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Les conseillers municipaux de Paris sous la Troisième République (1871-1914)

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Nobuhito Nagaï

Seconde partie. Conseillers municipaux de Paris de 1871 À 1914

Chapitre V. Études et formations

Texte intégral

  • 1 Les élus dont le père était agriculteur, travailleur manuel, boutiquier ou employé.

1Cette partie de notre étude concerne la formation, prise dans son sens large. Nous avons vu dans le chapitre précédent qu’environ un tiers des conseillers municipaux de Paris étaient d’origine humble, nés dans les milieux populaires1. Les études étaient, pour ces fils du peuple, un moyen d’ascension sociale. Mais elles n’en étaient qu’un parmi d’autres. De plus, si les études poussées permettaient d’exercer une profession plus prestigieuse et lucrative, elles n’amenaient pas directement à l’exercice d’un mandat. D’autres filières et institutions, de formes diverses, préparaient les individus à la vie politique.

  • 2 Le Béguec Gilles, L’entrée au Palais Bourbon. Les filières privilégiées d’accès à la fonction parle (...)

2Ce thème de la formation à la vie politique attire aujourd’hui l’attention de nombreux historiens travaillant sur un personnel politique ou établissant la biographie d’un homme d’Etat. Parmi eux, nous pouvons citer le nom de Gilles Le Béguec, qui a consacré sa thèse à l’analyse des filières d’accès au Palais-Bourbon dans l’entre-deux-guerres2. Ses recherches ont porté sur différentes institutions : grandes écoles, conférence du stage du barreau de Paris, conférences d’éloquence, cabinets ministériels, organisations de jeunesse, groupements d’intérêts, etc. Notre étude ne peut pas tenir compte de toutes ces filières : notre point de vue, plus général et donc moins ciblé, n’a pas permis de dépouiller toutes les sources à ce sujet.

  • 3 Des 452 conseillers. 322 (71 %) sont nés après 1831, et ont donc atteint leur majorité après 1851.
  • 4 Seuls 23 élus sont nés après 1871.

3Nous allons d’abord étudier l’éducation que les élus avaient reçue : lieu, niveau et diplôme obtenu seront analysés globalement, mais aussi en fonction de la tendance politique et de l’origine sociale. D’autre part, sera étudiée la présence de nos conseillers au sein de conférences de formation aux débats politiques. Ces institutions ont connu leur apogée dans la seconde moitié du XIXe siècle ; cela signifie que la majeure partie de nos élus auraient pu entrer, au début de leur vie active, dans l’une de ces institutions3. Effectivement, leur présence et leur rôle au sein de conférences d’éloquence étaient, comme nous allons le voir, fort importants, ce qui démontre d’une certaine façon le caractère politisé de l’assemblée municipale de la capitale. D’autres filières ne peuvent être prises en compte pour des raisons diverses. Les organisations de jeunesse se sont développées après le tournant du siècle, et la plupart de nos conseillers n’eurent guère l’occasion d’y participer4. Les grandes écoles ne constituaient pas une étape importante pour nos élus, puisque seule une poignée d’entre eux en étaient issus. Quant aux groupements d’intérêts, sujet fort intéressant et important pour un personnel politique local, ils devraient faire l’objet d’une étude à part, tant les groupements sont divers et les documents dispersés – nous aurons l’occasion de les examiner de façon brève dans le chapitre IX.

A. Études : de l’école à la faculté

  • 5 Les dossiers personnels des Archives de la Préfecture de police sont à utiliser avec précaution. En (...)

4Nos renseignements concernant le niveau et la nature de l’instruction que les conseillers avaient reçue s’appuient principalement sur la documentation biographique : aucune recherche n’a été faite dans des archives émanant d’institutions scolaires. À part les dossiers personnels de fonctionnaires, et les cas où la profession exercée permet de déduire le niveau d’études de l’intéressé (médecins, avocats, etc.), les sources ne sont pas objectives. C’est notamment le cas des notices biographiques et des nécrologies, basées souvent sur la déclaration de l’intéressé. La vérification systématique n’étant pas réalisable, vu le nombre élevé des individus à traiter, nous nous sommes contenté d’utiliser les renseignements disponibles, en les examinant et en les complétant dans la mesure du possible : ont été considérés comme relativement crédibles les dossiers personnels de fonctionnaires, ainsi que les dossiers de Légion d’honneur. En cas de contradiction, nous avons utilisé les informations se trouvant dans les archives5.

5Nous avons obtenu des renseignements significatifs pour 313 conseillers. Le taux des non-réponses, 31 %, ne semble pas très important pour ce genre de recherches et surtout pour un personnel politique local. Or, compte tenu de la nature des sources, la non-réponse ne peut pas toujours être considérée comme un pur manque d’informations : si l’intéressé avait obtenu un diplôme de niveau supérieur, il aurait probablement mentionné le fait, et les dictionnaires biographiques l’auraient retranscrit. L’absence d’indications sur les études pourrait signifier que la personne n’avait reçu qu’une instruction rudimentaire.

6Le tableau suivant montre le niveau d’instruction des élus par tendances politiques.

TABLEAU V-l. Niveau d’études des conseillers municipaux (nombre et pourcentage)

TABLEAU V-l. Niveau d’études des conseillers municipaux (nombre et pourcentage)

N.B. : Les pourcentages ont été calculés sans éliminer les non-réponses.
(1) Y compris les écoles primaires supérieures. (2) Y compris les grands établissements de l’État, ainsi que l’École centrale des Arts et Manufactures. (3) Les institutions qui se situent à des niveaux intermédiaires ou qui dispensent un enseignement de nature particulière : Écoles des Beaux-Arts. Écoles des Arts et Métiers. Écoles normales, etc.

  • 6 Calcul fait sans éliminer les non-réponses. Sur l’ensemble des 361 conseillers élus entre 1944 et 1 (...)
  • 7 Estèbe Jean, Les ministres de la République..., op. cit., p. 104 ; Députés et sénateurs de l’Aquita (...)

7Deux cent quinze conseillers municipaux ont fait des études supérieures, soit 48 % de l’ensemble. Ce taux est presque identique à celui des conseillers de Paris de l’après-Libération qui ont fait des études supérieures (49 %6) : le niveau d’instruction n’a pas évolué de façon sensible à travers un siècle de républiques. En revanche, les parlementaires et les gouvernants de la Troisième République étaient mieux équipés de bagages intellectuels que les élus locaux de Paris : 282 des 320 ministres de 1871 à 1914 (88 %), et 236 des 337 parlementaires de l’Aquitaine (70 %) avaient atteint l’enseignement supérieur7. La comparaison est téméraire du fait de la différence de la nature du mandat et de la différence du cadre géographique, mais le niveau d’instruction des conseillers municipaux de Paris était en général moins élevé que celui des parlementaires de l’époque. L’enseignement était l’une des vertus officielles de la Troisième République. En fait, les hommes politiques incarnaient eux-mêmes cet idéal. À l’Hôtel de ville, en revanche, il y avait de la place pour ceux qui n’avaient pas pu le réaliser.

  • 8 Attout-Tailfer, Ballière (École des Beaux-Arts de Paris), Cernesson (Paris), Delhomme (Paris). Jobb (...)

8À côté de ces élus sortis de facultés ou de grandes écoles, il y avait 15 conseillers qui avaient fait des études soit dans un établissement spécial dont le caractère diffère sensiblement de celui des autres institutions scolaires (Écoles des Beaux-Arts), soit dans une école dont le contenu et le niveau d’enseignement peuvent être considérés comme intermédiaires entre le secondaire et le supérieur (Écoles des Arts et Métiers, Écoles normales). Dix conseillers étaient passés dans une école des Beaux-Arts8 ; un élu avait été élève à l’École des Arts et Métiers de Châlons (Jolibois) ; un autre était sorti d’une école normale (Rigaut, formé à l’École normale de Courbevoie), et trois avait reçu une formation pour devenir instituteurs (Lallement, Peuch et Archain, qui ont tous obtenu le brevet élémentaire).

9Quarante-neuf conseillers municipaux avaient arrêté leurs études au niveau secondaire : lycées, collèges communaux ou écoles primaires supérieures. Et 34 n’avaient reçu qu’une éducation rudimentaire, sans avoir atteint l’enseignement secondaire, mais le nombre réel est sans doute largement supérieur à ce chiffre, pour les raisons déjà évoquées.

  • 9 Mémoires, souvenirs ou études biographiques existent pour un petit nombre d’élus (Clemenceau, Floqu (...)

10Ainsi, un peu moins de la moitié des conseillers avaient reçu une éducation de haut niveau, alors que l’autre moitié – ce chiffre est basé, encore une fois, sur l’hypothèse selon laquelle la majorité des non-réponses signifie l’absence d’études supérieures – avaient quitté l’école et commencé leur vie active beaucoup plus tôt. Or, la grande partie de nos conseillers ont été formés dans l’« ancien » système scolaire, avant les grandes réformes de la Troisième République : sur l’ensemble des 452 élus, seuls 80 (18 %) sont nés après 1861, et parmi ces derniers 23 (5 %) sont nés après 1871 : la plupart des élus ont donc atteint l’âge de la scolarité bien avant les œuvres de Jules Ferry, de René Goblet ou de Louis Liard. Alors, parmi nos conseillers, les uns avaient-ils été élevés dans « l’école du peuple », et les autres dans « l’école des notables », comme le voulait l’institution scolaire de l’époque ? Autrement dit. à quel point l’origine sociale était-elle décisive dans la conquête de connaissances et de diplômes ? Et de quelle manière les études faites ont-elles influencé les carrières futures, professionnelles ou politiques, du conseiller ? A ces interrogations, nos réponses seront hypothétiques : le manque de mémoires et de souvenirs, sources de première importance en la matière, nous oblige à nous borner aux analyses statistiques9.

11Par ailleurs, Mattei Dogan, en analysant l’ensemble des parlementaires de la Troisième République, donne un taux presque identique. Selon lui, la proportion des parlementaires ayant fait des études supérieures est de 70 % pour la période de 1871 à 1898, et de près des deux tiers entre 1898 et 1919 (« Les filières de la carrière politique en France », art. cit.). Toutefois, le travail de Dogan semble basé sur une documentation moins riche que celles utilisées dans les deux travaux cités.

TABLEAU V-2. Niveaux d’études selon les catégories socio-professionnelles du père (nombre ; pourcentage en ligne entre parenthèses)

TABLEAU V-2. Niveaux d’études selon les catégories socio-professionnelles du père (nombre ; pourcentage en ligne entre parenthèses)

1. École du peuple

  • 10 Rapport de police, 17 septembre 1892 (APP, BA 979). Il avait été gardeur de dindons puis journalier (...)

12Avant que l’enseignement primaire ne soit rendu obligatoire, nombre d’enfants ne fréquentaient pas l’école. C’est le cas de quelques-uns de nos conseillers. Léon Félicien Blondeau, né dans une famille pauvre du Doubs, fils d’un charron, fut mis en condition, à l’âge de 9 ans, chez un fermier des environs, ce qui l’empêcha d’aller à l’école durant quelques mois d’hiver. Charles Amouroux, né d’un père apprêteur de draps et d’une mère couturière, dut interrompre ses études pour des raisons de famille, avant de devenir ouvrier chapelier. Alfred Brard, ouvrier terrassier devenu chef d’équipe à la Compagnie du Gaz de Paris, avait « appris à lire au régiment »10.

13En dehors de ces cas, nous savons de façon plus ou moins sûre qu’une trentaine de conseillers n’avaient reçu qu’une instruction de niveau élémentaire (voir le tableau V-l ci-dessus). Certains d’entre eux, comme Bassinet. Benon, Mossot et Caumeau, ont complété leur instruction rudimentaire par des cours du soir, qu’ils ont suivis plus tard. Or, s’agit-il de fils du peuple, comme la plupart des élèves de l’époque qui ne se dirigeaient pas vers le collège ou le lycée ? La réponse semble affirmative, si nous classons les conseillers ayant arrêté leurs études à ce niveau selon les professions des pères.

14Sur les 34 conseillers ayant quitté l’enseignement à la sortie ou au cours de l’école primaire, 17 étaient fils de travailleurs manuels, 5 étaient nés dans une famille d’agriculteurs, 4 avaient un père boutiquier et 3 étaient fils d’employés. Peu de conseillers issus de milieux bourgeois avaient abandonné l’enseignement avant le secondaire. L’idée couramment admise selon laquelle il existait tout au long du XIXe siècle deux systèmes scolaires en parallèle s’en trouve confirmée.

15Politiquement, nombre d’élus n’ayant connu que l’école primaire ont épousé le radicalisme ou le socialisme. Comme cela a été montré dans le tableau V-l, 12 élus appartiennent au courant de l’extrême gauche, et 11 à la gauche, alors qu’ils sont pratiquement absents à droite (seuls 3 au centre droit). En général, les conseillers de droite possédaient un niveau d’études plus élevé que leurs collègues de gauche.

2. Enseignement secondaire

16À part cette poignée d’enfants du peuple, les futurs conseillers ont pris le chemin du collège ou du lycée. La grande majorité d’entre eux ont poussé leurs études jusqu’à la faculté : seuls 49 ont arrêté leurs études après ou au cours de l’enseignement secondaire.

17Les renseignements que nous possédons sur l’enseignement secondaire sont plus détaillés que ceux concernant le primaire.

18Quelques conseillers avaient été élevés chez les frères. Auffray entra au collège que les jésuites tenaient à Vaugirard. Le comte d’Aulan et Caire avaient été éduqués dans une institution ecclésiastique. Denais avait fait toutes ses études dans des établissements religieux : primaires chez les Frères des écoles chrétiennes, secondaires à l’externat de la rue Madrid, et supérieures à l’Institut catholique de Paris (1893-1896).

  • 11 Auffray, orateur dans de nombreuses réunions et conférences catholiques, entretenait un culte ferve (...)
  • 12 Piperaud avait pourtant un frère prêtre dans le Cher (APP, BA 1225). Chautemps et Puech étaient sou (...)

19Si ces quatre conseillers, tous conservateurs et plus ou moins nationalistes, restaient fidèles à l’éducation religieuse qu’ils avaient reçue11, d’autres, ayant été élevés dans une atmosphère de ferveur religieuse, sont ensuite passés à l’anticléricalisme. Pierre Lampué, né en 1836 dans un petit village de la Haute-Garonne, a été mis au petit séminaire par la volonté de sa mère, qui voyait son fils en soutane. Cette vocation imposée n’a pas persisté, et Lampué a quitté les pères pour faire des études de beaux-arts à Toulouse. Il les décevra encore, en épousant le radicalisme, au point que les gens soupçonnaient son appartenance à la franc-maçonnerie. Chautemps, Puech, Maret et Piperaud, ses collègues de l’assemblée, avaient eux aussi été formés au séminaire, avant de se convertir comme lui au républicanisme laïque12.

  • 13 Voir Estèbe Jean, Les ministres de la République..., op. cit., pp. 99-101.

20Il semble que ces cas n’étaient pas exceptionnels parmi les hommes politiques de l’époque. À une époque où le petit séminaire, souvent le seul établissement scolaire d’un certain niveau existant dans les régions rurales, accueillait des enfants qui ne se destinaient pas à l’état ecclésiastique, il n’est pas étonnant que nombre de républicains et de radicaux fervents partisans de la laïcité aient passé un moment de leur enfance dans cette institution – pensons à l’exemple célèbre d’Émile Combes13. Dans la France du xixe siècle, où presque toute la population était encore plus ou moins de confession catholique, l’éducation religieuse ne pouvait pas être un facteur discriminant au sein des classes politiques, sauf si elle relevait du protestantisme ou de la religion israélite, minorités religieuses chez lesquelles le sentiment d’appartenance était beaucoup plus fort.

  • 14 Sept conseillers d’origine parisienne ont fait leurs études secondaires en dehors de Paris, dont 3 (...)

21Le lieu d’études secondaires est connu avec plus ou moins de précision dans 170 cas sur un total de 279. Sur ces 170 conseillers. 77 avaient suivi les cours uniquement en province (y compris les départements de Seine-et-Oise et de Seine-et-Marne), tandis que 93 avaient été un moment élèves d’un établissement de la capitale. Parmi ces 93 élèves parisiens, 55 étaient natifs de Paris ou de la Seine, 32 étaient provinciaux, et 6 étaient nés dans un territoire outre-mer ou à l’étranger. En revanche, ceux qui avaient passé toutes les années de lycée en province étaient presque tous provinciaux, sauf quelques cas exceptionnels14. Ainsi, environ un tiers des conseillers nés dans les départements hors la Seine et ayant reçu une instruction de niveau secondaire étaient « montés » dans la capitale dès le secondaire : 32 sur 99 plus précisément.

  • 15 Nombres des conseillers passés dans chaque établissement : certains ont été comptés plusieurs fois.

22Les établissements parisiens les plus fréquentés par les futurs conseillers sont les suivants15 :

  • Lycées d’État

  • Condorcet 19

  • Louis-le-Grand 13

  • Charlemagne 11

  • Saint-Louis 9

  • Henri-IV 8

  • Michelet 3

  • Autres

  • Sainte-Barbe 12

  • Stanislas 7

  • Rollin 4

  • Chaptal 1

23Cinquante-six conseillers étaient passés dans un lycée parisien – il s’agit évidemment du chiffre minimal. Parmi eux, cinq avaient suivi les cours dans deux lycées (Berthelot, Millerand, Rendu, Le Corbeiller et Piault), et un dans trois lycées (Petrot, successivement élève à Michelet, à Henri-IV et à Saint-Louis). Certains avaient été élèves d’un lycée après avoir étudié dans un collège, et d’autres inversement.

24Il serait intéressant d’étudier les relations amicales nouées au sein de ces lycées et de ces collèges, tant entre conseillers qu’avec d’autres personnalités, et les influences de ces sociabilités sur leur carrière politique. Malheureusement, sources et témoignages nous manquent : nous savons, à titre d’exemple, que Floquet et Hérisson ont fait connaissance de Rochefort au lycée Saint-Louis au temps de Guizot, mais ce genre d’information est presque inexistante pour le conseiller moyen n’ayant pas fait de carrière nationale.

  • 16 Il s’agit de Faillet, Lyon-Alemand, Bouruet-Aubertot, Bréton, Viollet-Le-Duc. Henri Rouselle et Jou (...)
  • 17 Alpy, Berry, Berthelot, Clamageran, Habert, Hervé, Prestat, Puteaux et Maurice Quentin. Selon Jean (...)

25La plupart de ces élèves parisiens ont continué leurs études dans l’enseignement supérieur : parmi les conseillers qui avaient été élèves d’un lycée de Paris, seuls 7 ont renoncé à la poursuite de leurs études16. Il s’agit là d’un effet de la vocation des établissements secondaires de la capitale, qui, plus souvent que leurs équivalents de province, destinaient les élèves à l’enseignement supérieur. Par ailleurs, 9 des conseillers municipaux ayant été lycéens à Paris s’étaient révélés comme des élèves hors pair en obtenant un prix au célèbre concours général17.

26Dans l’ensemble, 49 conseillers municipaux avaient arrêté leurs études au niveau de l’enseignement secondaire. Comme ceux qui n’avaient reçu qu’une instruction primaire, ces élus étaient proportionnellement plus nombreux à gauche qu’à droite (voir le tableau V-1).

  • 18 Non-réponses incluses.

27Les origines sociales de ces élus sont plus élevées que celles de leurs collègues n’ayant pas fait d’études secondaires (voir le tableau V-2). Nous connaissons la profession du père dans 44 cas. Un tiers des conseillers (31,8 %) étaient issus de milieux populaires – fils d’agriculteurs, de boutiquiers, d’employés ou de travailleurs manuels – alors que parmi ceux qui n’avaient connu que l’école primaire, ces catégories socioprofessionnelles sont, comme nous l’avons vu, largement dominantes (87,9 %). Nombreux sont les enfants venus du secteur du commerce et de l’industrie (13 cas, 29,5 %), et de celui des cadres (8 cas, 18,2 %). Ces deux secteurs se distinguent des autres par la proportion élevée de ceux de leurs éléments qui quittent l’enseignement au niveau secondaire : 15 %18 ont fait des études secondaires sans entrer à la faculté ou dans une grande école. Le milieu des professions libérales, en revanche, dont 5 des conseillers n’ayant fait que des études secondaires étaient issus, est caractérisé par le taux élevé de ceux qui ont continué leurs études jusqu’au supérieur : 76 % ont atteint le niveau universitaire.

28Ainsi, ceux qui s’étaient arrêtés au secondaire étaient minoritaires ; ils étaient souvent fils du peuple, ou enfants de commerçants ou de fabricants, professions pour lesquelles les diplômes universitaires ne constituaient pas un atout majeur.

3. Études supérieures : prépondérance des connaissances pragmatiques et professionnelles

  • 19 Nous avons retenu rétablissement dans lequel le conseiller a effectué l’essentiel de ses études sup (...)
  • 20 En 1875-1876, 0,5 % du groupe d’âge de 19-22 ans effectuaient des études supérieures ; en 1930-1931 (...)

29Deux cent quinze conseillers municipaux avaient suivi des cours dans une faculté, ou avaient été élèves d’une des grandes écoles. 181 d’entre eux avaient effectué la majeure partie de leurs études dans une faculté, et 34 dans une grande école19. Près de la moitié des conseillers avaient ainsi pu bénéficier de l’enseignement supérieur, à une époque où moins d’un Français sur cent en âge de scolarité poursuivait ses études jusqu’à ce niveau20.

  • 21 Caron Jean-Claude, Générations romantiques. Les étudiants de Paris et le quartier latin (1814-1848)(...)
  • 22 Charle Christophe et Verger Jacques, Histoire des universités..., op. cit., p. 93.

30Sur les 181 étudiants de facultés, le lieu d’études est connu pour 120 : 106 ont effectué des études dans la capitale, et 14 seulement en province. Cette concentration n’est pas propre à notre corpus. En fait, elle reflète, de façon accentuée, la suprématie que possédaient les facultés parisiennes tout au long du XIXe siècle, tant en nombre d’étudiants qu’en qualité de l’enseignement. À la fin de la Monarchie de Juillet, près des deux tiers des étudiants en droit étaient dans la capitale21. En 1876, 55 % des étudiants, toutes facultés confondues, se trouvaient à Paris, et le taux était encore de 43 % à la veille de la Première Guerre mondiale22. Le coût de la vie à Paris était certes plus élevé qu’ailleurs, mais l’environnement scolaire y était très favorable : bibliothèques, cabinets de lectures, conférences, etc. À cela s’ajoutait le fait que les facultés parisiennes donnaient un enseignement de meilleure qualité, et qu’avant les réformes de la Troisième République, de nombreuses chaires n’existaient que dans la capitale.

31Quelques conseillers étaient allés dans un pays étranger pour suivre ou compléter leurs études. La destination préférée était l’Allemagne. Christofle, de la célèbre maison d’orfèvrerie, a reçu vers 1862 le titre de docteur en philosophie de l’Université de Göttingen. Fiaux et Germer-Baillière ont étudié la médecine en Allemagne, et le dernier a même été reçu docteur à Berlin. Vaillant, centralien, est allé faire des études de philosophie dans des universités allemandes, avant de faire de la médecine à Vienne.

  • 23 Dausset (lettres), Berthelot (histoire), et Dupont (grammaire). Il y avait également deux agrégés d (...)
  • 24 Ceux qui sont entrés au Conseil municipal en 1887, année médiane de la période étudiée, étaient nés (...)
  • 25 Et, en 1869, le nombre des étudiants était de 5 200 en droit, et de 4 322 en médecine (Prost Antoin (...)
  • 26 Prost Antoine, Histoire de l’enseignement..., op. cit., p. 226.

32Comme l’ensemble de la population estudiantine du XIXe siècle, les conseillers municipaux avaient choisi les facultés « professionnelles », celles de droit et de médecine. Des 181 conseillers ayant fait des études dans une faculté, 112 avaient obtenu un diplôme de droit (dont 78 licenciés et 34 docteurs), 36 un doctorat de médecine, et 5 un diplôme de pharmacien. Peu nombreux sont ceux qui avaient été étudiants dans une faculté dite « académique » : 9 conseillers étaient diplômés en lettres, dont 3 licenciés, 3 agrégés23 et 3 docteurs ; et 3 élus avaient une licence ès sciences. Ainsi, les études pratiques de droit et de médecine dominaient nettement. Or, cette préférence donnée au droit et à la médecine était générale au XIXe siècle, au moins jusqu’aux années 1880. En 1866-1870, années se situant au milieu des périodes pendant lesquelles les conseillers avaient fait leurs études supérieures24, il y avait en moyenne 1 122 licenciés et 106 docteurs en droit par an, pour 474 docteurs en médecine, 114 licenciés ès lettres et 111 licenciés ès sciences25. Si les études supérieures en général favorisaient l’entrée à l’Hôtel de ville, aucun domaine d’études ne la facilitait de façon sensible. La proportion des docteurs en droit est certes plus élevée parmi les conseillers (34 pour 78 licenciés) que dans l’ensemble de la population, mais, à l’époque, ce diplôme n’était guère qu’une licence renforcée par une année supplémentaire26. Les facultés choisies par les conseillers étaient celles choisies par les autres étudiants.

  • 27 Estèbe Jean, Les ministres de la République..., op. cit., p. 106 ; Gaudemet Yves-Henri, Les juriste (...)
  • 28 Si le nombre des conseillers juristes est inférieur à celui des conseillers ayant fait des études d (...)

33Toutefois, il est indéniable que, sous la Troisième République, les études de droit préparaient aux fonctions administratives, et partant politiques. 42 % des ministres de 1871 à 1914, et environ 40 % des députés de la même période étaient hommes de loi27. Parmi nos 452 conseillers municipaux, les juristes étaient au nombre de 82, y compris deux professeurs de droit, soit 18 % de l’ensemble28.

  • 29 Caron Jean-Claude, Générations romantiques..., op. cit., p. 43.

34Les connaissances juridiques faisaient de leurs possesseurs les hommes politiques par excellence, « dans un pays où le droit est une notion profondément ancrée dans les mœurs, dans un siècle qui, au lendemain de la Révolution, venait de réinventer ses lois et ses institutions »29. Mais cette domination des juristes dans la vie politique de la Troisième République ne tirait pas toute son origine de la valorisation des études de droit. De fait, le diplôme de licence en droit ne garantissait qu’une connaissance juridique générale, et l’essentiel de la formation était acquis dans la pratique, au cours du stage obligatoire de trois ans pour les avocats. Les hommes de loi s’appropriaient ainsi une solide expérience en matière juridique, renforcée par une bonne maîtrise de la parole. La Troisième République, en rendant au suffrage universel une liberté complète, a offert à ceux qui détenaient ces capacités de nombreuses chances de promotion politique. Ce qui importe, c’est donc moins la part des étudiants en droit que la présence massive de juristes. Nous reviendrons sur ces points dans la partie de ce chapitre concernant les conférences, ainsi que dans le chapitre sur les professions des conseillers (chapitre VI).

  • 30 Il s’agit d’Édouard Hervé, futur académicien, admis major à l’École normale supérieure, qu’il a qui (...)

35Parmi les 34 conseillers qui étaient issus d’une grande école, 19 avaient fait des études de sciences et de technique, 9 avaient préparé une carrière militaire, 3 avaient étudié la médecine dans une école médicale militaire ou spéciale, 2 furent élèves de l’École supérieure de commerce de Paris, et un était sorti de l’École normale supérieure30.

36Dans la première moitié du XIXe siècle, les grands établissements scientifiques, qui formaient des ingénieurs prêts à servir tant dans les différents corps que dans l’industrie privée, jouissaient d’un grand prestige.

  • 31 Pour ces cinq conseillers anciens élèves de l’École des Mines, le dossier personnel est absent dans (...)
  • 32 Armengaud y fut admis, comme à Centrale.

37Quatre conseillers municipaux étaient anciens élèves de l’École polytechnique, le plus illustre des grands établissements scientifiques : Armengaud (élève en 1862-1864), Gouin (1834-1836), Riant (admis en 1848) et Vauthier (1834-1836, même promotion que Gouin). Seul Vauthier a fait carrière dans un corps d’État : ayant complété ses études à l’École des Ponts et Chaussées, il s’est engagé dans ce corps comme ingénieur, avant de pantoufler quelques années plus tard. Armengaud a aidé son père, ingénieur civil gérant un office de brevets d’invention. Gouin, futur grand industriel, a travaillé à la Compagnie des chemins de fer de Paris à Saint-Germain, à la genèse des chemins de fer français. Riant, malgré son passage à l’École des Mines, a lui aussi exercé le métier d’ingénieur en dehors de l’administration. À cette dernière école, 5 conseillers avaient été élèves : Riant. Donnat (sorti en 1856), André Lefèvre, Thorel (sorti major en 1839) et Bixio. Eux non plus, ils n’ont pas servi dans un corps d’État : Bixio est entré à la Compagnie générale des voitures de Paris dont il est devenu plus tard président du conseil d’administration, Thorel était ingénieur dans le privé, tout comme Donnât et André Lefèvre, qui se sont ensuite reconvertis dans le journalisme31. Par ailleurs, aucun élu n’avait été élève de l’École normale supérieure dans la section sciences32.

38Les conseillers anciens élèves de grandes écoles scientifiques du gouvernement ont ainsi préféré travailler dans l’industrie plutôt que faire carrière dans les corps d’État. A l’instar de leurs collègues centraliens, qui étaient au nombre de 10 : Beurdeley, Callon. Caplain, Deligny, Dupuy, Émile Level, Parisse, Prunières, Thomas et Vaillant. 4 d’entre eux étaient entrepreneurs ou industriels au moment de leur élection au Conseil municipal de Paris (Dupuy, Émile Level, Prunières et Thomas), et un journaliste (Vaillant).

  • 33 L’école se trouvait à Bordeaux, et avait des annexes à Toulon, Rochefort et Brest.

39Neuf conseillers étaient sortis d’une école militaire, en vue d’entamer une carrière d’officier : 6 de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr (Aclocque, Lambelin, Charles Louis Auguste Martin, Merlin, Puymaigre et Tournade), 2 de l’École Navale (Jehan de Bouteiller, sorti major, et Robaglia) et un de l’École d’application de cavalerie de Saumur (d’Andigné). Tous ont été officiers, mais aucun n’était en fonction lors de l’entrée à l’Hôtel de ville. Par ailleurs, 2 conseillers avaient reçu une formation de médecin à l’École de médecine de la marine33 : Chérot et Lanessan. Fourest, vétérinaire civil, est sorti de l’École d’Alfort.

40L’enseignement supérieur des sciences et techniques en France s’était développé dès le XVIIIe siècle, avec la création des écoles des Ponts et Chaussées (1747), des Mines (1783), du génie (1749) et d’autres écoles militaires. Les différents régimes qui se sont succédé depuis 1789 n’ont fait que prolonger ces efforts, en ajoutant à ce réseau notamment l’École polytechnique (1794) et l’École centrale des Arts et Manufactures (1829. sous la tutelle de l’État depuis 1857). En revanche, le domaine des sciences sociales et humaines était relativement en retard, et il a fallu attendre la Troisième République pour que des établissements de haut niveau soient créés dans ce secteur : École libre des Sciences politiques (1871), École des Hautes études commerciales, et d’autres écoles de commerce fondées en province. Parmi nos conseillers, seuls 2 avaient fait l’essentiel de leurs études dans une de ces écoles : il s’agit de Marsoulan et de Mathé, anciens élèves de l’École supérieure de commerce de Paris.

  • 34 C’est le cas de : Auffray, Bos, Cochin, et Denais, licenciés en droit et ès lettres ; Berry, licenc (...)

41Dans les études supérieures, les filières multiples devenaient fréquentes à la fin du XIXe siècle. Six de nos conseillers avaient suivi les cours de l’École libre des Sciences politiques, tout en faisant leur droit à la Faculté : Deville, Duval-Arnould, Lalou, Pierre Quentin-Bauchart, Escudier et Félicien Paris, les deux derniers étant diplômés de cette jeune école. Trois de leurs aînés, après avoir fait des études de droit, étaient entrés à l’éphémère École nationale d’administration fondée en 1848 par Hippolyte Carnot en vue de former les nouveaux cadres de la nation : Floquet, Arthur Hubbard et Tranchant. D’autres conseillers avaient combiné des études de droit et de lettres34.

  • 35 Certes, les hauts fonctionnaires dirigeaient leurs fils vers les études de droit, mais les travaill (...)
  • 36 La proportion des conseillers issus de milieux populaires (fils d’agriculteurs, de travailleurs man (...)

42Quelles sont les origines sociales de ces conseillers équipés d’un important bagage intellectuel ? Étaient-ils fils de notables, comme la plupart des étudiants de l’époque ? Le tableau V-2 montre la part dans chaque catégorie socioprofessionnelle des élus ayant effectué des études supérieures. Ont bénéficié de l’enseignement supérieur presque tous les fils de hauts fonctionnaires, et plus des deux tiers des fils de membres de professions libérales et de propriétaires. La proportion tombe à la moitié parmi les fils de commerçants-industriels et de cadres, et au tiers parmi les fils de boutiquiers et d’employés. Les travailleurs manuels avaient beaucoup de mal à donner à leurs enfants une formation de niveau supérieur : seulement 14 % des fils d’ouvriers ou artisans ont suivi les cours de facultés ou de grandes écoles. Quant à la différence d’origine sociale selon les disciplines, aucune tendance significative n’a été trouvée (voir le tableau V-3)35. Il en va de même pour la différence du milieu d’origine entre les étudiants de facultés et les élèves de grandes écoles : les fils du peuple n’étaient pas toujours écartés de ces dernières36 (voir le tableau V-2).

TABLEAU V-3. Profession du père suivant les études du conseiller (droit et médecine dans les facultés uniquement)

TABLEAU V-3. Profession du père suivant les études du conseiller (droit et médecine dans les facultés uniquement)
  • 37 Ici, les statistiques exactes nous font défaut. Mais il semble que le taux des enfants du peuple ay (...)

43L’accès à l’enseignement supérieur était donc exactement fonction du niveau social du milieu d’origine. Toutefois, les conseillers issus de milieux populaires étaient proportionnellement plus nombreux à faire des études supérieures que l’ensemble des Français issus des mêmes couches sociales37. Les conseillers municipaux de Paris avaient donc reçu une éducation de haut niveau, quelle que soit leur extraction. Autrement dit, les études supérieures constituaient un atout pour qui voulait entrer à l’Hôtel de ville.

44Ainsi, les études de haut niveau étaient une des conditions importantes, sinon indispensables, pour les aspirants édiles. Près de la moitié – probablement plus de la moitié, compte tenu du taux élevé des non-réponses – avaient suivi un cursus universitaire ou équivalent. Tous les courants politiques, sauf le socialisme, appréciaient les études supérieures, la tendance étant plus forte à droite qu’à gauche. Même les fils du peuple devaient parvenir à un enseignement de haut niveau : nombre de conseillers nés dans une famille d’agriculteurs ou d’ouvriers avaient fait des études supérieures, alors que dans l’ensemble de la population française les gens de ces milieux n’avaient guère l’occasion d’en faire.

45Les réformes républicaines des dernières décennies du XIXe siècle sont venues trop tard pour profiter à nos conseillers. Concernant le niveau d’éducation, il y a peu d’évolution significative dans le temps, comme le montre le tableau suivant.

TABLEAU V-4. Niveau d’études selon les périodes (nombre et pourcentage)

TABLEAU V-4. Niveau d’études selon les périodes (nombre et pourcentage)

46Si le niveau d’études des élus entrés au Conseil municipal avant 1881 est relativement élevé, cela est dû au fait que les socialistes, dont la majorité étaient issus de milieux ouvriers, n’étaient pas encore de retour sur la scène politique. La légère hausse du niveau d’études après 1900, qui concerne les conseillers nés principalement dans les années 1860-1870, pourrait être imputable aussi bien à l’augmentation dans l’ensemble des conseillers de la part des élus de droite, qui étaient plus souvent diplômés, qu’aux effets des œuvres scolaires des républicains.

47Or, comme nous l’avons évoqué au début de ce chapitre, les études ne représentent qu’un élément parmi d’autres des formations qui amènent au monde politique. Faute de pouvoir traiter tous les aspects de cet apprentissage politique, nous nous bornerons à examiner les conférences d’éloquence, auxquelles nombre de conseillers avaient participé, et à mesurer le rôle de celles-ci dans leur destin.

B. Apprentissage de la parole et des débats : conférences

  • 38 Le Béguec Gilles, L’entrée au Palais Bourbon..., op. cit.

48À l’instar de Gilles Le Béguec, nous pouvons distinguer deux grandes étapes dans la préparation à la carrière politique : l’acquisition d’un savoir, ou d’un savoir-parler d’une part, et celle d’un savoir-faire de l’autre. Les conférences, avec les études proprement dites, font partie de la première étape, tandis que la seconde se compose essentiellement du passage dans un cabinet ministériel, de la participation à la rédaction de revues et de journaux, ou des fonctions dans des organisations politiques ou para-politiques38.

  • 39 Pour la période de la Monarchie censitaire, voir Martin-Fugier Anne. »La formation des élites : les (...)

49À Paris, des conférences existaient depuis la Restauration. Certaines débattaient des questions d’ordre politique, d’autres avaient leur centre d’intérêt dans la littérature ou la philosophie. Elles étaient toutes fréquentées par des jeunes gens appartenant aux couches supérieures de la société39. Les conférences ont prospéré dans la seconde moitié du XIXe siècle, en profitant de l’absence de partis politiques et d’autres organisations d’encadrement de la jeunesse des écoles.

  • 40 Selon le règlement.
  • 41 Parmi les 265 individus qui ont fait partie de la Conférence entre 1844 et 1846 – membres titulaire (...)
  • 42 Sur ces 265 membres, 59 sont devenus parlementaires, 8 ministres (Louis Buffet, le duc de Morny, le (...)
  • 43 Pour l’histoire et le fonctionnement de la Conférence Molé, voir, en dehors des travaux déjà cités (...)

50Parmi ces institutions, la plus influente et en même temps la plus politisée est sans doute la Conférence Molé. Fondée en 1832 pour étudier en commun « les questions de législation, d’économie politique, d’administration et de politique générale »40, la Molé – comme on disait familièrement – était un véritable parlement, de taille réduite. Les membres se réunissaient en séance une fois par semaine, pendant six mois chaque année. Les travaux de la conférence étaient calqués sur ceux des chambres législatives : le « projet de loi », déposé par un membre, était d’abord examiné en commission, avant d’être présenté à l’assemblée générale, où, après discussion, il était soumis au vote auquel participaient les membres. Les séances étaient présidées par un bureau, composé d’un président, deux vice-présidents et secrétaires, et renouvelé chaque semestre. Dans la conférence, il y avait plusieurs fractions groupées selon les affinités politiques, comme les groupes politiques au Parlement. Les membres actifs, au nombre de 150 environ sous la Monarchie de Juillet, étaient essentiellement de jeunes juristes, notamment des avocats débutants41. Après quelque dix ans de participation assidue, ils devenaient membres honoraires, mais sans couper le lien avec la conférence et ses membres titulaires. Ce système permettait de lier les jeunes hommes aux vétérans, parmi lesquels se trouvaient de nombreuses personnalités42 : la Molé était également un lieu de brassage entre les différentes générations d’élites43.

  • 44 Fondée vers 1839 par de jeunes aristocrates conservateurs, étudiants en droit, elle devait son nom (...)
  • 45 Pour la Conférence Molé-Tocqueville, voir Le Béguec Gilles. » Un conservatoire parlementaire : la C (...)
  • 46 En effet, l’admission à la Conférence exigeait un parrainage par plusieurs membres, et était décidé (...)
  • 47 Fondée en 1855, » pour étudier et discuter des questions de littérature, d’histoire, d’art et de ph (...)

51L’âge d’or de la Molé se situe dans la seconde moitié du XIXe siècle. Après avoir absorbé en 1845 la Conférence Orsay, réunion aux débats institutionnels et politiques44, la Molé fusionna en 1876 avec la Conférence Tocqueville, un autre grand rassemblement de jeunes talents, et prit le nom de Conférence Molé-Tocqueville, sous lequel elle continua de s’illustrer45. La Conférence Tocqueville avait été fondée en 1863, par des jeunes qui trouvaient l’accès à La Molé trop difficile46, et animée par Charles Savary, futur ministre de la Troisième République. La jeune institution ne tarda pas à prospérer ; elle a absorbé en 1870 la Conférence La Bruyère, réunion moins politique47, et la Conférence Montesquieu en 1871.

  • 48 Cité dans la Conférence Molé-Tocqueville. Statut. Règlement. Ordre des travaux de la Conférence, c. (...)

52La fusion des deux grandes conférences en 1876 a donné naissance à un véritable vivier d’hommes politiques de la Troisième République. De tendance conservatrice modérée sous la Monarchie de Juillet, la Molé était critique à l’égard du régime autoritaire de Napoléon III. Sous la Troisième République, de nombreux membres, souvent anciens opposants à l’Empire, ont accédé au sommet de l’État, à tel point que l’institution est devenue une sorte de passage obligé pour qui se destinait à une carrière politique. Sa prise de position face aux régimes successifs et sa prospérité après 1870 s’expliquent principalement par la nature même de la Conférence : sa vocation de former les jeunes aux discussions et son fonctionnement calqué sur celui d’une chambre législative la rendaient favorable à un régime parlementaire. Franck-Chauveau, président en 1876, résumait l’ambiance de la Conférence ainsi : « On prend naturellement ici le goût des institutions libres, l’esprit de discussion et de libre examen, l’habitude de la vie parlementaire, dont la Conférence est l’image.48 »

  • 49 Le Béguec Gilles. « Un conservatoire parlementaire... », art. cit., pp. 17-18.
  • 50 La Conférence Molé-Tocqueville a subsisté jusqu’aux années 1970, mais son influence a décliné large (...)

53La Conférence Molé-Tocqueville prospérait, comptant 344 membres titulaires et 376 anciens en 1886. Nous trouvons de nombreux anciens membres de la Molé-Tocqueville (ou de l’une des deux composantes avant la fusion) parmi les ministres et d’autres hommes politiques de la Troisième République. Sur les 320 gouvernants de 1871 à 1914, 26 avaient participé à la Molé, 6 à la Tocqueville, 10 à la Molé-Tocqueville et 2 à la Conférence La Bruyère. Au total 43 ministres (13,4 %) avaient été membres d’une de ces conférences. Dans l’entre-deux-guerres, 105 députés avaient fréquenté la Conférence Molé-Tocqueville avant leur entrée au Palais-Bourbon49. Ces chiffres montrent explicitement le poids de ces institutions privées dans la vie politique de l’époque50.

  • 51 Conférence Molé, Projets de lois et rapports, 1840, 1843-1862, 1865-1867 ; Conférence Tocqueville. (...)
  • 52 Allain-Targé. Bartholoni, Clamageran. Delattre. Duval, Floquet, Hamel, Hérisson. Hérold, Hervé. Lio (...)
  • 53 Cochin, Dufaure, Guyot et Hervé.
  • 54 Allain-Targé. Auffray, d’Aulan, Berthelot, Bertrou, Maurice Binder. Bompard, Caire, Chassaigne-Goyo (...)

54Nous avons procédé à un dépouillement systématique des annuaires disponibles de ces conférences afin de repérer la présence en leur sein de conseillers municipaux de Paris de 1871 à 191451. En effet, 12 avaient adhéré à la Conférence Molé52, 4 à la Conférence Tocqueville53 et 40 à la Conférence Molé-Tocqueville54. Parmi les derniers, 8 avaient été membres de la Molé, 2 membres de la Tocqueville, et 1 (Édouard Hervé) membre de ces deux conférences avant leur fusion. Au total, 44 individus avaient fait partie de l’une des composantes de la Conférence Molé-Tocqueville, soit un élu sur dix (9,7 % plus exactement).

  • 55 « Emprunt de la ville de Paris » (1886. par Manceaux) ; « Composition du Conseil municipal de Paris (...)

55Ces conseillers avaient abordé dans les séances de ce petit parlement des questions portant sur des domaines différents. Les discussions trahissent plus ou moins les opinions sur lesquelles ils ont bâti leurs activités politiques. Marcel Habert, jeune avocat brillant, a fait en 1889 une proposition sur les mesures prises contre la Ligue des patriotes, à laquelle il venait d’adhérer. Gustave-Adolphe Hubbard, avocat, futur édile radical, a plaidé en 1881 pour la suppression de la Préfecture de police, fortement revendiquée par les radicaux parisiens du temps. Millerand, avec Berthelot et Jamais, mettait en cause le régime concordataire dès 1884 en déposant un projet de loi sur la séparation de l’Église et de l’État. Les questions concernant la capitale et son régime administratif ont été sujets de débats. Entre 1876 et 1914 ont été débattus à la Conférence Molé-Tocqueville au moins une vingtaine de projets de lois sur l’organisation municipale de la France, dont quelques-uns concernaient directement Paris55.

56Certains conseillers avaient présidé les débats en assumant des fonctions dans le bureau de la Conférence. Sur les 44 conseillers qui ont été membres de la Conférence Molé-Tocqueville ou de l’une de ses anciennes composantes. 20 ont été nommés présidents, vice-présidents ou secrétaires du bureau de la Conférence, et 6 ont participé au conseil d’administration. Non seulement la participation des futurs conseillers à la Conférence était importante, mais le rôle joué par eux était souvent central.

  • 56 Edouard Hervé et Georges Gamard auraient également été membres.
  • 57 Les seuls documents que nous ayons trouvés sur la Conférence sont les procès-verbaux des séances de (...)
  • 58 La Conférence est fondée « dans le but de s’exercer à la parole publique et aux discussions parleme (...)
  • 59 L’origine de la Conférence Olivaint est la Réunion des jeunes gens, fondée à Vaugirard en 1852 pour (...)
  • 60 D’autres conseillers avaient fréquenté la Conférence : Denys Cochin a présidé la séance solennelle (...)

57À côté de la prestigieuse Molé-Tocqueville, il existait à Paris d’autres conférences, dont les organisations et les activités sont beaucoup moins bien connues : Conférence La Bruyère, que nous avons évoquée, et dont Yves Guyot et Albert Liouville avaient été membres56 ; Conférence Marie, fondée vers 1850, à laquelle auraient participé Floquet. Clamageran. Hérold. etc.57 ; Conférence de la rue Royale, fondée en 186358 ; Conférence du Rez-de-Chaussée, créée vers 1860 pour traiter de questions historiques et littéraires ; Conférence Pascal, présidée en 1861 par Charles de Franqueville. Si la plupart de ces conférences, y compris la Tocqueville, datent du Second Empire, quelques-unes ont été fondées sous la Troisième République : Conférences Tronchet et Portalis, fondées par le futur conseiller René Piault au temps du boulangisme ; Conférence Olivaint, réunissant des étudiants catholiques de Paris pour les encadrer et pour les initier aux débats sur des questions diverses. Cette dernière, dont l’origine remonte à 1852, s’est développée au tournant du siècle, comptant 240 membres en 191459. Parmi nos conseillers, Jules Auffray, César Caire, Joseph Ménard et Gaston Méry en avaient été membres – tous élus nationalistes60.

  • 61 Pour l’histoire de la Conférence du stage des avocats de Paris, voir notamment Le Béguec Gilles, L’ (...)

58Si ces conférences, fréquentées principalement par des étudiants en droit et de jeunes juristes, étaient toutefois ouvertes à tous ceux qui souhaitaient s’initier aux débats et à l’éloquence, une autre organisation, beaucoup plus sélective et spécialisée, existait dans la capitale : il s’agit de la Conférence du stage du barreau de Paris. Une conférence existait au sein du barreau de Paris depuis l’Ancien Régime sous des noms divers, mais l’assurance de consultations destinées aux pauvres était l’une de ses principales fonctions. C’est à partir de 1851, date à laquelle l’organisation de l’assistance juridique a déchargé la Conférence de toute tâche à l’égard des indigents, qu’elle a pris la forme d’un véritable concours d’éloquence, où les jeunes gens mesuraient leurs capacités de parole et d’argumentation61.

59Les jeunes diplômés en droit inscrits au barreau devaient suivre une formation qui durait trois ans, période intermédiaire entre l’état d’étudiant en droit et celui d’avocat. Les stagiaires, tout en ayant la possibilité de plaider, étaient tenus d’assister aux réunions de « colonnes », – sorte de groupes d’études où ils étaient interrogés sur les règles de la profession –, et de participer à la Conférence du stage organisée en partie par les stagiaires eux-mêmes.

60Celle-ci se tenait plusieurs fois par mois, préparée et présidée par le bâtonnier, assisté de douze secrétaires choisis parmi les stagiaires. Les séances étaient consacrées à la discussion de problèmes juridiques, où les stagiaires prenaient la parole à tour de rôle. À la fin de chaque année stagiaire, vers la fin du mois de juin, le jury, composé du bâtonnier et des secrétaires, choisissait parmi les jeunes avocats les douze meilleurs, qui seraient secrétaires l’année suivante. Les secrétaires de la Conférence du stage étaient donc lauréats d’un concours d’éloquence, choisis par leurs pairs.

  • 62 Brunois Albert, La Conférence des avocats du barreau de Paris, 1974, 40 p.
  • 63 « Enfin, il est aisé aux thuriféraires de la Conférence de démontrer sa réussite en consultant ses (...)

61Les postes de secrétaires étaient fortement convoités, et les titulaires bénéficiaient d’un grand prestige au sein du barreau : « être secrétaire de la Conférence, c’est à l’orée de la vie active, être désigné comme porteur de talents, d’intelligence et de culture »62. On leur promettait un bel avenir, et les secrétaires ne trahissaient pas cette attente : nombre de grands avocats et de bâtonniers de Paris étaient d’anciens secrétaires. Si la scène politique de la Troisième République était dominée par les avocats, les anciens secrétaires de la Conférence y montraient pleinement leur talent. En fait, la Conférence du stage constituait une véritable pépinière de dirigeants de l’État. En étaient sorties de grandes figures de la République : 3 présidents de la République (Grévy, Poincaré et Millerand), et 9 présidents du Conseil (Gambetta, Ferry, Floquet, Viviani, Barthou. Léon Bourgeois, Méline. Ribot, Paul Reynaud). De nombreux ministres avaient fait partie de cette élite du barreau63. Entrés au Parlement ou au gouvernement, ils ne coupaient pas totalement leur lien avec le secrétariat de la Conférence, ce qui permettait aux nouveaux promus de se glisser dans les réseaux d’hommes politiques. Cette solidarité s’est encore renforcée, lorsque les membres et anciens membres du secrétariat ont constitué en 1878 une association en vue d’« entretenir entre tous ceux qui ont appartenu au secrétariat de la Conférence quelle que soit la carrière qu’ils aient embrassée, le souvenir de travaux communs, de resserrer les liens qui se forment à la Conférence, d’établir entre les anciens et les nouveaux des traditions d’amitié confraternelle et d’assurer, au besoin, à chacun de ses membres, l’appui des autres » (statut de l’Association).

  • 64 Il s’agit de : Alpy (promotion 1873-1874), Bertrou (1888-1889), Caire (1891-1892), Clamageran 0852- (...)
  • 65 « M. Gabriel Bertrou. Notice lue par M. Marcel Habert », Association amicale des secrétaires et anc (...)

62De cette élite du barreau parisien, 24 conseillers municipaux avaient fait partie, soit 5,3 %64. Certains avaient été fort brillants : Daguilhon-Pujol, Hérold et Ernest Lefèvre étaient premiers secrétaires de leur promotion. D’autres s’étaient connus au sein d’une même promotion : c’est le cas de Floquet et d’Arthur Hubbard (1853-1854), Millerand et Deville (1882-1883, promotion de Poincaré), Lalou et Vincent (1885-1886), Bertrou et Habert (1888-1889). S’ils ne partageaient pas tous les mêmes opinions politiques, des affinités et des sentiments de solidarité les rapprochaient en dehors du secrétariat. Bertrou et Habert ont été choisis secrétaires en 1888, lorsque le boulangisme battait son plein. Ils fréquentaient aussi un groupement amical de jeunes avocats et de secrétaires de la Conférence, venus des points les plus opposés de l’horizon politique ; le groupe comprenait entre autres René Viviani, Marcel Sembat, et Henri Turot, futur conseiller municipal socialiste. Habert, ayant épousé l’idée nationaliste, est entré à la Ligue des patriotes en 1888, dont il est vite devenu un des leaders. Bertrou, sympathisant boulangiste et nationaliste, a défendu son ami Habert dans l’affaire de la tentative de coup d’Etat lors des obsèques de Félix Faure. A la mort de Bertrou en 1909, Habert assumera, dans une séance de la Conférence du stage des avocats, la tâche de rendre hommage au secrétaire défunt65.

63Par son caractère plus officiel et plus professionnel, la Conférence du stage des avocats de Paris se distingue des autres conférences d’éloquence. Mais leur vocation – former les jeunes gens aux débats – était la même. Un bon nombre de secrétaires de la Conférence participaient en même temps aux travaux d’autres conférences d’éloquence, notamment à la Conférence Molé-Tocqueville. Pour ce qui nous concerne. 14 des 24 conseillers municipaux anciens secrétaires de la Conférence du stage avaient été membres de la Molé-Tocqueville (ou de l’une de ses anciennes composantes).

64Quelles sont les futures carrières de ces jeunes qui fréquentaient des conférences d’éloquence parlementaire, ou de ces lauréats du stage du barreau ? De quel milieu social venaient-ils, et par quelle filière scolaire passaient-ils ?

  • 66 Cela est à comparer à l’origine sociale de l’ensemble des conseillers municipaux avocats, puisque t (...)

65Les conseillers qui avaient fréquenté des conférences étaient issus de milieux relativement aisés. Parmi ceux qui avaient participé à une conférence de façon assidue (les colonnes 1, 2, 4 et 5 dans le tableau V-5), aucun n’était fils d’ouvrier ou d’employé, et un seul venait du milieu des agriculteurs, un autre était fils de boutiquier ; tandis que 12 étaient issus de milieux des professions libérales, 8 étaient fils de hauts fonctionnaires, 8 étaient nés dans une famille de commerçant-industriel, 6 étaient fils de cadres et 5 fils de propriétaires. Parmi les 12 individus dont le père exerçait une profession libérale, 10 étaient fils de juristes. Ce sont donc des individus dont le père travaillait déjà dans le domaine juridique ou administratif, qui fréquentaient le plus souvent les institutions de formation aux débats. Quant aux lauréats du stage du barreau de Paris (les colonnes 3, 4 et 5), ils venaient de milieux presque identiques66.

TABLEAU V-5. Origines sociales des conseillers ayant fréquenté une conférence de débats, ou ayant été secrétaires de la Conférence du stage du barreau de Paris

TABLEAU V-5. Origines sociales des conseillers ayant fréquenté une conférence de débats, ou ayant été secrétaires de la Conférence du stage du barreau de Paris

N.B. : (1) membres d’une conférence de débats. (2) Membres d’une conférence de débats, avec une fonction dans le bureau de celle-ci. (3) Secrétaires de la Conférence du stage des avocats de Paris. (4) (1) + (3). (5) (2) + (3).

  • 67 Berthelot, licencié ès lettres et agrégé d’histoire ; Deschamps, docteur en médecine ; Lambelin, so (...)

66Le niveau d’études des jeunes gens qui participaient aux conférences d’éloquence était élevé. Tous ont suivi des cours d’enseignement supérieur, sauf trois : d’Aulan, Guyot et Virot. Le genre d’études préférées était le droit : sur les 47 conseillers anciens membres d’une conférence, 20 étaient licenciés, 18 avaient le grade de docteur, et seuls trois conseillers avaient fait des études dans un autre domaine67. Il va de soi que les secrétaires de la Conférence des avocats ont tous fait leur droit. La maîtrise de la loi était ainsi une condition très importante pour les jeunes talents qui se formaient aux débats et à l’éloquence.

67La profession choisie reflète ce goût pour le droit. Sur les 47 conseillers ayant fréquenté une conférence comme la Molé, 38 exerçaient une profession libérale lors de leur entrée à l’Hôtel de ville, dont 27 étaient avocats et 10 journalistes. Les autres secteurs socioprofessionnels sont peu représentés : 3 étaient cadres (Mesureur, Virot. Tranchant), 3 autres étaient commerçants-industriels (Froment-Meurice, Lefebvre-Roncier, Dufaure), I était professeur d’université (Berthelot), et 2 vivaient de leurs rentes (Jousselin et Aulan). Par ailleurs, les 9 secrétaires de la Conférence du stage qui ne participaient pas aux séances d’une conférence d’éloquence ont tous choisi une profession libérale : 8 avocats et 1 journaliste.

68Quel est le destin politique de ces jeunes talents ? Appartenaient-ils à un courant politique particulier ?

69Au conseil municipal de Paris, la part de ceux qui avaient été formés dans une conférence d’éloquence alla en augmentant. Durant la première décennie de la République. 12 des 174 élus avaient fréquenté une conférence (sans compter la Conférence du stage), soit 6,9 % de l’ensemble. Le taux double parmi les conseillers élus pour la première fois pendant la période du radicalisme parisien (1881-1900) : 23 sur 186, soit 12,4 %. Après le tournant du siècle et le basculement à droite de la municipalité, la part des élus passés par cette filière se maintient au même niveau : 12 sur 92, soit 13,0 %.

70Sur l’échiquier politique, les conseillers issus de ces appareils de formation se situaient nettement plus à droite qu’à gauche.

TABLEAU V-6. Tendances politiques des conseillers ayant appartenu à une conférence

TABLEAU V-6. Tendances politiques des conseillers ayant appartenu à une conférence

N.B. : Pour les sigles, voir le tableau V-5.

71Aucun élu d’extrême gauche n’avait connu les débats des conférences. Parmi les élus républicains, républicains radicaux et radicaux-socialistes, qui composent l’essentiel des courants de la gauche, du centre gauche et du centre droit, moins d’un sur dix étaient passés par une conférence. C’est surtout à la droite et à l’extrême droite que la part des anciens membres de conférences est élevée : 24,2 % parmi les conseillers de la droite, et 29,5 % parmi leurs collègues de l’extrême droite.

  • 68 Les travaux de Gilles Le Béguec portent sur l’entre-deux-guerres, et ceux de Jean Estèbe concernent (...)
  • 69 Le Béguec Gilles, « Un conservatoire parlementaire », art. cit., p. 16.
  • 70 Voir le chapitre VI.

72Il n’est pas facile d’expliquer cette tendance, faute d’études détaillées sur la carrière de l’ensemble des membres des conférences, et sur le poids de celles-ci dans la vie politique de l’époque68. Toutefois, il semble que nos conseillers de droite s’étaient plus intéressés aux conférences que les autres hommes politiques de même tendance. La Conférence Molé a fourni un important contingent d’hommes politiques dans les débuts de la Troisième République – elle préparait les jeunes à la discussion de type parlementaire, et une république parlementaire devait nécessairement être son âge d’or. Mais ses anciens membres se comptaient aussi bien dans le camp conservateur que parmi les républicains69. Or, à la gauche et au centre de notre classement, la part des individus issus de conférences est faible, d’autant plus que ces courants politiques comprenaient en leur sein autant d’avocats et de journalistes que les partis de droite70.

  • 71 Voir le chapitre III.

73L’augmentation au Conseil municipal du nombre d’anciens membres de conférences à partir de 1881 est sans doute due à la politisation relative des élections municipales de la capitale71. D’autre part, à cette période coïncidait, grosso modo, l’entrée dans la vie politique des jeunes gens formés au sein de la Conférence Molé-Tocqueville alors que celle-ci était à son apogée, du Second Empire aux débuts de la République. La part faible des anciens membres de conférences dans les courants de gauche en général semble s’expliquer en partie par le fait qu’une majeure partie des élus de ces tendances sont entrés au Conseil municipal dans les débuts de la République, à une époque où l’influence des conférences d’éloquence dans les milieux politiques n’était pas aussi importante qu’elle le sera (voir tableau III-5). Pourtant, cela n’explique pas entièrement le déséquilibre entre droite et gauche. Le facteur économique ne serait pas déterminant : la Molé demandait une cotisation annuelle de 35 francs, ce qui n’était certes pas à la portée de tous, mais le montant n’était pas excessif pour ceux qui avaient pu parcourir un cursus universitaire. Il semblerait qu’en général les conseillers de droite avaient reçu une meilleure formation à la parole que leurs homologues de gauche.

C. Bilan des études et des formations : effets sur la carrière politique

74Reste à savoir le poids de la formation, scolaire ou autre, sur le destin politique de chacun. Ceux qui avaient fait des études supérieures ont-ils parcouru une carrière politique différente par rapport à ceux qui n’en avaient pas fait ? Le passage dans une conférence d’éloquence ou le poste de secrétaire de la Conférence du stage permettaient-ils aux titulaires un bel avenir politique, comme les contemporains le croyaient souvent à partir de quelques exemples notoires ?

75Nous avons utilisé, comme critère pour mesurer la réussite de la carrière, les fonctions dans le bureau du Conseil municipal d’une part, et le mandat parlementaire d’autre part.

  • 72 Nous n’avons pas retenu les élus qui ont assuré ces fonctions par intérim, après la démission ou le (...)
  • 73 Sans éliminer ceux qui sont ensuite devenus présidents ou vice-présidents.

76Des 452 conseillers municipaux élus entre 1871 et 1914, 215 avaient fait des études supérieures (47,6 %). Par ailleurs, 258 élus ont occupé un poste dans le bureau de l’assemblée municipale72. De ces 258 individus qui étaient appelés par leurs collègues à diriger l’assemblée, 127 avaient reçu une instruction de niveau universitaire, soit 49,2 %. La présidence était assurée souvent par un élu ayant fait des études supérieures : c’est le cas de 32 des 48 présidents du bureau, soit 66,7 %. Mais le diplôme universitaire n’était pas décisif pour les autres postes : 51 des 106 vice-présidents (48,1 %), 92 des 201 secrétaires (45,8 %), et 3 seulement des 14 syndics (21,4 %) avaient suivi des cours dans une faculté ou une grande école73. Ainsi, l’absence d’études supérieures n’empêchait pas de jouer un rôle dans le bureau du Conseil, mais rendait plus difficile l’accès à la présidence.

77Nous obtenons un résultat identique en comptant le nombre de mandats, au lieu du nombre de conseillers en tant qu’individus, selon les niveaux d’études achevées des titulaires. La présidence a été assurée trois fois sur quatre par un conseiller ayant reçu une éducation de niveau supérieur. Pour les postes de vice-président et de secrétaire, c’était le cas une fois sur deux environ.

TABLEAU V-7 .Les niveaux d’études des membres du bureau (nombre de mandats)

TABLEAU V-7 .Les niveaux d’études des membres du bureau (nombre de mandats)

N.B. : voir le tableau V-1 pour les niveaux d’éludes. Les chiffres entre parenthèses sont des pourcentages en ligne, calculés sans éliminer les non-réponses.

78Certes, trois quarts des présidents avaient fait des études supérieures. Mais les autres membres du bureau ne se distinguaient pas de leurs collègues par leur niveau d’études.

79En examinant les choses par catégories socioprofessionnelles, nous voyons mieux que les études étaient relativement peu importantes pour accéder au bureau du Conseil.

TABLEAU V-8. Niveau d’études des membres du bureau selon les catégories socio-professionnelles (nombre de mandats)

TABLEAU V-8. Niveau d’études des membres du bureau selon les catégories socio-professionnelles (nombre de mandats)

N.B. : Premier chiffre : ceux qui avaient fait des études supérieures ; Second chiffre : ensemble des conseillers.

80Parmi les présidents et les vice-présidents qui appartiennent aux catégories des commerçants-industriels ou des cadres, seule une poignée avaient un grade universitaire : le taux de ceux qui en avaient était même moins élevé que parmi les secrétaires. D’autre part, si trois quarts des présidents avaient fait des études supérieures (voir tableau V-7), c’est parce que la plupart d’entre eux étaient membres de professions libérales. Ainsi, concernant la place au sein du Conseil municipal, les études étaient moins décisives que la situation socioprofessionnelle.

  • 74 Toujours les non-réponses comprises. Des 135 conseillers municipaux qui ont reçu un mandat parlemen (...)

81Il en va de même pour la carrière politique des diplômés de l’enseignement supérieur. Certes, elle était en général brillante. Sur les 135 conseillers municipaux qui sont devenus parlementaires, que ce soit avant ou après leur passage à l’Hôtel de ville, 88 avaient un diplôme universitaire, soit 65,2 %, alors que le même taux était de 47,6 % pour l’ensemble des 452 conseillers74. De même, la possibilité de se faire élire député ou sénateur était plus grande pour les titulaires d’un grade universitaire : 40,9 % des conseillers ayant fait des études supérieures ont été élus parlementaires (88 sur 215), contre 29,9 % dans l’ensemble du corpus (135 sur 452).

82Toutefois, c’est moins la formation que la profession qui comptait, comme le montre le tableau suivant.

TABLEAU V-9. Niveau d’études des conseillers parlementaires selon les catégories socio-professionnelles

TABLEAU V-9. Niveau d’études des conseillers parlementaires selon les catégories socio-professionnelles

N.B. : Premier chiffre : conseillers parlementaires ; Second chiffre : ensemble des conseillers.

83C’est notamment parmi les membres des professions libérales que se recrutaient les députés ou sénateurs. Certes, ceux-là avaient en général un niveau d’études très élevé. Mais, concernant les autres catégories socioprofessionnelles, les études supérieures ne favorisaient guère l’entrée au Parlement : les conseillers parlementaires n’étaient pas toujours diplômés de l’enseignement supérieur.

84En ce qui concerne la carrière des élus municipaux de Paris, le niveau d’études était un facteur moins important que la situation socioprofessionnelle.

85Le stage d’éloquence effectué dans une conférence exerçait une influence similaire sur la carrière future du conseiller.

86Si environ un conseiller sur dix a accédé au moins une fois à la présidence de l’assemblée (48 sur 452), c’est le cas d’un conseiller sur huit parmi ceux qui étaient passés par une conférence d’éloquence (6 sur 47). La même tendance se constate pour la vice-présidence : dans l’ensemble, 23,5 % des conseillers ont siégé dans le fauteuil de vice-président (106 sur 452), alors que parmi les élus issus d’une conférence, le taux est de 34 % (16 sur 47). En revanche, pour les postes de secrétaire et de syndic la tendance n’existe plus : 44,5 % de l’ensemble des conseillers ont rempli la fonction de secrétaire (201 sur 452), contre 29,8 % des anciens membres d’une conférence (14 sur 47) ; parmi les 14 conseillers syndics nommés entre 1871 et 1914, un seul avait participé à une conférence.

87Le secrétariat de la Conférence du stage favorisait aussi l’accès au bureau : parmi les 24 conseillers anciens secrétaires, un sur six a été élu président (4 sur 24, soit 16,7 %), et plus d’un sur trois est devenu vice-président (9 sur 24, soit 37,5 %). Les anciens secrétaires briguaient moins les fonctions de secrétaire et de syndic du bureau : 8 d’entre eux sont élus secrétaires (33,3 %), et aucun n’a été syndic. Les anciens membres du célèbre secrétariat de la Conférence du stage étaient choisis par leurs collègues surtout pour les postes clés de la direction de l’assemblée.

  • 75 Allain-Targé, Clamageran, Cochin, Floquet, Guyot, Hérisson, Mesureur, Millerand, Roche.
  • 76 Clamageran, Floquet, Hérisson, Millerand, Rollin.

88Comme l’essentiel des séances des conférences d’éloquence – et dans une moindre mesure de celles de la Conférence du stage du barreau de Paris – était consacré à l’exercice de débats parlementaires, il n’est pas étonnant de trouver nombre de membres des conférences sur les bancs du Parlement. Parmi les 47 conseillers ayant participé à une conférence d’éloquence – principalement à la Molé-Tocqueville –, 25 sont devenus députés ou sénateurs (53,2 %), dont 9 ministres75. De même, des 24 élus anciens secrétaires de la Conférence du stage, 11 ont reçu un mandat parlementaire (45,8 %), dont 5 ont fait partie d’un gouvernement76. Clamageran, Floquet, Hérisson et Millerand, tous ministres de la République, avaient été à la fois lauréats du concours des avocats stagiaires et membres du bureau de la Conférence Molé-Tocqueville.

89Pourtant, il n’est pas aisé de mesurer exactement l’influence de la participation aux conférences sur la carrière des conseillers qui en étaient issus, car la plupart d’entre eux étaient membres de professions libérales, et seule une poignée appartenaient à d’autres catégories socioprofessionnelles. Si les conseillers anciens membres de conférences avaient généralement fait une belle carrière, cela peut être imputable aussi bien à leur profession – les professions libérales, qui étaient propices, comme nous allons le voir dans le chapitre suivant, à la vie politique nationale – qu’à leur formation au sein de conférences.

90Études et formation n’ont jamais été, concernant notre période, une condition sine qua non pour franchir le seuil de l’Hôtel de ville. Les effets des œuvres scolaires des pères fondateurs de la République n’étaient pas encore perceptibles dans les classes politiques de l’époque. À l’assemblée municipale, peu de conseillers avaient pu bénéficier des institutions scolaires de l’après-réformes, tandis que nombre de notables de quartier, souvent négociants ou industriels sans diplôme universitaire, jouaient un rôle important.

Notes

1 Les élus dont le père était agriculteur, travailleur manuel, boutiquier ou employé.

2 Le Béguec Gilles, L’entrée au Palais Bourbon. Les filières privilégiées d’accès à la fonction parlementaire (1919-1939), thèse de doctorat d’État, Université Paris X (René-Rémond). 1989, 5 vol., 1827 p.

3 Des 452 conseillers. 322 (71 %) sont nés après 1831, et ont donc atteint leur majorité après 1851.

4 Seuls 23 élus sont nés après 1871.

5 Les dossiers personnels des Archives de la Préfecture de police sont à utiliser avec précaution. En matière d’études, les agents de police semblent s’appuyer plutôt sur des enquêtes orales que sur des documents écrits.

6 Calcul fait sans éliminer les non-réponses. Sur l’ensemble des 361 conseillers élus entre 1944 et 1977, des renseignements fiables sont disponibles pour 294 conseillers, parmi lesquels 177 ont reçu une instruction de niveau supérieur. Si nous ne tenons pas compte des cas inconnus, le taux s’élève à 60 % (Nivet Philippe, Le conseil municipal de Paris.... op. cit., p. 178).

7 Estèbe Jean, Les ministres de la République..., op. cit., p. 104 ; Députés et sénateurs de l’Aquitaine, op. cit., p. 105. Dans ces deux ouvrages, les études faites dans une école des Beaux-Arts sont considérées comme supérieures. Nous n’avons pas adopté ce classement, parce que ces écoles étaient beaucoup moins exigeantes que les autres établissements de niveau supérieur quant aux âge et diplôme requis pour y entrer, et que la simple mention type »... était élève de M. N. à l’École des Beaux-Arts » – souvent le seul renseignement que nous possédions – ne prouve nullement l’inscription officielle ou des études assidues de l’intéressé à l’école.

8 Attout-Tailfer, Ballière (École des Beaux-Arts de Paris), Cernesson (Paris), Delhomme (Paris). Jobbé-Duval, Lampué (Toulouse). Lockroy, Miniot (École des Arts décoratifs), Sauton et Voisin (Lyon).

9 Mémoires, souvenirs ou études biographiques existent pour un petit nombre d’élus (Clemenceau, Floquet. Millerand, Puech, Lockroy. Auffray et al.). La plupart d’entre eux sont devenus ultérieurement parlementaires, et ne peuvent donc pas être considérés comme représentatifs du corpus.

10 Rapport de police, 17 septembre 1892 (APP, BA 979). Il avait été gardeur de dindons puis journalier travaillant sur le chemin de fer de l’Ouest. Engagé volontaire ensuite, il a effectué 5 ans de service militaire, durant lesquels il a sans doute amélioré ses capacités d’écriture et de lecture. Ayant quitté l’armée, il a été successivement ouvrier terrassier, coltineur, débardeur, avant d’être employé, à l’âge de 24 ans, comme chauffeur à la Compagnie du Gaz de Paris, où il fera une longue carrière jusqu’à ce qu’il devienne chef d’équipe.

11 Auffray, orateur dans de nombreuses réunions et conférences catholiques, entretenait un culte fervent pour Jeanne d’Arc. Il a épousé en secondes noces la fille d’Amédée de Margerie, doyen de la Faculté catholique de Lille. Caire était lui aussi un conférencier connu dans les milieux catholiques. Denais, journaliste, assumait les fonctions de secrétaire général de l’Association catholique de la presse française.

12 Piperaud avait pourtant un frère prêtre dans le Cher (APP, BA 1225). Chautemps et Puech étaient souvent dénoncés pour leur appartenance maçonnique : selon le dictionnaire de Gaudart, Puech a été membre de la loge « l’Enseignement mutuel », orient de Paris (Gaudart De Soulages Michel et Lamant Hubert, Dictionnaire des francs-maçons français, Éditions Albatros. 1980, 590 p.).

13 Voir Estèbe Jean, Les ministres de la République..., op. cit., pp. 99-101.

14 Sept conseillers d’origine parisienne ont fait leurs études secondaires en dehors de Paris, dont 3 au lycée de Versailles. Les raisons de ce choix sont inconnues, sauf pour d’Andigné, élève du collège de Combrée, en Maine-et-Loire, où sa famille, appartenant à la noblesse ancienne, était enracinée depuis des siècles.

15 Nombres des conseillers passés dans chaque établissement : certains ont été comptés plusieurs fois.

16 Il s’agit de Faillet, Lyon-Alemand, Bouruet-Aubertot, Bréton, Viollet-Le-Duc. Henri Rouselle et Joubert.

17 Alpy, Berry, Berthelot, Clamageran, Habert, Hervé, Prestat, Puteaux et Maurice Quentin. Selon Jean Estèbe, parmi les 320 ministres de la Troisième République (1871-1914), une dizaine s’étaient ainsi distingués au concours général (Les ministres de la République..., op. cit., p. 102).

18 Non-réponses incluses.

19 Nous avons retenu rétablissement dans lequel le conseiller a effectué l’essentiel de ses études supérieures. En cas de filières multiples, une des tendances nouvelles de la fin du XIXe siècle, nous avons pris celle qui a été la plus importante pour sa carrière professionnelle. Charles Tranchant, à titre d’exemple, a été considéré comme licencié en droit. Tout en poursuivant ses études de droit à Paris, Tranchant est entré en 1846 à l’École des Chartes, où il a obtenu quatre ans plus tard le diplôme d’archiviste-paléographe, avec une thèse intitulée : « De la nature du pouvoir royal en France sous les Mérovingiens ». Il était aussi assidu en droit : licencié en mai 1848, il a ensuite réussi au concours de l’éphémère École nationale d’administration. Sa carrière professionnelle était celle d’un juriste : auditeur au Conseil d’État en 1849, avocat au barreau de Paris à partir de 1850, secrétaire général de la Compagnie des Messageries maritimes sous le Second Empire, il a été nommé conseiller d’État par le gouvernement de Thiers. Son diplôme d’archiviste n’aurait pas servi sur le plan professionnel.

20 En 1875-1876, 0,5 % du groupe d’âge de 19-22 ans effectuaient des études supérieures ; en 1930-1931, le taux ne s’élève qu’à 2,9 % (Charle Christophe et Verger Jacques, Histoire des universités, PUF, 1994. 126 p., p. 95).

21 Caron Jean-Claude, Générations romantiques. Les étudiants de Paris et le quartier latin (1814-1848), Armand Colin. 1991, 435 p., p. 45.

22 Charle Christophe et Verger Jacques, Histoire des universités..., op. cit., p. 93.

23 Dausset (lettres), Berthelot (histoire), et Dupont (grammaire). Il y avait également deux agrégés de droit (Beudant et Léveillé), trois agrégés de médecine (Auguste Delpech, Depaul et Desprès), un agrégé d’histoire naturelle médicale (Lanessan).

24 Ceux qui sont entrés au Conseil municipal en 1887, année médiane de la période étudiée, étaient nés vers la fin de la Monarchie de Juillet (l’âge moyen à la première élection étant de 44 ans), et avaient donc atteint l’âge de l’enseignement supérieur dans les années 1860.

25 Et, en 1869, le nombre des étudiants était de 5 200 en droit, et de 4 322 en médecine (Prost Antoine, Histoire de l’enseignement en France, 1800-1967, Armand Colin, 1968. 524 p., p. 243).

26 Prost Antoine, Histoire de l’enseignement..., op. cit., p. 226.

27 Estèbe Jean, Les ministres de la République..., op. cit., p. 106 ; Gaudemet Yves-Henri, Les juristes et la vie politique de la Troisième République, PUF, 1970, 120 p.

28 Si le nombre des conseillers juristes est inférieur à celui des conseillers ayant fait des études de droit, c’est qu’un certain nombre de ces derniers ont choisi le journalisme.

29 Caron Jean-Claude, Générations romantiques..., op. cit., p. 43.

30 Il s’agit d’Édouard Hervé, futur académicien, admis major à l’École normale supérieure, qu’il a quittée un an plus tard pour faire du journalisme.

31 Pour ces cinq conseillers anciens élèves de l’École des Mines, le dossier personnel est absent dans la série F 14 aux Archives nationales.

32 Armengaud y fut admis, comme à Centrale.

33 L’école se trouvait à Bordeaux, et avait des annexes à Toulon, Rochefort et Brest.

34 C’est le cas de : Auffray, Bos, Cochin, et Denais, licenciés en droit et ès lettres ; Berry, licencié ès lettres et docteur en droit : Dubief, licencié en droit et docteur ès lettres. Par ailleurs. Lucipia, Maublanc, Ranc et Tranchant, étant étudiants en droit, ont suivi les cours de l’École des Chartes, mais seul Tranchant a obtenu le diplôme d’archiviste-paléographe.

35 Certes, les hauts fonctionnaires dirigeaient leurs fils vers les études de droit, mais les travailleurs manuels destinaient leurs enfants plutôt vers la médecine, études plus longues et coûteuses.

36 La proportion des conseillers issus de milieux populaires (fils d’agriculteurs, de travailleurs manuels, de boutiquiers et d’employés) est de 14,7 % parmi ceux qui ont été élèves de grandes écoles, et de 17,7 % parmi ceux qui ont fait des études dans une faculté. Même si nous limitons la comparaison aux seuls secteurs de l’agriculture et du travail manuel, la différence ne devient pas plus nette : sur les 34 élèves de grandes écoles, 2 étaient issus de cette couche, alors qu’ils étaient 14 parmi les 181 étudiants de facultés. Là aussi, le nombre infime de l’échantillon rend difficile toute interprétation.

37 Ici, les statistiques exactes nous font défaut. Mais il semble que le taux des enfants du peuple ayant atteint l’enseignement supérieur demeurait infime, puisque, comme nous l’avons vu, seulement 0,5 % du groupe d’âge de 19-22 ans avaient fait des études supérieures en 1875-1876. Même en 1939, seuls 7 % des étudiants étaient fils d’artisans, d’ouvriers ou d’agriculteurs, alors que 39 % étaient issus des classes moyennes (fils de fonctionnaires, d’employés, etc.) et 49 % venus de la bourgeoisie économique et libérale (Charle et Verger, op. cit., p. 95).

38 Le Béguec Gilles, L’entrée au Palais Bourbon..., op. cit.

39 Pour la période de la Monarchie censitaire, voir Martin-Fugier Anne. »La formation des élites : les « conférences » sous la Restauration et la Monarchie de juillet ». Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. 36, avril-juin 1989. pp. 211-244.

40 Selon le règlement.

41 Parmi les 265 individus qui ont fait partie de la Conférence entre 1844 et 1846 – membres titulaires, libres et honoraires confondus –, 138 appartenaient au barreau ou à la magistrature, 30 au Conseil d’État, 11 à la diplomatie, 7 à l’armée ou à la marine, 7 au corps préfectoral. 16 à la fonction publique ; 11 étaient hommes de lettres, 3 médecins, 3 ingénieurs. 2 banquiers. 1 industriel. 1 directeur de maison éducative ; et la profession est inconnue pour 35 individus ; soit plus de 70 % des membres exerçaient une profession juridique (Martin-Fugier Anne, art. cit., p. 236).

42 Sur ces 265 membres, 59 sont devenus parlementaires, 8 ministres (Louis Buffet, le duc de Morny, le marquis de Moustier, le marquis de Talhouet, Adolphe Vuitry, Louis Decazes, Eugène de Goulard, Edmond Teisserenc de Bort), et un président de la République (Jules Grévy).

43 Pour l’histoire et le fonctionnement de la Conférence Molé, voir, en dehors des travaux déjà cités de Jean Estèbe et d’Anne Martin-Fugier, les Projets de lois et rapports de la conférence, publiés annuellement, contenant le règlement de la conférence, la liste des projets et celle des membres (consultables à la Bibliothèque administrative de la ville de Paris, à l’Hôtel de ville, pour les années 1840, et 1843-1867 ; la collection de la Bibliothèque nationale est plus lacunaire).

44 Fondée vers 1839 par de jeunes aristocrates conservateurs, étudiants en droit, elle devait son nom à son siège qui se trouvait quai d’Orsay. Le public était identique à celui de la Molé, et nombre de membres étaient inscrits aux deux conférences, soit simultanément, soit successivement. La Conférence Orsay était présidée par Albert de Broglie en 1841 et par Louis-Joseph Buffet en 1843 (Martin-Fugier Anne, art. cit.. pp. 240-243).

45 Pour la Conférence Molé-Tocqueville, voir Le Béguec Gilles. » Un conservatoire parlementaire : la Conférence Molé-Tocqueville à la fin de la Troisième République ». Bulletin de la Société d’histoire moderne, 1984, n° 2, pp. 16-23 ; Laregle (comte de), » La Conférence Molé-Tocqueville », Le Correspondant, 25 novembre 1913, pp. 732-760 ; Angot Jean-Laurent. » La Conférence Molé-Tocqueville », Société archéologique, historique et artistique « Le Vieux Papier », 4e trimestre. 1971, pp. 277- 281.

46 En effet, l’admission à la Conférence exigeait un parrainage par plusieurs membres, et était décidée par le vote de tous les membres. De plus, il y avait, au moins sous la Monarchie de Juillet, une sorte de numerus clausus : il fallait souvent attendre une vacance pour être admis.

47 Fondée en 1855, » pour étudier et discuter des questions de littérature, d’histoire, d’art et de philosophie » (article 1er du statut, dans La Conférence La Bruyère, 1857-1858, p. 3).

48 Cité dans la Conférence Molé-Tocqueville. Statut. Règlement. Ordre des travaux de la Conférence, c. 1929, p. 3.

49 Le Béguec Gilles. « Un conservatoire parlementaire... », art. cit., pp. 17-18.

50 La Conférence Molé-Tocqueville a subsisté jusqu’aux années 1970, mais son influence a décliné largement au xxe siècle, surtout après la Libération. Par ailleurs, elle a été reconnue d’utilité publique en 1897.

51 Conférence Molé, Projets de lois et rapports, 1840, 1843-1862, 1865-1867 ; Conférence Tocqueville. Travaux de la Conférence, 1867-1875 : Conférence Molé-Tocqueville. Annuaire, 1876-1878. 1880-1892, 1894-1896, 1898-1901, 1906-1913.

52 Allain-Targé. Bartholoni, Clamageran. Delattre. Duval, Floquet, Hamel, Hérisson. Hérold, Hervé. Liouville et Tranchant.

53 Cochin, Dufaure, Guyot et Hervé.

54 Allain-Targé. Auffray, d’Aulan, Berthelot, Bertrou, Maurice Binder. Bompard, Caire, Chassaigne-Goyon, Clamageran. Daguilhon-Pujol, Davrillé des Essards. Deschamps, Deville, Dreyfus. Dufaure, Duval. Escudier, Floquet. Froment-Meurice, Guyot, Habert, Hamel, Hérisson. Hérold, Hervé. Gustave-Adolphe Hubbard, Jousselin, Lalou, Lambelin, Mesureur, Millerand, Prache, Maurice Quentin-Bauchart. Ambroise Rendu. Roche. Spronck, Tranchant, Vincent et Virot.

55 « Emprunt de la ville de Paris » (1886. par Manceaux) ; « Composition du Conseil municipal de Paris » (1887, par Febvre) ; »Attitude du Conseil municipal de Paris pendant la crise présidentielle » (1888, par Febvre et autres) ; « Organisation municipale de Paris » (1888, par A. Dureau et de Lhomel) ; et d’autres propositions sur la question de la Préfecture de police.

56 Edouard Hervé et Georges Gamard auraient également été membres.

57 Les seuls documents que nous ayons trouvés sur la Conférence sont les procès-verbaux des séances de 1854-1855, conservés à la Bibliothèque nationale : ils contiennent la liste des membres présents à chaque séance, mais l’identification est difficile, seul le nom de famille étant indiqué.

58 La Conférence est fondée « dans le but de s’exercer à la parole publique et aux discussions parlementaires. Elle traite de questions d’histoire générale et philosophique, de législation et de droit constitutionnel, d’économie politique, de philosophie et de littérature. Elle n’a pas le droit de s’occuper de questions politiques et religieuses ayant un caractère d’actualité » (selon le règlement de la Conférence). Des actes de travaux sont conservés à la Bibliothèque nationale.

59 L’origine de la Conférence Olivaint est la Réunion des jeunes gens, fondée à Vaugirard en 1852 pour grouper des étudiants catholiques. Une partie de la Réunion, essentiellement des étudiants en droit et en lettres, a constitué la Conférence Olivaint, d’après le nom du père Olivaint, tué au cours de la Commune de Paris, qui avait été le directeur de la Réunion. Les étudiants en médecine membres de la Réunion des jeunes gens ont fondé en 1875 la Conférence Laënnec, dont le but était d’aider les étudiants à préparer les examens et les concours. La Réunion a créé aussi la Conférence Saint-Vincent-de-Paul, qui visitait les pauvres de la paroisse Notre-Dame de Plaisance. Ces groupements demeuraient fortement marqués par le catholicisme ; une bonne partie de leurs activités étaient consacrées à la formation religieuse.
La Conférence Olivaint traitait de sujets divers, mais les sujets sociaux occupaient de plus en plus de place au détriment des questions littéraires ou historiques. En ce qui concerne l’organisation et les activités de la Conférence, une importante documentation se trouve à la Bibliothèque des Fontaines, à Chantilly : annuaires avec des listes des membres, ainsi qu’une brochure qui s’intitule Les Noces d’argent de la Conférence Olivaint, souvenirs recueillis par J. Parent de Châtelet, 1900. 82 p., qui donne un historique de l’institution.

60 D’autres conseillers avaient fréquenté la Conférence : Denys Cochin a présidé la séance solennelle de clôture de l’année 1894-1895 alors qu’il était député de la Seine, et Lerolle, conseiller municipal de Paris, avait assumé la même tâche en 1893.

61 Pour l’histoire de la Conférence du stage des avocats de Paris, voir notamment Le Béguec Gilles, L’entrée au Palais Bourbon..., op. cit. ; ID., « Aristocratie du barreau, vivier pour la République : les secrétaires de la Conférence du stage ». Vingtième siècle. Revue d’histoire, n° 30, avril-juin 1991, pp. 22-31 ; Charle Christophe, « Méritocratie et profession juridique : les secrétaires de la Conférence du stage des avocats de Paris, une étude des promotions 1860-1870 et 1879-1889 ». Pœdagogica Historica. International Journal of the History of Education, vol. 30, 1994. n° 1, pp. 304-324 ; La Conférence des avocats à la cour de Paris. Essai de psychologie et de statistique, s.1. s.d. (c. l933), 45 p.

62 Brunois Albert, La Conférence des avocats du barreau de Paris, 1974, 40 p.

63 « Enfin, il est aisé aux thuriféraires de la Conférence de démontrer sa réussite en consultant ses tables ; parmi les quelque mille diplômés sortis de ses rangs depuis cent ans, on trouve deux présidents de la République, six présidents du Conseil (...), deux présidents du Sénat, un président de l’Assemblée nationale (...), sept présidents du Conseil municipal de Paris (...) » (cité par Brunois Albert, op. cit.. p. 40). Selon Jean Estèbe. 28 des 320 ministres en fonction entre 1871 et 1914 étaient anciens secrétaires (Les ministres de la République, op. cit.), et Gilles le Béguec, pour la période de l’entre-deux-guerres, donne un chiffre de 53 députés anciens secrétaires (« L’aristocratie du barreau... », art. cit., p. 24).

64 Il s’agit de : Alpy (promotion 1873-1874), Bertrou (1888-1889), Caire (1891-1892), Clamageran 0852-1853), Daguilhon-Pujol (1881-1882), Delattre (1855-1856), Deville (1882-1883), Duval-Arnould (1890-1891), Floquet (1853-1854), de Germiny (1867-1868), Habert (1888-1889). Hérisson (1856-1857), Hérold (1851 -1852). Arthur Hubbard ( 1853-1854), Gustave-Adolphe Hubbard (1883-1884), Lalou (1885-1886), Ernest Lefèvre (1857-1858), Narcisse Leven (1858-1859), Millerand (1882-1883), Piault (1892-1893), Maurice Quentin (1897-1898). Rollin (1903-1904), Roussel (1884-1885), Vincent (1885-1886).

65 « M. Gabriel Bertrou. Notice lue par M. Marcel Habert », Association amicale des secrétaires et anciens secrétaires de la Conférence des avocats, Bulletin annuel, 35, 1913, pp. 55-66.

66 Cela est à comparer à l’origine sociale de l’ensemble des conseillers municipaux avocats, puisque tous les avocats stagiaires participaient aux travaux de la Conférence du stage, les secrétaires n’étant que des lauréats. Or, dans l’ensemble des conseillers exerçant une profession juridique, qui sont au nombre de 79 et dont la majeure partie (69) sont des avocats, 24 étaient nés dans les milieux des professions libérales, 12 étaient fils de propriétaires. 12 fils de cadres, 12 fils de commerçants-industriels, et 7 fils de hauts fonctionnaires : au total 67 des 79 conseillers membres de professions libérales juridiques étaient nés dans un milieu relativement aisé. Il n’y a donc pas de différence significative entre les anciens secrétaires de la Conférence et l’ensemble des conseillers avocats (voir le chapitre sur la profession).

67 Berthelot, licencié ès lettres et agrégé d’histoire ; Deschamps, docteur en médecine ; Lambelin, sorti de Saint-Cyr. Nous ignorons le niveau d’études de 2 conseillers, et le diplôme obtenu d’un autre : par ailleurs 3 n’avaient pas fait d’études supérieures.

68 Les travaux de Gilles Le Béguec portent sur l’entre-deux-guerres, et ceux de Jean Estèbe concernent uniquement les gouvernants.

69 Le Béguec Gilles, « Un conservatoire parlementaire », art. cit., p. 16.

70 Voir le chapitre VI.

71 Voir le chapitre III.

72 Nous n’avons pas retenu les élus qui ont assuré ces fonctions par intérim, après la démission ou le décès d’un titulaire. Mais ces cas restent tout à fait rares, et n’affectent guère notre calcul.

73 Sans éliminer ceux qui sont ensuite devenus présidents ou vice-présidents.

74 Toujours les non-réponses comprises. Des 135 conseillers municipaux qui ont reçu un mandat parlementaire, 88 avaient fait des études supérieures, 14 s’étaient arrêtés au secondaire, et 11 au primaire ; 4 sont classés dans la catégorie « autre », et le niveau est inconnu pour 18. Pour les détails, voir le chapitre VII.

75 Allain-Targé, Clamageran, Cochin, Floquet, Guyot, Hérisson, Mesureur, Millerand, Roche.

76 Clamageran, Floquet, Hérisson, Millerand, Rollin.

Table des illustrations

Titre TABLEAU V-l. Niveau d’études des conseillers municipaux (nombre et pourcentage)
Légende N.B. : Les pourcentages ont été calculés sans éliminer les non-réponses.(1) Y compris les écoles primaires supérieures. (2) Y compris les grands établissements de l’État, ainsi que l’École centrale des Arts et Manufactures. (3) Les institutions qui se situent à des niveaux intermédiaires ou qui dispensent un enseignement de nature particulière : Écoles des Beaux-Arts. Écoles des Arts et Métiers. Écoles normales, etc.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/1320/img-1.jpg
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Titre TABLEAU V-2. Niveaux d’études selon les catégories socio-professionnelles du père (nombre ; pourcentage en ligne entre parenthèses)
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Titre TABLEAU V-3. Profession du père suivant les études du conseiller (droit et médecine dans les facultés uniquement)
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Titre TABLEAU V-4. Niveau d’études selon les périodes (nombre et pourcentage)
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/1320/img-4.jpg
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Titre TABLEAU V-5. Origines sociales des conseillers ayant fréquenté une conférence de débats, ou ayant été secrétaires de la Conférence du stage du barreau de Paris
Légende N.B. : (1) membres d’une conférence de débats. (2) Membres d’une conférence de débats, avec une fonction dans le bureau de celle-ci. (3) Secrétaires de la Conférence du stage des avocats de Paris. (4) (1) + (3). (5) (2) + (3).
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Titre TABLEAU V-6. Tendances politiques des conseillers ayant appartenu à une conférence
Légende N.B. : Pour les sigles, voir le tableau V-5.
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Titre TABLEAU V-7 .Les niveaux d’études des membres du bureau (nombre de mandats)
Légende N.B. : voir le tableau V-1 pour les niveaux d’éludes. Les chiffres entre parenthèses sont des pourcentages en ligne, calculés sans éliminer les non-réponses.
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Titre TABLEAU V-8. Niveau d’études des membres du bureau selon les catégories socio-professionnelles (nombre de mandats)
Légende N.B. : Premier chiffre : ceux qui avaient fait des études supérieures ; Second chiffre : ensemble des conseillers.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/1320/img-8.jpg
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Titre TABLEAU V-9. Niveau d’études des conseillers parlementaires selon les catégories socio-professionnelles
Légende N.B. : Premier chiffre : conseillers parlementaires ; Second chiffre : ensemble des conseillers.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/1320/img-9.jpg
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