Une anatomie du défilé
Martin Margiela et sa troupe dans les années 1990
p. 98-118
Texte intégral
1Le 23 octobre 1988, au Café de la Gare à Paris. C’est le premier défilé de la Maison Martin Margiela et, déjà, l’un des principes clés en est pour le mannequin de quitter le podium. Vieux théâtre plein de bancs, le Café de la Gare est saturé par les bavardages de la foule d’invités. Puis le défilé débute. S’enchaînent du hard-rock et du rock des années 1970. Les modèles ont les cheveux brossés lâchement vers l’avant, l’œil noirci et la lèvre rouge. Un linceul de coton blanc, qui part de la scène et louvoie à travers le public, signifie la trajectoire empruntée par les mannequins. Plus qu’un simple revêtement supposé indiquer le chemin du modèle, cette traînée de coton blanc est partie prenante de la performance1. Avant d’entamer leur procession, chaussées des bottes fendues Martin Margiela, les mannequins trempent leurs chaussures dans de la peinture rouge. Ce linceul blanc est donc la toile sur laquelle les performeuses vont laisser la trace de leur passage.
2Le ton est donné. Un travail de déconstruction du défilé de mode, qui va s’étaler sur l’intégralité des années 1990, et sur le début des années 2000, quelques années avant le départ de Martin Margiela de sa maison, débute alors. Si l’on a pu prêter à ce dernier une approche déconstructiviste – l’entendre au sens des idées derridiennes –, elle n’en a en réalité que l’apparence ou l’idée de surface. Parce que les collections de Martin Margiela explorent des principes de construction et de reconstruction du vêtement, sans dissimuler ses coutures ou les bords francs du tissu, la critique va engager le mouvement déconstructiviste en le dénaturant, et en lui prêtant hâtivement le sens de destroy. Résultat d’une analyse formelle plutôt rapide qui engage un mouvement complexe sans pour autant en étudier le sens et la portée conceptuelle : la mode déconstructiviste de Martin Margiela est conceptualisée à partir du déconstructivisme architectural2, interprétation des concepts derridiens qui s’en éloigne déjà. Cette manière de lire les propositions de la Maison Martin Margiela va pourtant perdurer3.
3Pour éviter cet écueil, on préférera parler, dans le cadre des défilés Martin Margiela, non pas d’une déconstruction du défilé et de ses principes, mais plutôt d’une méticuleuse dissection de ce dernier, en tant qu’il est un mode de présentation et de communication, et donc le véhicule des pensées de la maison. C’est en ce sens que l’on peut rapprocher Martin Margiela et ses équipes d’une démarche situationniste, comme cela a déjà pu l’être fait. Loin de répéter inconsciemment un modèle établi par ses prédécesseurs, deux fois par an, sur plus de vingt ans, le couturier et sa troupe vont déployer pour chaque collection une série de stratagèmes, pour certains, en toutes lettres situationnistes, visant à véhiculer et transmettre au mieux leurs idées et intentions4. L’influence situationniste relevée est toujours celle de l’emploi de la dérive : au départ, errer dans la ville, s’abandonner « aux sollicitations du terrain et [aux] rencontres qui y correspondent5 » ; ici, amener la mode dans des lieux rarement considérés à cet effet6. Pourtant, ce qui va être caractéristique d’une approche situationniste de la part de la Maison Martin Margiela, ce sont leurs détournements du défilé. Entendre ici le stratagème du détournement, « le détournement d’éléments esthétiques préfabriqués7 », signature situationniste8 plus englobante des principes du mouvement que la seule dérive.
4Martin Margiela et sa troupe ne proposent pas des défilés situationnistes, ou de « style situationniste9 », mais font un usage situationniste de ses moyens10, voire de ceux de la société du spectacle11. Situationniste dans le sens où les contextes de présentation choisis sont caractéristiques d’une forme de déjà-là architectural ou scénographique quand les équipes font « usage de la ville présente » pour en « exploiter les décors actuels », ce qui constitue un « maniement du détournement architectural »12. Mais aussi situationniste quand la maison rejette les principes qui font du spectateur un public passif, pour au contraire l’inviter à participer, à prendre part à la situation créée, au défilé13. Si prouver les influences situationnistes de la Maison Martin Margiela, ou plus particulièrement du créateur lui-même, n’est pas une fin en soi, leur emploi de stratagèmes en apparence et en effet situationnistes nous servira de fil tenseur tout au long de ce texte, pour lire et analyser les principes de mise en scène déployés par la maison dans les années 1990 en ce qu’ils ont d’avant-gardiste ou de subversif pour l’époque et l’idée du défilé de mode.
Abattre la carte. De l’espace du défilé aux non-lieux
5Théâtre pas comme les autres, le Café de la Gare, scène du premier défilé de la Maison Martin Margiela le 23 octobre 1988, est déjà une forme de déplacement de la mode, et de ses lieux, opéré par le couturier. Il ne choisit pas là l’un des nombreux théâtres à l’italienne bourgeois parisiens, mais une scène collective, sans formalisme. Initiative de comédiens, pour des comédiens, le Café de la Gare reste modeste. La salle n’est pas particulièrement jolie, les assises sont de simples bancs en bois : Martin Margiela n’inaugure pas sa maison dans un lieu fort décoré et choisit quelque chose de presque banal, un peu désuet. Cette décision n’est pas simplement liée à un goût pour le vulgaire, entendre « commun ». Elle représente un premier effort de Martin Margiela, et de ses équipes, pour déployer une conception du défilé de mode singulière, détachée de toute géographie conventionnelle et établie.
6Cette remise en question des lieux de la mode – et cette quête, presque amusante, de l’espace de parade le moins conventionnel, le plus inattendu – est une des caractéristiques principales de ce que nous appellerons le « défilé Martin Margiela ». Effort situationniste, comme dit plus haut, de déjouer, de détourner la société du spectacle et les moyens qu’elle met en œuvre. Les défilés Martin Margiela imposent à leur public de réfléchir l’industrie du vêtement de mode, et sesdits lieux, autrement. Le 19 octobre 1989, passage Josseaume, entre la rue des Haies et la rue des Vignoles dans le 20e arrondissement, la maison opère un premier transfert notoire. Nous sommes « sur un terrain vague cerné par les immeubles condamnés, au milieu des gravats et des bombages de graffitis14 ». Une tente a été installée dans le but d’accueillir la centaine de personnes qui constituent le public du défilé de la collection été 1990. Les chaises sont perchées sur les gravats ou des tas de terre aménagés15. Quelques jours auparavant, ont été envoyées des invitations peintes à la main par les enfants du quartier sur des bouts de carton : Martin Margiela appelle à quitter la Cour carrée du Louvre pour venir assister à son défilé16. Sur un fond de musique rock, les mannequins paradent à même le sol, par moments sur du béton, à d’autres dans l’herbe et les débris. La polémique autour de ce défilé naît de la confrontation culturelle et économique entre industrie de mode et quartier populaire. Une partie de la presse la voit d’un mauvais œil, la juge obscène17.
7Le malaise produit par ce type de décalages géographiques sera cultivé et réactivé par Martin Margiela à différentes occasions, même jusqu’en 2000, avec le défilé hiver 2000-2001. Nous sommes le 2 mars, la maison invite le public à se rendre dans les entrepôts du Sernam, une entreprise de transport de colis, à Pantin, où on installe les invités dans des trains de marchandises. « Martin Margiela est allé trop loin. Les prendre pour des bestiaux a créé un malaise et rappelé de terribles souvenirs18. » Ce malaise que créent Martin Margiela et ses équipes est un des éléments qui va amener le public dans une position de spectateur actif. Parce que celui-ci n’est pas dans un contexte auquel il est habitué, parce que la situation le dérange ou l’incommode, le défilé est interrogé. Les moyens mis en œuvre, les vêtements, sont regardés plus attentivement, et les intentions des équipes, passées au crible. Déranger c’est déstabiliser un ordre établi. Et on peut dire que les défilés Martin Margiela dérangent, dans le sens où ils désorganisent la conception du défilé dans les années 1990.
8Martin Margiela et sa troupe décortiquent le défilé, les parties qui le composent. Alors que ce dernier est à l’époque associé à la Cour carrée du Louvre, on la quitte. Les défilés se tiennent dans des salons, des musées, des théâtres. Pourquoi ne pas se rendre dans des parkings ? Des souterrains ? Des supermarchés ? On pourrait lire les défilés de la Maison Martin Margiela et y voir une constance : un goût pour le non-lieu. Les situationnistes invitent à la dérive pour user de la ville et de ses plus particuliers urbanismes. Marc Augé, lui, parlera de « non-lieux », soit des espaces transitoires, généralement des endroits de passage ou passagers. Des « lieux de hasard et de rencontre19 », avec des sollicitations spécifiques et les rencontres qui y correspondent20. Des lieux qui existent sans représenter une communauté, sans être des espaces relationnels ou liés à l’histoire21. Des lieux qui n’en sont pas, des non-lieux, des lieux en absence de situation, de définition stable. C’est la façon d’habiter, d’occuper ces espaces qui vont faire d’eux, le temps de l’occupation, des lieux ; et plus particulièrement dans notre cas, des cadres de défilé. Le terrain vague du 20e arrondissement en est le premier exemple. D’autres suivront : en mars 1990, les mannequins défilent accompagnées de percussions africaines dans le corridor d’une ancienne gare ferroviaire, utilisée comme entrepôt de camions22 par les services de messageries et de douane23 de la rue Pajol (9e arrondissement) [FIG. 1] ; le 18 octobre 1990, elles paradent au creux d’un « garage en démolition24 » au 5/7 rue du Delta (18e arrondissement). Martin Margiela investit bien des non-lieux en en faisant les décors de ses défilés. Les situations produites constituent des mises en scène qui explorent le détournement architectural : les éléments de décor sont pauvres, voire inexistants. On occupe le non-lieu tel qu’il est. Parfois, on l’habille, sinon on l’éclaire et on y installe un système de son. Les cas où le site semble maquillé, dénaturé, sont rares.
Fig. 1. Vidéogrammes du défilé Maison Martin Margiela hiver 1990-1991, 12 minutes 56 secondes, mars 1990.

Paris : Maison Martin Margiela.
9Ce sont les moyens techniques mis en œuvre dans le cadre de l’occupation des lieux qui vont indiquer la mise en scène, le côté programmé du défilé. C’est le cas de celui du 17 octobre 1991 qui a lieu à la station de métro Saint-Martin, au numéro 20 du boulevard du même nom (10e arrondissement), hors d’usage depuis 1939. Mille six cents cierges d’église en cire d’abeille sont fixés aux rambardes pour éclairer les trois principaux escaliers25. Les modèles descendent et grimpent les marches sur la bande-son d’une foule qui applaudit à un concert de rock. Les cierges éclairent le passage des mannequins, et sont en même temps un élément de décor. Objet à la fois pratique et esthétique puisqu’il produit une certaine atmosphère, qui diffère d’un éclairage artificiel. Mais l’artificiel n’est pas ipso facto un antonyme du défilé Martin Margiela. En octobre 1993, pour la collection été 1994, une sélection des vêtements des collections précédentes est présentée dix jours durant dans un supermarché désaffecté. La grande surface comme showroom. Analogie pas tout à fait détachée de la réalité. On y installe également un atelier de la production « Artisanal » de la maison, proche d’une zone de projection où sont diffusées des images des présentations des dix précédentes saisons. Là encore, Martin Margiela et ses équipes contournent les conventions. Ils ne présentent pas une nouvelle collection, ils surteignent en gris les vêtements de leur choix des anciennes collections et mettent en scène l’autoréférence dans un supermarché, avec dix modèles et des vidéos des précédents défilés. Leur production n’est pas caduque après dix saisons, et il s’agit de le rappeler dans un contexte qui évoque ostensiblement la surconsommation qu’ils dénoncent.
10Déjouer les contextes, lesdits lieux de la mode ; habiter, le temps d’un défilé, les non-lieux de l’urbanisme contemporain : ce sont différentes manières de qualifier l’effort de la Maison Martin Margiela pour présenter ses collections d’une façon qui lui est propre. Sans s’attacher à un modèle, une idée convenue du défilé de mode, le couturier et ses équipes vont détourner, disséquer ce dernier pour l’adapter au message qu’ils veulent partager. Et si l’on a pu voir que cela se faisait parfois sans trop de théâtralité, avec des moyens simples, dans des lieux – presque – courants, d’autres parades de la maison ont exploré la question des espaces transitoires de manière plus spectaculaire, avec des performances élaborées, qui questionnent davantage le rôle et la place du spectateur.
Hasard et protocoles. Remettre en jeu le rôle du spectateur
11Les quatre murs sont brisés. Dès le 23 octobre 1988, au Café de la Gare, les modèles quittent la scène, leur podium, pour intégrer et se faufiler dans les rangs du public. Les frontières sont floutées, le rôle du spectateur est remis en question. Le défilé du 19 octobre 1989 achève d’annoncer la porosité du « spectacle Martin Margiela ». Les enfants du 20e arrondissement deviennent graphistes – pour les invitations –, mais avant tout ils assistent et participent à l’événement. Ils se jettent des cailloux et imitent les modèles, pour finalement se joindre à elles26. On accusera Martin Margiela de changer « les petits gosses noirs […] en bibelots faire valoir des filles qui défilaient27 ». Pourtant, ce défilé et son organisation sont le fruit d’une collaboration. « Le choix du terrain vague n’est pas une pure fantaisie esthétique […] il s’inscrit dans une suite d’actions menées aux côtés de deux éducateurs aventureux, pour les enfants du quartier28 », explique l’attaché de presse, Pierre Rougier. Le défilé Martin Margiela s’avoue ressembler à un protocole de performance. Un dispositif scénique ouvert, préparé abondamment en amont, et qui, le jour J, laisse place à tous les hasards. Peter Brook, metteur en scène qui conceptualise et écrit sur son théâtre, dit : « Je peux prendre n’importe quel espace vide et l’appeler une scène. Quelqu’un traverse cet espace vide pendant que quelqu’un d’autre l’observe, et c’est suffisant pour que l’acte théâtral soit amorcé29 », soulignant bien le rôle du spectateur pour faire spectacle. Le public est « partenaire », ce qui « implique une expérience partagée, dès que le contact est établi »30. Cette mise à mal du défilé comme dispositif fermé – mode de présentation où la rupture entre spectacle et témoin est franche –, pour favoriser au contraire un spectacle où le spectateur prend part, fait lui-même défilé, est équivalente à un effort situationniste de la part de Martin Margiela. Pour défaire la société du spectacle, il faut inviter les regardeurs à quitter leur place de public béat, et les « réduire à l’action31 », car « [l’]inertie est la plus grande des forces connues32 ».
12Pour ce faire, Martin Margiela et ses équipes développent des modes de présentation qui font disparaître les frontières du défilé entre spectacle et action : les mannequins défilent dans le public, parfois même l’auditoire défile parmi les modèles. C’est le cas en mars 1991 quand la présentation de la collection hiver 1991-1992 a lieu dans le showroom de la marque sous la forme d’une journée portes ouvertes. On invite le public à se déplacer de pièce en pièce, jusqu’à une dernière salle entièrement blanche où les mannequins lancent des confettis de la même couleur. Cette idée d’un parcours de spectateur permet de deviner les influences artistiques qui ont pu inspirer Martin Margiela et ses équipes. Allan Kaprow, artiste américain fondateur pour le champ de la performance, déploie ce même mouvement de l’assistance, de pièce en pièce, en 1959, dans un des premiers happenings33, sinon le premier, intitulé « 18 Happenings in Six Parts », à New York. La frontière spectateur-performeur est aussi brouillée à l’occasion du défilé du 10 octobre 1994, pour la collection été 1995, au théâtre de la Potinière (2e arrondissement), quand les modèles s’installent aux côtés du public pour regarder une vidéo projetée sur scène, avant de quitter leurs sièges, sur des percussions africaines, pour se rendre sur l'estrade et mettre en avant les vêtements, accompagnées d’un jeu de lumière [FIG. 2].
Fig. 2. Vidéogrammes du défilé Maison Martin Margiela été 1995, 9 minutes 30 secondes, 10 octobre 1994.

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13Martin Margiela et ses équipes font de l’expérience du spectateur le nerf même de la performance quand ils organisent, le 15 octobre 1992, une présentation simultanée de la nouvelle collection été 1993 dans deux endroits différents. Les personnes invitées sont conviées à se rendre à un des deux défilés. Il est impossible d’assister aux deux, puisqu’ils ont lieu au même moment, ou de choisir celui auquel participer. Certains spectateurs doivent se rendre au 2 rue Carpeaux, les autres au 8 cité Véron, dans le 18e arrondissement. Le cimetière de Montmartre sépare les deux destinations. Le défilé rue Carpeaux a lieu dans un hôpital désaffecté de Montmartre, les vêtements qui y sont présentés sont blancs. À l’inverse, la présentation cité Véron est noire. Elle a lieu dans un garage adjacent à une vieille maison, non loin de Pigalle. Les vêtements y sont noirs et, comme les premiers, réalisés pour certains à partir d’anciens costumes de théâtre style Renaissance et xviiie siècle. Le défilé n’est plus un spectacle à proprement parler qui aurait lieu devant un public donné. Ici, il se scinde en deux performances qui n’en font pourtant qu’une seule. C’est le spectateur dans son récit de l’expérience qui recompose la collection en échangeant avec ses semblables de l’autre adresse. Le public ne se contente plus d’assister à une représentation, il la fait vivre en la communiquant. Le partage des expériences est imposé à la presse qui veut pouvoir parler de l’ensemble de la collection. Travail d’enquête, de récollection des faits. Le défilé existe au-delà des deux seules performances. Il en est le tout. Et pour en recomposer les parties, on compte sur l’assistance.
14Forts de cette expérience, la présentation de la collection hiver 1997-1998, qui a lieu le 13 mars 1997, pousse davantage l’aspect happening. Cette fois, c’est la Maison Martin Margiela qui va à la rencontre de son audience, que celle-ci ait été prévenue ou non, qu’elle s’intéresse à la mode ou pas. Au programme, trois lieux de défilé : 10 h 30, la galerie couverte du club La Java à Belleville ; 11 h 45, celle de la salle de concert Le Gibus, vers République ; 15 heures, la Ménagerie de Verre, un espace dédié à la danse, à Parmentier [FIG. 3]. Pour les invités, on estampille de nombreuses variétés de cartes promotionnelles de la ville de Paris avec les indications pour l’un des trois lieux de présentation. Un bus transportant une fanfare de 35 personnes quitte Bruxelles, en direction de Paris, à 5 heures pour retrouver un second car, qui transporte les trente-cinq modèles, à la première destination, La Java. La foule d’invités, rejointe par les badauds, pouvait voir l’arrivée des cars qui amenaient le défilé : la musique et les modèles. La Ménagerie de Verre a à peine été utilisée puisqu’il a été décidé, à la dernière minute, que les mannequins marcheraient au beau milieu de la foule qui les attendait dans la rue34. Ici, pas de théâtre, mais des lieux du quotidien d’une certaine scène parisienne. Et les endroits choisis ne sont pas indispensables au défilé, le protocole de performance change jusqu’au dernier instant. L’heureux hasard chaleureusement reçu. Un défilé en dérive, un parcours dans Paris, en route depuis Bruxelles pour certains. La présentation Martin Margiela n’est pas que le propre d’une scène, d’un lieu établi, on a pu le voir plus haut. Différents éléments la constituent, et ces éléments sont variables à chaque défilé. Dans celui-ci, en mars 1997, il était fait d’un public, d’une fanfare, des trente-cinq mannequins et de leurs deux cars.
Fig. 3. Vidéogrammes du défilé Maison Martin Margiela hiver 1997-1998, 10 minutes 18 secondes, 13 mars 1997.

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15Mais si le défilé-performance Martin Margiela s’affranchit parfois – souvent – des contextes bâtis à cet effet, les équipes savent tout de même tenir un spectacle en salle. La présentation de la collection été 1998, le 14 octobre 1997, en est une preuve. Un protocole de performance est déployé, la mise en scène est imposante. Ce défilé est organisé dans la salle des Gens d’armes, à la Conciergerie (1er arrondissement), en collaboration avec Comme des Garçons. Le rapprochement des deux maisons est dû à la proximité de leurs ambitions, méthodes et idées. On invite ainsi un même public à assister aux deux présentations successives : chaque invité reçoit ses deux invitations dans une même enveloppe. La salle accueille l’installation de chacune des entreprises, à l’une et l’autre de ses extrémités. Dans le cas de Martin Margiela, cinq tours de cinq mètres de haut, recouvertes de coton blanc, se dressent dans l’espace. Vingt hommes d’âges différents entrent dans la salle en poussant, en direction de chacune des tours, des portants de vêtements, recouverts de coton blanc eux aussi. Les lumières s’éteignent. Une projection commence. On présente un ensemble de dix tenues avec dix segments vidéo d’une minute accompagnés de dix extraits audios où l’on entend une voix haute et stridente sur un fond musical qui varie du punk au classique. Entre chaque film, un texte qui décrit les vêtements venant d’être montrés apparaît sur la tour, pour une durée d’une minute trente. Pendant que ce texte est projeté, chacun des quatre hommes qui se tiennent devant chaque tour approche du public les vêtements vus dans le segment vidéo. Ils sont éclairés par de vifs projecteurs. Des bruits de foules – du concert de rock au match de football – envahissent le système de son pendant que le texte est projeté. Les vêtements sont sur des cintres. Avant que le prochain segment de film ne débute, les quatre hommes se déplacent vers l’écran suivant, où le film qui vient juste d’être montré à un public sera projeté pour le suivant. Les cinq groupes d’hommes se déplacent de tour en tour, faisant le circuit complet deux fois, échangeant les vêtements qu’ils transportent au milieu, jusqu’à ce que l’intégralité du public invité en face de chacune des cinq tours ait vu la totalité des dix segments de film et les dix groupes de vêtements.
16Ce protocole, cette chorégraphie, montre à quel point les défilés de la Maison Martin Margiela ne sont pas qu’un désordre organisé. Chacun montre une abondance de paramètres, d’éléments de coordination préparés en amont. Ce qui est caractéristique de ces défilés, des théories situationnistes et de la performance, c’est cette place accordée au libre arbitre du spectateur. L’idée de ne pas le laisser se prélasser dans un rôle de pure passivité. Une fois que tout le monde a vu tous les dix films et groupes de vêtements du défilé d’octobre 1997, « The End » est peint à la peinture rouge sur les cinq tours, chaque fois dans une langue différente. Les cinq groupes d’hommes repoussent alors les portants de vêtements en dehors de l’espace de représentation.
17Martin Margiela et ses équipes sont un tout. La place du spectateur est développée de telle sorte que les vêtements existent dans leur interaction avec, leur réception par, un public. La marque, l’identité des uns ou des autres, n’est pas le but. Les protocoles de présentation déployés ont pour fonction de déjouer les attentes du défilé. Bousculer le public usuel, en attirer un nouveau. Quitter la géographie accoutumée de l’industrie du vêtement de mode est un stratagème, les protocoles de performance mis en œuvre en constituent d’autres, mais celui qui va soutenir tout cela, c’est peut-être l’effacement de soi, l’anonymat.
Plus de figure. Le metteur en scène en retrait, la troupe en avant
18À propos du rapport de la maison avec son image individuelle, Martin Margiela dit :
[n]ous n’utilisons pas mon image personnelle pour promouvoir notre travail. Si les gens sont touchés et aiment porter ce que nous proposons, ils sont libres de l’acheter et de le porter. Ce à quoi je ressemble n’a, pour nous, que peu ou pas de rapport avec ce processus. Nous préférons que les gens réagissent à un vêtement en fonction de leur goût et de leur style personnel, et non de l’impression qu’ils ont de l’individu ou du groupe de personnes qui l’a créé, telle qu’elle est exprimée et amplifiée par la presse35.
19Le rapport de Martin Margiela à son identité, à son auctorialité, est ici franchement établi. Le rejet de sa mise en avant individuelle, ou de la distinction hiérarchique et auctoriale opérée avec ses équipes, constitue une clé de lecture essentielle de la « démarche Martin Margiela » – la maison en tant qu’elle est Martin Margiela et ses équipes à la fois. Martin Margiela s’efface, met en avant ses équipes, pour produire un tout, une troupe. En bon metteur en scène, il existe pour et avec sa compagnie. Cette idée d’un collectif se décrypte depuis les débuts et les premiers défilés. Les deux premiers, en octobre 1988 et mars 1989, se terminent sur un dernier passage des modèles habillées de blouses de travail blanches. Si l’uniforme des équipes Martin Margiela est amené à parader sur les épaules des mannequins, c’est pour amplifier cette totalité. Les modèles, en un sens, sont les actrices de ce corps de spectacle. Elles font partie intégrante de ce tout. À propos de cet uniforme, Martin Margiela raconte : « Idée de départ : l’unité. Une expression d’équipe. Une référence aux ateliers et studios d’hier et d’aujourd’hui. Un plus accidentel : une façon de se reconnaître rapidement dans la mêlée d’un défilé de mode36. » La blouse blanche est donc un symbole de ce lien qui unit Martin Margiela et tous les membres de sa maison. Elle est une signature collective de ces défilés qui se terminent en uniforme.
20L’étude de l’anonymat comme stratagème qui donne la part belle au vêtement et au collectif peut être poussée davantage par une analyse des défilés de la maison. On voit apparaître des mannequins voilées dès le premier, en octobre 1988. Ce voile de mousseline de coton, qui vient avaler le visage et dissimuler en transparence l’identité des modèles, est un accessoire récurant. La présentation du 15 mars 1995, pour la collection hiver 1995-1996, qui a lieu sous un chapiteau de cirque rouge, sur le chemin de Ceinture-du-Lac-Supérieur, dans le bois de Boulogne (16e arrondissement), en illustre bien l’usage [FIG. 4]. Sous le chapiteau, soixante-neuf femmes, qui portent des voiles de mousseline de coton, défilent dans les rangs de spectateurs. Un disque de musique d’opéra de Gioachino Rossini joue en boucle. Les silhouettes noires, et de couleurs sombres, évoluent, au fur et à mesure des passages, en des tenues roses et fuchsia. Après que la dernière silhouette ait défilé, la musique change pour des tubes de radio diffusés bruyamment. Toutes les femmes ressortent. Elles portent les mêmes tenues, sans leur voile, souriantes, les cheveux lâchés, et les mains pleines de ballons fuchsia gonflés d’hélium. Cette présentation en deux temps montre bien l’usage et la signification de ces voiles. Le premier passage montre les vêtements tels qu’ils sont, par eux-mêmes, sans être habités par le mannequin. Le deuxième passage est une façon de mettre un visage sur ces modèles, de les présenter, elles, et le vêtement investi. Un dernier passage sous les applaudissements qui constitue une forme de salut des modèles, à la manière des actrices de ce spectacle qu’est le défilé. Mais l’anonymat, l’effacement de l’acteur, ou ici du modèle, est un questionnement qui revient souvent dans les théories du jeu de l’acteur, et du théâtre. S’effacer, ou non, au service de la représentation. Brook dit à propos de Bertolt Brecht et Gordon Craig :
Fig. 4. Vidéogrammes du défilé Maison Martin Margiela hiver 1995-1996, 13 minutes 48 secondes, 15 mars 1995.

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Craig voulait qu’une ombre symbolique remplace une forêt de carton-pâte, parce que à son sens, une indication inutile captait notre attention aux dépens de quelque chose de plus important. Brecht a emprunté ce principe rigoureux et l’a appliqué non seulement aux décors, mais aussi au travail de l’acteur et à l’attitude du public. S’il a supprimé toute émotion superflue […] c’était pour que le thème principal apparaisse plus clairement37.
21L’opération de Martin Margiela avec les mannequins voilées témoigne d’une démarche similaire. Pour éviter de distraire la présentation des vêtements avec des mannequins-personnalités, on décide de recruter des femmes qui ne sont pas des professionnelles de cette discipline, des mannequins « comme tout le monde », modèles du quotidien ; et dans d’autres situations, de voiler le mannequin, et donc son identité.
22Les stratagèmes se multiplient chez Martin Margiela. La question de l’identification des mannequins comme accessoire à la volonté de mettre en avant les collections va pousser les équipes de la maison, dans certaines présentations, à supprimer les modèles vivants. Nous en avons vu quelques-unes précédemment où le mannequin retourne à son rôle de cintre, de support de présentation. C’était le cas au sens propre dans le défilé à la Conciergerie en octobre 1997 ; ou le 7 septembre 1994, pour la collection hiver 1994-1995, quand trente mannequins de vitrine blancs aux yeux barrés par de l’adhésif noir portent la collection. Mais d’autres situations montrent un élan similaire plus richement déployé. Pour la présentation de la collection hiver 1998-1999, le 10 mars 1998, la maison convie trois personnes choisies pour représenter chacune de leurs disciplines, et partager leur vision de la collection. Le photographe Mark Borthwick, la styliste Jane How et l’écrivain Sydney Picasso sont ainsi invités à investir le sous-terrain de l’arche de la Défense, à Puteaux. La proposition qui va nous intéresser est celle de Jane How38. Après la projection des interprétations vidéo de Mark Borthwick, une passerelle descend du plafond. Des marionnettistes manipulent, depuis les cintres, quinze marionnettes à taille humaine vêtues de tenues de la collection, dont Jane How assure le stylisme [FIG. 5]. Chaque marionnette, fabriquée en bois dans un atelier au Royaume-Uni à la demande de la styliste, a le visage enveloppé de cellophane. En raison de leur poids, ces mannequins de bois sont difficilement manipulables : les mouvements sont saccadés, restreints. Deux marionnettistes sont nécessaires pour en manipuler une. Ils défilent le long de la passerelle, les poupées flottent et se meuvent en dessous.
Fig. 5. Vidéogrammes du défilé Maison Martin Margiela hiver 1998-1999, 21 minutes 51 secondes, 10 mars 1998.

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23La lecture, par Brook, de Craig nous a intéressés, en partie parce que ce dernier théorise la marionnette. Dépourvue de conscience et d’ego, celle-ci ne cherche pas à interpréter ou à ajouter une dimension personnelle à son rôle. Elle devient un médium pur pour les intentions artistiques du metteur en scène39. Ce qui rejoint les écrits de Heinrich von Kleist, où l’on peut lire une reconstitution de la rencontre de l’auteur avec un danseur d’opéra passionné par le théâtre de marionnettes :
L’avantage ? En premier lieu un avantage négatif, mon très cher ami, à savoir que jamais [la marionnette] ne ferait de manières. Car l’affectation apparaît, comme vous le savez, quand l’âme (vis motrix) se situe dans un autre point que le centre de gravité du mouvement. Or, comme le machiniste ne peut de toute façon, au moyen du câble ou de la ficelle, agir en un autre point que celui-ci, tous les membres restants sont ce qu’ils doivent être : morts, de simples pendules, obéissant à la seule loi de la pesanteur, une excellente qualité qu’on cherche en vain chez la plupart de nos danseurs40.
24La marionnette est le véhicule idéal de tout discours, de toute narration. Son apathie est une page blanche pour le metteur en scène, ou la maison de mode qui l’habille.
25Sans dire que Martin Margiela et ses équipes cherchent un mannequin non vivant, ou tuent le modèle en le voilant, il est intéressant de voir comment l’emploi de ces stratégies de présentation permet différentes expériences, et de nouvelles propositions de défilé. L’histoire de ce dernier est étroitement liée à celle du mannequin, vivant ou non, et en partie à celle de la marionnette41. Martin Margiela dissèque d’une certaine façon l’histoire du défilé, et de la présentation du vêtement, pour la recomposer, l’hybrider, et ainsi déployer de nouvelles situations de présentation. La maison détourne et joue des supports de la mode : le mannequin de vitrine, la poupée-marionnette, le modèle ; et les articule à de nouveaux contextes et des protocoles singuliers qui la différencient fondamentalement de ses pairs.
*
26Les défilés de la Maison Martin Margiela, et leur étude, révèlent une transformation subversive et avant-gardiste de la présentation de mode, en ce sens qu’elle se détache de toutes les idées établies que mobilisent en masse ses contemporains. En décomposant et en réinventant les conventions du défilé de cette époque, Martin Margiela et ses équipes ont su offrir une perspective renouvelée sur l’interaction entre l’espace, le spectateur et le vêtement. L’emploi de lieux non conventionnels et l’intégration de stratagèmes situationnistes montrent bien leur ambition de proposer des dispositifs singuliers, adaptés à chaque collection, et au message qu’elle tend à transmettre.
27« La mode est un artisanat, un savoir-faire technique et non, selon nous, une forme d’art. Chaque monde s’exprime par la créativité, mais à travers des supports et des processus très différents », répond la maison à la question : « Est-ce qu’être un créateur de mode est comme être un artiste ? »42. Martin Margiela, qui se dissimule derrière un nous collectif, le nous de sa troupe, rejette l’idée que son approche – parce qu’elle est conceptualisée, réfléchie – ressemble à une forme d’art. Pas besoin d’être un artiste pour interroger la société et l’industrie dans lesquelles on exerce son savoir-faire. Si le rapprochement avec les idées situationnistes fonctionne de manière si organique, c’est bien parce que celles-ci s’incarnent en des propositions, des stratégies et non pas une recette esthétique toute conçue. Martin Margiela ne mobilise peut-être pas consciemment ces subterfuges situationnistes, mais l’emploi qu’il en fait permet les mêmes effets. L’usage par les équipes de la maison de contextes nouveaux, décalés, pour organiser leurs défilés, amène bien le public dans une position active, où son malaise le sort de sa léthargie de spectateur. Les protocoles de défilé floutent de toutes les manières possibles le mur qui met à distance le spectateur de la performance. Le public est intégré dans l’action, et c’est cette forme de participation qui assure son interrogation des collections pour ce qu’elles sont : des propositions, des réflexions, des idées. Les mannequins circulent au plus près de l’audience, elles s’y frottent, et offrent ainsi aux spectateurs un point de vue, une chance de prendre parti, d’acquiescer, de rejeter, mais surtout de se saisir du sujet, et d’interroger les suggestions de la maison au travers des moyens qu’elle déploie.
28Enfin, cette question du support, du véhicule de la mode, et de ses idées, est une constance. La place donnée à l’identité, ou au rejet de celle-ci, qu’elle concerne le créateur lui-même, Martin Margiela, ou les mannequins, quand elles sont voilées ou remplacées, pour un temps, par leurs homologues de plastique ou de bois, montre la profondeur des questionnements portés par la maison. Tout est passé au crible, le défilé est minutieusement disséqué. Chaque organe qui le compose est étudié, hybridé à ses voisins, ou éclaté. L’intégralité de ces expérimentations compose la proposition de Martin Margiela, et de ses équipes, pour une définition de ce que peut être le défilé.
29Et cette proposition, aussi singulière soit-elle, n’est que sobrement signée. La machine de l’industrie de mode n’est jamais bien loin, elle récupère. Les situationnistes avertissaient à ce sujet : « Le pouvoir vit de recel. Il ne crée rien, il récupère43. » Martin Margiela a peut-être manqué de clairvoyance. Ses armes, abandonnées sur le champ de bataille, sont assimilées, avalées toutes rondes, et resservies comme un modèle esthétique pour l’avenir.
Notes de bas de page
1« Les défilés de Martin Margiela sont de véritables “happenings” : il est vrai qu’il sort de “l’école Gaultier” », dans Cécile Sepulchre, « La mode provocation de Martin Margiela commence à percer », Journal du textile, 1163, 12 juin 1989, p. 28.
2« deconstructivist architectural impulses », dans Bill Cunningham, « Fashion du siècle », Details, mars 1990, p. 180.
3Pour n’en mentionner qu’un échantillon : « Signes de ville », City, 48, décembre 1988-janvier 1989 ; « Le phénomène destroy », Elle, 2292, été 1990 ; Christophe Chazelas, « Tout beau… tout belge », Jardin des modes, décembre 1990-janvier 1991, p. 58 ; Stephen O’Shea, « Recycling: An All-New Fabrication of Style », Elle US, octobre 1991, p. 234 ; Patrick Cabasset, « Vous avez dit grunge ? », Dépêche Mode, 67, avril 1993, p. 22 ; Richard. B. Buckley, « Paris: The New Wave », Mirabella News, février 1993.
4Interview de Maison Martin Margiela dans Paper, septembre 1998.
5Internationale situationniste, 1, juin 1958, p. 19.
6Caroline Evans, « The Golden Dustman: A Critical Evaluation of the Work of Martin Margiela and A Review of Martin Margiela: Exhibition (9/4/1615) », Fashion Theory, 2/1, 1er février 1998, p. 73‑93 ; id., « Yesterday’s Emblems and Tomorrow’s Commodities: The Return of the Repressed in Fashion Imagery Today », dans Stella Bruzzi et Pamela Church Gibson (dir.), Fashion Cultures: Theories, Explorations, and Analysis, Londres, Routledge, 2000, p. 93‑113.
7Internationale situationniste, 1, juin 1958, p. 13.
8« Ainsi, la signature du mouvement, la trace de sa présence et de sa contestation dans la réalité culturelle d’aujourd’hui, puisque nous ne pouvons, en aucun cas représenter un style commun, quel qu’il soit, c’est d’abord l’emploi du détournement. » Internationale situationniste, 3, décembre 1959, p. 11.
9Evans, « The Golden Dustman », art. cité, p. 98.
10Internationale situationniste, 1, juin 1958, p. 13.
11Guy Debord, La société du spectacle, Paris, Buchet-Chastel, 1967.
12Internationale situationniste, 3, décembre 1959, p. 13.
13« Contre le spectacle, la culture situationniste réalisée introduit la participation totale. / Contre l’art conservé, c’est une organisation du moment vécu, directement. » « Manifeste » [17 mai 1960], Internationale situationniste, 4, juin 1960, p. 37.
14Marie Colmant et Gérard Lefort, « La mode il y a des endroits pour ça », Libération, 21-22 octobre 1989, p. 29.
15Bill Cunningham, « Fashion du siècle », Details, mars 1990, p. 180.
16Colmant et Lefort, « La mode il y a des endroits pour ça », art. cité.
17Ibid.
18Janie Samet, « Margiela en wagons de marchandises », Le Figaro, 4-5 mars 2000.
19Marc Augé, Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la modernité, Paris, Seuil, 1992, p. 9.
20Guy Debord, « Théorie de la dérive », Internationale situationniste, 2, décembre 1958, p. 19.
21Augé, Non-lieux, op. cit., p. 100.
22Martha Duffy, « Throw Out Your Skirts », Time, New York, 2 avril 1990, p. 55.
23Préfecture de la Seine puis Ville de Paris, Direction de l’urbanisme et Service de la Topographie et de la Documentation Foncière (STDF), Plan parcellaire de Paris, dit hauteur d’étage, 1990.
24P. C., « Martin Margiela », Journal du textile, 1222, 12 novembre 1990, p. 92.
25Maison Martin Margiela (dir.), Maison Martin Margiela Street Special Edition. Volumes 1 & 2, Tokyo, Street Editorial Office, 1999.
26Cunningham, « Fashion du siècle », art. cité.
27Colmant et Lefort, « La mode il y a des endroits pour ça », art. cité.
28Pierre Rougier cité dans Miguel Hierro, « Mode sur terrain vague », L’Officiel, 7, février 1990, p. 209.
29Peter Brook, L’espace vide. Écrits sur le théâtre, Paris, Seuil, 1977, p. 25.
30Ibid., p. 76.
31« Notes éditoriales », Internationale situationniste, 1, juin 1958, p. 12.
32Brook, L’espace vide, op. cit., p. 80.
33Le happening est un théâtre d’action, où une place est accordée au hasard, et où la porosité événement-public est assumée, voire cultivée. Il pourrait constituer une réponse situationniste au théâtre bourgeois, aussi dit deadly theater par Peter Brook, théâtre « frappé de mort ». Note du traducteur dans Brook, L’espace vide, op. cit., p. 25.
34Claudine Hesse, « Au fil des podiums », La Vie au Féminin, 18 mars 1997.
35Interview de Maison Martin Margiela dans Paper, septembre 1998, nous traduisons.
36Ibid.
37Peter Brook, « Le théâtre brut », dans Brook, L’espace vide, op. cit., p. 105.
38Cristina Morozzi, « Marionnettes et couture, un fil continu », Intramuros, avril-mars 1998.
39Edward Gordon Craig, « The Actor and the Ubër-Marionnette », dans id., On the Art of the Theater, Chicago, Browne’s Bookstore, 1911 [1re éd. 1910], p. 54‑94.
40Heinrich Von Kleist, Sur le théâtre de marionnettes, Paris, Sillages, 2010, p. 14.
41Le « Théâtre de la Mode » de 1945, à Paris, était une exposition itinérante de mannequins miniatures en fil de fer habillés par les grands couturiers français de l’époque. On sait également que des défilés de marionnettes étaient organisés, comme le montre le film Puppet Fashion Show (1960, British Pathé) diffusé au ModeMuseum (MoMU) d’Anvers à l’occasion de l’exposition « MIRROR MIRROR. La mode et la psyché », du 8 octobre 2022 au 26 février 2023. Dès la toute fin du xixe siècle, des publicitaires s’emparent du mannequin de cire anatomique pour explorer le mercantilisme de ces figures jumelles. Pierre Imans en est l’un des plus célèbres. Son entreprise sera de renommée mondiale. Ses mises en scène évoquent la spectacularisation du défilé tel qu’on le connaît aujourd’hui.
42Interview de Maison Martin Margiela dans Paper, septembre 1998, nous traduisons.
43Internationale situationniste, 8, janvier 1963, p. 30.
Auteur
Camille Hanen prépare une thèse en histoire de l’art à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, intitulée Un théâtre de la mode. Une archéologie de la mise en scène du défilé à Paris (1870-1945), sous la direction de Pascal Rousseau. Ancienne normalienne, elle est agrégée de design et métiers d’arts. Ses recherches se concentrent sur l’histoire des cultures visuelles et matérielles, et plus particulièrement sur les questions de la mise en scène et du récit appliqués aux objets ou aux images, et les savoir-faire qui les concernent. Elle a été stagiaire dans les ateliers de décors du Théâtre royal de la Monnaie (Bruxelles). Elle collabore depuis quatre ans avec des structures de recherche au sujet de l’iconographie, de son édition et de ses mises en circulation.

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