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Les conseillers municipaux de Paris sous la Troisième République (1871-1914)

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Nobuhito Nagaï

Première partie. Paris et son assemblée au XIXe siècle

Chapitre I. L’assemblée municipale de Paris avant le suffrage universel (1800-1870)

Texte intégral

1L’histoire du Conseil municipal de Paris est fortement marquée par le régime spécial que Bonaparte a donné à la capitale en 1800 et qui a été maintenu dans ses grandes lignes jusqu’en 1977. Ce régime présente deux spécificités : tutelle de l’État sur la ville, et union entre la ville et le département qui la contient. Ce statut exceptionnel de Paris ne s’explique pas seulement par le fait qu’il s’agit de la capitale de France, mais aussi par l’histoire de Paris elle-même. L’État avait toujours peur de la ville, du Paris qui l’avait défié depuis l’époque d’Etienne Marcel, qui avait été le théâtre de la Fronde, et qui avait été à l’origine de changements de régime depuis la Révolution française. Lois, ordonnances ou arrêtés concernant le régime de la capitale trahissent plus ou moins cette crainte de l’État vis-à-vis de Paris.

2Le Conseil municipal de Paris, tant par son histoire que par son fonctionnement et ses attributions, résume bien cette singularité de l’administration parisienne. C’est ce que nous allons retracer dans ce chapitre.

A. Le régime administratif de la capitale depuis Napoléon

  • 1 Tulard Jean, « Liberté ou tutelle de l’État ? Le débat autour du statut administratif de Paris : 1 (...)

3Les statuts administratifs donnés à Paris par les divers régimes qui se sont succédé au cours du xixe siècle suivent, selon le terme de Jean Tulard, un cycle familier aux historiens : le libéralisme entraîne l’anarchie qui provoque un retour à l’ordre1. En effet, depuis le Consulat, fondateur du système administratif actuel de Paris, jusqu’à la période de la Commune, c’est sur ce cycle que se déroule l’histoire de l’administration de Paris.

  • 2 Cette loi et son application à la ville de Paris sont analysées dans Tulard Jean, Paris et son adm (...)

4Jusqu’en 1977, la capitale était placée sous un régime datant de la loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800)2. Cette loi, dans laquelle se trouvent les bases de l’administration locale d’aujourd’hui, a établi, en ce qui concerne Paris, le principe de tutelle de l’État sur la municipalité. Mais ce principe avait été formulé et appliqué depuis 1794 ; l’œuvre de Bonaparte était en quelque sorte l’aboutissement d’un processus déjà amorcé.

5De 1789 à 1794, la ville bénéficiait d’une large autonomie communale. Soumis au droit commun par le décret des 21 mai-27 juin 1790, Paris devint une municipalité : elle se composait d’un maire, 16 administrateurs, 32 membres du Conseil, 96 notables, un procureur de la Commune et deux substituts. La ville était divisée en 48 sections, instaurées en remplacement des districts. Conçues plutôt comme des circonscriptions électorales que comme des subdivisions administratives, les sections reprirent progressivement la tradition des districts, véritables clubs délibérant en permanence. Le rôle qu’elles jouèrent dans la chute de la Monarchie est suffisamment connu. Passée la période agitée de la Terreur, l’autorité issue du 9 thermidor an II essaya tout naturellement de renforcer son contrôle sur Paris.

6De là jusqu’en 1799, c’était un retour à l’ordre, selon l’expression de Jean Tulard. La loi du 19 vendémiaire an IV (11 octobre 1795) appliqua à Paris les principes de l’administration locale formulés dans la Constitution de l’an III. La capitale fut divisée en douze municipalités distinctes. Chacune d’elles était dirigée par sept membres élus, auxquels s’ajoutait un commissaire du Directoire chargé de les surveiller. La mairie centrale fut supprimée : il n’y avait donc plus une commune unique à Paris. Les municipalités obéissaient à l’autorité départementale, à la tête de laquelle se trouvaient cinq administrateurs élus, mais placés à leur tour sous la surveillance d’un commissaire du Directoire. Désormais, c’est l’État qui dominait à Paris.

7La loi du 28 pluviôse an VIII vint renforcer le contrôle de l’État sur la capitale. Le département de la Seine, en tant que tel, était considéré et traité comme les autres départements : il était administré par un préfet, et doté d’un conseil général. C’est la ville de Paris qui était soumise à un régime spécial.

  • 3 Le premier arrondissement comprenait Pierrefitte, Pantin, Belleville, Clichy, La Garenne, Passy, N (...)
  • 4 Ce nombre ne varie pas jusqu’en 1834.

8Le département se divisa en trois arrondissements communaux, dont deux avec sous-préfecture3, le troisième étant formé par la seule ville de Paris. Elle était gouvernée par deux préfets, préfet de la Seine et préfet de police. Il n’y avait pas de conseil municipal proprement dit à Paris, ses fonctions étant remplies par le Conseil général de la Seine. Celui-ci se composait de 24 membres4, tous nommés pour le département et non pas pour la ville. Ils étaient choisis par le Premier Consul, sur la présentation du préfet de la Seine. La durée de leur mandat était de trois ans, avec la possibilité de renouvellement. Les conseillers se réunissaient chaque année à des périodes déterminées par le gouvernement, pour débattre les questions qui leur étaient soumises. Les principales attributions du Conseil consistaient en la répartition des contributions directes entre les arrondissements communaux du département. Il ne pouvait prendre presque aucune initiative ni exercer de véritable contrôle sur les actes de l’administration.

9La division de la ville de Paris en douze arrondissements municipaux était maintenue. Ceux-ci avaient à leur tête un maire et deux adjoints nommés par le chef de l’État parmi les inscrits sur la liste des 600 plus imposés du département. Ces municipalités n’avaient que des fonctions secondaires, telles que la tenue des registres d’état civil ou la préparation de la conscription.

10L’administration de la capitale était ainsi dans les mains des deux préfets. La municipalité parisienne était complètement absorbée par le département, et mise ainsi sous une tutelle étroite de l’État.

11La Restauration laissa presque intactes les institutions parisiennes léguées par Napoléon. Celles-ci rappelaient, certes, l’Ancien Régime, notamment par le préfet de la Seine, héritier du prévôt des marchands, et le préfet de police, résurrection du lieutenant général de police. Mais il est indéniable que le système de Bonaparte était fort efficace, car aucun désordre sérieux ne s’était produit entre 1800 et 1814. Le système centralisateur de la loi du 28 pluviôse an VIII était souvent critiqué, et il y eut des projets de réforme - notamment ceux présentés en 1821 et en 1829 et qui allaient dans le sens d’une plus large autonomie communale. Ces projets n’ayant pas abouti. Paris continuait à être soumis à la tutelle étroite de l’État.

  • 5 La loi du 21 mars 1831 établit l’élection au suffrage censitaire des membres des conseils municipa (...)
  • 6 Intitulée « loi sur l’organisation du Conseil général et des Conseils d’arrondissement de la Seine (...)
  • 7 L’électoral comprenait, en dehors des électeurs censitaires, un certain nombre de citoyens : Paris (...)

12La première modification importante eut lieu en 1834, date à laquelle fut créé un conseil municipal à Paris. Les lois du 21 mars 1831 et du 22 juin 1833 avaient déjà établi dans toute la France le principe de l’élection municipale et départementale, qui, certes, restait restreinte et censitaire5. Ce principe fut appliqué à Paris par la loi du 20 avril 18346, aux termes de laquelle la capitale possédait un conseil municipal théoriquement séparé du Conseil général. Cette assemblée municipale se composait des 36 conseillers généraux de la Seine élus dans le cadre des douze arrondissements de Paris. Ils étaient choisis au suffrage censitaire7, à raison de trois dans chaque arrondissement ; le Conseil général de la Seine se composait de ces élus de Paris, ainsi que des huit représentants des communes de la banlieue. La durée de leur mandat était de neuf ans, et le renouvellement arrivait par tiers tous les trois ans. Ce chevauchement entre les deux assemblées subsiste jusqu’en 1977, mais avec cette différence qu’après 1871 ce sont les conseillers municipaux de Paris, élus en tant que tels, qui faisaient partie du Conseil général de la Seine, alors que sous le régime de la loi de 1834 c’était une partie des membres du Conseil général, élus en tant que conseillers généraux, qui remplissaient les fonctions de conseiller municipal. Quoi qu’il en soit, c’était le premier Conseil municipal de Paris depuis l’an VIII. Les municipalités d’arrondissement firent également l’objet de réformes : les maires et les adjoints, toujours nommés par le Roi, étaient désormais choisis sur une liste de 12 candidats désignés par les électeurs de l’arrondissement.

  • 8 Cette loi, avec celle du 10 mai 1838 sur les attributions des conseils généraux et des conseils d’ (...)

13Toutefois, il ne faut pas surestimer la portée de la réforme. Le pouvoir détenu par le Conseil municipal restait assez limité, et les deux préfets possédaient toujours leurs anciennes attributions. Le président et le vice-président du Conseil municipal étaient nommés chaque année par le Roi, parmi ses membres ; ces derniers, s’assemblant sur la convocation du préfet de la Seine, ne pouvaient délibérer que sur les questions qui leur étaient soumises par le préfet. La loi de 1834 a séparé le Conseil municipal du Conseil général, mais le cadre juridique était maintenu dans ses grandes lignes. Trois ans plus tard, la loi du 18 juillet 1837 sur l’administration municipale, qui élargit les attributions des maires et des conseils municipaux de toute la France8, ne fut appliquée à Paris que trente ans plus tard, par la loi du 24 juillet 1867.

14Les modifications apportés par la Monarchie de Juillet démontrent bien le caractère exceptionnel de la capitale sur le plan administratif : l’écart entre Paris et les autres communes s’est même creusé.

15Les années 1848-1849 ne furent guère plus favorables à la ville de Paris. Certes les événements de février 1848 ramenèrent dans la capitale un maire, Garnier-Pagès, qui, assisté de deux adjoints, assurait les fonctions de préfet de la Seine. Le Conseil municipal de Paris fut dissous le 27 février, et le Conseil général le 12 mars. Mais le nouveau maire était un maire nommé par le gouvernement, dont il faisait même partie. Le maire faisait naturellement passer ses tâches de gouvernant avant ses fonctions municipales. D’autre part, la préfecture de police continuait à exister : elle était d’abord placée sous l’autorité du maire central, mais ne tarda pas à en être détachée pour rentrer dans le ressort du ministère de l’Intérieur, le 13 mars 1848. Quant aux maires et adjoints d’arrondissement, ils étaient provisoirement maintenus dans leur fonction.

  • 9 Armand Marrast, qui avait succédé, le 9 mars 1848, à Garnier-Pagès dans les fonctions de maire de (...)
  • 10 Cette commission provisoire municipale fut instituée pour remplacer, jusqu’à la promulgation proch (...)
  • 11 Les membres des deux commissions continuaient à être nommés par le chef de l’État.

16Dès le lendemain des journées de Juin, le gouvernement commença à renforcer le contrôle sur Paris. Le poste de préfet de la Seine fut rétabli le 19 juillet 18489. Par ailleurs, le décret du 3 juillet 1848 qui ordonna le renouvellement des conseils municipaux, d’arrondissement et généraux, exceptait encore une fois Paris et le département de la Seine. Dans la capitale fut instaurée, le 8 juillet 1848, une commission provisoire municipale, composée de 36 membres nommés par le chef du pouvoir exécutif, le général Cavaignac10. Elle fonctionnait, comme sous le régime de la loi du 28 pluviôse an VIII, à la fois en assemblée départementale et en assemblée municipale. Cette commission provisoire fut remplacée, en vertu du décret du 8 septembre 1849, par deux nouvelles commissions, l’une départementale et l’autre municipale. Ces deux institutions n’étaient pas distinctes l’une de l’autre : la Commission municipale était formée par les 36 membres de la Commission départementale nommés pour Paris11. C’était, en somme, le régime fixé par la loi du 20 avril 1834, mais avec l’élection en moins.

17Ici encore, nous retrouvons le cycle évoqué par Jean Tulard pour expliquer l’évolution du régime administratif de Paris. La Révolution de Février, et notamment les journées de Juin, ont fait sentir aux gouvernants la nécessité de bien maîtriser Paris et son peuple que l’ancien système n’avait pas pu contenir. Les mesures qu’ils ont prises à l’égard de la capitale étaient ainsi plus centralisatrices que sous la Monarchie de Juillet.

  • 12 En fait, la loi du 5 mai 1855 ne contenait aucune disposition relative à la commission département (...)

18Le Second Empire hérita de cette administration de Paris, en y apportant quelques modifications. Alors que la loi du 5 mai 1855 sur l’organisation municipale rendit électifs les conseils municipaux des villes de province, sauf celui de Lyon, les communes du département de la Seine ne purent pas bénéficier de cette mesure : les membres des assemblées de ces municipalités étaient toujours nommés. Le Conseil municipal de Paris, débaptisé ainsi par la même loi, se composait de 36 membres nommés par l’Empereur pour une durée de cinq ans. Sa présidence revenait à l’un des édiles, désigné par l’Empereur. La Commission départementale, elle aussi, gardait le même fonctionnement et le même mode de nomination de ses membres que sous la Deuxième République12. Les fonctions de maire d’arrondissement restaient inchangées.

  • 13 Toutefois, une exception était prévue pour le département de la Seine : elle portait sur les impos (...)
  • 14 C’est cette loi qui a rendu applicable à Paris celle du 18 juillet 1837.

19La fin du règne de Napoléon III vit se multiplier débats et propositions concernant la capitale. La loi du 18 juillet 1866, qui augmenta les pouvoirs des conseils généraux, fut appliquée au département de la Seine. Désormais son Conseil général pouvait, dans un certain nombre de cas, prendre des délibérations définitives13. De même, la loi du 24 juillet 1867, qui dota les conseils municipaux d’un droit exclusif d’initiative dans de nombreux cas – tout en réservant au pouvoir central le droit d’autorisation -, s’appliqua en principe à la ville de Paris14 : en principe, car la capitale était placée sous un contrôle plus strict que les autres communes. Mais ce qui a marqué l’administration de la capitale de l’époque, c’est moins les textes de lois que le préfet en personne, Haussmann.

  • 15 Un certain nombre d’attributions, notamment dans le domaine de la petite voirie, furent transférée (...)

20En bénéficiant de la pleine confiance de l’Empereur Napoléon III, avec lequel il communiquait souvent directement sans faire intervenir le ministre de l’Intérieur. Haussmann considérait que Paris, appartenant à la France et non pas aux Parisiens, ne pouvait pas avoir une administration purement municipale. Il alla même jusqu’à envisager la création d’un ministère de Paris, avec sa propre personne pour ce portefeuille : il aurait eu rang de ministre et accès, à ce titre, au Conseil des ministres. D’autre part. Haussmann disputait au préfet de police certaines attributions de l’administration parisienne : la lutte fut remportée par le préfet de la Seine avec le décret du 10 octobre 185915.

21Le faible pouvoir du Conseil municipal de Paris se conformait à la politique urbaine menée par le préfet Haussmann, qui ne voyait dans ce conseil qu’une assemblée consultative qui favorisait ses travaux. En effet, sous le Second Empire, les conseillers votèrent parfois, sans même en délibérer, de lourds engagements budgétaires.

  • 16 Girard Louis, Nouvelle histoire de Paris. La Deuxième République et le Second Empire (1848-1870), (...)

22La politique autoritaire du préfet de la Seine suscitait de nombreuses critiques de la part de ses contemporains. Elles rejoignirent le mouvement décentralisateur, ressuscité avec l’Empire libéral, pour ranimer le débat sur la réforme du statut de la capitale. Déjà en 1858, Ernest Picard et d’autres députés de l’opposition, voulant contrôler la politique menée sans partage par Haussmann, réclamaient pour la capitale un conseil élu16.

  • 17 Voir Félix Maurice, Le régime administratif et financier de la ville de Paris et du département de (...)
  • 18 Voir, à titre d’exemple. Administration de la Commune de Paris et du département de la Seine, s.l. (...)

23Des brochures et des articles témoignent de cette volonté : l’abrogation du statut exceptionnel de Paris qui privait la ville de tout contrôle et autonomie17. Bien qu’ils se soient déroulés dans le contexte plus global du mouvement de décentralisation, ces débats semblent motivés plus par opposition au préfet de la Seine Haussmann et à sa façon d’administrer, que selon une idée particulière sur l’administration locale18.

24Le ministère d’Emile Ollivier donna lieu à de nombreux débats sur la question. Jules Ferry, Gambetta et Arago déposèrent en février 1870 une proposition de loi tendant à faire rentrer Paris dans le droit commun. Aux termes de cette proposition, Paris serait administré par un maire et trois adjoints élus par le Conseil municipal ; celui-ci aurait les mêmes attributions que ses équivalents de province, composé de 60 membres élus pour 3 ans au scrutin de liste. Cette proposition, bien qu’elle n’ait pas abouti à une loi, mérite d’être retenue, car elle prélude à de nombreuses tentatives de même nature faites sous la Troisième République, mais les auteurs de cette proposition, arrivés au pouvoir après la chute de l’Empire, s’opposent aux revendications autonomistes parisiennes. D’autre part, une commission municipale fut instituée afin de préparer un projet de réorganisation municipale de Paris. Elle élabora, en avril 1870, un projet adoptant le principe du suffrage universel pour le Conseil municipal de Paris.

  • 19 Le Conseil d’État a été saisi, dans les derniers jours de 1869, d’un projet de loi relatif à cette (...)
  • 20 Commission chargée « d’étudier dans leur ensemble l’organisation administrative de la ville de Par (...)
  • 21 Loi du 17 juillet 1870. Ces communes avaient été placées, par la loi du 5 mai 1855, sous le même r (...)

25Face à ces mouvements, l’Empereur lui-même proposa, en ouvrant la session des chambres le 28 novembre 1869, de confier au Corps législatif la nomination des membres du Conseil municipal de Paris19. Ollivier, de son côté, fit réunir par son ministre de l’Intérieur une commission chargée de débattre ce problème20. Une loi intervint en juillet 1870, qui rendit électifs les conseils municipaux des communes des arrondissements de Saint-Denis et de Sceaux21. Mais le déclenchement du conflit avec la Prusse n’a pas permis à ces divers projets de se concrétiser. L’effet des événements de 1870-1871 sur les statuts ultérieurs de la capitale est bien connu.

26Tels sont les aperçus du régime administratif de la ville de Paris et de son évolution depuis le début du xixe siècle jusqu’à la fin du Second Empire. Comme nous l’avons vu, les changements sont étroitement liés aux événements politiques de l’époque, mais le système administratif de la capitale reste généralement inchangé durant toute cette période : Paris, placé sous un régime spécial, était administré par deux représentants de l’État - le préfet de la Seine et le préfet de police. Le rôle réservé au Conseil municipal de Paris et au Conseil général de la Seine était mineur.

27Cela dit, les activités de ces assemblées et le personnel qui les composait restent mal connus, à cause de l’absence de documents. Pour comprendre ce qu’était l’assemblée municipale de Paris, nous consacrerons la partie suivante au Conseil municipal de Paris et à ses membres durant la période de 1800 à 1870.

B. Le Conseil municipal de Paris de 1800 à 1870

28Ce qui caractérise le Conseil municipal de cette période, c’est avant tout le poids de l’État, dans son fonctionnement comme dans le recrutement de ses membres.

  • 22 Le régime administratif et financier de la ville de Paris et du département de la Seine..., op. ci (...)

29Parlant du Conseil général de la Seine pendant le Consulat, Maurice Félix le qualifie de « purement consultatif] » : « [il] se bornait à délibérer et à voter sur les questions qui lui étaient soumises par le pouvoir central, sans aucune initiative, ni contrôle des opérations de l’administration »22. De fait, les fonctions de maire étaient détenues par le préfet de la Seine, et le président du Conseil municipal se contentait de veiller au bon déroulement des séances.

30Les activités du Conseil sont mal connues, à cause du manque de documents. Mais on peut dire qu’elles étaient restreintes par le poids important des pouvoirs de l’État.

  • 23 Selon Passy Louis. Frochot, préfet de la Seine. Évreux. 1867. p. 234, cité dans Tulard Jean. Paris (...)

31Recevant les membres du Conseil général de la Seine le 5 thermidor an VIII (24 juillet 1800), Bonaparte leur dit que « | le Conseil] était dans l’ordre de la Constitution un contrepoids naturel à l’autorité du préfet ; il devait être l’œil du Gouvernement comme le préfet en était le bras, il devait par conséquent exercer sa vigilance non seulement sur tous les actes de l’Administration mais encore sur tous les abus et les défauts de l’ordre public et se rendre l’organe de ses concitoyens dans l’émission et la publication de tous les vœux, de tous les projets, de toutes les vues qui peuvent tendre à l’amélioration de la chose publique »23.

32En réalité, il n’en allait pas ainsi.

  • 24 Note de Dubois adressée au ministre de l’Intérieur Champagny, le 27 décembre 1804, cité dans Tular (...)

33La principale attribution du Conseil municipal était la discussion du budget, moyen de contrôle efficace sur l’administration. Mais le préfet de police Dubois essaya de soustraire le budget de son institution à l’examen du Conseil, en prétendant qu’« il n’a jamais été dans l’intention du Gouvernement d’accorder au Conseil municipal le droit de (...) placer le préfet de police sous l’influence de ce conseil qui pourrait ainsi paralyser un des principaux agents du Gouvernement et entraver sa marche qui doit être toujours rapide et souvent secrète »24. En février 1806, le budget de la Préfecture de la Seine fut à son tour soustrait des attributions des édiles de Paris : Napoléon avait décidé d’établir lui-même les budgets, dont une partie seulement était désormais présentée au Conseil général qui exprimait son avis, souvent sans effet.

  • 25 Ibid., p. 190.

34Sur le plan symbolique aussi, la place de l’assemblée parisienne était mineure. Napoléon lui refusait tout pouvoir de représentation. En août 1806, au cours de la cérémonie de réception du général Junot, nommé gouverneur de Paris, les membres du Conseil général furent nommés après les maires d’arrondissement25.

  • 26 Voir Rossier Michel. « Aperçu sur le fonctionnement du Conseil municipal de Paris au xixe siècle ( (...)

35Sous les régimes ultérieurs, les activités de l’assemblée restaient limitées à l’examen du budget, et les membres n’abordaient guère les problèmes à caractère politique. L’élection des conseillers de Paris établie en 1834 n’entraîna pas de modifications dans les attributions de l’assemblée. Au contraire, la Monarchie de Juillet les a restreintes, en interdisant au Conseil municipal de se réunir toutes les semaines. Bien que contraires à la lettre de la loi, ces réunions hebdomadaires datant de 1830 permettaient au Conseil de s’occuper des affaires courantes d’une façon autonome. La transformation de ces réunions illégales en sessions extraordinaires a obligé le Conseil à ne s’occuper que des questions mises à l’ordre du jour par l’arrêté de convocation26.

  • 27 Lettre adressée au ministre (de l’Intérieur ?), cité dans Roussier Michel. « Aperçu sur le fonctio (...)
  • 28 Cité ibid., p. 433. A la fin de la Restauration, les délibérations étaient en général prises alors (...)
  • 29 Tulard Jean, Paris et son administration..., op. cit., p. 424.

36Les édiles, eux-mêmes, ne montraient pas beaucoup de zèle dans leurs fonctions. En 1818, le préfet Chabrol se plaignit de l’impossibilité de convoquer le Conseil parce que « les membres presque tous grands propriétaires se trouvent difficilement réunis à Paris avant le 15 novembre de chaque année »27. Le conseiller Ternaux donna sa démission en 1822 dans les termes suivants : « J’ai remarqué que le Conseil était obligé de prendre presque toujours des délibérations sans que ses membres fussent en nombre compétent pour délibérer et (...) souvent j’ai participé, malgré moi, à cette irrégularité par mon absence28. » Le cas extrême est celui de Quatremère de Quincy, qui, « bien que n’ayant jamais paru au Conseil depuis vingt-six ans qu’il en est membre », refusa en 1826 de donner sa démission29.

  • 30 Cité ibid., p. 190.
  • 31 Discussion de la loi du 20 avril 1834 : cité in Roussier Michel, « Le Conseil municipal de Paris ( (...)
  • 32 La jeunesse libérale de 1830..., Paris, 1908, cité ibid., p. 119.

37Les jugements des contemporains à l’égard de l’assemblée parisienne sont sévères. Selon Henrion de Pansey, « ont disparu dans la ville de Paris jusqu’aux traces du régime municipal » et « cette reine des cités se trouve aujourd’hui absolument étrangère à l’administration de son patrimoine et à la disposition de ses revenus »30. Pour Roederer, l’assemblée de Paris constituait « un corps sans action d’aucune espèce (...) borné à délibérer sur des demandes de fonds et sur les comptes de fonds alloués »31. Alphonse d’Herbelot considérait même que les édiles de Paris se contentaient d’épurer « les comptes de M. le préfet tout en savourant avec lui le vin de Champagne et la dinde truffée »32.

  • 33 Vigier Philippe, Nouvelle histoire de Paris. Paris pendant la Monarchie de Juillet (1830-1848), Ha (...)

38Dans ces conditions, et grâce notamment à la nomination de ses membres par l’État, les relations qu’entretenait le Conseil municipal avec les autorités supérieures étaient relativement bonnes. Certes, il y eut de tout temps des tensions plus ou moins fortes entre le Conseil et les deux préfets : par exemple, le comte de Bondy, préfet de la Seine de février 1831 à juin 1833, se heurta aux édiles de Paris sur les questions du budget et de la présidence de l’assemblée parisienne33. Mais les querelles connues durant cette période étaient sans commune mesure avec la situation tendue de l’administration parisienne pendant les années 1880-1890.

C. Les conseillers municipaux : esquisse prosopographique

39Nous avons entrepris une étude prosopographique des édiles parisiens de 1800 à 1870, afin de repérer les caractéristiques de la politique de nomination de chaque régime, de mesurer l’effet de l’élection introduite en 1834, et de comparer les conseillers d’avant 1870 avec ceux de la Troisième République.

  • 34 Nous avons utilisé essentiellement Les notices provisoires sur les conseillers municipaux de Paris (...)

40Effectuer une recherche approfondie sur ce sujet en utilisant des archives et d’autres documents de première main aurait été souhaitable, mais cela n’était pas réalisable pour un chercheur isolé. Nous nous sommes appuyé sur les études déjà réalisées pour établir les notices biographiques, certes sommaires, des 298 conseillers ayant siégé à l’Hôtel de ville entre 1800 et 187034. L’analyse qui suit est faite à partir de ces notices.

  • 35 Nous n’avons pas retenu ceux qui ont refusé la nomination, tel que La Fayette en 1801.

41Entre le 10 mars 1800, date de la première série de nominations de conseillers généraux de la Seine, et le 4 septembre 1870, 298 individus au total ont été nommés ou élus35. Dans le temps, ils se répartissent de la façon suivante :

TABLEAU I-1. Nombre des conseillers par régimes

TABLEAU I-1. Nombre des conseillers par régimes

N.B. : CSEM = Consulat/Empire ; 1RST = Première Restauration : 100J = Cent-Jours ; 2RST = Seconde Restauration : MJ = Monarchie de Juillet : 2REP = Deuxième République : 2EMP = Second Empire. Nous utiliserons les mêmes abréviations dans les tableaux suivants. Deux conseillers municipaux nommés sous le Second Empire (Jean Frédéric Possoz et Noël Gabriel Picard) avaient été auparavant membres du Conseil général de la Seine, en tant que représentants de cantons de la banlieue : leur nomination au Conseil municipal de Paris est due à l’annexion des communes intra muros en 1859.

42On remarque avant tout une certaine stabilité jusqu’en 1830. Certes, les changements de régime ont entraîné de nouvelles nominations, mais les purges sont rares. La Première Restauration n’a appelé que 4 nouveaux édiles ; parmi les 45 conseillers de la Seconde Restauration, 19 étaient déjà en fonction sous le Consulat ou l’Empire.

43Seul le retour des Bourbon a causé une certaine épuration : les 12 conseillers nommés pour la première fois pendant les Cent-Jours ont été tous écartés sous la Seconde Restauration.

  • 36 36 Tous les maires et adjoints d’arrondissement en place ont été relevés de leurs fonctions (voir (...)

44La Monarchie de Juillet a effectué une grande purge dans le personnel municipal parisien. Avec les maires d’arrondissement, les conseillers ont fait l’objet d’une vague de remplacements36 : seuls 6 conseillers en place ont été retenus par le nouveau gouvernement, dont un seul allait survivre au suffrage censitaire de 1834.

  • 37 En novembre 1834, les 36 sièges ont fait l’objet d’une élection. C’est à partir de 1837 que le ren (...)
  • 38 C’est Horace Say qui a battu ce sortant.

45En revanche, l’introduction d’un suffrage censitaire n’a pas contribué au renouvellement du personnel. À l’issue du premier scrutin qui a eu lieu en novembre 1834, la moitié des 24 conseillers ont retrouvé leur siège, et seul trois sortants ont été rejetés par les électeurs37. Les résultats étaient favorables à l’ordre établi et au régime en place. Peu de renouvellements également lors des élections de décembre 1837 et de novembre 1840 : en 1837, un seul sur les 12 sortant a été battu38 ; en 1840, les 12 sortants ont été réélus dès le premier tour.

  • 39 Cité dans Vigier Philippe. Paris pendant la Monarchie de Juillet..., op. cit.. p. 153.

46Un changement important s’est produit en 1843. Le scrutin de novembre a provoqué l’élimination de 4 sortants, tandis que le fouriériste Victor Considerant et le docteur Stéphane Robinet sont entrés à l’Hôtel de ville, tous deux élus dans le très aristocratique Xe arrondissement. C’était, en quelque sorte, une victoire de l’opposition radicale. Le préfet de la Seine Rambuteau, évoquant dans ses Mémoires les années précédant la Révolution de février 1848, écrivait ainsi : « chaque jour, les élections envoyaient au Conseil des gens plus disposés à faire de la politique que de l’administration, à servir leurs intérêts ou ceux de leur parti plus que ceux de la ville »39. Les élections de novembre 1846 ont entraîné moins de modifications que les précédentes : 10 sortants ont été réélus, et les deux nouveaux élus ont occupé des sièges non revendiqués par les sortants.

  • 40 Aux élections de juillet 1842, l’opposition – de l’extrême gauche radicale au centre gauche - a ob (...)

47En définitive, les élections municipales organisées sous la Monarchie de Juillet étaient peu politisées. Les candidats sortants, généralement ministériels, n’étaient inquiétés que rarement, ce qui contraste avec les élections législatives du temps : l’opposition l’a largement emporté à Paris en 1842 et en 184640. Ce décalage entre les résultats des deux consultations montre que le scrutin municipal ne constituait pas un vrai enjeu politique.

48La Seconde République a gardé 11 conseillers nommés ou élus sous la Monarchie de Juillet. Mais le nouveau régime voulait sans doute se démarquer de l’ancien, puisque parmi ces 11 conseillers 10 étaient entrés à l’Hôtel de ville par élection ; le seul nommé n’était autre que François Arago, député de l’opposition sous la Monarchie et membre du Gouvernement provisoire en 1848.

49Louis-Napoléon s’est montré peu hostile aux édiles en place. Vingt-six des anciens conseillers ont siégé sous le Second Empire, dont 18 avaient été nommés sous la Deuxième République, 7 élus sous la Monarchie de Juillet et un nommé pendant la Seconde Restauration. Le nombre important de nouvelles nominations (90) est dû à la longueur relative du régime et surtout à l’augmentation du nombre des sièges, qui est passé de 36 à 60 à la suite de l’annexion des communes de la « petite banlieue » en 1859.

50Les changements de régime qui ont eu lieu durant la première moitié du xixe siècle ont modifié dans une certaine mesure la composition du Conseil, notamment lors de la fin des Cent-Jours et des révolutions de 1830 et de 1848 ; ce qui nous laisse penser que les conseillers municipaux de Paris n’étaient pas des administrateurs politiquement neutres - du moins n’étaient-ils pas considérés comme tels. Mais, en l’absence d’études détaillées sur le sujet, il est moins aisé de savoir quels étaient les principaux critères de nomination - ou d’élimination - de chaque régime, et à quel point les opinions et les antécédents politiques comptaient. Sans pouvoir saisir les cas particuliers, l’analyse globale faite à partir de notre base de données nous permet d’éclaircir ces points.

51Les facteurs professionnels sont de première importance. En fait, lorsque les membres d’une assemblée locale sont nommés par le pouvoir central, ce dernier veille à ce que les divers intérêts du lieu y soient représentés. Au xixe siècle, ces intérêts étaient représentés avant tout par les corps professionnels.

  • 41 C’est le cas des listes de 1800, de 1803, et de 1807. Voir Roussier Michel, Le Conseil général de (...)
  • 42 Cité dans Roussier Michel, « Le Conseil municipal de Paris (1800-1870) », art. cit., p. 116.
  • 43 Louis-Napoléon lors de la nomination de membres après le 2 décembre 1851, cité ibid., p. 117.

52En effet, dans les quelques listes de candidats à la fonction de conseiller municipal qui nous sont connues, la profession est presque toujours indiquée à côté du nom41. Lorsqu’il y avait un poste vacant, le remplaçant était souvent choisi dans le même milieu professionnel que son prédécesseur. Pour Odilon Barrot, préfet de la Seine en 1830, qui pensait que le Conseil municipal de Paris avait « par la nature de ses attributions municipales, une action plus ou moins directe sur tous les intérêts sociaux de cette grande cité », il fallait « composer fie Conseil] de manière que ces mêmes intérêts y fussent le plus utilement représentés ». En fait, Barrot divisa sa liste de candidats selon « les principales classifications sociales, la propriété, le commerce, la magistrature et les sciences »42. Il en allait de même pour Louis-Napoléon, qui voulait que les membres « fussent choisis dans les premiers corps de l’État, la magistrature à tous les degrés, les professions libérales, le commerce et la grande propriété »43.

53Le tableau suivant indique la profession des membres par grands secteurs et par régimes :

TABLEAU I-2A. Professions des conseillers nommés sous chaque régime

TABLEAU I-2A. Professions des conseillers nommés sous chaque régime

N.B. : Premier chiffre : nombre : deuxième chiffre : pourcentage en colonne. Nous avons retenu la profession à la nomination. Les chiffres entre parenthèses de la colonne de la Monarchie de Juillet concernent les conseillers élus entre 1834 et 1848. (I) Ici sont classés les gouverneurs et les sous-gouverneurs de la Banque de France, ainsi que les administrateurs des messageries ; (2) il s’agit de deux chefs d’institution. Froussard et Pellassy de L’Ousle ; (3) y compris trois maîtres des requêtes, dont un devient plus tard conseiller d’État ; (4) ce sont des propriétaires qui n’avaient exercé - à notre connaissance, évidemment - aucune activité professionnelle ; les « anciens » sont classés dans leur profession d’origine, avec les actifs. Pour les catégories socio-professionnelles utilisées, voir la note explicative qui se trouve dans les annexes.

TABLEAU I-2B. Profession des conseillers siégeant sous chaque régime

TABLEAU I-2B. Profession des conseillers siégeant sous chaque régime

N.B. : voir le tableau précédent. Les chiffres entre parenthèses sont des pourcentages en colonne.

  • 44 Encore que nous ne soyons pas sûr s’il était ouvrier et non pas patron.

54Presque tous les édiles appartenaient à la bourgeoisie, grande ou moyenne. En 70 ans, deux ouvriers seulement sont entrés à l’Hôtel de ville : Jacques Achille Durand, tanneur-corroyeur, nommé en novembre 186944, et Henri Alexandre Peupin, ouvrier-horloger, rédacteur de l’Atelier, conseiller municipal de 1848 à 1853. Il n’y a aucun « employé » ; les conseillers « cadres » sont pour la plupart des fonctionnaires moyens, des enseignants ou des ingénieurs.

55Le secteur dominant est celui du commerce et de l’industrie : 99 conseillers y sont classés. Viennent ensuite les professions libérales, auxquelles appartiennent 67 édiles, et la haute fonction publique représentée par 63 membres. Ces trois secteurs fournissent à eux seuls 85 % de l’ensemble des conseillers, soit 229 sur 267. Le faible nombre de propriétaires est dû tant aux caractères de Paris comme ville qu’à la politique de nomination des différents régimes.

56Il y avait constamment des représentants du monde du commerce et de l’industrie. Mais, si l’on met à part les banquiers, relativement nombreux depuis 1800, leur proportion a augmenté de façon sensible après 1830 : elle a quasiment doublé sous la Monarchie de Juillet, un régime fondé sur les pouvoirs de la bourgeoisie économique. Le secteur devient encore plus influent sous le Second Empire : presque un tiers des conseillers nommés par Louis-Napoléon, et également un tiers des édiles ayant siégé sous son règne, en étaient issus. Cela est dû, semble-t-il, tant à l’essor que l’industrie française a connu alors, qu’à la préférence donnée par l’Empereur aux commerçants et fabricants de quartier, moins préoccupés par le politique. Nous reviendrons sur ce point lors de l’examen d’autres éléments.

  • 45 Cette faveur que Louis-Philippe donnait à la banque s’aperçoit à travers la présence, au Conseil d (...)

57Les banquiers et les agents de change sont relativement nombreux : il y en avait au moins 25, soit 9,4 % de l’effectif total, ce qui contraste nettement avec le Conseil municipal de la Troisième République qui ne comptait que deux banquiers. Le pouvoir financier atteint son apogée sous la Monarchie de Juillet - ce qui n’est pas étonnant vu la nature du régime45 - avant de chuter sous la Seconde République, qui n’a nommé aucun financier. Sous le Second Empire, 4 banquiers au total sont entrés à l’Hôtel de ville.

58Parmi les conseillers exerçant une profession libérale, deux tiers étaient juristes : on compte 19 avocats. 18 notaires et 7 avoués. Leur présence était constante, mais c’est sous le règne de Napoléon qu’ils étaient le mieux représentés : 5 notaires et 4 avocats sur 44 nominations. Le neveu de celui-ci a préféré le Conseil d’État et la magistrature aux professions libérales juridiques.

59Le nombre d’avocats (19) est relativement faible. Nous sommes loin de la Troisième République, époque où de nombreux hommes politiques étaient passés par les barreaux, et où un conseiller municipal de Paris sur cinq était avocat. Publicistes et médecins étaient présents à partir de la Monarchie de Juillet, mais ils seront, eux aussi, mieux représentés sous la Troisième République.

  • 46 Frochot au ministre [de l’Intérieur ?] cité dans Roussier Michel. « Le Conseil municipal de Paris (...)
  • 47 Cité ibid., p. 115.

60Les hommes de loi étaient nombreux également parmi les hauts fonctionnaires : 25 magistrats et 12 conseillers d’État, soit plus de la moitié de l’effectif total de cette catégorie socioprofessionnelle. Le fait qu’il n’y ait qu’un magistrat à l’époque de Napoléon s’explique par la volonté du pouvoir central. Le préfet de la Seine Frochot n’était pas partisan de la nomination de membres de l’ordre judiciaire : « J’ignore jusqu’à tel point les fonctions judiciaires pourraient être compatibles avec la mission administrative des conseils généraux du département. Votre Excellence connaît assez la tendance des tribunaux à dominer l’ordre administratif (...)46 » Berger, préfet de la Seine sous la Deuxième République, ne pensait pas comme son prédécesseur lointain : en proposant aux postes de conseillers municipaux deux conseillers d’État, un conseiller à la Cour de cassation, un membre du tribunal de première instance et un juge de paix, il déclara au ministre que « pour que la magistrature y fût représentée à tous les degrés, ce qui est à mon sens très désirable, il ne nous resterait à y faire entier qu’un membre de la Cour d’appel : à la première occasion je vous proposerai de remplir cette lacune »47.

  • 48 Ferdinand Barrot, Léon Cornudet, Louis Frémy, Antoine Edouard Herman, Jacques Langlais, Charles De (...)

61La nomination de 7 conseillers d’État sous le Second Empire est sans doute le signe du poids de l’institution à laquelle ils appartenaient. Pendant la majeure partie du régime, 4 conseillers d’État au moins siégeaient à l’Hôtel de ville48.

62De 1800 à 1870, diverses professions étaient représentées à l’Hôtel de ville, sauf celles exercées par les classes populaires. Les caractères des régimes ont influencé plus ou moins la composition socioprofessionnelle de l’assemblée, et c’est notamment le cas de la Monarchie de Juillet, de la Deuxième République et du Second Empire. Nous allons maintenant examiner les contrastes entre les régimes.

63Le Consulat et l’Empire se caractérisent par le nombre relativement important de propriétaires, de banquiers, d’avocats et de notaires. Les édiles choisis sous la Seconde Restauration présente des traits quasi identiques. Quant aux conseillers nommés ou ayant siégé pendant la période transitoire de 1814-1815, ils ne sont pas assez nombreux pour que nous puissions en dégager des caractéristiques significatives.

64De la Monarchie de Juillet, il faut retenir, malgré les 16 conseillers dont la profession ne nous est pas connue, la nomination de 18 commerçants, négociants ou industriels, 7 magistrats et surtout 9 banquiers ; la présence de ces derniers au Conseil municipal est le résultat logique de la « révolution des banquiers ». C’est également sous ce régime que médecins et publicistes font leur entrée au Conseil municipal de Paris : on note la présence de Victor Considerant, élu en novembre 1843. Leur nomination fait d’ailleurs suite à l’introduction du scrutin censitaire : ils sont tous entrés au Conseil municipal par élection.

  • 49 Ce sont toutefois les nombres minimaux, puisque nous ignorons la profession de 11 conseillers élus (...)
  • 50 Des 45 conseillers élus, nous connaissons la profession pour 30, dont 11 étaient négociants ou ind (...)
  • 51 Des 18 138 électeurs parisiens inscrits sur la liste de 1842, 61,5 % exerçaient une profession éco (...)

65L’effet de l’élection censitaire sur les autres professions est difficile à mesurer, mais on peut dire qu’elle a promu les négociants et les industriels, au détriment des banquiers et des magistrats. A la veille du scrutin de novembre 1834, 6 magistrats et 4 banquiers se trouvaient sur les bancs du Conseil municipal ; après les votes, leurs nombres sont tombés respectivement à 1 et 249, alors que le nombre total des sièges est passé de 24 à 36. Les négociants et les industriels, eux, ont accru leur part avec l’élection : 36,7 % des conseillers élus étaient négociants ou industriels, contre 21,9 % des conseillers nommés durant le règne de Louis-Philippe50. Cette domination des négociants et des industriels au temps des élections censitaires est en quelque sorte un reflet du collège électoral de la ville, dont près des deux tiers étaient constitués de représentants de professions économiques51.

66En ce qui concerne l’ensemble de la période de la Monarchie censitaire, la composition socioprofessionnelle du Conseil municipal de Paris reflète, dans une certaine mesure, les caractères de chaque régime. Après 1830, le poids des négociants, des industriels, des banquiers et des professions libérales a augmenté, au détriment des propriétaires et des hauts fonctionnaires.

67La Deuxième République se distingue par l’absence de banquiers : aucune nomination nouvelle dans ce secteur, et tous les banquiers entrés au Conseil municipal sous les régimes précédents étaient tenus à l’écart. On note aussi la préférence donnée aux publicistes. Cinq ont été nommés en juillet 1848 : Achille Tenaille de Vaulabelle et Jacques Alexandre Bixio, respectivement collaborateur et rédacteur du National pendant la Monarchie, Philippe Buchez, coauteur de l’Histoire parlementaire de la Révolution française (1830-1840), Le Bas, philologue, et Émile Littré.

68Napoléon III a cherché ses édiles parmi les membres du Conseil d’État, et, surtout, dans le secteur du commerce et de l’industrie : un tiers des conseillers nommés au cours de son règne exerçaient une profession économique. Il a également choisi quelques personnages éminents dans les Sciences et les Arts : 5 professeurs et 4 artistes, dont Jean-Baptiste Dumas, qui fut président du Conseil municipal. Augustin-Eugène Scribe et Eugène Delacroix. II s’agit sans doute de signes de la volonté de l’Empereur d’avoir à l’assemblée municipale de la capitale des hommes de grande renommée.

  • 52 Nous n’avons pas suffisamment de renseignements pour tenir compte des mandats de conseiller généra (...)

69Dans l’examen des candidatures, la direction d’une grande entreprise ou la possession d’une fortune importante peuvent compter moins qu’une belle carrière politique. L’exercice de fonctions ou mandats à caractère politique peut servir de critère pour estimer la carrière politique passée ou future du conseiller, et à travers cela la politique de nomination des différents régimes. Le tableau suivant décompte le nombre de ceux qui ont été parlementaires ou ministres52.

TABLEAU I-3. Fonctions politiques exercées par les conseillers

TABLEAU I-3. Fonctions politiques exercées par les conseillers

N.B. : Les régimes sont ceux sous lesquels le conseiller a été nommé ou élu pour la première fois. Pour les « députés » nous avons également compté ceux qui ont été élus à une assemblée nationale pendant la période révolutionnaire. Les chiffres entre parenthèses concernent les conseillers élus au suffrage censitaire entre 1834 et 1848.

70Au total, un peu plus du tiers des conseillers (36,6 %) ont exercé, à un moment de leur vie, une haute fonction politique. En général, les conseillers choisis sous la Monarchie censitaire et sous la Seconde République ont réalisé une belle carrière politique, à la différence notamment des édiles du Second Empire, dont la plupart sont restés à l’Hôtel de ville. Peut-on dire que les conseillers nommés par Napoléon III étaient plutôt des « édiles » proprement dits ? La réponse semble positive, bien que nous ne connaissions pas dans ses détails l’itinéraire de chacun. Ce qui est confirmé par le croisement des données professionnelles avec celles des mandats politiques.

TABLEAU I-4. Les conseillers ayant été investis d’un mandat politique selon les secteurs professionnels

TABLEAU I-4. Les conseillers ayant été investis d’un mandat politique selon les secteurs professionnels

N.B. : chiffres entre parenthèses : nombre de l’ensemble.

  • 53 Gustave Rouland, membre du Conseil municipal de Paris de 1855 à 1856, avant d’être nommé ministre (...)

71Généralement, les conseillers négociants ou industriels étaient destinés plutôt à la vie édilitaire qu’à la vie politique. Surtout, sur les 29 représentants du commerce et de l’industrie nommés par Napoléon III, sans compter les banquiers, 4 seulement ont reçu un mandat politique. En revanche, nombre de conseillers banquiers, hauts fonctionnaires ou juristes ont été parlementaires ou ministres. Mais, sous le Second Empire, même les conseillers de ces secteurs avaient tendance à rester à l’Hôtel de ville : parmi les 10 conseillers magistrats et 12 membres de professions libérales juridiques nommés à cette époque, 4 seulement ont été parlementaires, dont deux ministres53.

72Quelle était la place de l’Hôtel de ville dans la carrière de nos édiles ? L’assemblée municipale servait plutôt de tremplin pour les conseillers nommés ou élus pendant la Monarchie de Juillet : 21 conseillers ont été appelés au Parlement après leur passage au Conseil municipal de Paris. Sous la Seconde République et sous le Second Empire, au contraire, le Conseil municipal était plutôt un lieu de retraite pour les anciens parlementaires (voir tableau 1-3). Certes, le nombre faible des conseillers nommés entre 1851 et 1870 et devenus ensuite parlementaires s’explique, en partie, par la rupture nette entre l’Empire et la Troisième République. Mais les analyses que nous avons faites jusqu’ici semblent montrer que le choix de l’Empereur allait plutôt vers les notables de quartier voués - ou considérés comme tels - à l’administration locale.

73L’analyse de l’âge et du lieu de naissance des édiles peut compléter nos résultats.

TABLEAU I-5. Âge moyen des conseillers

TABLEAU I-5. Âge moyen des conseillers

N.B. : (1) Âge moyen des conseillers qui n’ont exercé aucune des fonctions de député, de sénateur ou de ministre ; (2) Âge moyen de ceux qui en ont exercé au moins une fois.

74Il s’agit ici de l’âge moyen à la première nomination. Dans la colonne de la Monarchie de Juillet, le chiffre entre parenthèses est l’âge moyen des élus. Nous ne connaissons pas l’âge à la nomination de 42 conseillers, dont I nommé sous le Consulat/Empire, 9 sous la Monarchie de Juillet. 9 sous la Deuxième République et 24 sous le Second Empire. Ce qui met en cause notamment le chiffre obtenu pour le Second Empire.

  • 54 Nous signalons à ce propos qu’en 1833, l’introduction d’un suffrage censitaire a rajeuni les conse (...)

75Le tableau montre d’abord un certain rajeunissement sous la Monarchie de Juillet, dû vraisemblablement à l’instauration de l’élection54. En revanche, l’âge des conseillers nommés par Louis-Napoléon est relativement élevé, ce qui s’expliquerait par la préférence donnée aux notables de quartier, au détriment des jeunes aspirants à la vie politique.

76Les lieux de naissance se répartissent de la manière suivante :

TABLEAU I-6. Lieu de naissance

TABLEAU I-6. Lieu de naissance

N.B. : (1) Le taux par rapport au nombre des conseillers dont le lieu de naissance est connu : (2) Seine-et-Oise. Seine-et-Marne ; (3) Autres départements.

  • 55 Les recensements ne distinguent les lieux de naissance qu’à partir de 1861. Le chiffre de 1833 est (...)
  • 56 Seine, Seine-ct-Oise. Seine-et-Marne.
  • 57 Le taux est de 45,7 % si l’on se limite aux seuls natifs de Paris.
  • 58 Par ailleurs, nous n’avons pu établir aucune concordance significative entre l’origine géographiqu (...)

77Les natifs de Paris étaient toujours présents à l’Hôtel de ville, mais plus nombreux sous Napoléon III que sous les deux régimes précédents : 47 % contre 36-38 %. Cette tendance va à l’encontre du mouvement migratoire général de la période : dans l’ensemble de la population de la capitale, le taux des Parisiens de souche diminuait, de 49,6 % en 1833 à 37 % en 186155. Or, l’origine géographique semble liée aux mandats politiques. Sur les 99 édiles nés hors de la région parisienne, 60 ont reçu au moins un mandat parlementaire ou un portefeuille, soit un taux de 60,6 % ; alors que parmi les 115 conseillers nés dans un des trois départements de la région parisienne56, seuls 49 sont devenus parlementaires ou ministres, soit un taux de 42,6 %57. Ainsi, nous pouvons dire que les édiles venus de province étaient plus destinés à la vie politique que leurs collègues natifs de Paris. Le nombre relativement élevé d’originaires de Paris sous le Second Empire s’expliquerait en partie par cette tendance58.

  • 59 Caron Jean-Claude. La France de 1815 à 1848, Armand Colin, 1993, 435 p., p. 62.

78Paris n’attirait pas seulement le peuple. Le fait que sous la Restauration, 55 % des éligibles de la capitale n’étaient pas parisiens d’origine montre que l’immigration vers Paris était un phénomène qui touchait aussi les gens de milieux aisés59. Le graphique I-1 montre les départements d’origine des édiles (voir annexe).

  • 60 Précisément, la partie encadrée par les départements suivants : Manche. Orne, Eure-et-Loir. Loiret (...)
  • 61 D’autres sources confirment cette tendance migratoire. Les origines de 1 495 personnes nées en pro (...)

79Presque toutes les régions sont représentées, mais important est le poids de la partie qui se situe au dessus de la ligne Saint-Malo/Genève, moins l’Alsace et le Franche-Comté60. Sur les 99 conseillers nés dans les départements hors de la Seine (colonies exclues), 55, soit 55,5 %, venaient de cette partie. Mais pour l’ensemble de la population parisienne, le taux des originaires de ces régions est encore plus élevé : la statistique de Bertillon sur les individus décédés en 1833 - année qui se situe à peu près au milieu de notre période (1800-1870) - montre qu’environ 63 % des habitants de Paris nés hors de la ville en étaient originaires61. La provenance géographique des édiles de Paris est donc plus dispersée que celle de l’ensemble des Parisiens. Remarquons la présence d’originaires de la vallée du Rhône et de ses environs - avec l’Hérault et l’Isère qui ont fourni respectivement 6 et 5 conseillers -, alors qu’en général cette région n’avait qu’un faible lien migratoire avec Paris. Les Bretons, eux, étaient presque absents à l’Hôtel de ville comme dans la population parisienne.

80Dans l’ensemble, il y avait autant de provinciaux à l’Hôtel de ville que dans le reste de la capitale, mais l’émigration vers Paris n’avait pas le même sens pour la bourgeoisie et pour le peuple. Ce dernier, plutôt poussé vers Paris par ses nécessités quotidiennes qu’attiré par les diverses possibilités que la ville offrait, éprouvait la différence culturelle et linguistique qui pesait notamment sur les hommes des pays d’oc et de Bretagne. Cette différence, les gens des milieux aisés et « cultivés » l’ignoraient plus ou moins.

81À travers cet aperçu prosopographique sur les conseillers municipaux de Paris de 1800 à 1870, nous avons vu que pendant toute la période, ils appartenaient à la bourgeoisie, petite ou grande. Ils étaient recrutés notamment dans les milieux du commerce et de l’industrie, de la haute fonction publique et des professions libérales. Les conseillers étaient plutôt des administrateurs locaux que des hommes politiques sous le Second Empire, et inversement sous la Monarchie de Juillet et la Deuxième République. L’assemblée municipale s’est renouvelée à chaque changement de régime, mais notamment lors des deux révolutions de 1830 et de 1848 qui ont entraîné une quasi épuration.

Notes

1 Tulard Jean, « Liberté ou tutelle de l’État ? Le débat autour du statut administratif de Paris : 1789-1889 », in L’administration de Paris, op. cit., p. 40.

2 Cette loi et son application à la ville de Paris sont analysées dans Tulard Jean, Paris et son administration, op. cit., notamment dans la première partie.

3 Le premier arrondissement comprenait Pierrefitte, Pantin, Belleville, Clichy, La Garenne, Passy, Nanterre, Colombes et Franciade (Saint-Denis). Le deuxième englobait Vincennes. Montreuil, Charenton, Choisy, Châtillon, Ivry et Villejuif, avec Sceaux comme chef-lieu.

4 Ce nombre ne varie pas jusqu’en 1834.

5 La loi du 21 mars 1831 établit l’élection au suffrage censitaire des membres des conseils municipaux, dont le nombre, proportionnel à celui de la population, allait de 10 jusqu’à 36. La loi du 22 juin 1833 concernait les conseils généraux, qui se composaient d’autant de membres qu’il y avait de cantons dans le département, sans que leur nombre puisse dépasser 30. Mais ces deux lois n’étaient pas appliquées à la capitale.

6 Intitulée « loi sur l’organisation du Conseil général et des Conseils d’arrondissement de la Seine et l’organisation municipale de la ville de Paris ».

7 L’électoral comprenait, en dehors des électeurs censitaires, un certain nombre de citoyens : Parisiens électeurs politiques en province, membres de l’Institut, officiers en retraite, magistrats, avoués, professeurs, notaires, avocats, etc.

8 Cette loi, avec celle du 10 mai 1838 sur les attributions des conseils généraux et des conseils d’arrondissement, ont donné aux conseils électifs l’initiative des affaires locales. Ils étaient désormais libres d’empêcher tout acte de la vie civile de la commune ou du département non consenti par eux.

9 Armand Marrast, qui avait succédé, le 9 mars 1848, à Garnier-Pagès dans les fonctions de maire de Paris, a été remplacé le 19 juillet 1848 par Trouvé-Chauvel, qui a reçu le titre de préfet de la Seine.

10 Cette commission provisoire municipale fut instituée pour remplacer, jusqu’à la promulgation prochaine du décret spécial annoncé, le Conseil municipal de Paris et le Conseil général de la Seine.

11 Les membres des deux commissions continuaient à être nommés par le chef de l’État.

12 En fait, la loi du 5 mai 1855 ne contenait aucune disposition relative à la commission départementale de la Seine.

13 Toutefois, une exception était prévue pour le département de la Seine : elle portait sur les impositions extraordinaires et les emprunts, pour lesquels une tutelle plus rigoureuse était prévue.

14 C’est cette loi qui a rendu applicable à Paris celle du 18 juillet 1837.

15 Un certain nombre d’attributions, notamment dans le domaine de la petite voirie, furent transférées à la Préfecture de la Seine. Un débat identique s’était produit sous le Premier Empire entre le préfet de la Seine Frochot et le préfet de police Dubois, sans qu’il ait abouti à une réforme.

16 Girard Louis, Nouvelle histoire de Paris. La Deuxième République et le Second Empire (1848-1870), Hachette, 1981, 471 p., p. 337.

17 Voir Félix Maurice, Le régime administratif et financier de la ville de Paris et du département de la Seine, Documentation française, 1957-1959, 4 tomes, t. I, pp. 122-123.

18 Voir, à titre d’exemple. Administration de la Commune de Paris et du département de la Seine, s.l.. 1866, 17 p. |BN 8°-Lk7-12831] ; Lettre à MM. les membres de la Commission de l’organisation municipale de Paris et des Communes du département de la Seine, s.l., s.d. (c.1870) [BN 8°-Lk7-1537l I ; Bailleux de Marisy. « La ville de Paris devant le Corps législatif ». Revue des deux mondes, 15 mars 1870. pp. 419-446.

19 Le Conseil d’État a été saisi, dans les derniers jours de 1869, d’un projet de loi relatif à cette nomination.

20 Commission chargée « d’étudier dans leur ensemble l’organisation administrative de la ville de Paris et celle du département de la Seine, et de proposer les solutions que réclament des intérêts si multiples et si considérables » (cité par Bailleux de Marisy, art. cit., p. 419).

21 Loi du 17 juillet 1870. Ces communes avaient été placées, par la loi du 5 mai 1855, sous le même régime que Paris quant au mode de recrutement des membres du Conseil municipal.

22 Le régime administratif et financier de la ville de Paris et du département de la Seine..., op. cit., tome I, pp. 94-95.

23 Selon Passy Louis. Frochot, préfet de la Seine. Évreux. 1867. p. 234, cité dans Tulard Jean. Paris et son administration, op. cit., p. 185.

24 Note de Dubois adressée au ministre de l’Intérieur Champagny, le 27 décembre 1804, cité dans Tulard Jean, Paris et son administration, op. cit.. p. 189. Le ministre de l’Intérieur a donné raison à Dubois sur ce point, en disant que « le maintien de la tranquillité publique dans l’immense commune de Paris exige tant d’assiduité dans la surveillance du magistrat chargé d’y assurer le bon ordre qu’il serait imprudent et impolitique de permettre que le préfet de police puisse être arraché arbitrairement à ses fonctions ordinaires » (cité ibid., p. 189).

25 Ibid., p. 190.

26 Voir Rossier Michel. « Aperçu sur le fonctionnement du Conseil municipal de Paris au xixe siècle (1800-1870) », in Études d’histoire du droit parisien, PUF, 1970, pp. 427-428.

27 Lettre adressée au ministre (de l’Intérieur ?), cité dans Roussier Michel. « Aperçu sur le fonctionnement... », art. cit., p. 427.

28 Cité ibid., p. 433. A la fin de la Restauration, les délibérations étaient en général prises alors que 16 membres seulement sur 24 étaient présents, soit les deux tiers, nombre des membres requis par la loi de l’an VIII pour que les délibérations soient effectives. La loi de 1834 n’exigea plus que la présence de la moitié de l’effectif.

29 Tulard Jean, Paris et son administration..., op. cit., p. 424.

30 Cité ibid., p. 190.

31 Discussion de la loi du 20 avril 1834 : cité in Roussier Michel, « Le Conseil municipal de Paris (1800-1870) », Bulletin de la Société de l’histoire de Paris, 1966, pp. 109-120, p. 118.

32 La jeunesse libérale de 1830..., Paris, 1908, cité ibid., p. 119.

33 Vigier Philippe, Nouvelle histoire de Paris. Paris pendant la Monarchie de Juillet (1830-1848), Hachette, 1991, pp. 139-141.

34 Nous avons utilisé essentiellement Les notices provisoires sur les conseillers municipaux de Paris, les conseillers généraux de la Seine, les membres de la Commission municipale et départementale (1800-1870) et les membres de la Commune de 1871, établies sous la direction de Jeanne Pronteau et publiées en 1958. Fort précieuse, cette liste, élaborée surtout à partir de dictionnaires biographiques, contient malheureusement un nombre non négligeable de lacunes et d’erreurs. Nous avons complété et corrigé ces notices par quelques études historiques sur Paris, notamment celles publiées dans le cadre de la Nouvelle histoire de Paris chez Hachette. L’analyse qui suit peut manquer parfois d’exactitude, mais les résultats globaux valent, à notre sens, d’être présentés.

35 Nous n’avons pas retenu ceux qui ont refusé la nomination, tel que La Fayette en 1801.

36 36 Tous les maires et adjoints d’arrondissement en place ont été relevés de leurs fonctions (voir Todisco Umberto, Maires et adjoints de la ville de Paris sous la Monarchie de Juillet (1830-1848), thèse de 3e cycle, Université de Paris, s.d., non paginée.).

37 En novembre 1834, les 36 sièges ont fait l’objet d’une élection. C’est à partir de 1837 que le renouvellement triennal s’est mis à fonctionner, et 12 conseillers ont été soumis au jugement des électeurs. Philippe Vigier, en analysant le déroulement du scrutin de novembre 1834, montre que les élections ne témoignent pas d’une volonté délibérée des électeurs parisiens de contester les nominations faites par le gouvernement de 1830 à 1834 : les conseillers réélus l’ont été dès le premier tour, dans des conditions très honorables (Paris pendant la Monarchie de juillet..., op. cit., p. 147).

38 C’est Horace Say qui a battu ce sortant.

39 Cité dans Vigier Philippe. Paris pendant la Monarchie de Juillet..., op. cit.. p. 153.

40 Aux élections de juillet 1842, l’opposition – de l’extrême gauche radicale au centre gauche - a obtenu 10 des 12 sièges parisiens. En 1846, elle l’a emporté dans 9 des 12 circonscriptions, en obtenant 62,3 % des suffrages exprimés. Voir Daumard Adeline, La bourgeoisie parisienne de 1815 à 1848, op. cit., pp. 605-607.

41 C’est le cas des listes de 1800, de 1803, et de 1807. Voir Roussier Michel, Le Conseil général de la Seine sous le Consulat, Imp. mun., 1960. pp. 7-9, 25-26 ; Tulard Jean. Paris et son administration, op. cit., pp. 187-188.

42 Cité dans Roussier Michel, « Le Conseil municipal de Paris (1800-1870) », art. cit., p. 116.

43 Louis-Napoléon lors de la nomination de membres après le 2 décembre 1851, cité ibid., p. 117.

44 Encore que nous ne soyons pas sûr s’il était ouvrier et non pas patron.

45 Cette faveur que Louis-Philippe donnait à la banque s’aperçoit à travers la présence, au Conseil de Paris, de régents de la Banque de France. Sous la Monarchie de Juillet, sept des régents ou censeurs de la Banque de France du Second Empire ont siégé à l’assemblée municipale de la capitale : Lafond, A. Odier, Lefebvre, Sanson-Davillier, Legentil, Perier et Baÿvet. Sous la Deuxième République, tous les régents ont été écartés de l’administration parisienne. Le Second Empire a retrouvé trois des membres du Conseil de Régence de la Banque. Voir Plessis Alain, Régents et gouverneurs de lu Banque de France sous le Second Empire, Genève, Droz, 1984, p. 165.

46 Frochot au ministre [de l’Intérieur ?] cité dans Roussier Michel. « Le Conseil municipal de Paris (1800-1870) », art. cit.. p. 115.

47 Cité ibid., p. 115.

48 Ferdinand Barrot, Léon Cornudet, Louis Frémy, Antoine Edouard Herman, Jacques Langlais, Charles Denis Joseph Merruau et Charles Marius Vaïsse, tous conseillers d’État en fonction sous le Second Empire.

49 Ce sont toutefois les nombres minimaux, puisque nous ignorons la profession de 11 conseillers élus sur 36.

50 Des 45 conseillers élus, nous connaissons la profession pour 30, dont 11 étaient négociants ou industriels. Quant aux conseillers nommés, la profession est connue pour 32 des 33 conseillers, dont 7 étaient négociants ou industriels.

51 Des 18 138 électeurs parisiens inscrits sur la liste de 1842, 61,5 % exerçaient une profession économique, 10,1 % une profession libérale, 4,5 % étaient dans le service public, et 23,8 % étaient propriétaires. Voir Jardin André et Tudesq André-Jean, La France des notables, Seuil. 1973. 2 vol., vol. 2, p. 214.

52 Nous n’avons pas suffisamment de renseignements pour tenir compte des mandats de conseiller général, de conseiller municipal et de maire.

53 Gustave Rouland, membre du Conseil municipal de Paris de 1855 à 1856, avant d’être nommé ministre de l’Instruction publique et des Cultes, et Paul Henri Ernest de Royer, conseiller municipal de décembre 1851 à 1857, garde des Sceaux en janvier-avril 1851 ainsi qu’en 1857-1859.

54 Nous signalons à ce propos qu’en 1833, l’introduction d’un suffrage censitaire a rajeuni les conseillers généraux (voir Tudesq André-Jean, Les conseillers généraux en France, op. cit.). Par ailleurs, le chiffre de la Première Restauration n’est pas très significatif, vu le nombre infime des édiles nommés par ce régime (4 nominations seulement).

55 Les recensements ne distinguent les lieux de naissance qu’à partir de 1861. Le chiffre de 1833 est celui de Bertillon, qui a examiné l’origine de 24 842 personnes décédées à Paris en 1833 ; il s’agit d’une des rares statistiques en la matière existant pour la période de la Monarchie censitaire (Pouthas Charles-H., La population française pendant la première moitié du xixe siècle, PUF. 1956. 256 p.. p. 164-169 ; Chevalier Louis, La formation de la population parisienne, op. cit.).

56 Seine, Seine-ct-Oise. Seine-et-Marne.

57 Le taux est de 45,7 % si l’on se limite aux seuls natifs de Paris.

58 Par ailleurs, nous n’avons pu établir aucune concordance significative entre l’origine géographique et la profession.

59 Caron Jean-Claude. La France de 1815 à 1848, Armand Colin, 1993, 435 p., p. 62.

60 Précisément, la partie encadrée par les départements suivants : Manche. Orne, Eure-et-Loir. Loiret. Yonne, Côte-d’Or, Haute-Saône, Vosges et Moselle ; les deux départements d’Alsace ne sont pas compris.

61 D’autres sources confirment cette tendance migratoire. Les origines de 1 495 personnes nées en province et admises à l’Hôtel-Dieu au cours des mois de mars 1825 et de juillet 1829 ; les origines de 1 468 individus arrêtés au cours des années 1825 et 1829 par la gendarmerie de la Seine opérant principalement aux barrières. Voir Bertier de Sauvigny Guillaume (de), Nouvelle Histoire de Paris. La Restauration, Hachette, 1977, 525 p., pp. 178-188.

Table des illustrations

Titre TABLEAU I-1. Nombre des conseillers par régimes
Légende N.B. : CSEM = Consulat/Empire ; 1RST = Première Restauration : 100J = Cent-Jours ; 2RST = Seconde Restauration : MJ = Monarchie de Juillet : 2REP = Deuxième République : 2EMP = Second Empire. Nous utiliserons les mêmes abréviations dans les tableaux suivants. Deux conseillers municipaux nommés sous le Second Empire (Jean Frédéric Possoz et Noël Gabriel Picard) avaient été auparavant membres du Conseil général de la Seine, en tant que représentants de cantons de la banlieue : leur nomination au Conseil municipal de Paris est due à l’annexion des communes intra muros en 1859.
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Titre TABLEAU I-2A. Professions des conseillers nommés sous chaque régime
Légende N.B. : Premier chiffre : nombre : deuxième chiffre : pourcentage en colonne. Nous avons retenu la profession à la nomination. Les chiffres entre parenthèses de la colonne de la Monarchie de Juillet concernent les conseillers élus entre 1834 et 1848. (I) Ici sont classés les gouverneurs et les sous-gouverneurs de la Banque de France, ainsi que les administrateurs des messageries ; (2) il s’agit de deux chefs d’institution. Froussard et Pellassy de L’Ousle ; (3) y compris trois maîtres des requêtes, dont un devient plus tard conseiller d’État ; (4) ce sont des propriétaires qui n’avaient exercé - à notre connaissance, évidemment - aucune activité professionnelle ; les « anciens » sont classés dans leur profession d’origine, avec les actifs. Pour les catégories socio-professionnelles utilisées, voir la note explicative qui se trouve dans les annexes.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/1315/img-2.jpg
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Titre TABLEAU I-2B. Profession des conseillers siégeant sous chaque régime
Légende N.B. : voir le tableau précédent. Les chiffres entre parenthèses sont des pourcentages en colonne.
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Titre TABLEAU I-3. Fonctions politiques exercées par les conseillers
Légende N.B. : Les régimes sont ceux sous lesquels le conseiller a été nommé ou élu pour la première fois. Pour les « députés » nous avons également compté ceux qui ont été élus à une assemblée nationale pendant la période révolutionnaire. Les chiffres entre parenthèses concernent les conseillers élus au suffrage censitaire entre 1834 et 1848.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/1315/img-4.jpg
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Titre TABLEAU I-4. Les conseillers ayant été investis d’un mandat politique selon les secteurs professionnels
Légende N.B. : chiffres entre parenthèses : nombre de l’ensemble.
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Titre TABLEAU I-5. Âge moyen des conseillers
Légende N.B. : (1) Âge moyen des conseillers qui n’ont exercé aucune des fonctions de député, de sénateur ou de ministre ; (2) Âge moyen de ceux qui en ont exercé au moins une fois.
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Titre TABLEAU I-6. Lieu de naissance
Légende N.B. : (1) Le taux par rapport au nombre des conseillers dont le lieu de naissance est connu : (2) Seine-et-Oise. Seine-et-Marne ; (3) Autres départements.
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© Éditions de la Sorbonne, 2002

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