Modes de désanthropisation des concepts

1Compte tenu des dires précédents, cette partie suggère des pistes pour désanthropiser les concepts. Il y en a certainement d’autres et bien d’autres notions auraient pu être essayées. Les contributions se regroupent autour de deux genres (des bilans des entreprises récentes, notamment en éthologie, ou des menées plus personnelles) et elles empruntent deux voies  : par glissements progressifs à l’intérieur d’une discipline, ici l’éthologie, ou par croisements avec d’autres sciences, en particulier des sciences humaines, habituées à penser des êtres complexes. Ces auteurs décloisonnent donc pour désanthropiser les concepts, de la même manière que d’autres, en troisième partie, désanthropiseront pour décloisonner, les deux aspects étant liés. Les contributions s’achèvent sur une proposition de redéfinition, voire de renomination du concept en question.

2Pour cela, il faut laisser une souplesse aux définitions conceptuelles, se garder de concepts bien (trop) précis, alors trop souvent configurés dans la version qu’on connaît le mieux, c’est-à-dire humaine, voire européenne et même d’une époque donnée, ce qui fait tomber dans les pièges de l’anthropocentrisme et de l’ethnocentrisme. Car nos concepts ne sont que situés  : dans le temps comme le montrent les historiens, dans l’espace comme le prouvent les ethnologues et parmi les vivants comme des éthologues commencent à le dire. Ce n’est pas verser dans l’impressionnisme flou que d’accorder, au moins au préalable, une souplesse et une variabilité aux concepts. C’est se donner les moyens de poser des questions fortes, de regarder avec curiosité, de ne pas clore la recherche en l’entamant ; c’est laisser le plus de potentialités à des animaux qu’on connaît encore très mal ; c’est se permettre de voir et d’accepter la diversité des mises en œuvre et des intensités des facultés pour finalement forger peu à peu des définitions bien élargies, bien décentrées de ces capacités et des concepts adjacents1. D’autre part, aboutir à des définitions élargies, montées en abstraction n’est pas verser dans le flou, le vague donc l’inopérant. Cela a été fait en sociologie, à l’instar de Norbert Elias pour les concepts d’individu et de personne2, ou bien en anthropologie pour éviter l’éthnocentrisme, par exemple à propos de la pensée ou de la culture3. Il n’y a aucune raison de ne pas procéder ainsi pour les animaux afin de réduire l’anthropocentrisme, en veillant ensuite à spécifier.