Au Centre Pompidou, la mode
Création, industrie et avant-garde
p. 129-145
Texte intégral
1La mode semble avoir difficilement droit de cité au Musée national d’art moderne (MNAM). Si quelques récents accrochages ont souligné des parallèles formels – souvent fortuits – entre œuvres plastiques et œuvres textiles1, l’absence d’un département ou de collections propres pourrait interroger. Le projet des réformes vestimentaires ne se situait-il pas au cœur des programmes des avant-gardes historiques ? Des robes simultanées de Sonia Delaunay aux parures futuristes de Giacomo Balla, les exemples abondent qui permettent d’éclairer les manifestes les plus décisifs de ces différents chapitres de l’histoire de l’art. Ceux-là mêmes que le musée a précisément vocation à restituer. Si la notion de vêtement comme celle de phénomène de mode permettent de comprendre nombre de motifs propres à l’art moderne – des murs blancs singularisés par Mark Wigley aux logiques de reproductibilité, d’originalité et de multiples analysées par Nancy Troy2 –, elles ne semblent aujourd’hui que timidement considérées. Or, la situation était bien différente à l’ouverture du musée en 1977, comme au cours de la décennie suivante.
2« Un musée du xxe siècle », où les arts dans leur ensemble seraient célébrés : les ambitions du futur Centre Georges Pompidou marquent, on le sait, un tournant dans l’histoire des musées. Tant dans son projet curatorial qu’architectural, l’institution que dirigera Pontus Hultén dans ses premières années augure d’une nouvelle ère comme d’un nouveau rapport du public à l’art du temps présent. Au cœur de ce projet, les préoccupations contemporaines des différents champs et formes de création vont trouver tout à la fois une caisse de résonance et un lieu pour tester, expérimenter. La mode ne déroge alors pas à l’inventaire
3Au cours de cette même période, les transformations qui agitent l’industrie de la mode sont en outre décisives. Elles portent d’une part sur la redéfinition des enjeux créatifs et manufacturiers portés par la montée en puissance du prêt-à-porter qui supplante progressivement la haute couture comme expression d’un art appliqué au vêtement. Mais se posent également, de manière pressante, des questions d’ordre plus géographiques. La primauté de Paris, capitale longtemps indétrônée des innovations stylistiques, est logiquement mise à mal par le relatif déclin du système des grands couturiers. Scandale ou coup de théâtre, la vigueur comme la pertinence créatives peuvent désormais venir d’ailleurs : à la fois d’un contexte proprement industriel, mais aussi d’autres capitales et pays3. Paris doit donc à la fois s’ouvrir et soutenir une nouvelle génération de créateurs français comme étrangers qui présentent leurs collections en France. L’ensemble de ces questions trouvera dans cet espace critique du musée un écho singulier, parfaitement aligné avec les ambitions de l’institution nouvelle. Bien plus qu’un lieu de monstration qui poserait à nouveaux frais les enjeux d’une artification de la mode que l’on devrait mesurer aux autres catégories artistiques, les expositions mais aussi les publications et les productions audiovisuelles constituent davantage un cadre de réflexion pour interroger son essence, ses développements présents et futurs. Un héritage quelque peu oublié aujourd’hui.
Mode et création industrielle : une position face au présent
4Servir un art et une culture de masse plutôt que des élites, questionner la centralité parisienne4 : les ambitions du nouveau Musée national d’art moderne font singulièrement écho aux questionnements qui traversent dès la fin des années 1970 l’industrie de la mode française. Depuis plus d’une dizaine d’années, on assiste à la multiplication des boutiques dans lesquelles se construit une offre renouvelée d’un prêt-à-porter plus accessible. Héritière de la confection du siècle précédent – la façon en série de vêtements à bas coût –, celle-ci sait rejoindre les aspirations concrètes comme l’esthétique d’une clientèle plus jeune aux modes de vie transformés. En parallèle, la haute couture désormais centenaire fait face à des fermetures successives, indices difficilement réfutables de la transformation des modèles économiques opérant5. Au cœur de ces systèmes se trouvent aussi de nouveaux rôles : en lieu et place d’un grand couturier démiurge au service sur mesure d’une clientèle extrêmement restreinte, se situe celui du styliste au service de la consommation de masse. Prégnantes dans l’industrie textile, ces questions sont tout aussi présentes dans les domaines connexes, ceux qui progressivement se confrontent à la notion de création industrielle, de design. La transition est plus progressive que l’on ne la pense. Christian Dior, qui représente après guerre le renouveau éclatant du mythe de la haute couture, a en réalité largement intégré ces mutations : ses lignes de licences avec de nombreuses manufactures spécialisées, ses contrats autorisant des fabricants locaux à travers le monde à reproduire – industriellement – ses modèles en témoignent6. Mais dans le contexte français, sa participation en 1956, auprès d’Hélène Gordon Lazareff, rédactrice en chef du magazine Elle, au jury du label Beauté France raconte aussi l’intérêt et le soutien du secteur de la mode au dynamisme attendu de la nouvelle esthétique industrielle.
5Le chemin est néanmoins encore tortueux quand bien même les initiatives se multiplient : C. Mendès qui a accompagné les premiers couturiers intéressés par les possibilités offertes par la fabrication industrielle lance en 1971, à l’initiative de Didier Grumbach, la structure Créateurs et Industriels. Il s’agit de mettre en lien une génération de talents créatifs avec des fabricants susceptibles de produire leurs collections, d’organiser leurs présentations pour susciter un intérêt de la presse. Parmi ces premiers noms, Kenzo, mais aussi des créateurs de mobiliers qui ici encore participent d’une même réflexion sur les formes, usages et modes de production des objets usuels contemporains.
6C’est précisément dans ce contexte qu’il faut resituer l’émergence du Centre de création industrielle (CCI) à l’initiative de François Mathey et François Barré en 19697. Au sein de l’Union centrale des arts décoratifs, le projet vise à la fois à reprendre le programme fondateur de l’institution, celui de promouvoir le « beau dans l’utile », mais aussi à positionner la France face à une compétition internationale accrue. Dès le mois d’octobre, sa première exposition pose une question qui réactualise précisément ces enjeux : « Qu’est-ce que le design ? » Quand se précise le projet du Musée national d’art moderne, son transfert au sein de l’institution est tôt évoqué afin de renforcer les enjeux pluridisciplinaires qui l’animent8.
7Dès 1977, à l’ouverture du nouveau musée, la Galerie d’actualité du CCI propose ainsi, entre mars et mai, en lien avec le Salon du prêt-à-porter féminin qui se tient alors à Paris, une courte exposition intitulée « Le vêtement épinglé »9. Dans une démarche résolument pédagogique, elle présente au grand public des « créateurs de renommée internationale » sous forme de conférences et défilés afin que s’éclairent les questions suivantes : « Le vêtement, qui le crée, qui le fabrique, qui le diffuse, qui le porte ? » Les années suivantes, fidèle à sa mission, le CCI s’attache à interroger le cadre industriel français au sens large et, au fil des expositions qui traitent notamment de « Design et stratégie d’entreprise » (1979), on retrouve des marques et entreprises de chaussures ou de vêtements. En 1984, c’est le bassin textile du Nord de la France, une région historiquement très dynamique mais souffrant de plein fouet de la désindustrialisation, qui est mis à l’honneur : Jean-Claude Pigeat, figure centrale du CCI, assure ainsi le commissariat de « Textile du Nord ». C’est cependant l’exposition qu’il présente l’année suivante, intitulée « La mode en direct » [FIG. 1], qui, par son ambition et son ampleur, aborde pour la première fois au Centre Pompidou, et sans détour, la création contemporaine.
Fig. 1. Affiche de l’exposition « La mode en direct », Centre Pompidou, 1985.

Archives du Centre Pompidou, Cote : AF93000765.
8À quelques mois de l’ouverture du musée des Arts de la mode dans le Pavillon de Marsan, qui consacrera, comme son nom l’indique, l’inscription des parures vestimentaires dans l’inventaire des beaux-arts, l’exposition conçue par le CCI est cohérente avec ses propres missions. Au contraire de l’institution voisine, il s’agit en premier lieu de comprendre l’état de l’industrie telle qu’elle existe en France en ce milieu des années 1980. Pour cela, un retour sur les « vingt-cinq ans de mode » vise à placer le prêt-à-porter comme « reflet du temps » : les teenagers, les yé-yé, les blousons noirs sont singularisés, ainsi que leurs affinités musicales, et associés à l’émergence d’un goût nouveau au cours de ces quelques décennies. Le « Boul’Mich », la salle de concert de l’Olympia en sont les nouveaux centres névralgiques. « À la disparition des modes de classe succède l’apparition d’une mode régie par l’âge10. » L’enjeu de l’exposition et de son catalogue est clair : il s’agit de mettre en récit la pertinence culturelle méconnue du prêt-à-porter qui, désormais bien plus que la haute couture, sait dialoguer avec son époque.
9Le service audiovisuel du Centre Pompidou vient sur ce point en appui à l’exposition : Jean Rouzaud, membre fondateur du collectif Bazooka, signe avec le réalisateur Robert Réa, un documentaire intitulé « Mode : Vingt ans d’images, 1960-1980 » dans lequel on resitue le rôle des stylistes, leurs liens avec le design, la scène anglaise ou encore le mouvement du pop art. « Les jeunes refusent la mode » expliquent-ils, mais déjà comprend-on que c’est celle, héritée des générations précédentes, qui vacille. Si la haute couture demeurait un luxe élitiste, c’est davantage sa faculté à imposer ses diktats par-delà ses salons cossus et selon une alternance saisonnière perçue comme tout aussi systématique qu’arbitraire qui est mise à mal. Dès lors cinéma et musique sont présentés comme les deux terrains d’expérimentation les plus féconds en matière de style : la Nouvelle Vague, le « dandy rock » Johnny Hallyday constituent des alternatives, mais répondent aussi et surtout à des « besoins d’identification » des plus jeunes consommateurs. On arrive ainsi à la période contemporaine où « la mode dans la rue11 » devient un principe créatif et un fil conducteur pour l’exposition : on retrace des itinéraires de styles depuis les puces de Clignancourt au magasin Tati, boulevard Rochechouart, des friperies des Halles aux looks « sarongs-blouson Levi’s » observés dans le nouveau quartier asiatique du 13e arrondissement.
10L’exposition a aussi l’ambition de décrire de manière très exhaustive les rouages de la création industrielle : la parole est donnée au fabricant avec ses contraintes opérationnelles et commerciales. On évoque les opportunités nouvelles offertes par les acteurs de la vente par correspondance, à l’heure des premières collaborations de Philippe Stark et La Redoute, de Popy Moreni et des 3 Suisses. Les mannequins et photographes ne sont pas en reste avec témoignages et entretiens comme celui accordé par Peter Knapp.
11Le projet du CCI vise à stimuler un secteur ainsi qu’à éveiller des vocations : il s’agit ainsi d’être très didactique sur les formations et écoles comme les parcours professionnels [FIG. 2]. C’est dans ce contexte que sont évoquées les figures les plus médiatiques d’une nouvelle génération de créateurs ayant trouvé le succès avec le prêt-à-porter. Elles auraient pu à elles seules faire l’objet de l’exposition, mais on ne cherche ici pas tant à célébrer leurs œuvres qu’à en explorer les rouages créatifs, à souligner leur habileté à travailler avec talent dans ce système industriel.
Fig. 2. Jean-Claude Planchet, Vue des salles de l’exposition « La mode en direct », Centre Pompidou, 1985.

Archives de la Bibliothèque Kandinsky, Cote : CCI 141.1-43.
12Si Azzedine Alaïa raconte son parcours, il revient aussi sur son positionnement original vis-à-vis des défilés et des rythmes de calendriers qu’il subvertit déjà. Jean-Charles de Castelbajac évoque avec précision, dans un entretien retranscrit dans le catalogue, son processus de travail – et la manière dont sa connaissance des rouages de l’usine de confection familiale de vêtement dans le Limousin l’a préparé au métier de styliste. S’il revient sur ses différentes collaborations avec des artistes, la plus récente avec Ben Vauthier, qui lui valent alors une couverture de Connaissance des Arts12, il est aussi très franc sur les enjeux financiers qu’il doit considérer, sur cet équilibre entre création et commerce. À la question « Mais alors qu’est-ce qui vous rapporte de l’argent ? », il répond : « Les licences de mode ; mes pulls qui se vendent dans huit cents boutiques en Europe, mes fourrures au Japon, mon parfum, mon verre à trois pieds ; mes contrats avec cinquante-deux licenciés dans le monde. C’est ça qui me permet d’avancer. »13 Jean-Paul Gaultier, interrogé pour le catalogue et pour un film documentaire produit par le Centre Pompidou et conçu par le même Jean Rouzaud, explicite à son tour le passage du croquis au premier prototype. Mais ses inspirations, son appétence pour les allures venues des rues londoniennes, ses hommes apprêtés et ses garçonnes sont avant tout, souligne-t-il, le point de départ d’une « véritable chaîne industrielle ». Celle-ci le mène chaque semaine, par avion, à Florence afin de vérifier les pièces que son usine partenaire produit. Chez Gibo, 450 personnes et huit mois sont nécessaires à la production d’une collection, indique la voix off du documentaire qui montre Jean-Paul Gaultier dirigeant un essayage dans leurs bureaux, avec à ses côtés la silhouette de son assistant d’alors, un jeune Martin Margiela.
13Moins de dix ans après l’ouverture du Centre Pompidou et le transfert du CCI au cœur de l’institution, l’intérêt témoigné pour la mode et la compréhension singulière de ses caractéristiques propres sont uniques. La revue Traverses, fondée par Jean Baudrillard au sein du CCI, y consacre un premier numéro en 1976, qu’elle réédite en 1984. De l’exposition aux productions audiovisuelles, c’est l’ensemble des moyens et des médiums mis à disposition par l’institution qui sont mobilisés pour saisir les transformations profondes de cette esthétique industrielle contemporaine. La démarche est d’autant plus singulière qu’elle tranche avec ce que défendent au même moment les musées de la mode davantage attachés à réaffirmer une lecture croisée de celle-ci avec les autres domaines de création artistique : quand le nouveau musée des Arts de la mode ouvre « Moments de mode » (1986), il s’agit de concevoir des passerelles avec la littérature ou la peinture ; à New York, Richard Martin conçoit au Museum at the Fashion Institute of Technology (FIT) « Fashion and Surrealism » (1987) qui souhaite souligner les échanges féconds des arts plastiques avec la mode. À rebours de ces stratégies d’artification, le regard du Centre Pompidou est tout autre, fondé sur une double appréciation des qualités industrielles et créatives de la mode.
14C’est sans doute cette approche originale qui peut expliquer l’attrait particulier pour le MNAM de la part d’une génération nouvelle de créateurs. Car si les ambitions politiques du CCI le lient résolument au champ productif français et s’attachent ainsi à mettre en avant les talents sinon nationaux du moins ceux installés à Paris, le Centre va en ce milieu des années 1980 s’imposer comme une scène résolument internationale. À l’image des grandes expositions inaugurales qui mettent Paris en dialogue avec d’autres capitales mondiales de l’art moderne14, le musée va constituer un cadre propice pour de nouvelles voix, pour de nouvelles conceptions de la création de mode qui corroborent son essence cosmopolite.
Helmut Lang, Rei Kawakubo et Yohji Yamamoto : peinture, photographie, cinéma
15« Vienne, Naissance d’un siècle, 1880-1938 » ouvre au Centre Pompidou au mois de février 1986 avec l’ambition de retracer « le destin d’une époque qui fut sans doute la plus brillante, mais aussi la plus dramatique du génie européen15 ». L’exposition est ambitieuse dans son ampleur et compte sur les prêts de nombreux musées internationaux pour rassembler plus de 2 000 objets susceptibles d’éclairer toutes les facettes de ce moment fondateur de la modernité européenne. Reflet d’enjeux politiques plus profonds, il a fallu que le président François Mitterrand appuie personnellement la demande, auprès de son homologue autrichien, pour compter sur la collaboration des musées du Belvédère et de l’Albertina qui détiennent logiquement les chefs-d’œuvre des peintres les plus marquants de la période, de Gustav Klimt à Egon Schiele. Avec le souhait de restituer les enjeux propres à la notion de Gesamtkunstwerke, le parcours de l’exposition intègre les productions textiles de la Wiener Werkstätte créée par Josef Hoffmann et Koloman Moser, et reflète plus largement l’intérêt de la Sécession viennoise pour le vêtement.
16Mais c’est en marge de l’exposition, dans un espace conçu par la Bibliothèque publique d’information (BPI) et transformé en un éphémère « café viennois », que les liens avec la création de mode contemporaine se précisent. Établi depuis quelques années à Vienne, Helmut Lang présente entre les tables de cet iconique lieu de convivialité viennois ses modèles à un public parisien, et ce pour la première fois. Il bénéficie en réalité pour cette opération du soutien de la chambre économique fédérale d’Autriche qui est associée à l’organisation de cet espace au sein du musée. Arguant des sources d’inspiration que « le plus célèbre créateur autrichien » a convoquées pour sa dernière collection – à savoir la peinture de Klimt –, son délégué commercial intercède auprès de Jean Maheu, alors président du Centre, pour permettre la tenue de ce défilé16. Opération de diplomatie culturelle comme de compétitivité industrielle, l’événement est humble dans ses proportions comme dans les moyens déployés. Il ne bénéficie pas du cadre direct de l’exposition que le grand architecte Hans Hollein a en partie conçu, mais se situe suffisamment proche, physiquement et symboliquement, pour bénéficier de son « aura ». Dans les pages de Libération, le critique Michel Cressole n’est pas tendre avec la relative maladresse de ces emprunts, un peu trop littéraux à son goût, comme avec le cadre utilisé pour le défilé : « le décor ridicule du Café viennois en camping au Centre Pompidou » dévoile une collection « érotique comme Egon Schiele » parcouru de « plissé acte manqué » et d’un « imprimé bonne de Freud ». Mais l’essentiel est là : « l’austérité détendue du jeune Viennois Helmut Lang »17 marque les esprits [FIG. 3].
Fig. 3. « Helmut Lang Collection Hommes Femmes Séance de Travail Défilé # Hiver 86/87 », Centre Pompidou, 18 mars 1986.

HELMUT LANG Special Archive / MAK, Austrian Museum of Applied Arts / Contemporary Art, Cote : LNI 544-2-7.
17Dans ce musée-laboratoire se noue un récit fondateur pour le créateur autrichien : son association, tout éphémère soit-elle, à l’institution qu’est le Centre Pompidou le lie à cette circulation des objets et idées des avant-gardes historiques – une terminologie qu’Helmut Lang n’aura de cesse d’assimiler et que la presse lui accordera volontiers. Pendant les vingt années que durera son activité de créateur de mode, le rappel systématique de ses débuts parisiens sera l’occasion de réaffirmer cet ancrage artistique singulier. Jusqu’à laisser planer le doute sur le positionnement même du défilé dans cette exposition devenue elle-même canonique. « En 1986, il était le seul représentant de la mode lors de “Vienne 1880-1939 : L’Apocalypse Joyeuse”, une exposition à Pompidou qui retraçait l’histoire du modernisme viennois en art, architecture et design18 », écrit Olivier Zahm dans Artforum en 1995. Ce « premier défilé à Paris, à contre-courant de l’ornementalisme de l’époque, c’était en 1986, à l’occasion de l’exposition “L’Apocalypse joyeuse, Vienne 1880-1939” à Beaubourg19 », renchérit Farid Chenoune dans Mixte en 2001.
18Quelques mois tout juste après le défilé d’Helmut Lang dans les espaces de la BPI, on peut observer une forme d’entrisme assez similaire de la part d’une autre créatrice de prêt-à-porter que le public parisien apprend encore alors à connaître. Si Rei Kawakubo présente les collections de sa marque Comme des Garçons dès 1981 à Paris, si elle rejoint le calendrier officiel des défilés de la Fédération de la couture l’année suivante en tant que membre invité, l’accueil réservé par la presse est parfois mitigé. Témoignage de la crainte d’une possible perte de suprématie parisienne en matière de création, associée à une parole dont la rhétorique raciste surprend aujourd’hui, les commentaires sur ses premières collections sont aussi tout simplement la marque d’une incompréhension. « Dans un fracas infernal de marteaux, d’enclumes, de lames que l’on affûte, elle lance des hordes de filles “comme des garçons”, dépenaillées, le corps noyé d’amas de haillons, de guenilles, encombré de toute sorte de falbalas sans tralala et hors de prix20 », lit-on, non sans un humour grinçant, dans les pages du Monde. Face aux critères d’appréciation nouveaux qu’il faut pour saisir cette création, le « camp occidental » s’interroge et se positionne, souligne le journaliste. À rebours d’une élégance convenue, battant en brèche les attendus d’une féminité séduisante et séductrice, Rei Kawakubo conçoit un univers complet, de l’aménagement de ses boutiques dont elle dessine elle-même le mobilier jusqu’à une image de marque où la commande photographique joue un rôle majeur.
19C’est cet aspect de son travail qu’elle souhaite présenter au Centre Pompidou. Le musée est ainsi contacté par la société Comme des Garçons afin d’organiser une exposition de photographies réalisées pour la marque. Celles-ci font alors déjà l’objet d’une publication chez l’éditeur japonais Chikumashobo. Les premiers échanges entre Marcel Bonnaud, responsable des espaces communs du Centre, et Alain Sayag, conservateur des collections photographie et du service presse de la marque, permettent de convenir d’un accrochage du 7 au 27 octobre 1986 dans la Galerie du forum, lieu de passage et de rencontre, emblématique de l’architecture du Centre21. Baptisée « Mode et photo, Comme des Garçons », l’exposition rassemble trente-cinq œuvres de Peter Lindbergh, Arthur Elgort ou encore Steven Meisel [FIG. 4]. Si l’organisation de l’événement est entièrement à la charge de la marque, et pourrait se concevoir comme une opération promotionnelle, l’implication d’Alain Sayag déjoue en partie cette idée. L’exposition succède en outre à celle consacrée à la photographe Deborah Turbeville dont il a la charge également, présentée dans cette même galerie. Son point de vue s’exprime aussi dans un court texte pour la brochure de l’exposition. C’est donc en somme l’occasion de questionner plus avant le genre qu’est la photographie de mode – qui donne à voir le corps en mouvement et le vêtement porté – et notamment dans le cas de cette « mode japonaise [qui] fait partie intégrante de notre univers22 ».
Fig. 4. Affiche de l’exposition « Mode et photo, Comme des Garçons », Galerie du forum, Centre Georges Pompidou, 1986.

Archives du Centre Pompidou, Cote : AF93000799.
20À quelques semaines tout juste de l’ouverture de la grande exposition que le musée consacre au « Japon des avant-gardes, 1910-1970 », c’est à nouveau cette expression qui, par glissement, va servir à qualifier le travail de Rei Kawakubo. « Que savons-nous de l’aspiration à la modernité, de la volonté de créer un art d’avant-garde au Japon ? Ces mouvements se manifestent presque au même moment qu’en Europe. Pourtant, l’art moderne japonais est aujourd’hui encore méconnu23. » On retrouve ainsi un contexte relativement similaire – mais semble-t-il moins coordonné – que dans le cas d’Helmut Lang et l’exposition viennoise : le musée ne consiste pas tant en un espace symbolique doté d’une aura culturelle qui pourrait se reporter sur les créateurs et leurs collections, il construit davantage un cadre de réception pour appréhender leurs œuvres. « Au sein de cette petite phalange de japonais parisiens, Rei Kawakubo, fondatrice en 73 de “Comme des garçons” est de ceux qui ont le mieux contribué à imposer ce style “minimal, austère et puritain” et qui l’ont fait en utilisant d’abord la photographie de mode24 » note Alain Sayag, insistant là encore sur l’importance de cette culture visuelle à même d’éclairer les intentions de Rei Kawakubo et ses vêtements. À l’aune des récits que présenteront Germain Viatte et ses collaborateurs dans leur « Japon des avant-gardes », le public peut comprendre le travail de la créatrice tokyoïte dans la continuité des échanges entre les deux pays (de Charlotte Perriand à Le Corbusier), mais surtout comme l’expression d’une créativité propre à la culture japonaise moderne que le musée s’est donné comme objectif d’expliciter. « Rares sont les images impeccables et flatteuses qui mettent en valeur la coupe ou la matière d’un vêtement, ce qui domine ce sont des images floues, bougées, plus évocatrices que descriptives et qui donnent une impression de bien-être et de liberté. L’être a remplacé le Paraître25 », conclut alors Alain Sayag.
21Directeur du CCI à partir de 1983, François Burkhardt a marqué un temps nouveau pour l’institution, favorisant notamment les expositions monographiques dédiées aux grandes figures du design du xxe siècle. S’il participe à l’exposition sur le Japon, on notera que le design y est bien représenté, mais la mode étonnamment absente. Pour pallier ce manque, et visiblement conscient de la pertinence du sujet, il demande à ses collègues – il semblerait en vain – l’organisation d’une journée d’animation intitulée « Créateurs de mode japonais » qu’il aimerait voir se tenir en janvier 1987. Il précise qu’il serait intéressant d’y faire intervenir Issey Miyake, Yohji Yamamoto, ou encore Comme des Garçons ou Kenzo – soit les noms les plus importants de la scène parisienne26. On pourrait ici voir un parallèle se dessiner entre les expositions que conçoit François Burkhardt : outre la succession des grandes figures, ainsi d’Achille Castiglioni (1985), Le Corbusier (1987) ou Carlo Mollino (1990), il porte également son attention sur les « nouvelles tendances » de cette fin du xxe siècle avec Ron Arad, Hans Hollein, Alessandro Mendini ou encore Philippe Starck. Mais ces lectures contemporaines comme plus rétrospectives ont aussi l’originalité d’être mises en scène par des designers : c’est donc Castiglioni qui assure la scénographie des « Culture de l’objet : design, arts plastiques, architecture » (1989), Mendini qui travaille sur la rétrospective Mollino.
22En 1987, François Burkhardt écrit au réalisateur Wim Wenders, dont le musée vient tout juste d’exposer les photographies, pour lui présenter une idée originale : « Le Centre de Création Industrielle, que je dirige, souhaite présenter une série de grands créateurs de mode, tels que Jean-Paul Gaultier, Yamamoto… Au cours d’un entretien avec Yohji Yamamoto où nous avons évoqué ce sujet, nous avons pensé que vous étiez la personne la plus compétente pour réaliser son portrait27. » Le film, que co-produira le Centre, sort deux années plus tard et s’intitule Au pied de la montagne, avant d’être rebaptisé Carnet de notes sur vêtements et villes. Il retrace les mois d’échanges entre le créateur de mode et le réalisateur, de Tokyo à Paris, offrant une perspective singulière sur son processus de création, avec en arrière-plans ces deux cultures urbaines, architecturales comme vestimentaires [FIG. 5]. On retrouve le principe de regards croisés tel que François Burkhardt le concevait pour ses expositions de design – ici la demande faite d’un faiseur d’images à un autre.
Fig. 5. Extrait du film de Wim Wenders, Carnets de notes sur vêtements et villes, 1989.

Ref : NOCO5©WWS.
23À la suite de l’exposition des photographies des collections de Rei Kawakubo, il est aussi intéressant de souligner la prégnance de cette culture visuelle de la mode qui semble alors primer, au Centre Pompidou, sur la mise en exposition des vêtements eux-mêmes. Si elle peut être due à la nature pluridisciplinaire de l’institution, qui croise volontiers les pratiques et modes d’expression, cette prégnance peut également s’expliquer par la familiarité des équipes avec la photographie et le cinéma – leurs spécificités, leur histoire comme leur mode d’exposition. Ce faisant, ces différentes initiatives détachent précisément l’exposition de mode de cet écueil du « bel objet », de cette fétichisation d’une marchandise consacrée comme œuvre d’art et dont les musées du costume sont alors – et toujours – largement tributaires. Exposer la mode sans vêtement, c’est raconter l’originalité de cette chaîne industrielle, partager la singularité de sa genèse comme de ses modes de diffusion. Lorsque Wim Wenders filme ainsi Yohji Yamamoto lors de séances de travail, permettant au spectateur d’appréhender son rapport à la coupe et à la construction, central dans l’écriture de son style, le réalisateur est fidèle aux missions du CCI : celles d’expliciter les rouages de la conception et de l’esthétique industrielles. Les mentions placées aux génériques d’ouverture et de fin vont précisément en ce sens : il est rappelé aux spectateurs dès les premières secondes du film que celui-ci existe « avec la participation du Centre National d’Art et de Culture Georges Pompidou » et « sur une proposition de François Burkhardt, Directeur du Centre de Création Industrielle ».
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24Le projet qui associe Wim Wenders et Yohji Yamamoto constitue un temps fort dans la programmation du Centre Pompidou. Il semble aussi stimuler les réflexions sur la pertinence à faire exister la mode en son sein. Les idées fusent alors : « nous réfléchissions, avec Jean-Paul Gaultier, sur la mise en place d’un événement original traitant de l’expression sonore de la mode », écrit ainsi François Burkhardt à son président. « D’autres événements devraient avoir lieu au cours des années 1990-1991, entre autres avec Madame Kawakubo (“Comme des Garçons”) »28 précise-t-il, laissant ainsi augurer d’une suite à l’exposition de 1986. Séminaires, numéro spécial des Cahiers du CCI… la dynamique semble résolument enclenchée afin de créer ce singulier espace critique pour la création de mode.
25Mais quelques indices laissent déjà présager d’un tournant aux implications plus politiques. Lorsque Jean Maheu écrit à Jack Lang pour l’inviter à l’avant-première du film de Wim Wenders, il lui présente un programme plus complet comportant la marque de soutien de l’organisme de financement, le DEFI, et associant le nouvel Institut français de la mode fondé par Pierre Bergé aux manifestations envisagées. De manière « opportune », ainsi que s’en défend François Burkhardt, une exposition des photographies des collections d’Yves Saint Laurent, que dirige Bergé, ouvre le calendrier de son année 1989, consacrée à la mode. Quelques années plus tard, en janvier 2002, Bergé et le couturier choisiront le Centre Pompidou comme dernière scène pour un défilé d’adieu29. Depuis lors, les expositions et projets du musée consacrés à la mode se sont raréfiés – pour ne pas dire arrêtés. C’est en tant que mécènes que les groupes de luxe apparaissent de manière récurrente sur les murs des galeries d’exposition, Bergé et Saint Laurent ayant notamment contribué à hauteur de 10 millions de francs à la rénovation des salles des collections historiques lors de la réouverture du musée en 2000.
26En 2022, le Centre Pompidou fait partie des six musées parisiens participant à l’exposition « Yves Saint Laurent aux musées » et semble renouer avec cet intérêt pour la mode, caractéristique de ses débuts. Mais la sélection d’œuvres issues des collections de haute couture du créateur, l’accent mis sur les références à des motifs empruntés à l’histoire de la peinture moderne sont aux antipodes de ce que défendaient les acteurs du Centre de création industrielle. L’esthétique du luxe s’est substituée à l’esthétique industrielle, et la chaîne de production allant de l’image à l’objet qu’il convenait autrefois d’expliciter devient une chaîne de production de valeurs – symboliques et financières – que le dispositif de l’exposition consacre. Un changement de paradigme qui inscrit le musée comme la mode dans un nouvel âge industriel, caractéristique du xxie siècle, toujours en attente de son « espace critique ».
Notes de bas de page
1« La traversée des apparences : quand la mode s’invite au musée », Centre Pompidou, 24 janvier-22 avril 2024.
2Mark Wigley, White Walls, Designer Dresses: The Fashioning of Modern Architecture, Cambridge, MIT Press, 1995 ; Nancy Troy, Couture Culture: A Study of Modern Art and Fashion, Cambridge, MIT Press, 2003.
3A posteriori très symbolique sur ce point, la soirée caritative organisée au profit du château de Versailles en 1973 marquera en ce sens les esprits : les cinq créateurs américains représentatifs des possibilités offertes par le système productif de la confection, notamment celui associé à la 7e avenue de New York, font par ce défilé la démonstration de leur pertinence créative. Voir notamment Robin Givhan, The Battle of Versailles: The Night American Fashion Stumbled into the Spotlight and Made History, New York, Flatiron, 2026.
4Bernadette Dufrêne (dir.), Centre Pompidou, trente ans d’histoire : 1977-2007, Paris, Éd. du Centre Pompidou, 2007.
5Sur les transformations de ce secteur industriel, voir Didier Grumbach, Histoires de mode, Paris, Éditions du Regard, 1993.
6Tomoko Okawa, « Licensing Practices at Maison Christian Dior », dans Regina Blaszczyck (dir.), Producing Fashion: Commerce, Culture, and Consumers, Philadelphie, Universtity of Pennsylvania Press, 2009, p. 82-107.
7Caroll Maréchal, « Le Centre de création industrielle, de sa création à son annihilation (1968-1992) », Problemata, 2021 (http://problemata.org/fr/articles/322, consulté le 2 août 2024).
8Dès 1972, le Centre de création industrielle (CCI) se trouve rattaché à l’Établissement public du Centre Pompidou (EPCB), l’année suivante une convention est signée avec l’Union centrale des arts décoratifs (UCAD) pour permettre l’intégration complète de ses équipes et projets. En 1976, le CCI est positionné auprès du Musée national d’art moderne (MNAM) comme l’un des deux départements du Centre Pompidou. Dufrêne (dir.), Centre Pompidou…, op. cit.
9Installée dans la Galerie du forum, elle fait partie de celles présentées dès l’ouverture du Centre selon un parti pris plus « journalistique », sous forme de posters. Voir « Retour sur la naissance et l’histoire du Centre de création industrielle avec Raymond Guidot », un entretien avec Bernadette Dufrêne, 27 avril 2021 (https://www.centrepompidou.fr/en/magazine/article/retour-sur-la-naissance-et-lhistoire-du-centre-de-creation-industrielle-avec-raymond-guidot, consulté le 2 août 2024).
10« Points de repères », dans La mode en direct, cat. expo., Paris, Centre Georges Pompidou, 1985, p. 27.
11Gérard Lefort, « La mode dans la rue : porte à porte », dans La mode en direct, op. cit., p. 13-20.
12Connaissance des Arts, 392, 1984.
13La mode en direct, op. cit., p. 49.
14On rappellera ici « Paris-New York » en 1977, « Paris-Berlin » l’année suivante, ou encore « Paris-Moscou, 1900-1930 » en 1979.
15Communiqué de presse de l’exposition (https://www.centrepompidou.fr/media/document/53/ee/53ee125216acbdfc7867474c09d50809/normal.pdf, consulté le 2 août 2024).
16Archives institutionnelles du Centre Pompidou, PP-69-70, Lettre de Klaus Lukas à Jean Maheu, 31 janvier 1986.
17Michel Cressole, « Une lancinante variation en jersey zippé », Libération, 24 mars 1986.
18Olivier Zahm, « Langfroid: A Project for Artforum by Helmut Lang », Artforum, 34/2, octobre 1995, nous traduisons.
19Farid Chenoune et Sandrine Boury-Heyler, « Helmut Lang, la mode sans frontière », Mixte, 15, 2001, p. 87.
20Mohand Mestiri, « L’empire contre-attaque », Le Monde, 8 mai 1983.
21Léa-Catherine Szacka, « Quand la ville entre au musée : les expositions comme média d’analyse, d’invention, d’appréhension et de projection du territoire urbain (Centre Pompidou, 1969-1994) », Cahiers du CAP, 2, 2015, p. 193-218 (10.4000/books.psorbonne.7404, consulté le 2 août 2024).
22Alain Sayag, texte du dépliant de l’exposition « Mode et photo, Comme des Garçons », 7-27 octobre 1986, Archives institutionnelles du Centre Pompidou.
23Communiqué de presse du catalogue de l’exposition « Japon des avant-gardes, 1910-1970 », Centre Pompidou, 11 décembre 1986-2 mars 1987.
24Sayag, op. cit.
25Ibid.
26Archives institutionnelles du Centre Pompidou, Lettre de François Burkhardt à Raymond Guidot, 24 novembre 1986.
27Archives institutionnelles du Centre Pompidou, Lettre de François Burkhardt à Wim Wenders, 25 novembre 1987.
28Archives institutionnelles du Centre Pompidou, FB/SF/DIrn° 541D, François Burkhardt, « Note pour le président », 4 août 1988.
29La première collection de la maison de couture fondée par les deux hommes ayant été présentée en 1962, Yves Saint-Laurent se retire après quarante années de création. Leur entreprise a été revendue à Gucci, alors filiale du groupe Pinault-Printemps-Redoute (PPR) détenu par François Pinault en 1999.
Auteur
Émilie Hammen est professeur junior en histoire de l’art à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, titulaire de la chaire Fashion Heritage. Elle enseigne également dans le parcours « Théorie et pratique de la mode » en partenariat avec l’Institut français de la mode. Ses travaux portent sur l’histoire de la mode, notamment dans une approche historiographique, de ses rapports aux autres pratiques artistiques à son processus de patrimonialisation. Elle coordonne par ailleurs différents projets de recherche et publications collectives interrogeant la culture matérielle et l’histoire des techniques de la mode et des vêtements. Sa thèse intitulée L’idée de mode. Une nouvelle histoire a paru aux éditions B42 en 2023. Elle a également dirigé un numéro de la revue Perspective, actualité de la recherche en histoire de l’art (Institut national d’histoire de l’art), intitulé Mode(s).

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