• Contenu principal
  • Menu
OpenEdition Books
  • Accueil
  • Catalogue de 15530 livres
  • Éditeurs
  • Auteurs
  • Facebook
  • X
  • Partager
    • Facebook

    • X

    • Accueil
    • Catalogue de 15530 livres
    • Éditeurs
    • Auteurs
  • Ressources numériques en sciences humaines et sociales

    • OpenEdition
  • Nos plateformes

    • OpenEdition Books
    • OpenEdition Journals
    • Hypothèses
    • Calenda
  • Bibliothèques

    • OpenEdition Freemium
  • Suivez-nous

  • Lettre d’information
OpenEdition Search

Redirection vers OpenEdition Search.

À quel endroit ?
  • Éditions de la Sorbonne
  • ›
  • Homme et société
  • ›
  • Les biens communs en perspectives
  • ›
  • Valeur
  • ›
  • L’argent : bien commun au sein des grand...
  • Éditions de la Sorbonne
  • Éditions de la Sorbonne
    Éditions de la Sorbonne
    Informations sur la couverture
    Table des matières
    Liens vers le livre
    Informations sur la couverture
    Table des matières
    Formats de lecture

    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Indivision et mutualité : modèles d’une propriété et d’un crédit collectifs Solidarité et union : principes de gouvernance du système des « grandes familles » Une action collective efficace pour la communauté mais… pour le territoire ? Notes de bas de page Auteur

    Les biens communs en perspectives

    Ce livre est recensé par

    • Nicolas Guillet, Lectures, mis en ligne le 1 septembre 2021. URL : https://journals.openedition.org/lectures/50903 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.50903
    • Armelle Mazé, Œconomia, mis en ligne le 30 décembre 2022. URL : https://journals.openedition.org/oeconomia/13434 ; DOI : https://doi.org/10.4000/oeconomia.13434
    • Laurent Dalmas, Sociologie du travail, mis en ligne le 14 novembre 2023. URL : https://journals.openedition.org/sdt/44258 ; DOI : https://doi.org/10.4000/sdt.44258
    Précédent Suivant
    Table des matières

    L’argent : bien commun au sein des grandes familles du Nord ? (Région lilloise, 1850-1914)

    Jean-Luc Mastin

    p. 201-216

    Texte intégral Indivision et mutualité : modèles d’une propriété et d’un crédit collectifs Une propriété collective tendant à l’indivision Un crédit collectif et mutuel Solidarité et union : principes de gouvernance du système des « grandes familles » Au sein des familles Au sein des corporations Une action collective efficace pour la communauté mais… pour le territoire ? Défense de l’autonomie régionale et intégration au système national Pérennité et expansion du commun, tragédie du territoire Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1La notion de « bien commun » (ou de « commun ») permet de revisiter l’analyse que j’ai faite dans ma thèse, de la « main visible » des « grandes familles » de la région lilloise, i.e. leur emprise sur l’économie et le système financier régionaux au deuxième xixe siècle1. Ces « grandes familles » se définissent comme des familles riches et puissantes, qui constituent de longues dynasties d’entrepreneurs dans l’industrie, le négoce et la banque. Majoritairement catholiques et fécondes, elles pratiquent assidûment l’endogamie et font de la région lilloise un vaste cousinage. Elles se pensent et se présentent comme une élite attachée au territoire : familles nourricières faisant vivre des milliers de foyers, elles prétendent avoir un sens aigu des responsabilités sociales, par opposition au capitalisme financier. Elles contrôlent les secteurs clés de l’industrie régionale (textile, charbonnages du Nord et du Pas-de-Calais, industries alimentaires) ainsi que les banques locales et régionales et le marché financier. À travers les réseaux de liens financiers et familiaux intriqués, elles organisent et régulent les marchés, et en fin de compte, enferment le territoire dans la mono-industrie textile.

    2Il ne fait a priori pas de doute que l’argent soit un bien privé, soumis au cadre juridique hérité de la Révolution et défini par les Codes (civil, de commerce, pénal). D’une part, la propriété privée, maintenue dans le carcan idéologique de l’individualisme possessif, limite étroitement l’indivision et rend impossible toute propriété collective. D’autre part, la loi Le Chapelier, appuyée par le Code pénal (art. 419), impose le modèle d’une société atomisée, interdit la coalition pour éviter le retour des corporations et préserver la « concurrence naturelle et libre du marché ». Et l’association, qui reste suspecte aux yeux du législateur, est étroitement encadrée par le Code de commerce (sociétés commerciales et civiles), puis par la loi Waldeck-Rousseau (syndicats professionnels) et la loi de 1901 (associations civiles). Pourtant, comme Jean-Pierre Hirsch l’a montré2, dès les lendemains de la Révolution, les négociants et les manufacturiers expriment le besoin de se concerter, de coopérer, de réglementer et de mettre en commun. Et, pour une époque moins reculée, les sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot soulignent aussi l’ambivalence du comportement de la grande bourgeoisie, en évoquant son « individualisme théorique (et son) collectivisme pratique ».

    3En faisant système, les « grandes familles » élaborent une propriété collective. On est même étonné de voir à quel point on retrouve six éléments d’une définition générique des « communs »3 :

    1. l’argent (fortune, capital, crédit) est une ressource exploitée et gérée par une communauté identifiée (entité non réductible à un agrégat d’individus intéressés) ;
    2. la « gouvernance » de cette communauté repose sur un système de règles coproduites par les membres de cette communauté, auquel s’ajoutent un système d’autocontrôle (self-monitoring) et un système peu coûteux de résolution des conflits ;
    3. c’est une construction sociale et historique (et non quelque chose de spontané) ;
    4. elle est tournée vers l’action collective (qui a pour objectif la pérennité et l’accroissement de la ressource) ;
    5. elle repose sur un système de relations sociales fondées sur la coopération, la solidarité, l’interdépendance, qui limite l’autonomie individuelle au profit du collectif ;
    6. elle rejette le marché autorégulateur et l’intervention de l’État comme non efficaces.

    4On pourra s’en convaincre en montrant d’abord comment les pratiques prouvent que la propriété et le crédit sont pensés comme collectifs au sein des « grandes familles » du Nord, puis sur quelles règles, quelles normes et quelles valeurs coproduites elles ont fondé leur « gouvernance ». On évaluera ensuite l’efficacité d’un tel système, pour la communauté en question, et pour le territoire à l’origine de la ressource.

    Indivision et mutualité : modèles d’une propriété et d’un crédit collectifs

    5Au sein des « grandes familles », le rapport à l’argent (patrimoine, capitaux, crédit) est moins individuel que collectif : l’individu y prend part mais ne les possède pas absolument ; la communauté — qui n’est pas une somme d’individus ni de familles, mais une réalité qui les dépasse et les englobe — est un acteur économique collectif (et dont la conscience est agissante) dépourvu de personnalité juridique4. Ceci résulte d’abord d’une pratique sociale, l’endogamie, mais aussi de pratiques financières (investissement, crédit) et d’une certaine inventivité juridique.

    Une propriété collective tendant à l’indivision

    6La pratique assidue de l’endogamie, par renchaînements et redoublements d’alliances, enchevêtre les généalogies, fait de la région lilloise un vaste cousinage (il est impossible de circonscrire chaque « famille »5) et produit de fait un patrimoine commun : les déclarations de succession montrent à quel point les fortunes et les entreprises sont interdépendantes. Il en résulte une solidarité financière de fait des groupes familiaux, et la conscience d’un héritage commun, dont les vivants ne sont que les dépositaires et qu’ils doivent transmettre et accroître.

    7Partiellement confondu dans le patrimoine, le capital des entreprises est lui-même constitué, en tout ou partie, en une indivision de fait, bien au-delà des normes du Code civil : certaines successions tardent à être liquidées, les héritiers-associés préférant prolonger l’indivision au-delà des cinq années légales6 ; un autofinancement élevé, combiné au verrouillage du capital, conduit les administrateurs de la SA des Établissements Kuhlmann, après la mort du fondateur (1881), à transformer des bénéfices laissés sur les comptes courants des actionnaires afin de constituer un fonds de roulement, en actions restant à la souche (ce qui est illégal). De même, au sein des cartels, l’indivision constitue un moyen de se contraindre collectivement à l’union, en vue d’une campagne de concentration : en 1888, les huit peignages membres du Syndicat des peigneurs de laine de Roubaix-Tourcoing créent une « société d’indivision », où chacun intervient pour un huitième, et qui rachète le peignage Morel, devenu « Peignage de l’Union ». Le procédé est légal. Mais loin de se limiter aux ressources juridiques du Code civil, les « grandes familles » innovent, et élaborent à l’échelle du territoire une indivision en réseau, diffuse, discrète, situant la propriété dans un en deçà de la loi.

    8L’apparente dispersion du capital en de multiples sociétés a, en effet, fait croire à maints historiens à la faible concentration du capital, et donc à la structure concurrentielle du textile français. Dans les faits, derrière la multiplicité de firmes aux raisons sociales parfois très proches, se cachent des groupes puissants, structurés en réseaux de sociétés sœurs (d’aucuns parlent de « constellations » ou de « galaxies » pour souligner l’absence apparente de structure), reliées par des participations personnelles (et non sociales) et des liens familiaux. Telle est la structure majoritaire des groupes familiaux du Nord, dont le groupe Mulliez (grande distribution) n’est aujourd’hui qu’un fidèle avatar : ce ne sont pas des structures pyramidales formées par l’emboîtement juridique et financier de sociétés mères, de filiales et de participations7. Et cette forme souple présente maints avantages8. Or, ces participations personnelles ne sont pas individuelles mais valent mandat du groupe ou de la famille (ce qui est équivalent)9. La propriété du capital n’est pas conçue comme individuelle, mais se situe dans un en deçà des normes juridiques, celui des liens du sang : les pactes de famille (conventions privées et secrètes, instaurant des règles dont l’énonciation et le respect reposent sur les liens du sang) nuancent ou contredisent les contrats de société (selon l’expression consacrée, ils viennent « rendre hommage à la vérité ») ; le seul lien père-fils vaut lien de groupe10.

    9À l’échelle du territoire, ces pratiques créent une indivision en réseau, que la formule du pacte de famille fondateur du groupe Mulliez (années 1950) permet de saisir en trois mots : « tous dans tout11 ». Elle prend quatre formes :

    1. un réseau de quasi-participations croisées, entre groupes prétendument concurrents et réellement solidaires (l’interpénétration des capitaux se combine à celle des arbres généalogiques) ;
    2. des coalitions de familles en grosses SNC (sociétés en nom collectif) ou SA (sociétés anonymes), où la propriété du capital est souvent égalitaire, et qui se forment de trois façons :
      • par coalescence des capitaux de la parenté. Ainsi, la SNC Motte-Bossut fils réunit, après la mort du fondateur, les quatre branches familiales issues de ses quatre fils : au sein de ces branches, on agglomère tous les capitaux, y compris ceux des épouses et des filles ; pour éviter une gérance pléthorique, on distingue des ANC passifs et des ANC actifs, ces derniers représentant chaque branche au sein du conseil de gérance ;
      • par association de deux familles, consolidées ensuite par des mariages. Ainsi le groupe lainier Prouvost résulte de l’association des familles Prouvost et Lefebvre ;
      • par création de sociétés par actions assurant le contrôle collectif de grandes entreprises régionales, jugées stratégiques, dont le capital est verrouillé : entreprises familiales textiles en difficulté12 ; charbonnages (Mines de Lens) sous la forme de société civile par actions ; chimie (Ets Kuhlmann) ;
    3. de grands bailleurs de fonds (« capitalistes » comme Florentin Eloy-Duvillier et veuves multimillionnaires) mettent en réseau les groupes familiaux, assurent la circulation des capitaux et de l’information et alimentent les entreprises en capitaux empruntés à la Banque de France, en particulier par l’escompte direct ;
    4. le Crédit du Nord est le prolongement institutionnel de cette propriété collective : cette banque régionale est le cœur d’une constellation formée des plus grandes entreprises régionales, non par des participations industrielles inscrites à l’actif de ses bilans, mais par de multiples liens familiaux et participations personnelles de ses administrateurs (Ets Kuhlmann ; Mines de Lens ; Ets Agache, filature et tissage de lin à Pérenchies) ; constellation qui se dilate après 1881 (intégration des Mines de Carvin, des distilleries Tilloy-Delaune, etc.).

    10Ainsi se réalise l’intégration financière du territoire régional. Elle va de pair avec une mutualisation de l’information économique et du crédit.

    Un crédit collectif et mutuel

    11Car le crédit lui-même est collectif, à l’échelle de la famille comme de la place. La valeur d’une signature repose moins sur des garanties individuelles, honneur commercial (le respect des engagements) et garanties « réelles » (immeubles à hypothéquer, titres en nantissement), que sur la puissance du réseau familial auquel elle appartient, c’est-à-dire sur la force et l’étendue des solidarités, qui, par la mobilisation des ressources du groupe, évitent à l’individu, en toute discrétion, le défaut de paiement ou la honte de la faillite. Aussi, les liens de parenté et la qualité des alliances, affichée en partie dans le double patronyme, sont des critères primordiaux dans l’évaluation du crédit d’un individu. Pour les banquiers, l’Annuaire généalogique des grandes familles, publié depuis 1912, est le vademecum indispensable pour réduire les asymétries d’information. « Bon sang ne saurait mentir. » Les solidarités familiales ne sont certes pas homogènes : leur intensité dépend de la force des liens (proximité de parenté et affective) et d’une dose de calcul (rapport profits/risques). Mais, nécessité résultant de l’interdépendance des patrimoines, elles ont d’abord pour fonction de sauvegarder « l’honneur du nom », c’est-à-dire aussi pour chacun son propre crédit. Impératif d’autant plus grand que la préférence est donnée au crédit personnel, notamment au découvert, sur tout crédit réel comme l’avance garantie. C’est pourquoi la solidarité est consacrée en valeur au sein des familles. En retour, chaque individu est soumis aux pressions du groupe pour ne pas compromettre cet « honneur du nom » par des spéculations ou des investissements hasardeux : le droit d’user de cette ressource fait l’objet d’un contrôle collectif.

    12À l’échelle de la place, les grandes valeurs régionales (i.e. les titres des grandes entreprises collectives évoquées plus haut, comme les Mines de Lens, dont la gestion est reconnue, à Paris même, comme étant celles de « bons pères de famille ») qui, inscrites ou non à la cote de la Bourse de Lille (et, pour beaucoup de charbonnages après 1901, à la Bourse de Paris), se diffusent dans les portefeuilles des grandes familles essentiellement hors du marché boursier, constituent un magot collectif qui garantit le crédit de la place.

    13Les circuits informels du crédit forment une « mutualité du crédit » (J.-P. Hirsch) qui renforce la solidarité de place. Au niveau micro-économique, l’analyse des inventaires et des bilans d’entreprises montre en effet que l’autofinancement, si élevé soit-il, n’empêche pas un endettement important, essentiellement à court terme (parfois à long terme) : il finance la croissance interne des entreprises (le fonds de roulement, voire une partie des immobilisations) et permet de dégager les fonds propres nécessaires à l’essaimage (créations de nouvelles entreprises). Il est donc indirectement au service de l’expansion des groupes. Or, les comptes courants, les avances personnelles, les commandites, puis le crédit fournisseur l’emportent largement sur le crédit bancaire. À l’échelle de la place se dessine donc un réseau de dettes mutuelles, voire de quasi-participations croisées, entre groupes familiaux. Or, cet endettement mutuel est entretenu. Car, loin d’être condamné, l’endettement est érigé en vertu : c’est un signe paradoxal de puissance sociale et de crédit, par lequel se renouvelle la confiance des pairs (processus d’inter-reconnaissance), et qui entretient la solidarité de la place. Plus généralement, l’indépendance est condamnée ; au contraire, l’interdépendance est valorisée et entretenue. Le marché des capitaux répond ici à des logiques sociales. Et les banques locales et régionales, qui n’échappent pas à la trame intégratrice des liens familiaux (ainsi les Verley et les Scalbert contractent des mariages dans la même famille Decoster) et des participations personnelles (certains administrateurs du Crédit du Nord sont, par exemple, au capital de la banque Verley, Decroix & Cie), ne sont que le prolongement institutionnel de cette mutualité du crédit.

    14Combinées à l’enchevêtrement de liens familiaux, indivision et mutualité servent l’action collective et achèvent de fermer la place aux agents extérieurs. Mais avant de juger de son efficacité, on veut comprendre comment ce système s’institue et se reproduit.

    Solidarité et union : principes de gouvernance du système des « grandes familles »

    15Quelles normes, quelles valeurs et quelles règles régissent le système des grandes familles ? Comment et où sont-elles produites ? Quelles structures et quelles procédures permettent l’expression des intérêts individuels et la résolution des conflits internes (i.e. la régulation du système) ? Ce « commun » étant le produit d’une construction historique, sociale, culturelle, et d’une énonciation, il faut être attentif aux discours produits au sein des deux institutions fondamentales de cette communauté : la famille et la corporation.

    Au sein des familles

    16La solidarité (au sein des familles et entre familles) est fondée sur la conscience d’une identité collective, d’appartenance à une communauté fondée sur les liens du sang, et qui se définit à la fois par opposition aux « étrangers » (i.e. ceux qui sont extérieurs à la parenté et aux grandes familles ; le terme n’a qu’en partie une signification territoriale) et comme une élite (sentiment aristocratique qui n’est autre qu’une conscience de classe). L’Annuaire généalogique des familles dit qui en est, et, en négatif (par l’absence), qui n’en est pas ou plus (faute de réussite ou de descendance). C’est le signe d’un double processus d’intégration et d’exclusion, qui agrandit la communauté tout en préservant sa cohésion : le seul facteur d’intégration est le mariage13, tandis que les branches déchues, qui n’ont pas bénéficié de la solidarité familiale, font l’objet d’un tabou.

    17C’est que les liens du sang ne font pas tout, et, malgré le silence séculaire qui les entoure, des conflits entre héritiers transparaissent parfois dans les archives. La solidarité n’est, en effet, ni spontanée ni automatique. Elle est moins un réflexe pour un cousin ou un neveu que pour un fils ou un frère. Elle résulte de la résolution d’une tension entre, d’une part, la conscience du devoir, auquel une sœur rappelle son frère ou un père âgé son fils, en faveur de neveux ou d’un gendre, et, d’autre part, la volonté de préserver ses propres intérêts et ceux de ses héritiers, c’est-à-dire ceux de sa branche, et le calcul des profits (pas seulement financiers) qu’on peut retirer d’un tel soutien. Deux figures incarnant deux logiques opposées se répondent ici et là dans les correspondances familiales : le patriarche retiré des affaires, témoin de l’inconstance de la fortune, appelle son fils à une solidarité « large et généreuse » ; son fils, aux commandes de l’entreprise, partisan d’une solidarité élective et sélective, la réserve à ceux qui la méritent14. Ceux qui manquent d’esprit d’entreprise sont sacrifiés et doivent partir (au Maroc, en Algérie, en Amérique du Nord ou du Sud, en Australie…), alimentant la diaspora mondiale des grandes familles, et participant ainsi finalement à la fortune commune.

    18L’union et la solidarité prévalent cependant. Elles procèdent d’une construction sociale accomplie au cours de rituels. Grands repas de famille, jubilés, centenaires d’entreprises ou de naissance de fondateurs, enterrements constituent autant d’occasions de commémoration : à travers le récit du mythe fondateur, les chefs de famille célèbrent ces deux valeurs qui ont fait la prospérité et la longévité du groupe. Ces rituels sont immortalisés dans des publications internes, qui, avec les généalogies publiées dans chaque famille, participent de la transmission à la jeune génération du mythe et des valeurs : cousins et petits-cousins sont appelés à perpétuer le geste originel des frères fondateurs, c’est-à-dire à maintenir la solidarité entre les groupes alliés15. Ils inculquent ainsi à l’héritier la conscience d’une autonomie limitée tant par atavisme professionnel que par devoir de transmettre et d’augmenter un patrimoine dont il est dépositaire mais non propriétaire. Le statut d’héritier est une limite morale à la propriété, et porte à un réflexe conservateur.

    Au sein des corporations

    19Solidarité et union se construisent aussi au sein des organisations corporatives. Même si officiellement, les grands chefs d’entreprise déclarent leur attachement à la compétition, ils s’empressent de conclure des ententes. Il est vrai qu’entre confrères-concurrents-cousins-alliés, les tendances à la coopération l’emportent sur celles à la concurrence. Coopération et concurrence sont comme ombre et lumière : elles alternent, s’interpénètrent et se justifient réciproquement. C’est ce que montrent les archives du cartel des Peigneurs de laine entre 1881 et 1914 où on voit l’action collective se construire dans la tension entre les intérêts individuels et la recherche d’un intérêt commun16, par trois moyens.

    1. 1o Rédaction d’une « constitution », dont le préambule fixe le but de l’action collective : restaurer la « bonne concurrence » (vs la « concurrence naturelle et libre » du Code civil, qui est une « concurrence ruineuse »). Outre un accord sur les tarifs et conditions, et le gel des capacités de production, elle met en place des institutions : un organe exécutif (le bureau), un législatif (l’assemblée générale), et un judiciaire (« tribunal », de préférence « de famille » i.e. dont les juges sont des peigneurs, pour éviter des fuites qui profiteraient aux fabricants et négociants). Enfin, la solidarité est instituée dans une tontine, qui mutualise une partie des chiffres d’affaires, et qui évolue, d’une simple « mutualité » (cotisations pour l’indemnisation des peigneurs « malheureux », c’est-à-dire qui ne font pas leur production « normale ») à une association en participation (mise en commun d’une partie du chiffre d’affaires, et redistribution au prorata des capacités de production de chacun). Mais ces institutions sont moins le moteur que le résultat d’un processus de consolidation des solidarités.
    2. 2o Un travail collectif de coproduction de normes, de règles et de valeurs se fait dans les assemblées générales et la correspondance : par le débat (discussion de la règlementation et recherche d’amendements) ; par la mise en scène du conflit entre intérêts individuels et intérêt collectif (dénonciation de fraudes, évocation du double jeu généralisé, de l’impuissance de la justice syndicale ; mais aussi appel à la mobilisation générale, par le recours au tragique, et évocation d’un collectif réifié, la « Mutualité », ou le Syndicat étant doué de volonté) ; par la définition d’une éthique professionnelle (rester de purs façonniers, ne pas faire de forfait ou de participations i.e. d’opérations commerciales). Favorisé par l’homogénéité gagnée en 1884 par l’exclusion des peignages périphériques (Douai, Amiens, Avesnes), ce travail doit beaucoup à l’autorité des chefs de grands groupes (surtout Eugène Motte). Il produit une réglementation de plus en plus contraignante et de plus en plus complexe. Mais comment les membres du cartel en viennent-ils à accepter une limitation si forte de leur autonomie ?
    3. 3o C’est en raison des « sacrifices » collectifs consentis au cours de trois campagnes de « riblonnage » (1888-1889, 1901, 1908-1909) : rachats et destruction de peignages constituent un ciment puissant pour le cartel, tant en raison de leur clandestinité que de la solidarité financière très étroite qu’ils établissent, et de leur efficacité : au début du xxe siècle, le cartel est puissant face aux négociants (qui ne discutent plus les prix) et aux dissidents, qui le rejoignent (Holden) ou s’alignent sur les tarifs ; une rhétorique des vertus du sacrifice se met en place (tout individualisme est condamné comme « égoïsme » ; Eugène Motte appelle à l’abnégation, à renoncer à son individualité propre, à « ne faire qu’un » ; le champ de l’action collective s’étend à une caisse antigrève (1911).

    20Ainsi instituées au sein des familles et des corporations, la solidarité et l’union n’empêchent certes pas les tensions (entre héritiers, au sein des ententes, entre corporations). Mais ce qui prime, c’est la cohésion face aux « étrangers », à l’État et au marché. Pas tant dans l’intérêt du territoire que dans celui de la communauté.

    Une action collective efficace pour la communauté mais… pour le territoire ?

    Défense de l’autonomie régionale et intégration au système national

    21La résistance collective à la centralisation des marchés financiers est ambiguë. Les sociétés par actions qui constituent les piliers de l’économie régionale (textile, industries alimentaires, Kuhlmann pour la chimie de base) sont tenues résolument à l’écart des marchés boursiers. Leur capital est systématiquement verrouillé (actions nominatives, autorisation préalable du conseil d’administration pour l’entrée d’« étrangers » au capital, voire droit de préemption du conseil d’administration) et leur financement se fait en circuit fermé : les émissions d’actions et d’obligations sont réservées aux actionnaires et à leurs familles (quitte à adapter l’émission à l’offre de souscription) ; les comptes courants sont consolidés en obligations, lesquelles sont remboursées sur les comptes courants… Pourtant, quelques grandes valeurs régionales telles que le Crédit du Nord et surtout les charbonnages sont inscrits à la cote de la Bourse de Lille, et ces derniers demandent même l’inscription à la cote de Paris (à partir de 1901). Il s’agit de valoriser le magot collectif en élargissant le marché (ce à quoi contribuent aussi les divisions et subdivisions des actions, qui font grimper les cours, sur un marché chauffé par les distributions croissantes de dividendes). En réalité ce magot est étroitement contrôlé. La part du capital flottant faisant l’objet de transactions boursières est faible, l’élargissement de l’actionnariat se fait essentiellement par les partages successoraux. Surtout, leur inscription à la cote parisienne ne change rien à la « gouvernance » des charbonnages : en 1914, les deux tiers des compagnies restent sous la forme hybride de sociétés civiles par actions, qui permet de combiner les avantages de la forme commerciale (responsabilité limitée des actionnaires, actions négociables, recours au marché financier) et de la forme civile (pas de publication des résultats). Les pressions de la presse financière parisienne, qui souhaiterait plus de transparence, ne parviennent guère à réduire le secret et l’opacité maintenus sur la place avec la complicité des agents de change de Lille (eux aussi intégrés dans les réseaux familiaux)17.

    22La résistance à la centralisation des capitaux bancaires n’est pas moins ambiguë. Il y a sans doute un « régionalisme bancaire », et les banques régionales se défendent vaillamment contre la concurrence des établissements de crédit (en 1914, Crédit du Nord et Verley, Decroix & Cie concentrent 80 % des dépôts bancaires). Surtout, la place, puissante, impose ses normes aux banques parisiennes à réseaux nationaux : à Roubaix-Tourcoing, les établissements de crédit sont obligés de s’engager dans de gros découverts et de renoncer à leurs principes de sécurité et de liquidité ; voulant développer son escompte direct, la Banque de France tolère puis consent des « avances déguisées », puis s’engage dans une politique de « découverts de campagne » (1909) qui parfois ne respectent même pas les apparences de l’escompte (papier à une seule signature) ou les exigences de garanties (nantissement de titres insuffisant). La place profite ainsi de la « centralisation des capitaux » : après 1895, l’afflux de crédits consentis à des conditions faibles renforce la pléthore de capitaux et fait chuter le coût du crédit (à court terme), ce qui profite essentiellement aux grands groupes textiles.

    23Enfin, la résistance à l’État central et à ses normes juridiques est évidente à travers le projet régionaliste d’une région dirigée par les « chefs de famille » (début du xxe siècle et surtout après 1918), et le rejet constant de l’intrusion de l’État dans les affaires privées (pactes de famille et autres conventions privées non enregistrées ; sous-valorisation systématique des actifs sociaux permettant en particulier de réduire le coût de leur transmission). Néanmoins, la logique du secret ne peut ignorer totalement les normes juridiques nationales. Ainsi, la confiance sur laquelle reposent les pactes de famille et les « sociétés verbales » n’est pas infaillible. Elle suppose même, pour sécuriser les droits de chacun, la possibilité du recours juridique, c’est-à-dire la sortie du secret. Et, de fait, tout conflit aboutit à une régularisation. Il s’agit donc davantage d’allers et retours entre le secret du pacte et la garantie du droit civil et commercial que d’une clôture hermétique sur des normes privées. De même, au lendemain de la guerre, le calcul des bénéfices de guerre soumis à la « contribution extraordinaire » (loi de juillet 1916) et l’évaluation des dommages de guerre en vue de leur indemnisation (loi d’avril 1919) conduisent fréquemment à l’aveu de la sous-valorisation des actifs sociaux — secret de Polichinelle avant 1914.

    24Au total, la défense de l’autonomie régionale serait le « bien commun ». Tout dépend néanmoins de la façon dont on définit la région. Le « bien commun » est-il le bien de tous, ou plus prosaïquement l’alibi de l’intérêt de quelques-uns ?

    Pérennité et expansion du commun, tragédie du territoire

    25L’examen des rapports de force et des réglementations au sein des cartels montre que l’action collective est détournée par les plus puissants à leur profit. Dirigée vers la concentration de l’industrie à l’échelle nationale (par exemple, la suppression des centres lainiers concurrents) au profit de la « région », elle n’est qu’un jeu de dupes qui profite aux groupes les plus puissants, favorisés d’ailleurs par l’évolution de la réglementation syndicale (ainsi, dans les années 1960, le groupe Prouvost a quasiment absorbé tous ses concurrents membres du cartel des peigneurs).

    26Le commun profite d’autant moins à la région qu’il se déterritorialise. Le système des grandes familles, acteurs importants de la première mondialisation, connaît en effet, depuis la fin du xixe siècle, une expansion internationale : les multinationales familiales investissent (voire délocalisent) en Europe centrale et orientale (Pologne russe, Russie, Allemagne), en Amérique du Nord (côte est des États-Unis), en Amérique du Sud (comptoirs lainiers et estancias d’Argentine et d’Uruguay, crédit foncier), en Australie, en Afrique du Sud ; des investissements collectifs, organisés par quelques banques d’affaires locales (Clairin & Cie, Consortium du Nord), drainent des dizaines de millions de francs à l’étranger (la folie des pétroles de Galicie et de Roumanie entre 1911 et l’été 1914) ; les fortunes s’internationalisent très largement (les portefeuilles de valeurs mobilières des grosses successions ne comptent qu’une minorité de valeurs régionales) ; et la diaspora mondiale des grandes familles facilite ces flux financiers et commerciaux. Dans le même temps, des forces centrifuges minent le territoire : premières délocalisations (peignages Motte vers Czestochowa et Lodz), premiers désengagements (l’héritier des filatures Delebart-Mallet les vend en 1901 à un trust de Manchester ; il en devient directeur, mais se consacre surtout à ses fonctions d’administrateur puis de président du Crédit du Nord), diversification des fortunes (baisse de la part des actifs sociaux). Cette déterritorialisation des fortunes et des investissements n’est d’ailleurs pas contradictoire avec le discours régionaliste, qui porte une définition sociologique et non territoriale de la région : la région, ce sont les grandes familles, et ce qui est bon pour elles l’est pour le territoire. Mais pas l’inverse.

    27Dans le même temps, elles enferment le territoire dans la mono-industrie textile, au moment où la deuxième industrialisation bat son plein. Dès lors, l’équipement électrique et l’industrie électrotechnique sont sous dépendance financière parisienne et belge, et les teintureries sont dépendantes des importations de produits chimiques allemands. Au début du xxe siècle est réaffirmé le choix collectif de la spécialisation textile, justifié par un nouveau mythe : celui de la vocation textile du territoire. C’est que la peur sociale est alors très forte (grèves générales et émeutes de 1903-1904), et l’intégration de la place au système financier national menace le contrôle exclusif des grandes familles sur l’économie régionale. L’urgence est donc à la préservation et à la consolidation de l’héritage collectif. L’industriel cotonnier Georges Motte-Delattre (groupe Motte-Bossut fils) exhorte ainsi ses confrères industriels à limiter les innovations au textile :

    À l’époque où nous vivons, caractérisée par de rapides transformations dans l’ordre scientifique, technique et industriel, une véritable supériorité ne peut s’acquérir que par la spécialisation […]. Ne soyez pas rétrogrades, mais ne soyez pas téméraires ; ne compromettez pas l’œuvre du passé par des ambitions exagérées, par des espérances qui pourraient se changer en déception18.

    28Telle est la condition pour maintenir collectivement le contrôle social sur un territoire qui menace de leur échapper. 1914 semble, en tout cas, être un apogée pour le système des grandes familles. Dès la libération du territoire en octobre 1918, les quatre années de guerre et d’occupation, prétendument catastrophiques19, sont rendues responsables des retards économiques de la région…

    * * *

    29Ainsi, l’analyse du système des grandes familles au xixe siècle montre l’existence historique d’un commun dans la sphère financière, et, inversement, la notion de commun permet de repenser l’étude d’une place financière. Il faudrait certes pouvoir mener des comparaisons avec d’autres places financières périphériques. En attendant, quelques caractéristiques de ce commun apparaissent :

    1. la propriété collective est construite comme une indivision en réseau, diffuse et invisible (en raison de l’enchevêtrement des liens familiaux très intriqués et des liens financiers). Très plastique, elle se joue des normes et croise les formes juridiques au gré de ses besoins. Elle ferme la place aux agents extérieurs ;
    2. ce système se préserve des logiques de marché, vues comme une anomalie, et de l’intrusion de l’État : la primauté des liens du sang fonde la confiance, le pacte prime le contrat. En même temps il tire profit de son intégration au marché et au système juridique national ;
    3. ce système se reproduit, se perpétue, par un processus sélectif d’intégration et d’exclusion et par la construction de mythes (familiaux, professionnels, territoriaux) permettant de surmonter tensions et contradictions ;
    4. c’est un « commun » de classe, réagissant à la peur sociale par un réflexe de conservation (au début du xxe et, pire encore, contre les mouvements sociaux de 1919-1921). Ce n’est pas un commun territorial : l’argent reste un bien volatile, et les délocalisations de guerre rappellent au besoin les grandes facultés d’adaptation du capitalisme familial.

    30Ce système s’est reproduit jusqu’à nos jours (ainsi l’Annuaire généalogique des grandes familles paraît encore tous les cinq ans), non sans mutations : au lendemain de la guerre de 1914-1918, l’État devient un partenaire incontournable de la gestion du commun (fiscalité nouvelle, indemnisation des dommages de guerre) ; au cours des Trente Glorieuses, les grands groupes comme Prouvost cèdent aux sirènes des marchés financiers pour réaliser une croissance externe rapide. L’histoire de ces mutations, et de sa réaction à la crise des années 1970-1980, reste à faire. Elle a en tout cas, à dépasser l’exemple du groupe Mulliez, trop souvent mis en avant comme un modèle de reconversion et de fidélité au territoire, quand bien même cette multinationale de négoce diversifié pratique l’exode fiscal.

    Notes de bas de page

    1J.-L. Mastin, Capitalisme régional et financement de l’industrie, région lilloise, 1850-1914, thèse de doctorat dirigée par Jean-Pierre Hirsch, université Lille 3, 2007.

    2J.-P. Hirsch, Les deux rêves du commerce. Entreprise et institution dans la région lilloise, 1780-1860, Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1991.

    3E. Ostrom, Gouvernance des biens communs. Pour une nouvelle approche des ressources naturelles, Bruxelles, De Boeck, 2010 ; B. Parance, J. de Saint-Victor (dir.), Repenser les biens communs, Paris, CNRS, 2014.

    4Sur la notion de patrimoine commun (de l’humanité), voir les travaux d’A. C. Kiss (1982), de F. G. Trébulle (2007), de J. Charpentier (1998) cités par A. Chaigneau, « L’entreprise à la croisée des doctrines du bien commun », dans B. Parance, J. de Saint-Victor (dir.), Repenser les biens communs, op. cit, p. 155-174.

    5« Une seule et même famille », écrit un descendant actuel dans son blog (http://www.thierryprouvost.com).

    6C’est le cas de la SNC Louis et Jean-Baptiste Lefebvre (société mère du peignage Amédée Prouvost & Cie) entre 1875 et 1891. En novembre 1875, à la mort de Louis Lefebvre, sa veuve et ses héritiers le « continuent » de fait, en indivision. En avril 1891, l’associé, qui a 72 ans, voulant préparer sa propre succession, assigne alors les ayants droit de son frère devant le tribunal de commerce, pour la liquidation de la société, qui entraîne deux mois plus tard celle de la filiale de peignage, qui se transforme alors en SA.

    7Souvent invoqué pour désigner cette structure souple, le « système Motte » (mis en place par Alfred Motte dans les années 1880) est plus précisément un groupe de sociétés en nom collectif ou en commandite qui sont chacune l’association du « capitaliste » (bailleur de fonds) et de « l’artiste » (homme de talent, maîtrisant un savoir-faire), et qui toutes constituent un ensemble d’industries façonnières complémentaires.

    8Les avantages sont de quatre ordres : financier (cloisonnement des bilans qui évite la contagion des risques) ; industriel (spécialisation des firmes favorable à la qualité du produit, et flexibilité du système de la Fabrique mettant en relation donneurs d’ordre et façonniers) ; social (puissance sociale de l’employeur moins visible ; ainsi, en 2009-2010, niant l’existence juridique d’un groupe, les Mulliez ont cru pouvoir échapper à l’obligation de reclassement des salariés licenciés de Pimkie) ; enfin, extension de la surface de crédit. 

    9Dans les actes de société, la faculté des associés en nom collectif (ANC) de « s’intéresser » dans d’autres affaires et/ou de « s’en occuper » est systématiquement soumise au consentement unanime des co-associés. Il arrive que la supériorité des intérêts familiaux sur les intérêts individuels soit explicitement formulée. Dans la société en nom collectif (SNC) Motte-Bossut Fils à Roubaix, il y a socialisation des participations personnelles : les jetons de présence et parts bénéficiaires sont intégralement reversés dans une caisse spéciale, et remplacés par des « émoluments spéciaux et forfaitaires de 1 200 F » (1913), le surplus de cette « petite caisse » étant distribué chaque année, aux AG officieuses.

    10Exemple : en 1910, au sein du cartel des peigneurs de laine de Roubaix-Tourcoing, on incrimine les Prouvost d’enfreindre le gel des capacités productives (interdiction syndicale de monter de nouvelles peigneuses) en créant la SA « La Lainière de Roubaix » (filature) : invoquant le Code civil, Albert Prouvost, à la tête du peignage familial (SA de Peignage) a beau prétendre que la Lainière n’est qu’une affaire montée par les fils des administrateurs du peignage, et que « tout homme majeur ne peut être lié par des engagements pris par son père », il ne convainc aucun de ses confrères.

    11Termes du pacte de famille fondateur du groupe Mulliez, qui, depuis les années 1950, s’imposent aux actionnaires.

    12Trois exemples : 1° les Établissements Wibaux-Florin, vieille entreprise intégrée (filature de coton, tissage des articles de Roubaix et teinturerie), SNC familiale transformée en 1907 en une SA contrôlée par les groupes Prouvost, Mathon et Motte-Bossut ; 2° la Compagnie générale des industries textiles (SCA Allart, Rousseau & Cie : peignage, filature, tissus et feutres à Roubaix et Lodz, Pologne russe), dont le contrôle échappe de plus en plus aux familles fondatrices à partir de 1894, au profit d’autres groupes représentés par Henri Mathon, Jules Masurel, Eloy-Duvillier et François Roussel, qui la transforment en SA en 1912 ; 3° les Établissements Jourdain-Defontaine (filature et tissage de laine) transformés en 1909 en une SCA (société en commandite par actions) dont le conseil de surveillance, présidé par Louis Tiberghien (du groupe Tiberghien Frères), comprend notamment le fabricant François Roussel et le filateur Georges Duvillier.

    13Ainsi Édouard Bollaert, ingénieur des Ponts et Chaussées, très tôt « intéressé » au capital des Mines de Lens, épouse une fille Tilloy (fondateur des Mines de Lens), et devient directeur ; sa fille épouse le banquier Charles Verley. En revanche, le banquier Devilder, originaire de Saint-Omer qui fait concurrence aux banques locales dès les années 1870, est longtemps étranger au système, jusqu’à ce que ses deux fils fassent, dans les années 1890, des « mariages riches et honorables ».

    14AD 59, fonds Masurel (non classé), lettres de François Masurel-Pollet à son fils Edmond Masurel-Baratte, 1909-1913.

    15Lors du centenaire de la naissance d’Alfred Motte (1927), Georges Motte-Watine, petit-fils de Motte-Bossut, s’adresse ainsi à ses petits-cousins descendants d’Alfred Motte :
    « Monsieur Eugène Motte a bien voulu rappeler, et l’a fait avec tant de cœur, la part que mon grand-père a prise dans l’orientation de Monsieur Alfred Motte vers la carrière industrielle […], nous sommes touchés de ce cordial souvenir. Nous nous réjouissons avec lui en constatant que les liens d’affection et de confiance qui ont uni ces frères : Motte-Bossut et Alfred Motte, ont servi d’exemple aux générations suivantes, et non seulement à celles-ci, mais on peut dire à toutes les familles industrielles roubaisiennes, en leur conférant un prestige et une force admirables. À maintes reprises, en des milieux divers, à Roubaix et surtout ailleurs où pareils sentiments sont plus rares, j’ai recueilli l’aveu spontané et plein d’admiration de la puissance que nous avions acquise, pour avoir perpétué l’union que nous ont prêchée nos ancêtres. Perpétuons donc, mes amis, toujours, entre compatriotes, cette féconde union, et aimons toujours à nous retremper à ces sources vivifiantes que sont les souvenirs de nos chers aïeux. »
    La réponse de Fernand Motte, petit-fils d’Alfred Motte, exclut tout individualisme : « c’est la collaboration harmonieuse de tous les rouages qui est le fondement des réalisations les plus hardies ». Les calculs de Motte-Bossut et les griefs d’Alfred Motte à l’égard de son frère aîné lors du règlement de la succession des parents Motte-Brédart en 1871 sont alors oubliés. AD 59, Bib 6289, centenaire d’Alfred Motte-Grimonprez, 1927.

    16ANMT 1999 020, Fonds du Syndicat des peigneurs de laine de Roubaix-Tourcoing (notamment PV d’assemblées générales et correspondance).

    17Cependant, les agents de change près la Bourse de Lille ont vu l’inscription des charbonnages, unique moteur du marché local, comme une rupture de la solidarité de place. Dans une note confidentielle aux Compagnies houillères du Nord et du Pas-de-Calais (1901), ils ont (en vain) tenté de dissuader les administrateurs desdites compagnies de prendre une telle décision : « Un grand inconvénient résulterait pour les Compagnies de la cotation de leurs titres à Paris, ce serait la publicité forcée des résultats des sociétés, la discussion de leurs comptes rendus dans tous les journaux financiers, d’une façon parfois malveillante ou passionnée. Nous croyons que les Compagnies n’ont pas à se plaindre du silence relatif que les journaux observent sur leur compte tant qu’elles ne sont cotées qu’à Lille où le public prend ses renseignements ailleurs que dans leurs colonnes, mais une fois la cote obtenue à Paris, ce sera forcément la publication des bénéfices actuellement obtenus et des comptes rendus annuels, la discussion dans certaines feuilles prévenues ou malintentionnées de la légitimité des bénéfices ainsi mis au grand jour et par suite de nouvelles armes ou de nouveaux prétextes fournis aux agitateurs et aux ennemis des Compagnies. Nous croyons inutile d’insister sur ce point ; nous savons que les inconvénients d’une trop grande publicité ont été signalés dans les assemblées d’actionnaires de certaines de nos Compagnies, et nous en comprenons parfaitement les raisons politiques, économiques et sociales », ANMT 1994 055 099, Mines de Lens.

    18Propos de Georges Motte-Delattre rapportés à sa mort en 1904. ANMT 1988 007 017.

    19Pour faire le bilan de la guerre et de l’Occupation, il faut tenir compte des bénéfices des industriels et des négociants « sinistrés » repliés en France non occupée.

    Auteur

    • Jean-Luc Mastin

      IDHE.S/Université Paris 8

    Précédent Suivant
    Table des matières

    Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0

    Le texte seul est utilisable sous licence Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

    Voir plus de livres
    Être Parisien

    Être Parisien

    Claude Gauvard et Jean-Louis Robert (dir.)

    2004

    Les historiens croient-ils aux mythes ?

    Les historiens croient-ils aux mythes ?

    Kalifa Dominique (dir.)

    2016

    Enfermements. Volume II

    Enfermements. Volume II

    Règles et dérèglements en milieu clos (ive-xixe siècle)

    Heullant-Donat Isabelle, Claustre Julie, Bretschneider Falk et al. (dir.)

    2015

    Une histoire environnementale de la nation

    Une histoire environnementale de la nation

    Regards croisés sur les parcs nationaux du Canada, d’Éthiopie et de France

    Blanc Guillaume

    2015

    Temps de travail et travail du temps

    Temps de travail et travail du temps

    Monchatre Sylvie et Woehl Bernard (dir.)

    2014

    Enfermements. Volume III

    Enfermements. Volume III

    Le genre enfermé. Hommes et femmes en milieux clos (xiiie-xxe siècle)

    Isabelle Heullant-Donat, Julie Claustre, Élisabeth Lusset et al. (dir.)

    2017

    Se faire contemporain

    Se faire contemporain

    Les danseurs africains à l’épreuve de la mondialisation culturelle

    Altaïr Despres

    2016

    La vengeance en Europe

    La vengeance en Europe

    xiie au xviiie siècle

    Claude Gauvard et Andrea Zorzi (dir.)

    2015

    Couples en justice ive-xixe

    Couples en justice ive-xixe

    Allessandro Stella Claude Gauvard (dir.)

    2013

    La décapitation de Saint Jean en marge des Évangiles

    La décapitation de Saint Jean en marge des Évangiles

    Essai d’anthropologie historique et sociale

    Claudine Gauthier

    2012

    Enfermements. Volume I

    Enfermements. Volume I

    Le cloître et la prison (vie-xviiie siècle)

    Julie Claustre, Isabelle Heullant-Donat et Élisabeth Lusset (dir.)

    2011

    Du papier à l’archive, du privé au public

    Du papier à l’archive, du privé au public

    France et îles Britanniques, deux mémoires

    Jean-Philippe Genet et François-Joseph Ruggiu (dir.)

    2011

    Voir plus de livres
    1 / 12
    Être Parisien

    Être Parisien

    Claude Gauvard et Jean-Louis Robert (dir.)

    2004

    Les historiens croient-ils aux mythes ?

    Les historiens croient-ils aux mythes ?

    Kalifa Dominique (dir.)

    2016

    Enfermements. Volume II

    Enfermements. Volume II

    Règles et dérèglements en milieu clos (ive-xixe siècle)

    Heullant-Donat Isabelle, Claustre Julie, Bretschneider Falk et al. (dir.)

    2015

    Une histoire environnementale de la nation

    Une histoire environnementale de la nation

    Regards croisés sur les parcs nationaux du Canada, d’Éthiopie et de France

    Blanc Guillaume

    2015

    Temps de travail et travail du temps

    Temps de travail et travail du temps

    Monchatre Sylvie et Woehl Bernard (dir.)

    2014

    Enfermements. Volume III

    Enfermements. Volume III

    Le genre enfermé. Hommes et femmes en milieux clos (xiiie-xxe siècle)

    Isabelle Heullant-Donat, Julie Claustre, Élisabeth Lusset et al. (dir.)

    2017

    Se faire contemporain

    Se faire contemporain

    Les danseurs africains à l’épreuve de la mondialisation culturelle

    Altaïr Despres

    2016

    La vengeance en Europe

    La vengeance en Europe

    xiie au xviiie siècle

    Claude Gauvard et Andrea Zorzi (dir.)

    2015

    Couples en justice ive-xixe

    Couples en justice ive-xixe

    Allessandro Stella Claude Gauvard (dir.)

    2013

    La décapitation de Saint Jean en marge des Évangiles

    La décapitation de Saint Jean en marge des Évangiles

    Essai d’anthropologie historique et sociale

    Claudine Gauthier

    2012

    Enfermements. Volume I

    Enfermements. Volume I

    Le cloître et la prison (vie-xviiie siècle)

    Julie Claustre, Isabelle Heullant-Donat et Élisabeth Lusset (dir.)

    2011

    Du papier à l’archive, du privé au public

    Du papier à l’archive, du privé au public

    France et îles Britanniques, deux mémoires

    Jean-Philippe Genet et François-Joseph Ruggiu (dir.)

    2011

    Voir plus de chapitres

    La résistance des banques nationales au contrôle du crédit (1950-1970)

    L’exemple de la Société générale

    Jean-Luc Mastin

    Voir plus de chapitres

    La résistance des banques nationales au contrôle du crédit (1950-1970)

    L’exemple de la Société générale

    Jean-Luc Mastin

    Accès ouvert

    Accès ouvert freemium

    ePub

    PDF

    PDF du chapitre

    Suggérer l’acquisition à votre bibliothèque

    Acheter

    Édition imprimée

    Éditions de la Sorbonne
    • amazon.fr
    • leslibraires.fr
    • placedeslibraires.fr
    • lcdpu.fr
    ePub / PDF

    1J.-L. Mastin, Capitalisme régional et financement de l’industrie, région lilloise, 1850-1914, thèse de doctorat dirigée par Jean-Pierre Hirsch, université Lille 3, 2007.

    2J.-P. Hirsch, Les deux rêves du commerce. Entreprise et institution dans la région lilloise, 1780-1860, Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1991.

    3E. Ostrom, Gouvernance des biens communs. Pour une nouvelle approche des ressources naturelles, Bruxelles, De Boeck, 2010 ; B. Parance, J. de Saint-Victor (dir.), Repenser les biens communs, Paris, CNRS, 2014.

    4Sur la notion de patrimoine commun (de l’humanité), voir les travaux d’A. C. Kiss (1982), de F. G. Trébulle (2007), de J. Charpentier (1998) cités par A. Chaigneau, « L’entreprise à la croisée des doctrines du bien commun », dans B. Parance, J. de Saint-Victor (dir.), Repenser les biens communs, op. cit, p. 155-174.

    5« Une seule et même famille », écrit un descendant actuel dans son blog (http://www.thierryprouvost.com).

    6C’est le cas de la SNC Louis et Jean-Baptiste Lefebvre (société mère du peignage Amédée Prouvost & Cie) entre 1875 et 1891. En novembre 1875, à la mort de Louis Lefebvre, sa veuve et ses héritiers le « continuent » de fait, en indivision. En avril 1891, l’associé, qui a 72 ans, voulant préparer sa propre succession, assigne alors les ayants droit de son frère devant le tribunal de commerce, pour la liquidation de la société, qui entraîne deux mois plus tard celle de la filiale de peignage, qui se transforme alors en SA.

    7Souvent invoqué pour désigner cette structure souple, le « système Motte » (mis en place par Alfred Motte dans les années 1880) est plus précisément un groupe de sociétés en nom collectif ou en commandite qui sont chacune l’association du « capitaliste » (bailleur de fonds) et de « l’artiste » (homme de talent, maîtrisant un savoir-faire), et qui toutes constituent un ensemble d’industries façonnières complémentaires.

    8Les avantages sont de quatre ordres : financier (cloisonnement des bilans qui évite la contagion des risques) ; industriel (spécialisation des firmes favorable à la qualité du produit, et flexibilité du système de la Fabrique mettant en relation donneurs d’ordre et façonniers) ; social (puissance sociale de l’employeur moins visible ; ainsi, en 2009-2010, niant l’existence juridique d’un groupe, les Mulliez ont cru pouvoir échapper à l’obligation de reclassement des salariés licenciés de Pimkie) ; enfin, extension de la surface de crédit. 

    9Dans les actes de société, la faculté des associés en nom collectif (ANC) de « s’intéresser » dans d’autres affaires et/ou de « s’en occuper » est systématiquement soumise au consentement unanime des co-associés. Il arrive que la supériorité des intérêts familiaux sur les intérêts individuels soit explicitement formulée. Dans la société en nom collectif (SNC) Motte-Bossut Fils à Roubaix, il y a socialisation des participations personnelles : les jetons de présence et parts bénéficiaires sont intégralement reversés dans une caisse spéciale, et remplacés par des « émoluments spéciaux et forfaitaires de 1 200 F » (1913), le surplus de cette « petite caisse » étant distribué chaque année, aux AG officieuses.

    10Exemple : en 1910, au sein du cartel des peigneurs de laine de Roubaix-Tourcoing, on incrimine les Prouvost d’enfreindre le gel des capacités productives (interdiction syndicale de monter de nouvelles peigneuses) en créant la SA « La Lainière de Roubaix » (filature) : invoquant le Code civil, Albert Prouvost, à la tête du peignage familial (SA de Peignage) a beau prétendre que la Lainière n’est qu’une affaire montée par les fils des administrateurs du peignage, et que « tout homme majeur ne peut être lié par des engagements pris par son père », il ne convainc aucun de ses confrères.

    11Termes du pacte de famille fondateur du groupe Mulliez, qui, depuis les années 1950, s’imposent aux actionnaires.

    12Trois exemples : 1° les Établissements Wibaux-Florin, vieille entreprise intégrée (filature de coton, tissage des articles de Roubaix et teinturerie), SNC familiale transformée en 1907 en une SA contrôlée par les groupes Prouvost, Mathon et Motte-Bossut ; 2° la Compagnie générale des industries textiles (SCA Allart, Rousseau & Cie : peignage, filature, tissus et feutres à Roubaix et Lodz, Pologne russe), dont le contrôle échappe de plus en plus aux familles fondatrices à partir de 1894, au profit d’autres groupes représentés par Henri Mathon, Jules Masurel, Eloy-Duvillier et François Roussel, qui la transforment en SA en 1912 ; 3° les Établissements Jourdain-Defontaine (filature et tissage de laine) transformés en 1909 en une SCA (société en commandite par actions) dont le conseil de surveillance, présidé par Louis Tiberghien (du groupe Tiberghien Frères), comprend notamment le fabricant François Roussel et le filateur Georges Duvillier.

    13Ainsi Édouard Bollaert, ingénieur des Ponts et Chaussées, très tôt « intéressé » au capital des Mines de Lens, épouse une fille Tilloy (fondateur des Mines de Lens), et devient directeur ; sa fille épouse le banquier Charles Verley. En revanche, le banquier Devilder, originaire de Saint-Omer qui fait concurrence aux banques locales dès les années 1870, est longtemps étranger au système, jusqu’à ce que ses deux fils fassent, dans les années 1890, des « mariages riches et honorables ».

    14AD 59, fonds Masurel (non classé), lettres de François Masurel-Pollet à son fils Edmond Masurel-Baratte, 1909-1913.

    15Lors du centenaire de la naissance d’Alfred Motte (1927), Georges Motte-Watine, petit-fils de Motte-Bossut, s’adresse ainsi à ses petits-cousins descendants d’Alfred Motte :
    « Monsieur Eugène Motte a bien voulu rappeler, et l’a fait avec tant de cœur, la part que mon grand-père a prise dans l’orientation de Monsieur Alfred Motte vers la carrière industrielle […], nous sommes touchés de ce cordial souvenir. Nous nous réjouissons avec lui en constatant que les liens d’affection et de confiance qui ont uni ces frères : Motte-Bossut et Alfred Motte, ont servi d’exemple aux générations suivantes, et non seulement à celles-ci, mais on peut dire à toutes les familles industrielles roubaisiennes, en leur conférant un prestige et une force admirables. À maintes reprises, en des milieux divers, à Roubaix et surtout ailleurs où pareils sentiments sont plus rares, j’ai recueilli l’aveu spontané et plein d’admiration de la puissance que nous avions acquise, pour avoir perpétué l’union que nous ont prêchée nos ancêtres. Perpétuons donc, mes amis, toujours, entre compatriotes, cette féconde union, et aimons toujours à nous retremper à ces sources vivifiantes que sont les souvenirs de nos chers aïeux. »
    La réponse de Fernand Motte, petit-fils d’Alfred Motte, exclut tout individualisme : « c’est la collaboration harmonieuse de tous les rouages qui est le fondement des réalisations les plus hardies ». Les calculs de Motte-Bossut et les griefs d’Alfred Motte à l’égard de son frère aîné lors du règlement de la succession des parents Motte-Brédart en 1871 sont alors oubliés. AD 59, Bib 6289, centenaire d’Alfred Motte-Grimonprez, 1927.

    16ANMT 1999 020, Fonds du Syndicat des peigneurs de laine de Roubaix-Tourcoing (notamment PV d’assemblées générales et correspondance).

    17Cependant, les agents de change près la Bourse de Lille ont vu l’inscription des charbonnages, unique moteur du marché local, comme une rupture de la solidarité de place. Dans une note confidentielle aux Compagnies houillères du Nord et du Pas-de-Calais (1901), ils ont (en vain) tenté de dissuader les administrateurs desdites compagnies de prendre une telle décision : « Un grand inconvénient résulterait pour les Compagnies de la cotation de leurs titres à Paris, ce serait la publicité forcée des résultats des sociétés, la discussion de leurs comptes rendus dans tous les journaux financiers, d’une façon parfois malveillante ou passionnée. Nous croyons que les Compagnies n’ont pas à se plaindre du silence relatif que les journaux observent sur leur compte tant qu’elles ne sont cotées qu’à Lille où le public prend ses renseignements ailleurs que dans leurs colonnes, mais une fois la cote obtenue à Paris, ce sera forcément la publication des bénéfices actuellement obtenus et des comptes rendus annuels, la discussion dans certaines feuilles prévenues ou malintentionnées de la légitimité des bénéfices ainsi mis au grand jour et par suite de nouvelles armes ou de nouveaux prétextes fournis aux agitateurs et aux ennemis des Compagnies. Nous croyons inutile d’insister sur ce point ; nous savons que les inconvénients d’une trop grande publicité ont été signalés dans les assemblées d’actionnaires de certaines de nos Compagnies, et nous en comprenons parfaitement les raisons politiques, économiques et sociales », ANMT 1994 055 099, Mines de Lens.

    18Propos de Georges Motte-Delattre rapportés à sa mort en 1904. ANMT 1988 007 017.

    19Pour faire le bilan de la guerre et de l’Occupation, il faut tenir compte des bénéfices des industriels et des négociants « sinistrés » repliés en France non occupée.

    Les biens communs en perspectives

    X Facebook Email

    Les biens communs en perspectives

    Ce livre est diffusé en accès ouvert freemium. L’accès à la lecture en ligne est disponible. L’accès aux versions PDF et ePub est réservé aux bibliothèques l’ayant acquis. Vous pouvez vous connecter à votre bibliothèque à l’adresse suivante : https://freemium.openedition.org/oebooks

    Suggérer l’acquisition à votre bibliothèque Acheter ce livre aux formats PDF et ePub

    Si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire à access[at]openedition.org

    Les biens communs en perspectives

    Vérifiez si votre bibliothèque a déjà acquis ce livre : authentifiez-vous à OpenEdition Freemium for Books.

    Vous pouvez suggérer à votre bibliothèque d’acquérir un ou plusieurs livres publiés sur OpenEdition Books. N’hésitez pas à lui indiquer nos coordonnées : access[at]openedition.org

    Vous pouvez également nous indiquer, à l’aide du formulaire suivant, les coordonnées de votre bibliothèque afin que nous la contactions pour lui suggérer l’achat de ce livre. Les champs suivis de (*) sont obligatoires.

    Veuillez, s’il vous plaît, remplir tous les champs.

    La syntaxe de l’email est incorrecte.

    Référence numérique du chapitre

    Format

    Mastin, J.-L. (2021). L’argent : bien commun au sein des grandes familles du Nord ? (Région lilloise, 1850-1914). In C. Bessy & M. Margairaz (éds.), Les biens communs en perspectives (1‑). Éditions de la Sorbonne. https://doi.org/10.4000/11yhy
    Mastin, Jean-Luc. « L’argent : bien commun au sein des grandes familles du Nord ? (Région lilloise, 1850-1914) ». In Les biens communs en perspectives, édité par Christian Bessy et Michel Margairaz. Paris: Éditions de la Sorbonne, 2021. https://doi.org/10.4000/11yhy.
    Mastin, Jean-Luc. « L’argent : bien commun au sein des grandes familles du Nord ? (Région lilloise, 1850-1914) ». Les biens communs en perspectives, édité par Christian Bessy et Michel Margairaz, Éditions de la Sorbonne, 2021, https://doi.org/10.4000/11yhy.

    Référence numérique du livre

    Format

    Bessy, C., & Margairaz, M. (éds.). (2021). Les biens communs en perspectives (1‑). Éditions de la Sorbonne. https://doi.org/10.4000/11yiw
    Bessy, Christian, et Michel Margairaz, éd. Les biens communs en perspectives. Paris: Éditions de la Sorbonne, 2021. https://doi.org/10.4000/11yiw.
    Bessy, Christian, et Michel Margairaz, éditeurs. Les biens communs en perspectives. Éditions de la Sorbonne, 2021, https://doi.org/10.4000/11yiw.
    Compatible avec Zotero Zotero

    1 / 3

    Éditions de la Sorbonne

    Éditions de la Sorbonne

    • Mentions légales
    • Plan du site
    • Se connecter

    Suivez-nous

    • Facebook
    • X
    • Flux RSS

    URL : http://editionsdelasorbonne.fr/

    Email : edsorb@univ-paris1.fr

    Adresse :

    212, rue Saint-Jacques

    75005

    Paris

    France

    OpenEdition
    • Candidater à OpenEdition Books
    • Connaître le programme OpenEdition Freemium
    • Commander des livres
    • S’abonner à la lettre d’OpenEdition
    • CGU d’OpenEdition Books
    • Accessibilité : partiellement conforme
    • Données personnelles
    • Gestion des cookies
    • Système de signalement