1James C. Scott, Homo domesticus. Une histoire profonde des premiers États, Paris, La Découverte, 2019, p. 29-30.
2J’emprunte l’expression à Olivier Guyotjeannin, qui désigne ainsi « une histoire des institutions déduites de l’analyse des documents produits », Olivier Guyotjeannin, « Outils en grisalle : les inventaires d’archives (xiiie-xve siècle) », dans Arnaud Fossier, Johann Petitjean et Clémence Revest (éd.), Écritures grises. Les instruments de travail des administrations (xiie-xviie siècle), Paris/Rome, École nationale des chartes/École française de Rome, 2019, p. 401-417.
3Joseph Morsel, « Ce qu’écrire veut dire au Moyen Âge… Observations préliminaires à une étude de la scripturalité médiévale », Memini. Travaux et documents publiés par la Société des études médiévales du Québec, 4, 2000, p. 3-43 ; Id., « Du texte aux archives : le problème de la source », Bulletin du Centre d’études médiévales d’Auxerre, HS 2, 2008.
4Par exemple, le programme de recherches « Écritures grises. Les instruments de travail administratif en Europe méridionale (xiie-xviie siècles) » coordonné par Clémence Revest, Johann Petitjean et Arnaud Fossier, mené entre 2012 et 2016, s’intéresse aux corrélations entre évolutions de l’écrit et mutations des appareils étatiques dans l’Europe méridionale médiévale et moderne. A. Fossier, J. Petitjean et Cl. Revest (éd.), Écritures grises, op. cit. Un autre bilan récent a été fait par Harmony Dewez, « Introduction », dans Harmony Dewez et Lucie Tryoen (dir.), Administrer par l’écrit au Moyen Âge. Actes des journées de recherche des 30 et 31 janvier 2015, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2019, p. 9-20. L’étude des institutions princières a aussi bénéficié de ce renouvellement : voir Philippe Contamine et Olivier Mattéoni, La France des principautés. Les chambres des comptes, xive et xve siècles. Colloque tenu aux Archives départementales de l’Allier, à Moulin-Yzeure, les 6, 7 et 8 avril 1995, Paris, CHEFF, 1996 ; Xavier Hélary, Jean-François Nieus, Alain Provost et Marc Suttor (éd.), Les archives princières, xiie-xve siècles, Arras, Artois presses université, 2016.
5Harmony Dewez, « L’innovation documentaire à la fin du Moyen Âge », Médiévales, 76, 2019, p. 5-10. Des thèses soutenues récemment portant sur les dynamiques de l’écrit dans des villes du royaume de France prennent ainsi pour terme le xive siècle : Lionel Germain, La fabrique sociale du gouvernement. Pragmatique et symbolique des écrits urbains dans le Rouergue médiéval (milieu du xiie-milieu du xive siècle), thèse de doctorat, dirigée par Pierre Chastang, université Paris-Saclay, 2022 et Marie-Émeline Sterlin-Cathébras, L’invention du cartulaire communal. Rythmes, formes et finalités de la première cartularisation dans les communautés urbaines de Picardie, thèse de doctorat, dirigée par Olivier Guyotjeannin et Olivier Mattéoni, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2023.
6Jean-Philippe Genet (éd.), L’État moderne. Genèse. Bilans et perspectives, Actes du colloque tenu au CNRS à Paris les 19-20 septembre 1989, Paris, CNRS Éditions, 1990 et Jean-Philippe Genet, « La genèse de l’État moderne. Les enjeux d’un programme de recherche », Actes de la recherche en sciences sociales, 118, 1997, p. 3-18.
7Charles Tilly et Wim P. Blockmans (éd.), Cities and the Rise of States in Europe, A. D. 1000 to 1800, San Francisco/Oxford, Westview Press, 1994, p. 58.
8Michel Hébert évoque le « moment décisif de la première institutionnalisation, dans tous les royaumes et principautés de l’Europe occidentale, d’un dialogue politique entre princes et sujets », dans Michel Hébert, La voix du peuple. Une histoire des assemblées au Moyen Âge, Paris, Presses universitaires de France, 2018, p. 53.
9Xavier Nadrigny, Information et opinion publique à Toulouse à la fin du Moyen Âge, Paris, École des chartes, 2013 et Julien Briand, L’information à Reims aux xive et xve siècles, thèse de doctorat, dirigée par Franck Collard et Claude Gauvard, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2012.
10L’historiographie à ce sujet est très dense. Sur la construction étatique, voir André Holenstein, « Introduction. Empowering Interactions: Looking at Statebuilding from Below », dans Wim Blockmans, André Holenstein et Jon Mathieu (éd.), Empowering Interactions. Political cultures and the Emergence of the State in Europe 1300-1900, Farnham, Ashgate, 2009, p. 9-16. C’est dans cette perspective que s’inscrit notamment la récente thèse de Florie Varitille-Sevat, D’une domination à l’autre. Pouvoirs, écrits et communautés urbaines (Provence orientale, fin xiie-milieu xve siècle), thèse de doctorat, dirigée par Olivier Mattéoni et Laurent Ripart, université Paris 1 Panthéon Sorbonne, 2022. La notion de popular politics est aussi utilisée pour rendre compte de cette approche. Voir par exemple Jan Dumolyn et al. (éd.), The Voices of the People in Late Medieval Europe. Communication and Popular Politics, Turnhout, Brepols, 2014. À ce sujet, voir aussi les travaux sur l’Angleterre de Christian D. Liddy qui abordent le lien entre l’idée de citoyenneté et les pratiques de résistance. Récemment, Christian D. Liddy, Contesting the City: The Politics of Citizenship in English Towns, 1250-1530, Oxford, Oxford University Press, 2017, ou encore Christian D. Liddy, « “Sir ye be not king”: Citizenship and Speech in Late Medieval and Early Modern England », The Historical Journal, 60/3, 2016, p. 571-596. Voir l’ouvrage de Ben Eersels et Jelle Haemers (éd.), Words and Deeds. Shaping Urban Politics from below in Late Medieval Europe, Turnhout, Brepols, 2020. Ils partent du constat que, dans les villes, la fabrique du politique n’est pas la seule prérogative des gouvernants mais est aussi « a bottom-up process ». C’est dans cette dynamique que se situent les travaux de Claire Judde de la Rivière sur la « politisation ordinaire » des populations ; pour une mise au point historiographique et conceptuelle de cette question, voir notamment Claire Judde de la Rivière et Julien Weisbein, « Dire et faire le commun : les formes de la politisation ordinaire du Moyen Âge à nos jours », Politix, 119/3, 2017, p. 7-30.
11Arnaud Fossier, Johann Petitjean et Clémence Revest, « Introduction. Pour une histoire pratique de l’administration », dans Id. (éd.), Écritures grises, op. cit., p. 5-25, notamment p. 13-21.
12Pierre Chastang, La ville, le gouvernement et l’écrit à Montpellier (xiie-xive siècle). Essai d’histoire sociale, Paris, Publications de la Sorbonne, 2013, p. 181-184.
13Pierre Karila-Cohen, L’État des esprits. L’invention de l’enquête politique en France (1814-1848), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 14.
14Sur la constitution, à partir du xiiie siècle, d’un droit public de l’administration, voir Albert Rigaudière, « Pratique politique et droit public dans la France des xive et xve siècles », dans Id., Penser et construire l’État dans la France du Moyen Âge (xiiie-xve siècle), Paris, CHEFF, 2003, p. 429-466, en particulier p. 450-451.
15Bernard Chevalier, « La bonne ville : un modèle original d’urbanisation en France du xive au xvie siècle », dans Alain Bourdin et Monique Hirschhorn (dir.), Figures de la ville. Autour de Max Weber, Paris, Aubier, 1985, p. 70-81.
16Pour une réflexion entre juristes, historiens du droit et historiens sur ce terme d’« institution », voir le dossier « Les institutions : de la genèse de la notion aux usages actuels en histoire du droit », Revue d’histoire des Facultés de droit, de la culture juridique, du monde des juristes et du livre juridique, 32, 2012, p. 335-501.
17Sur l’historiographie de ce domaine, enrichi par les historiens du droit, de la diplomatique et des écrits de chancellerie, voir Olivier Mattéoni, « Introduction », dans Id., Institutions et pouvoirs en France, ve-xve siècle, Paris, Picard, 2010, p. 9-17.
18Emmanuel Melin, Les archives du pouvoir. Production et usage de l’écrit à Reims (xiiie-xviiie siècles), thèse de doctorat, dirigée par Franck Collard, université Paris-Nanterre, 2022, t. 1, p. 813.
19Amélie Marineau-Pelletier, Écrire, traduire et conserver les lettres missives à Metz. Enjeux documentaires et domination sociale des paraiges (xive-xvie siècles), thèse de doctorat, dirigée par Kouky Fianu et Pierre Monnet, EHESS, 2020, p. 380, ainsi que le schéma p. 487.
20Nathalie Crouzier-Roland, Mémoires écrites et politiques documentaires de l’Aquitaine sous obédience anglaise (xiiie-xve siècles), thèse de doctorat, dirigée par Frédéric Boutoulle, université Bordeaux Montaigne, 2021, p. 638.
21Comparable à ce que James C. Scott nomme le « texte public et discours officiel » des élites dominantes, James C. Scott, La domination et les arts de la résistance. Fragments du discours subalterne, Paris, Éditions Amsterdam, 2019, p. 50 et 98.
22Sébastien Barret, La mémoire et l’écrit. L’abbaye de Cluny et ses archives (xe-xviiie siècle), Münster, Lit, 2004, p. 21. S. Barret présente cette tension confrontant les définitions allemandes et françaises des archives : « En caricaturant, la définition française tend à considérer le fonds comme une sécrétion quasi-obligatoire […], alors que son pendant allemand évoque beaucoup plus fortement une constitution institutionnelle et raisonnée. Il va de soi que ces deux aspects sont toujours présents. » Voir aussi à ce sujet Pierre Chastang, « L’institution et le gouvernement. Autour des archives des communautés au Moyen Âge », dans Véronique Lamazou-Duplan (éd.), Les archives familiales dans l’Occident médiéval et moderne, Madrid, Casa de Velázquez, 2021, p. 29-48.
23Thierry Dutour, Une société de l’honneur. Les notables et leur monde à Dijon à la fin du Moyen Âge, Paris, Honoré Champion, 1998, p. 94-95.
24Sur l’omniprésence de l’oralité dans la communication des nouvelles, la transmission des ordonnances et la diplomatie, voir Horst Wenzel, Hören und Sehen, Schrift und Bild: Kultur und Gedächtnis im Mittelalter, Munich, C. H. Beck, 1995 ; Didier Lett et Nicolas Offenstadt (dir.), Haro ! Noël ! Oyé ! Pratiques du cri au Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003 et Thierry Dutour, « L’élaboration, la publication et la diffusion de l’information à la fin du Moyen Âge (Bourgogne ducale et France royale) », dans D. Lett et N. Offenstadt (dir.), Haro ! Noël ! Oyé !, op. cit., 2003, p. 141-155. Pour une bibliographie plus complète sur cette question, se reporter à Jean-Baptiste Santamaria, Le secret du prince. Gouverner par le secret, France-Bourgogne xiiie-xve siècle, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2018, p. 224. Voir aussi Thomas Brunner, Douai, une ville dans la révolution de l’écrit du xiiie siècle, thèse de doctorat, dirigée par Tock Benoît-Michel, université de Strasbourg, 2014, p. 53-60, qui contient un très riche panorama historiographique des recherches internationales concernant les rapports entre écrit et oral dans la société médiévale, pour une période un peu antérieure.
25Expression reprise à J.-B. Santamaria, Le secret du prince, op. cit., p. 9.
26J. Morsel montre comment la cohésion du patriciat de Nuremberg repose notamment sur l’exigence du secret absolu sur tout ce qui concerne la ville et les affaires municipales, passant par une maîtrise de l’information et des arcanes du pouvoir. Joseph Morsel, « Sociogenèse d’un patriciat. La culture de l’écrit et la construction du social à Nuremberg vers 1500 », Histoire urbaine, 35, 2012, p. 83-106.
27Voir aussi à ce sujet C. D. Liddy, Contesting the City, op. cit., p. 153-161.
28Graeme Small, « Municipal Registers of Deliberations in the Fourteenth and Fifteenth Centuries: Cross-Channel Observations », dans Jean-Philippe Genet et François-Joseph Ruggiu (éd.), Les idées passent-elles la Manche ? Savoirs, représentations, pratiques. France-Angleterre, xe-xxe siècles, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2007, p. 45.
29Hanno Brand, Pierre Monnet et Martial Staub (dir.), Memoria, communitas, civitas. Mémoire et conscience urbaines en Occident à la fin du Moyen Âge, Ostfildern, Thorbecke, 2003.
30Nicolas Schapira, Franck Collard, Benjamin Lellouch et Emmanuelle Tixier du Mesnil, « Activité historienne et appartenance urbaine en Europe et dans les mondes islamiques (xive-xxe siècle) », Histoire urbaine, 65/3, 2022, p. 5-17, ici p. 5. Sur l’écriture de l’histoire au Moyen Âge, voir Bernard Guenée, Histoire et culture historique dans l’Occident médiéval, Paris, Aubier-Montaigne, 1980 et Pierre Courroux, L’écriture de l’histoire dans les chroniques française (xiie-xve s.), Paris, Classiques Garnier, 2016. Sur la vitalité de l’écriture de l’histoire municipale pour la période postérieure, voir Hilary J. Bernstein, Historical Communities: Cities, Erudition, and National Identity in Early Modern France, Leyde/Boston, Brill, 2021.
31Pour paraphraser la « cage des mots » de Louis Aragon, dans Le Roman inachevé, Paris, Gallimard, 1956.
32À partir de sa thèse de l’École des chartes (Françoise Bibolet, Les institutions municipales à Troyes aux xive et xve siècles (1356-1493), thèse de l’École des chartes, 1941), F. Bibolet a publié de nombreux articles sur la municipalité de Troyes qui ont fourni de précieux points de départ à cette étude. Ses fiches de dépouillement sur les bourgeois de Troyes sont encore conservées dans le fonds ancien.
33Il n’existe pas d’étude récente sur Troyes au Moyen Âge. La dernière monographie consacrée à la ville date de 1997 et brosse à grands traits l’histoire troyenne de l’Antiquité à nos jours : Françoise Bibolet, Chantal Rouquet, André Boisseau et Emmanuel Saint-Mars, Histoire de Troyes, Troyes, Les Éditions de la Maison du boulanger, 1997.
34On trouvera les détails de l’histoire et de la composition du fonds d’archives de la municipalité de Troyes dans la version manuscrite de cette thèse : Cléo Rager, Une ville en ses archives. Pratiques documentaires et pouvoirs dans une « bonne ville » de la fin du Moyen Âge, Troyes (xiiie-début xvie siècle), thèse de doctorat, dirigée par Olivier Mattéoni, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2020.
35La documentation ecclésiastique troyenne fait aussi l’objet de recherches récentes, comme en témoignent les travaux suivants : Élisabeth Lusset, « Les statuts synodaux bilingues de Troyes (xive-xve siècle) », Revue de droit canonique, 71/1, 2021, p. 39-66 ; Thomas Lacomme, La collégiale Saint-Étienne de Troyes : de la création comtale à la puissance champenoise (1152-1158 – 1314), thèse de doctorat, dirigée par Laurent Morelle, EPHE, 2021, ou encore Sandrine Legendre, Fasti Ecclesiae Gallicanae, 23, Diocèse de Troyes, Turnhout, Brepols, 2023.
36Claude Gauvard, De Grace especial. Crime, État et société en France à la fin du Moyen Âge, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2010 [éd. orig. 1991], p. 944.
37Antoine Destemberg, L’honneur des universitaires au Moyen Âge. Étude d’imaginaire social, Paris, Presses universitaires de France, 2015.
38Par cette notion d’imaginaire social, R. Chartier insiste sur le fait que la construction des identités sociales résulte toujours d’un « rapport de force entre les représentations imposées par ceux qui ont le pouvoir de classer et de nommer et la définition, soumise ou résistante, que chacune communauté produit d’elle-même ». Roger Chartier, « Le monde comme représentation », Annales. HSS, 44/6, 1989, p. 1505-1520, ici p. 1514.
39Pour une présentation plus détaillée de ces évolutions, voir Théophile Boutiot, Histoire de la ville de Troyes et de la Champagne méridionale, Troyes, Dufey-Robert, 1870-1880, et surtout Fr. Bibolet et al., Histoire de Troyes, op. cit.