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    Plan détaillé Texte intégral Mille folios, épaves d’une puissante pratique comptable Le compte du trésorier au cœur de la circulation des ressources Morphologie du compte de Guillaume Boursier Notes de bas de page Auteurs

    Les fruits de la terre

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    Table des matières

    Monseigneur et la circulation des ressources : douze mois des comptes du trésorier de l’archevêque de Narbonne

    Monique Bourin et Agnès Gramain

    p. 325-340

    Texte intégral Mille folios, épaves d’une puissante pratique comptable Le compte du trésorier au cœur de la circulation des ressources Morphologie du compte de Guillaume Boursier Une année particulièrement difficile ? Vingt-cinq folios d’entrées décrivent la santé financière des baylies Repérer les mouvements internes Apprécier le montant des versements en provenance des baylies Distribution saisonnière des sorties Un petit nombre de très grosses sorties d’argent Un compte riche d’enseignements, par-delà l’approche financière Les protagonistes du compte Le vocabulaire de la relation économique Espaces et pôles urbains : la géographie de la circulation des richesses dans le compte de Guillaume Boursier Notes de bas de page Auteurs

    Texte intégral

    1Dans le vaste champ que sont les études récentes de la scripturalité, les comptabilités tiennent une part spécifique, entre analyse des structures mentales et sources de l’histoire économique. Dans cet ensemble d’études, les comptabilités pontificales de la première moitié du xive siècle ont fait l’objet d’une attention particulière1. Ces instruments puissants de la centralisation avignonnaise ont des équivalents dans les diocèses où ils permettent d’observer les flux financiers.

    Mille folios, épaves d’une puissante pratique comptable

    2Pour le diocèse de Narbonne, les archives vaticanes conservent une petite vingtaine de registres, répartis entre les Registres d’Avignon, les Collectoriae / Collectoreries et les Introitus et Exitus, au total un gros millier de folios qui ne sont qu’une infime partie de toute l’écriture financière du diocèse. La plus grande partie a disparu. La moitié des registres qui subsistent est liée à la mort de l’archevêque Gaubert du Val, le 1er janvier 1347 ; qu’ils s’interrompent à sa mort ou qu’ils commencent alors, il s’agit des dépouilles de l’archevêque. Les raisons de la conservation de l’autre moitié des registres, tenus plus tôt, entre 1334 et juin ou décembre 1340 sont moins claires : plusieurs d’entre eux sont probablement liés à la mort du précédent archevêque Bernard de Fargues, le 1er mai 13412, ou à des contestations3.

    3La majorité des registres sont des comptes de baylie : ils ont été composés par le bayle, ce clerc qui gère tout le temporel de la baylie. Des 9 baylies, 7 ont laissé des comptes, construits sur un modèle commun. Viennent d’abord les recettes : l’énoncé des recettes en céréales, vin, olive, agneaux, etc., puis toute recette commercialisée directement par le bayle ou vendue aux enchères à des sortes de fermiers qui se chargent de les percevoir. La seconde partie du compte, beaucoup plus longue, présente le journal4 des dépenses. Il s’agit, d’une part, des dépenses d’entretien des bâtiments et des frais de culture, car au centre de la baylie, Monseigneur a un château et une exploitation agricole. Mais ce sont aussi, d’autre part, les dépenses de bouche du personnel et surtout de tous les gens et proches de Monseigneur qui passent par la maison du bayle, voire y séjournent. Administrateur de la seigneurie temporelle, y compris des dîmes, le bayle perçoit les revenus et règle les dépenses. De manière surprenante, aucune de ces comptabilités ne couvre exactement la même durée ; certains ne concernent que quelques mois d’une année. Seul le compte d’Aymeric Solas, bayle de Canet, couvre juste une année de la Noël 1334 à la Noël suivante5.

    4À côté de ces comptes en quelque sorte « locaux », sont conservés des comptes généraux. L’un d’entre eux est le compte des dépouilles de Bernard de Fargues6 qui s’étend sur six années à partir de la mort de l’archevêque. Il rend compte à l’autorité apostolique dont il dépend : Morerius de Moreriis a reçu les lettres apostoliques le 8 mai 1341, ainsi que l’indique l’en-tête du registre et à partir de cette date, il solde le bilan des actifs et passifs de Bernard de Fargues. Mais il est aussi des comptes généraux qui dépendent de l’administration centrale du diocèse, au premier chef celui du trésorier Guillaume Boursier, qui s’étend du 20 octobre 1339 à décembre 13407.

    Le compte du trésorier au cœur de la circulation des ressources

    5C’est à l’un de ces nœuds de la circulation financière, auprès du trésorier de l’archevêque de Narbonne, que nous avons choisi de situer notre observation, évidemment complétée par les données des registres de baylie et du compte de dépouilles de Morerius. Guillaume Boursier connaît tout à la fois la gestion centrale des revenus de l’archevêque et la situation locale d’un bayle, car dès 1337, ce bon serviteur de l’archevêque a été chargé de remettre de l’ordre dans les affaires de la baylie d’Alaigne8. En 1339-1340, au moins jusqu’au mois de juin, il est à la fois bayle d’Alaigne et trésorier de l’archevêque. Son compte de trésorerie le montre arpentant les routes mais aussi recevant, à Narbonne, les gestionnaires des revenus du diocèse. Aperçu depuis le compte du bayle de Canet de 13349, son prédécesseur aussi sillonnait les routes : certes la maison de Canet est sur la grande route qui va de Carcassonne à Narbonne, c’est-à-dire de Bordeaux à Avignon, et à ce titre, elle voit passer la famille de Monseigneur, ses familiers, les dignitaires du diocèse et les gens du roi, hauts et petits. Le trésorier Durand y passe près de quinze fois en un an, rarement au cours d’un long voyage.

    6Que révèle son compte des ressources et de leurs mouvements dans ce diocèse si riche – l’un des plus « chers » de France –, puisque malgré le démembrement que lui a infligé Jean XXII en 1317 et 1318, le nouvel archevêque Gaubert du Val doit verser comme annates10 à la Chambre apostolique 10 000 florins en 134211 ?

    Morphologie du compte de Guillaume Boursier

    7Le compte de trésorerie de Guillaume Boursier occupe 43 folios du volume 14612 des Collectoreries. Il y est intitulé « Compte-rendu à la chambre apostolique par Dom Guillaume Boursier, trésorier de l’archevêque de Narbonne du temps de Dom Bernard de bonne mémoire pour les recettes (receptis), les versements (solutis), les dépenses (expensis) du 20 octobre de l’année 1339 jusqu’au 17 décembre de l’an 1340 » et sur le folio suivant, Guillaume Boursier qui entame le compte par les recettes, comme il est d’usage, indique que l’an 1339, le 9 octobre, il a été fait trésorier de l’archevêque et qu’il a reçu des bayles et des chanceliers et de quelques autres personnes « ce qui suit »13. Les recettes occupent 25 folios du compte.

    8Comme dans les comptes des baylies narbonnaises, chaque nouvelle rubrique est annoncée par un titre encadré qui le sépare des items suivants ; à la fin de chaque page est indiquée la somme. Chaque item est bordé dans la marge droite d’une accolade à laquelle correspond la somme reçue ou versée, indiquée en unité de compte14. Dans la marge gauche, de grandes accolades rassemblent les sommes reçus ou dépensées le même jour. La quasi-totalité des enregistrements est datable au mois près, car Guillaume Boursier a utilisé un système de codage dans la marge gauche, qui repère chaque mois calendaire par une lettre15 (A pour octobre 39, B pour novembre 39, jusqu’à O pour octobre 40).

    9Afin de procéder à une analyse statistique, nous avons saisi les items du compte dans une base de données (une ligne par item), en distinguant les entrées des sorties. La constitution de cette base de données permet à la fois de construire une vue d’ensemble et de se départir de la logique matérielle d’enregistrement dans le document.

    10Le compte comporte environ 350 items datables16 qui correspondent en très grande majorité à des sorties. Les 56 entrées sont toujours datées au jour près. Et sur les 294 sorties datables, 172 le sont par le quantième du mois, 9 par une référence à une fête religieuse, 25 par leur position dans une liste visiblement chronologique17. Il semble que le mois joue pour Guillaume un rôle particulièrement important dans le repérage temporel des opérations : même si l’item est daté au jour près, Guillaume fait aussi figurer le mois dans la marge. Cela permet d’éviter que le compte prenne la forme d’un journal et facilite le repérage chronologique tout en laissant d’autres logiques organiser l’enregistrement successif des items.

    11Guillaume Boursier n’exerce pas d’activité bancaire pour le compte de Monseigneur. Tout au plus se contente-t-il de récupérer le montant de quelques dettes. Le compte décrit avant tout la circulation des ressources au sein du temporel de l’archevêque. Afin d’étudier cette circulation, nous focalisons l’analyse sur une période d’une année. La prise de fonction de Guillaume Boursier semble s’accompagner de quelques régularisations18 : nous faisons donc débuter la période d’observation au 1er novembre 1339.

    Une année particulièrement difficile ?

    12Disons-le d’entrée, la situation financière de l’année 1339-1340 semble délicate tant les sorties sont supérieures aux entrées enregistrées : dans la base de données, le total annuel des dépenses atteint 9 266 livres (dorénavant l.)19 pour un total des entrées de 4 053 l. Cet écart, s’il s’agit d’un déficit, apparaît en décalage avec l’historiographie. S’agit-il d’une année particulièrement difficile faute de recettes20 ou en raison de dépenses exceptionnelles ?

    Vingt-cinq folios d’entrées décrivent la santé financière des baylies

    13Les entrées sont constituées pour l’essentiel de versements des baylies : 3 592 l. soit 88,6 % des recettes annuelles enregistrées. Les entrées en provenance des baylies sont très hétérogènes aussi bien dans leur montant total, que dans leur montant moyen et leur chronologie. Cette année-là, Sigean apporte presque un tiers des recettes quand Pia et Alaigne ne participent que pour à peine plus de 10 % à elles deux. Ces différences reflètent le bilan de chaque baylie, qui tient à la fois à l’ampleur des revenus dans les régions riches, à celle des frais de réception et aux conditions de gestion de la baylie soumises à l’efficacité et à la santé du bayle. Ainsi la baylie d’Alaigne pâtit-elle de l’incurie de son bayle précédent et des dépenses somptuaires du neveu de Monseigneur qui y passe de long mois. Le compte de Morerius de Moreriis permet de redresser l’image donnée par le compte de Guillaume Boursier : l’année suivante, la baylie d’Alaigne, où Monseigneur a envoyé un homme de confiance, Pierre Sacrini, verse 1426 l. La comparaison éclaire aussi la situation de Capestang où le bayle vient de mourir : son héritier verse à Morerius un arriéré de plus d’un millier de livres, qui auraient dû venir s’ajouter aux 771 l. versées en 1340.

    Graphique 1. Répartition chronologique des recettes (en livres) en provenance des baylies de l’archevêque de Narbonne, enregistrées dans le compte de son trésorier (1er novembre 1339-31 octobre 1340)

    Note : Il faut lire ce graphique en étant attentif aux effets d’optique dus au découpage mensuel ; ainsi sur les 737 l. enregistrées en juin, 490 ont été versées avant le 4 du mois.

    14Le volume est inégalement réparti dans l’année : plus de 40 % des entrées ont lieu entre avril et juin mais on note aussi des recettes importantes en février et en août. À l’échelle de chaque baylie, c’est à nouveau l’hétérogénéité qui prévaut (voir graph. 1). Sigean nourrit le compte presque chaque mois mais avec des montants plus importants d’avril à juin. Pia ne verse qu’une fois en août, ce qu’on peut comprendre comme un signe de son éloignement. Quant à Canet, l’essentiel de sa contribution annuelle est enregistré en une seule fois, alors qu’elle est au centre de la seigneurie archiépiscopale, mais c’est au mois de février où aucune autre baylie n’apporte de ressources. Peut-on y lire une complémentarité entre baylies organisée à l’échelle de la seigneurie pour alimenter la caisse centrale ?

    Repérer les mouvements internes

    15Les baylies apparaissent certes pour l’essentiel comme apporteurs de revenus, mais elles peuvent aussi bénéficier de transfert en provenance de la caisse centrale : c’est le cas de celles de Narbonne et de Quillan, qui n’apportent rien et reçoivent respectivement 311 l. et 90 l. Pierre Sacrini, dont on sait qu’il fut missionné pour remettre de l’ordre dans les finances de la baillie d’Alaigne (notamment à Limoux), reçoit pour sa part 9 versements entre le 9 août et le 23 octobre, pour des montants allant de 7 l. à 138 l. En rapprochant les versements à l’échelle individuelle grâce aux dates, aux montants en jeu et aux protagonistes, on peut en outre reconstituer des transferts entre baylies qui ne font que transiter par le compte central : c’est le cas par exemple pour 172 l. enregistrées en juin (fol. 188v) en provenance de la baylie de Villerouge qui se retrouvent (fol. 212v) datés du mois de juin, à destination du bayle de Narbonne par la main du bayle de Villerouge21. Quatre transferts peuvent ainsi être mis en évidence, mais d’autres existent probablement, plus difficiles à repérer faute d’information sur les porteurs ou de datation précise. Guillaume Boursier apparaît donc comme beaucoup plus qu’un trésorier qui se contenterait d’enregistrer les versements des baylies. Il fait fonctionner un organisme économique intégré où la caisse centrale n’est pas seulement un coffre, mais aussi un outil de mutualisation financière et peut-être un dispositif de marquage au sens de Zelizer22 : l’écriture de transferts inter-baylies dans le compte du trésorier n’a-t-elle d’autre objectif que de faciliter les contrôles ou peut-on penser que les revenus d’une baylie doivent passer par la caisse centrale pour pouvoir légitimement être utilisés à en renflouer une autre qu’elle soit défaillante ou assécher par la présence de Monseigneur ?

    Apprécier le montant des versements en provenance des baylies

    16Guillaume Boursier semble ainsi suivre avec vigilance la gestion financière de toute la terre de Monseigneur. En témoignent aussi ses nombreux voyages sur le « terrain », l’envoi régulier de nonces auprès des bayles et la venue régulière des clavaires auprès du trésorier23. Comment donc comprendre le décalage entre le volume des entrées et celui des sorties ?

    17Les défaillances d’Alaigne et Capestang déjà mentionnées n’apportent pas une explication suffisante : les entrées enregistrées l’année suivante par Morerius n’auraient pas suffi non plus à couvrir les sorties. Les comptes de baylie de Canet, pour l’année 1334, pourraient laisser penser que 1340 est une très mauvaise année24 : les revenus de cette année n’ont aucune commune mesure avec le montant total enregistré par Guillaume Boursier en provenance de Canet. Au folio 1 du compte25 qu’il rend devant une commission d’auditeurs comportant, outre le trésorier de cette époque, quelques personnages que nous retrouvons dans le compte de Guillaume Boursier, Aymeric Solas reconnaît devoir à Monseigneur la somme de 2593 l. 4 s. (sous) 7 d. (deniers) et il justifie le calcul aux fol. 539-541, en reprenant tous les versements, datés, qu’il a déjà faits : il a déjà porté 2 215 l. 19 s. 4 d. ; il lui reste donc à verser 2608 l. 2 s. Ce compte, comme les autres, montre que les versements faits au cours de l’année ne sont qu’une partie des sommes accumulées par les bayles pendant la durée de l’exercice comptable. En tout cas, les 668 l.versées à Guillaume Boursier en 1340 font pâle figure, même si on les compare seulement aux 2 200 l. versées au cours de l’année 1334. 1334 serait donc une année exceptionnelle ? En 1347, année qui suit la mort de l’archevêque Gaubert du Val, le bayle de Canet verse, principalement au commissaire pontifical, plus de 3 500 l.26.

    18Cependant, le raisonnement ne peut se faire à l’échelle d’une baylie : les versements sont nets des dépenses faites localement, qui tiennent à la géographie des séjours de Monseigneur, certainement différente d’une année à l’autre. Or, les documents nécessaires à l’analyse de l’évolution des recettes annuelles à l’échelle de la seigneurie manquent. On peut noter cependant que la distribution saisonnière semble différente en 1340 de ce qu’elle est en 1334 : les versements, considérables, n’interviennent qu’à partir de juin. Il se pourrait donc que le trésorier exerce en 1340 une pression due aux besoins financiers des séjours de Monseigneur hors de son diocèse et qu’elle pèse sur le rythme des versements des baylies.

    Distribution saisonnière des sorties

    19La base de données constituée permet en revanche, pour poursuivre l’enquête, d’analyser la dynamique infra-annuelle des entrées et sorties. Elle fait apparaitre deux saisons (graph. 2) :

    • un très long hiver (de septembre à mars inclus, et même dès juillet), où l’activité circulation est très réduite, aussi bien du côté des entrées que des sorties et où l’écart entre les deux reste contenu (291 l. cumulés en 5 mois du 1er novembre 1339 au 31 mars 1340 puis 142 l. en 4 mois du 1er juin 1340 au 31 octobre) ;
    • le printemps qui, a contrario, concentre en trois mois 40 % des recettes et 48 % des dépenses et même 61 % si l’on excepte un versement extraordinaire à Jean de Collomedio le 13 août27 (voir infra).

    20Cette période cumule en effet non seulement les quatre sorties qui dépassent 400 l. mais aussi la plupart des quelques dépenses supérieures à 100 l.

    Graphique 2. Évolution des entrées et sorties cumulées (en sous), enregistrées dans le compte de son trésorier (1er novembre 1339-31 octobre 1340)

    Un petit nombre de très grosses sorties d’argent

    21Or la distribution des dépenses est, de manière générale, très concentrée, au sens statistique du terme : sur l’année entière, 10 % des sorties28 concentrent 2/3 du montant annuel des dépenses.

    22Certes, la sortie la plus importante a lieu au mois d’août. Elle est liée à une affaire particulière : le séjour de Jean de Collomedio à Paris, pour des affaires concernant le roi de France. La présence de Jean à Paris est attestée à la mi-juin (fol. 205) ; début juillet, on voit Guillaume se rendre auprès de Monseigneur à Montauban pour des lettres in pargameno et in romancio galico scriptas parisius missas ad dominum regem (fol. 218). Le 13 août il est à Montpellier pour confier à deux marchands montpellierains 2 000 l. en lions d’or à destination de Jean de Collomedio29, tandis que parallèlement, un coursier se charge d’un acte notarié et de lettres (fol. 205v). Ce virement est donc extraordinaire non seulement par son montant (à lui-seul il représente plus de 20 % du total des sorties), mais aussi par son histoire.

    23À un montant sensiblement inférieur, Monseigneur se fait porter 1 032 l. en deux virements « printaniers » : à Caunes en avril, à Montauban fin juin30. Il fait aussi porter des sommes importantes aux membres de sa famille : à son frère le cardinal (583 l. puis 150 l. au cours du mois de mai), à son neveu Amanieu (120 l. en avril)31. Parmi les grosses dépenses, on note enfin une pensio32 particulièrement élevée (celle de Raymond d’Ouveillan, son sénéchal), des paiements pour des affaires de justice ou des écritures et deux dépenses immobilières (218 l. au trésorier de Carcassonne pour le reste du loyer de Monseigneur à Paris et 120 l. à un pareur de Narbonne pour le reste d’une maison).

    24À côté de ces dépenses et virements majeurs, le compte relate un grand nombre de petits versements : 45 items, soit 15 %, correspondent à des montants inférieurs à 1 l.33, la moitié à des montants inférieurs à 7 l. Ces petits versements sont relativement bien décrits : on connaît le montant, la raison, les protagonistes, la date.

    25Paradoxalement, ce souci du détail ne suffit pas pour faire du compte du trésorier un outil adapté pour décrire l’utilisation de la plus grande partie des sommes qu’il gère : des virements à Monseigneur et ses proches, on ne sait pas ce qu’ils financent réellement, pas plus que ce que recouvre les sommes versées à des hommes de loi. Honoraires ou frais de justice ? L’exercice de l’écriture comptable ne se prête pas au récit d’affaires complexes soldées par une transaction globale. Peut-être ces affaires peu nombreuses sont-elles aussi suffisamment connues de tout l’appareil administratif pour qu’on puisse se contenter d’une mention allusive.

    Un compte riche d’enseignements, par-delà l’approche financière

    Les protagonistes du compte

    26Le compte permet cependant de voir les petits mondes qui gravitent autour du trésorier.

    27Outre la famille, mentionnée ici ou là de manière assez dispersée, le compte isole, juste après les recettes, les versements dus pour les pensio : 24 personnes sont concernées, pour l’essentiel des hommes de loi34, juges, notaires, procureur, principalement à Narbonne et Carcassonne, payés en général à l’année en plusieurs versements, pas systématiquement de montants identiques, et à des dates qui n’ont pas toujours de lien évident avec les dates de prise de fonction. Par nature, le compte permet difficilement de saisir les retards de paiement : le premier versement enregistré par Guillaume Boursier concerne néanmoins un arriéré de pensio pour Jacques Bartholomei, calculé depuis 1331 soit sur neuf ans. La pension annuelle ne dépasse 50 l. que pour trois personnes : Raymond d’Ouveillan, le sénéchal, Guillaume Catalani, expert en droit et Guillaume de Magalas, juge de Carcassonne. Pour les autres, le montant moyen est de 13 l., soit l’équivalent de la pensio que recevait le bayle de Canet en 1334.

    28À côté de ce groupe d’experts réguliers, se distingue celui, stable aussi, des bayles et des clavaires. Ils n’apparaissent que pour une petite partie de leur activité : des transports de fonds (essentiellement entre les baylies et Narbonne et accessoirement dans des circuits plus compliqués) voire des missions de confiance.

    29Ces personnels « titulaires », à l’échelon local comme à l’échelon central, forment un monde de clercs. Les bayles sont souvent des curés, certains de la paroisse chef-lieu de leur baylie. Ils cumulent parfois plusieurs fonctions. Mais, parmi les officiers au service de Monseigneur, il n’est pas de chanoine appartenant au chapitre cathédral, bien que les relations de Bernard de Fargues avec lui soient bonnes. Il faut dire que nombre de ces chanoines sont employés par la papauté et ne résident pas à Narbonne. En revanche, Bernard de Fargues a choisi comme camériers, des chanoines prébendés dans un autre diocèse.

    30En contact plus intermittent avec le trésorier, des messagers (nuncius) parcourent la seigneurie, pour 3, 4 ou 5 s. la course, assurant la circulation de l’information de Narbonne vers la périphérie (vers les bayles, ou Monseigneur s’il n’est pas sur place). La vingtaine d’items tout au long de l’année ne représente sans doute qu’une partie de ces liens : ceux qui sont dépêchés, et donc rémunérés, par le trésorier. Certains sont connus du trésorier par leur nom. Quelques-uns, mieux payés, peuvent à l’occasion transporter de petites sommes.

    31Reste le monde du commerce et de l’artisanat. Ceux que l’on aperçoit dans le compte ne sont pas les grands négociants narbonnais. Certains semblent des fournisseurs réguliers de Monseigneur, marchand de cire (à Narbonne et à Limoux), d’épices (deux narbonnais), peaussiers et fourreurs, et quelques tailleurs.

    32Un personnage émerge du compte : Jean de Laurac, marchand, bourgeois de Narbonne. Il est omniprésent, pour acheter des fourrures (d’agneau) pour Monseigneur et pour sa sœur, pour porter de l’argent à Narbonne ou Béziers, pour percevoir à Capestang quelques dizaines de livres35. Il fait partie du groupe qui accompagne Guillaume Boursier à Montpellier dans l’affaire des 2 000 l. Son fils, grand prince, prend à sa charge ce que Guillaume Boursier y dépense. Est-il « ami » de Monseigneur ?

    Le vocabulaire de la relation économique

    33Le découpage par fonction qui vient d’être fait se double d’un découpage par type de relation économique entretenu avec le trésorier, que l’analyse du vocabulaire permet de préciser. Le terme qui désigne le versement dans un item n’est pas unique :

    Le 17 avril, tradidi à Frère J. Saurini de l’ordre des Carmélites pour le vêtement donné par Monseigneur, 6 l. 12 s.36.
    Le 7 avril, solvi à Nevarius, palefrenier de Monseigneur, pour deux chapeaux de feutre fourrés de taffetas vert, achetés à Carcassonne pour Monseigneur avec deux grands cordons de soie verte, 3 l. 11 s.37.

    34Et ce n’est pas anodin, l’enregistrement systématique du lemme (trad~, sol~, expend~38…), selon une méthode chère à Laurent Feller, suggère que chacun de ces termes renvoie à un geste économique différent, qui s’interprète en référence au type de circulation39 et au statut social des personnes concernées.

    35Solvere, terme le plus fréquent40, pourrait être traduit par « régler » : il est utilisé dans le cas d’achats de biens isolables, pour un versement qui clôt une transaction complète41. Le versement peut correspondre à un achat direct par le trésorier ou au remboursement d’un achat effectué par quelqu’un d’autre (voir ci-dessus le 7 avril).

    36Mais tous les versements ne se rattachent pas à un achat isolable : Guillaume Boursier procède ainsi à des transferts de revenus, au moyen desquels le destinataire peut faire des dépenses plus ou moins précisées dans le compte, que nous avons qualifiés de « virement ». Il recourt alors au terme tradere que l’on peut traduire par « remettre » ou « confier ». C’est tout d’abord le cas des virements qui sont faits à Monseigneur et à ses proches, ainsi que ceux vers les différents bayles et ses hommes de confiance, directement ou par une autre main42. C’est le cas aussi des versements à des juristes pour les affaires qu’ils mènent pour l’archevêque à Paris, à Carcassonne, à Limoux43 et de versements à des hommes de confiance pour leurs frais en voyage44. Pour autant, on trouve le terme solvi pour des opérations à première vue analogues : ainsi, pour les dépenses de l’écuyer de la sœur de Monseigneur pendant son voyage et les deux jours d’attente à Narbonne, Guillaume Boursier lui a réglé (solvi) 8 s. L’hypothèse qui nous semble la plus probable est que la distinction entre les deux termes renvoie à la temporalité de la transaction et au statut du destinataire. En effet, les montants « remis » sont un nombre de livres le plus souvent rond45 et élevé. Ils sont reçus par des proches de l’Archevêque : hommes d’administration, de loi, de religion. Par l’usage du terme tradere Guillaume Boursier signifierait qu’il ne s’agit pas de clore une transaction, mais au contraire d’ouvrir un budget comme une séquence dans une relation durable46.

    Espaces et pôles urbains : la géographie de la circulation des richesses dans le compte de Guillaume Boursier

    37Même s’ils voyagent, ces hommes sont pour la plupart ancrés dans l’espace de la terre de Monseigneur. La majorité des opérations concernent des habitants de Narbonne, qu’ils soient en contact d’affaire avec le trésorier ou au service de Monseigneur. Limoux, au sein de la baylie d’Alaigne, apparaît comme un deuxième pôle urbain du domaine de Monseigneur. Autour de ces deux pôles s’organise une circulation interne aux affaires de Monseigneur, à l’échelle de toute sa terre, dans laquelle les chefs-lieux de baylies jouent un rôle de pôles secondaires.

    38Cependant, à l’échelle des montants et non plus des hommes, plus de la moitié des sommes brassées par Guillaume Boursier sortent de l’espace de la seigneurie. La famille de Monseigneur, qui vit à l’échelle de la France méridionale, entre le sud-ouest des racines familiales et la cour pontificale, opère une première extraction. Les ennuis judiciaires de Monseigneur pèsent également lourd dans ce transfert de richesses hors du diocèse. Certaines affaires liées à son passé d’archevêque de Rouen ne sont pas éteintes47. Mais c’est dans la géographie des institutions royales que s’inscrivent, pour l’essentiel, les dépenses judiciaires, institutions qui dépassent le seul champ du judiciaire. Même si l’on met à part l’affaire des 2 000 l. à Jean de Collomedio, qui colore certainement les comptes de l’année 1339-1340 d’une manière spécifique, les comptes mentionnent plusieurs de ces hommes qui se rendent « en France » (il faut sans doute lire « à Paris ») et une pensio à un juriste parisien48. La présence du sénéchal à Carcassonne ainsi que celle de la cour royale sont associées à plus de 500 l. de sorties.

    39La géographie urbaine de la France du midi se lit enfin dans les comptes de Guillaume Boursier : Guillaume recourt à des notaires à Toulouse et Montpellier, il achète des malles à Toulouse et ce sont des marchands montpelliérains qui apportent à Jean de Collomedio les fameuses 200 l. confiées par Guillaume Boursier.

    *

    40Le compte tenu par Guillaume Boursier d’octobre 1339 à décembre 1340 offre donc un point de vue unique, et par là même heuristique et frustrant, sur la circulation des ressources dans la seigneurie de Bernard de Fargues. La réorganisation temporelle des entrées et sorties, grâce à la constitution d’une base de données, fait apparaître une forte saisonnalité de la circulation. Mais les éléments permettant la mise en perspective du document empêchent de conclure sereinement sur la généralité de ce résultat : au regard du niveau de recettes particulièrement faible en provenance de certaines baylies, l’année pourrait être particulière. En revanche, la circulation des ressources que révèle l’analyse systématique de ce compte central permet de saisir trois caractéristiques, probablement structurantes, du fonctionnement économique de la seigneurie. Tout d’abord, l’existence de transferts entre baylies transitant par le compte central suggère que la logique gestionnaire ne se résume pas à ponctionner les établissements locaux pour alimenter une caisse centrale, mais organise bien, depuis le centre, une solidarité économique à l’échelle de l’ensemble de la seigneurie. Ensuite, la très grande concentration statistique du volume des dépenses explique l’intensité de l’extraction de ressources opérée depuis la seigneurie vers d’autres territoires, à l’occasion des voyages de Monseigneur, de quelques virements à sa famille et de ses affaires judiciaires. Enfin, à côté de l’analyse des montants en jeu, celle des formes de versements et des termes utilisés pour les consigner montre l’existence d’un ensemble de personnes prises dans une circulation particulière avec le trésor, faite non pas d’achats, de remboursements ou de virements, mais plutôt d’une succession d’ouvertures de budgets au fil des opérations qu’ils réalisent pour la seigneurie. Quelles fonctions remplissent-ils ? Peut-on retracer précisément l’arithmétique des opérations successives ? Ce dernier résultat ouvre une piste prometteuse pour engager une prosopographie de la seigneurie sur la base des différents termes utilisés pour qualifier les versements du trésorier.

    Notes de bas de page

    1Voir Aux origines de l’État moderne. Le fonctionnement administratif de la papauté d’Avignon, Acte de la table ronde organisée par l’École française de Rome, Avignon 23-24 janvier 1988, Rome, Publications de l’École française de Rome, 1990 (Collection de l’École française de Rome, 138). Sur les comptabilités, voir aussi particulièrement S. Weiss, Rechnungswesen und Buchhaltung des Avignoneser Papsttum, 1316-1378: eine Quellenkunde, Hanovre, Hahnsche Buchhandlung, 2003. Nous renvoyons aux Mélanges de l’École française de Rome, Moyen Âge, 118/2, 2006, Les comptabilités pontificales, p 165-268.

    2Sur Bernard de Fargues, voir les travaux de B. Brouns, notamment « Bernard de Fargues, 1311-1341. Un archevêque contesté ? », Bulletin de la commission archéologique et littéraire de Narbonne, 50, 2000-2003, p. 41-95.

    3Pour l’étude de ces comptes dans le cadre de la seigneurie des archevêques de Narbonne au xive siècle, se rapporter à l’étude fondamentale de M.-L. Jalabert, Le Livre vert de Pierre de la Jugie. Une image de la fortune des archevêques de Narbonne au xive siècle, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 2009 (https://books.openedition.org/author?name=jalabert+marie-laure, consulté le 12 février 2022).

    4Certains registres divisent les dépenses par leur type et au sein de chaque catégorie inscrivent chaque dépense selon une chronologie approximative. Sur les nuances entre les comptes, voir Jalabert, ibid., p. 190.

    5Archives vaticanes, Registres d’Avignon [dorénavant Reg. Av.] 122, fol. 489-551.

    6Ibid., Collectoriae [dorénavant Coll.] 148, fol. 47-149.

    7Ibid., Coll. 146, fol. 185-229. Il a un double dans Introitus et Exitus 244, fol. 149-180 qui s’étend jusqu’au 11 avril 1341.

    8Ibid., Introitus et Exitus [dorénavant I. E.] 106 A fol. 1-91 ; I.E. 172, fol. 1-104 ; I.E. 181, fol. 1-94 ; Coll. 146, fol. 72-184.

    9Ibid., Reg. Av. 122, fol. 489-551.

    10Impôts perçus par le pape sur les bénéfices ecclésiastiques à chaque vacance du siège.

    11Jalabert, Le Livre vert, op. cit., p. 43 et suiv.

    12Voir note 6.

    13Anno domini M CCC XXXIX, IX die mensis octobris, ego Guillelmus Burserii fui factus thesaurarius Reverendi patris in Christo Bernardi, divina miseratione sancte narbonensis ecclesie archiepiscopi et recepi a bajulis et cancellariis dicti domini et aliis diversis personis prout subsequitur.

    14Exceptionnellement, pour de très grosses sommes, le détail des espèces est indiqué mais dans le corps du compte.

    15Voir Jalabert, Le livre vert, op. cit., p. 173.

    16S’y ajoute une vingtaine de sorties non datables ainsi qu’une grosse centaine d’entrées pour des montants modestes, versés pour certaines après décembre 1340 et renvoyant assez souvent à des arriérés qui peuvent remonter jusqu’à 1334.

    17L’interprétation de la date inscrite n’est cependant pas sans ambiguïté. On note en effet que certains enregistrements correspondent à un groupement d’opérations, liées entre elles, faites probablement à plusieurs dates par plusieurs personnes, qui apparaissent soit sous la forme d’un seul item, soit de plusieurs items successifs dont seul le premier est daté. La date mentionnée pourrait donc correspondre à celle de l’opération économique ou à celle de son enregistrement dans le compte.

    18Plusieurs versements sont enregistrés à des dates antérieures au 20 octobre (fol. 199 et 216v, par exemple).

    19Si l’on soustrait les transferts inter-baylies, on obtient 3 635 l. en entrées et 8 848 l. en sorties.

    20Nous n’avons d’information ni sur Pieusse, ni sur Montels.

    21Voir aussi 138 l. fol. 189 et fol. 193v, 21 l. fol. 213v et fol. 189v, 87 l. fol. 187v et fol. 212v.

    22V. A. Zelizer, The Social Meaning of Money: Pin Money, Paychecks, Poor Relief, and Other Currencies, Princeton, Princeton University Press, 2017.

    23Les années qui suivent la mort de Bernard de Fargues donnent une autre image : accusé de malversation et même brièvement emprisonné à Avignon. Voir Brouns, « Bernard de Fargues », art. cité, note 303.

    24Et sans doute l’année précédente est-elle mauvaise aussi puisque le compte de Guillaume Boursier ne semble pas comprendre des versements reliquats de revenus de l’année précédente, ce que le fonctionnement de la baylie de Canet en 1334 laisse penser : en décembre 1334 le bayle doit encore verser au trésor autant qu’il lui a déjà apporté au cours de l’année.

    25Archives vaticanes, Reg. Av. 122, fol. 489-551.

    26Ibid., I. E. 249, fol. 65-109. Ces versements figurent aux fol. 95v et 96, au milieu de récapitulatifs de dépenses en blés.

    2715 juin, Guillaume Boursier a déjà réglé 40 l. 10 s. pour les dépenses faites par Jean de Collomedio qui alla en France pour les affaires secrètes de mon seigneur (fol. 205). Son séjour est donc long.

    28Soit 20 items. On supprime dans cette analyse les 4 transferts inter-baylies repérés : 2 sont d’un montant supérieur à 100 l.

    29Jean de Collomedio les refuse et en exige le change qui coûte 50 l.

    30À Cahors, il s’est fait porter des lettres de créance (fol. 217v).

    31Quatre autres personnes reçoivent des virements, mais pour des montants beaucoup plus faibles.

    32Rémunérations de fonction au long cours.

    33La grande majorité de ces petites dépenses correspondent à des frais de déplacement.

    34Expense pecunie solute diversis avvocatis procuratoribus pensonariis et curialibus domini (fol. 199).

    35Fol. 205 et 206, fol. 214v, fol. 215, fol. 190.

    36Fol. 204 : item XVII aprilis tradidi fratri Jonni Saurini ordinis Carmelitarum pro rauba data per dominum

    37Ibid. : item VII die aprilis solvi Navario palafrenerio domini pro duobus cappellis de feutre folratis de cassatano viridi emptis carcassone ad opus domini cum duobus cordonis magnis de cirico viridi.

    38Le terme expendi concerne les frais de voyage du trésorier lui-même.

    39Pour les entrées, le terme est systématiquement tradidit lorsque le sujet est l’expéditeur.

    40La répartition des enregistrements selon le terme utilisé est : 128 occurrences de solvi, 11 occurrences de solvi et tradidi, 62 occurrences de tradidi, 17 occurrences de expendi, 76 enregistrements sans mention (souvent par ce que le verbe n’est pas répété dans une liste).

    41La transaction est « résolue ».

    42Au fol. 203v par exemple, le trésorier indique qu’il a remis (tradidi), sur ordre de Monseigneur, 60 l. à l’écuyer de la sœur de Monseigneur pour la sœur de Monseigneur.

    43Bernard Bonihominis au fol. 204, Jean Garcia au fol. 214 ou Gérard de Podio au fol. 215, par exemple.

    44Gaillard de Tilhio à Cahors au fol. 217v, Jean Coste à Castelnaudary au fol. 214v ou Jean Garcia à Limoux au fol. 218v.

    4528 des 36 « remises » datées, soit un peu plus de ¾ contre 53 des 138 autres versements datés, soit moins de 40 %.

    46On pense ici à la lecture lumineuse de l’Essai sur le don de Mauss, par Florence Weber, telle qu’évoquée notamment dans « Transactions marchandes, échanges rituels, relations personnelles. Une ethnographie économique après le Grand Partage », Genèses, 41, 2000, p. 85-107. Nous serions dans le « 3e cas », celui où le transfert (en argent) et le contre-transfert (en service) se font bien, mais avec un écart de montant qui crée une dette temporaire, potentiellement entretenue dans un sens ou l’autre lors du contre-contre-transfert etc.

    47Au fol. 205, Guillaume Boursier effectue un versement à un chanoine de Rouen.

    48Ce Guillaume Durand appartient-il à la famille de Guillaume Durand le jeune ?

    Auteurs

    • Monique Bourin

      Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, LaMOP

    • Agnès Gramain

      Université de Lorraine/CNRS, BETA

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    Préface

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    Les affaires d’un marchand de draps carcassonnais (1340-1341)

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    Analyses de l’espace

    Monique Bourin

    Épilogue

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    1Voir Aux origines de l’État moderne. Le fonctionnement administratif de la papauté d’Avignon, Acte de la table ronde organisée par l’École française de Rome, Avignon 23-24 janvier 1988, Rome, Publications de l’École française de Rome, 1990 (Collection de l’École française de Rome, 138). Sur les comptabilités, voir aussi particulièrement S. Weiss, Rechnungswesen und Buchhaltung des Avignoneser Papsttum, 1316-1378: eine Quellenkunde, Hanovre, Hahnsche Buchhandlung, 2003. Nous renvoyons aux Mélanges de l’École française de Rome, Moyen Âge, 118/2, 2006, Les comptabilités pontificales, p 165-268.

    2Sur Bernard de Fargues, voir les travaux de B. Brouns, notamment « Bernard de Fargues, 1311-1341. Un archevêque contesté ? », Bulletin de la commission archéologique et littéraire de Narbonne, 50, 2000-2003, p. 41-95.

    3Pour l’étude de ces comptes dans le cadre de la seigneurie des archevêques de Narbonne au xive siècle, se rapporter à l’étude fondamentale de M.-L. Jalabert, Le Livre vert de Pierre de la Jugie. Une image de la fortune des archevêques de Narbonne au xive siècle, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 2009 (https://books.openedition.org/author?name=jalabert+marie-laure, consulté le 12 février 2022).

    4Certains registres divisent les dépenses par leur type et au sein de chaque catégorie inscrivent chaque dépense selon une chronologie approximative. Sur les nuances entre les comptes, voir Jalabert, ibid., p. 190.

    5Archives vaticanes, Registres d’Avignon [dorénavant Reg. Av.] 122, fol. 489-551.

    6Ibid., Collectoriae [dorénavant Coll.] 148, fol. 47-149.

    7Ibid., Coll. 146, fol. 185-229. Il a un double dans Introitus et Exitus 244, fol. 149-180 qui s’étend jusqu’au 11 avril 1341.

    8Ibid., Introitus et Exitus [dorénavant I. E.] 106 A fol. 1-91 ; I.E. 172, fol. 1-104 ; I.E. 181, fol. 1-94 ; Coll. 146, fol. 72-184.

    9Ibid., Reg. Av. 122, fol. 489-551.

    10Impôts perçus par le pape sur les bénéfices ecclésiastiques à chaque vacance du siège.

    11Jalabert, Le Livre vert, op. cit., p. 43 et suiv.

    12Voir note 6.

    13Anno domini M CCC XXXIX, IX die mensis octobris, ego Guillelmus Burserii fui factus thesaurarius Reverendi patris in Christo Bernardi, divina miseratione sancte narbonensis ecclesie archiepiscopi et recepi a bajulis et cancellariis dicti domini et aliis diversis personis prout subsequitur.

    14Exceptionnellement, pour de très grosses sommes, le détail des espèces est indiqué mais dans le corps du compte.

    15Voir Jalabert, Le livre vert, op. cit., p. 173.

    16S’y ajoute une vingtaine de sorties non datables ainsi qu’une grosse centaine d’entrées pour des montants modestes, versés pour certaines après décembre 1340 et renvoyant assez souvent à des arriérés qui peuvent remonter jusqu’à 1334.

    17L’interprétation de la date inscrite n’est cependant pas sans ambiguïté. On note en effet que certains enregistrements correspondent à un groupement d’opérations, liées entre elles, faites probablement à plusieurs dates par plusieurs personnes, qui apparaissent soit sous la forme d’un seul item, soit de plusieurs items successifs dont seul le premier est daté. La date mentionnée pourrait donc correspondre à celle de l’opération économique ou à celle de son enregistrement dans le compte.

    18Plusieurs versements sont enregistrés à des dates antérieures au 20 octobre (fol. 199 et 216v, par exemple).

    19Si l’on soustrait les transferts inter-baylies, on obtient 3 635 l. en entrées et 8 848 l. en sorties.

    20Nous n’avons d’information ni sur Pieusse, ni sur Montels.

    21Voir aussi 138 l. fol. 189 et fol. 193v, 21 l. fol. 213v et fol. 189v, 87 l. fol. 187v et fol. 212v.

    22V. A. Zelizer, The Social Meaning of Money: Pin Money, Paychecks, Poor Relief, and Other Currencies, Princeton, Princeton University Press, 2017.

    23Les années qui suivent la mort de Bernard de Fargues donnent une autre image : accusé de malversation et même brièvement emprisonné à Avignon. Voir Brouns, « Bernard de Fargues », art. cité, note 303.

    24Et sans doute l’année précédente est-elle mauvaise aussi puisque le compte de Guillaume Boursier ne semble pas comprendre des versements reliquats de revenus de l’année précédente, ce que le fonctionnement de la baylie de Canet en 1334 laisse penser : en décembre 1334 le bayle doit encore verser au trésor autant qu’il lui a déjà apporté au cours de l’année.

    25Archives vaticanes, Reg. Av. 122, fol. 489-551.

    26Ibid., I. E. 249, fol. 65-109. Ces versements figurent aux fol. 95v et 96, au milieu de récapitulatifs de dépenses en blés.

    2715 juin, Guillaume Boursier a déjà réglé 40 l. 10 s. pour les dépenses faites par Jean de Collomedio qui alla en France pour les affaires secrètes de mon seigneur (fol. 205). Son séjour est donc long.

    28Soit 20 items. On supprime dans cette analyse les 4 transferts inter-baylies repérés : 2 sont d’un montant supérieur à 100 l.

    29Jean de Collomedio les refuse et en exige le change qui coûte 50 l.

    30À Cahors, il s’est fait porter des lettres de créance (fol. 217v).

    31Quatre autres personnes reçoivent des virements, mais pour des montants beaucoup plus faibles.

    32Rémunérations de fonction au long cours.

    33La grande majorité de ces petites dépenses correspondent à des frais de déplacement.

    34Expense pecunie solute diversis avvocatis procuratoribus pensonariis et curialibus domini (fol. 199).

    35Fol. 205 et 206, fol. 214v, fol. 215, fol. 190.

    36Fol. 204 : item XVII aprilis tradidi fratri Jonni Saurini ordinis Carmelitarum pro rauba data per dominum

    37Ibid. : item VII die aprilis solvi Navario palafrenerio domini pro duobus cappellis de feutre folratis de cassatano viridi emptis carcassone ad opus domini cum duobus cordonis magnis de cirico viridi.

    38Le terme expendi concerne les frais de voyage du trésorier lui-même.

    39Pour les entrées, le terme est systématiquement tradidit lorsque le sujet est l’expéditeur.

    40La répartition des enregistrements selon le terme utilisé est : 128 occurrences de solvi, 11 occurrences de solvi et tradidi, 62 occurrences de tradidi, 17 occurrences de expendi, 76 enregistrements sans mention (souvent par ce que le verbe n’est pas répété dans une liste).

    41La transaction est « résolue ».

    42Au fol. 203v par exemple, le trésorier indique qu’il a remis (tradidi), sur ordre de Monseigneur, 60 l. à l’écuyer de la sœur de Monseigneur pour la sœur de Monseigneur.

    43Bernard Bonihominis au fol. 204, Jean Garcia au fol. 214 ou Gérard de Podio au fol. 215, par exemple.

    44Gaillard de Tilhio à Cahors au fol. 217v, Jean Coste à Castelnaudary au fol. 214v ou Jean Garcia à Limoux au fol. 218v.

    4528 des 36 « remises » datées, soit un peu plus de ¾ contre 53 des 138 autres versements datés, soit moins de 40 %.

    46On pense ici à la lecture lumineuse de l’Essai sur le don de Mauss, par Florence Weber, telle qu’évoquée notamment dans « Transactions marchandes, échanges rituels, relations personnelles. Une ethnographie économique après le Grand Partage », Genèses, 41, 2000, p. 85-107. Nous serions dans le « 3e cas », celui où le transfert (en argent) et le contre-transfert (en service) se font bien, mais avec un écart de montant qui crée une dette temporaire, potentiellement entretenue dans un sens ou l’autre lors du contre-contre-transfert etc.

    47Au fol. 205, Guillaume Boursier effectue un versement à un chanoine de Rouen.

    48Ce Guillaume Durand appartient-il à la famille de Guillaume Durand le jeune ?

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    Bourin, M., & Gramain, A. (2023). Monseigneur et la circulation des ressources : douze mois des comptes du trésorier de l’archevêque de Narbonne. In M. Dejoux, H. Dewez, E. Huertas, & C. Quertier (éds.), Les fruits de la terre (1‑). Éditions de la Sorbonne. https://doi.org/10.4000/1468l
    Bourin, Monique, et Agnès Gramain. « Monseigneur et la circulation des ressources : douze mois des comptes du trésorier de l’archevêque de Narbonne ». In Les fruits de la terre, édité par Marie Dejoux, Harmony Dewez, Emmanuel Huertas, et Cédric Quertier. Paris: Éditions de la Sorbonne, 2023. https://doi.org/10.4000/1468l.
    Bourin, Monique, et Agnès Gramain. « Monseigneur et la circulation des ressources : douze mois des comptes du trésorier de l’archevêque de Narbonne ». Les fruits de la terre, édité par Marie Dejoux et al., Éditions de la Sorbonne, 2023, https://doi.org/10.4000/1468l.

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    Dejoux, M., Dewez, H., Huertas, E., & Quertier, C. (éds.). (2023). Les fruits de la terre (1‑). Éditions de la Sorbonne. https://doi.org/10.4000/1469k
    Dejoux, Marie, Harmony Dewez, Emmanuel Huertas, et Cédric Quertier, éd. Les fruits de la terre. Paris: Éditions de la Sorbonne, 2023. https://doi.org/10.4000/1469k.
    Dejoux, Marie, et al., éditeurs. Les fruits de la terre. Éditions de la Sorbonne, 2023, https://doi.org/10.4000/1469k.
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