Un constat d’échec de la politique sociale

3Pour bien comprendre l’importance de la question, il est nécessaire de circonscrire les enjeux symboliques et les risques sociopolitiques du processus de séparation entre le pouvoir colonial et la jeunesse scolarisée, mais également de saisir que ce phénomène correspond, dans l’esprit de Bernard Cornut-Gentille, à des problèmes structurels de la société coloniale – la séparation de fait entre Africains et Européens, la distanciation d’une élite scolarisée et acculturée d’avec les « masses » africaines –, et à des aléas conjoncturels, en l’occurrence les déficiences de la politique sociale dans la fédération. C’est l’examen critique de cette politique sociale et des risques sociopolitiques que ses errances font peser sur l’intégration des jeunes élites au système colonial qui va amener Cornut-Gentille à concevoir un vaste programme socioculturel fondé sur l’édification des centres culturels.

4Ceux-ci doivent remplir un double rôle. Un rôle social tout d’abord, qui s’articule en trois axes. D’une part, créer un lieu de sociabilité original dans lequel seraient susceptibles de se retrouver des fractions hétérogènes de la jeunesse africaine – scolarisés et non scolarisés – ; d’autre part permettre la rencontre de ces fractions de la jeunesse avec les fractions les plus « éclairées » et progressistes de l’administration coloniale participant à l’animation des centres, mais aussi avec les « chefs traditionnels ». Enfin soutenir la mise en œuvre d’une politique sociale, mise en péril par les déficiences constatées des services sociaux9. Un rôle politique ensuite, en favorisant, par cette mixité sociale et le programme spécifique des centres culturels, l’adhésion à une « mystique de l’Union française10 », susceptible de dévitaliser la radicalisation politique des jeunes scolarisés. Or, les services sociaux d’AOF apparaissent au début des années 1950 comme le maillon faible de la politique coloniale et traversent alors une véritable crise, qui apparaît comme le facteur conjoncturel majeur dans la décision de créer les centres culturels. Sans nous appesantir sur cette crise, signalons ses principales caractéristiques : la séparation entre les services fédéraux et territoriaux crée d’innombrables lourdeurs dans l’exécution des directives fédérales, l’étanchéité des différents services des Affaires sociales dont les compétences se superposent, la faible formation du personnel (tant les administrateurs, qui considèrent les Affaires sociales comme un purgatoire – ce sont donc les moins bien classés qui héritent du secteur – que les petits fonctionnaires, peu diplômés et peu nombreux) provoquent le blocage d’initiatives décidées par le haut-commissariat, faute de compétences. En outre, la différenciation entre agents d’origine métropolitaine et africaine implique dès le début des années 1950 des conflits larvés ou ouverts entre les deux catégories de personnel et la multiplication des grèves. Enfin, au niveau fédéral, le directeur des Affaires sociales est seul et ne peut assumer la charge de la coordination fédérale. Peu de solutions sont envisageables parce que nombre de problèmes tiennent à l’organisation politico-institutionnelle de l’AOF : seule une réforme globale pourrait s’attaquer au décloisonnement des services, à la séparation des administrations territoriales et fédérales, tout comme aux statuts différenciés des fonctionnaires africains et européens. Ces problèmes dépassent les compétences du haut-commissaire et ne seront attaqués de front que trois ans plus tard, lors de l’élaboration de la loi-cadre.

Faire de la politique sociale une arme… politique

5Or, pour Cornut-Gentille, les Affaires sociales sont centrales, stratégiques, parce qu’elles seules peuvent avoir une incidence concrète sur l’évolution sociopolitique de l’AOF. À cet égard il souhaite, dès le milieu de l’année 1953, une réorganisation partielle des services sociaux, afin de traiter prioritairement les problèmes posés par l’évolution politique de la jeunesse urbaine scolarisée et des étudiants. Cette volonté est clairement affirmée :

En ce qui concerne les services sociaux proprement dits, ils doivent être strictement limités aux centres urbains et ne peuvent fonctionner valablement qu’avec un personnel dûment qualifié et spécialisé. […] J’estime que le développement de ces services présente, non seulement le plus haut intérêt social, mais j’ai la conviction qu’il revêt également la plus haute importance politique11.

6Les inquiétudes provoquées par la politisation de la jeunesse scolarisée se conjuguent aux préoccupations de l’administration coloniale face aux mutations urbaines. Prenant l’exemple de Dakar, le rapporteur constate que « 200 000 Africains se sont entassés dans la Médina » sans encadrement administratif, alors que les liens familiaux ont été altérés par l’exode vers la capitale et que les autorités coutumières font défaut. La séparation entre Européens et Africains – qui constitue alors un motif de rancœur pour ces derniers –, la présence parfois tracassière des agents africains, l’autonomisation politique des grandes villes depuis les réformes des municipalités en 1952 et 195512 et les ferments d’agitation au sein de la jeunesse scolarisée constituent un tissu de facteurs rendant plus ardues les velléités de contrôle social et politique de l’administration. S’ajoute à ces motifs d’inquiétude l’exemple de l’évolution du Maghreb sous domination française et, dès 1955, de la guerre d’Algérie : « C’est ainsi que se préparent et naissent, dans le silence et l’abandon où sont laissées par nous les populations, les grands mouvements de désordre qui agitent notamment les villes d’Afrique du Nord13. » Cette anxiété joue un rôle non négligeable dans la décision d’amplifier l’action sociale et politique en AOF (à l’image d’ailleurs de ce qui est entrepris en Algérie), comme elle sera plus tard l’un des moteurs des réformes institutionnelles14.

7Ainsi, les services sociaux de l’AOF constituent un double enjeu dans le cadre de la politique de réintégration sociale et de contrôle politique de la jeunesse scolarisée. D’une part, cette politique touche d’assez près cette nouvelle élite elle-même : les moyens de la scolarisation, le programme de bourses et les aides diverses aux étudiants15 dépendent directement des services sociaux de la fédération. D’autre part, devant les revendications matérielles des scolaires et particulièrement des étudiants, la mauvaise organisation des services sociaux ne facilite pas les rapports entre l’administration et ces derniers, comme le souligne le rapporteur. Il s’agit donc de remédier à cette situation, l’action des services sociaux devant être le symbole des efforts de la métropole envers ses « protégés » colonisés.

Contrôler la jeunesse ?

8Cette crise conjoncturelle participe à la conception des centres culturels, susceptibles de constituer un puissant moyen d’intégration des différentes strates de la société coloniale : un instrument d’identification commun préfigurant la « nouvelle Afrique16 » invoquée par Cornut-Gentille. Les centres culturels doivent en effet échapper aux faiblesses des services sociaux en organisant au niveau de la fédération des structures disposant d’une autonomie de gestion, éviter la bureaucratisation en impliquant directement les acteurs associatifs locaux dans la direction des centres, susciter l’adhésion des élites européennes et africaines au projet pour animer des activités de qualité, provoquer la rencontre entre ces élites et les autochtones pour créer une nouvelle dynamique sociale. En lieu et place d’une restructuration profonde des services sociaux de l’AOF, les centres culturels vont devenir la pierre angulaire de la politique sociale de la fédération. Cette stratégie comporte des risques de détournement de l’objectif des centres par les étudiants ou les forces politiques africaines, susceptibles de transformer ceux-ci en tribunes, comme le sont devenues – malgré leur statut – les Maisons des jeunes. La stratégie de « réintégration » des nouvelles élites par la médiation des centres culturels est donc conditionnée pour leur contrôle politique17.

9Le comité de direction des centres culturels comprend des représentants des associations à but culturel, des délégués des grandes catégories de la population pas toujours représentées dans les associations (jeunesse, anciens combattants, commerçants, notables coutumiers) et des délégués des services d’éducation sociale (santé et enseignement). La présence de l’administration, souhaitée la moins visible possible18, doit contribuer à assurer une certaine mainmise sur les activités des centres. De plus, les commandants de cercle ou de subdivision doivent pouvoir exercer leur autorité sur les centres culturels, en en surveillant le fonctionnement19, alors qu’un fonctionnaire est délégué à la tenue des comptes. L’encadrement administratif et politique des centres culturels est ainsi habilement pensé, suffisamment discret et indirect (rôle du comptable, participation des délégués d’éducation sociale, surveillance par le commandant de cercle) pour ne pas apparaître comme une « machine de l’administration », alors qu’il recouvre l’ensemble des domaines d’activité : gestion, comité de direction (rôle décisionnaire et d’orientation, organisation des activités), publicité (à travers le magazine Traits d’Union financé par le ministère de la FOM).

10Mais la vision de Cornut-Gentille ne peut se réduire à une simple opération de contrôle politique de la fraction de la jeunesse d’AOF la plus remuante et son projet apparaît beaucoup plus ambitieux. Il souhaite en effet que les centres culturels puissent devenir un « terrain de rencontre et de travail où s’uniront dans un même désir d’évolution et de compréhension les cadres européens et africains20 ». Sa préoccupation part d’un constat : la ségrégation de fait entre les Européens et les Africains21. C’est pourquoi il incite les fonctionnaires à s’investir dans ce projet, mais pas les colons22. L’initiateur des centres culturels a compris qu’entre ces derniers et la jeunesse africaine le fossé culturel, social et politique est déjà trop profond pour penser pouvoir le combler23. L’ambition de Cornut-Gentille est donc raisonnablement œcuménique : il s’agit d’un projet proprement impérial, visant à gouverner sans faire usage de la force. L’enthousiasme évident qu’il manifeste à propos des centres, combiné à son autorité sur les fonctionnaires européens, lui laisse alors penser que la rencontre entre cadres africains et Européens, et le rapprochement des jeunes les plus avancés sur le plan politique avec la jeunesse urbaine non scolarisée peut aider à résoudre l’inquiétante question de la fracture entre cette jeunesse scolarisée et le pouvoir colonial, tout en esquissant de nouveaux rapports sociaux contrevenant à la ségrégation Noirs/Blancs, qui est l’un des moteurs de la radicalisation politique d’une partie de la jeunesse.

Les moyens de l’utopie

11Mais les visées de Cornut-Gentille sont plus larges encore. Le quatrième axe de son dispositif est de permettre un rapprochement entre la jeunesse scolarisée et les « masses africaines24 ». Le mouvement qu’appelle de ses vœux Cornut-Gentille est – assez paradoxalement alors que l’effort de scolarisation est pratiquement à son apogée – une réinsertion des jeunes évolués par le contact avec les ruraux et surtout les chefs. Ce quatrième axe de la stratégie du haut-commissaire révèle en effet la prise de conscience que les intermédiaires traditionnels de l’administration coloniale, qui demeurent généralement fidèles à celle-ci, pourraient, grâce à l’autorité qu’ils continuent d’exercer, canaliser et infléchir le processus de rupture sociale et politique entamé par une partie de la jeunesse urbaine.

12Les centres culturels doivent ainsi permettre de faire, en quelque sorte, « d’une pierre deux coups » : favoriser par la création de ce nouveau lieu de sociabilité le contrôle social de la jeunesse urbaine scolarisée et rapprocher toutes les composantes de la société coloniale, les centres culturels devenant les laboratoires expérimentaux par la médiation desquels la société résolverait idéalement ses antagonismes. Les centres culturels doivent être les sanctuaires d’une « synthèse25 », empruntant aussi bien aux apports européens qu’aux représentants des sociétés traditionnelles, pour réintégrer socialement et politiquement une jeune élite en instance de rupture. Cet œcuménisme paraît au premier abord plus habile que la pure et simple assimilation, mais il constitue en soi un défi à la réalité. Il y a un certain romantisme de la réforme dans les aspects programmatiques des centres culturels.

13Le programme de mise en place est réalisé entre le dernier trimestre 1953 et le premier trimestre 195826. De gros moyens sont consacrés à la construction des centres : la plupart de ceux-ci sont des bâtiments neufs, en dur. Début 1954, 28 centres culturels sont déjà construits, pour des surfaces d’occupation allant de 200 à 450 m². Fin 1956, on en dénombre 13927 : 14 au Sénégal, 6 en Mauritanie, 21 au Soudan, 16 en Haute-Volta, 16 en Guinée, 36 en Côte d’Ivoire, 9 au Niger et 21 au Dahomey. Le budget de construction est élevé puisque, entre 1953 et 1956, 259 millions de francs CFA ont été déboursés sur le budget de la fédération28. Fin 1957, 170 centres culturels sont en place dans toute l’AOF, où ils forment un maillage serré (bien qu’inégalement répartis selon les territoires), et sont présents dans les principaux chefs-lieux. La réalisation effective de ce lourd programme le place parmi les objectifs prioritaires du Gouvernement général. Ces investissements massifs consentis par la fédération sont accompagnés du financement d’une partie des activités, notamment la constitution d’une bibliothèque, l’acquisition de matériel de projection, de jeux, de fournitures administratives et d’entretien.

14Les activités proposées par les centres culturels reflètent au plus près la politique sociale et culturelle du haut-commissaire. Chaque centre est doté d’une bibliothèque, achalandée par une littérature exclusivement francophone, et concernant prioritairement la métropole29. Pourtant, les contraintes budgétaires ne permettent pas de constituer un fonds de livres30, chaque centre doit donc commander à Dakar31 le prêt d’ouvrages. En revanche tous les centres sont abonnés à un certain nombre de périodiques dont l’énumération est déjà une première indication de l’orientation pédagogique et culturelle souhaitée par Cornut-Gentille. On trouve trois types de journaux, ceux consacrés aux affaires coloniales (Marchés coloniaux, France Outremer), procoloniaux et partiellement financés par le ministère de la FOM ; des périodiques d’information générale (France Illustration, Paris-Match) renvoyant une image séduisante de la France, ou plus spécialisés (Le Chasseur français, Elle), et des revues sportives (But Club, Le Miroir des sports). Enfin, les centres culturels publient leur propre revue, Traits d’Union, qui reflète parfaitement cette volonté œcuménique de « fusion sociale ». La totalité des publications proposées ont un point commun : il n’y est que très peu question de politique métropolitaine32. C’est donc une image apaisante de la France qui est donnée à voir. Dans une AOF en pleine ébullition politique, dans un contexte de mutations urbaines et sociales rapides, cette image est renvoyée comme modèle. C’est un modèle dans lequel, idéalement, les conflits n’ont pas cours, et qui répond parfaitement à l’objectif de pacification sociale et politique dévolu aux centres culturels par Cornut-Gentille.

Transposer la propagande coloniale en AOF

15Les abonnements à ces périodiques sont complétés par l’organisation de conférences itinérantes et d’un programme de projections de films. Les conférences sont écrites par les services sociaux du Gouvernement général. Ce sont des conférences types, destinées à tout centre qui en ferait la demande. Les illustrations sont fournies par l’Agence économique de la France d’outre-mer et par le service iconographique de la Documentation française. Les thèmes de celles-ci sont très significatifs de l’orientation culturelle et pédagogique souhaitée par Cornut-Gentille. Plusieurs concernent l’Afrique du point de vue de l’administration coloniale : une conférence sur Dakar décrit les réalisations urbaines, les services sociaux, les services d’hygiène, les bâtiments d’enseignement et les populations ; une deuxième est consacrée à l’organisation et à la bonne marche des services de la Fédération. Les autres conférences portent sur Paris, Versailles, les châteaux de la Loire ou des pays étrangers (Hollande, Suisse, Allemagne, URSS, États-Unis, Canada, Japon)33.

16Les conférences consacrées à l’Afrique coloniale sont ainsi largement inspirées par un souci d’autopromotion de la fédération et manifestent la volonté d’étendre la propagande coloniale au public africain34. Second point, les conférences types sont majoritairement consacrées aux pays occidentaux, aucune ne traitant d’aspects des cultures africaines. Ces conférences sont donc en adéquation avec les choix de périodiques destinés aux bibliothèques. En dehors de ces conférences types, des conférences organisées sur l’initiative d’associations résidentes sont présentées (elles ne sont pas destinées à circuler dans les autres centres). Réalisées généralement par des instituteurs africains, elles portent essentiellement sur des problèmes d’éducation. Ces conférences insistent particulièrement sur deux points, la nécessité d’une extension rapide de l’enseignement (éducation de base, enseignements primaire, secondaire et supérieur), et le rôle des jeunes élites scolarisées, notamment des étudiants. Ceux-ci doivent devenir les missi dominici de l’essor de l’éducation, en participant à l’éducation de la masse35.

17Les thèmes des expositions itinérantes correspondent à ces perspectives. Trois expositions sont prévues, la première sur l’amélioration de l’habitat, la seconde sur l’effort des SMPR36 et la troisième sur les provinces françaises37. L’exposition sur l’amélioration de l’habitat puise dans l’iconographie constituée par l’Agence économique de la France d’outre-mer et fonctionne sur la comparaison entre les cases traditionnelles et les réalisations modernes, sur le registre passé/présent, valorisant les réalisations coloniales modernes. Le thème de l’exposition s’inscrit donc parfaitement dans une démonstration expliquant la supériorité, fondée sur le progrès technique, de la civilisation européenne sur les sociétés africaines. La deuxième exposition sur les SMPR fonctionne sur le même principe que la précédente, la valorisation des progrès induits par la colonisation38 (ici dans l’agriculture africaine, considérée comme improductive). Enfin, la troisième exposition sur les provinces françaises, conçue sur le mode d’une exploration touristique, présente les merveilles architecturales, les paysages, les modes de vie, et les transformations liées à la révolution industrielle des provinces françaises : un parcours exaltant qui démontre la profondeur historique des racines culturelles nationales, la parfaite harmonie entre des provinces « complémentaires », la puissance d’un progrès technique maîtrisé. L’exposition pose ainsi une fois de plus, clairement, la métropole en modèle à suivre.

18Parallèlement, des tournées cinématographiques sont organisées. Le programme est largement doté, puisque pas moins de sept voitures-cinémas sont en circulation en 195639. Près de deux cents films ont été sélectionnés (documentaires, fictions et projections de diapositives)40. La circulation d’une voiture-cinéma démarre dès mars 1954, deux administrateurs stagiaires ayant été désignés pour animer des soirées cinéma dans les centres culturels41. Le programme envisagé en 1954 est proche des thèmes des expositions et des conférences. Il s’agit avant tout de faire découvrir et aimer la France et de valoriser son action outre-mer. Pourtant, au cours des années 1954-1955, la programmation se diversifie. Une série de films d’aventures est proposée, ainsi que des grands classiques du cinéma français, et des films d’éducation sportive. Les films de fiction doivent respecter certaines contraintes morales : pas d’érotisme ni de violence (dans le souci de se conformer aux codes moraux religieux, musulmans et chrétiens), ni bien sûr de films politiquement corrupteurs42. Ce sont donc des films édifiants sur la colonisation française, tels L’homme du Niger, L’appel du silence, Le bled ou Sentinelles de l’Empire, ou des films d’aventures tels Mermoz ou À l’assaut de l’Himalaya qui sont privilégiés dans la sélection des Affaires sociales. Le thème de l’aventure comme métaphore de la conquête du monde par les Européens (et de la légitimation de cette conquête) est le dénominateur commun de ces réalisations. Ainsi, L’homme du Niger décrit les efforts d’un colon pour construire un barrage sur le Niger. Homme de caractère et de volonté à l’image de ses pairs, il entraîne une population africaine à l’origine réticente, voire ataviquement engourdie et subjuguée par d’invraisemblables croyances, heureusement bientôt enthousiaste de voir ainsi son destin pris fermement en main. Le bled célèbre la construction de l’Algérie après sa conquête. Ces deux films (1939 et 1929) furent directement commandés à Jacques de Baroncelli et Jean Renoir par le ministère des Colonies, le second pour célébrer le centenaire de la conquête de l’Algérie. Sentinelles de l’Empire magnifie les exploits de spahis confrontés à de redoutables « tribus berbères » dans les confins sahariens, alors que L’appel du silence est une hagiographie extatique du sacrifice du père de Foucault pour l’essor de la christianisation en Afrique du Nord. Mermoz et À l’assaut de l’Himalaya subliment les exploits technologiques et humains de héros blancs à la conquête symbolique du monde. C’est une sélection filmographique parfaitement cohérente avec les thèmes des autres actions destinées aux centres culturels.