Chapitre 11. Transformer les corps : les sports
p. 231-252
Texte intégral
1Le développement des sports modernes en AOF est parallèle à l’essor de jeunesses scolarisées urbaines très attirées par les sports, et aux efforts de modernisation économique entrepris par le colonisateur, qui impactent la dotation de l’AOF en équipements sportifs. Mais subordonner le déploiement du champ sportif aux effets mécaniques de cette modernisation, conjugués à l’enthousiasme d’une poignée d’organisateurs bienveillants et passionnés d’origine européenne, serait réduire les multiples facettes de l’essor du champ sportif en AOF. On peut distinguer dans un premier temps les extensions – non homogènes tant du point de vue géographique que des modalités de pratiques –, des sports modernes. À cet égard, les distinctions classiques, opérantes dans le cas du développement sportif en France entre sport civil, sport scolaire et clubs militaires, sont insuffisantes pour rendre compte de la diversité des pratiques et des modes d’appropriation spécifiques des sports en AOF.
2Dans cette perspective, le travail d’Élisabeth Deville-Danthu sur le développement du sport en AOF est riche et documenté sur les rivalités organiques entre le sport civil, le sport scolaire et le sport militaire1. Mais les modalités d’appropriation des sports par les différentes fractions sociales urbaines d’AOF au cours des années 1950 ne sont pas explorées (évoquer les « Africains » en général est sociologiquement inopérant), comme l’extension des pratiques informelles du sport (difficile à cerner il est vrai), qui constituent pourtant le trait dominant de la période. On ne peut pas non plus généraliser l’attitude de l’administration coloniale devant ce phénomène. En effet, l’administration est divisée entre les rares administrateurs convaincus qu’une vigoureuse action de développement des sports civils pourrait préserver la tranquillité politique des autorités coloniales (c’est l’espoir que le sport sera « l’opium de la jeunesse »), et une large majorité qui, comme nous l’avons vu, n’accorde pratiquement aucune attention aux sports, d’abord préoccupée par la gestion des transformations socio-économiques, l’application du plan décennal ou les actions politiques à même d’infléchir l’évolution politique de la fédération.
3À travers les investissements et les projections des acteurs, se dessinent les différents motifs idéologiques, politiques et sociaux investis dans le sport. C’est pourquoi, au-delà de l’évaluation quantitative du phénomène et de sa distribution sociale, il faut se pencher sur les pratiques elles-mêmes. Comme nous l’avons souligné, c’est là un enjeu épistémologique capital pour comprendre comment les pratiques sportives agissent sur les acteurs, comment elles transforment leur rapport au corps, à l’espace, au temps, à la performance, à la collectivité. Cette question est essentielle pour comprendre comment les pratiques physiques jouent, selon nous, un rôle central dans le processus d’hybridation asymétrique qui caractérise cette période, par ailleurs marquée par l’autonomisation et la radicalisation politique des nouvelles élites urbaines qui, comme nous allons le voir, constituent le noyau initial des pratiquants.
Logiques de la domination sportive en AOF
4Les clubs sportifs civils d’AOF, dont la création remonte pour la plupart à l’entre-deux-guerres2, se concentrent dans les grandes villes de la fédération et principalement à Dakar. Au sortir de la guerre, ces clubs vont tenter de recouvrer une autonomie largement bridée par la priorité et les facilités accordées aux sports scolaires et militaires par le régime de Vichy et son ordonnateur en AOF, puis au Sénégal jusqu’en 1943, le gouverneur Boisson3. Lors du remplacement par le Comité français de libération nationale (CFLN) de Paul Mus, thuriféraire de la politique pédagogique de Vichy, par Yves Aubineau à la Direction générale de l’instruction publique, de l’éducation générale et des sports en AOF, de nombreuses demandes des dirigeants du sport civil se font jour, réclamant d’abord la fin de la mainmise de l’Instruction publique sur l’organisation du sport en AOF. Ces demandes d’autonomisation du sport civil font référence au nouvel esprit libéral incarné par les positions du CFLN en matière coloniale après la conférence de Brazzaville et à la volonté de libérer les initiatives associatives après les restrictions imposées par Vichy et le gouverneur Boisson4.
5Dès le début de l’année 1944, de multiples projets de réformes émanant des responsables européens du sport civil mettent l’accent sur le cloisonnement des sports civil, militaire et scolaire. Ils dénoncent la complexité des textes en vigueur comme la multiplicité des organismes chargés de la coordination des activités sportives (service de l’éducation générale et du sport scolaire, direction des sports et de l’équipement sportif, conseil supérieur des sports – créé sous Boisson et qui n’a alors pas encore siégé), mais surtout les obstacles posés par la législation à la participation des scolaires et des militaires aux clubs civils, ayant entraîné une grave décrue de la pratique. Gabriel Sorano, secrétaire général du comité des sports, regroupant les associations sportives européennes et président de la commission de rugby, et le docteur Lavit, président de l’olympique dakarois, mènent la fronde en sollicitant Yves Aubineau, alors directeur général de l’enseignement5. Mais le principal grief demeure la tutelle de l’Instruction publique6. Devant cette offensive administrative et médiatique des responsables européens du sport civil, parfois violente (le président du club nautique dakarois qualifie fin 1943 l’inaction d’Aubineau de « j’men foutisme colonial […] pas de terrains tracés, aucun soin à l’organisation matérielle, pas de précautions médicales […] », tout en suspectant ses confrères du conseil fédéral de malversation…), Yves Aubineau reste sur une prudente réserve. Trois responsables du conseil fédéral tentent alors un coup de force, en organisant, aux frais de l’Instruction publique mais sans l’en avertir, une compétition scolaire de natation en septembre 1944. La réaction d’Yves Aubineau est modérée, se contentant de déplorer d’être mis devant le fait accompli, sans menacer pour autant les responsables du comité fédéral de sanctions7.
6L’impatience et l’agressivité des responsables du sport civil au début de l’année 1944 encouragent cependant la contre-offensive d’Aubineau, qui rédige un rapport particulièrement vipérin et défavorable aux responsables du sport civil. Celui-ci suggère que les prérogatives de l’Instruction publique sur l’organisation des sports soient non seulement maintenues, mais encore renforcées, par un arrêté interdisant aux scolaires de pratiquer un sport en dehors de l’école, reflétant la traditionnelle méfiance de l’École face à des pratiques jugées dangereuses, physiquement et intellectuellement8. Pour faire bonne mesure, Aubineau se fait l’écho des rumeurs de détournements de fonds colportées par le journal Paris-Dakar contre les dirigeants du comité fédéral.
7Or, le recrutement des clubs civils s’effectue essentiellement dans le milieu scolaire. En 1945, l’interdiction faite aux scolaires de pratiquer les sports en dehors des établissements signifie confiner l’audience des clubs civils aux adultes, c’est-à-dire à une minorité du colonat blanc et à une fraction très marginale des Africains intégrés à l’économie coloniale moderne. Aussi le décret condamne-t-il les clubs civils au minimum à une érosion drastique de leur influence, et pour plusieurs d’entre eux, à mettre la clé sous la porte. Dans cette configuration, seules les « sociétés indigènes », dirigées par des Africains et qui recrutent un peu au-delà du cercle des scolarisés, peuvent espérer survivre. C’est pourquoi l’arrêté très coercitif de mars 1944 est, devant les protestations des responsables du sport civil, abrogé par Raphaël Saller, directeur du Plan au ministère de la France d’outre-mer, le 17 décembre 19469.
Réformateurs et conservateurs
8La sévérité d’Yves Aubineau ne renvoie pas seulement aux aspects conjoncturels de la crise entre les dirigeants européens du sport civil et l’Instruction publique. Deux phénomènes viennent s’agréger à celle-ci, éclairant le tour pris par les événements qui a tout d’une dramaturgie provinciale. Tout d’abord, les effets prolongés d’une confrontation institutionnelle entre l’école et le sport civil, qui structure au cours de l’entre-deux-guerres les rapports de l’école vis-à-vis du sport en métropole. Il y va du contrôle des corps10 et du monopole de l’école sur la formation des enfants hors du cadre familial. Aussi, les arguments d’Aubineau pour vilipender le sport civil (arguties médicales sur « l’épuisement », les « dangers » et l’« étiolement » des facultés cognitives provoqués par le sport) renvoient-ils au statut du sport dans le système éducatif français, fondé sur l’enseignement prioritaire de la gymnastique et une méfiance inquiète devant le développement des sports modernes11. Et parce que l’utopie assimilationniste du colonisateur s’incarne le plus nettement dans l’identité des écoles coloniales avec le modèle métropolitain, il est naturel que celles-ci reproduisent les mêmes lignes de fractures institutionnelles concernant la pratique des sports.
9Le fait colonial agit ici comme un amplificateur des luttes sourdes entre l’école et les sports extrascolaires, et la législation réactionnaire laissée en héritage par le gouverneur Boisson satisfait en vérité la direction de l’Instruction publique. S’ajoute à cette situation la longue pratique de l’autoritarisme et de l’arbitraire administratif colonial, radicalisée par l’expérience vichyssoise. Combinée à la centralisation à Dakar de toutes les décisions concernant l’enseignement et la jeunesse (ou leur application lorsque les directives émanent de l’Éducation nationale ou du ministère de la France d’outre-mer), la situation autorise un exercice quasiment autocratique de l’organisation et de la législation des sports.
10En face, les représentants du sport civil, issus du colonat européen, souhaitent s’émanciper de cette tutelle, mais aussi prendre le contrôle des sociétés sportives indigènes. Ce désir est éclairé par une correspondance de mars 1944 adressée au gouverneur général de l’AOF par Henri Larrieu (responsable de la commission football au sein du comité fédéral des sports d’AOF, à vocation consultative), Gabriel Sorano (président de la commission de rugby) et le docteur Lavit (président de l’Olympique dakarois). Ceux-ci rappellent que le sport en AOF s’est non seulement sclérosé par la séparation du sport civil d’avec le sport militaire et scolaire, mais que, de plus, le développement (pourtant timide…) des sociétés indigènes est une atteinte à « l’organisation et à l’esprit du sport » :
[Que dire] des parodies carnavalesques des courses de chevaux qui se déroulent au Sénégal [organisées par les sociétés indigènes] ? ? ? Nous n’arriverions pas à un autre résultat, si dès le début nous laissions, là aussi, le sport, entre les mains incompétentes et trop jeunes, de nos sympathiques indigènes […]. Les dirigeants des sociétés hippiques Sénégalaises étant formellement persuadés, de bonne foi, que leurs réunions sont en tout point parfaites12.
11Le paternalisme méprisant des signataires reflète bien les relations du colonat blanc aisé avec lesdits « sympathiques indigènes ». Les divisions de la société coloniale urbaine, fondées sur le repliement du colonat blanc sur ses prérogatives sociales (dont fait partie la pratique des sports modernes), se reformulent sur l’organisation des sports, au moment où les timides promotions politiques octroyées par la métropole aux élites africaines prennent corps. Le sport apparaît ainsi aux dirigeants des clubs civils comme l’un des signes de la supériorité de la civilisation européenne sur les sociétés africaines, par son organisation rigoureuse, la primauté accordée au strict respect des règles et les valeurs de disciplinarisation individuelle et collective véhiculées par la pratique. Comment des « indigènes » pourraient-ils se charger de ces pratiques ?
« Civiliser » les indigènes ?
12Or, l’action des sociétés indigènes, dirigées dans leur quasi-totalité par des représentants de la première génération de scolarisés urbains, manifeste pourtant un désir d’appartenance plus visible à la modernité coloniale, mais ce désir est considéré par les responsables du sport civil comme un mimétisme de singes savants. Cette situation appelle donc des mesures énergiques de contrôle de ces sociétés par les « authentiques représentants du sport », les sportifs européens, tant il est vrai que malgré « l’engouement [des Africains] en cette matière, quels autres résultats et autre intérêt, ne pourrait-on pas atteindre, si ceux qui “savent” et connaissent la question, avaient ou pouvaient y apporter leurs compétences et méthodes d’organisations techniques13 ? »
13Le redressement des pratiques de sociétés indigènes minées par l’inculture et l’atavisme racial de leurs dirigeants autochtones, impose la reprise en main de ces sociétés par ceux qui « savent », quitte à ce qu’ « une satisfaction d’orgueil légitime soit donnée aux dirigeants locaux indigènes, par des représentations “symboliques” au sein des organismes de direction, à tous les degrés, […] mais il importe que la compétence indispensable ne soit pas, et de longtemps, submergée, par la masse, encore trop ignorante, par la loi, souvent néfaste, d’une majorité élective dont la fin ne justifie pas les moyens. Cette vérité existe à Dakar, à l’échelon inférieur, dans le sein même de certains clubs entièrement indigènes, où, malgré un recrutement abondant, l’ensemble végète, traîne en désordre, faute d’une direction compétente, avec autorité cordiale et ainsi respectée librement, là encore par suite d’absence d’UN ÉLÉMENT ÉDUCATEUR [en capitales dans le texte], en l’espèce un Européen compétent voulant se dévouer aux progrès d’un club quelle que soit sa composition, pour le seul amour du sport14 ». Ces conceptions paternalistes, largement partagées par d’autres membres du comité fédéral des sports et présidents de clubs dakarois, indiquent nettement que le sport se présente comme un enjeu symbolique essentiel pour les responsables européens du sport civil, dans le cadre plus général de la mission civilisatrice de la France outre-mer. La perspective d’une autonomisation des sociétés indigènes résonne ainsi comme un possible contournement par les autochtones, et particulièrement la jeunesse urbaine qui la première est concernée, de l’un des domaines où l’autorité sociale du colonat demeure à peu près intacte : l’encadrement sportif. Aussi l’organisation des sports, dès 1944, se présente-t-elle aux acteurs comme une métaphore des rapports de domination et des prérogatives du colonat sur les Africains.
14Mais l’enjeu sportif excède encore cette dimension sociale symbolique. Le contrôle des sociétés indigènes est appréhendé comme la condition nécessaire pour qu’une organisation et une pratique des sports équivalentes au modèle métropolitain puissent s’enraciner en AOF. C’est pourquoi la question de la règle et des règlements est centrale dans l’argumentaire des représentants du sport civil. Il faut donc mettre fin aux « parodies d’épreuves » des sociétés indigènes15 et organiser le sport selon les « Règlements généraux des Fédérations Françaises, […] étudiés et mis au point de longue date, [qui] doivent suffire et permettre d’œuvrer utilement et productivement16 », et confier la direction des clubs à « des dirigeants compétents, ayant pratiqué, sachant comment fonctionne tant une épreuve qu’une Fédération, ayant respecté les règlements, en avoir apprécié la nécessité, bref connaître la question à fond et l’organiser sur les bases rationnelles des règlements français17 ». La codification précise des sports modernes renvoie ainsi aux représentations de la technicité, de la rationalisation productive (respect des temps de jeux, efficacité des gestes, volonté compétitive) et de l’organisation rigoureuse, qui seraient l’apanage de la civilisation européenne et par voie de conséquence de ses représentants aux colonies. Celle-ci offre en miroir le désespérant spectacle de l’inorganisation, de la débauche irrationnelle et inutile d’énergie et du désintérêt pour les canons de la réglementation sportive des sociétés indigènes, conséquence du retard et du « primitivisme » des autochtones.
15La projection des valeurs culturelles et civilisationnelles du colonat blanc sur l’organisation et la conception du sport autorise la réaffirmation de la dualité entre le modernisme colonial et l’« atavisme africain ». Le sport devient enjeu de civilisation. Et, à dire vrai, de promotion de la seule civilisation qui vaille, la civilisation occidentale. Ainsi, l’introduction de la gymnastique par les sociétés d’entraînement militaire et au sein des rares écoles primaires et secondaires de la fédération est pensée comme l’un des moyens de civiliser l’Africain, et les présupposés hygiénistes et eugéniques le disputent au cours des années 1920 aux vertus de disciplinarisation et d’inculcation des valeurs civiques métropolitaines18. Cette conviction très largement partagée au sein du colonat européen et de l’administration coloniale va continuer tout au long de la période à produire ses effets sur les représentations des sports, car elles répondent au désir de transformer les populations colonisées.
Une nouvelle dynamique sportive
16À partir de 1946, l’extension par les décrets du 13 mars et du 16 avril19 des titres I et II de la loi du 1er juillet 1901 sur les associations, permet la libération des énergies associatives. Ce dynamisme ira en se renforçant au cours des années 195020, permettant la création de nombreux clubs et associations sportives. Ce mouvement provoque la dissémination des sports dans le tissu urbain de la fédération, selon des modalités de pratique très variables. Dans ce cadre, le sport civil contrôlé par les Européens devient l’un des bastions du « sport vrai ». Tous les prosélytes européens des sports ne se conforment pas, cependant, à ce désir explicite de contrôle et d’encadrement des indigènes. De nombreux passionnés œuvrent sans arrière-pensée idéologique bien précise, convaincus, pour des motifs divers, que le sport étant une bonne chose pour les métropolitains, il l’est également pour les Africains. Les vertus civiques du sport sont ainsi fréquemment avancées par des missionnaires, devenus célèbres par leur activisme sportif désintéressé, tels le père Bouvier au Soudan, fondateur du club de football Jeanne d’Arc, qui devient au cours des années 1950 l’équipe la plus populaire et la plus performante du Soudan ou le père Lecoq à Dakar. Les missions, les différentes composantes de l’action catholique, telles les JOC, JAC ou JEC21, les scouts catholiques, participent ainsi activement à la diffusion de la pratique du football.
17Mais c’est aussi le cas de l’Équipe des relations avec l’outre-mer issue des Éclaireurs de France, qui connaît, entre 1954 et 1960, un essor non négligeable, et qui, en 1956, introduit le sport, notamment le football22, dans les activités des jeunes. Les CEMEA font de même en 1956, dans les colonies de vacances. Pour l’EROM comme pour les CEMEA, l’introduction de la pratique des sports modernes renvoie à une attitude pragmatique devant le succès très rapide du football chez les jeunes urbains. Les publics concernés sont peu nombreux – quelques centaines de personnes –, mais ceux-ci, faisant partie des fractions scolarisées et économiquement aisées, sont susceptibles de devenir de futurs encadrants. La souplesse de l’EROM et des CEMEA sur la question sportive (à l’inverse des Éclaireurs dont ils sont issus, qui n’admettrons jamais la pratique du sport) est l’un des facteurs qui expliquent le succès de ces deux formules. Le sport devient un produit d’appel, dans un contexte où des responsables éclaireurs observent avec amertume que la concurrence des centres culturels, qui ont également introduit le sport moderne dans l’éventail de leurs activités, détourne de nombreux scolaires du scoutisme laïc23. Le football, comme chez les Scouts de France, est ici une pratique non compétitive (pas de coupe, de trophée ou de récompense), afin de ne pas créer d’éventuelles divisions. Les règles du jeu font l’objet de manipulations : en fonction du nombre de joueurs disponibles, des équipes de sept, huit ou douze joueurs peuvent s’affronter. Les temps de jeu dépendent largement des conditions climatiques (on joue essentiellement le soir, lorsque la chaleur devient supportable), des capacités sportives des participants, ou de l’envie de prolonger le plaisir du jeu… L’arbitrage est l’exception. De même, les délimitations du terrain sont approximatives, sauf lorsque, exceptionnellement, la caravane de l’EROM ou la colonie de vacances peuvent disposer sur place d’un terrain de football.
18Cette adaptation des conditions de jeu renvoie aux pratiques informelles, majoritaires en AOF, mais aussi sans doute à une volonté des responsables EROM et CEMEA, formés idéologiquement contre la pratique des sports modernes, de rapprocher la pratique, tant que faire se peut, de celle d’un jeu de plein air. Il s’agit de retirer au football l’essentiel des spécificités qui heurtent les responsables éclaireurs : la réglementation précise, perçue comme un instrument d’aliénation, et qui va à l’encontre des conditions d’incertitude du plein air réclamant adaptabilité et débrouillardise, c’est-à-dire l’un des axes pédagogiques centraux du scoutisme. La pratique non compétitive renvoie également à la réticence face à toute valorisation individuelle et surtout doit éviter les mécanismes d’identification au sport de compétition (et à ses vedettes), perçue comme un miroir aux alouettes, une instance de déréalisation et, partant, de déresponsabilisation des jeunes. L’introduction du sport dans les caravanes EROM et dans les CEMEA s’effectue donc sous les modalités de transformations particulières de la pratique. Elle témoigne également de l’extraordinaire extension de la pratique des sports modernes et particulièrement du football chez les jeunesses urbaines scolarisées, cible privilégiée de l’EROM.
19Le développement des activités sportives en AOF après la seconde guerre mondiale emprunte ainsi des itinéraires variés, qui, s’ils ne se croisent pas toujours, participent de la même dynamique. Trois éléments peuvent l’éclairer. Tout d’abord l’extension de l’institutionnalisation du sport. Celle-ci recouvre les divisions observées entre le sport scolaire, civil et militaire. Dans le domaine du sport civil, l’essor est perceptible à travers le développement des clubs exclusivement sportifs, susceptibles de s’intégrer aux compétitions officielles ou semi-officielles de la fédération. La multiplication des compétitions scolaires, fruit de l’encouragement explicite par l’administration de clubs sportifs scolaires, est le second trait du développement et de l’institutionnalisation des sports. Enfin, la permanence des sociétés d’entraînement militaire et la participation de soldats d’active à l’encadrement des compétitions du sport scolaire et civil. Le second motif de la dynamique sportive renvoie à l’essor associatif. En effet, les associations culturelles et de loisirs de jeunesse font pratiquer très fréquemment le sport à leurs affidés – même si la pratique de celui-ci n’est pas mentionnée dans les statuts de l’association24 – avec une inclinaison très nette pour le football. De même, la mise à disposition par les centres culturels d’espaces de jeux, et principalement de terrains de football sommairement dessinés, aux associations de jeunes accueillies par les centres, est un vecteur important du développement de la pratique. Enfin, certains mouvements de jeunesse, et tout particulièrement les scouts catholiques comme nous l’avons vu, encouragent la pratique du football. Le troisième facteur est constitué par l’essor de la pratique informelle du sport, sans aucun encadrement institutionnel ou associatif. Le développement sportif en AOF est ainsi protéiforme, et il est d’autant plus difficile de repérer les lignes de fractures et les inégalités de rythmes de développement de ces trois facteurs qu’ils s’interpénètrent objectivement, par un recrutement social proche, mais aussi par la multiplicité des initiatives locales qui peuvent, par exemple, faire s’affronter dans des compétitions plus ou moins rigoureuses, associations sportives et culturelles de jeunes et clubs sportifs.
20L’essor des pratiques sportives en AOF est donc polycéphale, complexe à saisir, mais représente l’un des traits marquants, dans toutes ses déclinaisons, de l’avancée de pratiques véhiculant des schèmes cognitifs et psychiques importés d’Europe.
L’institutionnalisation du sport en AOF
21Le terme d’institutionnalisation relève ici de multiples variations. La pratique sportive en club (scolaire, civil ou militaire) débouche sur la multiplication des compétitions dûment enregistrées, et les très nombreuses rencontres semi-officielles ou officieuses, organisées à l’occasion d’une cérémonie, d’une manifestation charitable ou encore d’une fête religieuse. Enfin, des coupes, challenges et prix divers sont organisés sur l’initiative de commerçants ou de personnalités locales. Ces compétitions reflètent la consolidation progressive de l’institutionnalisation du sport, elle-même produit de la dissémination, inégale selon les territoires, des clubs et associations sportives. Ainsi, le nombre de clubs sportifs passe de 184 en 1943 à 254 en 1958 (fig. 13).
22La cartographie du développement des clubs démontre l’inégale distribution de l’institutionnalisation du sport. Le Sénégal, doté des meilleures infrastructures et de la plus longue tradition en matière d’organisation de clubs, conserve une position dominante dans les années 1950, qui lui est cependant disputée par la Côte d’Ivoire, qui conquiert à la fin des années 1950 le leadership en termes de nombre de clubs en enregistrant la plus forte progression au cours de la décade précédant l’indépendance. La progression spectaculaire de la Côte d’Ivoire est parallèle à l’extension volontariste de la scolarisation, de l’urbanisation très rapide marquée par la croissance d’Abidjan et le succès populaire considérable du football. Les clubs recrutant majoritairement parmi les scolaires, l’affirmation de leur présence en contexte urbain accroît considérablement leurs possibilités de recrutement.
Fig. 13. Création de clubs sportifs en AOF, avant 1943 et entre 1944 et 195825
Clubs créés avant 1943 | Clubs créés entre 1944 et 1958 | |
---|---|---|
Sénégal | 55 | 68 |
Côte d’Ivoire | 20 | 112 |
Dahomey | 49 | 9 |
Soudan | 29 | 7 |
Niger | 2 | 24 |
Guinée | 19 | 15 |
Haute-Volta | 10 | 18 |
Mauritanie | 0 | 1 |
Total | 184 | 254 |
23La Côte d’Ivoire et le Sénégal enregistrent ainsi plus de 50 % de la totalité des créations de clubs entre 1944 et 1958. Le Dahomey et le Soudan restent à l’écart de ce mouvement, malgré la forte dynamique des associations de jeunes enregistrées par les deux territoires entre 1946 et 196026. Manifestement, les estimations concernant le Dahomey et le Soudan sont sous-évaluées (ce sont les administrateurs qui collectent ces informations, et ils se révèlent très inégalement concernés par la question sportive…), et on peut estimer que les deux territoires participent à l’essor du mouvement sportif, qui répond à leur dynamisme associatif et à la progression des effectifs scolaires. Cet essor est parfaitement repérable en Guinée, en Haute-Volta et au Niger. Seule la Mauritanie reste presque totalement rétive à l’implantation des clubs sportifs, puisqu’un seul club est enregistré jusqu’en 1958, renvoyant à la faiblesse du développement de la scolarisation.
Les villes, territoires du développement sportif
24L’implantation des clubs est essentiellement urbaine et concentrée dans les capitales des territoires, mais on note dès le début des années 1950 une dissémination significative aux villes secondaires. L’implantation d’un réseau de clubs sportifs conçus sur le modèle européen à l’échelle de toute l’AOF (Mauritanie exceptée) pose la question des conditions sociologiques de leur émergence. Or, les clubs sportifs urbains recrutent principalement des scolaires, comme l’indiquent – en le regrettant – les rapports annuels de l’Instruction publique27. On peut d’ailleurs superposer l’aire et la sociologie de recrutementdes clubs à la cartographie des mouvements de jeunesse d’origine européenne, qui recrutent également quasiment exclusivement chez les scolaires. Ainsi, on constate que l’aire d’extension la plus nette du mouvement sportif – dans les villes du Sénégal et de Côte d’Ivoire –, recoupe précisément les deux citadelles du scoutisme laïc et catholique. La distribution des clubs dans les autres territoires (excepté le Dahomey et le Soudan, pour les raisons évoquées plus haut), correspond également aux aires d’influence de ces mouvements. Ces correspondances indiquent nettement que le développement de l’institutionnalisation du sport s’inscrit dans les conditions plus générales du mouvement d’hybridation asymétrique de la jeunesse scolarisée urbaine.
25Cette perspective est confirmée par l’inégal développement des infrastructures sportives. Pour établir la répartition de ces infrastructures officielles, les indications fournies par Bernadette Deville-Danthu sont recoupées ici avec nos propres sources, notamment les articles consacrés au sport en AOF par des journaux de mouvements de jeunesse et la série O 671 (31) des archives nationales du Sénégal (fig. 14).
Fig. 14. Les infrastructures sportives en AOF en 1959
Terrain de football |
Stade omni-sports | Terrain de basket/volley | Piste d’athlétisme | Piscine | Salle de boxe | Vélodrome | |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Sénégal | 5 | 5 | 4 | 1 | 1 | 1 | 1 |
Côte d’Ivoire | 3 | 3 | 0 | 0 | 2 | 2 | 1 |
Dahomey | 2 | 4 | 2 | 1 | 0 | 0 | 0 |
Soudan | 5 | 3 | 2 | 5 | 0 | 1 | 1 |
Niger | 1 | 1 | 1 | 1 | 0 | 0 | 0 |
Guinée | 2 | 2 | 1 | 1 | 0 | 1 | 0 |
Haute-Volta | 1 | 2 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Mauritanie | 1 (?) | 0 | 0 | 1 | 0 | 0 | 0 |
Total AOF | 19 | 19 | 10 | 10 | 3 | 5 | 3 |
26Ces chiffres doivent être pris avec prudence car même pondérés, ils recouvrent des réalités très variables. Sur les deux terrains de football dont dispose la Guinée, au moins un n’est pas achevé en 1958, certains équipements font défaut, comme des buts réglementaires sur plusieurs terrains de football (sans parler de la disponibilité de ballons ou de chaussures, que les clubs doivent généralement se procurer). Deux stades omnisports au Sénégal, sur les cinq effectivement décomptés, ne sont pas terminés. À Porto-Novo, le stade omnisports ne permet, au mieux, que de pratiquer le football, sur un terrain caillouteux. La propagande coloniale en cette matière – comme dans d’autres – agit ainsi comme un prisme déformant28.
27Cependant, quatre territoires se détachent quant à leur dotation en infrastructures sportives, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Dahomey et le Soudan. Le Sénégal est favorisé par le statut de Dakar, capitale fédérale, pour laquelle sont consentis les investissements les plus importants, malgré le retard pris dans la construction du stade fédéral. La Côte d’Ivoire, territoire le plus riche de la fédération, est également bien dotée en infrastructures sportives, malgré la faiblesse relative du développement associatif29 et de l’essor des clubs de football, au profit de la boxe30. Les territoires du Soudan et du Dahomey connaissent également une dotation non négligeable en infrastructures sportives.
Un développement géographiquement contrasté
28La situation de ces quatre territoires résulte des efforts menés dans chacun d’entre eux en matière de scolarisation et du développement parallèle des mouvements de jeunesse d’origine européenne, alors que la situation de la Mauritanie et du Niger, sous-équipés, renvoie à la faiblesse de la scolarisation et des mouvements de jeunesse. Reste l’énigme guinéenne. Le territoire est en effet pratiquement dépourvu d’équipements sportifs, alors qu’il est le plus dynamique dans le domaine de la création d’associations de jeunes, que les éclaireurs sont solidement implantés à Conakry, que son niveau de scolarisation est comparable à celui du Soudan et que la dynamique de la création de clubs sportifs est pratiquement identique à celle de la Haute-Volta. L’exception qui confirme la règle ?
29En définitive, l’explication se trouve très certainement dans la politique territoriale suivie en la matière. En effet, le budget général mobilise la quasi-totalité des lignes budgétaires consacrées au développement sportif dans le prestigieux projet du stade fédéral de Dakar, sorte d’éléphant blanc en matière d’équipement sportif, et dans les subventions accordées aux différentes ligues. Des crédits exceptionnels peuvent être cependant également concédés par le Gouvernement général pour l’équipement sportif des territoires. Ainsi en 1951, un crédit de 625 000 FCFA est accordé à chaque territoire pour le développement des infrastructures sportives31. Bernadette Deville-Danthu32 signale également que le Sénégal reçoit en 1954 200 000 FCFA pour la réfection des pistes d’athlétisme du stade des abattoirs de Dakar et 1 000 000 FCFA pour la construction d’un stade à Thiès. Après 1955, la Ligue de l’enseignement aide certains territoires d’AOF, dans le cadre d’une politique de développement des sections sportives scolaires, à réfectionner des équipements sportifs. En 1954, une importante contribution de 80 millions de FCFA est adoptée par la caisse centrale de la France d’outre-mer et en 1956, une contribution de 100 millions de FCFA est accordée sur le budget de l’équipement de l’AOF, ces deux dotations étant destinées à l’équipement sportif de la fédération. Or, dans les deux cas, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Soudan sont nettement privilégiés dans la répartition de ces crédits.
30Par ailleurs, la dotation en équipements sportifs dépend très largement des crédits affectés par les territoires eux-mêmes, et la plupart d’entre eux conçoivent la construction d’équipements sportifs comme une mesure d’accompagnement des activités extrascolaires (d’où une nette corrélation entre scolarisation et dotation en infrastructures sportives). Ainsi, le volontarisme de la Côte d’Ivoire rejoint en cette matière sa démarche, similaire, concernant la politique scolaire et de distribution de bourses, observée après 195033. La disjonction en Guinée entre l’équipement sportif et le niveau de scolarisation n’est explicable que par les répercussions des choix discriminants du Gouvernement général, mais surtout par une politique territoriale n’accordant qu’un faible crédit (à tous les sens du terme) au développement sportif.
31Aussi, malgré un net effort des autorités coloniales pour doter la fédération d’un équipement sportif, celui-ci resta constamment très insuffisant au regard de l’expansion des pratiques. Même en Côte d’Ivoire ou au Sénégal, plusieurs dizaines de clubs de football doivent se partager respectivement trois et cinq terrains. Les contraintes climatiques limitant les temps de jeu aux premières heures du matin et à la fin de la journée, il est certain que les clubs s’organisent pour pratiquer dans d’autres espaces, tels les terrains, parfois approximativement dessinés, des centres culturels, ou dans des terrains vagues urbains à peu près plats. Les frontières avec la pratique informelle sont réduites.
32Pour en revenir à l’essor des clubs, leur progression détermine l’accroissement du nombre de licenciés. Ainsi, entre 1952 et 1957, le nombre global des licenciés dans les différentes disciplines pratiquées en AOF passe de 8 800 à 18 800, soit une progression de plus de 110 %34 (fig. 15).
Fig. 15. Répartition des licenciés par disciplines entre 1952 et 195735
1952 | 1953 | 1954 | 1955 | 1956 | 1957 | |
---|---|---|---|---|---|---|
Football | 5 228 | 5 447 | 6 747 | 8 051 | 8 897 | 10931 |
Basket | 1 108 | 1 391 | 1 561 | 1 456 | 1 600 | 1930 |
Volley | 1 060 | 1 260 | 1 367 | 1 420 | 1 590 | 1 785 |
Rugby | 293 | 373 | 455 | 347 | 395 | 425 |
Boxe | 0 | 0 | 0 | 131 | 326 | 1 231 |
Athlétisme | 135 | 625 | 364 | 641 | 700 | 915 |
Tennis | 450 | 505 | 525 | 500 | 605 | 677 |
Natation | 328 | 224 | 282 | 331 | 463 | 424 |
Cyclisme | 0 | 204 | 188 | 197 | 241 | 192 |
Escrime | 0 | 0 | 0 | 42 | 36 | 150 |
Équitation | 150 | 140 | 158 | 113 | 120 | 120 |
Tir | 134 | 99 | 87 | 52 | 36 | 55 |
Total AOF | 8 836 | 10 279 | 11 754 | 13 281 | 15 009 | 18 835 |
33Comme on peut le constater, la progression est très inégale selon les disciplines durant la période. Le football maintient une position très dominante : près de 60 % de l’ensemble des licenciés sont des footballeurs de 1952 à 1957. Le basket suit une trajectoire parallèle, enregistrant une progression de près de 75 % pour atteindre 10 % de l’ensemble des licenciés en 1957, de même que, mais dans une moindre mesure, le volley, progressant de près de 70 %, pour atteindre plus de 9 % des licenciés en 1957. La boxe progresse également spectaculairement puisqu’en seulement trois ans et en partant de zéro, de 1954 à 1957, la discipline atteint plus de 6 % de l’ensemble des licenciés. L’athlétisme connaît également une progression importante, passant de 135 licenciés en 1952 à plus de 900 en 1957, soit plus de 6 % de l’ensemble des licenciés. Les autres disciplines connaissent une évolution beaucoup moins nette.
Petite sociologie sportive coloniale
34L’essor de ces différentes disciplines ne répond pas à la même logique, et renvoie aux divisions socioraciales des sociétés d’AOF : les sports collectifs tels le football, le volley et le basket, augmentent leurs effectifs parallèlement à la progression de la scolarisation et les jeunes pratiquants africains deviennent majoritaires, même si la mixité entre Européens et Africains demeure au sein des clubs. Certaines pratiques distinctives – tels l’escrime, l’équitation ou le tennis –, symboles d’une excellence sociale réservée au colonat, progressent très lentement. Toutefois, l’africanisation des pratiquants au sein des disciplines collectives est l’un des traits sociaux les plus marquants, même si l’élargissement du recrutement ne concerne pratiquement que les scolaires. Par contre, les dirigeants de clubs restent presque très majoritairement des Européens au cours de la période. Cette domination des Européens procède d’une tradition qui remonte à la création des clubs sportifs durant l’entre-deux-guerres : créer un club, l’organiser, faire respecter dans les pratiques les règlements sportifs, sont des compétences qui ne peuvent être partagées avec la première génération de l’élite africaine, puisqu’il s’agit alors d’une importation pure et simple du modèle métropolitain.
35Ce n’est qu’à partir du milieu des années 1950 que des clubs à direction africaine vont être créés (ou des clubs jusqu’alors dirigés par des Européens deviennent des clubs à direction africaine). Dans cette africanisation partielle de la direction des clubs, difficile à estimer précisément, on retrouve des acteurs sociologiquement proches des dirigeants associatifs et des responsables des centres culturels : fonctionnaires, instituteurs, commis, infirmiers, pharmaciens et médecins36. Cet investissement tardif de la première génération de l’élite suit le mouvement de diffusion des activités sportives et la popularisation du football. L’africanisation partielle de la direction des clubs civils renvoie à la logique d’une appropriation qui est déjà presque entièrement accomplie au sein des mouvements de jeunesse. Les associations juvéniles africaines, alors dirigées par les élites de première et seconde générations, même si elles n’ont pas pour objectif statutaire la pratique d’un sport, organisent très souvent des rencontres sportives ou font pratiquer à leurs affidés une discipline (particulièrement le football). Dès lors, l’investissement dans les clubs civils s’opère naturellement.
36Le cas de la boxe révèle un autre processus. Dans ce cas, ce sport populaire importé de métropole en AOF – et particulièrement en Côte d’Ivoire qui rassemble près des deux tiers des licenciés en 1957 –, est animé par un inspecteur de l’Éducation générale et des sports passionné par la discipline, Robert Champoux. Bien que les clubs soient dirigés en totalité par des Européens, ce sont essentiellement des Africains, d’origine souvent modeste37, qui pratiquent le noble art. Les chiffres faibles dans l’absolu du nombre de licenciés en 1957 (1 231), la concentration à Abidjan des salles de boxe, et le fait qu’il est très difficile de se passer d’une solide formation technique pour pratiquer, indiquent le caractère limité du phénomène au niveau de la fédération. Aussi, la portée sociale de la boxe reste marginale, hétérogène au mouvement d’enthousiasme qui saisit la jeunesse urbaine pour le football, lisible dans la pratique informelle de la discipline.
37Les autres sports individuels, tels le tir, l’équitation, le tennis et la natation connaissent une évolution minime (natation, escrime) ou une régression (tir, équitation) sur la période. Cette évolution indique nettement que ces sports demeurent des activités de distinction du colonat blanc. Les obstacles matériels à la diffusion de la pratique sont également importants. Le tir, le tennis, l’équitation, l’escrime demandent en effet l’acquisition d’un matériel individuel coûteux, qui se chiffre à plusieurs milliers de francs CFA. Les infrastructures fédérales pour l’escrime et le tir sont d’autre part inexistantes, et seuls quelques courts de tennis (sans doute moins d’une quinzaine pour toute l’AOF en 1958) ont été érigés au sein des stades omnisports. Seuls les clubs privés permettent la pratique de ces sports. D’après les témoignages de Bernard Stroh, Yves de Sublet, et Pierre Messmer, les Africains sont alors presque totalement exclus de ces clubs, non seulement par impécuniosité, mais aussi parce qu’existe une volonté de préserver des îlots de sociabilité exclusivement réservés au colonat européen, renvoyant une nouvelle fois au repliement du colonat sur lui-même. Ce trait, propre à ces disciplines, explique leur stagnation ou leur régression au cours des années 1950. L’africanisation des membres d’une discipline apparaît ainsi comme une condition essentielle de son extension. Dans son témoignage, Jacques Germain signale cependant qu’à la fin des années 1950, quelques hauts fonctionnaires africains sont admis, à Dakar, dans les clubs de tennis. Ce phénomène, tardif et marginal, annonce l’agrégation des élites bureaucratiques africaines aux espaces de sociabilité de la diaspora blanche en Afrique de l’Ouest, agrégation qui marque la reconnaissance réciproque des élites et constitue aujourd’hui encore l’un des traits marquants des pratiques sociales des élites africaines et européennes en Afrique.
38Dans les sports réservés au colonat, l’équitation, le tir et l’escrime restent totalement hermétiques à la pénétration africaine, même élitaire. Il est vain d’adopter ici un angle d’analyse culturaliste pour expliquer une éventuelle réticence des Africains aux sports individuels (bien que le désintérêt pour l’athlétisme semble attester cette hypothèse), lié à l’« atavisme communautaire » de ces derniers, sinon, comment expliquer le succès de la boxe en Côte d’Ivoire ? Les frontières socioraciales de la société urbaine coloniale se reproduisent en fait d’elles-mêmes dans les pratiques : par des obstacles financiers certes, mais surtout par l’acceptation informulée des acteurs de la fracture entre Européens et Africains. Il apparaît ainsi que ces disciplines, qui ressortent en métropole même de pratiques de distinction sociale réservées à la bourgeoisie, constituent des espaces d’autant plus fermement ségrégués qu’ils s’inscrivent dans un contexte sociopolitique qui voit les élites africaines investir des positions sociales (notamment dans l’administration), jusqu’alors réservées aux blancs. La résistance du colonat aux mutations politiques se manifeste symboliquement dans le choix de la ségrégation sportive.
L’athlétisme : européaniser les Africains ?
Fig. 16. Subventions comparées par tête pour l’athlétisme et le football

39Dans la configuration sociale du développement des activités sportives institutionnelles en AOF, le développement de l’athlétisme s’opère selon un scénario original. Il renvoie, comme le signale Bernadette Deville-Danthu38, à la volonté de l’administration coloniale de promouvoir la discipline, en dépit de son insuccès auprès des jeunes Africains. Cette sollicitude pour l’athlétisme se manifeste par d’importantes subventions du Gouvernement général entre 1950 et 1959, en moyenne de 400 000 FCFA par an de 1950 à 1957, pour grimper jusqu’à plus de 600 000 FCFA en 1958. Comparées aux subventions accordées au football – de 800 000 FCFA en moyenne pour les années 1951-1957 – ces subventions ne semblent pas excessives. Cependant, comme le montre l’évolution du nombre de licenciés dans les deux disciplines, le ratio par tête est très favorable à l’athlétisme (fig. 16). En 1952, plus de 2 900 FCFA sont accordés pour chaque licencié d’athlétisme, contre 140 FCFA pour le football, 100 FCFA pour le volley, et près de 400 FCFA pour le basket. Cette inégalité de traitement décroît, mais reste importante puisqu’en 1955 la fédération d’athlétisme touche près de 600 FCFA par tête, alors que la fédération de football en reçoit 115 et la fédération de basket environ 300. En 1958, alors que l’ensemble des subventions accordées par le Gouvernement général aux disciplines sportives décroît après l’application des décrets de la loi-cadre qui réduisent l’intervention de la fédération, le ratio est de seulement 64 FCFA pour le football, de 31 FCFA pour le basket, alors que l’athlétisme culmine à 655 FCFA.
40Le choix de privilégier l’athlétisme a plusieurs origines. Tout d’abord, l’athlétisme s’impose d’abord comme l’activité par excellence de la disciplinarisation individuelle et de l’excellence corporelle, et est, après la gymnastique et la méthode Hébert, l’activité sportive essentielle en milieu scolaire. Dans le cadre de la mission civilisatrice, l’athlétisme s’impose après la seconde guerre mondiale comme un vecteur sportif privilégié de la conversion des Africains aux valeurs de la performance individuelle et de la rigueur corporelle. Mais cette lutte « corpo-culturelle » doit aussi contribuer à l’éradication de la « mentalité primitive » et des excès des solidarités lignagères et communautaires. L’athlétisme s’enchâsse ainsi dans l’idéologie de l’assimilation coloniale et sa pratique prolonge et durcit la compétition scolaire par la mesure de la performance39.
41À l’irrationalité supposée des fétiches et des croyances religieuses africaines (cosmogoniques ou musulmanes), socle d’une émotivité fataliste, la pratique de l’athlétisme impose la volonté positive et consciente de l’individu luttant pour son propre dépassement, dans la rationalité de l’entraînement et de la mesure de sa progression. À la différence des sports collectifs, l’athlétisme est perçu comme une école d’auto-évaluation et d’individuation. Seconde raison des faveurs accordées par le Gouvernement général à l’athlétisme, la lutte contre les « insuffisances physiques des jeunes Africains », dans la perspective d’un redressement corporel et moral à même de contribuer à la lutte contre la diffusion des maladies endémiques. Ainsi, les perspectives hygiénistes véhiculées par le développement du sport et de l’éducation physique se focalisèrent-elles après la seconde guerre mondiale sur l’athlétisme. Enfin, l’encouragement de l’athlétisme recouvre l’espoir de dénicher des talents susceptibles d’être intégrés au sport de haut niveau, afin de redorer un blason national flétri dans la seconde moitié des années 1950. Pourtant, malgré les efforts financiers du Gouvernement général, les appels réitérés du comité fédéral des sports en faveur de la discipline40 et différentes initiatives destinées à la populariser, l’athlétisme ne réussit jamais à mobiliser ni les pratiquants ni les foules41. Ainsi, les réunions d’athlétisme organisées à Dakar, notamment la coupe du recteur Capelle, subventionnée directement par la Direction de l’enseignement du Gouvernement général, ne connaît qu’une audience très limitée. De même, la Journée de l’athlétisme déclarée au Dahomey ne réunit pas plus d’une vingtaine d’athlètes42.
42La pratique de la gymnastique et de la méthode naturelle43 dans les établissements scolaires n’est pas non plus idéale pour inciter les jeunes scolarisés à adopter la pratique de l’athlétisme. En 1955, l’instauration d’un championnat fédéral d’athlétisme scolaire organisé par l’Office du sport scolaire et universitaire d’AOF (dépendant de la direction de l’enseignement), coïncide avec la volonté d’étendre la pratique de l’athlétisme à l’école. Les résultats ne sont cependant, au cours des années 1955-1958, pas plus convaincants, et les scolaires préfèrent, de loin, les sports collectifs, et bien entendu le sport roi, le football. La pratique du sport en milieu scolaire semble au cours des années 1950 avoir contribué paradoxalement à la désaffection des jeunes Africains scolarisés pour l’athlétisme. En effet, la répétitivité rituelle de cours approximatifs de gymnastique et de méthode naturelle ânonnés par des enseignants souvent pleins de bonne volonté mais pas ou peu formés à la pratique44 ne paraît pas avoir déployé un pouvoir de séduction excessif…
43Le bégaiement d’une improbable pédagogie sportive, appliquée à l’athlétisme, ne donne alors pas plus de résultats tangibles45, même s’il est vrai que la déficience des équipements – les cours d’éducation physique sont souvent délivrés dans la rue ou en pleine nature, faute d’infrastructures –, complique encore la tâche des enseignants. La formation des enseignants fait aussi défaut, malgré la construction en 1953 d’un Centre fédéral de la jeunesse et des sports pour les former aux techniques de la pédagogie sportive (sports individuels et collectifs) du primaire et du secondaire. Ce centre doit également former les entraîneurs des clubs civils. L’inculcation des rudiments de l’enseignement de l’athlétisme aux enseignants est alors une priorité ; on ne compte pourtant pas plus d’une cinquantaine d’instituteurs et d’élèves maîtres formés en 1957, pour toute l’AOF46.
44Les espoirs de l’administration d’impulser une dynamique à la discipline susceptible de contribuer à « civiliser » les jeunes scolarisés et latéralement de mettre au jour des talents pouvant renforcer le potentiel du sport de haut niveau en métropole, à la fin des années 1950, se soldent par un échec cuisant. Non seulement les efforts financiers du Gouvernement général n’ont pas servi à grand-chose, mais le sport proportionnellement le moins aidé, le football, a conquis la très grande majorité des jeunes scolaires.
45La promotion de l’athlétisme souffre en dernière analyse d’un volontarisme idéologique borné. En effet, l’idéologie coloniale pointe constamment l’inconstance et le peu de goût pour l’effort et le dépassement de soi des Africains47. Dans la logique de cette idéologie, il est naturel que l’athlétisme, favorisé également en métropole, soit utilisé pour transformer les colonisés. C’est véritablement le signe, d’autant plus déraisonnable qu’il va à l’encontre du désir de ces derniers, de la volonté de façonner l’indigène à sa propre image. Ici s’affirme, à la différence d’autres entreprises qui soulignent l’intelligence stratégique du colonisateur lorsqu’il sait jouer sur les projections sociales et culturelles de la jeunesse urbaine, telle par exemple l’initiative des centres culturels, une volonté d’extirper au forceps les maux et les tares incarnées fantasmatiquement dans l’atavisme africain. Manifestement, les capacités de résistance de ceux-ci et l’inadéquation de la pratique de l’athlétisme au désir des colonisés débouchent sur un naufrage. Il faut sans doute, pour comprendre cet échec, référer au statut symbolique de la discipline. Pratique scolaire, marginalement pratiquée hors des écoles, elle symbolise la continuation d’une activité encadrée par les enseignants48. Or, le sport s’affirme comme une possibilité de liberté, de jeu, qui excède précisément cet encadrement. Les faveurs accordées par la presse du colonat à la discipline, l’insistance des autorités coloniales pour promouvoir la pratique, ont pu servir en dernier ressort de repoussoir, dans le contexte de contestation politique qui caractérise la jeunesse scolarisée urbaine dans la seconde moitié des années 1950.
Notes de bas de page
1B. Deville-Danthu, Le sport en noir et blanc…, op. cit. Pour la période de l’après-guerre, on consultera plus spécialement les chapitres consacrés à la formation du champ sportif institutionnel, p. 221-359.
2 B. Deville-Danthu, Le sport en noir et blanc…, op. cit., p. 17 et suiv.
3 Ibid., p. 127-220 ; Catherine Akpo-Vaché, L’AOF et la seconde guerre mondiale. La vie politique, septembre 1939-octobre 1945, Karthala, Paris, 1996, 330 p., p. 61-80 ; Jacques Cantier, Éric Jennings (dir.), L’empire colonial sous Vichy, Odile Jacob, Paris, 2004, 398 p., « L’encadrement de la population locale ».
4 Jean-Louis Gay-Lescot, Sport et Éducation sous Vichy (1940-1944), Presses universitaires de Lyon (PUL), Lyon, 1991, p. 153 et suiv. ; Charles-Robert Ageron, « Rapport de synthèse », dans Brazzaville. Janvier-février 1944. Aux sources de la décolonisation, actes du colloque organisé par l’Institut Charles de Gaulle et l’Institut du temps présent, Paris, Plon, 1988, p. 351-370.
5 Docteur Lavit, « Le président de l’Olympique dakarois nous écrit », Paris-Dakar, 5 avr. 1944 ; B. Deville-Danthu, Le sport en noir et blanc…, op. cit., p. 233 et suiv.
6 Lettre de Henri Larrieu, Gabriel Sorano et du docteur Lavit au gouverneur général de l’AOF, mars 1944, ANS, 08 (31), 1 ; Lettre d’Henri Larrieu à Yves Aubineau, 22 mars 1944, ANS, 0514 (31), 1.
7 Lettre du directeur général de l’Instruction publique au président du comité fédéral des sports, 2 oct. 1944, ANS, O.682 (31), 3.
8B. Deville-Danthu, Le sport en noir et blanc…, op. cit., p. 237. Cet arrêté est effectivement signé le 4 mars 1944.
9 La participation des élèves aux clubs civils est soumise à l’accord des chefs d’établissement (B. Deville-Danthu, Le sport en noir et blanc…, op. cit., p. 245).
10M. Attali, D. Gomet, « Éducation des corps et disciplinarisation… », art. cité, p. 66-82.
11N. Bancel, J.-M. Gayman, Du guerrier à l’athlète…, op. cit., p. 338-347.
12 Lettre de Henri Larrieu, Gabriel Sorano et du docteur Lavit au gouverneur général de l’AOF, op. cit.
13 Lettre de H. Larrieu, G. Sorano et du docteur Lavit au gouverneur général de l’AOF, op. cit.
14 Ibid.
15 Ibid.
16 Ibid.
17 Ibid.
18B. Deville-Danthu, Le sport en noir et blanc…, op. cit., p. 18-23.
19 Jean-Marie Mignon, « Le destin de la loi de 1901 sur les associations en AOF », Les Cahiers de l’animation, 55, 1986, p. 21-38.
20H. d’Almeida-Topor, « Les associations de jeunesse en AOF (1946-1960)… », art. cité, p. 53-68.
21S. Nédélec, Jeunesse, sociétés et État au Mali au xxe siècle, op. cit., p. 153-154 ; sur la formation de la JOC, voir l’ouvrage très documenté de Roger Pasquier, La jeunesse ouvrière chrétienne en Afrique noire (1930-1950), op. cit.
22 Équipe du district EDF de Guinée, « Caravane de jeunes en Guinée en 1956 », La voix des Jeunes, 3, 20 mars 1956.
23 Malick Diop, Rapport moral du district du Sénégal, Dakar, 10 mars 1957, Archives des Éclaireurs de France (sans cote).
24 Témoignages de Mahamane Touré, Pierre Girard, Bernard Stroh et François Gaston.
25B. Deville-Danthu, Le sport en noir et blanc… op. cit., p. 252.
26H. d’Almeida-Topor, « Les associations de jeunesse en AOF (1946-1960)… », art. cité, p. 58.
27 Archives du ministère de l’Éducation nationale, série F1 17bis.
28 Jeunesse et sport en AOF, plaquette d’information du haut-commissariat, 1953.
29H. d’Almeida-Topor, « Les associations de jeunesse en AOF (1946-1960)… », art. cité, p. 58.
30B. Deville-Danthu, Le sport en noir et blanc… op. cit., p. 260-261.
31 Camerlinck, Rapport sur l’année scolaire 1950-1951, 30 avr. 1952, ANS, 2 G 51 (32), 1. [Anon.], « Note relative aux problèmes de jeunesse en Afrique occidentale », 1957, ANS, O.671 (31), 8.
32B. Deville-Danthu, Le sport en noir et blanc…, op. cit., p. 277.
33 Nous renvoyons au chapitre consacré aux mouvements étudiants.
34 Paye, « Note à l’attention du haut-commissaire », 1957, ANS, 18 G 213 (160), 1.
35 Ibid.
36 Témoignages de Jacques Germain et Bernard Stroh ; [Anon.], « Note à l’attention du haut-commissaire de l’AOF », mai 1956, ANS, 2 G 52 (82), 7.
37B. Deville-Danthu, Le sport en noir et blanc…, op. cit., p. 260 et suiv.
38B. Deville-Danthu, Le sport en noir et blanc…, op. cit., p. 263-269.
39 [Anon.], « La vie sportive à Dakar et en AOF », Paris-Dakar, 20 avr. 1946.
40 [Anon.], « Le billet de la semaine », Afrique sports, 20 avr. 1949.
41 Direction générale de l’enseignement, Rapports annuels 1951-1952, 1952-1953 ; ANS, 2 G 52 (23), 1 ; 2 G 53 (32), 4 ; Affaires sociales, rapports trimestriels 1954, ANS, 2 G 54 (182), 3.
42B. Deville-Danthu, Le sport en noir et blanc…, op. cit., p. 268.
43 Témoignages de B. Stroh et de P. Messmer ; direction générale de l’Enseignement, rapport annuel 1950-1951, ANS, 2 G 51 (32), 1.
44 Témoignages de Jean Chesneau et Jean Chapperon.
45 Et ce malgré la construction en 1953 d’un Centre fédéral de la jeunesse et des sports érigé dans l’objectif de former les enseignants du primaire et du secondaire, mais aussi les entraîneurs des clubs civils, aux techniques de la pédagogie sportive (sports individuels et collectifs). L’inculcation des rudiments de l’enseignement de l’athlétisme aux enseignants est alors une priorité. Cependant, on ne compte pas plus d’une cinquantaine d’instituteurs et d’élèves maîtres formés en 1957, pour toute l’AOF.
46 Rapport annuel du rectorat d’AOF 1954-1955, ANS, 2 G 55 (47), 2.
47 Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, De l’indigène à l’immigré, Gallimard (Découvertes), Paris, 1998, 128 p., p. 13-68.
48 Les quelques champions africains d’athlétisme sont ainsi issus du moule de l’école française, tels Papa Gallo Thiam et Ousmane Lo pour le saut en hauteur, Louis Ombonwan et Habib Thiam pour le sprint, Malick Mbaye pour le triple saut ou Lamine Diack pour le saut en longueur.

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