Chapitre 14. La crise de la fonction publique et les réformes institutionnelles
p. 285-304
Texte intégral
1Depuis 1950, plusieurs études des affaires administratives ont été réalisées sur une possible réforme de la fonction publique et des prérogatives respectives du haut-commissariat, du ministère et des territoires. Une étude commandée en 1951 à tous les gouverneurs par le haut-commissaire de l’AEF Paul Chauvet, sur ordre du ministère, propose un renforcement des pouvoirs des territoires dans la gestion des cadres généraux et de la gestion des budgets locaux1. En 1952, une seconde étude d’importance est réalisée conjointement par les affaires administratives et la direction des services de législation générale de contentieux et de liaison du haut-commissariat2, qui débouche sur une conférence des gouverneurs entièrement consacrée à la question3.
2Les conclusions de cette conférence évoquent quatre questions irrésolues. D’une part la décentralisation à l’échelon local de la gestion des personnels administratifs territoriaux et des cadres généraux exerçant dans les territoires. D’autre part le poids toujours grandissant des dépenses de personnels dans les budgets territoriaux − qui nécessitent l’intervention du budget général dans nombre d’investissements d’intérêts territoriaux. Ensuite le transfert partiel des responsabilités politiques territoriales aux élites africaines ; enfin l’assouplissement du régime fédéral au profit des territoires, signifiant la diminution des pouvoirs d’intervention du Grand conseil et du haut-commissariat dans la répartition des recettes communes. Le point le plus important reste la croissance continue des budgets territoriaux rapportée à la stagnation des recettes fiscales, les résultats économiques de l’AOF étant globalement décevants, malgré le décollage de la Côte d’Ivoire. La hausse de ces budgets, constatée depuis 1949 par le haut-commissaire, est indépendante des réformes de la fonction publique. Quel qu’en soit le mode d’organisation, cette donnée économique brutale est une constante, sur laquelle l’administration pèse peu, comme l’indique une note du Gouvernement général :
Il est évident qu’au fur et à mesure de l’augmentation des dépenses, le pourcentage que le budget général peut consacrer à l’aide aux territoires diminue et cette situation restera identique que nous gardions le système actuel ou que nous modifions la répartition des ressources [entre territoires et groupe de territoires]. Ce qu’il faut bien comprendre c’est que les propositions que nous vous faisons [la déconcentration des pouvoirs de l’administration à l’échelon territorial], se développent autour d’un problème d’organisation qui est absolument distinct de la situation que je viens de vous exposer. De toute façon et quel que soit le système adopté, les charges des territoires augmentent alors que leurs ressources ne suivent pas leur augmentation4.
Une crise budgétaire sans précédent
3Dans ce contexte, les espoirs d’un redressement sont faibles : d’une part les actions syndicales réclamant l’application intégrale de la réforme du code du travail en 1952, incluant le principe d’égalité des salaires (mais aussi des heures supplémentaires, des primes, des allocations familiales, etc.) entre fonctionnaires métropolitains et africains, se sont multipliées et atteignent en 1955 un niveau inquiétant, comme l’a bien montré Frederick Cooper5. Ces actions ont abouti à un renchérissement considérable de la main-d’œuvre qui, associé à l’essor de la bureaucratie, pose à cette date un insoluble problème budgétaire. D’autre part, les perspectives économiques demeurent sombres. En 1952, un rapport dresse un tableau anxiogène de cinq années de planification économique : à cette date, la productivité du travail est très faible, les coûts de production sont déjà élevés (avec des salaires élevés comparés aux colonies britanniques en Afrique), de même que celui des infrastructures ; les exportations atteignent tout juste celles d’avant-guerre et la balance du commerce extérieur reste dramatiquement déficitaire6. Encore une fois est soulignée la bureaucratisation accélérée, son coût exorbitant, alors que, pour la première fois, sont pointés l’inefficacité des réalisations du FIDES et les coûts de fonctionnement engendrés par celle-ci. Mais le facteur d’inquiétude principal est bien, alors, la croissance incontrôlée de la fonction publique, tous régimes confondus. Le paysage ne s’est pas éclairci en 1955, bien au contraire.
4En 1954, Robert Buron, alors ministre de la France d’outre-mer, fait réaliser une autre étude, portant une fois encore sur les réformes de structures de la fonction publique et la répartition des prérogatives entre le ministère, le haut-commissariat et les territoires7. Celle-ci fait clairement prévaloir la solution territoriale en proposant l’organisation autonome, dans chaque territoire, des services de la fonction publique territoriale (ce qui signifie la fin d’un régime unique de la fonction publique territoriale, mesure évidemment capitale). Elle suggère également l’éradication du pouvoir décisionnaire du haut-commissariat dans la nomination des fonctionnaires des cadres supérieurs et généraux affectés dans les territoires et, enfin, la suppression de la répartition négociée dans le cadre du Grand conseil du produit des recettes communes, au profit d’un forfait définitif définissant la redistribution de celles-ci. Cette dernière mesure est primordiale, la solidarité fédérale étant essentiellement assise sur la redistribution, dans le cadre du Grand conseil, du produit des taxes à l’importation et à l’exportation.
5Or, deux territoires contribuent pour plus de 65 % des recettes, le Sénégal et la Côte d’Ivoire alors qu’il ne leur en est ristourné que le tiers. La position territorialiste de la Côte d’Ivoire et de son leader politique incontesté, Houphouët-Boigny, s’appuie sur la perspective de recouvrer l’intégralité des recettes de la Côte d’Ivoire. Parallèlement, le pouvoir du ministère serait renforcé, notamment par la promulgation d’une liste rigide d’effectifs annuels des fonctions publiques territoriales, afin de contrecarrer l’augmentation du nombre des fonctionnaires, et enfin par toute une série de contrôles budgétaires et fiscaux8. Dans l’ordre de la hiérarchie des pouvoirs coloniaux, le projet Buron opère ainsi un basculement significatif des prérogatives du Gouvernement général vers les territoires et la Rue Oudinot.
6Dans le domaine de la fonction publique, le ministre souhaite la transformation de tous les cadres supérieurs en cadres locaux, ce qui signifierait, à terme, une fonction publique divisée en deux cadres, les cadres territoriaux et les cadres généraux (presque tous européens). Cette simplification se heurte cependant à la fois à l’opposition unanime des syndicats africains (qui au contraire soutiennent la mutation des cadres supérieurs en cadres généraux, c’est-à-dire l’alignement sur la référence métropolitaine, évidemment plus sécurisante et surtout beaucoup plus rémunératrice), mais aussi des syndicats de fonctionnaires métropolitains, puisque les cadres généraux sont composés pour plus des deux tiers de métropolitains. Enfin, la suppression des cadres supérieurs suppose la contribution directe et accrue de la métropole aux territoires, les cadres supérieurs étant conjointement pris en charge par les territoires et le ministère9.
7Le projet Buron aborde ainsi deux questions, l’une institutionnelle, l’autre administrative, au cœur des problèmes politiques et structurels de l’AOF. La territorialisation des pouvoirs implique dans le projet l’incorporation plus large − même si ses modalités restent floues, le projet ne mentionnant pas la suppression du double collège −, des élites de première génération. La réforme de la fonction publique emprunte pour la première fois la voie radicale de la suppression pure et simple des cadres supérieurs, dans le prolongement des pouvoirs accrus dévolus aux autorités territoriales. Ainsi, dès 1954, deux des principaux axes de la loi-cadre − la territorialisation et la division de la fonction publique en deux corps − sont déjà tracés.
8Toutes les études réalisées jusqu’en 1953 sur les réformes structurelles de la fonction publique lient celles-ci à une répartition nouvelle des pouvoirs au profit des territoires, soulignent les difficultés budgétaires croissantes auxquelles sont confrontés ceux-ci (difficultés consécutives à l’augmentation du nombre de fonctionnaires – qui a doublé depuis 1938 selon Frederick Cooper10 – et à la croissance de la masse salariale en francs constants) et dénoncent la complexité de l’organisation tricéphale et les multiples statuts de la fonction publique. L’africanisation des cadres de la fonction publique suit un processus qui, depuis 1946, s’amplifie.
L’africanisation de la fonction publique, une nécessité politique
9Aucune étude cependant n’érige l’intégration des nouvelles élites dans l’administration comme un facteur majeur de réforme, de même que les revendications syndicales dans la fonction publique ne sont évoquées que très marginalement. Durant la période 1950-1953, ce sont uniquement des questions d’efficacité administrative − et latéralement une représentation plus importante des élites politiques africaines à l’échelon territorial −, de répartition des ressources générales et de viabilité des budgets territoriaux qui sont au centre des préoccupations des autorités coloniales. La recherche d’une meilleure efficacité des services administratifs doit passer par la simplification de leur organisation.
10En effet, l’articulation tricéphale des institutions d’AOF (ministère, haut-commissariat, fonction publique) correspond schématiquement à la segmentation ternaire de la fonction publique, divisée entre les cadres territoriaux, les cadres supérieurs (interterritoriaux) et les cadres généraux (fig. 17). Les cadres territoriaux forment les échelons les plus bas des fonctionnaires des territoires, entièrement africanisés et occupés par la frange inférieure de l’élite de première génération. Les cadres supérieurs, africanisés à plus de 70 %, dépendent du haut-commissariat. Ces cadres ont vocation à être nommés dans l’un des territoires de l’AOF, quel que soit leur territoire d’origine. Mieux rétribués, ils symbolisent le prototype de la bourgeoisie africaine appelée de ses vœux par Cornut-Gentille dès 195411. Enfin, les cadres généraux correspondent aux cadres d’autorité de la fédération, dépendent conjointement du ministère de la France d’outre-mer et du haut-commissariat et sont monopolisés par les métropolitains.
Fig. 17. Distribution des effectifs de la fonction publique en AOF en 195512
Métropolitains | Africains | Total | |
---|---|---|---|
Cadres généraux | 3 396 (77 %) | 990 (23 %) | 4 386 (10 %) |
Cadres supérieurs | 2 254 (30 %) | 6 219 (70 %) | 8 773 (20 %) |
Cadres territoriaux | 2 (0 %) | 29 497 (100 %) | 29 499 (70 %) |
Total | 5 952 (14 %) | 36 706 (86 %) | 42 658 (100 %) |
11L’africanisation des cadres de la fonction publique est ainsi, pour ce qui concerne les échelons inférieurs et intermédiaires, très avancée. Seul l’échelon supérieur des cadres généraux apparaît encore comme un quasi-monopole métropolitain. En effet, ce cadre est lui-même segmenté en plusieurs statuts, les métropolitains détachés (dépendant d’un ministère autre que celui de la France d’outre-mer), les métropolitains bénéficiant d’un régime de rémunération des allocations familiales équivalentes au modèle métropolitain et une majoration de salaire (comprenant une prime de vie chère et de dépaysement) de 40 %, les Africains bénéficiant d’un régime d’allocations familiales moins favorable et d’un supplément de 20 % de salaire, en compensation des 40 % accordés aux métropolitains13.
12De même, dans les cadres supérieurs, une majorité de fonctionnaires métropolitains bénéficient-ils d’une majoration de salaire de 40 % et des mêmes allocations familiales qu’en métropole, alors que la plupart des cadres supérieurs africains sont soumis aux 20 % de supplément de solde et à des conditions d’allocations familiales bien moins avantageuses (sur les 3 101 cadres supérieurs bénéficiant du complément de 40 %, 1 847 sont européens et sur les 5 526 touchant les 20 % de majoration, 4 964 sont africains). La complexité des statuts des cadres généraux et supérieurs dévoile ainsi un processus de discrimination de fait institué parallèlement à l’africanisation.
13Les statuts de la fonction publique en AOF constituent donc un improbable imbroglio, devant lequel même les technocrates les plus chevronnés des affaires administratives perdent leur latin14. L’origine de la multiplication des statuts est à chercher dans les innombrables modifications, arrêtés et circulaires qui transforment progressivement la loi Lamine Gueye, votée en 195015. Les objectifs de cette loi sont relativement simples à cette date : permettre l’unification des statuts et des rémunérations de chacun des trois cadres de la fonction publique, promesse d’égalité de traitement qui était déjà prévue – mais jamais appliquée par le jeu des primes –, par la loi du 27 octobre 1946. La loi Lamine Gueye est soumise au même régime : des avantages substantiels sont accordés aux fonctionnaires européens (sous la forme de primes d’éloignement et d’allocations familiales correspondant au régime métropolitain), la vidant de sa substance.
14La hiérarchie entre cadres généraux, supérieurs et locaux et la complexité des statuts des différents cadres renvoient ainsi non seulement au maintien des divisions socioraciales de la société coloniale dans ce qui devait être l’emblème du nouvel associationnisme colonial − la fonction publique −, mais aussi à la stratification sociale des élites de première génération, réparties dans les différents cadres de la bureaucratie coloniale.
15À partir de 1953, les revendications des fonctionnaires africains, concomitantes à l’aguerrissement des syndicats, vont aller en s’amplifiant16. Ainsi, la division des fonctionnaires africains, répartis sur différents statuts, est contredite par l’unité de leur revendication, à savoir l’égalité de traitement par rapport aux cadres européens.
16La situation en 1954 est explosive. En effet, les différents statuts qui subdivisent les trois cadres de l’administration recoupent schématiquement la division entre Africains et Européens et donnent aux syndicats autochtones matière à dénoncer la ségrégation raciale dans la bureaucratie. De plus, les innombrables catégories à l’intérieur des différents statuts de chacun des cadres sont le théâtre de revendications proprement corporatistes avec lesquelles il faut compter, chaque concession à l’une d’entre elles étant suivie de revendications d’autres catégories.
La crise de la bureaucratie coloniale
17La permanence des responsables du MRP (dont les plus connus pour la période sont Teitgen, Cornut-Gentille et Buron) aux plus hauts postes de la hiérarchie coloniale est remarquable. Ces hommes, qui s’affirment comme d’ambitieux réformateurs coloniaux, tracent les lignes de force du réformisme colonial au cours des années 1950. Ils sont entièrement tournés vers la préservation, par tous les moyens, de l’ordre social et, partant, de la domination coloniale. Le projet Teitgen est à cet égard paradigmatique. En mai 1955, une quatrième étude d’envergure sur les réformes institutionnelles et administratives en AOF est commandée au haut-commissaire Cornut-Gentille17 par Pierre-Henri Teitgen, alors ministre de la France d’outre-mer du gouvernement Edgar Faure. L’étude de Cornut-Gentille est fondamentale dans le processus de prise de conscience des impasses politiques, institutionnelles et administratives dans lesquelles l’AOF s’est progressivement enfoncée, faute de réforme d’ampleur depuis 1946. C’est cette étude qui sert de base au fameux rapport Teitgen de 1955, devant aboutir à une proposition de loi que le ministre n’aura pas le temps de porter au parlement, le gouvernement Faure étant renversé en février 195618.
18Une note de synthèse des études précédentes établit le bilan des problèmes de la fonction publique. Le constat est particulièrement alarmant, et en premier lieu l’impasse budgétaire dans laquelle sont enferrés les territoires. En effet, en 1955, les dépenses de personnels accaparent plus de 60 % des budgets des territoires (contre environ 10 % en métropole). La croissance est fulgurante, puisqu’au sortir de la Seconde Guerre mondiale ces dépenses avoisinent les 40 %19. Le poids de la fonction publique dans les budgets territoriaux est tel que la métropole, depuis au moins 1954, subventionne directement les territoires pour faire face à l’accroissement des dépenses. Le rythme de leur augmentation est très largement supérieur à la croissance économique des différents territoires de l’AOF, hormis celle de la Côte d’Ivoire20. Ce pourcentage est déjà considérable et souligne les marges étroites de l’investissement territorial. Comment en est-on arrivé à une telle situation ? L’augmentation de la masse salariale et de sa part dans les budgets territoriaux s’explique par les transferts opérés par la métropole dans le cadre du plan décennal du FIDES (divisé en deux plans quadriennaux). Mais on peut supposer aussi que la fonction publique territoriale est devenue un moyen pour placer des individus bien en cours ou, au contraire, réfractaires à l’ordre colonial (pratiques attestées dès le début des années 1950 pour la Côte d’Ivoire par exemple).
19La croissance de la fonction publique est donc, pour le haut-commissariat, le problème économique majeur de l’AOF. L’administration coloniale se trouve ainsi face à une équation sociale et économique qu’elle a elle-même contribué à rendre insoluble. Les salaires dans la fonction publique, quelle que soit la catégorie de cadres concernés, modestes dans l’absolu, sont, au regard du développement économique du territoire, proprement surréalistes. Ainsi, un commis moyen (sans certificat d’études) des cadres territoriaux, au plus bas des échelons de la fonction publique, gagne en moyenne le double d’un ouvrier moyennement qualifié du secteur privé et son salaire mensuel (environ 10 000 FCFA en 1955) est égal au revenu annuel moyen des paysans ! Ce n’est donc plus d’écart qu’il s’agit mais d’un gouffre, qui rend plus lisible la rupture entre les conditions de vie du plus mal payé des fonctionnaires et celles du paysan. De même, un secrétaire d’administration, situé aux échelons intermédiaires des cadres territoriaux, gagne en fin de carrière trois fois le salaire d’un ouvrier lui aussi très qualifié, soit quinze fois le revenu mensuel moyen paysan21…
20De plus, les prestations familiales consenties aux fonctionnaires africains de 1 700 FCFA par enfant − inférieures de 70 % aux allocations octroyées aux métropolitains −, représentent une allocation en moyenne cinq fois plus importante que dans le secteur privé et équivalentes à près d’un mois et demi du revenu des ruraux, ceux-ci étant totalement dépourvus d’allocations. Les limites des possibilités budgétaires des territoires sont atteintes en 1955 avec la stagnation, depuis 1952, des recettes fiscales, basées sur les possibilités contributives du paysannat, comme le souligne le gouverneur Jarre :
Que du moins on n’ajoute pas de nouvelles hémorragies à celles que ces dispositions [la loi Lamine Gueye] provoquent déjà ! Que l’on n’aggrave pas, par des modalités d’application dépassant le texte et l’esprit de la loi, les effets déjà suffisamment fâcheux du Code du Travail ! Que l’on ne se hâte pas d’étendre au secteur privé d’AOF, comme certains en manifestent l’intention, le système des allocations familiales, du moins dans la forme prévue dans la loi Lamine Gueye pour le secteur public où il a abouti, tant au point de vue financier qu’au point de vue social, aux plus regrettables résultats ! […] À moins que l’on ait, de gaîté de cœur, souscrit par avance à la ruine totale de l’économie de nos territoires africains, qui ne peut manquer de résulter de tels projets […]22.
21La crise économique de 1952 joue ainsi, incontestablement, un rôle significatif dans la précipitation des événements. Mais plus globalement, on voit aussi clairement que la construction des administrations territoriales est rendue possible par la prédation carnassière des ressources du monde paysan. Il ne fait guère de doute que la pression fiscale sur les campagnes, érigée en méthode de gouvernement par les jeunes États postcoloniaux, plonge ses racines dans les décades précédant immédiatement les indépendances.
L’embrasement syndical
22Pour l’heure, la modernisation opérée par l’application du deuxième plan quadriennal et l’expansion volontariste d’administrations locales emblématique de l’africanisation des cadres, ont accouché d’un monstre, directement issu de l’hybridation d’une administration conçue dès l’origine pour être dirigée par des Blancs − et donc payés au tarif européen −, avec le projet d’inclusion progressive des élites africaines dans des postes de responsabilité. L’africanisation des cadres, si elle a pour objectif d’atténuer provisoirement la disjonction entre Africains et Européens dans l’administration, a pour corollaire la création ex nihilo d’une classe bureaucratique autochtone, ultra-minoritaire (moins de 0,3 % de la population totale de l’AOF) et presque aussi totalement coupée des conditions d’existence réelles de l’immense majorité paysanne que le sont alors les Européens en poste en AOF. À cet égard, on peut remarquer que les revendications syndicales dans la fonction publique ne font que très latéralement allusion au problème paysan. Les centrales et leurs mandants ont le regard tourné vers la métropole, réclamant l’équivalence de leurs conditions avec les fonctionnaires métropolitains. Il y a vraiment un impensé paysan, comme si toute une société avait disparu de l’horizon des préoccupations des élites africaines. Paradoxalement, les seuls à évoquer la question, et à avoir conscience du problème, sont les responsables des affaires administratives, qui mesurent les effets économiques de l’évolution de la fonction publique sur la contribution paysanne23.
23Or, en 1955, le premier terme de l’équation associationniste coloniale, le rapprochement des élites africaines et européennes, est également un échec.
24En effet, les organisations syndicales, et au premier rang d’entre elles la puissante CGT, groupant plus de 85 % des fonctionnaires syndiqués, dénoncent sans relâche depuis les premiers amendements à la loi Lamine Gueye la ségrégation entre Africains et Européens, réclamant l’égalité totale des salaires, des prestations familiales et sociales. L’essor et la virulence de ces revendications plongent en 1954 les affaires administratives du haut-commissariat dans une grande amertume :
Bénéficiant d’un régime de prestations familiales déjà conséquent, dont sont encore dépourvus des pays aussi riches et évolués que l’Allemagne, ils [les syndicats] demandent à bénéficier des taux métropolitains qui multiplieraient leurs indemnités actuelles par deux ou par trois. […] À tous les arguments qui peuvent leur être opposés, les syndicats répondent par des accusations faciles de « racisme » ou de « colonialisme »24.
25La situation appelle des réformes structurelles de la fonction publique, comme le soulignent les rapports des affaires administratives et des affaires politiques.
26C’est dans ce contexte que, début 1956, un récapitulatif des principales revendications dans la fonction publique est transmis à Pierre-Henri Teitgen. Le document est impressionnant. Sur pas moins de 56 pages s’étalent, catégorie par catégorie, les doléances des fonctionnaires d’AOF. Les revendications des fonctionnaires africains des différents cadres se rejoignent sur plusieurs points : l’alignement de la fonction publique locale sur la fonction publique métropolitaine, l’attribution de prestations familiales aux taux métropolitains, la création d’un régime de sécurité sociale, l’accélération de l’africanisation des cadres. Une série de revendications annexes vient encore alourdir les demandes, telle l’unification du complément spécial (c’est-à-dire l’application à la totalité des fonctionnaires africains de l’augmentation de 40 % accordée aux métropolitains et à une très infime minorité d’Africains correspondant à la « prime d’éloignement et de vie chère ») et, pour les cadres supérieurs et locaux, l’attribution de congés en métropole, l’augmentation des indemnités de déplacement et le logement de tous les fonctionnaires25. Suit la liste des revendications spécifiques à chaque corps26 (postiers, agents de police, greffiers, greffiers en chef, pharmaciens, etc.). Inventaire vertigineux.
27Les autorités coloniales se trouvent donc devant un problème considérable. Le syndicalisme africain s’est en effet principalement investi dans la fonction publique, et son dynamisme en fait une force sociale incontournable. La politisation du discours syndical au cours des années 1954-1955 est par ailleurs nette. S’appuyant sur l’organisation statutaire particulièrement confuse de l’AOF, comme nous l’avons vu, chaque revendication renvoie à l’unification des régimes des fonctionnaires africains et européens, pour dénoncer le « colonialisme », le « racisme » et la « ségrégation » maintenus par l’administration en Afrique occidentale.
28Ce que les syndicats réclament pour leurs affidés c’est donc purement et simplement l’équivalence avec la métropole. Devant la dynamique protestataire dans la fonction publique, le Gouvernement général est pratiquement impuissant. Le recours à la coercition n’est plus de mise dans le climat politique de l’année 1955, marquée par la radicalisation politique des mouvements et associations de jeunesse comme des syndicats, l’inquiétude des élites de compromis anxieuses de voir contester leur leadership, sans parler de la situation internationale, caractérisée par l’enlisement de la France en Algérie27 et au Cameroun28 et la surveillance étroite de l’ONU. Mais plus encore, la coercition irait à l’encontre du projet colonial associationniste lui-même, concrètement appliqué depuis 1946 par l’effort scolaire et l’africanisation des cadres. Enfin, au-delà de ces contingences, la répression devrait s’appliquer à toutes les catégories africanisées de la fonction publique, c’est-à-dire l’immense majorité des fonctionnaires.
29La seconde solution pourrait être la satisfaction, au moins partielle, d’un certain nombre de revendications. Les principales d’entre elles concernent, nous l’avons vu, l’unification des taux de prestations familiales et l’érection d’un régime de sécurité sociale.
30Pour le Gouvernement général, « cette revendication est certainement de loin la plus importante et la plus grave de toutes celles qui sont actuellement présentées par les organisations syndicales. Il est incontestable que la loi L. Gueye après avoir posé le principe de l’égalité absolue entre tous les fonctionnaires sur le plan des rémunérations a transgressé elle-même ce principe en permettant aux fonctionnaires “provenant” de la métropole de conserver le bénéfice du régime métropolitain des prestations familiales. Les différences des taux entre celles-ci et celles du régime local sont considérables et permettent aux syndicats de parler de discrimination raciale. La solution qui consisterait à aligner tous les fonctionnaires sur le code métropolitain de la famille ne peut être envisagée car elle représenterait une augmentation des dépenses considérable de l’ordre de 4 milliards29 ».
31Une note de juillet 1955 propose à ce sujet l’unification des régimes de prestations familiales, mais sur la base des tarifications appliquées aux fonctionnaires africains. C’est alors les syndicats de fonctionnaires européens qui s’opposent fermement à cette solution30. La contrainte budgétaire impliquée par l’assentiment donné à cette revalorisation implique de revoir complètement la politique d’investissements de la métropole, les limites des budgets territoriaux étant à cette date atteintes. De même, la seconde revendication portée par tous les syndicats africains, l’affiliation à un régime de sécurité sociale, plonge dans l’angoisse les affaires administratives. En effet, la demande est si considérable qu’elle se révèle impossible à chiffrer, mais se monterait au minimum à 7 milliards de FCFA, et en cumulant l’ensemble des revendications de la fonction publique africaine, on peut estimer que leur totale satisfaction demanderait une augmentation de budget comprise en 25 et 30 milliards de FCFA31…
Au pied du mur
32C’est dans ce contexte pour le moins complexe qu’intervient le projet Teitgen32, qui fait suite au rapport Cornut-Gentille en lui empruntant bon nombre de suggestions. L’intégration de la situation politique, sociale et économique de la fédération, la lecture lucide de l’essor nationaliste au sein des nouvelles élites, l’affrontement sans détour aux problèmes structurels et institutionnels de l’AOF comme l’ampleur des perspectives développées, font de ce projet un document unique qui préfigure presque point par point la loi-cadre Defferre.
33Dans la configuration sociopolitique de l’AOF, Teitgen a parfaitement conscience du rôle central de la fonction publique, intégrateur quasi exclusif des élites scolarisées et réceptacle privilégié des élites de première génération. D’une part, les possibilités d’extension et d’accueil de la bureaucratie coloniale conditionnent la poursuite du projet colonial, dans la mesure où l’incorporation des jeunes élites à celle-ci permet d’espérer une euphémisation des conflits politiques dont elles sont porteuses. D’autre part, la crise syndicale qui affecte la bureaucratie coloniale ne peut être résolue que par une profonde refonte de ses structures. Ces réformes structurelles se heurtent à des obstacles organisationnels majeurs, incarnés dans la division ternaire des statuts et la complexité des sous-catégories et, corollairement, à une impasse financière presque totale.
34Dès l’introduction de son exposé, Teitgen dresse un état des lieux très éloigné du vocabulaire technocratique qui fait le charme lancinant des études précédentes :
La « Fonction publique », organe d’action et d’impulsion, instrument de la vie nationale et locale, est de par son désordre, de par ses abus comme de par ses misères, un témoignage visible de la maladie de l’État qu’elle représente : à la vérité, il n’y a pas de politique de la « Fonction publique » et, partant, il y a un problème social et un problème financier. Personne ne peut dire, ni ici ni en métropole, comment la France entend traiter globalement la question de plus en plus aiguë de l’accès des couches africaines nouvelles aux tâches de responsabilité de la vie publique dans l’exécutif, assurer la coexistence et un équilibre mouvant entre Européens et Africains aux différents degrés de la hiérarchie, parvenir à une stabilité sans provoquer des cassures ou des concurrences dangereuses pour la paix sociale, sortir de la contradiction qu’il y a à pratiquer simultanément des mesures dont les unes sont de pure assimilation métropolitaine, inadaptées et inadaptables aux pays d’AOF, dont les autres sont de pure autonomie interne et, par-là, sécessionnistes à terme ? C’est là le problème politique. Personne ne peut dire, ni ici ni en métropole, comment la France entend assurer à des fonctionnaires européens ou africains, servant en AOF, les garanties indispensables et les avantages suffisants pour que tous aient un bon rendement et que les seconds tendent − au contraire de ce qui se passe − à former la couche sociale moyenne constituant une bourgeoisie intéressée à l’ordre établi et demeurant, par sa satisfaction, un appui national solide. C’est là le problème financier et social découlant du problème politique initial33.
35Teitgen place ainsi la fonction publique au centre de la maîtrise des transformations sociales urbaines d’AOF. La création ex nihilo d’une bourgeoisie africaine acquise à la modernisation coloniale, objectif poursuivi depuis le début des années 1950 par les autorités coloniales les plus éminentes, a produit une classe hybride, qui oscille alors entre la revendication syndicale et l’affrontement politique frontal. La situation de blocage de la fonction publique face aux nouvelles élites n’est pas plus encourageante, car « un court examen de la situation humaine et des événements d’AOF prouve − ici comme dans tous les pays sous-développés − que la précipitation de l’évolution est le fait des intellectuels34 ». Or, on peut avancer l’hypothèse que la situation financière de la fonction publique rend d’autant plus difficile l’incorporation à celle-ci des étudiants africains, posant un problème crucial au moment même où s’opèrent leur radicalisation politique et l’extension d’un discours insurrectionnel. Il est très probable que la potentialité de troubles et la cristallisation des nationalismes que recèle l’éventualité de leur exclusion des positions dominantes offertes par l’administration (et, qui plus est, leur sont implicitement promises) est une source d’inquiétude pour l’administration.
36Ainsi s’agrège au mouvement hégémonique de la FEANF sur les mouvements étudiants l’amorce du regroupement concomitant des divers syndicats africains. Les réunions intersyndicales de Bamako en février 1953, de Saint-Louis en septembre, de Thiès en décembre et de Conakry en décembre 1954, ont permis aux syndicats de tracer une ligne commune de revendications, de même que d’arrêter des « programmes d’action ». Ainsi, « des grèves générales ou partielles à échéance fixée longtemps à l’avance entretiennent l’esprit combatif de la base : les plus marquantes furent celles de septembre, octobre et novembre 1953 à propos de la fixation de l’augmentation des salaires consécutive à l’établissement de la semaine de 40 heures35 ».
37Or, la conjonction de la structuration d’un puissant mouvement syndical dans la fonction publique et d’une unité politique dans les mouvements étudiants et de jeunesse menace les autorités coloniales d’un danger politique36, mais également d’une implosion des appareils bureaucratiques, par la pression conjuguée des deux phénomènes sur ceux-ci, car,
qu’il s’agisse de droits ou de privilèges [le statut de fonctionnaire et les avantages y afférant] ; les uns veulent les conserver, les autres les conquérir.
38Teitgen ajoute que, parallèlement aux déplacements d’étudiants observés vers les pays du bloc communiste, et la formation marxiste qu’ils reçoivent alors, se développent dans les milieux syndicaux,
les propagandes les plus extrêmes [qui] trouvent dans une pareille situation un milieu de pénétration facile : nombre de dirigeants syndicalistes africains ont suivi les cours de la rue Lafayette et prennent leurs mots d’ordre ou puisent leur mystique dans les rassemblements organisés par la Fédération Syndicale Mondiale. Couramment, les responsables de la CGT se rendent à Vienne, à Berlin, à Varsovie, voire même à Pékin […]37.
39Face à la congruence de ces facteurs gros d’une crise majeure, le ministre constate l’impuissance politique pratique des autorités coloniales, qu’il s’agisse du ministère de la France d’outre-mer, du haut-commissariat et des autorités territoriales, l’action de ces dernières semblant alors définitivement ensablée dans les contraintes de la centralisation et les impasses budgétaires.
40En effet, les autorités territoriales n’exercent aucun contrôle sur la nomination et la gestion des cadres généraux − bien que ceux-ci occupent les plus hautes fonctions dans les administrations locales − et les cadres supérieurs, ceux-ci dépendant du ministère de la FOM pour leur nomination et du haut-commissariat pour leur gestion. En cas de conflit syndical, les autorités territoriales n’ont donc aucun pouvoir décisionnaire et sont réduites au rôle d’intermédiaire entre le ministère et les syndicats. De même, la nomination et la gestion des cadres supérieurs dépendent du Gouvernement général. Les interventions territoriales se trouvent ainsi réduites aux seuls cadres territoriaux, ce qui ne facilite pas la gestion des conflits transversaux, affectant plusieurs catégories de fonctionnaires.
Le rapport Teitgen
41Or, Teitgen souligne que la concentration administrative a pour conséquence la gestion centralisée des conflits, et que les réévaluations statutaires et de rémunérations, décidées en métropole sans consultation préalable des territoires ou du Gouvernement général, « engagent les finances des Budgets Fédéral et Territoriaux dans des proportions si catastrophiques que le haut-commissariat et les administrations locales ne peuvent plus adopter que des attitudes temporisatrices38 ». L’éloignement du ministère de la réalité concrète de la fédération entraîne un brouillage toujours plus problématique des conséquences à terme de ses décisions en matière administrative, compliqué encore par la dynamique fédérale des revendications syndicales. Une décision statutaire appliquée dans tel ou tel territoire, même si elle est supportable par le budget de celui-ci, est immédiatement reprise comme argument par les syndicats − interterritoriaux − pour étendre la décision aux autres territoires. Face à cette situation, les autorités du Gouvernement général, et plus encore les gouverneurs, sont totalement impuissantes.
42Les facteurs de blocage de la fonction publique de l’AOF, tant financiers, sociaux, politiques qu’organisationnels sont devenus, en 1955, inextricables. Devant cette situation, Teitgen propose une solution radicale, d’une audace et d’une habileté politique certaines : la disjonction de la fonction publique territoriale de la fonction publique métropolitaine. Il ne s’agit ni plus ni moins que de revenir sur le principe assimilationniste de la loi Lamine Gueye pour réintroduire une discrimination entre fonctionnaires africains et européens, sur le principe de l’autonomie de gestion des territoires. Ce faisant, Teitgen propose de rompre le cœur politique de la vitalité revendicatrice dans la fonction publique39, le désir de l’alignement complet des fonctionnaires africains sur ceux de métropole40.
43Poursuivant cet objectif, le ministre propose la suppression des cadres supérieurs et généraux, les cadres supérieurs intégrant la fonction publique territoriale, les cadres généraux étant incorporés à la fonction publique métropolitaine, et détachés dans les territoires à la demande des autorités territoriales. L’opération pose évidemment de nombreux problèmes, dont le dernier n’est pas, dans la perspective de l’homogénéisation de la fonction publique territoriale, les différences statutaires et de rémunérations entre les cadres supérieurs et les fonctionnaires territoriaux. Il ne fait pas de doute que sur la base de ces différences, la vigueur des revendications syndicales peut trouver de nouveau à s’exprimer, pour demander l’alignement de la fonction publique territoriale sur les cadres supérieurs. Second problème, les Européens composant pour un tiers les cadres supérieurs, la territorialisation est indissociable pour ceux-ci d’un sentiment de déclassement social − équivalent à l’ensemble des fonctionnaires incorporés aux cadres supérieurs − doublé de l’amertume inévitable de la confusion de leur sort avec celui des fonctionnaires africains des cadres supérieurs, consacrant une « africanisation » à rebours !
44La solution à ce problème est absolument nouvelle : Teitgen propose que tout fonctionnaire européen travaillant en Afrique soit rémunéré et bénéficie des mêmes avantages que les fonctionnaires locaux, dans une perspective identique de dévitalisation des revendications des salariés autochtones. À défaut, il suggère que la métropole paie directement certaines catégories de cadres généraux, majoritairement européens, pour les réintégrer à la fonction publique métropolitaine. Le schéma est séduisant et répond parfaitement à la logique guidant le travail du ministre − disjoindre fonction publique métropolitaine et territoriale − mais paraît très largement inapplicable, en raison de l’hostilité absolue des fonctionnaires métropolitains de se soumettre, même le temps d’un séjour, aux conditions statutaires et de rémunération locales.
45Dans ce mémorandum, l’africanisation des cadres apparaît ainsi comme la réponse au casse-tête administratif. Celle-ci accomplie, seuls des fonctionnaires techniques détachés du ministère de la France d’outre-mer (et d’autres ministères en fonction de leur domaine d’activité) continueraient de bénéficier d’un régime de rémunération métropolitain, pris en charge par la France. Cette perspective amène Teitgen à revendiquer le placement impératif des étudiants africains aux postes de responsabilité41, en souhaitant que des facilités d’accès à l’enseignement supérieur leur soient consenties, quitte à rogner sur le principe d’égalité devant les concours. De même, les concours administratifs seraient ouverts en priorité aux Africains, et selon une réglementation propre aux territoires.
46Les perspectives développées par Teitgen tendent ainsi à articuler une réflexion dont la réorganisation administrative est à la fois le déclencheur et l’aboutissement. En se replaçant dans la configuration sociopolitique de l’AOF, la substance de la pensée du ministre renvoie à la fois au problème politique posé par les élites de transformation et de rupture comme à la montée en puissance des revendications syndicales. L’intégration des nouvelles élites est au cœur du projet, et seule la disjonction des fonctions publiques territoriale et métropolitaine peut permettre d’espérer l’accomplir, car c’est la condition de l’accélération de l’africanisation des cadres, rendue également possible par une baisse des charges budgétaires incombant aux autorités coloniales. De même, seule la réintroduction ouverte de la ségrégation entre métropolitains et Africains peut permettre d’essouffler les revendications syndicales d’homogénéisation des statuts.
47À ce stade, le problème n’est plus organisationnel, mais politique. Dans le contexte tendu de l’AOF en 1955, l’administration coloniale n’a pas les moyens de cette réforme, qui scellerait définitivement pour les syndicats, les élites de seconde génération, mais aussi sans doute pour des élites de compromis ne pouvant s’exclure d’une telle dynamique de contestation, la rupture définitive avec un ordre colonial qui reviendrait sur les droits acquis et le principe d’égalité entre Africains et métropolitains. Les risques politiques sont donc énormes, inappropriés à l’enjeu.
48Dans ce contexte, seul un transfert des responsabilités des exécutifs territoriaux aux élites de compromis est envisageable pour mener à bien cette réforme de structure.
49En 1955, dans les territoires, les membres africains des assemblées territoriales (ou conseils généraux), placées sous l’autorité du gouverneur et dépourvues de toute compétence concernant les cadres supérieurs et généraux, tiennent généralement un discours d’autant plus accommodant vis-à-vis des revendications syndicales, qu’il n’engage finalement que très indirectement leur responsabilité, dans le système politique pyramidal de l’AOF chapeauté par le ministère et le haut-commissariat. Par ailleurs les élus sont eux-mêmes majoritairement membres de l’administration, et donc juges et parties. Ainsi, les calculs de M’Baïre Lisette aboutissent à dénombrer plus de 75 % de fonctionnaires (enseignants compris) dans les cadres du RDA, parti pourtant assis sur la conquête des campagnes en Côte d’Ivoire et, plus tardivement, en Guinée et au Soudan, et auréolé du prestige d’Houphouët-Boigny, également chef traditionnel et planteur. Une étude précise de la composition sociologique des cadres des autres formations politiques fait défaut, mais il ne fait guère de doute qu’elle devrait relever des pourcentages très comparables.
50Enfin, la plupart des responsables des partis politiques africains, de la section communale au comité exécutif, appartiennent également à la bureaucratie coloniale42. La connivence implicite des élus avec les responsables syndicaux – quand ceux-ci ne cumulent pas responsabilités politiques et syndicales, tel Sékou Touré, dirigeant CGT de Guinée, leader du Parti populaire de Guinée-RDA, député, avant que d’être nommé vice-président du conseil de gouvernement du territoire – est ainsi une donnée constante de l’agrégation des élites de compromis aux fractions politique dirigeantes européennes43. De ce précipité émane un double discours, l’un dirigé vers l’administration et les autorités coloniales − discours de compromis, d’avancées prudentes, de revendications mesurées, de projets de loi timorés −, l’autre tourné vers les fonctionnaires, les élites de seconde génération et plus généralement l’électorat urbain − discours plus engagé contre les abus du colonialisme et notamment l’inégalité de traitement dans la fonction publique, réclamant l’octroi d’une plus large autonomie −, mais jamais discours de rupture avec l’ordre colonial.
Sortir de l’impasse ?
51Le projet Teitgen renvoie à ces ambiguïtés, les utilise, les retourne, en proposant de satisfaire au désir d’autonomisation territoriale et dans le même mouvement de satisfaire « la revendication par les collectivités locales d’une liberté totale de choix, d’emploi et de rémunération du personnel dont elles assument la charge44 ». Le transfert des principaux leviers de commande de l’exécutif et du législatif territorial aux élites de compromis s’avère la condition de possibilité d’accomplissement du projet de décrochage de la fonction publique territoriale de la fonction publique métropolitaine. En effet, seules celles-ci apparaissent à même de pouvoir faire face politiquement à la fois à la révolte des élites de ruptures, mais aussi à la dynamique revendicative des syndicats, dont le discours oscille à cette date entre la réclamation de l’assimilation et l’anticolonialisme virulent, par défaut d’assimilation complète45.
52L’habileté politique de Teitgen est d’accomplir − dans l’esprit de la conférence de Brazzaville et d’une décentralisation qui est réclamée depuis le début des années 1950 tant par les élus africains que par les intellectuels coloniaux en métropole −, l’alliance sociopolitique des autorités coloniales avec les élites de compromis en leur octroyant un pouvoir territorial réel, même si le ministre n’en définit pas alors précisément les limites. Dans l’opération, les élites de compromis doivent acquérir certes un pouvoir d’intervention sur les affaires territoriales, mais dans des territoires dont Teitgen lui-même affirme qu’ils sont devenus ingouvernables ! Ces élites hériteraient ainsi de tous les problèmes sociopolitiques qui empoisonnent les autorités coloniales depuis le début des années 1950, à savoir l’essor de l’aura des élites de ruptures sur la jeunesse scolarisée d’AOF, leur intégration problématique aux fonctions publiques territoriales, les revendications syndicales, sans parler des gigantesques problèmes budgétaires qui obèrent, dès 1953, la viabilité économique des territoires.
53Si le transfert des pouvoirs territoriaux aux mains des élites de compromis n’est encore que suggéré dans le projet Teitgen, il sera complètement formalisé par Defferre, qui reprend enfin la dernière suggestion de Teitgen : procéder à un passage en force à l’Assemblée nationale pour éviter les interminables délais de présentation et de discussion des projets. Teitgen propose des décrets, Defferre utilisera une loi-cadre46.
54Ainsi, les principaux axes de la loi-cadre Defferre, de la redistribution des pouvoirs entre le ministère de la France d’outre-mer, le Gouvernement général et les territoires, à la réforme des structures de la fonction publique sont-ils clairement exposés un an auparavant dans le mémorandum Teitgen.
55Or, en métropole comme au sein des partis politiques africains, c’est la question des réformes institutionnelles qui est au cœur des débats. Les formules fédéralistes, confédéralistes et territorialistes sont successivement défendues par d’intarissables penseurs coloniaux, qui produisent sur la question une abondante littérature47. On peut donc suggérer qu’en métropole comme au sein des partis africains, existe un aveuglement presque total sur la situation socio-économique réelle de la fédération, sur laquelle, il faut bien le dire, ni le ministère ni le Gouvernement général ne font aucune publicité… Cet aveuglement est une condition de possibilité du vote, finalement presque sans heurts, du projet Defferre.
Notes de bas de page
1 Voir la série de réponses des gouverneurs, « Déconcentration administrative », ANS, 18 G 254 (165) 1 à 8, ANS, 21 G 221 (178), 9 à 14.
2 Le Layec, « Décentralisation. Note à l’attention de monsieur le gouverneur de la France d’outre-mer », 20 sept. 1952, ANS, 18 G 254 (165), 1 ; Fieschi-Vivet, « Note à l’attention à Monsieur le Gouverneur », direction des services de législation générale de contentieux et de liaison, Dakar, 19 mars 1952, 19 p., ANS, 18 G 265 (165) 5.
3[Anon.], « Informations sur la décentralisation des services administratifs », non daté [fin 1952], ANS, 18 G 254 (165), 1.
4 [Anon.], « Informations sur la décentralisation des services administratifs », op. cit.
5 F. Cooper, Décolonisation et travail en Afrique…, op. cit., p. 411-419.
6 Ibid., p. 406.
7 [Anon.], « La décentralisation administrative », Dakar, 30 sept. 1954, 9 p., ANS, 18 G 265 (165) 7.
8 [Anon.], « Note sur les projets de réforme des institutions de l’AOF », nov. 1954, 14 p., ANS, 18 G 265 (165) 6, p. 8.
9 Ibid.
10 F. Cooper, Décolonisation et travail en Afrique, op. cit., p. 404-406.
11B. Cornut-Gentille, « Les problèmes politiques de l’AOF », Rapport politique, 1954, op. cit.
12 [Anon.], « Note confidentielle concernant la répartition des services administratifs entre l’État et la fédération », Grand Conseil de l’AOF, Dakar, 26 juill. 1955, ANS, 18 G 265 (165) 8.
13 Pierre-Henri Teitgen, « Mémorandum sur le problème de la fonction publique en Afrique occidentale française », 13 janv. 1955, ANS, 17 G 632 (152), 32 p., p. 15.
14 Charles-Louis-Marie Jarre (Gouverneur), « Une réforme de la structure administrative de l’AOF pouvant contribuer au redressement économique de la Fédération », Union française et Parlement, 47, févr. 1954, p. 24-28.
15 [Anon.], « Note sur les projets de réforme des Institutions de l’AOF », mai 1955, ANS, 18 G 265 (165), 6 ; [Anon.], « La fonction publique », juin 1954, ANS, 21 G 221 (178) 9 bis ; Jarre (Gouverneur), op. cit.
16 F. Cooper, Décolonisation et travail en Afrique…, op. cit., p. 411-429.
17 Martin Thomas, « The Colonial Policies of the Mouvement Républicain Populaire, 1944-1954 : From Reform to Reaction », English Historical Review, 118, 2003, p. 379-410.
18 Tony Chafer dans son magnifique ouvrage The End of Empire in French West Africa. France’s Successful Decolonization ? (Berg, Oxford/New York, 2003, p. 18) souligne d’ailleurs, comme nous, la date de 1955 comme moment de la prise de conscience de la haute administration coloniale quant à la nécessité de transférer une partie du pouvoir politique (sans qu’il soit question encore d’indépendance).
19 [Anon.], « Note sur l’évolution de la fonction publique », haut-commissariat de l’AOF, 4 p., ANS, juill. 1955, 21 G 221 (178) 9 bis, 14 p., p. 1-2.
20 [Anon.], « Comptes économiques de l’AOF Année 1955 », ANS, 17 G 632 (152), 14.
21 [Anon.], « Note sur l’évolution de la fonction publique », op. cit.
22 C.-L.-M. Jarre, « Une réforme de la structure administrative de l’AOF pouvant contribuer au redressement économique de la Fédération », art. cité.
23 ANS, 18 G 301 (175), 11.
24 [Anon.], « Note sur l’évolution de la fonction publique », op. cit., p. 3.
25« Inventaire des principales revendications de la fonction publique en Afrique occidentale française », Dakar, oct. 1956, 56 p., ANS, 18 G 301 (175) 14, p. 1-4.
26« Enseignement : logement gratuit ; débouchés professionnels ; échelle indiciaire des instituteurs adjoints. Services administratifs, financiers et comptables : revalorisation indiciaire des commis ; éclatement du cadre des commis. Personnel métropolitain ancien des cadres supérieurs : complément spécial au taux de 4/10. Ingénieurs des travaux agricoles et forestiers : complément spécial 4/10. Contrôleurs adjoints des Eaux et Forêts : hiérarchie indiciaire et débouchés. Aides conducteurs d’agriculture : intégration par qualification professionnelle. Contrôleurs de colonisation : création d’un corps d’ingénieurs. Assistants d’Élevage : hiérarchie indiciaire. Géomètres : indemnité de rendement-terrain. Adjoints techniques mécaniciens et conducteurs de travaux (TP) : indemnité de fonction et prime de rendement. Inspecteurs des contributions diverses : affectation à des postes de Direction. Contrôleurs des Postes & Télécommunications : débouchés dans le cadre général. Directeur des douanes : attribution du même indice de plafond que les directeurs métro. Officiers des douanes : majoration de l’indice de plafond. Tous cadres supérieurs des douanes : majoration des taux de la prime de rendement. Agents d’encadrement des douanes : indices et rémunérations. Médecins de l’AM : création d’un cadre général. Agents techniques de santé : complément spécial au taux de 4/10e. Postes des imprimeries : indices de plafond. Techniciens géographes : débouchés supérieurs. Police : création d’une indemnité de sujétion », ibid.
27 Sylvie Thénault, Histoire de la guerre d’indépendance algérienne, Flammarion, Paris, 2005, en particulier le chap. « D’une République à l’autre » ; B. Stora, Histoire de la guerre d’Algérie (1954-1962), op. cit., p. 24-32.
28 Achille Mbembe, La naissance du maquis au Sud-Cameroun (1920-1960), Karthala, Paris, 1998, p. 319-376 ; T. Deltombe, M. Domergue, J. Tatsitsa, Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique (1948-1971), op. cit.
29 [Anon.], « Note sur l’évolution de la fonction publique », op. cit., p. 11.
30 [Anon.], « Note sur l’évolution de la fonction publique », op. cit., p. 11.
31« Inventaire des principales revendications de la fonction publique en Afrique Occidentale française », op. cit., p. 7.
32 P.-H. Teitgen, « Mémorandum sur le problème de la fonction publique… », op. cit.
33 P.-H. Teitgen, « Mémorandum sur le problème de la fonction publique… », op. cit., p. 1.
34 Ibid., p. 3.
35 P.-H. Teitgen, « Mémorandum sur le problème de la fonction publique… », op. cit., p. 5.
36 Comme le démontre Tony Chafer dans La fin de l’Empire colonial français en Afrique de l’Ouest. Entre utopie et désillusion, op. cit., p. 128-136 et 143-145.
37 P.-H. Teitgen, « Mémorandum sur le problème de la fonction publique… », op. cit., p. 7.
38 Ibid.
39« Cette critique [l’inégalité des statuts entre cadres territoriaux, supérieurs et généraux] est un des leitmotivs des slogans syndicaux et de la presse locale et un des thèmes favoris des hommes politiques. Ce sentiment de frustration a conduit à une généralisation de la volonté d’égalisation des traitements en tous domaines », ibid., p. 10.
40 Malgré ses grandes qualités, nous nous trouvons ici en désaccord avec une partie d’une contribution d’Alexander Keese (A. Keese, « “Quelques satisfactions d’amour-propre” : African Elite Integration, the Loi-Cadre, and Involuntary Decolonization of French Tropical Africa », Itinerario, 26, 2003, p. 33-57, p. 35-36), celui-ci affirmant que Teitgen avait une vision conservatrice de la situation souhaitant freiner l’évolution vers la décentralisation administrative et économique. Si le conservatisme de Teitgen est avéré en ce sens qu’il ne souhaitait nullement avancer brusquement vers l’autonomisation des territoires, le rapport qu’il produit implique pourtant clairement que les compétences des assemblées territoriales seraient, si d’aventure le projet qu’il proposait était adopté, considérablement renforcées. L’appréciation d’Alexander Keese est donc, selon nous et dans ce cas, à nuancer.
41 P.-H. Teitgen, « Mémorandum sur le problème de la fonction publique… », op. cit., p. 11.
42 M’Baïre Lisette, Le RDA et la loi-cadre, mémoire de maîtrise d’histoire, université Paris 1, 1986, 146 p., p. 51 et suiv. calcule que près de 75 % des cadres du RDA sont fonctionnaires.
43 Nous partageons ici l’analyse de Martin Shipway, qui montre clairement dans son remarquable article (« Gaston Defferre’s Loi-Cadre and its Application 1956/57 : Last Chance for a French African “Empire-State” or Blueprint for Decolonisation ? », dans Tony Chafer, Alexander Keese (dir.), Francophone Africa at Fifty, Manchester University Press, Manchester, 2013, p. 15-29) comment la loi-cadre est l’aboutissement d’un processus réformiste engagé depuis la conférence de Brazzaville (voir également Martin Shipway, « Reformism and the French “Official Mind” », art. cité, p. 131-151) et de rapprochement entre les élus africains et l’administration coloniale, dont les intérêts convergent pour soutenir la loi-cadre. Les premiers saisissent l’occasion d’étendre les pouvoirs exécutifs et législatifs locaux à leur profit tout en consolidant des positions politiquement centrales ; la seconde s’assure de mener à bien un projet de réforme décisif qui doit maintenir, à nouveaux frais, l’intégrité des possessions coloniales françaises en Afrique noire.
44 P.-H. Teitgen, « Mémorandum sur le problème de la fonction publique… », op. cit., p. 25.
45 Tous les rapports sur la fonction publique de 1953 à 1955 soulignent ainsi l’essor de la stigmatisation du « racisme colonial » et de la « ségrégation raciale » maintenue dans la fonction publique, menaçant continuellement d’aboutir à une contestation franche de la légitimité coloniale.
46 Frederick Cooper arrive à la conclusion – que nous partageons –, que la situation de la fonction publique est devenue, devant les revendications des syndicats, trop coûteuse à terme pour la France. La loi-cadre, comme nous allons l’analyser en détail, achève ce processus en déplaçant la responsabilité politique et administrative vers les territoires autonomisés. Voir Décolonisation et travail en Afrique, op. cit., p. 407-412.
47 Par exemple : [Anon.], « La Constitution de l’Union française. Variante au schéma de Constitution fédérale de l’Union française », Union française et Parlement, 40-41, juill.-août 1953, p. 21-22 ; Henri Deflin, « Vers une évolution fédérative outre-mer », La Nouvelle Revue Française d’outre-mer, 3, mars 1953, p. 71-72 ; Léopold Sédar Senghor, « Contre le courant centrifuge de l’État associé, une seule solution : la République Fédérale Française », Marchés Coloniaux du Monde, 386, 4 avr. 1953, p. 1005-1007 ; Daniel Boisdon, « Révision constitutionnelle », Union française et Parlement, 37, avr. 1953, p. 4-6 ; [Anon.], « La Constitution de l’Union française. Projet de schéma de Constitution fédérale de l’Union française », Union française et Parlement, 40-41, juill.-août 1953, p. 3-6 ; Gaston Joseph, « Le pouvoir central et sa projection outre-mer », Revue politique des idées et des institutions, 15 août 1953, p. 395-400 ; Henri Cavaillet, « Le problème de l’Union française fédérale », Union française et Parlement, 42, sept. 1953, p. 4-5 ; Louis Périllier, « La structure de l’Union française, essence du fédéralisme », Union française et Parlement, 46, janv. 1954, p. 8-9 ; Henri Caillavet, Georges Le Brun Keris, « La révision constitutionnelle », Marchés Coloniaux du Monde, 654, 24 mai 1954, p. 3-4 ; Jacques Bassot, « La France et l’outre-mer, du fédéralisme interne outre-mer », Nouvelle Revue Française d’outre-mer, 9, sept. 1955, p. 398-403 ; [Anon.], « Vers une confédération des peuples associés », Manifeste de la Fédération, déc. 1955, p. 12-26, 25 ; [Anon.], « Faut-il réviser la Constitution ? », Union française et Parlement, 60, mars 1955, p. 1-10 ; Jules Ramarony, « La Constitution de l’Union française doit être repensée avec les États intéressés et cimentée par une citoyenneté commune », Union française et Parlement, 61, avr. 1955, p. 12-14 ; Daniel Boisdon, « La réforme constitutionnelle », Union française et Parlement, nov. 1955, p. 9-12 ; René Moreux, « L’Union française sera fédérale ou ne sera pas », Marchés Coloniaux du Monde, 483, 12 févr. 1955, p. 457-458 ; Paul Beme, « Des “Provinces fédérées” », Union française et Parlement, 60, mars 1955, p. 11-13 ; [Anon.], « Vers une confédération des peuples associés », Manifeste de la Fédération, déc. 1955, p. 12-26, 16 ; Pierre Chauleur, « Dakar à l’heure de la loi-cadre. Assemblées territoriales et Grand conseil », Marchés tropicaux du monde, 583, 22 déc. 1956, p. 3363-3364.

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