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Savoirs et philosophie à Paris dans la première moitié du XVIIe siècle

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Simone Mazauric

Première partie. Une assemblée savante dans la première moitié du XVIIe siècle les conférences du bureau d'adresse

Chapitre 2. Le mouvement académique en France

Texte intégral

  • 1 Il n’existe pratiquement aucun ouvrage de synthèse consacré à la vie académique française dans la (...)

1Ce n’est donc qu’à partir des années 1620 environ que la vie intellectuelle française a connu un développement comparable par son intensité à celui qui s’était produit en Italie un siècle plus tôt et que sous l’effet conjugué des différents facteurs précédemment évoqués, salons, cercles littéraires et scientifiques plus ou moins renommés, plus ou moins éphémères aussi, se sont multipliés et ont accueilli pour certains d’entre eux un public avide de rencontres et d’échanges, donnant ainsi à la vie académique un essor sans précédent. Nous ne prétendons pas nous livrer ici à une analyse exhaustive de cette dernière : sa richesse ainsi que sa complexité risque de donner à cette analyse des dimensions trop considérables dans le cadre de notre étude1. Notre intention est donc uniquement d’en proposer une approche permettant de saisir la façon dont les Conférences du Bureau d’Adresse se sont situées au sein de cet ensemble, hors duquel elles perdent une large partie de leur signification.

2La vie académique française dans la première moitié du xviie siècle se caractérise d’abord par sa forte originalité si on la compare avec ce que fut en amont en quelque sorte sa préhistoire et avec ce qu’a été en aval son évolution ultérieure. Cette originalité peut être analysée selon plusieurs points de vue.

  • 2 Alain Viala, Naissance de l’écrivain. Sociologie de la littérature à l’âge classique, Paris, 1985, (...)

3Ce qui la distingue peut-être de la façon la plus frappante de ses formes antérieures, c’est d’abord ce remarquable essor que nous venons d’évoquer et qui s’est traduit par la création d’un très grand nombre d’académies. A. Viala, pour sa part, en a dénombré plus de soixante-dix2, ce qui reste certes très loin des chiffres italiens mais prouve tout de même suffisamment que le passage du xvie au xviie siècle n’est pas seulement un repère chronologique commode mais qu’il a correspondu à une brutale et forte accélération du mouvement de constitution de la vie académique.

4Toutefois le changement qui s’est produit dans l’académisme français n’a pas été seulement un changement d’ordre quantitatif. Pour important que soit ce dernier, il ne doit pas masquer que c’est tout ensemble sa structuration théorique, sa configuration institutionnelle ainsi que son rapport aux instances politiques qui se sont modifiés au même moment et qui se sont à nouveau modifiés ultérieurement, soit dans un mouvement d’accentuation du phénomène amorcé dans le premier cas de figure, soit par une réplique symétrique et inversée du mouvement précédent pour le second, à partir de 1650 qui constitue le second repère chronologique important dans l’histoire du mouvement académique français.

5Or ce qui tend à donner de celui-ci une image unifiée et donc à masquer ces différents temps ainsi que l’originalité de chacun d’entre eux, c’est sans doute l’emploi générique du terme académie dont le contenu sémantique a en fait considérablement varié tout au long de cette période et cela parallèlement à l’évolution structurelle de la vie académique elle-même. C’est pourquoi la tentative de clarification de cette polysémie peut servir de fil conducteur pour distinguer les différentes façons dont s’est configurée la sociabilité savante sous sa forme académique en France tout au long du xviie siècle.

1 – Repères sémantiques

6Le mot « académie » a été dans la première moitié du xviie siècle employé en un sens très large, qui ne recoupe ni la signification que ce terme avait fini par revêtir en Italie et qu’il retrouvera en France dans la seconde moitié du siècle, pas plus qu’il ne coïncide avec l’acception officielle qui était la sienne primitivement au xvie siècle, et qu’il retrouvera aussi en partie, ou du moins apparemment, ultérieurement.

  • 3 P. Le Gallois, Conversations de l'Académie de Monsieur l’abbé Bourdelot, Contenant diverses Recher (...)

7Dans la péninsule, les académies, d’abord simples réunions informelles de lettrés, avaient fini par prendre un fort caractère institutionnel et réglementaire. C’est cet aspect que retient essentiellement le français P. Le Gallois lorsqu’il se livre, en 1672, à un essai de définition du terme académie dans la préface de son ouvrage Les conversations de l’Académie de Monsieur l’abbé Bourdelot et éclaire ainsi la signification que revêtait ce terme dans la seconde moitié du xviie siècle3.

  • 4 « Cette nation ingénieuse s’est plus que toutes les autres, portée à ces sortes d’assemblées, à qu (...)
  • 5 Ibid., pp. 21-22.

8De cette préface, il appert en effet que pour Le Gallois et ses contemporains, il ne suffit pas que des doctes se réunissent pour que soit constituée une académie. Si cette condition s’avérait suffisante dans l’Antiquité, à l’origine ultime du mouvement académique, la renaissance de ce mouvement en Italie a progressivement introduit des éléments de modification fondamentaux : la nécessité d’une part d’instaurer des « lois » destinées à régler aussi bien le nombre des personnes rassemblées, la périodicité et le lieu des réunions que leur objet d’étude et d’autre part la création de fonctions bien déterminées (directeur, trésorier, secrétaire)4. Eléments qui sont devenus à leur tour les éléments constitutifs des académies parisiennes notamment5.

9Or il est indéniable que le terme académie a été employé en France dans la première moitié du siècle de façon beaucoup plus souple et dans une acception beaucoup plus large qu’après 1650. La plupart des contemporains de Louis XIII, renouant avec la tradition du premier académisme italien, n’ont pas retenu dans cette acception le caractère très institutionnalisé, très réglementé, très formalisé sur lequel insiste Le Gallois. Ils l’ont employé en fait pour désigner toute sorte de réunion plus ou moins régulière, plus ou moins réglementée, plus ou moins formalisée, destinée à favoriser le commerce des esprits et concurremment avec d’autres vocables : compagnie, assemblée, etc. à l’acception similaire. Cet emploi du terme académie s’explique par le fait que ces formes particulières de sociabilité intellectuelle que furent les cénacles de lettrés se développèrent dans un premier temps avec une extrême liberté, sans se soucier de se conformer à un modèle unique. Chacun a eu au contraire à cœur de se développer selon ses formes propres et en conséquence aucun n’est strictement réductible à un autre. Dans tous les cas, par ailleurs, ces assemblées, ou compagnies, ou cénacles de lettrés, hormis l’Académie française, relevaient de l’initiative privée.

  • 6 Sur la fondation de l’Académie française, voir Paul Pellison, Relation contenant l’histoire de l’A (...)
  • 7 C’est ce que prouve à l’évidence l’article « Académie » de l’Encyclopédie, article dans lequel d’A (...)
  • 8 Marc Fumaroli, « Le cardinal de Richelieu fondateur... », op. cit., pp. 221-222. Roger Chartier a (...)

10La seconde acception du terme académie qui a historiquement fini par l’emporter n’était en effet d’abord qu’une acception parmi d’autres, et, à la limite, l’exception et non pas la règle, comme elle le devint plus tard. L’institution ou l’officialisation par le pouvoir politique de ces réunions ne figurent pas en effet au nombre des caractéristiques obligées des académies du premier xviie siècle, où seule l’Académie française fut fondée à l’initiative de Richelieu en 16356, qui agissait ainsi non pas à titre privé, à l’imitation de certains dignitaires de l’Eglise romaine, mais à titre de représentant du pouvoir monarchique. De ce point de vue, l’académisme français s’est développé dans le premier xviie siècle en rupture avec sa forme première et ce n’est que plus tardivement que, relevant désormais entièrement de l’autorité du pouvoir politique, comme en témoignent la fondation de l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1648, de l’Académie des sciences en 1666, de l’Académie royale de musique en 1669, etc. le terme académie finira par devenir en France synonyme d’académie d’Etat7. Il faut ici en outre préciser que le rôle joué par Richelieu dans la fondation de l’Académie française n’a été en rien comparable à celui qu’avaient joué au siècle précédent, par rapport à leurs académies respectives, Charles IX et Henri III. Marc Fumaroli a en effet clairement marqué les différences très profondes qui, au-delà de la ressemblance formelle, distinguent dans les deux cas de figure les rapports du pouvoir politique et de la vie académique. « Alors, souligne-t-il, que les deux académies des Valois, porteuses des idéaux humanistes, visaient à pénétrer la politique de haute culture », et qu’à cette fin Charles IX et Henri III participaient aux séances de leur académie, le rapport s’inverse à partir de la création de l’Académie française où le pouvoir d’Etat affirmant son autonomie, l’utilise et la fait servir à ses fins propres8.

11Toutefois même si la liberté avec laquelle le mouvement académique s’est d’abord développé n’a pas été de longue durée, et que parallèlement à l’affermissement du pouvoir politique centralisé de la monarchie française, on peut voir apparaître très tôt les prémices d’une progressive réinstitutionnalisation et d’une réofficialisation de la vie académique, selon des formes nouvelles et inédites, cette liberté a bien été une caractéristique de sa renaissance au xviie siècle, ainsi que l’étude de quelques académies de l’époque choisies parmi les plus renommées peut en témoigner et permettre en même temps de percevoir le rôle et la fonction qui ont été les leurs dans la vie intellectuelle de l’époque.

2 – La vie académique française : études de cas

2.1. Les salons littéraires

  • 9 Voir à ce sujet M. Magendie, La politesse..., op. cit., pp. 120-137. Sur les salons littéraires au (...)
  • 10 Ibid., p. 126.

12On peut d’abord évoquer, mais sans s’y attarder, l’existence de nombreux salons littéraires car, s’ils ont largement contribué à diffuser au sein des couches supérieures de la société l’idéal de politesse mondaine précédemment évoqué, ainsi qu’à promouvoir l’intérêt pour les lettres (ce fut le cas notamment du salon de la Marquise de Rambouillet9,) ils n’ont guère et même pas du tout – ce n’était ni leur ambition ni leur vocation – participé à ce que l’on peut désigner d’un terme très général comme le mouvement des idées, qui nous intéresse ici prioritairement. Certes les différentes instances de sociabilité académique ne pratiquaient pas nécessairement une étroite spécialisation ; les salons ne s’interdisaient pas en conséquence des incursions dans les domaines les plus divers : ainsi Magendie signale que l’on a pu parler des taches du soleil à 1 Hôtel de Rambouillet10 Il n’en reste pas moins toutefois que leur vocation est demeurée essentiellement littéraire et qu’ils offraient par excellence le type de réunions informelles et privées. Il convient seulement d’ajouter que c’est de l'une de ces réunions – le cercle d’amis qui se réunissait autour de Conrart – que naquit l’Académie française qui inaugura le mouvement de captation par le pouvoir politique de la vie intellectuelle – ici de la vie littéraire – dont on retrouvera ultérieurement l’équivalent dans le domaine de la vie scientifique.

2.2. Le Cabinet des frères Dupuy

  • 11 Sur le cabinet des frères Dupuy, voir Isaac Uri, Un cercle savant au xviie siècle, François Guyet (...)

13Un cénacle en revanche présente un intérêt fondamental : c’est celui dont on peut considérer qu’il a véritablement été à l’origine du mouvement de formation des assemblées savantes et qui, durant plusieurs décennies, fit preuve d’un immense rayonnement, à savoir le très célèbre Cabinet des frères Dupuy11. Pôle d’attraction majeur de la vie intellectuelle non seulement à Paris mais aussi en province et même au-delà des frontières du royaume, il fut, affirme R. Pintard, parmi tous les cénacles érudits de son temps le plus prisé et le plus recherché.

  • 12 Rue des Poitevins à Paris.
  • 13 Hans Bots, ibid., introduction, p. XXIV.

14Cousins de Jacques-Auguste de Thou, président au Parlement de Paris, qui, très tôt dans le siècle réunissait déjà autour de lui un cénacle de savants, Pierre et Jacques Dupuy héritèrent à la mort de leur parent en 1617 de sa très riche bibliothèque. A compter de cette date les frères Dupuy, tous deux avocats au Parlement de Paris, s’installèrent au domicile de leur cousin12 et c’est là désormais que se tinrent les réunions qui firent du cabinet des frères Dupuy « un des hauts lieux de la République des lettres »13.

  • 14 Sur tous ces points voir R. Pintard, Le libertinage..., op. cit., p. 94.

15Ce cénacle se distinguait des salons précédemment évoqués par le fait qu’il accueillait un public infiniment plus large, plus diversifié que celui qui fréquentait ces derniers. Hommes de lettres, mais aussi philologues, théologiens, physiciens, mathématiciens, philosophes, historiens, jurisconsultes, etc., se pressaient ainsi chez les frères Dupuy. R. Pintard a dressé la liste de tous ceux qui s’y retrouvaient régulièrement et l’on peut donc citer, l’énumération étant loin d’être exhaustive : Balzac, Ménage, Saumaise, le Père Y. Sirmond, I. Boulliau, le Père Mersenne, la Mothe Le Vayer, Mézeray. A ces érudits parisiens se joignaient lorsqu’ils étaient de passage à Paris des provinciaux comme Gassendi ou Peiresc, et aussi, puisque la réputation de ce cercle avait dépassé les frontières de la France, les étrangers de marque qui séjournaient à Paris : Grotius, Nicolas Hensius, Th. Hobbes, Campanella14. Le Cabinet des frères Dupuy fut ainsi le lieu de confluence de tous ceux qui dans tous les domaines, et sans exclusive se passionnaient pour les choses de l’esprit, et accueillait tous les érudits qui, dans leur époque, jouissaient de la plus grande notoriété. C’est ce qui explique le prestige de ce que l’on appelait aussi communément l’Académie putéane, appellation qui confirme que l’on employait alors le terme académie dans un sens très large.

  • 15 Voir à ce sujet Antoine Cozon, « Ut provint aliis – Jacques-Auguste de Thou et sa bibliothèque » d (...)
  • 16 La formule est évidemment anachronique
  • 17 Ibid., p. 97.
  • 18 H. Bots, Correspondance..., op. cit., introduction p. XXIII
  • 19 Ibid., p. XXIII.

16Il ne s’agissait pas en effet d’une académie au sens consacré par l’évolution ultérieure de la vie académique. Les réunions se tenaient tous les jours en fin d’après-midi dans la bibliothèque que Jacques et Pierre Dupuy avaient héritée de leur cousin De Thou et prenaient la simple forme d’une conversation libre au cours de laquelle les sujets les plus variés : philosophiques, littéraires, politiques, scientifiques, avec toutefois une préférence pour les belles lettres, étaient abordés. L’inventaire de la bibliothèque de Jacques-Auguste de Thou atteste la diversité des centres d’intérêt et des préoccupations de ceux qui, héritiers de la tradition humaniste, se tenaient en même temps informés des péripéties les plus récentes de la vie intellectuelle dans le domaine scientifique notamment15. Nulle règle, nul protocole ne venaient conférer un caractère un tant soit peu institutionnel à ces rencontres, pas plus que celles-ci ne se proposaient un quelconque « programme de recherche »16 ou ne s assignaient pour but l'exploration systématique d’un territoire précis du savoir. La seule règle qu’elles semblent avoir suivie fut justement celle de ne s’en imposer aucune et de se contenter d’offrir à tous ceux qui y participaient la possibilité de s’exprimer avec une entière liberté. La plus grande tolérance régnait en effet chez les Dupuy au point que des hommes aux convictions divergentes, catholiques et protestants par exemple, pouvaient s’y côtoyer très librement17 ; au point aussi que sans vouloir faire de leur Cabinet un foyer de libertinage, il convient cependant de souligner qu’ils ont accueilli tous ceux qui avaient quelque sympathie, plus ou moins profonde, pour celui-ci. C’est sans doute en conséquence dans ce cercle des frères Dupuy qu’a pu le mieux se satisfaire l’idéal de liberté intellectuelle auquel tant de philosophes, de lettrés, de savants aspiraient alors. Ainsi s’explique la remarquable longévité de ces réunions quotidiennes qui commencèrent dès 1617 et ne s’achevèrent que très avant dans le siècle. La mort de l’aîné des deux frères : Pierre, en 1651, suivie en 1656 de la mort du cadet ne signifia pas en effet pour autant la mort du Cabinet. Ismaël Boulliau puis la Rivière prirent sa direction mais « les frères Dupuy n’étant plus là pour l’animer de leur fervente inspiration, le Cabinet n’eut plus qu’une survie sans éclat »18. On peut retrouver les traces de cette survie jusqu’en 1680, date à partir de laquelle, constate H. Bots, « la vie du Cabinet se perd dans les sables »19.

2.3. Les réunions autour de Descartes

17Si l’académie putéane fut la réunion d’érudits la plus célèbre de son temps ainsi que celle dont la durée d’existence fut la plus longue, d’autres assemblées savantes, fondées à sa suite, organisèrent à leur tour et chacune à sa façon la vie intellectuelle parisienne.

  • 20 Adrien Baillet, La vie de M. Descartes, Paris (D. Horthemels), 1691, p. 136.
  • 21 Le Vasseur d’Etioles, parent de Descartes, chez qui il logeait à Paris !
  • 22 Ibid., p. 152.
  • 23 Ibid., pp. 136-147.
  • 24 René Taton, Les origines de l’Académie Royale des Sciences, Paris, 1966, p. 15.

18Si l'on en croit Baillet, la présence de Descartes à Paris durant l’année 1626 attira autour de lui un grand nombre d’hommes de lettres, de mathématiciens, de théologiens, de simples érudits aussi car, selon son premier biographe, « ses anciens amis, et particuliérement M. Mydorge, et le P. Mersenne, avoient tellement étendu sa réputation, qu’il se trouva en peu de temps accablé de visites, et que le lieu de sa retraite se vit changé en un rendez-vous de conférences »20, et quelques pages plus loin, il précise encore que « sa réputation [...] avoit fait de la maison de M. Le Vasseur21 une espèce d’Academie, en y attirant une infinité de gens qui s’introduisoient chez luy à la faveur de ses amis »22. On retrouve dans ce témoignage de Baillet l’emploi du terme « académie » en son sens le plus informel car on peut deviner que ces réunions improvisées autour de Descartes, et sans que manifestement il y fût pour rien, ne revêtaient aucun caractère de régularité, dans tous les sens du terme. Cette « académie » présenta donc la particularité d’être sans doute celle qui fut la plus involontairement constituée. Parmi ceux que Descartes fréquentait néanmoins le plus volontiers, Baillet cite les noms de Claude Hardy, Monsieur de Beaune, Jean-Baptiste Morin, le Père Guillaume Gibieuf, Balzac, M. des Argues, M. de Beaugrand, Silhon, l’abbé Picot, outre bien sûr le Père Mersenne et Mydorge23. René Taton toutefois n’accorde pas un total crédit au récit de Baillet mais précise cependant « quels que soient les doutes que l’on puisse émettre sur la valeur documentaire de ce témoignage, il est certain que c’est de cette époque que datent les relations de Descartes avec plusieurs savants ou amateurs de science de la capitale tels que Claude Mydorge (1585-1647), Claude Hardy (1605-1678), Jean-Baptiste Morin (1583-1656), Florimond Debeaune (1601-1652), Jean Ferier et le P. Marin Mersenne »24.

2.4. L’Académie Bourdelot

  • 25 Sur l’abbé Bourdelot, voir R. Pintard, Le libertinage..., op. cit., pp. 219-220, 350-355, 356-362, (...)

19L’existence de l’académie Bourdelot, désignée ainsi du nom de son fondateur Pierre Michon dit l’abbé Bourdelot25, est, quant à elle, parfaitement attestée. Les quelques rares sources et travaux que l’on peut consulter à son sujet présentent cependant un certain nombre de divergences, qui portent d’abord sur la date de sa fondation.

  • 26 Ibid., p. 355.
  • 27 Ibid., p. 631 n. 4. Cette note renvoie aux ouvrages suivants : Ch. H. Boudhors, « Pascal : l’Acadé (...)
  • 28 R. Pintard, « Autour de Pascal. L’Académie Bourdelot et le problème du vide » dans Mélanges... off (...)
  • 29 R. Taton, Les origines..., op. cit., p. 17.
  • 30 Le Gallois, Conversations..., op. cit., p. 55.
  • 31 R. Pintard, Le libertinage..., op. cit., p. 219 et p. 355.

20René Pintard situe celle-ci aux alentours de 164226 alors que, fait-il remarquer dans une note, « l’existence de l’Académie Bourdelot avant la Fronde a été mise en doute par Ch. H. Boudhors. Mais, poursuit-il, elle est cependant attestée non seulement par Le Gallois, [...] mais du vivant encore de Bourdelot par Le Maire [...]. Elle est prouvée d’ailleurs par divers fragments inédits de la correspondance du médecin que nous comptons publier »27. R. Pintard a effectivement publié ces fragments en 195 128 et ils confirment bien, dit R. Taton qui reprend l’essentiel des conclusions de Pintard, « le témoignage de Le Gallois qui, en 1672, affirmait que les premières réunions dataient d’environ trente ans »29. Mais en fait, le témoignage de Le Gallois qu’invoque Taton à la suite de Pintard dit précisément ceci : « elle a été instituée il y a plus de trente-cinq ans »30, ce qui ferait remonter les débuts de l’académie Bourdelot à 1637 au plus tard. R. Pintard ne retient manifestement pas cette date qu’il a dû nécessairement envisager à la suite d’un simple calcul arithmétique, car il présente Bourdelot à son retour de Rome en 1637 comme attaché désormais, après avoir été domestique du comte de Noailles, à la maison du prince de Condé à titre de médecin et comme contraint de suivre le prince au cours de ses multiples déplacements à travers la France. Ce ne serait donc qu’en 1642, après qu’il se soit fixé à Paris, qu’il aurait commencé à organiser des réunions savantes31 et il semble bien, malgré le témoignage de Le Gallois, qu’il faille tenir cette hypothèse pour la plus probable.

  • 32 Ibid., p. 355.
  • 33 Le Gallois, Conversations..., op. cit., p. 56.

21Autre point de divergence : selon R. Pintard toujours, c’est Bourdelot qui, « profitant de la renommée de son oncle et de la puissance des Condé »32, aurait pris l'initiative de ses réunions. Selon Le Gallois, ce serait le prince de Condé lui-même qui aurait pris cette initiative car « il voulait que Monsieur Bourdelot assemblât [...] ce qu'il y avait de plus beaux génies dans Paris afin de s’entretenir avec eux de choses dignes d’un génie relevé comme le sien »33. Si c’est ce dernier témoignage qui est exact, (mais il faut penser que l’ouvrage de Le Gallois est dédié au prince de Condé, le fils de celui qui est censé avoir impulsé ces réunions, et l’auteur peut juger flatteur pour la mémoire de ce dernier de lui en attribuer la paternité), on se trouverait en présence d’une assemblée savante qui se rapprocherait plus que toutes les autres des académies italiennes en ce qu’elle aurait été fondée, le cas serait unique en France, par un prince. Il ne faudrait pas se hâter toutefois, même si le témoignage de Le Gallois est exact, d'assimiler de ce point de vue l’académie Bourdelot aux académies de la péninsule, ni à une sorte d’équivalent de l’Académie française, car les princes, fussent-ils du sang comme l’étaient les Condé, n’exerçaient pas dans la monarchie française où l’autorité politique était en principe détenue et exercée par le monarque seul, un pouvoir comparable à celui qu’exerçait les princes italiens, pas plus qu’à celui de Richelieu. En conséquence, même si l’académie Bourdelot a été fondée à l’instigation du prince de Condé, elle n’en relève pas moins, comme tous les autres cénacles savants institués à la même époque, et hormis le cas unique de l’Académie française, de l’initiative privée.

22Toutefois elle peut passer pour l’une de celles qui, d’un point de vue institutionnel, se rapprocha le plus des académies italiennes. Elle se dota en effet de règles de fonctionnement assez rigoureusement fixées, quoique non officialisées par une autorité séculière. C'est du moins ce que l’on est en droit de déduire logiquement de la préface de Le Gallois, tout entière construite dans l’intention d’insérer l’académie Bourdelot dans la lignée, prestigieuse à ses yeux, des académies véritables, c’est-à-dire des académies italiennes. On doit donc en conclure qu’elle présentait toutes les caractéristiques de celles-ci, et en particulier les règles de fonctionnement qui en faisaient des structures stabilisées de sociabilité savante. Le problème est que Le Gallois ne prend pas la peine de les spécifier clairement, de sorte qu’il n’indique par exemple ni le jour ni l’heure à laquelle se tenaient les réunions.

23Il décrit pourtant le protocole interne selon lequel se déroulaient les séances : c’est l’abbé Bourdelot qui ouvrait chaque conférence par une première intervention dans laquelle il exposait son avis sur le problème qui faisait l’objet de la conférence et cet avis était ensuite soumis à la discussion des membres de l’assemblée. Cette discussion comportait forcément des risques de désaccord et rendait donc nécessaire la fonction de « modérateur », également remplie par l’abbé Bourdelot. Le modérateur dirigeait la discussion d’abord sur le plan théorique, puisqu’il était chargé de l’exposé introductif et veillait ensuite à ce que la question posée restât au centre du débat ; mais il avait aussi pour tâche de faire en sorte que la confrontation des différents avis demeurât toujours parfaitement ordonnée et courtoise.

  • 34 Le premier volume des Conversations de l’Académie..., op. cit., publié en 1672 contient les compte (...)

24L’académie Bourdelot possédait outre un modérateur, un secrétaire, Le Gallois lui-même, qui a pu ainsi publier les comptes rendus de certaines séances : il dit en avoir conservé quarante mais n’a publié qu’une partie d’entre eux, qui forment les Conversations de l’Académie Bourdelot34.

  • 35 Le Gallois, Conversations de l’Académie..., op. cit., p. 55.
  • 36 Ibid., p. 56.
  • 37 Ibid., pp. 44-48.

25Si l’on envisage maintenant le problème de la place et de l’importance qu’il convient d’accorder à cette assemblée au sein de la vie académique de l’époque, aux dires de Le Gallois, elle aurait été « très grande dès son commencement »35 et il renchérit à la page suivante, en évoquant son « commencement glorieux »36. Sa préface a en effet pour but de l’exalter en lui attribuant une généalogie prestigieuse. Elle y est de la sorte présentée comme l’héritière d’une tradition qui remonte à l’Antiquité grecque, qui a été reprise après une longue interruption par les académies italiennes et qui s’est prolongée dans le mouvement académique français, au sein duquel elle est censée tenir une place prééminente, même si Le Gallois reconnaît l’excellence d’autres cénacles savants, comme le Cabinet des frères Dupuy par exemple37.

  • 38 R. Pintard, « Autour de Pascal... », op. cit.
  • 39 Ibid., p. 74. C’est cette époque qu’étudie exclusivement H. Brown, Scientific organizations..., op (...)
  • 40 Ibid., p. 76.
  • 41 Ibid., p. 79.

26R. Pintard a évalué, quant à lui, l’importance de cette académie de façon beaucoup plus mesurée. Sans vouloir la réduire à rien, il ne lui a pas accordé, dans son ouvrage consacré au libertinage érudit, une place considérable au sein du mouvement académique. Il est vrai que son objet de recherche n’était pas l’étude de la sociabilité savante et que seule la personnalité de Bourdelot, et plus précisément encore, ses accointances avec le libertinage, l’intéressaient. Il lui a toutefois consacré ultérieurement un article qui a corrigé partiellement ce jugement38. Il conviendrait en fait de distinguer deux époques dans la vie de l’académie Bourdelot : une époque largement postérieure à la Fronde, celle de la décennie 1670, où, patronnée par le grand Condé, célébrée par Fontenelle, elle connut sa plus grande notoriété39, et l’époque de ses débuts dans les années 40, où, beaucoup moins réputée qu’elle ne le devint ultérieurement, elle aurait malgré tout tenu sa place dans les débats scientifiques de l’époque. Elle étudia en effet à partir de 1647 le problème du vide, alors au centre des polémiques scientifiques, en organisant les expériences célèbres pratiquées dès 1644 par Toricelli et reprises par Pascal et Petit en 164640. Toutefois, « physicien d’occasion », Bourdelot n’aurait finalement tenu qu’une place médiocre dans la querelle : il est en effet, a constaté Pintard « partisan du plein, alors que l’expérience du vide a été reproduite, alors qu’au même moment, les travaux de Pascal dont il paraît ignorer les recherches se multiplient »41.

  • 42 Le Gallois, Conversations de l’Académie..., op. cit., p. 56.

27Toujours désireux d’exalter la grandeur d’une académie dont il s’est institué l’historiographe, Le Gallois s’est complu à dresser la liste de tous ceux qui l’ont fréquentée, ce qui permet de connaître l’identité de ses membres. Si Ton s’en tient aux « commencements glorieux » qui sont seuls contemporains des Conférences du Bureau d’Adresse, on découvre les noms des révérends pères Magnan, Mersenne, Grandamy, de Gassendi, La Mothe Le Vayer, Montmor, Pascal, Le Pailleur, Petit, Roberval, Hullon42. On peut remarquer que Ton retrouve ici les noms de ceux qui fréquentaient chez les Dupuy, ainsi que de ceux qui se rassemblaient autour de Descartes et que Ton retrouvera à nouveau, participant à d’autres cénacles.

  • 43 Ibid. Ces sujets sont abordés respectivement dans la 1re, 2e et 4e conversation.
  • 44 Le Gallois, Conversations académiques..., op. cit., préface, non paginée.
  • 45 Ibid. Il y est question de la maladie d’un atrabilaire (Première Conversation), d’observations ana (...)

28Il est possible en outre de connaître assez précisément les problèmes théoriques dont traitait cette académie, grâce aux comptes rendus des séances publiées par Le Gallois. Certes ces comptes rendus concernent une période plus tardive que celle qui nous intéresse (sur la première période, Ton ne possède que les témoignages de Bourdelot publiés par Pintard), mais on peut penser que les centres d’intérêt de ce cénacle, s’ils se sont renouvelés au cours du temps, n’ont pas sensiblement varié dans leur nature. On peut ainsi constater que les sujets abordés sont exclusivement des sujets de physique, à condition de donner à ce terme l’acception très large qu’il avait à l’époque. On y traitait en conséquence des problèmes qui étaient, du moins au regard de ce que sont devenues ultérieurement les normes de la scientificité, des problèmes « authentiquement » scientifiques : De la nature et de la cause du froid – De la transfusion du sang – Des ouragans et tempêtes qui arrivent ordinairement aux Isles Antilles, description des effets qu’ils produisent43. Les problèmes médicaux paraissent avoir pris une place de plus en plus grande au sein des discussions. La préface du second volume des Conversations... présente d’ailleurs l’académie Bourdelot, dans sa seconde époque, comme « une véritable échoie » de médecine44, ce que confirme la table des matières des questions que Ton y traita45.

  • 46 D’une dent qui ayant esté arrachée à un jeune homme et mise en un coffre en produisit trois autres (...)

29Cette évolution des centres d’intérêt ne remet pas en cause toutefois l’orientation d'ensemble de cette académie tournée essentiellement vers la résolution de questions de physique, pas plus qu’elle n’était certainement remise en cause, aux yeux de ses membres, par le grand intérêt qu’elle manifestait à l’égard de problèmes dont la scientificité, toujours au regard de ce que sont devenues ultérieurement les normes de cette dernière, peut paraître très sujette à caution, comme en témoigne la table des matières de la troisième conversation46.

30Que Ton ait pu traiter dans cette académie de telles questions, dont nous verrons qu’elles constituaient à l’époque un sujet d’interrogation majeur, n’autorise pas en effet à contester cette orientation : le fait que Ton y ait posé dès 1647-48 le problème du vide, et même si ce fut en choisissant le mauvais camp, en est une autre preuve incontestable. Que l’abbé Bourdelot lui-même fut un cartésien convaincu et qu’en conséquence la physique cartésienne ait eu très tôt droit de cité dans son académie, que celle-ci ait accueilli par ailleurs tout aussi bien que des cartésiens, Gassendi lui-même et des gassendistes, témoigne également de sa capacité à s’ouvrir aux courants d’idées les plus novateurs pour l’époque. Cette académie pratiquait en outre couramment des observations et des expériences, preuve de son aptitude à adopter ou du moins à tenter d’adopter une démarche expérimentaliste.

2.5. L’Académie de Mersenne

31Parmi tous les cénacles qui ont occupé une place prééminente dans la vie académique à Paris durant la première moitié du xviie siècle, le groupe de savants qui se sont réunis autour du Père Mersenne à partir de 1635 environ jusqu’à sa mort, le 1er septembre 1648, figure, autant que l’académie putéane, au rang des plus renommés.

32Nous avons déjà rencontré le Père Mersenne qui participait à la plupart des assemblées précédemment décrites : il passait ainsi pour un familier du Cabinet des frères Dupuy, il était également présent chez Descartes lorsque celui-ci séjournait à Paris en 1626 et il fréquentait aussi l’académie Bourdelot. Il faut croire que cette participation à toutes les assemblées savantes qui existaient alors ne suffisait pas à satisfaire le besoin qu’il éprouvait d’intervenir dans la vie scientifique de l’époque. On sait en effet le rôle finalement important que le Père Mersenne joua dans celle-ci. Sans entrer dans le détail de l’examen de la nature ainsi que de la portée exacte de ce rôle, il est incontestable qu’il s’est efforcé plus que de tout autre en son temps d’animer, de stimuler, d’impulser la recherche scientifique, aussi bien en se faisant un agent particulièrement actif de la diffusion de l’information par le moyen de l’immense correspondance qu’il a entretenue, nous l’avons rappelé, avec tout ce que l’Europe comptait de savants et de curieux, qu’en encourageant la publication de travaux, en suscitant des observations scientifiques de par le monde, en inventant des problèmes qu’il soumettait ensuite à la sagacité des savants de l’époque.

33Mersenne était en effet pleinement, et peut-être plus que tout autre en son temps, pénétré de la conviction que le progrès du savoir exigeait résolument la communication et la collaboration. En conséquence il paraît tout naturel que non seulement il ait pleinement usé de ce vecteur traditionnel de la communication qu’était la correspondance mais qu’il ait immédiatement adopté ce vecteur alors nouveau que constituaient les assemblées savantes.

  • 47 Correspondance du P. Marin Mersenne, Religieux Minime, publiée par Madame Paul Tannery et Cornelis (...)

34Très tôt sans doute, c’est-à-dire dès 1619, date de son arrivée à Paris et de son installation au couvent des Minimes situé près de la place Royale, il rassemble ainsi autour de lui tout ce que le Paris d’alors comptait de savants mais aussi de simples amateurs ou d’érudits. Le champ de ses relations apparaît en effet comme considérable. Hilarion La Coste, son biographe, en a dressé une liste détaillée. On y trouve, parmi bien d’autres, les noms de François de Harlay, Peiresc, Gassendi, Gibieuf, Sirmond, Campanella, Habert de Montmor, Fermat, Lhuillier, Rigaud, Jacques et Pierre Dupuy, Hardy, Mydorge, Roberval, Descartes, Morin, Desargues, Pascal père et fils, La Mothe Le Vayer, Grotius, Petit, Naudé, etc.47. Tous ceux-là viennent visiter Mersenne et se constitue ainsi autour de lui un groupe de réunion très informel qui n’est soumis à aucune règle précise de fonctionnement.

  • 48 R. Lenoble, Mersenne..., op. cit., p. 590.
  • 49 Correspondance..., op. cit., lettre du 23 mai 1635, t. V, p. 209.
  • 50 Ib., Lettre du 19 septembre 1635, t. V, p. 371.
  • 51 J.B. Du Hamel, Regiae Scientiarum Academiae Historia..., Paris, 1698.
  • 52 Cité par R. Taton, Les origines..., op. cit., p. 7.

35Il semble toutefois que parmi ce groupe de visiteurs, certains d’entre eux aient fini par constituer un noyau relativement fixe qui se soit donné un semblant d’organisation. C’est pourquoi Mersenne, qui a pleinement approuvé la toute récente fondation de l’Académie française48, car il y voyait l’incarnation de son idéal de collaboration intellectuelle, annonce en 1635 à Peiresc la fondation d’une académie cette fois-ci scientifique : « L’on m’a assuré, lui écrit-il, que nous aurions Mr Gassendi au commencement de juin dont je me réjouis. Il y verra la plus noble académie du monde qui se fait depuis peu en cette ville, dont il sera sans doute, car elle est toute mathématique »49. Dans une lettre ultérieure à ce même correspondant, il indique les noms de ceux qui en font partie : « Ce sont Messieurs Pascal, président des Aydes à Clermont en Auvergne, Mydorge, Hardy, Roberval, des Argues, l’abbé Chambon »50. Cette liste de noms a été légèrement modifiée par J. B. Du Hamel dans son Histoire de l’Académie royale des sciences51 et Fontenelle, dans son adaptation française de l’ouvrage l’a fidèlement reprise : « Il y a déjà plus de cinquante ans, écrit-il, que ceux [les savants] qui étaient à Paris se voyaient chez le père Mersenne, qui étant l’ami des plus habiles gens d’Europe, se faisait un plaisir d’être le lieu de leur commerce. MM. Gassendi, Descartes, Hobbes, Roberval, les deux Pascal, père et fils, Blondel et quelques autres, s’assemblaient chez lui. Il leur proposait des problèmes de mathématique, ou les priait de faire quelque expérience par rapport à de certaines vues, et jamais on n’avait cultivé avec plus de soin les sciences qui naissent de la géométrie et de la physique »52.

  • 53 R. Lenoble, Mersenne..., op. cit., p. 591.
  • 54 Correspondance de Mersenne..., op. cit., t. I, Préface, p. XLIV.
  • 55 J. R. Armogathe, « Le groupe de Mersenne et la vie académique parisienne » dans xviie siècle, 1992 (...)
  • 56 Georges Bigourdan, « Les premières sociétés scientifiques de Paris au xviie siècle. Les réunions d (...)
  • 57 J. R. Armogathe, « Le groupe... », op. cit., p. 134.
  • 58 R. Lenoble, Mersenne..., op. cit., p. 591.

36Si Mersenne n'hésite pas à baptiser du nom d’académie le groupe de savants qui se réunit autour de lui, il convient de faire remarquer qu’il emploie lui aussi, en se conformant à l’usage de l’époque, le terme en son sens le plus large. Ce groupe était en effet constitué d’éléments à peu près stables, mais il n’était doté, semble-t-il, d'aucune organisation interne rigoureuse. Lenoble affirme qu’il se réunissait le jeudi53, mais C. de Waard prétend qu’il n’avait pas de jour fixe de réunion pas plus qu’une heure imposée54, point de vue qu’adopte également J.R. Armogathe pour qui « il ne s assemblait pas à jour ni heure fixe »55. Le lieu des rencontres variait également : selon G. Bigourdan, « le plus souvent semble-t-il, les réunions se tenaient aux Minimes, près de la place Royale, chez le P. Mersenne ; mais on cite beaucoup d'autres centres de réunion. Piobert [...] dit que des séances avaient lieu chez le Président Pascal avant 1638, époque où il dut quitter Paris »56. Pintard, de son côté, indique que le groupe se réunissait soit chez le P. Mersenne, soit chez l’abbé Picot, soit encore chez le conseiller Montholon, ce que confirme une lettre de Roberval à Fermat57. Plus imprécis, Lenoble se contente de constater que les réunions avaient lieu « tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre »58.

  • 59 Sur l’opposition en revanche de Mersenne à ce que Lenoble appelle la philosophie naturaliste, voir(...)

37Ce que l’on nomme habituellement l’Académie de Mersenne, ou l’Académie parisienne du Père Mersenne, désignait donc, semble-t-il, une sorte de sous-groupe au sein du vaste ensemble que constituait le réseau de ses relations et ce sous-groupe revêt deux caractéristiques essentielles : il est d’abord, pour l’essentiel, constitué des personnalités scientifiques les plus renommées, et non de simples amateurs éclairés. De plus, ces savants sont majoritairement de tendance gassendiste. Si en effet Mersenne a su s’ouvrir à la vie scientifique de son époque dans toutes ses composantes, s’il a su ainsi ne pratiquer aucune exclusive (du moins à l'intérieur du champ de la nouvelle philosophie mécaniste et des deux grandes tendances entre lesquelles elle se partageait59) et rester pendant dix-neuf ans pour Descartes un correspondant et un ami fidèle, il était toutefois philosophiquement beaucoup plus proche de Gassendi que de Descartes, et son académie peut être considérée comme un lieu privilégié de la diffusion du gassendisme.

  • 60 Sur ce point voir R. Taton, Les origines..., op. cit., p. 46, n. 52.

38Quant à savoir de façon plus précise quels problèmes y étaient traités, et éventuellement sous quelle forme ou selon quel protocole, aucun compte rendu officiel ne permet de l’apprendre. L’on sait seulement qu’elle se posait essentiellement des problèmes de mathématique et de physique, ainsi que les problèmes philosophiques qui étaient en jeu dans la constitution de la science moderne. Quelques lettres permettent de se faire une idée plus précise de la nature exacte des travaux de cette assemblée60.

39De tout ceci on peut conclure que parmi tous les cénacles savants de l’époque, l’Académie parisienne peut passer pour l’une de celles dont la vocation scientifique a été la plus nettement affirmée et pour être peut-être la seule aussi à s’être dotée d’une sorte d’équivalent d’un « programme de recherche », ou qui se soit à tout le moins assigné des objectifs de réflexion ordonnée assez précisément déterminés.

  • 61 Les rares indications que l’on possède à son sujet ont été rassemblées par Jean Mesnard dans un ar (...)
  • 62 Ce sont les membres de cette académie qui doivent être tenus pour les destinataires de l’Adresse à (...)

40La mort de Mersenne entraîna la fin de son académie, dont Le Pailleur prit cependant la relève jusqu’en 1654, date à laquelle Le Pailleur disparaît à son tour. Le fonctionnement de cette nouvelle académie demeure mal connu61 : avec la mort de Mersenne et l’interruption de son immense correspondance, une source d’information se tarit. En outre, l’épisode de la Fronde, de 1648 à 1652, a largement contribué à désorganiser la vie intellectuelle, à ralentir son activité et à diminuer d’autant les témoignages sur cette période. On sait seulement qu’elle se réunissait le samedi au domicile de Le Pailleur et que Gassendi, Roberval, Desargues, Carcavy ainsi que Pascal continuaient à s’y retrouver régulièrement62.

2.6. L’académie de Montmor

41Telles sont les plus importantes assemblées savantes fondées dans les deux dernières décennies du xviie siècle qui précédèrent et préparèrent tout à la fois la fondation de l’Académie des sciences. C’est pourquoi, même si l’académie de Montmor appartient au second xviie siècle, elle doit être au moins rapidement évoquée dans la mesure où elle se rattache par certaines de ses caractéristiques à la lignée des précédentes en même temps qu’elle prépare, par d’autres de ses mêmes caractéristiques, l'évolution future de la vie académique. En ce sens, cette académie se situe doublement, à la fois sur le plan chronologique et sur le plan structurel, à un moment charnière de la vie académique.

  • 63 René Kerviler, H. L. Habert de Montmor de l’Académie française et bibliophile, Paris, 1872, p. 3.
  • 64 Ibid., p. 3.
  • 65 H. Brown, Scientific..., op. cit., p. 68.
  • 66 Ibid., p. 68.
  • 67 G. Bigourdan, « Les premières sociétés... », op. cit., p. 131.
  • 68 Cité par Kerviler, op. cit., p. 8. Brown produit un témoignage concordant de Monconys, op. cit., p (...)
  • 69 M. Piobert, « Relation des savants entre eux avant la création de l’Académie des Sciences en 1666. (...)
  • 70 H. Brown, op. cit., p. 70.
  • 71 R. Pintard, Le libertinage..., op. cit., pp. 91-92.

42Les statuts officiels de l’académie de Montmor n’apparaissent qu’en 1657 mais plusieurs témoignages concordants laissent à penser qu’elle a existé de façon informelle avant cette date. Son fondateur, Louis Habert de Montmor, maître des requêtes, fut choisi pour faire partie de l’Académie française dès la création de celle-ci, sans qu’il ait, note l’un de ses biographes, produit « d’œuvre littéraire particulière »63 mais en raison, semble-t-il, de l’intérêt notoire qu’il portait aux lettres et aux sciences. Il passait pour assidu à l’Hôtel de Rambouillet64, fréquentait, comme bien d’autres, toutes les assemblées savantes du moment65, et était l’ami de nombreux gens de lettres, Savants et philosophes : Balzac, Peiresc, Hobbes, Mersenne notamment66. L'intérêt qu’il portait à ces derniers l’avait conduit à offrir une maison à Descartes, qui la refusa67. Il était d’ailleurs réputé cartésien, ce qui ne l’empêcha pas d’accueillir Gassendi qui passa chez lui les ultimes années de sa vie. C’est autour de ce dernier que s’organisa ce que les contemporains tenaient pour une académie scientifique niais qui, dans ce cas encore prenait la forme de réunions très informelles, sans jour régulier ni structure d’organisation précise. On ne connaît pas la date précise de ces réunions forcément antérieures toutefois à 1655, année de la mort de Gassendi. Au témoignage de Huet, c’est dès 1653 que Montmor « réunissait chez lui, un jour par semaine, un grand nombre de savants qui se communiquaient les uns aux autres leurs doctes et utiles remarques sur la philosophie naturelle »68. D’après Piobert, « cette réunion de savants avait le titre d’Académie et n’était pas sans réputation. Pascal lui a adressé en 1654 ses travaux mathématiques »69. Quant aux participants à ces réunions, H. Brown donne comme probables les noms de Boulliau, Pascal, Roberval, Desargues, Carcavi70 et Pintard a proposé ceux de « Chapelain, G. Patin, le théologien Jean de Launay, Etienne Pascal, le Père Petau, Michel de Marolles, le jeune Huet... »71.

  • 72 Voir la lettre de Sorbière à Hobbes du 1er février 1658. Cette lettre est citée par G. Bigourdan, (...)

43Après la mort de Gassendi, Montmor voulut donner une forme plus institutionnelle à ces réunions et chargea Sorbière d’en rédiger le règlement72. L’ouverture officielle de cette académie eut lieu à la fin de l’année 1657. Sorbière, promu secrétaire, devait en composer les mémoires.

  • 73 Cité par Kerviler, op. cit., p. 10.
  • 74 Cité par G. Bigourdan, op. cit., pp. 133-134. H. Brown de son côté, fait état de discussions au to (...)

44Ceux-ci étant perdus, on ne connaît pas avec exactitude la nature des travaux auxquels s’est livrée l’académie de Montmor. D’une façon générale, elle passait en son temps pour l’un des lieux privilégiés de la diffusion du cartésianisme. Chapelain s’est fait l’écho de la façon dont les contemporains jugeaient le rôle joué par Montmor et son académie : « Il fait, rapportait-il, profession de cartésianisme, et le bruit est qu’il n’a érigé une assemblée académique chez lui que pour établir cette nouveauté et pour détruire la doctrine d’Aristote »73. D’une façon plus précise, on sait que les travaux de cette académie était essentiellement consacrés à des problèmes de physique, ce qui n’excluait pas que fussent abordées, à l’occasion, et toujours en l’absence de toute forme de spécialisation rigoureuse des cénacles de l’époque, des questions plus générales. Sorbière a conservé les titres des discours qu’il y a lui-même prononcés et l’on peut se faire ainsi quelque idée du type de sujets dont on débattait : Ce que c’est que le mouvement – De la raréfaction et de la condensation – Que le peu de connaissance que nous avons des choses naturelles ne nous doit pas destourner de leur Estude – Du froid des fièvres intermittentes – De la vérité de nos connaissances naturelles – De la source des diverses opinions sur une même matière74.

  • 75 Ibid., p. 133.
  • 76 Ibid., p. 133, η. 1.
  • 77 Ibid., p. 133, η. 1.
  • 78 Ibid., p. 133, η. 1.

45« Les noms de la plupart des membres de cette compagnie nous sont inconnus » reconnaît Bigourdan75 mais d’après lui, le témoignage de Sorbière permet une fois encore d’en savoir un peu plus et de compter au nombre des membres probables de cette seconde période de l’académie de Montmor, outre Sorbière et Montmor lui-même, Pecquet, Du Prat, Rohault, Chapelain, Robeirval76. D’après Baillet cette fois, il faudrait ajouter Clerselier à cette liste77. D’une façon plus imprécise, Sorbière prétendait par ailleurs – et c’est une prétention constante des académies que de se flatter d’une fréquentation aristocratique – que cette assemblée accueillait « des premiers hommes de la Robe, des Cordons Bleus, des Ducs et Pairs, et de Grands Prélats »78.

  • 79 « ... Il y a bien de la vanité en tout ce à quoy les hommes s’occupent, et en tout ce qu’ils établ (...)
  • 80 H. Brown, Scientific..., op. cit., p. 77.

46L’académie de Montmor ne passe pas pour avoir offert un modèle d’harmonie intellectuelle : Sorbière déplorait la stérilité qui résultait des perpétuelles discussions qui s’élevaient entre ses membres79 et Boulliau, de son côté, s’est fait l’écho des disputes véhémentes qui les opposaient fréquemment80.

  • 81 Ibid., p. 87.
  • 82 Ernest Maindron, L’Académie des Sciences, Paris, 1888, pp. 1-2.
  • 83 Alfred Maury, Les Académies d’autrefois, Paris, 1864, p. 10.

47Ces conflits expliquent sans doute pourquoi la durée d’existence de cette académie, du moins sous sa forme réglementée, fut relativement brève. Elle cessa en effet de se réunir à la fin de l’année 166481, deux ans avant la création de l’Académie des Sciences dont elle passe, avec l’académie de Mersenne, pour avoir été le noyau originel. C'est ainsi que selon E. Maindron, avant 1666, l’Académie des Sciences « n’était à proprement parler qu’une société de savants qui se réunissait, depuis longtemps déjà, à des jours fixés d’avance, chez le Père Mersenne puis chez le maître des requêtes Montmor, et plus tard chez Melchisédec Thévenot » et il cite Lavoisier qui affirmait que « ces premières assemblées [...] furent le berceau de l’Académie des Sciences »82. Pour A. Maury également, bien avant 1666, la France, à l’instar de l'Italie et de l'Angleterre, « possédait aussi son Académie des sciences mais, ajoute-t-il, cette académie n'avait encore rien d’officiel. C’était une société de savants et d'amateurs qui, depuis une trentaine d’années, se réunissaient chaque semaine, pour parler de leurs études et de communiquer leurs découvertes. Les assemblées s étaient d'abord tenues chez le maître des requêtes Montmor ; elles eurent lieu ensuite chez Melchisédec Thévenot... »83.

3 – Le mouvement académique français : diversité et unité

  • 84 Sur Nicolas Claude Fabri de Peiresc, voir P. Humbert, Un amateur..., op. cit., Roger Lassalle, Pei (...)
  • 85 Sur les académies provinciales voir R. Pintard, Le Libertinage..., op. cit. p. 89, M. Daumas, Esqu (...)

48Telles furent donc les principales assemblées savantes qui se tinrent à Paris dans les premières décennies du xviie siècle et qui, par leur nombre, témoignent bien de ce remarquable essor de la vie académique qui se produisit alors, et au sein duquel il faut replacer la création des Conférences du Bureau d’Adresse en 1632. Il convient d’ajouter que ce développement de la vie académique toucha aussi la province où, dans plusieurs villes, se constituèrent des cénacles savants à l’imitation de ceux de la capitale. A Aix par exemple, Nicolas Peiresc, sans doute le plus célèbre érudit provincial de l’époque formait le centre de gravité de tout un réseau de curieux, de lettrés, de savants français et étrangers de passage, ainsi que de parisiens qui ne manquaient pas de le visiter lorsqu’ils se déplaçaient vers le midi de la France ou vers l'Italie84. A Bordeaux, à Caen, à Rouen, à Lyon, à Toulouse, à Dijon, des assemblées plus ou moins renommées existèrent aussi85. Dans la mesure cependant où ces cénacles ne présentent rien de fondamentalement original si on les compare aux académies parisiennes, il ne paraît pas nécessaire d’en dresser un tableau détaillé et de les évoquer plus longuement pour fixer les cadres de notre étude sur la naissance des Conférences du Bureau d’Adresse.

3.1. La diversité de la vie académique française

49Il importe par contre davantage de dégager quelques caractères généraux de cette vie académique tels qu’ils se révèlent au terme de cette étude de cas.

50Celle-ci confirme d’abord l’idée que l’académisme français s’est bien caractérisé dans la première moitié du xviie siècle par une extrême liberté d’organisation dont témoigne son remarquable polymorphisme. L’évocation concrète du fonctionnement des différentes assemblées montre en effet que chacune d’entre elles possédait sa physionomie originale, ses particularités propres et permet d’analyser de façon plus précise ce polymorphisme. Celui-ci tient à deux éléments principaux.

51Il tient d'abord au fait qu’aucun de ces cénacles ne possède la même structure d’organisation. En effet si l’académie Bourdelot fonctionne selon des modalités rigoureusement déterminées, tous les autres cénacles relèvent d’une organisation beaucoup plus imprécise et variable de l’un à l’autre. Si certains se réunissent hebdomadairement, ce n'est pas pour autant une règle générale : on se réunissait quotidiennement chez les Dupuy, et pour autant, encore une fois, que l’on accorde crédit au témoignage de Baillet, les « conférences » tenues chez l’hôte de Descartes ne possédaient aucune régularité. La seule règle commune semble être que ces réunions se tenaient en un lieu fixe, encore n’était-ce pas le cas pour l’académie de Mersenne, qui se réduit à sa seule composante participative.

  • 86 L’Académie des sciences ne deviendra en fait qu’en 1699 l’Académie royale des Sciences. Voir à ce (...)
  • 87 R. Chartier, « Trajectoires... », op. cit., p. 351. Deux problèmes se posent ici que nous laissons (...)

52Cette extrême liberté qui s’est traduite par une institutionnalisation plus ou moins relâchée et à la limite inexistante, contraste singulièrement avec ce que fut le destin ultérieur de l’académisme français. Si la vie littéraire avait fait très tôt l’objet d’une mainmise par le pouvoir politique, l’Académie des sciences, fondée par Colbert en 166686 reproduira en quelque sorte le geste de Richelieu et l’on assistera, comme le souligne R. Chartier, à la « constitution d’une institution royale par capture (et ici centralisation) d'une pratique intellectuelle auparavant disséminée entre plusieurs sociétés informelles et privées »87 au premier rang desquelles figure, nous l’avons vu, l’académie Montmor.

53Le second élément révélateur du polymorphisme de la vie académique française consiste dans la diversité des buts que les différentes assemblées poursuivaient et des ambitions qu'elles s assignaient, diversité qui a contribué à réserver à chacune d’elles une place spécifique au sein de la vie intellectuelle de l’époque. Si toutes, en effet, relèvent de l’intention très générale de participer au mouvement de celle-ci, aucune n’envisage cette participation dans le même domaine ni selon les mêmes modalités. D’abord, même si l’on ne peut pas discerner de véritable spécialisation de chaque assemblée savante dans un domaine précis du champ de la connaissance, en raison notamment du caractère parfaitement étranger à la pensée de l’époque d'une telle spécialisation, il convient toutefois d’opérer de ce point de vue un certain nombre de distinctions. En ce qui concerne le Cabinet des frères Dupuy, l’une de ses caractéristiques consistait précisément dans le fait qu’il ne revendiquait aucune spécialisation véritable et que l’on y abordait et traitait de façon informelle les problèmes les plus divers. Il semble toutefois, en dépit de l’intérêt indéniable dont il a fait preuve à l’égard du mouvement de la vie scientifique, qu’il ait plutôt continué à cultiver dans les débuts du xviie siècle les idéaux propres à la tradition humaniste héritée du siècle précédent. Or cette vocation encyclopédique a fait place dans les décennies 1630-1640 à une spécialisation progressive des académies qui est allée de pair avec un déplacement d’intérêt vers les problèmes d’ordre plus étroitement scientifique, conformément au mouvement d’ensemble de la vie intellectuelle.

54S’il serait simplificateur de prétendre instaurer un parallélisme exact entre le mouvement général du savoir et la date d’apparition respective de chaque académie, on peut néammoins affirmer en effet que les cénacles qui se sont constitués le plus tardivement ont affiché une vocation scientifique plus nettement marquée que celle de leurs prédécesseurs.

55En outre, même si leur centre d’intérêt majeur leur est commun, même si tous débattent en effet au même moment autour des problèmes posés par la constitution de la science moderne – autour de la querelle, pour l’essentiel, entre les aristotéliciens encore nombreux et qui restent fidèles à une tradition intellectuelle pourtant attaquée de toutes parts, et les cartésiens ou les gassendistes qui, chacun à leur façon, combattent cette tradition et tentent d’élever sur ses ruines une nouvelle philosophie naturelle – et des problèmes qui sont liés à ce débat : celui du vide par exemple, tous cependant n’en débattent pas exactement de la même façon : soit selon une visée plutôt didactique et vulgarisatrice, comme à l’hôtel du prince de Condé, soit en empruntant la voie de la recherche sinon pure, une telle notion n’ayant guère de sens à l’époque, du moins davantage épurée de ces préoccupations mondaines, comme l’ont fait les membres de l’académie de Mersenne ou de l’académie de Montmor.

  • 88 Cité par R. Pintard, Le libertinage..., op. cit., p. 95.
  • 89 Cité également par R. Pintard, ibid., p. 95.

56Enfin, toutes les assemblées savantes n’étaient pas animées exactement des mêmes intentions. Certaines en effet mêlaient aux préoccupations scientifiques et disons plus généralement théoriques, des préoccupations d’une tout autre nature. La multiplication des assemblées savantes dans la première moitié du xviie siècle n’a pas été en effet seulement un moyen de satisfaire des aspirations intellectuelles mais aussi le moyen de satisfaire un besoin social, celui de disposer de lieux où l’échange intellectuel puisse s’opérer dans le respect des valeurs sociales qui étaient en train de s’imposer comme des valeurs dominantes, celles de la courtoisie et de la civilité. Or les participants de l’Académie putéane ont porté témoignage de la façon dont elle savait si bien satisfaire en même temps et indissociablement ce double besoin. Ainsi Peiresc confiait-t-il à l’un de ses correspondants : « J’estime fort les charmes de l’Académie et les douceurs de conversation de tant de galantz hommes avec la commodité de voir toutes sortes de bons livres qu’on saurait désirer »88 et Fortin de la Hoguette de son côté a été particulièrement sensible à l’extrême civilité qui régnait dans cette académie « où, selon son témoignage, toutes choses se passaient avec une telle harmonie et avec tant de douceur et de discrétion » qu’ajoutait-il « je n’ai jamais eu de trouble en l’esprit qui ne se soit dissipé en cette compagnie »89.

  • 90 Sur la conversation savante, voir Marc Fumaroli, « La conversation savante » dans Commercium Litte (...)
  • 91 Le Gallois, Conversations de l'Académie..., op. cit n 5
  • 92 Ibid., p. 5.
  • 93 Ibid., p. 54.
  • 94 Ibid., p. 60.
  • 95 Ibid., p. 61.
  • 96 Ibid., p. 61.
  • 97 Ibid., p. 61.
  • 98 Ibid., p. 61.
  • 99 Ibid., p. 74.

57Ces charmes de la conversation savante90 faisaient également l’attrait des séances de l’académie Bourdelot. Le Gallois, en effet, dans la présentation qu’il en offre, ne dissocie pas leur valeur formatrice sur le plan intellectuel du plaisir qu’elles étaient en même temps susceptibles de procurer. Elles lui apparaissent ainsi comme une « manière de traitter les sciences [qui] n’est pas moins agréable qu’instructive »91. Bien mieux, le plaisir éprouvé à converser selon les règles de la civilité est investi d’une portée pédagogique puisqu’il imprime mieux dans l’esprit « les matières dont on s’entretient »92. Ces « conversations » s’offraient donc comme le moyen d’un double perfectionnement : un perfectionnement intellectuel certes mais aussi un perfectionnement de la personne puisqu’« on s’y polit »93 et l’emploi de ce terme témoigne bien de la prégnance à l’époque, de l’idéal de la « politesse mondaine ». Le Gallois insiste tout particulièrement sur la parfaite civilité qui était observée au sein de l’Académie et surtout sur celle de son animateur, l’abbé Bourdelot, « qui a sçeu, admire-t-il, (...) disposer tant d’Esprits différons à conférer avec tant d’union »94. Il met l'accent sur la « grande déférence » que se témoignaient les uns aux autres les différents participants. En un mot, dans cette académie, « on ne peut rien voir de plus beau que l'ordre qu’on y observe »95 puisque des personnes si « différentes des mœurs, d’opinions et mesme de Pais »96 peuvent y parler avec une parfaite liberté97. Enfin les étrangers étaient « receus et écoutez avec beaucoup d’honneur »98 et l’on allait même, avec un esprit de civilité jamais pris en défaut, jusqu’à souffrir les pédants et les écouter avec patience99. Ainsi voit-on comment, dans les buts que poursuivait l’académie Bourdelot, les préoccupations d’ordre intellectuel se révélaient indissociables de préoccupations que l’on pourrait presque qualifier de pédagogiques et de « mondaines » tout à la fois. Rien évidemment ne permet d’affirmer que ces dernières étaient absentes des réunions de l’Académie parisienne ; on peut même penser en raison de l’importance que revêt à l’époque le souci du respect des règles de la civilité que celle-ci devait aussi bien régner au sein de cette académie. Toutefois il est certain que les différentes académies du temps ne poursuivaient pas exactement les mêmes buts et n’étaient pas animées des mêmes intentions ; en conséquence, elles n’ont pas occupé exactement la même place et n’ont pas joué exactement le même rôle dans la vie intellectuelle, philosophique et scientifique tout à la fois, de l’époque. En effet si certaines comme l’académie de Mersenne ont incontestablement occupé au sein de celle-ci une place de premier plan, si l’on adopte comme principe de classement leur participation active au progrès de la science moderne, d’autres y ont joué un rôle plus effacé et n’y ont occupé qu’une place plus modeste.

58Toutes, néammoins, si elles ont été d’abord l’effet de la rupture avec l’aristotélisme et donc d’une réforme intellectuelle qui les a précédées, ont à leur tour et en retour, chacune à sa façon, contribué à favoriser le développement de toutes les potentialités de cette rupture.

3.2. L’unité de la vie académique française

59Toutefois il est tout aussi certain qu’au-delà des différents facteurs qui confèrent à chaque académie sa physionomie spécifique, il en est d’autres qui contribuent inversement à les rapprocher les unes des autres et, par là même, permettent de dégager quelques traits généraux de la sociabilité académique.

60Les membres qui les composent constituent d’abord l’un des premiers dénominateurs communs entre les différentes assemblées savantes. On constate ainsi qu'à plusieurs reprises, les mêmes noms reviennent sous la plume des historiens de la vie académique : c’est le cas, par exemple, de Mersenne qui apparaît comme omniprésent par sa participation à tous les cénacles mais on retrouve aussi souvent Mydorge, Roberval, Le Pailleur, Gassendi, les Pascal – le père au moins. Ceci n’a certainement rien d’étonnant car le nombre de ceux qui à Paris, au même moment, étaient capables de participer activement au mouvement de la vie scientifique, n’était certainement pas illimité ; il est donc assez normal qu’on les retrouve d'une assemblée à l’autre. Mais ceci montre aussi que ces cénacles ne constituaient pas des entités closes sur elles-mêmes, et qu’il y avait au contraire entre eux de nombreux points de passage, des échanges, des liens assurés par la mobilité de ceux qui constituaient les membres les plus actifs de la vie académique et qui allaient ainsi d'assemblée en assemblée, mûs par un besoin jamais pleinement satisfait d’être tenu au courant des moindres événements marquant le mouvement de la vie intellectuelle, et d’échanger, de discuter, de confronter des informations ou des idées.

  • 100 Le Gallois, Conversations de l’Académie..., op. cit., p. 58.
  • 101 Ibid., p. 58.

61Un autre facteur qui a contribué à unifier la vie académique est le public qui dans certains cas devenait un élément de sa composition. Il est possible, en effet, de distinguer deux sortes d’assemblées savantes. Il existe d’une part celles où chaque membre participe activement à la vie de l’assemblée, mais il en est d'autres qui ne possèdent pas exactement la même structure. Ce sont celles où il convient de distinguer, comme le fait Le Gallois à propos de l’académie Bourdelot, « ceux qui ne parlent jamais, ceux qui ne parlent que rarement, et ceux qui parlent toujours »100 et il ajoute « ce sont les derniers qui composent à proprement parler l’académie »101. La caractéristique de l’académie Bourdelot est donc qu’elle était ouverte au public, ce public se contentant d’être spectateur des débats menés par ceux qui, selon les termes de Le Gallois, composaient véritablement l’académie. Le type le plus fréquent, du moins dans la période qui nous intéresse, est le premier. Ainsi chez les Dupuy, chez Descartes, chez Mersenne, chez Montmor les réunions académiques ne prenaient pas une forme publique. La distinction entre acteurs et spectateurs de la vie académique ne paraît donc pertinente que dans le cas de l’académie Bourdelot. On la retrouvera cependant après 1650 mais dès la première moitié du xviie siècle, seules les Conférences du Bureau d’Adresse ont été, avec les conférences de l’académie Bourdelot, véritablement publiques. On peut cependant ajouter, pour renforcer l’idée que la vie académique s’est étendue au-delà du cercle étroit des participants bien identifiés que nous avons évoqués, que l’on peut, sans trop d’invraisemblance, admettre que même au sein des assemblées non ouvertes au public certains pouvaient, comme chez l’abbé Bourdelot, ne parler que rarement ou même jamais et donc adopter peu ou prou une attitude de simples spectateurs. On est donc en droit d’opérer une distinction entre une sorte de noyau dur des membres de la vie académique, aux éléments stables et bien identifiés et une périphérie plus vaste qui se caractérise par sa moindre activité mais qui sans doute revêt les mêmes caractères de stabilité. Il est bien entendu difficile de justifier véritablement cette affirmation car l’identification des individus composant cette nébuleuse qui étend les limites de la vie académique est impossible. On peut toutefois faire remarquer que si Paris ne pouvait au même moment fournir en nombre illimité des participants actifs au mouvement de la vie intellectuelle surtout dans le domaine scientifique, il devait par contre se trouver dans cette ville un nombre important d’individus susceptibles de s’intéresser à celle-ci et de suivre les débats qui l’animaient mais sur ceux-ci, leur nombre et leur qualité, les sources sont muettes. Ainsi l’un des principaux facteurs d’unification de la vie académique a-t-il été la stabilité de ses participants, et cela quelle que soit la façon dont on envisage leur participation.

62Mais la cohésion interne du groupe était également renforcée par sa relative homogénéité sociale. Si l'on envisage en effet l’origine sociale des membres actifs de ce groupe, puisque c’est pour eux seulement, dans la mesure où l’on connaît leur identité, que l’on peut la déterminer avec certitude, on constate qu’elle révèle une certaine unité.

  • 102 Le Gallois, Conversations de l’Académie..., op. cit., p. 57.
  • 103 Ibid., pp. 56-60.

63Ainsi tous les participants actifs et reconnus de la vie académique appartiennent-ils soit à la noblesse de robe soit à cette frange supérieure de la bourgeoisie urbaine qui, dans un moment où la société issue de l’ancienne structure seigneuriale et féodale recelait encore de fortes possibilités de mobilité sociale, était en voie d’ascension vers les couches immédiatement supérieures de la société d’ordres. Et l’on peut penser, en ce qui concerne les autres participants, que la composition sociologique du groupe qu’ils constituaient n’était pas sensiblement différente. L’on dispose forcément à ce sujet de très peu d’indices. Des participants aux conversations de l’académie Bourdelot, Le Gallois précise cependant qu’il s’agissait de « médecins, physiciens, mathématiciens, princes, seigneurs, évêques, magistrats »102. Or parmi ceux que Le Gallois désigne ensuite nommément comme participant activement aux conférences103, on ne découvre nul prince, nul seigneur, nul évêque. On peut donc éventuellement en déduire que ces derniers constituaient une partie de ce public qui se contentait d’assister aux conférences sans y participer véritablement. Peut-être d’ailleurs ne faut-il voir dans les allégations de Le Gallois qu’une sorte d’opération de prestige destinée à rehausser l’éclat de l’académie de Bourdelot, mais il est très possible pourtant que ces académies publiques de l’époque aient pu accueillir ceux qui parmi les membres de la noblesse commençaient à daigner s’intéresser à la culture. Il n’en reste pas moins que la très grande majorité des spectateurs qu’elles recevaient se recrutaient sans doute au sein des mêmes couches sociales qui fournissaient leurs membres les plus actifs.

  • 104 Sur les théories et le comportement politique des érudits et plus particulièrement des libertins, (...)

64Enfin l’homogénéité de la vie académique était indubitablement renforcée au plan symbolique par la conviction, enracinée en chacun de ses membres, d’appartenir à une communauté qui transcendait, nous l’avons dit, les différences de naissance et de fortune, et qui rassemblait tous ceux qui partageaient les mêmes idéaux intellectuels tout en communiant dans le même culte des choses de l’esprit : la « République des Lettres ». Le sentiment, en effet, de faire partie de cette élite privilégiée d’individus, sentiment qu’éprouvait chaque participant de la vie académique, renforçait la cohésion d’un groupe uni à la fois par les intérêts communs de ses membres et par tout ce qui le distinguait de ceux qui lui étaient étrangers : « le commun », le « vulgaire », selon la terminologie de l’époque qui ne conférait à ces termes aucune signification sociologique. Le « commun », le « vulgaire » est en effet celui qui n’a pas accès aux richesses de l’érudition, aux subtilités de la connaissance, et qui reste prisonnier des préjugés et des idées traditionnelles dont se flattent – parfois à raison mais parfois aussi à tort comme nous le verrons – d’être délivrés ceux qui ont à la fois la chance et le mérite d’appartenir à cette aristocratique « contresociété » qu’est la République des lettres. Le terme contre-société ne doit pas d’ailleurs non plus prêter à confusion. Nul désir de subversion sociale n’anime ces lettrés. Il leur suffit de jouir du sentiment de leur différence sans qu’aucun désir de transformer si peu que ce soit l’ordre établi ne les effleure et leur refus de la tradition accompagné de leur revendication de la liberté philosophique, c’est-à-dire de la liberté de pensée, se cantonne dans l’ordre de l’intellectualité104.

***

65Il reste maintenant à tenter de préciser comment les Conférences du Bureau d’Adresse se sont insérées dans ce mouvement d’ensemble : quelles furent d’abord leurs particularités distinctives ? Quelle place y ont-elles occupée ? Quel rôle y ont-elles joué ? Et quelle importance convient-il en dernière instance de leur reconnaître au sein du mouvement académique français ?

Notes

1 Il n’existe pratiquement aucun ouvrage de synthèse consacré à la vie académique française dans la première moitié du xviie siècle, en dehors de l’ouvrage maintenant ancien de H. Brown, Scientific Organizations in Seventeenth Century France (1620-1680), Baltimore, 1934. Tous les autres ouvrages sont des monographies ou ne traitent qu’incidemment de telle ou telle académie particulière.

2 Alain Viala, Naissance de l’écrivain. Sociologie de la littérature à l’âge classique, Paris, 1985, p. 17.

3 P. Le Gallois, Conversations de l'Académie de Monsieur l’abbé Bourdelot, Contenant diverses Recherches, Observations, Expériences et Raisonnements de Physique, Médecine, Chimie et Mathématique..., Paris (Th. Mœtte) 1672. Le titre de la préface définit son objet : « Entretien servant de préface où il est traité de l’origine des Académies, de leurs fonctions et de leur utilité, avec un discours particulier des Académies de Paris ».

4 « Cette nation ingénieuse s’est plus que toutes les autres, portée à ces sortes d’assemblées, à qui elle a donné des lois et des formes qui ne sont pas moins utiles que nouvelles. C’est elle qui la première a réglé le nombre des Académiciens, les matières que l’on doit agiter et le temps auquel on s’assemble. Elle y a aussi crée des offices, dont les fonctions sont si utiles à ces assemblées, qu’on peut dire qu’elles seraient infructueuses sans le secours de ces charges ; et de fait, on n’y peut conférer avec ordre sans un modérateur ; on n’y peut rien donner au public sans un secrétaire. » Ibid., pp. 14-15.

5 Ibid., pp. 21-22.

6 Sur la fondation de l’Académie française, voir Paul Pellison, Relation contenant l’histoire de l’Académie française, Paris, 1652, A. Adam, op. cit., p. 220 et sq, Marc Fumaroli, « Le Cardinal de Richelieu, fondateur de l’Académie française » dans Richelieu et le Monde de l’esprit, Sorbonne, Paris, 1985 et « Les intentions du Cardinal de Richelieu, fondateur de l’Académie française », dans Richelieu et la culture, Actes du colloque international en Sorbonne, sous la direction de Roland Mousnier, Paris, 1987, Roger Chartier, « Trajectoires et tensions culturelles de l’Ancien Régime » dans Les formes de la culture, Paris, 1993, pp. 346-351.

7 C’est ce que prouve à l’évidence l’article « Académie » de l’Encyclopédie, article dans lequel d’Alembert tend à accréditer cette synonymie (J. B. Le Rond d’Alembert, « Académie » dans Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers par une société de gens de lettres..., Paris, 1751-1765).

8 Marc Fumaroli, « Le cardinal de Richelieu fondateur... », op. cit., pp. 221-222. Roger Chartier a repris cette idée en insistant sur le fait que l’on ne peut pas identifier le patronage par Charles IX et Henri III des premières académies françaises et la progressive prise de contrôle étatique du phénomène académique au cours du xviie siècle. Voir R Chartier « Trajectoires», op. cit., pp. 346-349.

9 Voir à ce sujet M. Magendie, La politesse..., op. cit., pp. 120-137. Sur les salons littéraires au xviie siècle, voir outre ibid., pp. 137-139, A. Adam, Histoire de la littérature française au xviie siècle, Paris, 1948, IIe partie, chap. I, « L’Académie et les salons »

10 Ibid., p. 126.

11 Sur le cabinet des frères Dupuy, voir Isaac Uri, Un cercle savant au xviie siècle, François Guyet (1575-1655) Paris, 1886, René Pintard, Le libertinage..., op. cit., pp. 92-101, Hans Bots, Correspondance..., op. cit., introduction.

12 Rue des Poitevins à Paris.

13 Hans Bots, ibid., introduction, p. XXIV.

14 Sur tous ces points voir R. Pintard, Le libertinage..., op. cit., p. 94.

15 Voir à ce sujet Antoine Cozon, « Ut provint aliis – Jacques-Auguste de Thou et sa bibliothèque » dans Histoire des bibliothèques françaises sous l’Ancien Régime 1530-1789 sous la direction de Claude Jolly, Paris, 1988.

16 La formule est évidemment anachronique

17 Ibid., p. 97.

18 H. Bots, Correspondance..., op. cit., introduction p. XXIII

19 Ibid., p. XXIII.

20 Adrien Baillet, La vie de M. Descartes, Paris (D. Horthemels), 1691, p. 136.

21 Le Vasseur d’Etioles, parent de Descartes, chez qui il logeait à Paris !

22 Ibid., p. 152.

23 Ibid., pp. 136-147.

24 René Taton, Les origines de l’Académie Royale des Sciences, Paris, 1966, p. 15.

25 Sur l’abbé Bourdelot, voir R. Pintard, Le libertinage..., op. cit., pp. 219-220, 350-355, 356-362, 378,-379, 389-403, 432.

26 Ibid., p. 355.

27 Ibid., p. 631 n. 4. Cette note renvoie aux ouvrages suivants : Ch. H. Boudhors, « Pascal : l’Académie parisienne et la crise de 1654 », Revue d’histoire littéraire de la France, 1929, Le Gallois, Conversations..., op. cit., Le Maire (C), Paris ancien et nouveau, Paris (T. Girard), 1685.

28 R. Pintard, « Autour de Pascal. L’Académie Bourdelot et le problème du vide » dans Mélanges... offerts à Daniel Mornet, Paris, 1951, pp. 73-81.

29 R. Taton, Les origines..., op. cit., p. 17.

30 Le Gallois, Conversations..., op. cit., p. 55.

31 R. Pintard, Le libertinage..., op. cit., p. 219 et p. 355.

32 Ibid., p. 355.

33 Le Gallois, Conversations..., op. cit., p. 56.

34 Le premier volume des Conversations de l’Académie..., op. cit., publié en 1672 contient les comptes rendus de six « conversations ». Le second volume, Les Conversations académiques tirées de l’Académie de Monsieur l’abbé Bourdelot, Paris (Cl. Barbin), 1674, en contient trois.

35 Le Gallois, Conversations de l’Académie..., op. cit., p. 55.

36 Ibid., p. 56.

37 Ibid., pp. 44-48.

38 R. Pintard, « Autour de Pascal... », op. cit.

39 Ibid., p. 74. C’est cette époque qu’étudie exclusivement H. Brown, Scientific organizations..., op. cit., chap. XI.

40 Ibid., p. 76.

41 Ibid., p. 79.

42 Le Gallois, Conversations de l’Académie..., op. cit., p. 56.

43 Ibid. Ces sujets sont abordés respectivement dans la 1re, 2e et 4e conversation.

44 Le Gallois, Conversations académiques..., op. cit., préface, non paginée.

45 Ibid. Il y est question de la maladie d’un atrabilaire (Première Conversation), d’observations anatomiques, d’hydropisie, des crachements de sang, etc. (Seconde Conversation).

46 D’une dent qui ayant esté arrachée à un jeune homme et mise en un coffre en produisit trois autres à côté d’elle — D’une autre dent d’une grosseur prodigieuse – S’il y a eu autrefois des Géans – Si les os vegetent – Si les os se peuvent changer en pierres – Si les cerfs, les corbeaux et les brochets vivent aussi longtemps qu’on le dit ; raisons pour et contre – D’une femme qui ayant perdu ses dents à l’âge de 30 ans les recouvra à l’âge de 90 – D’un jeune homme bien fait et de belle taille qui sans avoir esté malade devint tout d’un coup si courbé et si bossu qu’il en paraissoit difforme – D’un autre qui en mourant ressembla tout à fait à son père à qui il n'avoit point ressemblé pendant sa vie ; la cause de cette ressemblance (Le Gallois, Conversations de l'académie..., op. cit., table des matières, non paginée).

47 Correspondance du P. Marin Mersenne, Religieux Minime, publiée par Madame Paul Tannery et Cornelis de Waard, Paris, 1933-1972, t. I, préface, pp. XXX-XLIII.

48 R. Lenoble, Mersenne..., op. cit., p. 590.

49 Correspondance..., op. cit., lettre du 23 mai 1635, t. V, p. 209.

50 Ib., Lettre du 19 septembre 1635, t. V, p. 371.

51 J.B. Du Hamel, Regiae Scientiarum Academiae Historia..., Paris, 1698.

52 Cité par R. Taton, Les origines..., op. cit., p. 7.

53 R. Lenoble, Mersenne..., op. cit., p. 591.

54 Correspondance de Mersenne..., op. cit., t. I, Préface, p. XLIV.

55 J. R. Armogathe, « Le groupe de Mersenne et la vie académique parisienne » dans xviie siècle, 1992, no 2.

56 Georges Bigourdan, « Les premières sociétés scientifiques de Paris au xviie siècle. Les réunions du P. Mersenne et l’Académie de Montmor » dans Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des Sciences, janvier-juin 1917, Paris, 1917, p. 130.

57 J. R. Armogathe, « Le groupe... », op. cit., p. 134.

58 R. Lenoble, Mersenne..., op. cit., p. 591.

59 Sur l’opposition en revanche de Mersenne à ce que Lenoble appelle la philosophie naturaliste, voir ibid., chap. III.

60 Sur ce point voir R. Taton, Les origines..., op. cit., p. 46, n. 52.

61 Les rares indications que l’on possède à son sujet ont été rassemblées par Jean Mesnard dans un article consacré à « Pascal à l’Académie Le Pailleur », dans L'œuvre scientifique de Pascal, Centre international de synthèse, Paris, 1964.

62 Ce sont les membres de cette académie qui doivent être tenus pour les destinataires de l’Adresse à l’académie parisienne de ce dernier, ainsi que l’a établi J. Mesnard. Cf. ibid.

63 René Kerviler, H. L. Habert de Montmor de l’Académie française et bibliophile, Paris, 1872, p. 3.

64 Ibid., p. 3.

65 H. Brown, Scientific..., op. cit., p. 68.

66 Ibid., p. 68.

67 G. Bigourdan, « Les premières sociétés... », op. cit., p. 131.

68 Cité par Kerviler, op. cit., p. 8. Brown produit un témoignage concordant de Monconys, op. cit., p. 71.

69 M. Piobert, « Relation des savants entre eux avant la création de l’Académie des Sciences en 1666. Descartes et Pascal », Comptes rendus hebdomadaires de séances de l’Académie des Sciences, Paris, 1862, p. 704. J. Mesnard conteste, nous l’avons vu, cette attribution et fait de l'académie Le Pailleur la destinataire de cette adresse.

70 H. Brown, op. cit., p. 70.

71 R. Pintard, Le libertinage..., op. cit., pp. 91-92.

72 Voir la lettre de Sorbière à Hobbes du 1er février 1658. Cette lettre est citée par G. Bigourdan, op. cit., pp. 131-132, qui reproduit également les neuf articles de ce règlement (ibid., p. 132).

73 Cité par Kerviler, op. cit., p. 10.

74 Cité par G. Bigourdan, op. cit., pp. 133-134. H. Brown de son côté, fait état de discussions au tour des anneaux de Saturne, op. cit., pp. 77-80.

75 Ibid., p. 133.

76 Ibid., p. 133, η. 1.

77 Ibid., p. 133, η. 1.

78 Ibid., p. 133, η. 1.

79 « ... Il y a bien de la vanité en tout ce à quoy les hommes s’occupent, et en tout ce qu’ils établissent le mieux par leurs raisonnements. Je m’en rapporte à une Assemblée où l’on cherche depuis deux ans quelques principes généraux sur lesquels on puisse raisonner de concert sur les choses naturelles, dequoy on ne sçaurait venir à bout : de sorte que sur les plus ordinaires questions, et sur les plus sensibles matières, il y a de continuels dissentiments : et toujours il se trouve une douzaine d’anges destructeurs, qui abbattent en un moment les travaux qu’un beau génie aura fait avec bien du temps et de la peine ». Cité par G. Bigourdan, op. cit., p. 133.

80 H. Brown, Scientific..., op. cit., p. 77.

81 Ibid., p. 87.

82 Ernest Maindron, L’Académie des Sciences, Paris, 1888, pp. 1-2.

83 Alfred Maury, Les Académies d’autrefois, Paris, 1864, p. 10.

84 Sur Nicolas Claude Fabri de Peiresc, voir P. Humbert, Un amateur..., op. cit., Roger Lassalle, Peiresc (1580-1637), Vie de Peiresc par Pierre Gassendi, Paris, 1992, Marc Fumaroli, Nicolas Claude Fabri de Peiresc, Prince de la République des Lettres, Bruxelles 1993

85 Sur les académies provinciales voir R. Pintard, Le Libertinage..., op. cit. p. 89, M. Daumas, Esquisse..., op. cit., p. 65, R. Mandrou, Des Humanistes..., op. cit., pp. 146-147, A. Vial a, Naissance..., op. cit., pp. 22-23. Pour une période plus tardive, voir D. Roche, Les Républicains..., op. cit., en particulier troisième partie, chap. XI.

86 L’Académie des sciences ne deviendra en fait qu’en 1699 l’Académie royale des Sciences. Voir à ce sujet Fontenelle, Histoire du renouvellement de l'Académie royale des Sciences, Paris, (M. Brunet), 1717.

87 R. Chartier, « Trajectoires... », op. cit., p. 351. Deux problèmes se posent ici que nous laissons ouverts : celui des raisons de cette « capture » par le pouvoir politique et celui de l’articulation de ce premier (ou second si l’on prend en compte les académies de la Renaissance) épisode de l’académisme français avec son évolution ultérieure.

88 Cité par R. Pintard, Le libertinage..., op. cit., p. 95.

89 Cité également par R. Pintard, ibid., p. 95.

90 Sur la conversation savante, voir Marc Fumaroli, « La conversation savante » dans Commercium Litterarium. La communication dans la République des Lettres, 1600-1750, Conférences des colloques tenus à Paris 1992 et à Nimègue 1993, publié par Hans Bots et Françoise Waquet, Amsterdam et Maarsen, 1994.

91 Le Gallois, Conversations de l'Académie..., op. cit n 5

92 Ibid., p. 5.

93 Ibid., p. 54.

94 Ibid., p. 60.

95 Ibid., p. 61.

96 Ibid., p. 61.

97 Ibid., p. 61.

98 Ibid., p. 61.

99 Ibid., p. 74.

100 Le Gallois, Conversations de l’Académie..., op. cit., p. 58.

101 Ibid., p. 58.

102 Le Gallois, Conversations de l’Académie..., op. cit., p. 57.

103 Ibid., pp. 56-60.

104 Sur les théories et le comportement politique des érudits et plus particulièrement des libertins, voir infra, IIIe partie.

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