. Voir infra, IIIe partie.

204 Quatrième Centurie..., p. 124.

205 Le Gallois, Conversations de l'Académie..., op. cit., p. 58.

206 Recueil des gazettes... de l’année 1636, p. 692.

207 Quatrième Centurie..., pp. 130-131.

208 Première Centurie..., Avis au lecteur.

209 Seconde Centurie, « Ouverture... », p. 6.

210 Ibid., pp. 6-8.

211 Ibid., p. 8.

212 Recueil des gazettes... de l’année 1636, p. 692.

213 Première Centurie..., Avis au lecteur.

214 Ibid.

215 Quatrième Centurie..., 199e conférence.

216 Ibid., p. 53.

217 Ibid., p. 53.

218 Ibid., p. 193.

219 Ibid., p. 349.

220 Première Centurie..., p. 3.

221 Seconde Centurie..., p. 1.

222 Toutefois, c’est sans doute Renaudot lui-même, aidé éventuellement de son fils Eusèbe, qui rédigeait le texte des comptes rendus, après que cette sélection ait été opérée. C’est ce qu’il ressort par exemple de La défense de la Faculté de Médecine contre son calomniateur, texte anonyme plus tardif (Paris, 1641) et qui marque le début des attaques de la Faculté de Médecine contre Renaudot. Nous aurons l’occasion de reprendre l’examen de ce texte qui constitue un réquisitoire en règle contre celui qui est encore le protégé de Richelieu, et dont l’auteur, par-delà le grief majeur d’exercice illégal de la médecine, lui fait un crime de se livrer à des activités multiples, « assistant, argue-t-il, en outre à ses Conférences, les dressant, composant, imprimant, distribuant » (p. 21).

223 Première Centurie..., « Préface... », p. 3.

224 Recueil des gazettes... de l’année 1638, no 143, p. 604.

225 Ibid., p. 604.

226 Ibid., p. 604.

227 Ibid., p. 640.

228 Première Centurie..., Avis au lecteur.

229 Ibid.

230 Première Centurie..., Préface, p. 3.

231 Recueil des gazettes... de l'année 1638, p. 604.

232 Voir supra, p. 42.

233 J. Sourdier de Richesource, Quatorze problèmes..., op. cit.

234 Première Centurie..., Avis au lecteur.

235 Ibid., Préface, p. 3.

236 Seconde Centurie, « Ouverture... », p. 1.

237 Quatrième Centurie..., p. 460.

238 Première Centurie..., Avis au lecteur.

239 Ibid.

240 Ibid.

241 Seconde Centurie..., « Ouverture... », pp. 6-7.

242 Recueil des gazettes... de l’année 1636, p. 692.

243 Seconde Centurie..., « Ouverture... » p. 7.

244 M. Magendie, La politesse..., op. cit., p. 140.

245 G. Reynier, La femme..., op. cit., p. 143.

246 H. M. Solomon, Public welfare..., op. cit., p. 69.

247 Recueil des gazettes... de l’année 1634, no 30, p. 128.

248 Seconde Centurie..., p. 200.

249 G. Bigourdan, « Les premières... », op. cit., p. 943.

250 Tallemant des Réaux, Historiettes..., op. cit., t. II, p. 584.

251 Quatorze problèmes..., op. cit., p. 60. La question posée par La Calprenède était la suivante : « Si la gloire qui accompagne la vie est préférable à celle qui la suit ».

252 Correspondance du P. Marin Mersenne, Lettre de Gassendi à Boulliau du 17 mai 1633, t. III, p. 401.

253 H. M. Solomon, Public..., op. cit., p. 68.

254 Ibid., p. 73.

255 Ibid., p. 73.

256 Correspondance de P. Marin Mersenne, Lettre de Gassendi à Boulliau, t. IV, p. 11. Il est très étonnant que Solomon tienne cette lettre pour une preuve de l’amitié de Renaudot et de Boulliau. Nous l’interpréterions plus volontiers comme une preuve de la défiance du « clan » des amis du père Mersenne à l’égard du premier. Gassendi y écrit en effet à Boulliau : « Je suis bien aise que vous ayez entrepris le travail dont vous m’escrivez et du biaiz que vous me marquez en faveur des Copemiciens, mais prenez garde que votre parent ou compatriote ne vous mette dans la Gazette pour vous faire désormais déclarer à Rome et passer pour un hérétic ». Nous commenterons ultérieurement de façon plus précise le contenu de cette lettre.

257 Ibid., p. 73.

258 Ibid., p. 73.

259 H. M. Solomon, Public welfare..., op. cit., p. 73.

260 Correspondance du P. Marin Mersenne, Lettre de Jacques Dupuy à Peiresc du 17 février 1634, t. IV, p. 46. On trouve également cette lettre dans la Correspondance de Peiresc, op. cit., t. III, p. 695.

261 Voir supra, p. 73.

262 Recueil des gazettes... de l’année 1633, Paris, 1634, no 122 de l’année 1633, pp. 530-531.

263 On en a pour preuve la lettre de Peiresc à Pierre Dupuy du 6 février 1634 : « ... Je seray bien ayse, écrit le premier, de voir aussy la sentence concernant le bonhomme Galilée, que le P. Mersenne a laissé échapper de ses mains un peu trop facilement, si c’est de là que la tient le Sr Renaudot pour en faire tant de bruict et de scandale, contre l’intention mesme des autheurs qui l’avoient tenue si secrète durant tant de temps... » (Correspondance du P. Marin Mersenne..., t. IV, p. 31).

264 Correspondance de Peiresc, Lettre de Peiresc aux frères Dupuy du 7 novembre 1633, t. II, pp. 648-649.

265 J. J. Denonain, « Les problèmes... », op. cit., p. 237.

266 Ibid., p. 240.

267 Voir infra, chap. IV.

268 G. Reynier, La femme..., op. cit., p.143.

269 Solomon désigne ici G. Reynier, auquel il renvoie en note.

270 H. M. Solomon, Public..., op. cit., p. 69.

271 « La présence féminine dans les Conférences du Bureau d’Adresse de Théophraste Renaudot (1633-1642) » dans Actes de London 1985. Présences féminines. Littérature et société au xviie siècle français, Paris, Seatle, Tuebingen, 1987, p. 180.

272 La formule précédemment citée, ainsi que le constat que certains sujets paraissent avoir été spécialement choisis pour intéresser les femmes (p. 186) ne sont en effet que la simple reproduction de l’argumentaire de G. Reynier.

273 Ibid., pp. 186-187.

274 Respectivement, Première Centurie..., 14e et 25e conférences, Seconde Centurie..., 83e conférence, Cinquième Centurie..., 307e conférence.

275 Première Centurie..., p. 206.

276 Voir infra, IIIe partie.

277 Inventaire..., op. cit., p. 26.

278 Quatrième Centurie..., p. 3.

© Éditions de la Sorbonne, 1997

Licence OpenEdition Books

Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de caractères.
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search