Autour du corpus géographique d’Albi : culture lettrée et savoir géographique du haut Moyen Âge

Claire Tignolet

p. 145-158


Texte intégral

1Bien connu pour la mappemonde qui fait l’objet de cet ouvrage, le ms. 29 de la bibliothèque municipale d’Albi renferme également quelques textes « géographiques » qui forment avec elle un ensemble sinon cohérent, du moins étroitement lié. À la suite de la carte du fol. 57v sont ainsi copiés un index des vents (fol. 58), le chapitre de l’Histoire contre les païens d’Orose consa­cré à la description du monde habité (fol. 58v-61v), un calendrier complété de différentes listes, connu sous le nom de Laterculus (fol. 61v-62), le registre des provinces de Gaule intitulé Notitia Galliarum (fol. 62-62v), ainsi que le glos­saire de noms gaulois De verbis gallicis (fol. 62v). Afin de saisir l’originalité de ce corpus, il convient de le replacer dans son contexte culturel, en rappelant ce que l’on sait de la culture géographique du haut Moyen Âge.

2Pour cette époque comme pour le Moyen Âge, le terme moderne « géogra­phie » est impropre1. Dans le canon des arts libéraux qui se mit en place à la fin de l’Antiquité, la géographie ne constituait pas une discipline autonome, mais se rattachait à l’astronomie et surtout à la géométrie. Il n’en demeure pas moins que des textes, des cartes, des schémas ont pris pour objet la des­cription, la représentation ou la mesure de la terre, ce qu’un ouvrage récent, La terre. Connaissance, représentations, mesure au Moyen Âge, sous la direction de Patrick Gautier Dalché2, nous permet de mieux comprendre. Pour la période du haut Moyen Âge, c’est-à-dire avant l’arrivée de nouveaux textes transmis par les savants arabes au XIIe siècle, le savoir géographique se situe dans la continuité de l’Antiquité tardive : il repose sur le legs de l’Antiquité ; il s’at­tache à la mesure et à la dénomination ; il porte la marque de Rome et de la Bible ; il reste principalement un savoir de clercs3. Au sein de cette période définie comme le « temps des auctoritates », quelles sont plus précisément les spécificités de la culture géographique carolingienne ? À quel point le corpus du manuscrit d’Albi en est-il représentatif ?

3Aux VIIIe-IXe siècles, les sources du savoir géographique sont héritées de l’Antiquité, et le manuscrit d’Albi en reflète la diversité. Cet héritage se voit confirmé, mais aussi renouvelé par la Renaissance carolingienne qui donne naissance à des œuvres originales. Dans quelle mesure le corpus d’Albi est-il influencé par ce renouvellement ? Alors que les Carolingiens renouent avec la géographie « impériale » romaine, ce corpus porte-t-il la marque d’enjeux idéologiques caractéristiques de la période carolingienne ?

Aux VIIIe-IXe siècles, un savoir géographique fondé sur l’héritage de l’Antiquité classique et tardive

4Au haut Moyen Âge, le savoir géographique circulait dans différents types d’écrits dont le corpus d’Albi reflète la diversité. Ouvrages historiques, traités, listes, répertoires, représentations figurées transmettaient des connaissances héritées de l’Empire romain antique et surtout tardo-antique. Quelles sources « géographiques » étaient donc disponibles à l’époque de la composition du manuscrit d’Albi4 ?

5Plusieurs œuvres faisaient autorité, sans qu’elles soient pour autant exclu­sivement consacrées à la description de la terre. C’est le cas de l’Histoire natu­relle de Pline5, dont les livres III à VI détaillaient l’espace connu des Romains au Ier siècle, ou de l’Histoire contre les païens rédigée par Orose6 (c. 416-417) et dont le chapitre 1 du livre II était une longue présentation de l’orbis terrarum. Certains ouvrages étaient cependant plus spécifiquement centrés sur la des­cription du monde. Au IIIe siècle, Solin utilisa ainsi l’Histoire naturelle pour composer les Collectanea rerum memorabilium7, une compilation qui réorganise, abrège et complète l’œuvre de Pline en suivant un ordre géographique, mais où la description de faits et choses remarquables l’emporte sur celle de la terre. Vers 420, Macrobe consacre quant à lui une grande partie de son Commentaire au songe de Scipion8 à la description de la terre et de l’univers, à partir du récit de la vision cosmique de Scipion Émilien racontée par Cicéron dans La République.

6Véhiculant, à divers degrés, une connaissance antique du monde, ces diffé­rents ouvrages étaient bien connus des lettrés du haut Moyen Âge. La survie de manuscrits anciens en témoigne : on connaît ainsi dix manuscrits de l’Histoire contre les païens antérieurs au IXe siècle9. Leur contenu était également intégré à des œuvres à dimension encyclopédique, ou bien utilisé ponctuellement dans d’autres œuvres : les textes de Pline, Orose et Macrobe sont des sources importantes pour les livres « géographiques » des Étymologies d’Isidore de Séville (XIII. De mundo et partibus, XIV. De terra et partibus) ou pour le De natura rerum de Bède, mais aussi pour les descriptions que l’on peut lire dans des ouvrages historiques, comme l’Histoire ecclésiastique de Bède ou l’Histoire des Goths de Jordanès. Du reste, certains enseignements étaient transmis indirec­tement, quoique partiellement, comme ceux de Ptolémée, dont la Géographie n’était plus en circulation au haut Moyen Âge, mais qui restait une référence10.

7Au-delà de ces textes à dimension géographique, les œuvres des poètes et des historiens constituaient des sources d’information sur l’espace et les peuples de la terre. Dans les écoles de l’Antiquité avaient ainsi été commentés les termes et les descriptions géographiques de Virgile, d’Ovide, de Salluste ou de Lucain. Or comme l’a souligné Patrick Gautier Dalché à propos de l’enseignement de la géographie dans l’Antiquité, ce savoir littéraire « don­nait un aperçu d’une qualité non négligeable sur la structure et le contenu de l’orbis terrarum11 ». Non seulement ces pratiques scolaires se sont poursuivies pendant le haut Moyen Âge, ainsi qu’en témoignent les gloses des manuscrits et la copie de commentaires (notamment celui de Servius sur L’Énéide), mais les matériaux antiques survécurent par leur intégration dans des œuvres ency­clopédiques ou dans des répertoires, tel le dictionnaire De fluminibus, fontibus, lacubus, nemoribus, gentibus, quorum apud poetas mentio sit de Vibius Sequester, consacré aux termes géographiques utilisés par les poètes latins12.

8D’autre part en effet, les connaissances géographiques émanaient de listes énumérant provinces, cités, toponymes qui avaient été constituées principa­lement entre les IVe et VIe siècles. Car la nomenclature, partie intégrante de la géographie antique (et médiévale), offrait des repères indispensables à la compréhension des textes, mais aussi à la prise de possession de l’espace13. Certaines listes prenaient la forme d’un itinéraire suivant les routes de l’Em­pire, par exemple l’Itinéraire d’Antonin, daté de la fin du IIIe siècle. D’autres énuméraient provinces et cités à l’échelle de l’Empire, comme la Notitia dignitatum (fin IVe-début Ve siècle) organisée autour des différents postes civils et militaires de l’Empire romain tardif, ou bien à l’échelle régionale, comme la Notitia Galliarum (fin IVe-début Ve siècle), qui répertoriait les dix-sept provinces ecclésiastiques de la Gaule. Quelques opuscules, conformément à une tradition métrique de la géographie, insistaient davantage sur les dimensions des terri­toires : c’est le cas de la Dimensuratio provinciarum ou de la Divisio orbis terrarum, datées du Ve siècle.

9Le savoir géographique était enfin transmis par des cartes et des représenta­tions figurées, mais il est plus difficile d’en connaître le contenu14. La mappe­monde d’Albi est en effet l’une des plus anciennes qui aient été conservées, ce qui en fait la célébrité. Mais d’autres ont existé, depuis l’époque antique. Certaines ont été mentionnées par leurs contemporains, comme la carte d’Agrippa (Ier siècle) ou la carte représentée à Autun que cita le rhéteur Eumène au IIIe siècle. D’autres font l’objet de quelques commentaires écrits : la Cosmographie de Julius Honorius (IVe-Ve siècles) contient ainsi des notes décrivant une sphera15 ; selon Patrick Gautier Dalché16, une descriptio totius mundi du XIIe siècle s’appuie en grande partie sur une carte dont l’origine remonte aux VIe-VIIIe siècles et au monastère d’Iona. Les spécialistes recon­naissent enfin, dans les plus anciennes figurations conservées, les traces de modèles issus de l’Antiquité ou de l’Antiquité tardive : la mappemonde d’Albi, la carte du Vatican (Vatican, Vat. lat. 6018, fol. 63v-64), les premières cartes des manuscrits de l’Apocalypse de Beatus de Liébana ou encore la Table de Peutinger sont certes des représentations médiévales, mais elles témoignent aussi de conceptions antiques17.

10Il est remarquable que la diversité de cette production se retrouve dans le manuscrit d’Albi. Plusieurs listes s’y trouvent : outre la Notitia Galliarum, le codex contient une liste spécialisée, le De verbis gallicis qui est un glossaire de noms gaulois, et une autre plus encyclopédique, le Laterculus de Polemius Silvius, qui transmet un calendrier, des listes d’empereurs, de provinces, d’ani­maux, de monuments romains, etc.18, auxquelles on peut ajouter l’index des vents puisqu’il ressortit du même souci de nomenclature. Le chapitre géogra­phique d’Orose possède quant à lui une dimension plus livresque, et témoigne du succès comme de l’autorité de l’ouvrage dès le début du Moyen Âge. La mappemonde apporte enfin d’autres informations, sous forme figurée. À sa manière, l’ensemble du manuscrit d’Albi peut être considéré comme carac­téristique du savoir géographique du haut Moyen Âge : il transmet un savoir hérité de l’Antiquité qui s’exprime dans différents genres d’écrits et qui repose sur l’accumulation d’informations variées. Mais la période de réalisation du manuscrit, milieu/fin VIIIe siècle, invite à y chercher plus précisément les traces, sinon les prémisses, de la Renaissance carolingienne.

Le renouveau carolingien : nouvelles sources, nouvelles approches

11L’arrivée au pouvoir des Carolingiens, au milieu du VIIIe siècle, s’accompagna d’un profond renouveau culturel. Pour promouvoir l’orthodoxie, pour unifier les territoires qu’ils gouvernaient, pour faire appliquer leurs réformes, les souverains et leur entourage encouragèrent un mouvement de correction des textes et de renouveau des lettres qui conduisit à une Renaissance culturelle. Les savants s’efforcèrent notamment de rassembler et de copier les textes de l’Antiquité et de revenir aux bases de la culture chrétienne tardo-antique.

12Si priorité était donnée à l’étude de la grammaire (puisqu’elle permettait de comprendre et transmettre les saintes Écritures, mais aussi les directives royales), de nombreux domaines du savoir firent l’objet de l’attention des lettrés, parmi lesquels la géographie.

13Dès avant la Renaissance carolingienne, l’héritage géographique tardo-antique s’était enrichi de nouvelles productions. Bien que reposant sur des auctoritates, les textes de l’Antiquité ne furent en effet pas transmis comme des œuvres figées. Très tôt, ils furent complétés, enrichis, remaniés, au point de donner naissance à de nouvelles œuvres. Ainsi, la Cosmographie de Julius Honorius (IVe-Ve siècles), mais connue par deux versions du VIe siècle, fut retravaillée au VIIIe siècle par un anonyme, parfois dénommé Aethicus, et cette Cosmographie dite du Pseudo-Aethicus a finalement davantage circulé que l’œuvre d’origine19. De même, la Cosmographie20 dite du Ravennate est consi­dérée aujourd’hui comme un texte dynamique, fait de multiples ajouts à un texte de base remontant peut-être au VIIe siècle. Quelques autres productions parfois difficiles à dater sont également attribuées à cette période qui précède la Renaissance carolingienne, comme les Versus de Asia et de universi rota, une description versifiée de l’orbis terrarum21, la Cosmographie d’Aethicus Ister22, œuvre rédigée au VIIIe siècle entremêlant géographie et fiction, ou encore le traité Situs orbis terre vel regionum, compilation réalisée à partir du chapitre géographique d’Orose et des Étymologies d’Isidore au milieu du VIIIe siècle qui n’est pas sans évoquer le remaniement du même chapitre dans le manuscrit d’Albi (fol. 58v-61v)23. Depuis l’Antiquité, le savoir géographique fut donc transmis et étudié. Il n’en demeure pas moins que la géographie connut lors de la Renaissance carolingienne un renouvellement particulier, qui tient à la copie de nouveaux textes, mais aussi à la rédaction d’œuvres manifestant un changement d’approche.

14Dans le contexte de retour aux textes de l’Antiquité, plusieurs productions géographiques furent (re)mises en circulation par les savants carolingiens. C’est le cas de la Périégèse de Priscien, traduction latine de l’œuvre grecque de Denys d’Alexandrie : on en connaît une demi-douzaine de témoins du IXe siècle, certains porteurs de nombreuses gloses24. La Chorographie25 du géo­graphe romain Pomponius Mela (actif au Ier siècle) suscita également l’intérêt de certains lettrés, autour d’Heiric d’Auxerre (841-c. 876) notamment, mais le texte a peu circulé et est rapidement retombé dans l’oubli. La redécouverte majeure concerne un ouvrage qui n’est pas exclusivement géographique, mais dont le contenu s’est révélé très riche en la matière. Il s’agit des Noces de Philologie et de Mercure, composé par Martianus Capella (c. 534) et qui traite de l’ensemble des arts libéraux. Le livre VI26, consacré à la géométrie, ressortit en grande partie de la géographie par ses longs développements sur la forme, la position et les dimensions de la terre et par sa description détaillée de l’espace habité. Certains auteurs du haut Moyen Âge, comme Cassiodore et Grégoire de Tours, connaissaient l’existence du texte, mais ce n’est qu’au début du IXe siècle qu’il fut remis en circulation par un cercle de savants proches de la cour27. Dès lors, il fut très utilisé dans l’enseignement : on compte ainsi près de cinquante manuscrits datés du IXe siècle.

15Toutes ces nouvelles lectures contribuèrent à enrichir les connaissances géographiques, dans les écoles comme à la cour. Les lettrés s’échangeaient les copies des textes pour mieux les compléter et les corriger, comme en témoigne une lettre de Loup de Ferrières (c. 795-863) à propos de son exem­plaire du Commentaire sur le songe de Scipion (fig. 1)28. Les œuvres faisaient l’objet de commentaires, en particulier les Noces de Philologie et de Mercure : deux sont attribués à de grands maîtres célèbres, Jean Scot Érigène (c. 815-apr. 876) et Remi d’Auxerre (c. 841-apr. 908), et le plus ancien commentaire, anonyme et daté des années 820-830, pourrait être une œuvre élaborée collectivement par les lettrés de la cour29. Certains cercles se montrèrent particulièrement actifs dans l’étude de la géographie : c’est le cas de l’école d’Auxerre30, mais les témoignages proviennent de nombreux autres centres culturels (Fleury, Tours, Reichenau…).

Fig. 1 — Un exemplaire du Commentaire sur le songe de Scipion de Macrobe, corrigé par Loup de Ferrières (c. 795-863)

Au centre, une mappemonde tracée au IXe siècle ; à gauche, la mappemonde d’un glossateur du XIIe siècle

© Gallica, BnF, Paris, latin 6370, fol. 89v ; Saint-Martin de Tours, c. 820

16Au-delà de la redécouverte de textes antiques, l’époque carolingienne se distingue par la rédaction de deux textes qui témoignent, selon Patrick Gautier Dalché, d’un « tournant géographique31 ». Il s’agit du De mensura orbis terrae32, composé par Dicuil en 825, et du De situ orbis33, rédigé par un lettré anonyme c. 856. Leurs auteurs ont bénéficié de la redécouverte d’œuvres antiques, qu’ils s’attachent à utiliser avec une certaine distance critique : l’auteur du De situ orbis est l’un des rares à avoir utilisé la Chorographie de Pomponius Mela, tandis que Dicuil a pris soin de comparer et de sélectionner ses sources, s’étonnant de certaines informations données par Pline qu’il juge corrompues. Ces deux nouveaux traités ont pour originalité de proposer une description et une image de l’orbis terrarum adaptées aux enjeux qui leur sont contemporains. L’auteur du De situ orbis affirme ainsi écrire pour répondre à la demande d’élèves qui s’interrogent sur les peuples scandinaves, à une époque où leurs raids se font plus pressants au cœur même de l’empire carolingien. Dans ces deux ouvrages, une plus grande attention est portée à l’Europe du Nord et aux îles septentrionales, aux dépens de la Méditerranée et de l’Orient dont les descriptions sont moins développées. Ce changement de point de vue témoigne d’une réalité nouvelle, celle du basculement géopolitique qui s’est opéré aux VIIe-VIIIe siècles au profit de l’Europe du Nord, en rupture avec l’organisation du monde antique.

17Ce tournant carolingien que représentent les textes de Dicuil et de l’Ano­nyme ne doit cependant pas être surestimé, tant la diffusion et la portée des œuvres sont restées limitées34. Celles-ci n’en reflètent pas moins un nouveau regard sur le monde, qui se manifeste également dans d’autres textes35, mais que l’on ne retrouve pas dans le manuscrit d’Albi. Le corpus d’Albi transmet plutôt une réalité intemporelle, caractéristique de la géographie du temps des auctoritates : bien que les auteurs et les copistes eûssent conscience que leur monde n’était plus celui de l’Empire romain, ils continuaient à se fier aux auteurs anciens, réputés exhaustifs dans leurs descriptions de l’orbis terrarum, et cherchaient à rendre compte de cette permanence36. En cela, et parce qu’il ne livre aucun « nouveau » texte, le corpus se placerait plutôt en amont de la Renaissance carolingienne. La diversité des productions qu’il rassemble est cependant le signe de l’importance que l’on accordait à la connaissance de la terre, ce qui pose la question de la fonction et des usages des œuvres « géogra­phiques » aux VIIIe-IXe siècles.

Enjeux de la géographie à l’époque carolingienne

18Dans l’Antiquité latine, la géographie était étudiée à des fins administratives (il importait aux fonctionnaires de bien connaître l’Empire), mais aussi, à par­tir du moment où l’Empire romain est devenu chrétien, à des fins exégétiques (la terre est un aspect de la nature créée par Dieu)37. Si cette lecture prédomine au haut Moyen Âge, au sein d’une culture christianisée, les Carolingiens renouent avec les enjeux idéologiques de la géographie « impériale » romaine, dans le contexte de la restauration de l’Empire en Occident38. Dans quelle mesure le corpus d’Albi en est-il le reflet ?

19À rebours de l’idée moderne selon laquelle « la géographie, ça sert d’abord à faire la guerre », l’étude du monde et des terres convoitées ne semble pas avoir constitué à l’époque carolingienne un préalable à la conquête. Pour autant, on ne peut nier le caractère stratégique que revêt la connaissance du monde.

20Dans certains manuscrits ont ainsi été copiés aux côtés de productions géo­graphiques des textes historiques ou relatifs aux affaires militaires : c’est le cas du manuscrit Paris, BnF, latin 7230A (daté du IXe siècle) qui réunit les Collectanea rerum memorabilium de Solin, le traité De re militari de Végèce et l’Iti­néraire d’Antonin, ou du manuscrit Paris, BnF, latin 6810 (daté des IXe-Xe siècles) qui rassemble l’ouvrage de Solin et le récit d’Aurelius Victor sur les conquêtes des empereurs romains39. On sait également, grâce au testament qu’il rédi­gea avec son épouse Gisèle, qu’Evrard de Frioul possédait un exemplaire de la « Cosmographie du philosophe Aethicus » : le fait qu’il confia cet ouvrage à son aîné Unroch est significatif de l’importance accordée aux connaissances géographiques, que Pierre Riché40 classe, dans son analyse de la bibliothèque de ce riche laïc, parmi le savoir profane pratique. Si cette dimension pratique est discutable pour ce traité mêlant géographie et fiction, on peut la déceler en revanche dans un petit opuscule bavarois, la Descriptio civitatum et regionum ad septentrionalem plagam Danubii, élaborée au IXe siècle et complétée par la suite. Cette liste s’inscrit dans la tradition de la nomenclature tardo-antique, mais elle semble aussi témoigner d’un besoin plus spécifique de connaître les peuples présents aux frontières de l’Empire afin d’évaluer leurs forces41. C’est peut-être plutôt en raison de cet enjeu de connaissance de l’autre qu’Evrard puis son fils Unroch disposaient de la Cosmographie d’Aethicus Ister42.

21L’idée que la domination du monde est étroitement liée à sa connaissance, très présente dans l’Antiquité, n’a donc pas disparu à l’époque carolingienne. Les tables de Charlemagne en sont une manifestation célèbre43. De même que le pape Zacharie (741-752) avait fait représenter une image du monde (orbis terrarum descriptio) dans le triclinium du palais du Latran, Charlemagne possédait en effet deux tables qui figuraient les villes de Constantinople et de Rome, ainsi qu’une troisième ornée de représentations de l’univers (orbis totius descriptio), des astres (astrorum consideratio) et du cours des planètes (uarius planetarum discursus). En raison de sa puissance symbolique, cette troisième table fut conservée par Louis le Pieux à Aix, alors que son père prévoyait dans son testa­ment de l’utiliser pour grossir les parts revenant à ses héritiers et aux pauvres. Quelques années plus tard en 842, elle fut finalement détruite par Lothaire afin d’éviter que ses frères rivaux ne s’en emparent, parce qu’elle était justement l’expression de la souveraineté de son détenteur, voire de ses prétentions uni­versalistes. Ce lien entre connaissance du monde et souveraineté se retrouve dans l’un des deux traités géographiques de la période : dans le prologue de son De mensura orbis terrae, Dicuil évoque en effet un inventaire des provinces du monde entrepris sous le règne de Théodose. Certes, le lettré a confondu différentes initiatives et leurs auteurs44, mais son propos vise à associer la connaissance et la mesure de la terre à l’autorité impériale. D’ailleurs, l’attri­bution de l’entreprise à Théodose, souvent considérée comme une confusion, est peut-être tout à fait voulue. La rédaction de l’ouvrage se situe en 825, trois ans après la pénitence d’Attigny où Louis le Pieux a reconnu publiquement ses fautes politiques et morales comme l’empereur du IVe siècle l’avait fait en 391 : Théodose était à cette époque un modèle pour le souverain carolingien45. En recueillant l’héritage de la géographie romaine, les Carolingiens font donc fructifier son lien avec l’idéologie impériale46.

22Mais l’intérêt qui se manifeste aux VIIIe et IXe siècles pour les textes géo­graphiques s’inscrit aussi dans un projet idéologique et culturel spécifique, celui de la « mise en ordre » carolingienne. Inspirés par les théories poli­tiques augustiniennes, les souverains et leur entourage cherchaient en effet à réorganiser la société selon l’ordre voulu par Dieu, ce qui les conduisit à mener une politique réformatrice touchant de nombreux domaines. Or, à leur manière, les nouveaux traités géographiques de cette période reflètent ces préoccupations. En mettant l’accent sur le nord de l’Europe, on l’a évoqué, ils adaptent et réorganisent l’image du monde afin de mieux tenir compte des changements politiques. Surtout, comme l’a souligné Nathalie Bouloux à propos de l’ouvrage de Dicuil, « établir la longueur et la largeur exactes de chaque province de l’orbis terrarum revenait à retrouver, dans l’espace terrestre, un ordre principiel et immuable répondant à l’ordre du cosmos47 ». Tout en s’inscrivant dans la tradition d’une géographie mathématique insistant sur les dimensions, l’ouvrage traduit donc un souci de « mise en ordre » propre à son époque et attesté dans d’autres domaines48.

23Connaissance de l’autre, expression de la souveraineté, effort de mise en ordre du monde : il est difficile de déceler dans le corpus géographique d’Albi de tels accents idéologiques. L’ensemble témoigne plutôt de la dimension spirituelle de la géographie chrétienne, bien attestée au haut Moyen Âge, y compris à l’époque carolingienne : les cartes, mais aussi les descriptions de l’orbis terrarum (en premier lieu celle d’Orose) ont pour fonction de conduire à la contemplation dans la mesure où elles permettent de saisir la totalité du monde – d’un seul regard pour les cartes, en quelques pages pour les textes – et d’appréhender ainsi la Création49. C’est la fonction reconnue au corpus par Patrick Gautier Dalché50, tandis qu’Evelyn Edson51 a vu dans la carte une dimension plus pratique, qui serait celle d’accompagner l’étude du texte biblique. Les deux auteurs insistent en tout cas sur les liens étroits qui existent entre le corpus géographique et les textes exégétiques et théologiques qui l’encadrent.

24De la culture géographique du haut Moyen Âge, le corpus du manuscrit d’Albi est donc à la fois exceptionnel et représentatif. Il est caractéristique d’un savoir hérité de l’Antiquité tardive et précédant la redécouverte de textes majeurs lors de la Renaissance carolingienne. Il se distingue par la variété des genres auxquels appartiennent les œuvres géographiques qu’il contient, même si des corpus plus riches seront constitués par les savants carolin­giens (par exemple le fameux codex spirensis52). Il est surtout exceptionnel par la mappemonde qu’il transmet et qui est l’un des plus anciens témoignages cartographiques connus de l’Occident médiéval.

Notes de bas de page

1Voir les réserves de Patrick Gautier Dalché, « Sur l’“originalité” de la “géographie” médié­vale », dans Michel Zimmermann (dir.), Auctor et auctoritas. Invention et conformisme dans l’écriture médiévale, Paris, École nationale des chartes, 2001, p. 131-143, rééd. dans id., L’espace géographique au Moyen Âge, Florence, Sismel/Galluzo, 2013, p. 43-58.

2Patrick Gautier Dalché (dir.), La Terre. Connaissance, représentations, mesure au Moyen Âge, Turnhout, Brepols, 2013 ; voir également, pour le haut Moyen Âge, Natalia Lozovsky, “The Earth Is Our Book”. Geographical Knowledge in the Latin West ca. 400-1000, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2000.

3Christiane Deluz, « Le temps des auctoritates (ve-xie siècle) », dans Gautier Dalché, La terre…, op. cit., p. 21-40.

4Voir Deluz, ibid., art. cité ; Patrick Gautier Dalché, « Principes et modes de la représen­tation de l’espace géographique durant le haut Moyen Âge », dans Uomo e spazio nell’altoMedioevo. Atti 50. settimana di studio del Centro italiano di studi sull’altoMedioevo, Spolète, Centro italiano di studisull’altomedioevo, 2003, p. 117-188, rééd. dans id., L’espace géographique au Moyen Âge…, op. cit., p. 5-30.

5Pline, Histoire naturelle, Paris, Les Belles Lettres, 1951-…

6Orose, Histoires (contre les païens), éd. et trad. par M.-P. Arnaut-Lindet, Paris, Les Belles Lettres (Collection des Universités de France), 1990.

7C. Iulii Solini Collectanea rerum memorabilium, éd. Theodor Mommsen, éd. par Theodor Mommsen, Berlin, apud Weidmannos, 1895.

8Macrobe, Commentaire au songe de Scipion, éd. et trad. par Mireille Armisen Marchetti, Paris, Les Belles Lettres, 2001-2003, 2 vol. 

9Pour son édition de l’Histoire contre les païens, Marie-Pierre Arnaud-Lindet a décompté un manuscrit du vie, deux du viie, sept du viiie siècle (dont le manuscrit d’Albi).

10Patrick Gautier Dalché, La géographie de Ptolémée en Occident (ive-xvie siècle), Turnhout, Brepols (Terrarum Orbis, 9), 2009, notamment p. 87-98 sur la survie de la Géographie dans le haut Moyen Âge occidental.

11Id., « L’enseignement de la géographie dans l’Antiquité tardive », Klio. Beiträge zur alten Geschichte, 96, 2014, p. 144-182, citation p. 151.

12Ibid., p. 155-156.

13Sur ces listes, voir Deluz « Le temps des auctoritates… », art. cité, p. 22 ; Gautier Dalché, « L’enseignement de la géographie… », art. cité.

14Voir notamment P. Gautier Dalché, « Tradition et renouvellement dans la représentation de l’espace géographique au ixe siècle », Studi Medievali, 24, 1983 ; id., « Principes et modes de la représentation de l’espace géographique… », art. cité.

15Id., « Comment et pourquoi décrire une mappemonde au Moyen Âge ? », dans Pierre Chastang, Patrick Henriet, Claire Soussen Max (dir.), Figures de l’autorité médiévale. Mélanges offerts à Michel Zimmermann, Paris, Publications de la Sorbonne, 2016, p. 69-88.

16P. Gautier Dalché, « Eucher de Lyon, Iona, Bobbio : le destin d’une Mappa mundi de l’Anti­quité tardive », Viator, 41, 2010, p. 133-144.

17Id., « L’héritage antique de la cartographie médiévale : les problèmes et les acquis », dans Richard J. A. Talbert, Richard W. Unger (éd.), Cartography in Antiquity and the Middle Ages : Fresh Perspectives, New Methods, Leyde, Brill, 2008.

18Ces trois listes, assez répandues dans des manuscrits aux intérêts toponymiques, ont été copiées ensemble dans plusieurs manuscrits : voir Alderik H. Blom, « Endlicher’s Glossary », Études celtiques, 37, 2011, p. 159-182, notamment p. 162-163.

19Voir Claude Nicolet, Patrick Gautier Dalché, « Les “quatre sages” de Jules César et la “ mesure du monde” selon Julius Honorius : réalité antique et tradition médiévale », Journal des savants, 4, 1986, p. 157-218 (doi.org/10.3406/jds.1986.1497).

20Louis Dillemann, La Cosmographie du Ravennate, Bruxelles, Latomus, 1997.

21Sur ce texte, voir Gautier Dalché, « Comment et pourquoi décrire une mappemonde… », art. cité, où le texte est daté d’entre 636 et 736.

22Michael W. Herren, The Cosmography of Aethicus Ister, Turnhout, Brepols, 2011.

23Patrick Gautier Dalché, « Situs orbis terre vel regionum : un traité de géographie inédit du haut Moyen Âge (Paris, B. N. latin 4841) », Revue d’histoire des textes, 12-13, 1982-1983. Les liens entre ce texte et la compilation du manuscrit d’Albi mériteraient de retenir l’attention des spécialistes.

24Paul Van de Woestijne (La Périégèse de Priscien, Bruges, De Tempel, 1953) qui a recensé six manuscrits du ixe siècle.

25Pomponius Mela, Chorographie, éd. et trad. par Alain Silberman, Paris, Les Belles Lettres, 1988 ; voir aussi Catherine M. Gormley, Mary A. Rouse, Richard H. House, « The Medieval Circulation of the De chorographia of Pomponius Mela », Mediaeval Studies, 46, 1984, p. 266-320 (doi.org/10.1484/J.MS.2.306317). Sur les annotations d’Heiric d’Auxerre, voir Natalia Lozovsky, « Roman Geography and Ethnography in the Carolingian Empire », Speculum, 81/2, 2006, p. 325-364 (www.jstor.org/stable/20463714).

26Martianus Capella, Les noces de Philologie et de Mercure, t. 6, La géométrie, éd. et trad. par Barbara Ferré, Paris, Les Belles Lettres, 2007.

27Lozovsky, “The Earth Is our Book, op. cit., p. 113-138 ; Mariken Teeuwen, Sinéad O’Sullivan (dir.), Carolingian Scholarship and Martianus Capella : Ninth-Century Commentary Traditions on “De Nuptiis” in Context, Turnhout, Brepols, 2011.

28Marie-Pierre Laffitte, Charlotte Denoël (dir.), Trésors carolingiens. Livres manuscrits de Charlemagne à Charles le Chauve, Paris, BnF, 2007, p. 158-159.

29Hypothèse de Mariken Teeuwen, Harmony and the Music of the Spheres : the Ars Musica in Ninth­Century Commentaries on Martianus Capella, Leyde/Boston, Brill, 2002, p. 147-150.

30Patrick Gautier Dalché, « La géographie descriptive à Saint-Germain d’Auxerre (milieu ixe-début xe siècle) », dans id., Géographie et culture. La représentation de l’espace du vie au xiie siècle, Londres, Routledge (Variorum Collected Studies, 592), 1997, p. 270-276.

31Id., « La connaissance des régions septentrionales de l’Europe à l’époque carolingienne : un changement de point de vue », Geographia antiqua, 25, 2016, p. 3-16.

32Dicuili Liber de mensura orbisterrae, éd. Par James J. Tierney, Dublin, The Dublin Institute for Advanced Studies, 1967. Voir Nathalie Bouloux, « Géographie de la mesure et ordre cosmique dans le Liber de mensura orbis terrae de Dicuil (825) », dans Société des historiens médiévistes de l’Enseignement supérieur public (dir.), Mesure et histoire médiévale, XLIIIe Congrès de la SHMESP (Tours, 31 mai-2 juin 2012), Paris, Publications de la Sorbonne, 2013.

33Anonymus Leydesis De situ orbis libri duo, éd. Riccardo Quadri, Patavii, In aedibusAntenoreis, 1974. Sur cet ouvrage et celui de Dicuil, voir Natalia Lozovsky, « Carolingian Geographical Tradition : Was It Geography ? », Early Medieval Europe, 5/1, 1996, p. 25-43.

34Comme le reconnaît Gautier Dalché, « La connaissance des régions septentrionales… », art. cité, p. 15. Voir aussi Lozovsky, « Carolingian Geographical… », art. cité, p. 29.

35Gautier Dalché, « La connaissance des régions septentrionales… », art. cité, donne l’exemple de l’Histoire des Lombards composée par Paul Diacre c. 790, où l’auteur évoque lui aussi les peuples et les terres du Nord de manière positive.

36Bouloux, « Géographie de la mesure… », art. cité, p. 260-261.

37Gautier Dalché, « L’enseignement de la géographie… », art. cité.

38Article fondamental sur le sujet : Lozovsky, « Roman Geography… », art. cité.

39Ibid., p. 359.

40Pierre Riché, « Les bibliothèques de trois aristocrates laïcs carolingiens », Le Moyen Âge, 69, 1963, p. 87-104. Notons qu’Unroch reçut également le traité de Végèce sur l’art militaire.

41Maddalena Betti, « La Descriptio civitatum et regionum ad septentrionalem plagam Danubii. Lo spazio oltre il “imes” nel ix secolo », Mélanges de l’École française de Rome-Moyen Âge, 125/1, 2013.

42Ian N. Wood, « Aethicus Ister : an Exercise in Difference », dans Walter Pohl, Helmut Reimitz (dir.), Grenze und Differenz im frühen Mittelalter, Vienne, Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, 2000, p. 197-208.

43Deborah M. Deliyannis, « Charlemagne’s Silver Tables : the Ideology of an Imperial Capital », Early Medieval Europe, 12/2, 2003, p. 159-177 ; Lozovsky, « Maps and Panegyrics : Roman Geo-ethnographical Rhetoric in Late Antiquity and in the Middle Ages », dans Richard J. A. Talbert, Richard W. Unger (éd.), Cartography in Antiquity and the Middle Ages : Fresh Perspectives, New Methods, Leyde, Brill, 2008, p. 169-188.

44Ainsi que la Cosmographie de Julius Honorius et celle du Pseudo-Aethicus le rapportent, Auguste aurait confié à quatre experts la mission d’inventorier et de mesurer les provinces de l’Empire romain ; cette entreprise aurait été renouvelée par Théodose II au ive siècle, et la Divisio orbisterrarum, rédigée après 435 et utilisée par Dicuil, est considérée par les lettrés carolingiens comme l’inventaire qui en est issu. Voir Bouloux, « Géographie de la mesure… », art. cité, p. 257-259.

45Sur la pénitence d’Attigny, voir Mayke de Jong, The Penitential State. Authority and Atonement in the Age of Louis the Pious, Cambridge, Cambridge University Press, 2009.

46Lozovsky, « Roman Geography… », art. cité.

47N. Bouloux dans Gautier Dalché, La terre…, op. cit., p. 266. Voir la présentation du traité p. 262-266 et id., « Géographie de la mesure… », art. cité.

48Que l’on pense aux entreprises destinées à définir et unifier les différentes mesures, notamment sous le règne de Charlemagne (législation sur les poids et les mesures, réforme du calendrier, changement des noms des mois et des vents…).

49Gautier Dalché, « De la glose à la contemplation. Place et fonction de la carte dans les manuscrits du haut Moyen Âge », dans Testo e immagine nell’alto Medioevo. Atti, 41. Settimana di studio del Centro italiano di studi sull’alto Medioevo, Spolète, Centro italiano di studi sull’alto medioevo, 1994. Voir p. 755 la citation du passage où Orose souligne la dimension spéculative (speculare) de son texte.

50Ibid., p. 758.

51Evelyn Edson, « The Oldest World Maps : Classical Sources of Three Eigthth Century Mappaemundi », The Ancient World, 24, 1993, p. 169-184. Voir notamment p. 177 où la carte est considérée comme « an aid to preaching or monastic studies », « a kind of helps to the study of the Bible ».

52Disparu, il transmettait, outre l’ouvrage de Dicuil, une compilation cosmographique, des itinéraires et différentes listes : voir Ludwig Bieler, « The Text Tradition of Dicuil’s Liber de mensura orbis terrae », Proceedings of the Royal Irish Academy, 64, 1965/1966, p. 1-33.


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