Marvellous Fashion1
La critique de la mode dans Purple Prose, Purple Fashion et Purple (1992-2003)
p. 81-98
Texte intégral
1992 aura été une année faste pour la scène artistique française : pas moins de trois périodiques (pour ne pas dire revues) ont vu le jour en l’espace de quelques mois […] D’abord Documents déclare ses présupposés littéraires (via Georges Bataille). Purple Prose, malgré son titre imprononçable sans postillonner, nous intéresse au moins par son côté carrefour. Enfin Blocnotes, si nous lui passons sa forme « Rhodia® » en guise d’extrême nouveauté, émet quelques embryons d’idées 2.
1Dans son numéro 2 de février 1993, Documents sur l’art contemporain rend compte de l’émergence de trois périodiques, quelques mois seulement après leur apparition. L’année 1992 marque en effet la naissance de Documents sur l’art contemporain, Purple Prose et Blocnotes, reposant sur unw socle idéologique commun3, dont l’enjeu est de participer à la formation d’une nouvelle critique d’art. Fondé par Nicolas Bourriaud, Éric Troncy et Nathalie Ergino, le premier lance son « Numéro 0 » en mars 1992 avec l’objectif de « donner la parole aux artistes » et d’héberger les débats actuels, le tout dans une logique d’ouverture disciplinaire à la musique, au cinéma ou encore à l’économie4. Blocnotes, qui fait paraître son premier numéro à l’automne 1992, se propose sous la direction de Frank Perrin de substituer la forme du « bloc-notes » à celle du magazine pour créer un espace de « propositions, d’initiatives et de rencontres » favorisé par « un croisement d’individus et d’événements »5. De son côté, Purple Prose 6 est créé par Elein Fleiss et Olivier Zahm7 afin de rompre avec la position surplombante du critique d’art et de créer un espace mêlant diverses pratiques artistiques.
2En dépit de leurs différences, ces trois publications se caractérisent donc par leur volonté de faire intervenir les artistes, mais aussi de procéder à une logique de décloisonnement. L’art contemporain ne doit pas être considéré selon eux comme une entité séparée de pratiques plus larges, ô combien centrales dans la culture contemporaine et dans le travail des artistes. Si Documents sur l’art contemporain, Blocnotes et Purple Prose incluent rapidement la musique, le cinéma ou les idées8 à leur contenu, seul ce dernier s’empare toutefois de la mode, du moins dans un premier temps. Il est suivi en 1998 par la création de Crash Magazine, héritier de Blocnotes, dans lequel la mode apparaît régulièrement9. Ainsi se pose la question du rapport entretenu par Purple Prose, parmi ces trois « superfanzines »10, à la mode. Dans une actualité de la recherche de plus en plus portée sur l’étude des fanzines et de la presse alternative11, c’est à cette relation que s’intéresse le présent texte. En plus des entretiens menés avec Olivier Zahm et Elein Fleiss, l’analyse se concentre sur un corpus constitué des numéros des dix premières années d’existence de la revue : ceux de la première version de Purple Prose (1992-1998), de sa formule Purple Fashion (1995-1998) et de leur réunion dans Purple (1998-2003). Le départ d’Elein Fleiss en 2003 signe le tournant « mode » de la publication, désormais appelée Purple Fashion sous la seule direction d’Olivier Zahm.
3Il s’agit plus précisément de défendre l’idée suivante : si Purple Prose émane originellement du champ de l’art contemporain, il n’en demeure pas moins que le fanzine se mue en véritable espace critique de la mode dans les années 1990. Il opère en effet sur trois fronts : esthétique d’abord, au travers de la promotion d’une mode « artifiée », qui partage certaines des logiques présentes au même moment dans l’art contemporain, et d’un art « modisé », réfléchissant aux questions d’apparence ; de ses représentations ensuite, par son accompagnement d’un courant photographique « réaliste », en opposition à l’esthétique photographique dominante12 ; économique enfin, grâce au développement d’un rapport tout à fait instrumental aux grands groupes de luxe émergeant dans les années 1990.
« It’s More Like Post-Art » : entre mode « artifiée » et art « modisé » (1992-1995)
4Coproduite avec l’Institute of Contemporary Art de Boston, l’exposition « À propos de l’Internationale situationniste (1957-1972) » prend place au Centre Pompidou du 22 février au 9 avril 1989, sous le commissariat de Paul-Hervé Parsy. Elle s’inscrit seulement un an après la parution de Commentaires sur la société du spectacle de Guy Debord. L’auteur y réactualise la notion de spectacle à la fin des années 198013, alors que la puissance de la mode s’affirme par sa reconnaissance institutionnelle14 et sa concrétisation publique dans de grands événements comme la Fête de l’Humanité15 ou le Festival international de la mode16. C’est néanmoins l’influence situationniste qui convainc Purple Prose de s’intéresser au vêtement et à la mode. Si le concept de « situations » postule en effet chez Debord « la construction concrète d’ambiances momentanées de la vie » grâce à une « intervention ordonnée » sur son « décor matériel » et « les comportements qu’il entraîne »17, il doit logiquement selon Olivier Zahm s’étendre au vêtement, « objet d’art » sans doute le plus proche du quotidien18. Conçu comme la résultante du projet moderniste, Purple Prose intègre régulièrement la mode à son contenu selon deux axes principaux : la promotion d’une « post-mode », fondée sur un rapport renouvelé aux idées de communauté et d’archives ; et la mise en valeur de travaux d’artistes intéressés par la question des apparences.
5Écrit par Dominique Gonzalez-Foerster et Olivier Zahm, « It’s More Like Post-Art » est publié dans le numéro 3 de Purple Prose. L’article donne lieu à une tentative de définition de l’art autour du constat qu’il serait nécessaire de lui « défier toute définition définitive19 », « contre l’obsession de périodisation20 ». C’est en cela que l’art promu ne doit pas être considéré en tant que « moment de l’art » mais plutôt qu’« art comme moment »21 ; c’est-à-dire œuvrer à une « transformation de l’existence » par différents « comportements »22. « Où se tient l’art ? Plutôt dans la relation, dans ce qu’il met en relation23 » défendent les auteurs, parallèlement à Nicolas Bourriaud qui formalise définitivement le concept « d’esthétique relationnelle » en 199824. Si l’article ne mentionne dans le corps du texte aucune proposition esthétique précise, il s’ouvre néanmoins par une illustration de la collection hiver 1993 de la Maison Martin Margiela, accompagnée de la description du défilé, l’intégrant de fait dans ce projet. À l’instar des œuvres d’artistes comme Philippe Parreno, Julia Scher ou Jean-Luc Vilmouth, le travail de Martin Margiela est amplement commenté par la suite pour son aspect relationnel. Dans son article « Marvellous Margiela », Olivier Zahm qualifie plus précisément son approche de « post-mode » : en témoignent les enfants « courant entre les jambes des mannequins sur fond de terrain vague »25, les zones périphériques dans lesquelles défile la maison ou encore la naissance d’une « micro-communauté » par « une forme de fusion existentielle entre les opérateurs de son travail, mannequins et spectateurs, amis et collaborateurs »26. Le numéro 7 décrit quant à lui le défilé de l’hiver 1994 par son approche communautaire :
Au beau milieu des villes et des gens par celles qui aiment et portent ses vêtements. Un geste tout simple, une petite mêlée d’amitié dont nous faisions partie, avec les journalistes, les passants et les passionnés […] Pour comprendre, pour rétablir une proximité27.
6C’est selon un angle similaire qu’est approché le travail de Jean Touitou, fondateur d’Atelier de Production et de Création (A.P.C.). Interrogé par Elein Fleiss, ce dernier justifie le nom de la marque par « le refus catégorique de se nommer » face « au mouvement de médiatisation de la médiocrité » pour « créditer un groupe d’individus plutôt qu’un seul »28. La marque se pose de ce fait en opposition à ce que Elein Fleiss appelle le « mythe de l’artiste créateur » en place au début des années 1990, grâce à sa logique d’autoproduction et de retrait face aux « grands maîtres du monde »29.
7Si la notion de post-art promeut une approche relationnelle, celle-ci ne fait sens qu’au sein d’un rapport particulier à l’histoire. Le post-art émerge « parce qu’on n’a plus confiance en l’histoire, en sa finalité, en ses perspectives30 ». Il témoigne en conséquence d’une « relation non historique au temps », dont il dénie le « sens »31. Le concept est contemporain de l’apparition du régime d’historicité que l’historien François Hartog qualifie de « présentiste », paradoxalement visible dans les années 1980 par la multiplication des initiatives mémorielles ou patrimoniales. Ce serait dans cette relation « présentiste » au temps que le retour sur le passé serait décuplé32. Dans le fanzine, cette démarche se concrétise par un intérêt accordé à certains designers dont le travail repose sur la réutilisation parfois littérale de vêtements passés. De nouveau, Purple Prose s’appuie amplement sur le travail de Martin Margiela. La page consacrée à son projet « Noir et Blanc », qui annonce son défilé du printemps-été 199333, dévoile un commentaire où il est qualifié de « chef de file » du recyclage aux côtés de photographies de vêtements historiques réintroduits dans la collection. « Marvellous Margiela » donne encore l’occasion à Olivier Zahm de faire l’éloge de la relation du créateur à l’histoire et aux fragments, consécutive selon lui d’une « renaissance » de la mode, contre ceux qui « saccagent son héritage » comme Yves Saint Laurent ou Karl Lagerfeld34. Ce rapport à l’histoire se retrouve en outre dans la première collection Viktor & Rolf, nommée « Detachement » et utilisée en couverture du numéro 4. Le discours, retranscrit par le fanzine, mentionne l’ambition « d’utiliser des fragments existants afin de créer un ordre nouveau » et compare la fonction du créateur à celle d’un « archéologue trouvant un vestige de l’histoire »35.
8Faisant de la mode un territoire qui repose sur des logiques similaires à celles observables au même moment dans l’art contemporain, Purple Prose étend ce rapport au travail d’artistes intéressés par la question des apparences. Publiée pour la première fois à l'été 1993, la rubrique « Tendance » vise à la cohabitation de différentes œuvres d’artistes relatives aux questions vestimentaires. Celle du numéro 3 de Purple Prose, assurée par Olivier Zahm, met en scène une photographie de Wolfgang Tillmans, « Duo pour l’été », inspirée des rubriques « style » que l’on trouve habituellement dans les magazines de mode, et accompagnée de la légende « Lui découvre le bas, elle le haut »36. Cette photographie cohabite avec « Meeting » de Marc Guillaume, composé de trente vestes agnès b. dont la doublure a été défaite, ou encore d’une photographie de Chuck Naney vêtu en écolière grunge. Dans le numéro 5, Elein Fleiss mentionne à son tour la « Robe transparente » de Dominique Gonzalez-Foerster, « Le vêtement-femme » de Diana Witt, ou encore « Le vêtement-capital » de Joseph Beuys37.
9À cette rubrique s’ajoutent en parallèle de multiples mentions de travaux d’artistes pour lesquels le sujet des apparences occupe une place centrale. C’est le cas de Marie-Ange Guilleminot. Son entretien avec Guillaume Nez s’attarde sur le rôle du corps dans son travail, et plus précisément sur ses robes au croisement de l’exhibition érotique et de la contrainte38. La pratique photographique d’Inez van Lamsweerde39, qu’Olivier Zahm décrit plus tard par sa propension à substituer le « faussé, la pose démise » au « mauvais luxe-vogue »40, se retrouve également par la représentation d’un homme-poupée et d’un enfant en bikini ; tout comme celle de Wolfgang Tillmans au travers de la photographie d’une publicité de Kate Moss pour Calvin Klein vandalisée par la mention « Anorexia Sells ? ». Le photographe ajoute :
La sensibilité des années 1990 a été qualifiée de plus empathique, plus douce, plus vraie et plus réelle. Mais arrivés au milieu de cette décennie, la réalité que nous recherchions s’est avérée être à peine plus que Kate Moss sur une affiche de Calvin Klein41.
10Entre février et mars 1994, sous le commissariat des deux fondateurs de Purple Prose accompagnés de Dominique Gonzalez-Foerster, Bernard Joisten et Jean-Luc Vilmouth, l’exposition « L’hiver de l’amour » est organisée au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Elle illustre parfaitement ce mouvement de croisement d’une post-mode, en marge des principes esthétiques promus par la mode institutionnelle du moment, et d’un art dont l’intérêt se porte sur les apparences. Cohabitent dans cet espace les propositions de Marie-Ange Guilleminot, d’Inez van Lamsweerde, de Martin Margiela, de Viktor & Rolf ou de Li Edelkoort, dans l’objectif de documenter un « moment de l’art » définitivement intéressé par la remise en cause des principes fondateurs des normes vestimentaires établies.
« Keep it Real » : une anthropologie du vêtement (1995-1998)
11« L’hiver de l’amour » précède de quelques mois le lancement de Purple Fashion en 1995, à l’origine simplement publié dans le cadre de l’exposition « Collections » organisée à la galerie Analix de Genève. Cette décision marque une étape importante dans l’histoire de la revue : celle de l’extension officielle des activités de Purple Prose à la mode. Quatre numéros sont lancés jusqu’en 1998. Si le contenu de la formule initiale ne change pas de son côté, le rapport du fanzine à l’image s’intensifie dans Purple Fashion. Cet espace devient l’occasion d’explorer une esthétique photographique contemporaine de celle que l’auteur Robin Muir qualifie d’« école de Londres »42, dont l’origine remonte à la série de photographies de Kate Moss pour le numéro 22 de The Face (juillet 1990) réalisée par Corinne Day. Alimenté par les travaux de photographes comme Jerome Esch, Wolfgang Tillmans, Mark Borthwick, Mario Sorrenti ou Dominique Gonzalez-Foerster, Purple Fashion poursuit l’objectif de conduire une anthropologie des apparences, au moment même où Hal Foster publie son Retour du réel pour saluer les démarches anthropologiques à l’œuvre dans l’art contemporain43.
12Dans la lignée de Purple Prose, Purple Fashion poursuit son entreprise de promotion de créateurs de mode affiliés à l’idée de post-art au moyen de séries photographiques « réalistes » exclusivement consacrées à un créateur. Bien que Martin Margiela continue d’être régulièrement présent, les designers promus se diversifient. Le numéro 2 inclut les travaux d’Hussein Chalayan ou d’autres plus anonymes comme Lee Seung Bae. Il s’élargit aussi à la scène new-yorkaise grâce à la collection Run de Susan Cianciolo, photographiée par Marcelo Krasilcic, ou au collectif artistique de Bernadette Corporation dont le shooting, conduit par John Wayne Nguyen, illustre des scènes quotidiennes de vol autour du slogan « Keep it Real » [FIG. 1]. Le numéro 4 présente la plupart des propositions créatives contemporaines. On y trouve la présence des vêtements Raf Simons, portés par un groupe d’étudiants devant un garage banal ; d’Helmut Lang, inséré au sein du quotidien d’une adolescente photographiée par Terry Richardson ; de Junya Watanabe, sur une adolescente perdue dans un espace rural ; ou encore de Bless porté par « Alex » dans son environnement. Les noms de designers laissent parfois place à des styles émergents. Dans le numéro 3, Anders Edström dirige une série appelée « Sportswear », conçue par Elein Fleiss et construite autour de marques comme Fila, Tommy Hilfiger ou Schott revêtues dans la rue par des adolescents.
Fig. 1. Bernadette Corporation, « Keep it Real », Purple Fashion, 2, 1997.

© Purple Fashion.
13Si la présence de la mode, par l’intermédiaire de la photographie, s’affirme donc progressivement dans l’écosystème Purple, il s’agit en outre pour Purple Fashion d’en dévoiler le mécanisme de construction, à l’instar de la pratique entreprise simultanément dans le vêtement par Martin Margiela44. Ainsi la publication nous informe de la quasi-intégralité des étapes de vie du produit de mode, de sa conception à sa commercialisation, en passant par sa mise en image. Anders Edström s’intéresse dans le numéro 3 à la collection été 1997 de la Maison Martin Margiela définie comme une « étude du processus de l’atelier ». Dans le numéro 2, c’est une séance d’essayage de Viktor & Rolf qui est documentée [FIG. 2], suivie d’un témoignage écrit et photographique de Marina Faust sur les coulisses de la Maison Martin Margiela et de la série « Miu Miu Shot » de Vanessa Beecroft, capturée par Armin Linke. Le numéro 4 rend compte de sa commercialisation via « Selfridges » d’Anders Edström réalisée dans les rayons du grand magasin londonien.
Fig. 2. Viktor & Rolf, « Fitting », Purple Fashion, 2, 1997.

© Purple Fashion.
14Mais Purple Fashion ne prend pas simplement pour objet le champ de la mode créative. Ses pages deviennent l’occasion de conduire une anthropologie du vêtement quotidien par une approche documentaire. La série « Clothes Owen Gaster » par Anders Edström dévoile des photographies faussement « volées » de passantes45 ; Armin Linke photographie le « Real World »46 ; et Terry Richardson la jeunesse des subcultures américaines dans « Whooshh »47. D’autres géographies sont parfois approchées. La Chine, l’Inde ou le Japon sont traités par des photographies représentant l’idée de différence vestimentaire, alors que l’uniformisation culturelle sera plus tard dénoncée par Olivier Zahm48. « Chinese Ladies » par Anders Edström s’articule autour de vieilles dames chinoises habillées de vêtements traditionnels49. « On the Way », conçue par Jean-François Brun et Else Skalvoll50, fait de même en Inde, tout comme Chikashi Suzuki au Japon51.
15Quelques séries vont d’ailleurs jusqu’à s’intéresser à l’intimité des porteurs. Réalisée par Giasco Bertoli, « Don’t Look Now » surprend des personnes en train de s’habiller et pousse le lecteur à scruter leurs gestes quotidiens52. « Portraits » [FIG. 3] de Rebecca Bournigault documente par l’image et l’entretien les habitudes vestimentaires de Sophie, Virginie, Stéphane ou Caroline53. Le reportage parvient à nous informer de leurs pratiques, notamment leur attrait pour certaines marques comme Free Lance, Caterpillar ou Levi’s, mais aussi de leur rapport affectif au vêtement. Sur le même modèle, « Portraits d’Eriko », par Kenshu Shintsubo, suit une jeune fille japonaise, de ses dix à ses quatorze ans, et nous confronte à son évolution54.
Fig. 3. Rebecca Bournigault, « Portraits », Purple Fashion, 3, été 1997.

16Suivant son ambition de réconciliation de l’art et de la vie, Purple Fashion participe à l’émergence au milieu des années 1990 d’un courant photographique « réaliste », « contre l’artifice »55 caractéristique de la photographie de mode du moment. C’est néanmoins bien cet espace qui voit l’arrivée progressive d’annonceurs issus du champ de la mode56. Purple Prose reste de son côté préservé pour l’instant comme en témoigne le numéro 13 pour l’hiver 1998, presque dépourvu de publicités.
« Bless Recent History » ? Mode et schizophrénie57 (1998-2003)
17À cette anthropologie de la mode et du vêtement quotidien répond un contexte nouveau : celui de l’émergence de grands acteurs du luxe dans les années 1990. LVMH et PPR procèdent au rachat en série de marques patrimoniales58. Ce processus concerne aussi des acteurs indépendants, pour certains auparavant soutenus dans Purple Prose ou Purple Fashion. C’est le cas d’Helmut Lang, créée en 1986, dont la majorité est rachetée par le groupe Prada en 1999. Il en est de même trois ans plus tard pour Maison Martin Margiela, acquise par OTB. À cela s’ajoute la nomination de designers indépendants, parfois assortie du rachat de leur marque éponyme, à la direction artistique de maisons historiques : en fonction chez Givenchy depuis septembre 1995, John Galliano passe chez Christian Dior en l’espace de quelques mois ; Alexander McQueen lui succède chez Givenchy à la fin de l’année 1996 ; Marc Jacobs est nommé chez le maroquinier Louis Vuitton en 1997.
18Se pose dès lors la question de l’effet de ce contexte sur l’évolution de Purple. La publication abandonne-t-elle la position qui la caractérise depuis 1992 ? Cette période s’accompagne en premier lieu de deux changements de formule. En 1998, Purple Prose, Purple Fashion, mais aussi Purple Fiction (1995-1998) et Purple Sex (1998) se réunissent dans un recueil unique, bien qu’ils conservent leur numérotation. La saison printemps 2001 marque un second changement de format, qui embrasse dès lors des dimensions plus coutumières des magazines de mode59. Si l’aspect de ces deux formules diverge, elles s’accompagnent néanmoins d’un accroissement tout à fait significatif du volume des publicités, qui changent aussi de nature. Les publicités d’art contemporain présentes dans les premiers numéros de Purple Prose, si elles ne disparaissent pas radicalement de la partie Prose, se retrouvent néanmoins peu à peu noyées sous celles de la partie Fashion. Des acteurs comme Helmut Lang ou Comme des Garçons y sont progressivement rejoints par Louis Vuitton, Gucci, Armani ou Cartier.
19Si l’on pouvait alors s’attendre à une modification radicale du contenu du magazine sous l’effet de l’arrivée de ces nouveaux acteurs, force est de constater que le résultat est plus nuancé : le magazine persiste dans sa volonté de relayer un contre-discours à la mode institutionnelle, sur le plan textuel comme iconographique.
20La ligne éditoriale de la publication demeure inchangée. Dans la partie Prose, Martin Margiela, Susan Cianciolo, Bless continuent d’être régulièrement commentés ou interrogés, et de nouvelles marques comme Cosmic Wonder apparaissent. Il en est de même de la tonalité critique des textes présents. Dans « Kookaïne », Bernard Joisten pose la question de l’influence psychique de la mode sur le consommateur60 ; Elein Fleiss regrette la période de perte d’intérêt pour la fashion week parisienne, synonyme pour elle de plus de tranquillité, en faveur de Londres ou de New York, et invite les lecteurs à plutôt investir les villes de Berlin ou de Stockholm61. De son côté, Olivier Zahm s’attarde dans « Bless Recent History » sur l’irrationalité du rythme de la mode. « Sans doute a-t-on dépassé le point critique au-delà duquel la mode n’est plus qu’un marché parmi les marchés, une économie chaotique de styles antagonistes livrant de saisons en saisons une impression d’irréalité et de confusion grandissante62 » affirme-t-il, avant de s’attaquer au système économique global et de se montrer optimiste quant à l’éclatement d’une révolution prochaine dans « Révolution 14 » :
La révolution, c’est-à-dire la faille ou la faillite du système, est la seule manière d’échapper à la logique démente d’un système qui étend toujours plus loin le rayonnement du faux, de l’artifice et de la destruction (la civilisation panique de Peter Sloterdijk)63.
21Mais qu’en est-il de l’image ? La présence grandissante d’annonceurs plus puissants influence-t-elle la photographie de Purple ? Les séries conduites dans ses pages voient tout d’abord un accroissement significatif de la place des marques des grands acteurs du luxe, cherchant pour certaines à lancer à ce moment leurs collections de prêt-à-porter. La présence désormais régulière de Louis Vuitton, de Gucci ou de Givenchy en témoigne. C’est toutefois souvent en cohabitation avec des acteurs indépendants, voire antagonistes, que ces marques apparaissent. Gucci se retrouve aux côtés du jeune designer américain Seth Shapiro64 ou de Wendy & Jim65 ; Van Cleef & Arpels, de Bless66 ; Yves Saint Laurent Rive Gauche, de Viktor & Rolf67 ; ou Givenchy, de Cosmic Wonder68. C’est pourquoi nous pouvons supposer que Purple cherche ici à soutenir les jeunes marques indépendantes grâce à la présence des grands groupes, qui bénéficient de leur côté de cette dimension symbolique69. Sur le plan esthétique, la relation au « réel » précédemment identifiée n’est d’ailleurs pas remise en question. Elle semble au contraire s’intensifier. Dans la partie Fashion, les présences d’Anders Edström, de Mark Borthwick ou de Laetitia Benat sont loin d’être reniées. Celle de Terry Richardson se consolide même, et se concrétise par des photographies de plus en plus sexualisées. Cette situation aboutit à des modalités de représentation de ces marques totalement irrévérencieuses. « Gucci & Seth Shapiro » de Terry Richardson montre la mannequin Karen Elson accompagnée d’une ligne de cocaïne à son nom [FIG. 4]. « Martin Margiela Homme / Van Cleef & Arpels », photographiée par Laetitia Benat [FIG. 5], prend place dans des endroits banals et ne laisse qu’à peine percevoir les bijoux. « Hermès Luxe and Lies » par Alex Antitch présente des femmes, vêtues en Hermès, sur les genoux d’hommes à moitié nus au physique peu avantageux.
Fig. 4. Terry Richardson, « Gucci & Seth Shapiro », Purple, 7, printemps 2001.

© Purple.
Fig. 5. Laetitia Benat, « Martin Margiela Homme / Van Cleef & Arpels », Purple, 12, été 2002.

© Purple.
22Avant-dernier numéro avant le passage à Purple Fashion, l’éditorial du Purple de l’hiver 2003, marquant les dix ans du magazine, parachève cette confusion de l’intégré et de l’underground. Mehdi Belhaj Kacem, philosophe post-situationniste et récent auteur de Society70, y apparaît dans sa vie quotidienne, vêtu en « Christian Dior »71, marque dont la direction artistique masculine est alors assurée par le jeune Hedi Slimane, lui-même avide de références venues des subcultures.
*
Paris, 10 ans plus tard, Éric Fabre a fermé la Galerie de Paris il y a des années. L’art contemporain déplace les foules, occupe les pages des magazines de mode, anime les villes. L’art comme alibi, dans les grands magasins, les boutiques de luxe, les cafés, les agences de publicité, les monuments historiques, les jardins, le métro. L’overdose a eu lieu il y a déjà longtemps. Continuez à faire un magazine. Faire un journal. Malgré tout continuer toujours72.
23Dix ans après la création de Purple Prose, le numéro 14 concentre les témoignages de ses principaux acteurs. Elein Fleiss y fait le constat de la récupération du post-art défendu pendant dix ans. Si elle conclut son texte en affirmant sa volonté de « continuer toujours », elle choisit quelque temps plus tard d’abandonner définitivement la publication à Olivier Zahm. Purple devient Purple Fashion, seconde édition. Bien que le magazine démarre une nouvelle période, qui continue de se caractériser par son ouverture au champ du luxe, il n’en demeure pas moins que les dix premières années d’existence du « superfanzine » lui ont permis d’introduire une triple critique de la mode. Sa promotion d’une mode « artifiée » et d’un art « modisé » accompagne l’émergence de nombreux créateurs ou artistes travaillant à la redéfinition des normes du moment. Son héritage photographique est aussi conséquent. Le magazine réussit à confronter les propositions dominantes de cette période par une anthropologie photographique du vêtement, valide pour le champ de la « mode » comme pour ses dimensions plus « quotidiennes ». Le magazine parvient enfin à s’adapter au contexte économique de formation des grands groupes de luxe dans les années 1990. Plutôt que de céder aux dichotomies traditionnelles entre intégré et underground, il opte pour une logique de « parasitage du système73 » qui lui permet de maintenir son soutien à la jeune création et de défendre une esthétique photographique parfois encore plus radicale. En ce sens, le magazine remplit parfaitement sa mission initiale, celle d’exercer une critique des mouvements contemporains, soit en somme de la mode du moment74.
Notes de bas de page
1Ce titre est inspiré de celui de l’article d’Olivier Zahm, « Marvellous Margiela », Purple Prose, 6, été 1994, p. 55-59.
2Hervé Legros, « One Two Three Sun Shine », Documents sur l’art contemporain, 2, février 1993, p. 1.
3Parmi les références théoriques omniprésentes, notons Gilles Deleuze et Félix Guattari. Hervé Legros s’en amuse : « Car ne sont-elles [ces publications] pas toutes d’accord ? Quelques réactualisations pour tout credo, genre “la catastrophe a déjà eu lieu”, quelques termes collant à l’actualité, genre “rhizome”, et chacun discute volontiers de “nomadisme” dans son coin. À croire que nous assistons à la déclamation d’un seul et même monologue plus ou moins récité, qui ne produit que le faible impact de sa petite musique nouvelle » ; avant d’imaginer une fusion, certes « chaotique », mais « enrichissante » de tous ces périodiques. Ibid.
4« Il nous semble impossible aujourd’hui de limiter l’art à l’esthétique, et de négliger des sources aussi cruciales pour la création et la réflexion critique que la musique, le cinéma, la science, l’économie, etc. C’est-à-dire la vie. » Nicolas Bourriaud et al., « Avant-propos », Documents sur l’art contemporain, 0, mars 1992, p. 1.
5Blocnotes, 1, automne 1992, p. 1.
6Il convient d’emblée de faire un point sur la généalogie du magazine. Il est parfois compris par des auteurs comme Antje Krause-Wahl, ou Susan Kismaric et Eva Respini, dans la filiation de publications comme The Face, i-D ou Dazed. Voir Antje Krause-Wahl, « Page by Page: Fashion and Photographie in the Magazine », dans Sophie von Olfers et Eugenia Teixeira (dir.), Not in Fashion, Bielefeld, Kerber, 2010, p. 32 ; Susan Kismaric et Eva Respini, « Fashioning Fiction in Photography Since 1992 », dans Eugénie Shinkle (dir.), Fashion as Photograph: Viewing and Reviewing Images of Fashion, Londres, I.B. Tauris, p. 33. Or comme l’affirme Elein Fleiss, cofondatrice de Purple Prose, dans un entretien par courriel le 18 juin 2024, ce rapprochement n’est pas aisé : « i-D, nous le regardions un peu, surtout Olivier. Je pense que nous avons découvert Tillmans dans i-D, mais je ne dirais pas que leur manière de faire un magazine a été une source d’inspiration. Et The Face et Dazed, encore moins. » Ses inspirations sont plutôt à chercher du côté d’une combinaison entre presse underground (Nova, Interview, Ray Gun), d’art (FILE Magazine, Documents, Encore) et littéraire (L’Autre). Voir à ce sujet Nolwenn Denizot-Saget, « Fiche synthétique de Purple Prose », Archives de la critique d’art, février 2010 (http://www.archivesdelacritiquedart.org/wp-content/uploads/2016/12/Purple_Prose.pdf, consulté le 21 juin 2024).
7Olivier Zahm est à ce moment un jeune critique d’art, dont les écrits se retrouvent dans New Art, Art Press ou encore Artforum.
8Citons quelques exemples. Dans Documents sur l’art contemporain, Christophe Kilhm écrit une chronique de l’album Dirty de Sonic Youth dans le numéro 1 (octobre 1992) ; Pierre Magda s’interroge sur le support cinématographique dans le numéro 3 (juin 1993) ; on trouve une interview d’Iggy Pop par Oliver Wicker dans le numéro 4 (octobre 1993). Dans Blocnotes, au printemps 1993, Larry Clark est interrogé par Frank Perrin et Stratis Vouyoucas écrit « Lars Von Trier, cinéma de la contamination ».
9Crash Magazine se distingue de Blocnotes sur le plan de son « ouverture », comme le clame l’éditorial de son premier numéro incluant entre autres le créateur Jeremy Scott. Celle-ci s’explique pour le périodique par le « besoin profond d’une approche globale, pariant à la fois sur la cyber culture, les nouvelles musiques, la rue, les attitudes ». « Crash », Crash, 1, janvier-février 1998, p. 1.
10L’expression vient d’Hervé Legros, dans « One Two Three Sun Shine », art. cité, p. 1. Le terme de « fanzine » se rapproche de la définition qu’en donnent certains auteurs comme Douglas Rushkoff, pour qui le fanzine renvoie avant tout à un « magazine auto-édité », voire à celle de Samuel Étienne, selon laquelle « le fanzine est un média non commercial, non professionnel, à faible diffusion où les animateurs assurent à la fois les rôles de rédacteurs, éditeurs, distributeurs ». Voir Samuel Étienne, Bricolage radical. Fanzine, Saint-Malo, Éditions Strandflat, 2016, p. 10-11. Elein Fleiss insiste d’ailleurs sur la dimension amateure de la publication au départ : « Nous étions une toute petite structure dont j’ai fait toutes sortes de choses. Dès le premier numéro, j’étais aux côtés du graphiste, c’était l’artiste Claude Closky, j’ai appris à faire des mises en page avec lui. Nous n’avions pas d’ordinateur, Jennifer Flay qui avait une galerie rue Debelleyme nous permettait d’utiliser le sien en dehors des heures d’ouverture de sa galerie […] Pour le ou les premiers numéros, nous avons distribué nous-mêmes. » « Naissance de la revue Purple. Entretien avec Elein Fleiss pour Josefffine », Josefffine, 12, 2021, p. 105-107.
11Les fanzines font l’objet de nombreuses recherches ces dernières années. Citons le séminaire « AcaZine - le fanzine comme outil de recherche », lancé en novembre 2020 par Ariane Mayer, Samuel Étienne, Gérôme Guibert et Pascal Nicolas (École pratique des hautes études, Paris 3 Sorbonne-Nouvelle, Paris 8 Vincennes - Saint-Denis) ; ou le colloque « Free Press et Fanzines : la presse alternative en France des années 1960 à nos jours » organisé par la Bibliothèque nationale de France, le 11 octobre 2022. Le cas de Purple Prose ouvre cette perspective aux publications de mode.
12Olivier Zahm l’assimile à l’esthétique développée par Richard Avedon pour Versace. Olivier Zahm, Purple Anthology: Art Prose Fashion Music Architecture Sex, New York, Rizzoli, 2008.
13Guy Debord y ajoute notamment la notion de spectacle intégré, à entendre comme une combinaison des deux formes précédentes, soit la forme concentrée (personnalité dictatoriale) et diffuse (diffusion de marchandises). Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle, Paris, Éditions Gérard Lebovici, 1988, p. 17-18.
14François Mitterrand, alors président de la République, énonce le 17 octobre 1984 : « La création des styles de mode peut être considérée comme l’un des beaux arts. » « Déclaration de M. François Mitterrand, Président de la République, à l’occasion de la réception offerte en l’honneur des créateurs de mode », Paris, Palais de l’Élysée, mercredi 17 octobre 1984.
15Yves Saint Laurent y défile le 9 septembre 1988.
16Créé par la Fédération française du prêt-à-porter féminin, ce festival ambitionne le 22 septembre 1985 l’organisation du « plus grand défilé du monde » avec près de 500 mannequins. N. M.-S, « Le festival international de la couture », Le Monde, 18 avril 1985.
17Guy Debord, « Rapport sur la construction des situations et sur les conditions de l’organisation et de l’action de la tendance situationniste internationale » [1957], dans id., Œuvres, Paris, Gallimard, 2006, p. 322.
18Entretien téléphonique avec Olivier Zahm, cofondateur de Purple Prose, 14 mars 2024. Il faut également ajouter que l’aspect vestimentaire est globalement oublié par la théorie lettriste et situationniste. Le Mode d’emploi du détournement, par Guy Debord et Gil Joseph Wolman, fait néanmoins exception quand il précise : « Outre le langage, il est possible de détourner par la même méthode le vêtement, avec toute l’importance affective qu’il recèle. » Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 229.
19Dominique Gonzalez-Foerster et Olivier Zahm, « It’s More Like Post-Art », Purple Prose, 3, été 1993, p. 23.
20Ibid., p. 24.
21Ibid., p. 25.
22Ibid., p. 26-27.
23Ibid., p. 27.
24Pour Antje Krause-Wahl, Purple Prose aurait anticipé le concept que l’on attribue désormais à Nicolas Bourriaud. Krause-Wahl, « Page by Page », art. cité, p. 32. Il s’agit de noter que nous en trouvons tout de même des traces chez Nicolas Bourriaud dès le premier numéro de Documents sur l’art contemporain de mars 1992 dans lequel il écrit que « la vraie subversion » (« the real subversion ») suppose « d’inventer de façons d’être » (« to invente new ways of being ») ou revient à « la création de possibilités de vie » (« creating possibilities of life »). Ainsi est-il plutôt question d’une entreprise collective que d’un concept inventé par un seul individu.
25Zahm, « Marvellous Margiela », art. cité, p. 54.
26Ibid., p. 59.
27« Martin Margiela. L’hiver en hiver », Purple Prose, 7, automne 1994, p. 22.
28Elein Fleiss, « Atelier de Production et de Création », Purple Prose, 3, été 1993, p. 92.
29Ibid., p. 97.
30Gonzalez-Foerster et Zahm, « It’s More Like Post-Art », art. cité, p. 23.
31Ibid., p. 25.
32François Hartog distingue trois régimes d’historicité : l’historia magistra – période pré-révolutionnaire au cours de laquelle le passé est considéré pour servir le présent et le futur – ; le futurisme – entre 1789 et la chute du mur de Berlin où « l’histoire se fait au nom de l’avenir » – ; et le présentisme – époque au cours de laquelle le présent commence à « se regarder comme déjà historique, déjà passé ». Ce dernier régime se manifeste notamment par ce que l’historien nomme les « années-patrimoine » et la fréquentation accrue des services d’archives dans les années 1980. François Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, 2012 [1re éd. 2003], p. 160.
33Martin Margiela, « Noir et Blanc », Purple Prose, 3, été 1993, p. 6.
34Zahm, « Marvellous Margiela », art. cité, p. 54.
35« Paris, métro: deformed silhouettes in which you can only recognise some fragments. We used these existing fragments to create a new order […] Like an archeologist who finds a remaining piece of history. A collection as a testimony. » Viktor & Rolf, « Collection no 1: Detachement », Purple Prose, 4, p. 7.
36Olivier Zahm, « Tendance », Purple Prose, 3, été 1993, p. 14-15.
37Elein Fleiss, « Tendances », Purple Prose, 5, hiver 1994, p. 10-11.
38Guillaume Nez, « Marie-Ange Guilleminot », Purple Prose, 6, été 1994, p. 22-24.
39Inez van Lamsweerde, « Les années 1910 », Purple Prose, 6, été 1994, p. 70-71.
40Olivier Zahm, « Glamour 7.0 », Purple Prose, 8, hiver 1995.
41« The nineties sensibility was called more caring, softer and more true and real. But being almost halfway through this decade, the realness we were looking for turned out to be not much more than Kate Moss on a Calvin Klein poster. » Wolfgang Tillmans, « Les années dix ? The Nineties Haven’t Happened Yet! », Purple Prose, 6, été 1994, p. 61.
42Cité par Elliott Smedley, qui associe également cette esthétique au terme de « réalisme ». Selon lui, elle doit être comprise comme une constante historique de la photographie de mode dans la filiation de photographes aussi divers que Lee Miller, Richard Avedon, Irving Penn, David Bailey, Terence Donovan, Brian Duffy, Bob Richardon, Helmut Newton, Guy Bourdin ou Terry Jones. Elliott Smedley, « Escaping to Reality: Fashion Photography in the 1990s », dans Stella Bruzzi et Pamela Church Gibson (dir.), Fashion Cultures: Theories, Explorations and Analysis, Londres, Routledge, 2000, p. 144-147.
43Hal Foster, Le retour du réel, Bruxelles, La Lettre volée, 2005 [éd. originale 1996], p. 213-247.
44Sa collection de l’été 1997 en est l’illustration.
45Anders Edström, « Clothes Owen Gaster », Purple Fashion, 3, été 1997.
46Armin Linke, « Real World », Purple Fashion, 3, été 1997.
47Terry Richardson, « Whooshh », Purple Fashion, 3, été 1997.
48Dans le numéro 4 de Purple, il s’intéresse à la définition du concept de style et pointe « l’uniformisation qui éradique les différences culturelles pour les convertir en parts de marchés, en stocks de produits pour l’exportation […] ». Olivier Zahm, « In the Air for Ever », Purple, 4, hiver 1999-2000, p. 274-278.
49Anders Edström, « Chinese Ladies », Purple Fashion, 2, 1997.
50Jean-François Brun et Else Skalvoll, « On the Way », Purple Fashion, 3, été 1997.
51Chikashi Suzuki, « 同人式 », Purple Fashion, 3, été 1997.
52Giasco Bertolli, « Don’t Look Now », Purple Fashion, 3, été 1997.
53Rebecca Bournigault, « Portraits », Purple Fashion, 3, été 1997.
54Kenshu Shintsubo, « Portraits d’Eriko », Purple Fashion, 4, hiver 1998, p. 158-167.
55Entretien par courriel avec Elein Fleiss, cofondatrice de Purple Prose, 18 juin 2024.
56Le numéro 4 (hiver 1998) de Purple Fashion est parlant. Il voit cohabiter agnès b., Helmut Lang, une publicité blanche ironiquement payée par A.P.C., Christian Lacroix, Comme des Garçons, ou les boutiques L’Éclaireur ou L’Espionne.
57C’est par le terme deleuzo-guattarien de « schizophrénie » qu’Olivier Zahm décrit la période. Entretien téléphonique avec Olivier Zahm, cofondateur de Purple Prose, 14 mars 2024.
58Issu du groupe Pinault, Pinault-Printemps-Redoute (PPR) débute ses acquisitions dans le champ du luxe à partir de 1999 quand il achète 42 % de Gucci ainsi qu’Yves Saint Laurent. Viennent ensuite Alexander McQueen en 2000, suivi de Bottega Veneta et Balenciaga l’année suivante. De son côté, Louis Vuitton-Moët Hennessy (LVMH) acquiert Kenzo en 1993, Berluti et Loewe en 1996, et Marc Jacobs en 1997. Pour une analyse plus poussée de ces stratégies d’acquisition, voir Luc Boltanski et Arnaud Esquerre, Enrichissement. Une critique de la marchandise, Paris, Gallimard, 2017, p. 287-325.
59L’évolution du format de Purple est assez significative. Plus le magazine voit l’entrée d’annonceurs issus du champ du luxe, plus sa taille grandit. Elle passe d’environ 19 x 24,5 cm, puis 13,5 x 18,70 cm pour Purple Prose et Purple Fashion, à 15,5 x 21,5 pour la période 1998-2001 de Purple et 20 x 27 cm après 2001. Ces dernières dimensions sont assez proches d’un magazine comme Vogue dont le format se rapproche de 21 x 28 cm.
60Bernard Joisten, « Kookaïne », Purple, 4, hiver 1999-2000, p. 260-263.
61Elein Fleiss, « Paris Collections by Elein Fleiss. Fall/Winter », Purple, 9, automne 2001, p. 72.
62Olivier Zahm, « Bless Recent History », Purple, 7, p. 194.
63Olivier Zahm, « Revolution 14 », Purple, 13, automne 2002, p. 73.
64Terry Richardson, « Gucci & Seth Shapiro: The Way We Were », Purple, 7, printemps 2001, p. 132-143.
65Takashi Homma, « Gucci / Wendy & Jim », Purple, 13, automne 2002, p. 130-139.
66Laetitia Benat, « Bless / Van Cleef & Arpels », Purple, 9, automne 2001, p. 148-155.
67Robert Wyatt, « Yves Saint Laurent Rive Gauche / Viktor & Rolf », Purple, 9, automne 2001, p. 130-137.
68Angela Hill, « Givenchy / Cosmic Wonder », Purple, 12, été 2002, p. 114-121.
69Entretien téléphonique avec Olivier Zahm, co-fondateur de Purple Prose, 14 mars 2024.
70Mehdi Belhaj Kacem, Society. Jeu investigatif et aventurier sur la communauté désavouable, Auch, Tristram, 2001.
71Notons que le magazine semble ici faire erreur puisque la marque « Christian Dior » désigne des vêtements de la ligne masculine Dior Homme. Laetitia Benat, « Purple Fashion Fall/Winter 02/03 », Purple, 14, hiver 2003, p. 1-33.
72Elein Fleiss, « Purple », Purple, 14, hiver 2003, p. 82.
73Olivier Zahm, Une avant-garde sans avant-garde, Paris et Zurich, Les Presses du réel et JRP-Ringier, p. 80-81.
74Entretien téléphonique avec Olivier Zahm, cofondateur de Purple Prose, 14 mars 2024.
Auteur
Adrian Kammarti est diplômé du postgraduate de Management mode, design & luxe de l’Institut français de la mode et d’un master de recherche en histoire de l’art de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il est actuellement doctorant au sein du département d’histoire de l’art de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il enseigne l’histoire de la mode à l’Institut français de la mode depuis 2021. Son travail de thèse s’articule autour d’une historiographie des discours tenus en France contre la mode entre 1780 et 1980. Il est notamment l’auteur de l’article « L’anti-mode par ses idées » publié dans le numéro Mode(s) de la revue Perspective (2023), du chapitre « L’anti-mode aujourd’hui » dans l’ouvrage collectif 19 regards sur la mode (Institut français de la mode, 2022) et de « La double occultation » dans le numéro Porter la mode de la revue Critique (2022).

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