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Les conseillers municipaux de Paris sous la Troisième République (1871-1914)

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Nobuhito Nagaï

Conclusion

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1Après l’effondrement du Second Empire, l’assemblée municipale de Paris s’est presque entièrement renouvelée. Nombre de nouveaux conseillers, élus au suffrage universel, étaient d’anciens opposants républicains à Napoléon III, ou des protagonistes du rétablissement de la République. Malgré les événements tragiques de 1870-1871, la capitale s’est ralliée à la République sans hésitation.

2Alors que le pays fêtait l’avènement de la République des républicains, Paris vivait déjà l’heure du radicalisme. Le principal thème était celui d’autonomie communale, et les forces politiques se rassemblaient et se divisaient autour de cette question. La lutte électorale s’intensifia à partir des années 1880. À côté des radicaux qui détenaient l’hégémonie, les socialistes accrurent leur influence, et les conservateurs, après des années de difficulté, revinrent progressivement sur scène. Jusqu’au tournant du siècle, la majorité municipale s’est constituée autour du pôle des radicaux, tantôt avec la participation des républicains modérés dit républicains municipaux, tantôt avec le concours des socialistes. La politisation des élections municipales s’est traduite par l’arrivée d’hommes nouveaux. Par rapport à leurs prédécesseurs, ceux qui ont été élus après 1881 étaient plus plébéiens, plus jeunes, et davantage tournés vers la vie politique nationale.

3Après l’échec du boulangisme. Paris bascula à droite en mai 1900. La victoire des nationalistes et antiministériels, inattendue, fut spectaculaire. Écartée du pouvoir municipal après les élections de 1904, la droite l’a repris à l’automne 1909, dans l’ambiance tumultueuse causée par la mort de l’anarchiste espagnol Francisco Ferrer. Du point de vue sociologique, les élus nationalistes se différenciaient des conservateurs traditionnels : avocats ou journalistes, moins souvent issus de familles d’hommes politiques.

4Dans leur ensemble, les conseillers municipaux de Paris de la Troisième République appartenaient à des strates supérieures de la société parisienne. Près de la moitié d’entre eux exerçaient une profession intellectuelle (professions libérales, hauts fonctionnaires), et un quart une profession économique (négociants, industriels). Certes, les milieux populaires étaient mieux représentés que sous les régimes précédents. Dans ce sens, nous pouvons dire que la Troisième République a permis une certaine démocratisation. Mais celle-ci était limitée, et seuls les socialistes venaient véritablement de couches populaires. L’étude du patrimoine des conseillers montre que la plupart d’entre eux vivaient dans la richesse : leur niveau de fortune les plaçait au sommet de la société.

5Toutefois, cette position sociale, les édiles la devaient souvent à leurs propres efforts. En effet, nombre d’entre eux, d’origine très modeste, avaient réalisé une ascension sociale par des études très poussées ou par des réussites professionnelles exceptionnelles.

6Parmi les pères des conseillers, environ quatre sur dix appartenaient aux milieux populaires (travailleurs manuels, boutiquiers, agriculteurs ou employés), mais parmi les conseillers eux-mêmes, c’était le cas d’un sur dix. En général, la famille avait rarement joué un rôle majeur dans le destin de nos élus, surtout dans leur carrière politique. Peu nombreux étaient les édiles nés dans une famille d’hommes politiques, et encore moins nombreux ceux qui avaient hérité le mandat d’un des leurs parents.

7Ce qui caractérise le plus les conseillers municipaux de Paris par rapport à leurs homologues de province, c’est précisément leur carrière politique : près du tiers d’entre eux, surtout radicaux, socialistes et nationalistes, sont devenus parlementaires, et 24 ont été nommés ministres. Pour eux, l’Hôtel de ville n’était qu’un tremplin, qui leur a permis d’atteindre le sommet de l’État. Afin d’obtenir un siège de député à Paris, le titre de conseiller municipal était très apprécié, sinon obligatoire. Ces aspirants parlementaires, souvent provinciaux montés dans la capitale pour leurs études, étaient élus au Conseil municipal relativement jeunes, vers 39 ans. Une partie de cette élite politique formera le noyau du parti républicain et du parti radical, et conduira les affaires du pays.

8D’autre part, à côté de ces futurs parlementaires, il y avait des conseillers édiles à proprement parler. Ceux-ci étaient souvent parisiens de naissance, et négociants ou industriels de profession. Leur élection au Conseil municipal était en quelque sorte l’aboutissement de leurs activités de notable de quartier : beaucoup avaient rempli des fonctions dans l’administration locale ; ils ont été élus à l’Hôtel de ville à des âges relativement avancés – vers 46 ans – et y ont terminé leur carrière.

9Ainsi, nous trouvons deux types de conseillers municipaux : élus – hommes politiques et élus – notables locaux. L’existence de ces deux types d’élus, apparus clairement à travers nos analyses, est probablement une des caractéristiques du Conseil municipal de Paris, assemblée tout à fait particulière dans la vie politique française.

10Au terme de cette étude, nous espérons être parvenu à atteindre l’objectif fixé au début, somme toute très modeste.

11L’histoire municipale de Paris est souvent présentée comme celle de la lutte d’une ville contre l’État. En effet, ce thème était largement utilisé par diverses forces politiques parisiennes : une ville précurseur, qui incarne les vertus de la nation, contre un État tout-puissant. Mais les élus municipaux de la capitale, principaux acteurs de cette lutte, ne formaient pas un groupe uni et homogène. Leurs caractères sociologiques et leurs carrières politiques étaient plus ou moins différents selon les courants politiques et selon les périodes. Il faut surtout noter que, parmi les républicains radicaux, qui ont milité pour libérer la capitale du carcan de l’État, beaucoup ont été élus au Parlement sans tarder, même si certains d’entre eux ont continué leur lutte municipale. Nous pouvons nous demander si le thème d’autonomie communale n’était pas une sorte de prétexte politique, employé pour lutter contre le gouvernement en place.

12Afin d’éclaircir ce point, il sera nécessaire d’étudier l’image de Paris dans la vie politique française. De quelle manière l’image de Paris est-elle utilisée par les hommes politiques ou les responsables des différents régimes ? Quelle est la réception de cette mise en scène par la nation ? De quelle façon Paris influence-t-il l’orientation politique du reste du pays ?

13Notre étude prosopographique présente ici ses limites. Désormais, les historiens doivent analyser non seulement les campagnes électorales ou les débats du Conseil municipal, mais aussi ce que Paris représentait pour les acteurs politiques et administratifs de l’époque. Mais ce serait un autre sujet de thèse.

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