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D’une réforme à l’autre (816-934)

 | 
Michèle Gaillard

Annexes

Annexe II. Sources narratives et sources diplomatiques : étude sur le chartrier du chapitre de Toul entre 816 et 934

Texte intégral

Le chartrier de Toul : une histoire mouvementée

  • 1 J. Choux, « Les archives du chapitre de la cathédrale de Toul ».

1Il y a plus de 40 ans, l’abbé Jacques Choux avait retracé l’histoire des archives du chapitre de Toul depuis le xviiie siècle1, histoire mouvementée, dont nous nous contenterons de retracer ici les grandes lignes ici mais qui a permis la conservation (inexistante à Metz et à Verdun) de quelques diplômes et chartes originales de l’époque carolingienne.

  • 2 Gesta episcoporum Tullettsium (MGH SS 8), p. 637 : Is adquisiuit a Ludouico et Lothario imperatori (...)
  • 3 « En 1285, condamnation de citains qui avaient violé le trésor de la cathédrale et les chartes de (...)

2Outre un incendie au début du ixe siècle, connu par le fait que l’évêque Frothaire fit faire par les empereurs Louis le Pieux et Lothaire une pancarte des actes détruits2, nombreuses furent sans aucun doute les destructions au cours du Moyen Âge, notamment au cours des émeutes des xiiie et xive siècles3, car, lorsqu’en 1756 le chapitre engagea Lemoine, archiviste formé chez les Bénédictins de Marmoutier, pour classer les archives, un certain nombre d’actes avaient déjà disparu. Il y travailla pendant neuf ans et établit un inventaire complet, détaillé et fort commode des archives du chapitre.

3Lors de la Révolution, les archives furent dispersées, peut-être emmenées par des chanoines, et en 1793, la plupart des documents restants furent saisis et brûlés. En 1807, le sous-préfet de Toul versa à la préfecture ce qui semblait rester des archives de Toul : 16 liasses (70 articles). En 1846, Henri Lepage procéda au classement des séries de documents antérieurs à la Révolution et, en 1859, 41 registres conservés à l’évêché revinrent aux archives départementales ; mais la comparaison avec l’inventaire de Lemoine montre qu’il y a eu des pertes.

  • 4 AD MM, G. 1331-1383.
  • 5 Ibid., 6 registres cotés G 1384-1389.

4Le 29 septembre 1883, des ouvriers qui travaillaient dans une ancienne maison canoniale mirent au jour une grande quantité de documents d’archives. Le curé auquel la maison appartenait fit transporter la trouvaille chez lui, mais il semble que les ouvriers avaient déjà dispersé une partie des documents, partie chez une voisine, partie chez l’entrepreneur. Lepage put mettre sous séquestre les documents qui restaient, notamment un cartulaire in 4° de 106 folios qui avait été remis à la mairie, 37 registres et 16 liasses4 ainsi que les inventaires de Lemoine5.

  • 6 Ibid., Collection Demange, série 2F.

5Mais les documents les plus anciens et les plus rares ont été soustraits, lors de la trouvaille de 1883, par deux vicaires, Jules Pardieu et Modeste Demange. En 1920 seulement, Demange se dessaisit de ses documents au profit des archives départementales6.

  • 7 Cf. Régestes ci-dessus.

6On conserve ainsi pour la période considérée trois chartes d’évêques et quatorze diplômes royaux. La plupart sont parvenus jusqu’à nous par des copies effectuées à l’époque moderne : seuls le diplôme de Charles le Gros du 21 juin 885, 1e diplôme d’Arnulf du 9 octobre 891 et la charte de l’évêque Ludelme de 898 sont conservés en originaux ; quelques documents ont été copiés dès l’époque médiévale : un diplôme faux d’Arnulf transcrit en 1224-1225, la charte d’Arnulf recopiée dans un cartulaire7.

Les Gesta episcoporum Tullensium

  • 8 J. Dalhaus, « Zu den Gesta... ».

7Les Gesta episcoporum Tullensium se terminent avec l’évêque Pibon, d’où l’opinion communément admise d’une rédaction après la mort de celui-ci, en 1107. En 1995, à partir de l’étude attentive des manuscrits et du texte, Joachim Dalhaus a proposé d’y voir une rédaction en trois phases8 :

  1. première rédaction des Gesta entrée dans les plus anciens manuscrits ;
  2. rédaction suivante qui insère les Vies et les Miracles des quatre saints évêques, Mansuy, Èvre, Gérard et Brunon ;
  3. développement de la deuxième rédaction.

8Selon lui, la première rédaction est sans doute l’oeuvre d’un moine ou un clerc de Toul car il y est question d’une Vita Gerardi penes nos retinetur alors que la troisième dit : apud sepulchrum eius retinetur ; pour la deuxième et la troisième il n’existe aucun indice certain, mais l’auteur n’est sans doute pas de Saint-Èvre, car il parle d’un liber qui in ecclesia beati Apri habetur.

  • 9 MGH Scriptures 8, p. 280-503.

9Reste posée la question de savoir si la première rédaction a eu lieu à l’époque de Pibon ou si elle a eu lieu en plusieurs étapes. L’attention portée par l’auteur aux relations avec Montier-en-Der fait supposer que la rédaction a eu lieu vers 1049-1050 au moment du synode de Reims, ce qui explique que la notice n’indique rien sur la mort de Brunon-Léon. Les notices sur Udon et Pibon ont été faites ensuite, en tout cas avant 1107, car Hugues de Flavigny cite les Gesta dans sa chronique9.

Comparaison entre les actes mentionnés par les Gesta et les actes actuellement conservés

  • 10 « Les saints du diocèse de Toul », p. 26, n. 19.
  • 11 J. Choux, Le diocèse de Toul au temps de la réforme grégorienne : l’épiscopat de Pibon (1069-1107) (...)

10Si l’on additionne les mentions des Gesta, les actes conservés et les actes mentionnés par ailleurs, on arrive à un total de 32 actes concernant les évêques et le chapitre de Toul. Mais il est très étonnant de constater, à travers le tableau 20 ci-après, la dichotomie quasi totale entre le souvenir de ces actes transmis par les Gesta et les documents qui nous sont parvenus. Cette dichotomie est aussi valable pour la période précédente ; elle ne cesse qu’avec les diplômes concernant l’activité réformatrice de Gauzelin à Bouxières et à Saint-Èvre. Ce qui permet d’avancer l’hypothèse d’une reprise de la rédaction des Gesta selon d’autres normes à partir de la notice de Gauzelin ; elle n’est pas contradictoire avec la possibilité d’une prolongation et d’une réécriture complète, en prose rimée, qui, selon Monique Goullet10, aurait bien eu lieu sous l’épiscopat de Pibon, évêque bien connu par ailleurs pour son œuvre de réforme et de réorganisation du diocèse11.

Tableau 20 – Comparaison entre les données des Gesta et les chartes conservées ou connues par ailleurs, pour le diocèse de Toul

Évêques de Toul

Actes évoqués dans les Gesta

Actes conservés

Actes connus par ailleurs

Frothaire (813-847)

De Louis et de Lothaire :
- diplôme d’immunité (du comitatus et du tonlieu)
- confirmations de chartes brûlées
- don d’une forêt avec le ban appelée Ermundies.

16/1/845 : Diplôme de Lothaire 1 er donnant au chorévêque Berardus l’église Saint-Amand [DT 1, p. 328].

Arnoul (847-871)

Des hommes libres des villages d’Ingolini curtis (Naglaincourt) et de Mauri uilla (Morville-sur-Seille) se soumettent à Saint-Étienne.

6/8/858 : Diplôme de Lothaire II restituant à l’Église de Toul la cella de Saint-Èvre donnée en bénéfice par Lothaire Ier [DT 2, p. 329].

Diplôme de Lothaire I er évoqué dans les diplômes de Lothaire II et de Louis le Bègue.

Arnoul ou Arnaud

Diplôme de Charles le Chauve (entre 869 et 877) évoqué dans le diplôme de Louis le Bègue.

Arnaud (871-893)

Acquisition d’une église et de 4 manses à Frabordi Curtis (Affrainville).
Acquisition au roi Charles de 7 manses à Oscado (Ochey) et de 6 à Uualdini curtis (Vaudeville), Cretenau (Crantenoy) et Rusb.

8/12/877 : Diplôme de Louis le Bègue confirmant l’union permanente à l’Église de Toul des abbayes de Saint-Èvre, Saint-Germain et Saint-Martin [DT 3, p. 334].
12/6/885 : Diplôme de Charles le Gros donnant à l’Église de Toul la villa de Vicherey en Saintois [DT 4, p. 336].
21/6/885 : Diplôme de Charles le Gros confirmant aux chanoines de Toul des possessions pour 60 chanoines et leur octroyant le droit d’appel contre les empiètements de l’évêque auprès du métropolitain et au besoin auprès du roi [DT 5, p. 337].
9/10/891 : Diplôme d’Arnulf donnant à l’église cathédrale de Toul les biens donnés par ses prédécesseurs et lui rendant le village de Vicherey [DT 6, p. 338].
2/2/893 : Diplôme d’ArnuIf rendant à l’Église de Toul les abbayes de Saint-Èvre et de Saint-Germain [DT 7, p. 339].
Diplôme faux d’Arnulf confirmant à l’Église de Toul la liberté octroyée par Dagobert [DT 8, p. 340].

Vacance

13/6/894 : Diplôme d’ArnuIf confirmant aux chanoines de Toul les possessions octroyées par Charles le Gros et le droit d’appel [DT 9, p. 341].

Ludelme (895-906)

Le roi Arnulf donne à l’évêque Ludelme l’église de Gundulfi uilla (Gondreville) et 20 manses dans le pagus Liuuensis.
Zwentibold libère la forêt de l’église Saint-Étienne sise à Gundulfi uilla de toute coutume de forestage dans cette même uilla.
Ludelme donne aux chanoines des biens acquis précédemment (Saint-Pient et Uideliacus).
Le roi Louis accorde à l’évêque Ludelme la monnaie et le tonlieu de la ville de Toul.
Acquisition par Ludelme, auprès d’Everelmus, médecin du roi, de manses et d’une moitié d’église.

24/7/898 : Charte de Ludelme donnant aux chanoines de son Église des biens situés dans le comté de Toul qu’il avait reçus du roi Zwentibold [AE 11, p. 357].
31/10/900 : Diplôme de Louis l’Enfant confirmant à l’Église de Toul la possession et abbayes de Saint-Èvre et de Saint-Germain [DT 10, p. 343].
1/9/906 : Diplôme interpolé de Louis l’Enfant confirmant des possessions aux chanoines de Toul [DT 11, p. 344].

Donation de Zwentibold de biens dans le comté de Toul, mentionnée dans la charte de Ludelme.

Drogon (906-922)

Drogon obtient du roi Charles la restitution de l’abbaye de Bonmoutier.

20/1/912 : Diplôme de Charles III le Simple restituant à l’évêque Ludelme l’abbaye de Bonmoutier [DT 12, p. 346].

Gauzelin (922-962) (actes jusqu’en 934)

Il obtient du roi Henri le tonlieu de la ville, l'abbatia de Poulangy, de Montier-en-Der et d’Offonis uilla.
Par échange avec l’évêque de Langres il obtient divers biens contre l'abbatia de Varennes, etc.

4/3/922 : Diplôme de Charles III le Simple confirmant les possessions de la cathédrale Saint-Éienne de Toul [DT 14, p. 348].
19/9/923 : Charte de précaire concédée par Gauzelin [AE 16, p. 359]·
923-31 : Charte de précaire concédée par Gauzelin [AE 18, p. 360].
27/12/927 : Diplôme d’Henri 1 er donnant à l’évêché de Toul sa propriété de Gondreville [DT 15, p. 348].
28/12/927 : Diplôme d’Henri I er octroyant à l’évêché de Toul les revenus du comté [DT 16, p. 349].

  • 12 Sur les diplômes de Charles le Simple, cf. Font-Réaux, « Les diplômes de Charles le Simple », Anna (...)

11À l’examen de ces tableaux, on constate que le diplôme de Charles le Simple du 20 janvier 91212 est le seul dont on ait conservé le texte et qui soit mentionné dans les Gesta. Ceci permet d’avancer quelques hypothèses sur les raisons de cette dichotomie entre les Gesta et les actes conservés, et donc sur la rédaction des Gesta.

  • 13 Cf. remarques dans [DT 12, p. 346] et tableau ci-après. On y remarquera l’absence dans ce diplôme (...)

12Outre les problèmes de forme que posent la date et le formulaire de ce diplôme13, le contenu mérite d’être réexaminé à la lumière des Gesta (cf. tableau 21, infra). La restitution de Bonmoutier, qui a été confisqué à l’évêque Arnoul par le roi Lothaire II à cause de l’intransigeance d’Arnoul à son encontre, fait écho au texte des Gesta disant que l’abbaye avait été enlevée à ses prédécesseurs et que des abbayes ont été confisquées à Arnoul à cause de son opposition au divorce de Lothaire II, ainsi qu’au passage concernant sa fondation par Bodon.

13Compte tenu de la dichotomie totale entre tous les autres les diplômes et chartes évoqués par les Gesta et ceux que nous avons conservés, cette ressemblance ne peut qu’étonner.

  • 14 884, 19 février, Sélestat [DB 2, p. 335] Ce diplôme comporte beaucoup d’irrégularités et pourrait (...)

14Dès 870, Bonmoutier apparaît bien au traité de Meersen, elle est donc bien abbaye royale et non pas épiscopale. Selon un diplôme de Charles le Gros14, dont nous ne possédons qu’une copie du xe siècle, en 884, l’abbaye de Bonmoutier aurait été donnée par Charles le Gros à l’abbaye d’Andlau, fondée par sa femme Richarde. Curieusement, il n’y a aucune allusion à cette donation dans le diplôme de Charles le Simple, ni dans les Gesta de Toul. On en vient donc à se demander si cet hapax d’un diplôme existant mentionné par les Gesta ne vient pas du fait que le diplôme de Charles le Simple est un faux fabriqué à partir des données des Gesta. Le paragraphe des Gesta comme le faux procéderaient alors de la même volonté d’assujettir Bonmoutier à Toul, mais pour quelle raison, et pourquoi en attribuer la restitution à Charles le Simple ?

Tableau 21 – Comparaison entre le diplôme de Charles le Simple du 20 janvier 912 et les informations des Gesta

Diplôme du 20 janvier 92 ( ?) dispositif

Gesta episcoporum Tullensium

Quapropter notum esse uolumus omnibus, praesentibus et futuris, qualiter uenerabilis Leuchorum urbis pater et pontifex, nomine Drogo, nostris sese obtulit obtutibus, deferens secum non modica chartarum indicia, in quibus continebatur quomodo suus quidam praedecessor, nomine Bodo, uir sanctissimus quondam suis patrimoniis exstruxerat locum, ubi... fundatis... et monialibus institutis, ad praefatam sancti Stephani Tullensem ecclesiam hic uenerabilis pontifex perpetuo contradidit habendum, qui etiam locus ob reuerentiam tanti patroni usque hodie Bodonis monasterium dicitur.
Post haec uero, crebrescentibus malis hominibusque in deteriora uolutis, temporibus Lotharii regis, scilicet Lotharii imperatoris filii, propter insuperabilem rectitudinis normam quam tenuit erga praefatum regem uenerabilis praesul domnus Arnulfus, ipsa abbatia et aliis... rebus supradictis (...) ecclesiae locis iniuste ab ipso rege est spoliatus.
Postea... his finem ueluti diuina disposuit miseratio accipientibus, memoria dignus domnus Arnulfus episcopus aliique ipsius successores, Arnaldus scilicet necnon et Ludelmus, quod quisque ualuit suae ecclesiae per iustas proclamationes et dignam predecessorum nostrorum regum miserationem readquirere studuit.
Nos etiam uidentes rectam praefati pontifîcis Drogonis scilicet, proclamationem, necnon et chartarum indagationem uerissimam approbantes, pro animae nostra remedio seu pro fidelitate et consanguinitate ipsius, interuentu (...) qui iam dictam abbatiam usu beneficario ex nobis possidebat, praefatum Bodonis monasterium cum omnibus ad se pertinentibus praenominato pontifici suaeque ecclesiae restituimus ac perpetuo habendum concedimus.

§ 24.... extitit domnus Bodo episcopus, cuius uita laudabilis per omnia memoria posterorum permanet digna. Qui inter cetera bonitatis studia quae incessanter gerebat, edificauit monasterium in honore beatissimae Dei genitricis Mariae et beati Petri apostolorum principis, constituens inibi Deo sacrates feminas ad seruiendum illi ; quibus praeposuit filiam suam nomine Teutbergam, quod ad honorem nominis sui usque hodie Bodonis monasterium uocatur. Ipsum locum cum omnibus, quae ibi adquirere potuit ecclesiae cui praeerat in possessione iure dereliquit ; et exinde apostolicum priuilegium a magno doctore Gregorio eiusque praecessore Agapito suscipere meruit.
§ 27. Quod ubi comperit iam praedictus athleta fortis et pontifex domnus Arnulfus, maluit pro Christi nomine temporalibus atque caducis destitui bonis, et ad ultimum, si necesse foret, discrimen pati uitae praesentis, quam ut ab eo deficeret congrua rectitudo pastons. Ideoque praedictum regem super hoc scelere paersepa arguens, cum reuocare nequiret, pastorali religauit sententia, donee resipisceret. Quapropter ab ipso rege suisque in malum fautoribus uenerabilis praesul suaque ecclesia abbatiis prorsus ad tempus spoliata remansit. Sed Dei fauente clementia, post excessum uitae regis insani, tam per ipsum quamque per uenerabilem Arnaldum successorem ipsius atque nepotem, abbatiis quibus fuerat spoliata praefata eedesia, alioque honore partim est recuperata.
§ 30. (Drogo) reimpetrauit a Karolo rege Bodonis monasterii abbatiam, diu suis antecessoribus ablatam.

Tableau 22 – Diplômes de Charles le Simple pour Toul

20 janvier 912 [DT 12, p. 346]

12 février 912 [DT 13, p. 346]

4 mars 922 [DT 14, p. 348]

Mention du xviie siècle « une lettre intitulée Restitutio de Bodonis monasterio per Carolum regem Drogoni Tullensi episcopo, Bodonis episcopi successori immediato, sans date et fort usée » (coll. Lorraine 615, fol. 168). Mention Lemoine, AD MM, G1384, t. 1, p. 112.
Éditions : Benoît Picart ex archiuo Tullensi, Calmet, Mabillon Annales OSB, IV, p. 704 ex chartario Tullensi.

Copie de 1788, par Dom Hilaire de Puibusque, d’après l’original. « Cette charte saine et entière excepté à la date, dont une partie est effacée est sur parchemin... »
Édition Calmet ex authentico.
Conservé dans les archives de l’abbaye de Bouxières-aux Dames.

Copie du xviie siècle, édition Baluze,
Édition Benoît Picart ex archiuo Tullensi.
Original déjà disparu à l’époque de Lemoine.

In nomine sanctae et indiuiduae trinitatis. Karolus diuina propitiante clemencia rex Francorum.
Si petitionibus fidelium fratrum et maxime Deo militantium aures nostrae celsitudinis accomo-dauerimus, aequissimum antiquorum regum morem seruabimus et Dominum exinde nobis adfuturum credimus, animos etiam ipsorum erga fidelitatem nostram deuotiores efficimus. Quapropter...
Signum Karoli regis gloriosissimi
Hugo regiae dignitatis humilisnotarius ad uicem Heriuei archiepiscopi recognouit.
Datum XIII kal. febr. Indictione XII, anno XVI regnante Karolo. redintegrante XIV, largiore uero hereditate indepta 1. Actum Leuchorum ciuitate. In Dei nomine feliciter. Amen.

In nomine sanctae et indiuiduae trinitatis. Karolus rex Francorum diuina propitiante clemencia et uir illustris.
Si ad petitionem nostrorum fidelium aurem inclinauerimus, clementiae nostrum omnimodis amplificamus honorem et eorum quamplurimos ad nostram inflectimus fidelitatem. Quapropter...
Hugo regiae dignitatis notarius ad uicem Heriuei archiepiscopi recognouit et subscripsit (locus sigilli).
Datum (II) idus februarii ind XV, anno XX regnante Karolo, redintegrante quidem XV, largiore uero hereditate indepta 1. Actum uilla Rubac. In Dei nomine feliciter. Amen.

In nomine sanctae et indiuiduae trinitatis. Karolus diuina fauenteclemencia rex.
Si necessatibus canonicorum Christo famulantium ob aeternae remunerationis amorem opem ferimus, hoc procul dubio ab animae nostrae salutem partinere confidimus animosque illorum circa diuinum cultum accendimus atque ut pro nobis oratores fideles existant libentiores efficimus. Notum sit... (reprise du diplôme de Charles le Gros de 885).
Signum Karoli regis gloriosissimi
Gauslinus notarius uice Rotgeri archiepiscopi recognouit et subscripsit.
Datum IIII nonas martii, indictione x, anno XXX regnante Karolo rege glorioso,redintegrante (...) largiore uero hereditate indepta XI Actum in uilla Embrecha super Rheni fluenta.

En gras, les formules de chancellerie absentes dans au moins un des actes.
Soulignées, les expressions semblables dans au moins deux des actes.

  • 15 Gesta episcoporum Tullensium (MGH SS 8), § 33, p. 640 : Hic tempore Ottonis imperatoris probauit c (...)
  • 16 E. Chatton, Histoire des abbayes..., p. 9-11.

15Les Gesta relatent également que l’abbesse d’Andlau, qui possédait l’abbaye d’Étival, réclama aussi Bonmoutier à l’évêque Gauzelin. Celui-ci utilisa le témoignage de douze hommes libres pour prouver son bon droit ; ce qui tend à montrer que le diplôme de Charles le Simple n’existait pas encore à l’époque de Gauzelin15. On sait d’autre part que sous l’évêque Bertholdus, vers 1010, l’abbaye de Bonmoutier est transférée et devient Saint-Sauveur16 ; on a peut-être ensuite éprouvé le besoin d’affirmer encore davantage la possession de l’Église de Toul en fabriquant en toute bonne foi, à partir des données des Gesta, un diplôme de Charles le Simple inspiré d’un autre qu’on possédait (cf. tableau 22, supra).

  • 17 R.-H. Bautier, Les origines..., p. 13-14.

16Selon Robert-Henri Bautier, les moniales de Bouxières auraient pu fournir au rédacteur des Gesta l’acte faux de 935 concernant la fondation de Bouxières17, ce qui expliquerait la ressemblance étroite entre le récit des Gesta et ce diplôme. Peut-être ont-elles fourni également copie du diplôme de Charles le Simple de février 912 (DT 13, p. 346) qui se trouvait dans leurs archives ; plus tard, on aurait donc pu se servir de ce modèle pour établir un faux diplôme de Charles le Simple rendant Bonmoutier, en conformité avec le récit des Gesta de la restitution sous l’épiscopat de Drogon.

  • 18 J. Dalhaus, « Zu den Gesta... ».

17On peut donc garder l’hypothèse avancée par Dalhaus18 d’une première rédaction globale des Gesta vers 1049/1050, avant la visite du pape Léon IX ; en même temps qu’il utilisait la Vie toute récente de l’évêque Gérard et décrivait l’épiscopat de Brunon, le rédacteur aurait fait appel de matériaux à Bouxières pour étayer la Vie de Gauzelin et aurait pu également forger le diplôme de Charles le Simple restituant Bonmoutier à Toul.

18Il reste cependant difficile d’avancer une explication rationnelle à la dichotomie entre les diplômes et les chartes évoquées par les Gesta et celles qui nous sont parvenues, y compris pour les viie et viiie siècles. On a l’impression que l’auteur des Gesta n’a éprouvé le besoin de mentionner les chartes et les diplômes que dans la mesure où ils avaient disparu. Si tel est le cas, il faut supposer qu’il disposait d’un catalogue par évêque, et que, peut-être, il a estimé nécessaire de ne faire état dans les Gesta que des actes qu’il n’avait plus à sa disposition et qui étaient mentionnés dans ce catalogue.

Notes

1 J. Choux, « Les archives du chapitre de la cathédrale de Toul ».

2 Gesta episcoporum Tullettsium (MGH SS 8), p. 637 : Is adquisiuit a Ludouico et Lothario imperatoribus immunitatem comitatus et theloni et restitutionem cartarum concrematarum et forestem cum banno quam Ermundies dicunt.

3 « En 1285, condamnation de citains qui avaient violé le trésor de la cathédrale et les chartes de la dite église brisées et portées en voye » (J. Choux, « Les archives... »).

4 AD MM, G. 1331-1383.

5 Ibid., 6 registres cotés G 1384-1389.

6 Ibid., Collection Demange, série 2F.

7 Cf. Régestes ci-dessus.

8 J. Dalhaus, « Zu den Gesta... ».

9 MGH Scriptures 8, p. 280-503.

10 « Les saints du diocèse de Toul », p. 26, n. 19.

11 J. Choux, Le diocèse de Toul au temps de la réforme grégorienne : l’épiscopat de Pibon (1069-1107), Nancy, 1952.

12 Sur les diplômes de Charles le Simple, cf. Font-Réaux, « Les diplômes de Charles le Simple », Annales de l’Université de Grenoble, nouvelle série, section lettres-droit, 19, 1943, p. 29-49 (p. 32) et J. Dufour, « État et comparaison des actes faux ou falsifiés intitulés au nom des Carolingiens français (840-987) », Fälschungen..., 1986, t. IV, p. 167-210, en particulier p. 186-191.

13 Cf. remarques dans [DT 12, p. 346] et tableau ci-après. On y remarquera l’absence dans ce diplôme de l’expression uir illustris toujours employée par le notaire Hugo.

14 884, 19 février, Sélestat [DB 2, p. 335] Ce diplôme comporte beaucoup d’irrégularités et pourrait être un faux établi lorsque l’abbesse d’Andlau réclama Bonmoutier à l’évêque Gauzelin.

15 Gesta episcoporum Tullensium (MGH SS 8), § 33, p. 640 : Hic tempore Ottonis imperatoris probauit cum 12 ingenuis hominibus contre abbatissam de Andelach, Bodonis monasterium esse subiectum ecclesiae sancti Stephani et ab eodem imperatore nactus est mediatem telonei de monte sancti Eliphi... Il est possible que la confection du diplôme de Charles le Gros date de cette époque.

16 E. Chatton, Histoire des abbayes..., p. 9-11.

17 R.-H. Bautier, Les origines..., p. 13-14.

18 J. Dalhaus, « Zu den Gesta... ».

© Éditions de la Sorbonne, 2006

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