« Y a ung grant desordre »
|Troisième partie. Vers la résolution des conflits
Chapitre 8. Rechercher l’obéissance des cités
Texte intégral
- 1 AN, X1a 4836, fo 165v, 26 février 1495.
« Il y a grant sisure et division ou diocese de Xainctes »1.
- 2 AN, X1a 4834, fo 167v, 14 février 1493.
« Ont lesd. appelans suscité le scisme en la ville de Bourges et par toute la province qui est exces irreparable si la court n’y donne provision »2.
- 3 Sauf peut-être à Tours où le conflit se concentre sur le serment de fidélité que doit le chantre, (...)
1Le « schisme » est ressenti à tous les niveaux de la population du diocèse et, selon les cas, de la province. En dehors des cours de justice, les cités, parties du temporel épiscopal, représentent un autre théâtre du conflit. Dès le moment où l’élu et le pourvu se pensent évêque, ils réclament tous les deux l’obéissance de leurs brebis. Pour la rendre pleinement effective, ils ont besoin de franchir les étapes obligatoires. Si la cérémonie du sacre est mentionnée dans les sources judiciaires pour prouver le bon droit de treize candidats, l’entrée, le droit de neuf autres, les problèmes résultant du serment et de la délivrance sont les mêmes pour tous3 : par leurs effets immédiats sur la vie du diocèse (gestion et perception des redevances, administration de la justice...), ils provoquent davantage de réactions violentes et de résistances. Pour permettre une installation effective, le pape et le roi soutiennent leur candidat, s’opposant parfois aux décisions des parlements. L’élection a déjà procuré l’occasion aux parents et aux amis d’exercer des pressions sur les électeurs. La cathédrale a parfois été lieu de violences ; elle continue à être emplie des clameurs des chanoines qui n’hésitent pas à en venir aux mains. Les habitants, victimes de ces querelles, s’impliquent aussi au travers de révoltes urbaines ou de simples rixes. Les autorités, quelles qu’elles soient, ont bien du mal à maîtriser la situation.
Des étapes obligatoires
2Une fois que l’élu est confirmé – ou que le pourvu a reçu ses bulles de provision –, il doit être sacré par son métropolitain ou ses pairs, et prêter serment de fidélité au roi de France. Avant ces deux moments primordiaux, il sollicite le bon vouloir des chanoines, afin d’être accepté par le chapitre.
La réception par le chapitre
- 4 AN, X1a 4826, fo 39, 16 décembre 1484.
- 5 AN, X1a 8323, fo 110v, 17 mars 1495.
- 6 AN, LL 125, p. 355-356, cf. supra, p. 273.
- 7 Geoffroy Herbert 1478-1510), (P. B. Gams, Series episcoporum..., op. cit., p. 542.
- 8 AD Seine-Maritime, G 2145, fo 6r-v.
- 9 AN, X1a 4838, fo 283v, 15 juin 1497.
3La réception est un premier test, au moins pour le pourvu, de la volonté du chapitre à son égard. L’obéissance qui lui est due n’est pas toujours au rendez-vous. La réception peut être le premier lien entre un chapitre et son prélat, si celui-ci n’en est pas issu. Ainsi, Pierre Cadouet « s’en vint es faulxbourgs du chastel », où quelques chanoines « lui fistrent la reverence comme a leur arcevesque et lui distrent qu’ilz estoient tres joyeux de sa promocion ». Il en est de même pour Claude de Doyac, selon ses dires4. Le prélat doit alors apporter les preuves de sa promotion. À Saintes, le chapitre reproche à Pierre de Rochechouart de ne pas avoir « montre [r] sa bulle ou provision au moins deuement ne quo jure il y pretendoit droit »5. Le chapitre peut alors refuser de recevoir celui qui se présente à lui : le 18 janvier 1493, les chanoines parisiens rejettent Jean Simon6. La réception peut aussi être accomplie par procureur : à Rouen, le7 août 1494, l’évêque de Coutances, Geoffroy 7, présente les bulles du transfert de Georges d’Amboise, postulé par le chapitre le 21 août 14938. Elle peut enfin n’être acceptée que par une partie du chapitre : à Béziers, Antoine du Bois a été reçu « par aucuns chanoines »9. Les seuls exemples de refus par le chapitre concernent des pourvus en consistoire, ce qui est logique : si l’élu a été choisi par le chapitre ou sa majorité, le pourvu est le plus souvent imposé par des pressions extérieures. La réception n’est en tout cas jamais mentionnée pour un élu, sauf lorsque celui-ci a été postulé et a donc besoin de bulles pontificales avalisant le désir des chanoines. Lorsque le refus du chapitre persiste, le pape lui écrit pour lui enjoindre d’obéir, mais cela n’empêche pas que la consécration ait lieu.
Le sacre selon le rituel romain
- 10 X I, II, 6 [Fr. 119] ; Cosme Guymier, Glosa pragmaticae..., fo 107, c. Licet, ad « Consecrationis (...)
- 11 AΝ, X1a 4825, fo 283, 5 août 1484. Ce sont Hélie de Bourdeille, Louis de Bourbon-Vendôme et Jean A (...)
4Le processus de désignation, entamé avec l’élection ou la provision, doit absolument se parfaire avec la consécration qui confère la plénitude des pouvoirs. À partir du jour de la confirmation, l’élu a trois mois pour être consacré par le métropolitain, accompagné de deux évêques, et, en cas d’empêchement, par un simple suffragant. Si lui-même est archevêque, il doit l’être par les suffragants de sa province10, mais ce n’est pas toujours ainsi. En effet, le seul archevêque dont on connaisse les consécrateurs est Pierre Cadouet, prélat de Bourges ; il a été sacré à Tours « par le feu cardinal arcevesque de Tours, les evesques d’Avranches et de Marseille »11.
- 12 « (...) parce que les évêques tiennent la place des apôtres, auxquels l’Esprit Saint fut donné le (...)
- 13 G. Durand, ibid., p. 207-208. Durand de Maillane, Dictionnaire de droit canonique..., op. cit., 1. (...)
- 14 AN, X1a 4835, fo 57, 5 décembre 1493.
- 15 L’anneau n’est pas cité, peut-être est-ce dû au fait qu’il s’agit d'un objet plus personnel que le (...)
- 16 AN, X1a 8320, fo 346v-347, 20 avril 1490.
- 17 AN, X1a 120, fo 67v, 12 mai 1486 : Unacum baculo pastorali seu crossa, mictra et aliis bonis mobil (...)
- 18 AN, X1a 4826, fo 132,17 mars 1485.
- 19 G. Desjardins et A. Rendu : Inventaire sommaire de la série G, Oise, 1878, rééd. 1998. La cote du (...)
- 20 AN, X1a 8323, fo 111v, 17 mars 1495.
- 21 Il a en effet « en quelque sorte vendu sa mitre en viager » à Olivier de Vienne contre une pension (...)
- 22 Les pourvus : Guillaume Leroy (Maguelonne), Armand de Goutault (Sarlat), Louis et Pierre de Rochec (...)
- 23 AN, X1a 4834, fo 379, 27 juin 1493.
5La cérémonie solennelle a lieu un dimanche « a heure de tierce »12. Selon le rituel inclus dans les pontificaux – souvent étudié et décrit13 – l’impétrant doit jeûner depuis la veille, et « on l’examine touchant la vie à venir et l’institution de la foi et de la primitive Église, à cause de ceux qui sont suspects dans la foi, les mœurs, la condition ; et on oint sa main et sa tête », geste le plus ancien de cette cérémonie. L’évêque acquiert alors le pouvoir d’ordre, inamissible, et prête serment de rester fidèle à la foi romaine. Auparavant, s’il exerce son pouvoir de juridiction, il ne peut rien entreprendre qui dépende de son ministère d’ordre. Pour l’avocat Montmirail, ce n’est qu’à partir de ce moment qu’il peut être appelé « pasteur »14. C’est à cet instant également que l’évêque est obligé de se démettre de ses autres bénéfices, s’il n’a pas obtenu de dispense. Au cours de la cérémonie, il reçoit les pontificalia, insignes de sa charge qui sont eux aussi objets de querelles. En effet, l’importance liturgique de la crosse et de la mitre, les deux attributs les plus spécifiques de la charge épiscopale15, pousse les adversaires à s’en emparer, rendant délicate la tenue des offices, et empêchant le prélat de se manifester en tant que tel. Un partisan de Gilles de Laval, afin de gêner le gouvernement d’Étienne Goupillon à Sées, est allé en cette ville, « a grant assemblee de gens d’armes et print la crosse et la mittre de l’evesque qu’il a encores »16. En 1486, la cour arrête que Charles de Joyeuse rende à Claude de Doyac les places fortes « avec le bâton pastoral ou crosse, la mitre et autres biens meubles... »17 Il arrive que l’évêque soit tributaire du chapitre pour pouvoir les porter, car la mitre et la crosse qu’il arbore ne lui appartiennent pas. Les chanoines de Bourges précisent : « Et aussi la mytre et croce leur appartient »18. Dans son testament, Simon Bonnet, évêque de Senlis, rend au chapitre la crosse que celui-ci lui a prêtée19. À Saintes, « touchant les biens prins en l’evesché, entre autres la crosse et la mictre qui appartiennent a chapitre et a l’eglise, requiert que partie les restablisse »20. L’évêque d’Autun, Antoine de Chalon, semble au contraire avoir été propriétaire de sa mitre21. Quoi qu’il en soit, la consécration est notée pour sept pourvus et six élus22. Pour Jean de Rély, élu d’Angers et confesseur du roi, le faste de la cérémonie parisienne est avancé comme un argument supplémentaire à son avantage : y étaient présents le roi et « des seigneurs du sang »23.
- 24 Il s’agit d’une seconde bulle de provision obtenue en 1493, ASV, Reg. Vat. 782, fo 271-274, 27 nov (...)
- 25 ASV, Reg. Vat. 813, fo 75v-79, le jour des ides de septembre 1497, A6, 13 septembre 1497, Arch. Co (...)
- 26 En effet, le concordat de Bologne de 1516 donne 27 ans comme âge minimum pour pouvoir devenir évêq (...)
6Bien que l’âge pour devenir évêque soit, selon le droit canon, de trente ans, le signe d’une évolution apparaît. Dans les bulles pontificales de 1493 en faveur d’Antoine du Bois, il est précisé qu’en raison de sa jeunesse, il est administrateur de son siège de Beauvais, et que lorsqu’il aura atteint 27 ans, il en sera le plein possesseur24. Le 13 septembre 1497, Alexandre VI lui accorde de pouvoir bénéficier de la consécration pour le siège de Béziers cette fois-ci, et il est dit avoir 26 ans, bien qu’au regard des âges précédemment donnés dans les bulles, il soit plutôt âgé de 28 ans25. Un abaissement légal existe et prépare l’avenir26.
- 27 « Portatif » est le terme employé pour désigner vulgairement les évêques auxiliaires, A. Vernière, (...)
- 28 AN, X1a 8319, fo 204v, 25 septembre 1487, X1a 8320, fo 231, 22 mai 1489.
- 29 AN, X1a 4836, fo 163v, 26 février 1495.
- 30 AN, X1a 4838, fo 116r-v, 13 février 1497.
- 31 Il s’agit de Geoffroy, abbé de Manglieu en 1483, déposé en 1486 et porté décédé sur le rouleau des (...)
- 32 C’est le canon Si archiepiscopus, X i, ii, 6 [Fr. 119]. Voir aussi Cosme Guymier, Glosa pragmatica (...)
- 33 AN, X1a 4826, fo 17r-v, 2 décembre 1484, X1a 120, fo 66v, 12 mai 1486.
- 34 Le consécrateur aurait dû être l’archevêque de Bourges. Selon M. D. Chaludet, les évêques portatif (...)
7Mais la consécration est dite défectueuse en quatre cas. Bien que Jean Balue ait porté appel de la confirmation de l’élection d’Antoine de Chalon, celui-ci s’est fait consacrer, mais en dehors du diocèse, à Nevers – car Balue n’y a aucun procureur – « par troys evesques portatilz (sic)27 », « et sous couleur de cela », bien qu’excommunié par le cardinal de Lyon, il est allé à Autun, « a fait cresme, a baptisé, fait les ordres et donné couronne »28. Armand de Goutault, élu de Sarlat, bien que non confirmé, s’est fait abusivement consacrer « et se immisce tant qu’il peut »29. Pierre de Rochechouart, bien que la résignation du siège de Saintes faite en sa faveur soit fausse, s’est aussi fait consacrer : on peut lui ôter son évêché30. En ce qui concerne Claude de Doyac, élu puis pourvu de Saint-Flour, le rituel n’a pas été respecté. En 1483, alors qu’il rentre de Rome, on lui refuse l’exécution de ses bulles de provision. Il décide, sans se présenter au métropolitain ni aux autres suffragants, de se faire consacrer « en l’abbaye de Maillot dont ung sien frere est abbé31 », fait appeler « ung jacobin et ung cordelier, evesques portatifz ». Bien que le jacobin soit réticent car « ilz n’estoient que deux evesques et que l’abbé n’estoit consacré », la cérémonie a tout de même lieu, mais comme « il est requis de necessitate qu’il y ait trois evesques qui omnes consecrant par le c. Si episcopus32, quamvis unus solus benedicat, touteffois n’y avoit que deux »33, la consécration est nulle. L’intervention de la famille Doyac force encore le déroulement légal des étapes et pervertit une cérémonie aussi essentielle que la consécration pour l’exercice de la charge épiscopale34. L’exercice des tâches liées au pouvoir d’ordre est alors remis en cause.
- 35 Pierre Cadouet reçoit le pallium le mardi 25 mars 1483, des mains de l’évêque de Mirepoix, Gabriel (...)
- 36 « (...) et lesquelles bulles furent presentees a l’evesque de Mirepoix, lequel, en ensuivant le co (...)
8L’archevêque doit en outre recevoir son pallium. Les prélats d’Autun, du Puy, de Paris, bien que simples évêques, ont obtenu le privilège de le porter35. À Bourges au moins, la remise de cet insigne suit un rituel précis, le prélat parcourant, mené par le clergé de la cathédrale, la nef et le chœur de son église, l’autel majeur étant le pôle principal de cette circumambulation36.
La fidélité au roi de France
- 37 Voir supra, p. 147.
- 38 Gaudemet, La collation par le roi de France..., op. cit. ; Id., DDC, op. cit., t. 7, col. 516. L. C (...)
- 39 J. Gaudemet, La collation par le roi de France..., op. cit., p. 101.
- 40 AN, X1a 4836, 16 février 1495, fo 154-156. Même si Antoine du Bois est le candidat du roi, cela n’ (...)
- 41 De plus, le roi peut conférer, après la clôture, un bénéfice qui a vaqué pendant la régale. J. Gau (...)
- 42 Ibid. p. 59. Les prélats des sièges qui, selon E. Roland, Les chanoines et les élections épiscopale (...)
- 43 AN, X1a 4825, fo 56v, 18 décembre 1485.
- 44 L’origine des temporels est différente de la fondation des Églises elles-mêmes, le plus souvent ap (...)
- 45 Cette origine est énoncée par le roi Jean le Bon devant le Parlement en 13 63, et elle est encore (...)
- 46 J. Gaudemet, La collation par le roi de France..., op. cit., p. 16, qui renvoie à l’ordonnance du (...)
- 47 AN, X1a 4826, fo 27, 9 décembre 1484.
9Le prélat doit encore prêter serment de fidélité au roi. Preuve que le roi approuve ou au moins accepte le nouvel évêque, la prestation du serment a une triple importance : l’évêque devient alors un conseiller du roi37, il peut disposer de son temporel et, logiquement et conséquemment, le serment met fin à la régale temporelle – et spirituelle quand celle-ci est exercée38. S’il y met bien un terme légal39, les avocats, arguant de situations particulières aux candidats, essaient parfois d’en différer la clôture, et sa définition est encore source de nouveaux procès. À Beauvais, le pourvu Antoine du Bois, après avoir prêté le serment de fidélité – la régale est donc close –, a conféré un canonicat ; cependant, un autre clerc a été pourvu du même bénéfice par le roi, « pendant » la confirmation – le procès est en cours ; il a donc le « vrai droit », car les prestations de serment « ne suffisent pas a clore la regale, car ne donnent pas droit a possessoire avant le titre vrai », et du Bois s’appuie sur « une vollerie »40. Pour Poulain, qui défend le chanoine pourvu par le roi, tant que le procès de confirmation n’est pas achevé, la régale est ouverte41. Le serment de fidélité découle donc du droit de régale que le roi exerce différemment selon les évêchés, mais que, dès la fin du xive siècle, il prétend exercer partout ; ainsi, l’évêque de Saintes dont le siège n’était pas soumis à la régale au xive siècle, et qui n’était pas tenu de faire le serment de fidélité, le prête à Charles VIII42. Dans l’esprit des juristes, le serment est lié au droit de garde du roi, « fondeur des eglises », « gardian des eglises metropolitaines cathedralles »43 : celles-ci ont été créées par les libéralités accordées par les rois de France44, et l’origine mythique de la temporalité de l’évêché parisien illustre cette croyance45. Même si cette idée est parfois mise en cause, elle est le plus souvent alléguée pour expliquer que le roi exerce en cas de vacance un droit sur ce qui lui appartenait autrefois46. Cette idée transparaît encore dans les plaidoiries pour élargir l’assise du pouvoir royal sur les temporels cathédraux, et donc le droit d’exiger le serment de fidélité. Ainsi que le souligne l’avocat du roi Lemaistre, celui qui s’empare du temporel auparavant, et quel que soit le mode de régale, agit « contre auctorité du roi », car « a le roy la garde comme fondeur de toutes les eglises cathedrales de ce royaume »47.
- 48 E. Roland, Les chanoines et les élections épiscopales..., op. cit., p. 176. G. Le Bras, Institutio (...)
- 49 I. S. Robinson, « L’Église et la papauté », dans Histoire de la pensée politique médiévale, op. ci (...)
10Le serment de fidélité n’est pas un hommage : cette idée est défendue depuis les conciles du xie siècle. La pensée de Grégoire VII, en fait comme en droit, est claire et, pour Emmanuel Roland, les rois ont en cela obtempéré à la réforme : le vassal est tenu à l’hommage en raison du fief reçu ; or, par son évêché, l’évêque ne saurait être le vassal du seigneur, donc il ne peut être tenu au serment féodal ; tout au plus peut-on exiger de lui un serment de fidélité que tout sujet doit à son prince48. Mais le lien est encore prégnant entre regnum et sacerdotum49. Le serment est obligatoire :
- 50 Hadrien III (772-795).
- 51 Grat. 63, 22 [Fr. 241].
- 52 Grat. 63, 30 [Fr. 244]. Ego, Lodovicus.
- 53 AN, X1a 4834, fo 141, Olivier pour le pourvu parisien Jean Simon, 5 février 1493.
« Et premierement presuppose que anciennement les roys de France ont eu plusieurs privileges et prerogatives en l’eglise, mesmement du temps du roy Charles maigne et de Adrian pape50 leur furent donnees deux prerogatives. La premiere, que au roy appartiendra la confirmacion du saint siege apostolique, la seconde, que les evesques soient tenus prandre d’eulx investiture et leur faire le serment de fidelité, allegue le c. Adrianus LXIII di51, et combien que les roys ayent renoncé a la premiere prerogative et privilege, ou chapitre Ego Ludovicus ea. di.52, touttefoiz ilz n’ont renuncé au second »53.
- 54 AN, X1a 4829, fo 411v, n août 1488.
11Le problème de l’âge peut à nouveau être posé ici, et singulièrement pour Antoine du Bois, le plus jeune des candidats, pourvu de Beauvais. L’avocat de la partie adverse : « Dit qu’il ne scet quelle fidelité peut estre en ung enfant de XVI ans »54.
- 55 E. Roland, Les chanoines et les élections épiscopales..., op. cit., p. 179. Extrait de Mélanges hi (...)
- 56 AN, X1a 4825, fo 57, 22 décembre 1485.
12Emmanuel Roland donne une description détaillée du rituel : l’évêque, l’étole au cou, une main sur le livre des Évangiles, se tient debout devant le trône royal : « Jurez-vous, lui dit alors le chambellan, jurez-vous foi et loyauté à messire le roi de France et à son successeur ? Le jurez-vous ? – Je le jure, telle est la réponse de l’évêque »55. Cela n’empêche pourtant pas François Hallé, qui s’est acquitté de cette fidélité auprès de Louis XI, de prêter à nouveau serment à Charles VIII, après la mort de son père56. L’avocat du roi Lemaistre précise :
- 58 G. Giordanengo, Le droit féodal dans les pays de droit écrit..., op. cit., p. 102.
- 59 E. Roland, Les chanoines et les élections épiscopales..., op. cit., p. 178.
- 60 M. Dupuy, Commentaire sur le traité des libertez de l’eglise gallicane, t. 2, Paris, 1715, p. 247- (...)
- 61 AN, X1a 4827, fo 191v, 18 mai 1486.
- 62 H. Jassemin, La Chambre des comptes au xve siècle, Paris, 1933, p. 246.
13Le rituel ne comporte rien qui ressemble au geste traditionnel de la dédition de soi comprise dans l’hommage, l’immixtio manuum. Il n’y a pas non plus d’échange de baiser, mais le seul serment de « foi », prêté sur les Évangiles, et cela de manière traditionnelle, par l’évêque qui se tient debout58. La présence physique de l’évêque est donc requise. Voici pourtant l’évêque de Laon qui, en 1232, envoie comme procureur un archidiacre de son église59. Mais la pensée gallicane a sans doute cherché à resserrer les liens entre le roi et ses évêques : une déclaration du 14 février 1452 porte que les évêques, pour faire cesser la régale, doivent faire serment de fidélité au roi en personne, et non par procureur60. Cette obligation expliquerait que Nicolas Maugras n’ait pu le prêter car il « est fort aagé », mais « il a eu souffrance »61 – un délai lui a été accordé, ce qui n’est pas rare62.
- 63 AN, X1a 4830, fo 419, procès pour le siège de Tournai.
- 64 H. Jassemin, La Chambre des comptes au xve siècle, op. cit., p. 246.
- 65 AN, X1a 4839, fo 77, 11 janvier 1498.
- 66 Y. Labande-Mailfert, Charles VIII, op. cit., p. 478-479.
- 67 BnF, coll. Clairambault, vol. 765, Registres de délibération du Châtelet, p. 250-251. Sur ce nouve (...)
- 68 AN, X1a 4837, fo 55, 7 janvier 1496. Les destinataires des lettres sont Robert Briçonnet, Jean d’E (...)
14Le roi lui-même doit être présent pour le recevoir : « Le roy ne peut deleguer la recepcion dud. serement eciam a son filz aisné, et aussi a esté dit par arrest »63. Si le serment est prêté entre les mains du bailli ou du sénéchal, il n’est que provisoire, et jusqu’à ce que le prélat se soit présenté au roi lui-même, celui-ci garde la collation des bénéfices64. Pourtant, l’absence de Charles VIII est mentionnée au moins deux fois : Jean d’Espinay a été reçu au serment de fidélité pour l’évêché de Nantes. Le contexte de cette prestation est débattu par les avocats, et Michon dit que de tout cela pourra déposer « l’evesque d’Angers, se mestier est, qui fist lad. reception »65. A-t-il reçu le serment en présence du roi ou l’a-t-il reçu à sa place ? Jean d’Espinay a été postulé le 4 novembre 1493, il est entré dans sa ville le 7 septembre 1495, le serment a donc été prononcé entre les deux dates : Charles VIII est venu personnellement à Nantes en décembre 1493, pour recevoir « l’hommage de (ses) sujets ». Mais si la cérémonie a eu lieu plus tard, le départ de Charles VIII pour l’Italie en août 1494 pourrait expliquer une délégation de pouvoir66. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Jean Simon, qui prête à nouveau serment de fidélité le 30 janvier 1495, après la mort de son compétiteur, est reçu par le duc de Bourbon67. Une plaidoirie ultérieure en rapporte le détail et montre la volonté royale : « Il veult que led. serment fait aud. duc de Bourbon vaille comme s’il eust esté fait a sa personne actendu quod non patebat tutus accessus ad eum, parce qu’il estoit a Naples et hors le royaume (...) »68.
- 69 BnF, coll. Clairambault, vol. 765, Registres de délibération du Châtelet, p. 161, texte également (...)
- 70 P. Pélicier éd., Lettres de Charles VIII, Paris, 1898-1907, t. 3, p. 320. Th. Godefroy, Histoire d (...)
- 71 Ce retournement s’insère dans la politique de renforcement du pouvoir de Philippe Auguste qui, en (...)
- 72 AN, X1a 4836, fo 154,16 février 1495.
- 73 AN, X1a 8609, fo 95r-v, 28 mai 1486.
- 74 AD Cher 8 G 283, pièce 50, fo 5v.
- 75 Les prélats eux-mêmes sont-ils tous sensibles à cette distinction ? Ainsi, des évêques de Provence (...)
15Il n’est pas certain, pourtant, que le roi n’envisage ce serment que sous le seul angle de la fidélité. Par exemple, le premier serment prêté par Jean Simon est qualifié par son avocat de « serment de fidélité ». Il en est de même dans les registres du Châtelet, à la date du 19 décembre 149269. Mais dans une lettre de Charles VIII, datée du 10 décembre 1492 et adressée à la Chambre des comptes, il est clairement écrit que Simon lui « a fait les foy, hommage et serment de fidelité que tenu est [nous] faire a cause du temporel dud. evesché »70. Le temps est bien révolu, où le roi de France était considéré comme vassal de l’évêque de Paris, et le portait avec ses co-vassaux lors de sa première entrée71. Dans une plaidoirie à propos du siège de Beauvais, il n’est pas question de fidélité, mais d’une formule traditionnelle de serment féodal : « Duboys canoniquement pourvu, reçu a foy et homaige par le roy »72. En revanche, dans la lettre de Charles VIII rappelant le serment de Claude de Doyac pour l’évêché de Saint-Flour, c’est le seul terme de fidélité qui est repris73. Dans l’inventaire des preuves en faveur de Pierre Cadouet, il est écrit que ce dernier « fit les foy et hommaige du temporel dud. arcevesché [de Bourges] ainsi que raison le veult, et qu’il est acoustumé de faire »74. Le fait que Paris et Beauvais appartiennent au domaine royal primitif et que Bourges ne tarde pas à y entrer, pourrait-il expliquer cette différence ? Le vocabulaire est-il toujours choisi75 ?
- 76 Jean Balue pour Angers puis Autun, X1a 4828, fo 325, 4825, fo 260, Charles de Bourbon pour Clermon (...)
- 77 Claude de Doyac pour Saint-Flour, X1a 8609, fo 95r-v, Jean d’Espinay pour Nantes, X1a 4839, fo 77, (...)
- 78 AN, X1a 4830, fo 320v, 4 juin 1489.
- 79 BnF, coll. Moreau, vol. 258, p. 202. Extrait des registres capitulaires, 14 octobre 1496.
- 80 Le fait qu’il a prêté serment est dit dans une plaidoirie, le 4 août 1485, AN, X1a 4826, fo 280v, (...)
- 81 AN, X1a 8609, fo 95r-v, 28 mai 1486. Le serment a été prononcé entre le 12 et le 28 mai, le 12 éta (...)
- 82 Par exemple lors du procès pour Chartres. René d’Illiers a bénéficié de la résignation de son oncl (...)
16On possède la mention de ce serment pour dix-sept cas. Il est significatif que le fait soit connu essentiellement à travers les plaidoiries, à la suite de treize provisions76, et de cinq élections seulement77. Le roi ne reçoit au serment qu’après avis du Grand Conseil : André d’Espinay apprend en rentrant de Bretagne que le roi lui a obtenu l’archevêché de Lyon, il « demanda au roi de le recevoir a serment de fidelité ce qu’il fit par deliberation de son Conseil »78. Charles VIII a reçu Jean Neveu, pourvu de Senlis, et il prévient le chapitre qu’il l’a fait « par l’advis et deliberacion des gens de notre grant Conseil »79. Nul doute que les influences des proches du roi s’exercent encore à cet instant. Souvent, les pourvus ne tardent guère à prêter serment. Jean Simon est préconisé le 28 octobre 1492, il prête serment le 10 décembre de la même année. Pour les élus, ce serait un peu plus long : Nicolas Maugras, élu d’Uzès, a dit bénéficier d’un délai. Mais bien qu’il ait affirmé le contraire, il ne serait toujours pas reçu le 22 décembre 1485, soit plus de deux ans après son élection (le 8 août 1483)80. Claude de Doyac, élu en 1482, est également pourvu la même année, profitant des derniers éclats de l’influence de son frère Jean. Sa désignation est immédiatement contestée par Charles de Joyeuse, et le procès mû au Parlement. La cour, quatre ans plus tard, en 1486, arrête que Doyac prêtera serment, et dans la lettre par laquelle il fait part de l’accomplissement de cette prestation, Charles VIII précise qu’il a agi « en obtemperant ouquel arrest et appoinctement », mais que cela ne préjuge pas de la fin du procès81. Le roi peut au contraire refuser de recevoir un candidat que le Parlement a agréé ; il arrive alors qu’un avocat réclame que ce serment soit considéré comme acquis : que de contradictions – ou doit-on y percevoir une évolution ? – entre l’affirmation que le rituel doit être observé, la présence des deux parties réclamée, et la simple intention considérée comme un fait accompli82 !
- 83 H. Jassemin, La Chambre des comptes au xve siècle, op. cit., p. 246.
17Le serment ouvre la voie à la délivrance du temporel qui, pendant la vacance, était sous la main du roi et parfois administré par le chapitre. Le roi, une fois la fidélité reçue, envoie une lettre close à la Chambre des comptes qui orchestre la délivrance83. La lettre peut être datée du jour même de la prestation du serment, telle celle en faveur de Jean Simon, adressée « a nos amez et feaux les presidens et gens de nos comptes a Paris », indiquant que le serment a bien été prêté :
- 84 P. Pélicier éd., Lettres de Charles VIII, op. cit., t. 3, p. 320. Th. Godefroy, Histoire de Charle (...)
« (...) A ceste cause nous vous mandons et commandons que lui bailliez la delivrance du temporel dud. evesché, ainsi que de tout temps a esté fait a tous ceux qui par nous et nos predecesseurs ont esté receus aud. serment, et gardez qu’il n’y ait faute »84.
- 85 F. Lot et R. Fawtier, Histoire des institutions françaises..., op. cit., t. 2, p. 242.
- 86 H. Jassemin, La Chambre des comptes au xve siècle, op. cit., p. 247. Aucun exemple dans nos source (...)
- 87 AN, X1a 4825, fo 56v, 22 décembre 1483.
- 88 AN, X1a 4836, fo 154, 16 février 1495.
- 89 AN, X1a 4834, fo 122v, 24 janvier 1493.
18Il est logique que la Chambre des comptes soit l’institution qui s’occupe de cette délivrance, puisqu’elle est responsable du contrôle comptable et administratif du domaine du roi ; elle supervise donc la procédure d’enregistrement et d’entérinement85. C’est souligner par cette compétence l’idée que les temporels ecclésiastiques sont avant tout dépendants du monarque. La lettre annonçant la mainlevée en faveur de Jean Neveu à Senlis est adressée à tous ceux qui sont chargés d’entériner la décision : « aux gens des comptes et trésoriers à Paris, au bailli de Senlis, à [nos] procureur et receveur du roi aud. bailliage et à tous [nos] autres justiciers ou officiers ou à leurs lieutenants ». Ce sont donc les maîtres des finances royales qui vérifient que tout est en ordre et qui sont chargés de régler les litiges86. Ils adressent ensuite un mandement aux officiers royaux du bailliage dans lequel se trouve le diocèse – ou une partie : à Narbonne, les « gens du roi et trésorier de Carcassonne »87, à Beauvais, « les officiers des lieux »88, à Paris, le prévôt ou son lieutenant89.
- 90 AN, X1a 4838, fo 79v, 26 janvier 1497.
- 91 Valéran de Sains est bailli de Senlis du 27 novembre 1483 au 16 octobre 1510, Mathieu Barthélemy e (...)
- 92 BnF, coll. Moreau, vol. 258, p. 204-206, 3 et 10 octobre 1496.
19Pour Jean Neveu, pourvu de Senlis, voici la formule lapidaire de Michon, son avocat : « Le reçoit le roy et va aux comptes, on en luy fait delivrance, luy font aussi les officiers de Senlis »90. Quels en sont les détails ? Jean Neveu prête serment le 26 septembre 1496 ; le 4 octobre, il présente les lettres patentes du roi à « Valéran de Sains, ecuyer seigneur de Marigny, conseiller chambellan du roi, bailli et capitaine de Senlis, Mathieu Barthelemy, procureur, et Robert de la Place, receveur ordinaire du roi aud. bailliage, commissaires du roi en ceste partie »91, ainsi que des lettres patentes des maîtres de la Chambre des comptes datées du 3 octobre : il leur est enjoint de procéder à la mainlevée, « pourvu que [Jean Neveu] baille aveu et dénombrement par escript en la chambre desd. comptes dans le temps imparti et aussi que paie a vous, receveur, les droits et devoirs si aucuns en sont pour ce dus aud. Seigneur ». Le 7 octobre 1496, les procureur et receveur délivrent le temporel car « ils ne savent aucun droit » dû au roi ; Neveu a quarante jours pour fournir le dénombrement. Les maîtres de la Chambre des comptes ordonnent alors au premier sergent à cheval du roi au bailliage « ou autre sergent sur ce requis qu’en executant les lettres il mette en possession et saisine » le prélat et « les gens et officiers du temporel »92. Bien que l’évêque ne fasse pas hommage, la similarité avec une délivrance de fief est frappante, comme d’ailleurs avec toute décision ayant trait au domaine.
- 93 AN, X1a 4825, fo 53, 22 décembre 1483, fo 65v, 30 décembre 1483. Arnault est le père d’Eustache Lu (...)
- 94 (...) ex mandato regis cui tenebatur parere, AD Yonne, G 34, p. 633, 634.
20C’est contre tous ces officiers qui délivrent le temporel que certains candidats adversaires font appel ; à Narbonne, Georges d’Amboise appelle du trésorier de Carcassonne, Arnault Luillier-d’ailleurs neveu de François Hallé, son compétiteur93 ; à Paris, Gérard Gobaille appelle du prévôt ou de son lieutenant civil, Jean Luillier, neveu par alliance de Jean Simon, également son compétiteur... Mais ces officiers ne feraient qu’obéir aux ordres royaux, ainsi que se défend Jean Luillier, témoin au procès de Sens, interrogé sur ce point : il a agi « sur demande du roi à qui il est tenu d’obéir »94.
- 95 Durand de Maillane, Dictionnaire de droit canonique..., op. cit., t. 1, p. 377. J. Gaudemet, Églis (...)
- 96 AN, X1a 4826, fo 18, 2 décembre 1484.
- 97 AN, X1a 4825, fo 283, 5 août 1484.
- 98 AD Cher, 8 G 283, pièce 50, fo 5v.
- 99 Μ. H. Fisquet, La France ponitificale, Le diocèse de Paris, p. 344. BnF, coll. Clairambault, vol. (...)
- 100 Voir le cas de Doyac supra, p. 329.
21Lorsque l’évêque prête serment, il est théoriquement déjà consacré, mais depuis le xiie siècle, certains exemples tendraient à montrer que cet ordre n’est pas immuable95. Ces étapes, l’une spirituelle et l’autre temporelle, ne sont jamais liées dans les plaidoiries, et lorsqu’on voit la rapidité avec laquelle les pourvus prêtent serment, on se demande si la succession originelle est respectée. Selon son avocat, Charles de Joyeuse est pourvu de Saint-Flour « en plein consistoire », reçu au serment de fidélité, la main du roi est levée, il est consacré du congé de son métropolitain et mis en possession96. Il en est de même pour Pierre Cadouet, pourvu de Bourges97. Mais doit-on se fier à l’énoncé chronologique des plaidoiries ? En effet, dans l’inventaire de ses preuves, il est clairement exprimé que Cadouet a été sacré le 27 octobre 1482, et le même jour, mais après la cérémonie, il a prêté serment au roi98. En revanche, il semble bien que Jean Simon ait prêté serment le 10 décembre 1492, mais qu’il n’ait été sacré à Sens que le 22 septembre 149499. Puisque Charles VIII peut recevoir au serment « sans preiudice du droit desd. parties »100, la délivrance peut alors être considérée comme temporaire, tant que le procès n’est pas terminé ; les deux cheminements du spirituel et du temporel seraient parallèles.
22Cette délivrance n’a cependant pas toujours, loin de là, les effets escomptés, et même si les officiers l’ont proclamée et pratiquée, le candidat qui en a bénéficié n’arrive pas toujours à exercer ses prérogatives.
L’entrée, signe de l’union du prélat et de son peuple ?
- 101 L. Falkenstein, « Alexandre III et la vacance d’un siège métropolitain... », op. cit., p. 7, évoqu (...)
- 102 P. Pélicier éd., Lettres de Charles VIII, op. cit., t. 4, p. 7-8.
- 103 Antoine Allemand à Cahors, Jean Balue à Autun, Pierre Cadouet et Guillaume de Cambray à Bourges, A (...)
23L’entrée devrait réunir toute la cité pour l’accueil de son prélat et préluder à l’intronisation solennelle de l’évêque, qui fait de cette journée un moment fondateur de tout épiscopat. Elle ne peut se faire qu’après la remise préalable des pontificalia et donc le sacre, et la prestation du serment de l’évêque au roi de France101. Est-ce une journée attendue par la population ? C’est ce que l’on pourrait croire à la lecture de la lettre par laquelle, pour ménager leur attente, et peut-être leur mécontentement, Charles VIII prie les habitants de Reims, le 7 février 1494, d’excuser le retard de l’archevêque Robert Briçonnet : élu le 11 septembre 1493, il n’a pas encore pu visiter sa ville, à cause « des grans affaires » qui le retiennent à la cour102. Cette « joyeuse entrée » est rappelée dans les plaidoiries du Parlement pour neuf candidats103. Cela prouve que même une entrée n’est pas synonyme d’une possession pacifique et de la fin d’un conflit.
- 104 AN, X1a 4834, fo 179v, 21 février 1493.
- 105 AN, X1a 4834, fo 261, 11 avril 1493.
- 106 AN, X1a 4837, fo 113v, 11 février 1496.
- 107 AN, X1a 8318, fo 453, 13 juin 1486. E. Breguet, « La carrière du cardinal Balue », op. cit., p. 16 (...)
- 108 AN, X1a 4837, fo 220r-v, 28 avril 1496.
- 109 AN, X1a 4835, fo 484, 24 juillet 1494.
- 110 AN, X1a 4825, fo 2o6v, 8 avril 1484.
24Elle peut être présentée par les avocats comme un argument supplémentaire en faveur de leur client, puisqu’elle signifie que ce dernier a été accueilli dans sa cité, et donc accepté par l’ensemble de la population. Lorsque Chambellan défend Guillaume de Cambray contre Guillaume de Menypeny pour le siège de Bourges, il insiste sur l’importance de cette journée, car « laquelle recepcion a semblablement advouee et requise par tout le clergé et populaire du diocese, que l’on doit fort peser en ceste matiere »104. À Montauban, Jean Doriole a été « receu per clerum et populum aussi joieusement et sollempnellement que fut oncques evesque »105. Jean de Rély « fist son entree en l’eglise d’Angiers ou mois d’octobre ensuivant, luy a esté faicte obeissance par le clergé, par les nobles et par le peuple du pays qui furent joyeulx de sa venue »106. Lorsque, après sa disgrâce, Jean Balue revient en France comme légat, il « visite » enfin Angers le 24 juillet 1484 – il en a été pourvu le 5 juin 1467 – pour prendre possession en personne de son siège épiscopal ; il est reçu « par lesd. doyen et chapitre et par les nobles gens d’eglise et populaire comme leur evesque »107. Mais l’entrée peut être décrite comme un coup de force ou un simulacre, et cette preuve est alors discutée. À Saintes, Pierre de Rochechouart, après la mort de son oncle Louis, a préparé son entrée : il « convoqua tous les gentilzhommes du pays pour l’acompaigner et le notifia ausd. doyen et chapitre pour le recevoir more solito ». Le doyen saintenais – et futur élu –, Guy de Tourettes, refusa car « il n’estoit evesque et se gardast d’y entrer (...) neantmoins messire Pierre y alla ». Le doyen excommunia alors huit ou neuf des chanoines et des clercs qui accueillirent le pourvu, les priva de leurs bénéfices, et « declara tous les barons excommuniez. (...) Apres fist messire Pierre son disner ; durant iceluy et a l’eure de mydy le doien alla dire vespres »108. Et l’avocat de Guy de Tourettes peut dire, usant encore des différentes acceptions du terme de « chapitre » : à ce que Pierre a été reçu par le chapitre, « dit qu’il peut estre que aucuns furent audevant de luy, mais non pas le corps de chappitre »109. À Bourges, selon les partisans de Guillaume de Cambray, si Pierre Cadouet a été reçu en 1482, c’est par crainte de Louis XI et, « coram clero et populo derechief ilz protesterent comme dessus et ultra quod per quamcumque reverenciam qu’ilz lui exhiberoient, ilz ne l’approvoient leur arcevesque et que ce qu’ilz faisoient estoit par force, violence et crainte, et que quant ilz seraient en liberté, de proceder a election et de poursuir leurs droiz par justice »110
- 111 Forteresse située sur la rive droite de la Saône, élevée par l’archevêque de Lyon Renaud de Forez (...)
- 112 AM Lyon, BB 21, fo 47, 7, 8, 9 mars 1494, fo 50, 28 mars. Elle fait pièce à l’argument d’Antoine d (...)
- 113 AD Rhône, 10 G 285, fo 106v, 25 février 1494 (ns).
25Toutes les entrées ne se réalisent pas dans un contexte aussi prestigieux que celui dont bénéficie André d’Espinay. Lorsqu’il est accueilli par la cité lyonnaise le dimanche 9 mars 1494, il a été précédé le 6 mars par Charles VIII et le 7 par la reine Anne. Sont de plus réunis en cette ville nombre de princes du sang, d’évêques, de hauts seigneurs, de bourgeois des bonnes villes, convoqués pour une assemblée extraordinaire d’information : l’expédition italienne est en marche. La succession de ces entrées met encore en relief l’appui de Charles VIII au cardinal. Et ce sont « les conseillers avec grant nombre des conseillers vieulx, notables, et enfans de la ville » qui sont allés au château de Pierre-Scise111 à sa rencontre pour lui faire « la reverence et autres choses yer arrestees, et l’acompaignerent jusques a la grant eglise ainsi que l’on a acoustumé faire en telz et semblables cas ». Le 28 mars suivant, jour du vendredi saint, les « conseillers » de Lyon lui offrent « six tasses avec le couvercle et deux aiguieres dorees », ce dont le cardinal « s’est bien contenté de lad. ville. Et a offert faire tous les plaisirs qu’il pourra »112. En revanche, si le chapitre s’est décidé à l’accueillir, c’est uniquement par crainte d’un scandale, en un rituel assez sommaire de l’entrée qui ne règle en rien le différend ouvert par la lutte pour le siège lyonnais entre André d’Espinay et Hugues de Talaru113.
- 114 Jean, 10, 1-10.
- 115 Pour l’analyse et l’histoire de ces entrées épiscopales, je me permets de renvoyer à un article à (...)
26Quoi qu’il en soit, par sa joyeuse entrée en sa cité, le prélat est solennellement intronisé dans son siège épiscopal ou archiépiscopal devant un nombre important de personnes qui sont autant de témoins de sa prise de possession, par son supérieur ecclésiastique ou l’un de ses envoyés. Le rituel qu’il accomplit ce jour est différent selon les diocèses mais des points communs entre plusieurs d’entre eux sont remarquables : l’hébergement dans un monastère la veille de son entrée, le plus souvent situé à l’extérieur des murs de la ville, dans lequel est célébrée une cérémonie d’accueil ; le prélat prête en outre serment de respecter les droits de l’établissement. Puis, une procession, organisée et regroupant différents corps de la ville, sort de la cité pour aller l’accueillir devant le monastère, avant de le ramener à l’intérieur des murs, selon un parcours établi, par le passage d’une porte bien précise. Ensuite, le prélat prête à nouveau serment, devant la cathédrale le plus souvent, de respecter les droits de son église, en réalité ceux du chapitre, puis la procession pénètre dans la cathédrale. La liturgie est spécifique de chaque cathédrale : les chanoines en sont les maîtres. Cette entrée rappelle en certains points un adventus antique (procession organisée et accueil à l’extérieur des murs), mais elle est accomplie avec des acteurs bien médiévaux – les moines, les chanoines et, dans certains diocèses, les vassaux qui portent le prélat sur leurs épaules depuis le monastère jusqu’à la cathédrale, après lui avoir prêté serment de fidélité –, et bien entendu selon un rituel intrinsèquement christianisé : le passage de la porte rappelle non seulement l’entrée du Christ à Jérusalem mais aussi la parabole du berger : « celui qui entre par la porte est le berger des brebis »114. Elle possède également des points communs avec une entrée royale et toute entrée médiévale en général, mais elle en a certainement été le modèle, modèle sans doute sublimé par la mise en scène de plus en plus complexe qui règle une entrée royale115.
- 116 Le moment même de l’intronisation, la prise de possession de l’Église qui est différente de la pri (...)
27L’entrée de l’évêque s’achève donc par son intronisation et la prise de possession solennelle de son siège116, après qu’il eut garanti les privilèges des chanoines et du clergé régulier. Voici accompli le parcours : le candidat est devenu évêque et détenteur de son Église. Mais cette détention est loin d’être toujours pacifique.
L’obéissance imposée
28Ce thème de l’obéissance, déjà abordé avec les chanoines, se retrouve de façon cruciale en ces lieux que sont la cité et le diocèse, quel que soit le niveau du parcours atteint par le candidat. Dès la provision ou l’élection, roi ou pape soutiennent leurs candidats à travers lettres missives ou patentes, bulles et brefs, qui sont la première forme de communication entre ces souverains et les cités. Leurs lettres incitent toutes à l’obéissance envers leurs champions. Les écrits du roi accompagnent souvent l’exécution demandée de la provision apostolique ou d’un ordre de mainlevée, et l’obéissance réclamée envers les prélats est liée à celle exigée par le roi à l’égard de ses décisions. Mais comme deux candidats s’affrontent, des ordres contradictoires peuvent envenimer la situation, les parlements ne partageant pas forcément les visions royale ou pontificale.
Le pape et les sujets
- 117 Voir supra, p. 155-156.
- 118 A. Guerreau, « Seigneurie », dans Dictionnaire encyclopédique du Moyen Âge, op. cit., vol. 2, p. 1 (...)
29La première injonction à l’obéissance est pontificale. Elle ne concerne que les pourvus, puisqu’elle est incluse dans le texte des bulles de provision, ou annonçant la provision. On a déjà évoqué des exemples de lettres adressées au chapitre, au clergé du diocèse, aux vassaux, au peuple et, s’il s’agit d’un archevêque, aux suffragants117. Le pape cherche ainsi à toucher toutes les catégories de la population, et l’on retrouve, d’une part, un mélange de la conception tripartite de la société – mais les vassaux ne sont pas tous les nobles du diocèse, et sont-ils tous nobles ? –, d’autre part, au sein du clergé, une répartition entre ceux qui jouent un rôle dans l’élection, la réception ou le sacre. Ainsi, si l’on considère qu’à travers les différentes lettres, le pape désire englober l’ensemble des habitants du diocèse du plus humble au plus important, le peuple représenterait alors tous ceux qui ne sont ni chanoines de la cathédrale, ni clercs, ni vassaux, c’est-à-dire l’ensemble de la population laïque et bourgeoise – mais pas seulement les laboratores si l’on considère que tous les nobles ne sont pas vassaux de l’évêque. Les catégories semblent donc susceptibles d’être mieux définies par les liens qui les relient au prélat, les services et les devoirs. Si de ces liens dépend la mise en place de l’évêque – l’élection « par le clergé et le peuple », la réception par le chapitre, le sacre par les suffragants pour l’archevêque, la participation des vassaux lors de la première entrée –, ils sont ensuite tous caractérisés par la soumission demandée, celle des suffragants envers leur métropolitain, celle des vassaux envers leur seigneur, celle du clergé envers les décisions pastorales, celle du peuple envers son pasteur et son seigneur temporel qui doit exercer son droit de visite. Les chanoines sont eux aussi soumis à son autorité, sauf quand ils bénéficient de l’exemption. Le pouvoir de l’évêque – tout comme celui du seigneur – est alors défini par ces liens qui définissent cette « réalité fondamentale » de la société médiévale qu’est « le rapport social de domination »118 et qui se traduit par les redevances et les droits qu’il perçoit, par les services dont il est le bénéficiaire, mais, contrairement au seigneur, dans une entité géographique bien définie : le diocèse. Ce rapport social comprend aussi une contrepartie fondamentale de la part de l’évêque : c’est lui qui doit mener ses brebis au salut. Un terme peut alors les désigner, c’est celui de « sujets », subditi, que l’on retrouve par exemple dans une bulle en faveur d’André d’Espinay.
- 119 AM Saint-Flour, chap. IV, art. 1, no 3.
- 120 Six lettres sont prévues, dont les quatre premières demandent obéissance et révérence : au chapitr (...)
- 121 Ainsi, dans l’inventaire des pièces de Pierre Cadouet, AD Cher, 8 G 283, pièce 50, fo 4v-5.
- 122 L’obéissance de l’ensemble de la population est notée dans c. Omnes principes, X, 1, 33, 4 [Fr. 19 (...)
- 123 Ce lien entre sujétion et obéissance est présent au xve siècle, par exemple dans les écrits de Ger (...)
- 124 Venerabilibus fratribus nostris eiusdem ecclesie lugdunensis suffragantis, ac dilectis filiis capi (...)
- 125 AD Rhône, 10 G 1377, pièce 4, la bulle date du 7 des calendes de mars 1488, 23 février 1489.
30Qu’attend de ces sujets le pape pour l’évêque ? Dans les lettres pontificales, les termes utilisés sont obedientia (soumission) et reverentia (respect, crainte), ainsi dans les lettres en faveur de Claude de Doyac119, ou dans celles de Jean Simon, adressées au peuple du diocèse, au moment de sa première provision en octobre 1492120, et quelques mois plus tard encore, dans le texte même d’une nouvelle provision. En français, c’est le terme « obéissance » qui est repris121. Ce vocabulaire est déjà ancien, puisqu’il apparaît dans les canons des décrétales122. Il est à relier au mot « sujet », alors employé en un sens politique global, qui reflète la soumission liée à cet état123. La demande est parfois plus pratique : en mars 1489, Laurent Allemand, évêque de Grenoble, est l’exécuteur d’une bulle d’innocent VIII au profit d’André d’Espinay, adressée à toute la province124. Les termes relèvent de l’ordre, « nous vous avions mandé », et le temps indique que ce n’est pas la première injonction. Il n’est pas question ici de la « révérence », attitude plutôt intérieure, qu’ils lui doivent, mais d’un fait externe traduisant révérence et obéissance, et plus facile à évaluer : il faut le « recevoir » comme « archevêque et pasteur » et donc l’accepter comme tel125.
- 126 P. Paravy, De la Chrétienté romaine à la Réforme en Dauphiné..., op. cit., p. 94-98.
- 127 AN, X1a 1497, fo 190. Guillaume Gastinel qui a fait publier les bulles est emprisonné à la concier (...)
- 128 AN, X1a 121(1), fo 158v-159,11 septembre 1487. Les bulles sont datées du 21 août 1486.
- 129 AN, X1a 9319, no 22, écrite depuis Rome.
31La peine, en cas de non-respect, est la censure ecclésiastique, infligée par le prélat lui-même, qui exerce alors son pouvoir de juridiction. Ceux qui refusent l’obéissance sont dits « rebelles », et les censures sont à proférer « jusqu’à satisfaction ». Il ne faut pas y voir uniquement un mouvement d’autoritarisme sans fondement. Laurent Allemand, qui fulmine la bulle pour André d’Espinay, est reconnu pour son action pastorale et son soutien aux idées réformatrices126 : pour pouvoir appliquer ces dernières, nul doute que le prélat a besoin d’être installé et obéi. Il n’empêche que ce sont là des méthodes refusées par le Parlement qui ne cesse d’ordonner à ceux qui ont obtenu des censures de les faire révoquer. Et justement, le 7 avril 1490, le conseil du Parlement rappelle une sentence du 7 septembre 1489, demandant que le temporel d’André d’Espinay soit mis sous la main du roi, car il n’a pas, dans les trois mois impartis, « fait casser adnuller et mectre au neant, a ses despens » toutes les sanctions prononcées en sa faveur par le pape127. Dans les deux cas parisien et lyonnais, la réitération de la demande d’obéissance montre la difficulté, pour le pape et ses candidats, d’obtenir satisfaction. Que la désobéissance se généralise, et c’est toute la cité qui risque l’excommunication. Jean Balue, en 1486, a obtenu du pape des bulles portant sentence à l’encontre du clergé, du peuple, du chapitre et des chanoines d’Angers. Le seul rempart pour la cité, c’est le Parlement. Il arrête que Balue doit les faire révoquer128. Le 22 novembre 1487, Jean Balue écrit au Parlement pour annoncer qu’il a obtenu la révocation des brefs et l’absolution d’Antoine de Chalon129.
- 130 Le terme « ces » ne semble pas avoir une signification religieuse particulière. Il signifie « cess (...)
- 131 AM Lyon, BB 20, fo 87, 23 mai 1493.
- 132 AM Lyon, BB 20, fo 87v, 88.
- 133 AM Lyon, BB 20, fo 92, 8 juin 1493.
32Cette sentence peut être parfois encore plus grave. En 1493, toujours à Lyon, en raison des « contradictions, rebellions, et desobeissances » de l’évêque d’Autun, Antoine de Chalon, qui détient la régale de l’archevêché, mais aussi des chanoines qui soutiennent l’élection d’Hugues de Talaru, des « censures apostoliques » ont été prononcées « jusques a la troysiesme agravatoire tellement qu’il n’en failloit plus que la quatriesme sur, l’en pouroit mectre interdit et ces130 en lad. ville qui seroit chose bien scandalleuse et qui fort desplaisoit a mond. sr le cardinal »131. Le vicaire expose l’alternative qui se présente à André d’Espinay ; « afin d’estre paisible et obey », ainsi que le porte une sentence de Rome en sa faveur, cassant l’élection d’Hugues de Talaru, il a deux moyens : la justice spirituelle, « il seroit forcé mectre interdit et ces en lad. ville » ; ou sinon la justice temporelle. « A ceste cause luy sembloit que lesd. conseillers en devoient advertir le roy et luy supplier qu’il luy plaise de sa grace y faire donner telle provision que son bon plaisir cognoistre estre a faire ». Les consuls, après discussion, décident d’écrire au roi « tant pour obvier a interdit et ces en cested. ville qui seroit esclandre, erreur au peuple et peril es ames, aussi pour honneur et en faveur de mond. sr le cardinal »132. Le cardinal utilise la peur de l’interdit pour pousser les consuls à demander l’aide royale. En tous les cas, le conflit est loin d’être achevé en 1493. Les chanoines et les « suppostz de l’eglise » continuent à ne pas se plier aux ordres, « ou contempt, mespris et irreverence des sentence de notre saint pere le pape, censures ecclesiastiques contre eulx fulminees, dont ilz n’ont fait ny font aucune extimacion qui est chose erronee et quasi heretique »133.
- 134 J. Chiffoleau, « Droit(s) », dans Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, op. cit., p. 306-3 (...)
- 135 ASV, Reg. Vat. 775, fo XXV.
33Dès cette étape de l’acceptation théoriquement consentie par le chapitre, c’est toute une population qui peut se manifester et la rébellion, le « nouvel ennemi du prince »134, ici du prélat, exprime le refus de l’ordre légitime. Il s’agit désormais pour lui de construire l’obéissance demandée en sa faveur par le pape, grâce aux moyens coercitifs dont il dispose, les censures ; le pape peut préciser qu’il peut être aidé, en cas de besoin, par le bras séculier135.
Le roi et la cité
- 136 B. Chevalier, Les bonnes villes de France du xiveau xvie siècle, Paris, 1982, p. 101 et suiv. ; J. (...)
34Quand il écrit pour signifier son « bon plaisir », Charles VIII se soucie également de l’attitude de son peuple envers ses candidats : il tient à ce que leur installation soit effective. Quelques lettres missives ont été conservées, témoins de cette volonté. Le libellé des destinataires diffère de celui des bulles : le roi s’adresse non au clergé ou au peuple ou aux vassaux, mais soit aux chanoines de la cathédrale – entre autres pour ses « douces prières » – soit, selon l’usage, aux « conseillers, bourgeois, manans et habitans ». Si le tout, la cité tout entière, est définie par ses parties, et nul doute que les clercs appartiennent aux habitants, le roi commence cependant par ceux qui représentent le patriciat urbain, et qui sont aussi les exécuteurs de sa volonté : les consulats n’ont en effet que peu d’autonomie136. Mais les décisions prises concernent l’ensemble de la population, et dans les sources du Parlement ou les rapports de commissaires, le terme de subject est à nouveau employé. Ainsi, à Lyon, il est question des « habitans de lad. ville et autres subgectz aud. archeveschié » qui doivent obéir à André d’Espinay. À Béziers, il est question du « peuple et [des] subiectz de l’evesché » qui doivent reconnaître l’un des candidats. Mais les consuls sont bien les premiers concernés par les appels du roi.
- 137 AD Rhône, 10 G 1385, fo 6. Il est situé à deux pas du cloître Saint-Jean, N. Gonthier, Délinquance (...)
- 138 AN, X1a 1503, fo 118, 27 avril 1497.
- 139 J. Rossiaud, « Crises et consolidation », op. cit., p. 606-607.
35Le 2 mai 1493, plusieurs conseillers lyonnais se rendent en l’hôtel de Roanne, sur la demande de Claude de Raboudanges, seigneur de Tun, conseiller et chambellan du roi. Cette demeure est « l’ostel du roy, vulgairement appelé Roanne, lieu accoustumé et ordonné a tenir le siege royal de la seneschaucié de Lion »137. Ici leur est faite lecture de lettres missives que Charles VIII a adressées « esd. conseillers et es bourgoys manans et habitans de lad. ville ». Ensuite, le seigneur de Tun exprime aux conseillers ce que le roi attend d’eux : qu’ils aident André d’Espinay, conformément à la sentence pontificale qui a été rendue contre Hugues de Talaru et cassant son élection, à prendre possession de l’archevêché. La lettre vient donc en appui d’une sentence romaine, donnée le 30 janvier 1493138. Les conseillers répondent qu’ils obéiront, ainsi qu’ils l’ont toujours fait. La déclaration est ferme et hypothèque l’avenir – il est vrai que des officiers royaux appartiennent régulièrement au corps de ville139 –, mais ne rend certainement pas compte de l’état d’esprit de tous les Lyonnais. En effet, quelques heures plus tard, et en raison de l’adresse des lettres royales, ils lancent la procédure d’entérinement : ils feront « mander ung bon nombre des notables de lad. ville jusques a cinquante aud. lieu de Roanne » pour les informer et s’enquérir de leur avis. Est-ce par manque d’intérêt, par peur de prendre parti ou par désobéissance ? Les notables « ne sont venuz que en nombre de six ou sept ». Les présents décrètent une nouvelle convocation plus convaincante que la première : le mandeur sera accompagné d’un sergent et ceux qui ne viendront pas paieront une amende de 25 livres tournois. Mais le schisme existe aussi au niveau des notables de la cité, et le mandeur doit établir « ung roolle d’iceulx notables, pour non mander ceulx qui touchant ceste matiere pourraient estre parciaulx et trop affectionnez ». Cinquante-cinq notables sont alors convoqués ; le lendemain, seize sont présents...
- 140 AM Lyon, BB 20, fo 77v-78, 2 mai 1493, fo 80, 3 mai 1493. C’est la même menace qui pousse le maire (...)
- 141 AM Lyon, BB 20, fo 84, 12 mai 1493.
- 142 AM Lyon, BB 20, fo 111, 16 août 1493, BB 22, fo 43, 18 juillet 1495 : cette lettre arrive en même (...)
- 143 Dès le 10 juin 1493, Antoine de Chalon, Hugues de Talaru et les chanoines font appel des deux comm (...)
- 144 AM Lyon, BB 20, fo 84v.
36Le roi, en ce mois de mai 1493, ne fait qu’écrire, mais le sire de Tun prévient : « Charles VIII n’avoitvoulu envoyer en cested. ville aucuns gens de guerre, ce que par aucuns luy avoit esté persuadé, et ce avoit fait led. seigneur afin de obvier a superflue despense que a ceste cause pourrait estre faicte tant par icellui seigneur que lad. ville, et aussi a insulte et esclandre ». Le roi aurait donc pu envoyer des hommes d’armes. La première raison qui explique sa retenue est économique, mais la seconde est fidèle à son objectif de gouvernement : il cherche à ne pas envenimer la situation et à conserver la paix140. Il n’est d’ailleurs jamais dit dans les plaidoiries que Charles VIII soit allé jusque-là, mais lorsque deux candidats bénéficient de « garnisons », aucune précision sur leur composition n’est donnée. Si le 5 et le 8 mai 1493, il écrit encore aux consuls lyonnais pour « leur fait grant grace » car la ville « s’estoit portee en ceste matiere en obeissance aux bons plaisirs dud. seigneur »141, rien n’est réglé : le 30 juillet 1493, il leur écrit encore pour leur enjoindre de mettre un terme à des entreprises contre l’autorité du cardinal d’Espinay, et encore le 23 juin 1495142. Dans le cas de Lyon, les actions du pape et du roi se complètent. Le dimanche 12 mai 1493, les consuls décident qu’après dîner, ils iront voir les deux commissaires, royal et apostolique – ce dernier est l’évêque d’Agde –, pour proposer leurs services au nom du roi143. « Et selon qu’ilz aurront d’eulx, ilz besoigneroient apres »144. Les lettres missives du roi ont donc un effet certain sur le comportement des consuls et entraîne leur obéissance, mais rien n’est acquis pour les autres habitants de la cité.
- 145 AD Yonne, G 34, item 74. Un témoin confirme ce soutien, p. 305.
- 146 AD Yonne, G 34, item 3, Lettres de Louis XI, op. cit., t. 10, p. 329.
- 147 J. Favier, Paris au xve siècle, Paris, 1974 (Nouvelle histoire de Paris), p. 430-431.
- 148 Aux côtés de Brinon.
- 149 AN, X1a 8322, fo 555.
- 150 AN, LL 125, p. 321, 15 octobre 1492.
37À Paris, ville de prévôté, l’autonomie est encore moins pensable. On l’a vu : le lieutenant civil obéit au roi pour qui il exerce le pouvoir ; il a remis le temporel à Jean Simon. Mais deux autres instances prennent parti dans le conflit. L’élu Gérard Gobaille aurait obtenu en sa faveur des lettres adressées au pape et aux cardinaux, émanant de l’Université et de « maître Jacques Piedefer, prévôt des marchands, son conseiller et avocat en cette cause »145. L’opposition entre les officiers royaux et le pouvoir économique de la capitale n’est pas récurrente pour les désignations à l’évêché. En effet, lors de la provision de Louis de Beaumont en 1472, les deux instances, fortement poussées par Louis XI, avaient soutenu sa candidature : le seigneur de Gaucourt, « lieutenant du roi dans la ville de Paris », Jean Le Boulanger, premier président du parlement de Paris, et le prévôt des marchands, Denis Hesselin, vantaient ensemble au chapitre le fils du conseiller du roi146. Vingt ans plus tard, le prévôt des marchands, depuis le 16 août 1492 et pour deux ans147, est bien un des avocats de l’élu, Jacques Piedefer148. C’est lui qui plaide le 18 juillet 1494149 – cela lui a-t-il coûté son échec à une nouvelle élection à la prévôté le 16 août suivant ? Il est également pensionné du chapitre, au moins en 1492150, ce qui peut expliquer son soutien, tout comme la collusion entre les détenteurs de la puissance marchande parisienne et l’élu, issu d’une famille de commerçants soissonnais, peut s’expliquer à l’aune d’une lutte entre pouvoir économique et pouvoir des officiers du roi. Malheureusement, les procès-verbaux des délibérations de la municipalité parisienne ne sont pas conservés avant le xvie siècle. Quant à l’Université, on sait que Cosme Guymier, conseiller de Gobaille, exerce à la faculté de droit où il professe sa glose de la Pragmatique Sanction. À Paris comme ailleurs donc, les corps qui bénéficient de quelque autorité s’engagent dans une telle affaire, et l’Université n’est pas en reste. À Angers, en accord avec la ville et Louis XI, elle soutient Auger de Brie en 1479 ; à Toulouse, elle est du côté de Pierre de Rosier, mais la ville semble partagée. Charles VIII ne réussit pas à souder les soutiens comme le faisait son père.
38Si le pape et le roi demandent l’obéissance, il est nécessaire qu’elle se traduise en faits concrets : il faut donc la faire appliquer. Les moyens de coercition passent avant tout par l’exécution des ordres de Charles VIII, et l’aide du bras séculier, demandée par le pape, est souvent liée à l’exécution de ceux-ci ; ils peuvent entrer en contradiction avec les décisions des parlements, cours judiciaires qui, par le biais de ces procès, sont en fréquent contact avec les cités.
L’exécution légale de l’obéissance
- 151 Aubert Le Viste est déjà au service du roi sous Louis XI : il a fait partie d’une commission extra (...)
39Ce sont les commissaires qui sont chargés de l’exécution de l’obéissance. Avant 1493, Lyon en avait déjà vu venir trois : deux à la demande du roi ; le troisième, sur ordre du Parlement dont il avait exécuté une sentence. Le roi a en effet tenté de faire respecter l’autorité du cardinal et d’évincer l’évêque d’Autun, Antoine de Chalon, de l’administration de la régale, apportant ainsi l’aide du bras séculier au candidat pontifical. Pour Charles VIII, il n’y a en effet aucun doute : puisque André d’Espinay est pourvu (le Ier octobre 1488) et qu’il a prêté serment de fidélité, la régale est bien close et il peut appeler d’Espinay « notre amé et feal conseiller André, arcevesque et conte de Lion ». Le maître des requêtes Étienne Pasqual (ou Pasquier) s’est efforcé de délivrer le temporel à d’Espinay en février 1489, ce dont Antoine de Chalon a appelé devant le parlement de Paris. Aubert Le Viste, « seigneur de Varly, correcteur et rapporteur de la chancellerie de France, aussi conseiller du roy notre sire en son grant conseil et son commissaire en ceste partie »151, est à nouveau chargé de cette exécution en mars 1489. Et il la veut exemplaire.
- 152 Le sénéchal n’étant souvent que le chef nominal de la justice, le lieutenant, juriste de métier, e (...)
- 153 Ce sont deux juges royaux qui coexistent, sans que la hiérarchie de leurs fonctions soit clairemen (...)
- 154 Il s’agit de Claude Pasquet, dit le Charron, 2 décembre 1477-1504. R. Fédou, Les hommes de loi lyo (...)
- 155 Voir supra, p. 298, η. 191.
- 156 Cette position centrale des commissaires royaux semble traditionnelle, H. Gilles, Les États de Lan (...)
- 157 AD Rhône, 10 G 1385, manuscrit de papier d’environ 60 feuilles qui retrace en détail cette commiss (...)
- 158 AN, X1a 4830, fo 415-418, 30 juillet 1489.
- 159 Sur le rôle du courrier, N. Gonthier, Délinquance, justice et société..., op. cit., p. 22-23.
- 160 AN, X1a 121 (2), fo 303r-v, 9 avril 1489.
- 161 AN, X1a 125, fo 15-16. Cette commission est elle aussi détaillée : AD Rhône, 10 G 1386, no 3, lett (...)
- 162 Essonne, commune d’Étampes.
- 163 L’exécution « virtuelle » a eu lieu au parlement de Paris, le 15 mars 1490.
40Cette affaire intéresse bien entendu de nombreuses personnes : pour les auditions des parties en l’hôtel de Roanne, le 20 mars 1489, sont présents des représentants de la justice royale de Lyon – « messire Laurens Paterin », lieutenant général du sénéchal de Lyon152, les « juges des ressors de Lion et juge mage de Mascon »153, le procureur du roi en la sénéchaussée154 –, d’Humbert de Varey « conseiller et maistre d’ostel dud. sire »155, des procureurs des parties « et de plusieurs autres gens d’eglise, nobles, bourgois et habitans de lad. ville en grant nombre ». Le Viste, commissaire du roi, occupe alors une place stratégique au milieu des représentants de la justice royale : Laurent Paterin, lieutenant général du sénéchal de Lyon, et le juge des ressorts « estoient assis pres de nous et nous au milieu d’entre eulx »156. Sa mission l’emplit de suffisance, il critique le « stille » usité à Lyon pour les convocations157. Cette même mission, vue à travers une plaidoirie en faveur d’Antoine de Chalon, est quelque peu différente, la force physique complétant la voie judiciaire pour que soient amenés les témoins158. Quoi qu’il en soit, sa mission est réussie, et Humbert de Varey s’installe dans l’hôtel archiépiscopal pour diriger le diocèse sous la houlette d’André d’Espinay, et Gilbert du Tremblay, écuyer et maître d’hôtel du cardinal, obtient l’important office de courrier de Lyon, dépendant de la cour séculière159. Antoine de Chalon en appelle alors encore devant le Parlement160 et obtient gain de cause. En effet, un an plus tard, en mars 1490, Philippe Simon vient à Lyon pour exécuter un arrêt du 27 février 1490, adjugeant l’administration du temporel à Antoine de Chalon, « par maniere de provision » et ne préjugeant pas de la fin du procès161. Avant qu’il ne parte pour Lyon, le 7 mars, un huissier se rend au château de Marcoussis162, où le doyen de Langres répond pour André d’Espinay qu’il « vouloit obeyr aux arrestz de lad. court », sans que l’on sache la raison de cette abdication. Et le 30 mars, devant l’église Saint-Jean, Philippe Simon procède à l’exécution « réelle » de l’arrêt du Parlement163 : les procureurs des deux parties sont présents, les officiers de l’archevêché aussi, ainsi que Laurent Paterin. Les partisans et officiers d’André d’Espinay, sachant la volonté de leur maître, acceptent sans résistance, et Humbert de Varey doit alors quitter l’hôtel archiépiscopal et le château de Pierre-Scise, appartenant à l’archevêque. Mais arrangement a été conclu : tous les fruits perçus avant la date de l’arrêt restent au cardinal. Le Parlement l’a emporté sur le roi.
- 164 Ainsi que le fait bien comprendre une lettre envoyée au parlement de Paris depuis Rome, le 21 janv (...)
- 165 AN, X1a 4837, fo 356v, 4 août 1496, x2a 61, fo 341v, 10 janvier 1497.
41Ce n’est cependant pas le cas partout : en 1495, l’installation à Cahors du candidat royal, Benoît Jehan dit de Saint-Moris, se fait sur ordre du roi, à l’encontre des décisions des parlements de Toulouse et de Paris qui soutiennent l’élu Antoine de Luserch. Que Saint-Moris soit le neveu du seigneur du Bouchage lui est sans nul doute un avantage de premier plan164. Le feu du procès n’en est que plus alimenté, le Parlement n’acceptant pas de voir son autorité niée165.
- 166 AN, X1a 4839, fo 415v-416.
- 167 AN, X1a 4830, fo 416r-v, 30 juillet 1489.
- 168 B. Guenée, Tribunaux et gens de justice..., op. cit., p. 277-309.
- 169 AN, X1a 4830, fo 247, 30 avril 1489.
- 170 AN, X1a a 8320, fo 243v, 7 août 1489.
42Le dilemme qui se pose alors aux habitants du diocèse n’est pas mince. À qui obéir ? À l’exécuteur envoyé par le roi, ou à celui envoyé par le Parlement, ou aux deux à la suite ? Du Moustier, notaire chargé à Lyon par Aubert Le Viste d’arrêter le vicaire d’Antoine de Chalon, Jean Petitjehan, n’a aucun doute. Au vicaire qui se défend en rappelant les défenses faites par le Parlement, il répond « que le roy estoit plus grant maistre que la court »166. Pour se prémunir de toute opposition de la rue ou des chanoines, Aubert Le Viste aurait pris certaines précautions « et feit crier a son de trompe par la ville et defendre que on ne obeist point a la court sur peine d’estre rebelle et desobeissant au roy et d’encourir son indignacion et que tous meissent la main forte a y resister ». Le notaire Du Moustier en rajoute ; « Dist tout hault publicquement qu’il failloit prendre lesd. chanoines et gecter en la riviere et mectre a mort », car « ilz ne vouloient obeir au roy »167. Les conseillers parisiens ne l’entendent pas ainsi. Cette difficulté est de la même essence que les évocations, et comme ils luttent pour conserver la charge de tous les procès, ils se battent encore pour qu’aucune exécution contraire aux arrêts du Parlement ne soit effectuée. Leur attitude rejoint ici le combat général mené par les juges pour que soit respectée la chose jugée168. À propos de Lyon et de l’exécution de Le Viste, l’avocat Chambellan s’insurge : il faut réagir !, « autrementment la voye de justice seroit de tout point close et defaillie »169. Et l’avocat Piedefer assène : ceux qui empêchent l’exécution de ses arrêts « commectent crime, rebellions »170.
- 171 AN, X1a 4837, fo 355, 4 août 1496.
- 172 Jean de La Vignolle est en effet doyen d’Angers de 1465 à 1495. Il a suivi un parcours tortueux : (...)
- 173 B. Guenée, Tribunaux et gens de justice..., op. cit., p. 288-289.
- 174 AN, X1a 4827, fo 194, 22 mai 1486.
- 175 AN, X1a 8320, fo 38r-v, 13 février 1489. Sur l’amende honorable, cf. infra, p. 382 et suiv.
- 176 AN, X1a 4835, fo 505v, 31 juillet 1494.
43En ce qui concerne Cahors, le parlement de Paris arrête que tout soit remis en l’état précédant l’exécution mais Saint-Moris « a mis en l’ostel episcopal LX ou IIIIXX laquetz et gens de guerre, a aussi esté vendue la tapisserie de l’ostel episcopal et autres places dud. evesché qui estoient bien garnies de tous ustencilles (...) »171. Il a bien du mal à se faire obéir. Il en est de même à Angers où le doyen La Vignolle, ancien conseiller en cette cour172, s’est opposé à un arrêt en faveur d’Auger de Brie contre Jean Balue, lui restituant la perception de recettes : il excommunie le sergent – officier de justice le plus exposé aux mécontentements173 – qui est venu le signifier puis l’emprisonne, mais le sergent parfait quand même sa mission : « Et touteffoiz il [La Vignolle] a esté conseiller ceans et scet quelle reverence on doit avoir aux officiers royaux en executant »174. Étienne Goupillon, pourvu de Sées, obtient des arrêts du Parlement en sa faveur, mais « il a tousiours trouvé plusieurs resistences, rebellions et desobeissances ». En 1489, Lemaistre, l’avocat du roi, s’emporte : résister à un arrêt du Parlement « est crime de leze maiesté » ; ceux qui résistent sont « crimineulx et comme telz doivent estre envoyez prisonniers en la conciergerie et leur faire leur proces extraordinaire mesmement au lay ». Si le Parlement ne le suit pas, il demande qu’au moins la partie adverse de Goupillon soit condamnée à rendre les fruits, contrainte par prison et, si besoin, condamnée à « reparer exces par amende honnorable a la discrecion de la court, et lay comme d’eglise, d’amende proufitable chacun de Vc livres »175. En 1494, Montmirail demande qu’Armand de Goutault, pourvu de Sarlat, « pour la rebellion qu’il a fait ausd. arrestz, [il] soit condamné en dix mil livres »176.
44Volontés royale ou parlementaire souffrent d’une exécution difficile, mais le crime que constitue l’opposition au monarque ou aux arrêts de la cour ne semble pas inquiéter les concurrents qui tentent aussi de s’imposer par eux-mêmes.
L’autorité des candidats
- 177 AN, X1a 8320, fo 161,12 juin 1489.
45Pour imposer leur autorité, certains useraient de ruse, comme l’élu de Beauvais qui aurait « fait semer a Reims que Duboys s’est desisté de son droit et derrenierement que Villiers revint de court, il fist sonner les cloches a Beauvais pour dire que le roy l’avoit agreable »177. Les moyens les plus utilisés restent cependant la violence sous toutes ses formes : intimidation et passage à l’acte, mais aussi accord de faveurs, et intégration dans une clientèle.
- 178 N. Valois, Histoire de la Pragmatique Sanction..., op. cit., p. CXXI, N. Didier, « Postulation, él (...)
- 179 B. Guenée, Tribunaux et gens de justice..., op. cit., p. 287.
46Plusieurs candidats tentent la prise de possession par la violence. Certains ont pourtant eu délivrance du temporel : la mise en application est donc bien délicate. Ces intrusions violentes ne sont pas nouvelles178. Elles ont lieu en plusieurs diocèses, mais pas partout. Ainsi à Paris, rien de tel : il est sans doute difficile d’avoir de tels comportements à deux pas du Palais royal. Ce qui importe donc, c’est la possession, plus que les titres de celle-ci. Et si le tribunal ne l’accorde pas rapidement, les plaideurs sont entraînés à la faire valoir par la violence179, ce qui peut donc correspondre à une première étape ; il faudra ensuite, si cela n’est déjà fait, tenter de la faire reconnaître par les autorités judiciaires.
- 180 AD Haute-Garonne, B 6, fo 369, 23 juin 1485.
- 181 AN, X1a 1496, fo 341, 27 août 1489, fo 366v, 4 septembre 1489.
- 182 AN, X1a 4838, fo 284v, 15 juin 1497.
- 183 À Sarlat, en 1492, le parlement de Bordeaux ordonne que « laquaiz et autres gens vacabons estans e (...)
- 184 AN, X1a 4826, fo 281, 4 août 1485.
- 185 AN, V5 1041, fo 119, 11 avril 1492, il s’agit d’un procès pour héritage.
- 186 AN, X1a 4828, fo 174v, 20 juillet 1487.
47Selon les plaidoiries des avocats, les forces armées d’un côté comme de l’autre sont d’usage courant ; cependant, elles concernent surtout la noblesse et semblent organisées tels des partis épiscopaux que l’on pourrait nommer ici « pré- » ou « pro-épiscopaux ». À Montauban, en 1485, il y a « grans exces, violences, voies de fait et malefices qui se sont commis et commectent chacun jour pour et a l’occasion du debat d’entre messire George d’Amboise et messire Jehan de Saint Estienne, contendans de l’evesché de Montaulban ». Le parlement de Toulouse ordonne l’évacuation de toute garnison, de l’hôtel épiscopal et d’ailleurs180. À Lyon, en 1489, des forces armées sont présentes des deux côtés181. À Béziers, en mars 1493, Pierre de Javailhac a réuni 4 à 500 hommes, se rend en une place forte, siège de la juridiction spirituelle, « a toute banniere desployee », où il tient garnison six semaines, puis force Antoine du Bois à quitter l’hôtel épiscopal. Les violences atteignent son procureur, des femmes et des enfants. Pour entrer dans les villes, il fait brûler les portes182. Et l’on pourrait multiplier les exemples183. À Uzès, des hommes du pourvu Jacques de Saint-Gelais viennent prêter main forte aux commissaires pour les aider à exécuter la mainlevée, et bien que le procureur de Nicolas Maugras s’y oppose, ils s’emparent de l’hôtel épiscopal après avoir fait « ung grant cry afin que chacun se assemblast pour prendre la maison episcopal par force », et menacé les récalcitrants d’être considérés « rebelles et desobeissans au roy »184. Ils mêlent moyens d’information et violence, le tout sous le couvert de l’obéissance au roi. Dans ce cas où seule la noblesse du pourvu est avérée, la force armée n’est dénoncée que de son côté. Il est aidé par « noble et puissant seigneur Jehan de Saint Gelais, seigneur de Montlieu », dit aussi « escuyer »185 et si son père lui a déjà délivré de l’argent pour qu’il puisse obtenir ses bulles de provision186, sans doute aussi peut-il fournir le nécessaire pour entretenir ses « gens ».
- 187 Jean de Doyac est en effet arrêté le 20 février 1483, cf. supra, p. 169, n. 35. En 1484, le procès (...)
- 188 C’est en 1483, car les faits se déroulent avant la provision en consistoire de Charles de Joyeuse, (...)
- 189 AN, X1a 4826, fo 17, 2 décembre 1484, fo 26, 9 décembre 1484.
48En 1483, Claude de Doyac ne peut entrer dans Saint-Flour, car il n’a pas obtenu de lettre de mainlevée ; or, le temporel est sous la main du roi. Ses partisans conspirent : il viendra « armé et embastonné en grant nombre de gens et qui le mectroient dedans ». Pour éloigner les chanoines favorables à Charles de Joyeuse, il sera écrit au chapitre pour les avertir « que le roy avait fait adiourner tous les Doyacz a comparoir par devant lui et qu’il failloit qu’ilz y allassent et que ce n’estoit plus riens d’eulx »187. Enfin, pour distraire les gardes des portes, on les fera « jouer a la paulme ». Le plan est mis à exécution la veille de la Saint-Jean (le 23 juin 1483)188. Doyac arrive aux faubourgs avec 100 à 120 hommes, mais se heurte à forte résistance. Quatre jours plus tard, c’est le même échec. Il se replie à Villedieu où il entre « au moien d’une chartee de foing, print ung gentil homme nommé Loys Marcouroit, commis par le roy a la garde et gouvernement d’icelle, le mist prisonnier en ung coffre et print Vc escus qu’il avoit ; non content, print des fruiz montans de VII à VIIIc francs, fit cueillir les dismes... », et il continue en d’autres places fortes de l’évêché, tout cela en « enfreignant main du roi ». L’avocat de Doyac nie189.
- 190 AD Haute-Garonne, B 6, fo 369, 23 juin 1485.
- 191 AD Haute-Garonne, B 6, fo 384v-385v, 1er septembre 1485.
- 192 AD Haute-Loire, G 769, lettre du parlement de Toulouse en faveur de Geoffroy de Pompadour, 23 octo (...)
49Ces violences sont bien sûr dénoncées par les adversaires. La solution que peut apporter le Parlement est de placer les places et l’hôtel épiscopal sous la main du roi, pour que « le roy et justice soient entierement obeyz, et la force et honneur en demeure aud. seigneur »190 et, si cela ne suffit pas, de saisir les biens des adversaires pour tarir la source du financement, comme ceux de Jean de Saint-Étienne, élu de Montauban, et de son frère « chevalier seigneur de Montbeton »191. Encore faut-il que les commissaires régissent bien au nom du roi et ne remettent pas le temporel à l’adversaire, ainsi que cela est reproché au Puy à Guillaume Bernier192. Le combat du Parlement n’est pas gagné non plus sur ce terrain, mais la saisie des biens est sans doute un moyen efficace.
- 193 Ce sont des faits « insupportables dans le cadre religieux et moral des xive et xve siècles ». La (...)
- 194 AN, X1a 4825, fo 66, 30 décembre 1483.
- 195 E. Perrot, Les cas royaux, origine et développement de la théorie aux xiiieet xive siècles, Paris, (...)
50Même lorsque les candidats sont nobles et que leur famille les soutient, que les opérations ont lieu au grand jour, le Parlement intervient, car la violence ainsi décrite ne correspond pas à celle qui est acceptée pour la noblesse à la fin du Moyen Âge. Elle ne relève pas de la vengeance et donc d’un honneur à réparer, sauf à considérer que l’élection ou la provision du concurrent est une attaque personnelle. En outre, elle s’accompagne de nombreux pillages193. Dans le cas de Narbonne, l’avocat du roi Thiboust « recite le contenu des sacs » qui lui permet de dire que des faits graves ont été perpétrés par les partisans de Georges d’Amboise. Cette reconnaissance de la violence est assez rare pour être soulignée194. En effet, bien souvent, elle est décrite dans les plaidoiries, sans être qualifiée plus précisément. Elle n’est, de plus, jamais déclarée comme une guerre privée. La collusion d’un nombre important de personnes dans un but agressif-le nombre doit dépasser sans peine les dix individus assemblés et armés – pourrait pourtant faire basculer l’attaque en délit de port d’armes et donc la placer comme cas royal, mais cela n’est jamais précisé non plus195.
- 196 Voir supra, p. 229-230. AN, X1a 4825, fo 58v-59v, 29 décembre 1483.
- 197 AN, X1a 4836, fo 262v, 15 mai 1495. Pierre de Rochechouart a déjà demandé par la voix de son avoca (...)
- 198 AN, X1a 4836, fo 166, 26 février 1495.
51La reconnaissance de l’autorité est également liée à la perception de revenus par le prélat. C’est pourquoi les greniers sont aussi les cibles d’attaques. À Narbonne, les partisans de Georges d’Amboise ne se sont pas contentés d’assaillir l’hôtel épiscopal, ils ont aussi vidé les greniers « fort garniz de blez et les [firent] tous prendre et vendre », puis se rendent maîtres des places fortes et les pillent196. À Saintes, le vicaire de Louis de Rochechouart « fist par le prevost de Xainctes rompre les portes de la maison de maistre Jaques Audoyer, receveur du temporel, et exposa en vente le blé dud. maistre Pierre, et l’ont vendu a vil pris »197. Les revenus du spirituel aussi sont prisés. Toujours à Saintes, le vicaire de Louis, qui a affiché qu’il ne fallait pas obéir à Pierre de Rochechouart, « le jour du senne, ainsi que ung docteur vouloit prescher, (...) envoya ung religieux qui fist defendre de ne prendre aucunes indulgences, ne payer aucuns drois episcopaulx aud. messire Pierre de Rochechouart et sub pena exommunicacionis late sentencie »198.
- 199 AN, X1a 8318, fo 208v, Ier juillet 1485.
52S’attaquer aux proches et aux dépendants est une autre tactique. À Tulle, avant la mort de Louis XI, Denis de Bar, armé, alla vers Girault de Maumont, et l’assiégea pendant quatorze mois, et « fist de grans violences a ses parens et amys »199. Antoine du Bois a tout mis en oeuvre à Béziers pour être reconnu comme le véritable évêque, malgré la sentence de confirmation obtenue par son adversaire. Il a fait tort :
- 200 AN, X1a 8321, fo 188v, 19 juillet 1491.
« (...) aud. appellant, a l’evesché et aux subiectz d’icelui, il luy a fait menger par gens d’armes ses benefices et ceulx de ses amys, familliers et officiers, le cuydant mectre en mendicité et avoir son droit qui ne se doit tollerer. Aussi a fait defense de ne obeyr aud. appellant, de ne l’appeller evesque par le peuple et les subiectz de l’evesché, de ne se dire ses officiers, de ne tenir ses armes que plusieurs avoient en leurs maisons, a fait raturer celles qu’il a trouvees, menacé le monde de pendre et de la hart se ilz le appelloient evesque, contrainct par prinse de corps et de biens toutes gens a rendre les fruiz qu’ilz avoient une foiz paiez a l’appellant »200.
53La liste des méfaits est ici significative. Du Bois s’attaque à deux niveaux de personnes soumises à l’autorité épiscopale. D’une part, il s’en prend aux familiers de Javailhac par la stratégie de la terre brûlée. En appauvrissant son entourage, son réseau, il le pousse à chercher un autre protecteur. D’autre part, il formule des interdictions pour les habitants du diocèse : ils ne doivent plus reconnaître Javailhac évêque et cela passe par le langage – « ne l’appeller evesque » – et par le visuel – la destruction des armoiries. Il formule également une obligation, celle pour tous de lui payer ce qu’ils ont déjà versé à Javailhac, qu’il estime avoir usurpé ses richesses.
- 201 Si l’on pense à la dame de Mortemar (cf. supra, p. 313), on se rend compte que, dans les agissemen (...)
54L’action dans les cités se fait donc par l’intermédiaire des réseaux des candidats, qui peuvent réunir à la fois hommes et argent pour financer de telles campagnes. Ici c’est l’oncle de Georges d’Amboise, là le frère de Jean de Saint-Étienne, ici encore les frères de Claude de Doyac201. On peut alors se demander si la situation de pauvreté exposée devant la cour pour obtenir une provision est aussi réelle qu’on le prétend.
- 202 Il s’agit du 17 septembre 1497, année où se sont tenus les états à Nîmes.
- 203 Domini de consilio deliberaverant quod considerato bono velle domini nostri regis, et reverendissi (...)
- 204 AM Lyon, BB 20, fo 77v, 2 mai 1493. Rien n’est écrit de son contenu.
- 205 AM Lyon, BB 20, fo 84, 12 mai 1493. Jean Audebert est dans la liste des conseillers présents « en (...)
- 206 A. Péricaud, Notice sur André d’Espinay..., op. cit., p. 8, 9,17.
- 207 Cette attitude est comparable à la construction du réseau orchestrée à Thérouanne par la famille C (...)
- 208 AM Lyon, BB 20, fo 86v ; 20 mai 1493.
- 209 AM Lyon, BB 20, fo 111v, 16 août 1493, la lettre est datée du 5 août.
- 210 AM Lyon, BB 20, fo 78v, 2 mai 1493. Jean, prince d’Orange, est en effet le cousin de la reine Anne (...)
55Mais d’autres candidats sont capables de méthodes plus bénignes et peut-être plus efficaces, visant le plus long terme : ils tentent de nouer des liens solides de prélat avec leur cité. Ainsi, à Nîmes, les consuls ne tardent pas à se mettre sans conteste du côté du célèbre pourvu Guillaume Briçonnet, ne faisant que peu de cas de l’élu Jacques Faucon. On en découvre une des raisons dans leurs comptes qui mentionnent les dépenses faites pour les états de Languedoc, à la date du 17 septembre202 : on peuty lire leur reconnaissance envers cet homme qu’ils considèrent comme leur évêque203. À Lyon, une lettre d’André d’Espinay est lue aux consuls le 2 mai 1493 en même temps que la missive royale les appelant à l’obéissance envers lui : la concomitance des deux ne peut que souligner aux yeux des Lyonnais l’appui du souverain à la personne du cardinal204. De même, le 12 mai, alors que Charles VIII les remercie de lui avoir donné leur obéissance, le contre-don est avancé par le cardinal lui-même : après avoir remercié les « conseillers, bourgeois manans et habitans », il leur offre « de servir es afferes de lad. ville ». Le miel de l’offre a un effet immédiat : le jour même, les conseillers décident de demander à André d’Espinay deux lettres, l’une de « licence de terrer cent muys de sel franchement et quictement chacun an durant dix ans pour employer es reparacions de lad. ville », et l’autre « pour faire compensacion des neuf mille francs » payés par la ville au plat pays. Un procès pend à ce propos devant la Cour des aides à Paris. Ils écrivent d’ailleurs à « monseigneur le general et aud. Audebert205 » puis « ils prieront monseigneur maistre Robert Boucher, vicaire de mond. seigneur le cardinal, en escripre a mond. seigneur bien affectueusement en faveur de lad. ville ». Les conseillers, en obéissant au roi et en agréant son candidat, ont accordé leur soumission à celui qui peut le mieux les aider dans leurs affaires lyonnaises traitées à Paris, ce que n’aurait pu faire Hugues de Talaru206. En écrivant eux-mêmes aux « amis » de la ville et du cardinal, ils sont délibérément et joyeusement entrés dans la clientèle de leur archevêque207. Et quelques jours plus tard, ils peuvent écrire qu’ils le remercient « aussi des grans honneurs et plaisirs faits par mond. sr le cardinal a lad. ville et qu’il ne cessoit faire chacun jour »208. Pour les séduire, André d’Espinay sait user de termes choisis : « Messires vous (...) m’avez donné cognoistre la bonne amour que avez a moy dont je vous mercie de bon cueur » ou : « ne craignez point a me employer es afferes qui touchent la ville et vous aurez cause de vous en contenter »209. Les consuls ont pourtant un choix difficile : si, sans conteste, André d’Espinay peut exercer une influence plus grande qu’Hugues de Talaru, son compétiteur pour le siège archiépiscopal, l’évêque d’Autun, Antoine de Chalon, détenteur théorique de la régale, possède aussi des arguments convaincants. Il « estoit de telle maison et apparanté de telz parens que chacun savoit et entre autres de mons. le prince d’Oranges, lequel estoit asses prouche de la royne210 ». Mais le fait est là, leur préférence va à André d’Espinay : il faut dire que la régale n’est que temporaire, contrairement à la détention de l’archevêché, et qu’être proche du roi est plus payant qu’être proche de la reine.
- 211 Pour en voir le fonctionnement dans le cadre d’un État, et le rôle fondamental des évêques de Thér (...)
56Ce sont là deux exemples d’intégration des consuls dans une clientèle, effectuée par deux hommes qui possèdent déjà une longue expérience en la matière, et peuvent eux-mêmes s’appuyer sur un réseau de solidarité important211. Mais cette intégration ne présage en rien de l’attitude de l’ensemble de la population.
Des moyens d’information communs
- 212 AN, X1a 4838, fo 284, 15 juin 1497.
57Que ce soit dans la violence ou par une application plus pacifique des décisions, les exécuteurs mandatés par le roi, le Parlement ou les candidats eux-mêmes usent tous de moyens divers pour informer la population et disposer les signes distinctifs du nouveau possesseur : oral, image et écrit révèlent le souci d’une information claire sur la nouvelle situation du diocèse. À Béziers, l’administration est décernée à Antoine du Bois, l’arrêt est présenté au viguier par le conseiller au Parlement Bochart, qui le fait publier, « afin que les subiectz ne se mectent en rebellions comme ilz avoient fait »212. Personne ne doit avoir la possibilité de se prévaloir de l’ignorance pour aller contre la justice. Le 31 mars 1490, Philippe Simon, conseiller du parlement de Paris et exécuteur d’un arrêt de celui-ci, est à Lyon pour donner l’administration de la régale à Antoine de Chalon :
- 213 AD Rhône, 10 G 1386, no 3, fo 9v-10.
« (...) fust crié par notre ordonnance es carreffours de lad. ville affin que nul peust pretendre cause d’ignorance de l’execucion dud. arrest que l’on commandoit de par le roy notred. sire a tous les habitans de lad. ville et autres subgectz aud. archeveschié, que doresenavant ilz obeyssent aud. demandeur en temporalité et espiritualité et aux censiers, rentiers, fermiers et autres redevables a cause dud. arceveschié qu’ilz paiassent doresenavant leurs rentes cens et fermes et autres droiz et devoirs aud. demandeur et non a autres, ad ce que par lad. court autrement en feust ordonné »213.
- 214 AN, X1a 4837,14 avril 1496.
- 215 P. Paravy, De la chrétienté romaine à la Réforme en Dauphiné..., op. cit., p. 69.
- 216 Charles de Joyeuse a fini par obtenir mainlevée, mais « Doyac soubz couleur de son appel retient l (...)
58À Cahors, en 1495, un autre conseiller au parlement de Paris, Claude Chauvreux, obéissant à un ordre royal, fait de même en faveur de Benoît Jehan dit de Saint-Moris. Il s’adresse aux consuls de la cité, fait venir ensuite ceux « des terres dud. evesché » et leur enjoint à tous d’obeir au prélat et de payer leurs redevances. Il se rend « sur les terres et places de l’evesché qui estoient in vim des arrestz de Thoulouze entre les mains du roy et en fait delivrance a partie », fait prêter serment « aux capitaines et gardes de obeyr a partie », oblige les receveurs à lui rendre les comptes et va « par les villages et particulierement fait les defenses et commandemens telz que dessus et publicacions a son de trompe ainsi qu’il avoit fait a la ville de Cahours »214. La volonté de toucher tout le diocèse est claire dans les deux cas. À Cahors, le fait que Chauvreux commence par s’adresser aux consuls exprime encore une fois leur dépendance du pouvoir royal, et l’influence qu’ils peuvent exercer sur le reste de la population. Demander les serments des officiers devrait être un gage de cette obéissance. Dans les deux cas aussi, le lien est évident entre prise de possession, reconnaissance, obéissance d’un côté, et perception des revenus de l’autre : c’est ce que signifie la jouissance des biens. Être obéi, c’est avant tout percevoir tous les revenus liés à la charge de l’évêque, et c’est une des bases importantes de sa puissance215. C’est pour cela que l’autre candidat ne lâche pas volontiers prise, par exemple à Saint-Flour216.
- 217 AN, X1a 8321, fo 188v, 19 juillet 1491.
- 218 AN, X1a 4838, fo 222v, 5 juillet 1497.
59Dans les plaidoiries, des exemples sont donnés de méthodes plus violentes. À Béziers, Antoine du Bois a obtenu une sentence favorable du Grand Conseil, et le gouverneur de Montpellier est chargé de l’exécuter, mais « soubz ceste couleur a fait faire plusieurs abbuz, exploiz, assemblee de gens et chevaux a cry publicque par la ville, pour espouter le peuple » ; il a contraint « plusieurs gens par emprisonnement et adiournemens personnelz a obeir aux gens dud. Duboys »217. Il n’empêche que six ans plus tard, il faut encore faire « crier a son de trompe que la possession dud. evesché est adjugee par arrest aud. Duboys »218.
- 219 Leur importance est croissante à la fin du Moyen Âge, C. de Merindol, « Mouvements sociaux et trou (...)
- 220 AD Rhône, 10 G 1386, no 3, fo 10. Ce changement est traditionnel à la suite d’une prise de possess (...)
- 221 AN, X1a 8321, fo 188v, 19 juillet 1491.
- 222 Voir supra, p. 229-230.
60Les armoiries sont un des aspects de la symbolique qui s’impose en politique et joue un rôle fondamental. Installer les armes du nouvel évêque dans la cité est chose habituelle. Comment cohabitent-elles avec les armes de la ville ?219 À Lyon, quand est exécutée la sentence donnant l’administration du diocèse à Antoine de Chalon en mars 1490, Philippe Simon enjoint au sergent Grenoble de placer ses armes « es lieux acoustumez », pour remplacer celles d’André d’Espinay220. Mais le changement peut intervenir plus brutalement. À Béziers, Antoine du Bois a fait défense « de ne tenir ses armes [celles de son compétiteur Javailhac] que plusieurs avoient en leurs maisons, a fait raturer celles qu’il a trouvees »221. À Narbonne, c’est François Hallé qui a eu la délivrance du temporel, mais, qu’à cela ne tienne, les parents et partisans de Georges d’Amboise ont pris d’assaut l’hôtel archiépiscopal en 1483222 et exécutent de leur propre initiative sa mise en possession. Ils ne se contentent pas de faire fuir tout le monde et de s’emparer des « biens qui estoient ceans »,
- 223 AN, X1a 4825, fo 58v, 59, 29 décembre 1483.
« Et en faisant de pis en pis arracherent les armes dud. Hallé qui estoient a la porte et les fistrent apporter entre deux platz sur la table et les piquerent de cousteaulx et rompirent, fistrent aussi rompre celles qui estoient es verrieres. (...) Apres, vindrent au scelleur et le menasserent, lui fistrent rendre les seaulx qui estoient aux armes dud. Hallé et en fistrent faire de nouveaulx »223.
61La violence ne se limite donc pas à la destruction des sceaux, traditionnelle en cas de changement de prélat. Les armes sont non seulement arrachées, mais aussi détruites selon une méthode qui peut rappeler le rituel judiciaire de lacération pour une bulle non conforme ou un faux, et qui vise à réduire à néant l’identité de celui qu’ils estiment désormais l’ancien détenteur du siège.
- 224 À Lyon, les processions du Corpus Christi se déroulent dans le cadre de chaque paroisse ; elles ne (...)
- 225 AM Lyon, BB 20, fo 93v, 8 juin 1493.
- 226 AM Lyon, BB 20, fo 92, 8 juin 1493.
- 227 C. Vincent, Fiat lux : lumières et luminaires dans la vie religieuse en Occident du xiiieau début (...)
62La symbolique politique des armoiries est réellement signifiante, ainsi que le montre un incident dans les rues de Lyon, où les armes d’André d’Espinay sont la cible de violences. Le jeudi 6 juin 1493, se déroule une procession du Saint-Sacrement. Pour accompagner le « corps du Seigneur », le cardinal a fait placer des « torches armoyees [de ses] armes ». Veut-il faire de cette procession l’exaltation de son pouvoir et provoquer les récalcitrants224 ? C’est ce qu’ont dû penser les chanoines de Saint-Jean qui, quelques jours plus tard, tout en niant une quelconque intervention de leurs gens, se justifient devant les consuls : « et qui plus est ilz avoient bien fait dire par avant esd. officiers de mond. sr. de Bourdeaulx qu’ilz ne se y trouvassent point portant torches armoyees pour obvier a tous esclandres, mais de tout avoient fait le contraire »225. Ils font retourner alors la procession dans l’enclos canonial, à l’église Sainte-Croix, et, sur le chemin du retour, « avoient par eulx ou leursd. suppostz, serviteurs et subgetz de lad. eglise ou autres abbatre a terre et rompre lesd. torches et les armes de mond. seigneur, lacerer, conculquer, et mectre soubz leurs piedz ignominieusement »226. Ces torches ont pourtant une signification religieuse évidente à leurs yeux, puisque le corps du Christ, qui devient l’objet d’une dévotion croissante au cours des trois derniers siècles du Moyen Âge, ne doit pas être porté en procession sans lumière227. Les chanoines, faisant preuve d’une grande souplesse intellectuelle, s’y sont attaqués non comme à des médias de la lumière, métaphore du mystère divin, mais comme au support de l’autorité d’André d’Espinay, métaphore d’une domination qu’ils refusent.
- 228 AN, X1a 4836, fo 175v, 5 mars 1495.
- 229 AN, X1a 4830, 30 avril 1489, fo 249v.
- 230 AD Rhône, 10 G 1378, no 2 et no 3.
- 231 Il s’agit de Claude Thomassin, fils de Pierre – ce dernier est le neveu du célèbre conseiller delp (...)
- 232 AM Lyon, BB 20, fo 113, 19 août 1493.
- 233 AN, X1a 4836, fo 166, 26 février 1495.
63Les affiches sont encore un moyen d’affirmer l’obéissance ; elles précisent sa mise en pratique. Placer des écriteaux « n’est riens qui ne soit acoustumé de ce faire »228, mais cela se fait parfois dans l’illégalité, selon que le candidat est ou non celui qui a eu la délivrance. À Lyon, à quelques mois d’intervalle, deux imprimés sont placardés sur les murs. Le premier, le 30 janvier 1489, est le texte des censures proférées par Antoine de Feurs, archidiacre de Mâcon et procureur d’André d’Espinay, contre les rebelles à l’obéissance due au cardinal229. Le second, le 7 mai 1489, a trait au problème de la régale. Antoine de Chalon, qui l’exerce en tant qu’évêque d’Autun mais qui n’a pas encore obtenu d’arrêt du Parlement en ce sens, décrète que tout acte d’André d’Espinay doit être considéré comme nul230. En 1493, de nouveaux placards sont affichés par les officiers de Chalon et Talaru. Ordre est donné par Claude Thomassin231 que les conseillers se réunissent pour l’aider à « faire hosier lesd. placartz et faire cesser telles voyes »232. À Saintes, le vicaire de Louis de Rochechouart, l’oncle de Pierre, « a fait attacher (...) plusieurs affiches et escripteaux aux portes de l’eglise et autres lieux » pour défendre à « toutes gens d’eglise » d’obéir à Pierre de Rochechouart ou de lui payer de quelconques droits, sur peine de « XX marcs d’argent ac excommunicacionis late sentencie »233.
64Ainsi, malgré les exhortations pontificales et royales, malgré la venue des commissaires, malgré les menaces et les violences, l’obéissance n’est pas toujours acquise, et les sujets du diocèse encourent les châtiments spirituels, et parfois aussi les foudres des officiers du roi. C’est à une cascade de désobéissances que l’on assiste : refus de l’évêque, refus des censures, refus des sentences du Parlement, refus des ordres royaux. En certains cas, les désobéissants, rebelles à l’autorité, deviennent des criminels de lèse-majesté. Au vu des quelques exemples que l’on possède, il semble que ce soient les consuls les plus faciles à entraîner : détenteurs de responsabilités, sinon d’un véritable pouvoir sur leur ville, ils sont heureux de donner leur aval au candidat dont la personne et le réseau pourront au mieux les aider dans la tenue de leurs affaires. Le schisme épiscopal atteint la vie du diocèse, et l’on comprend que la population ne reste pas sans réagir.
La rébellion
- 234 Par exemple à Lyon, « par telz abuz et frauduleusté semblable l’eglise fust plus troublee au grant (...)
65Une telle situation-violence, réserves pillées, double perception de revenus... – est intenable à long terme et provoque le mécontentement des administrés, mais ce n’en est pas l’unique raison. Un malaise dû à une tutelle spirituelle déficiente en aggrave l’ampleur, ainsi que les conséquences en chaîne qui peuvent apparaître et que, souvent, les autorités municipales ne sont pas capables de maîtriser. Pour décrire cette situation, le terme de scandale revient souvent dans le vocabulaire234.
Le malaise de la population
66Ce malaise se lit avant tout dans les sources judiciaires – mais on le trouve aussi dans les délibérations communales. La description peut alors en être exagérée et, dans la réalité, il n’est sans doute pas omniprésent car les populations ne sont pas totalement délaissées : le clergé paroissial assure l’encadrement spirituel de la vie quotidienne et toute la vie d’une cité n’est pas réglementée par le seigneur évêque. Il n’empêche que ces situations de malaise, à des degrés divers, ont bel et bien existé, car le pouvoir temporel et spirituel du prélat est une réalité.
- 235 AN, X1a 4836, fo 166, 26 février 1495.
- 236 AN, X1a 4830, fo 323, 4 juin 1489.
- 237 AN, X1a 8321, fo 188v, 19 juillet 1491.
- 238 AN, X1a 8321, fo 199, 29 juillet 1491.
- 239 « Et dit que touchant la spiritualité, il y a grant esclande et division, et ne scet on a qui reco (...)
- 240 28 janvier 1488, R. Jouanne, Inventaire sommaire des Archives de l’Orne, série G. La cote est I G (...)
- 241 AD Haute-Garonne, B 9, fo 205.
- 242 AD Haute-Garonne, B 9, fo 208.
- 243 AD Haute-Garonne, B g, fo 213.
67À Saintes, le clergé est « scandalizé et doubtent ceulx qui ont receu les ordres »235. À Lyon, l’avocat Jean de Ganay s’indigne de ce qu’Antoine de Chalon détienne la régale et « fasse les ordres », alors qu’on a appelé de sa confirmation : c’est un « scandalle car l’on trouvera a la fin que ceulx qui par lui ont esté ordonnez n’aront point de carattere »236. À Béziers, « ce pendant se pert l’evesché, les subiectz ne scevent de leur salut comment faire »237. Toulouse est en « danger de cheoir en ruyne et decadence et de cesser le service divin (...) »238. De la situation à Maillezais, l’avocat du roi Lemaistre dresse un sombre tableau puisque « y a ung grant desordre » qui règne sur le temporel et le spirituel239. À Sées, en 1488, Gilles de Laval adresse un monitoire aux avocats et aux notaires de la cour, afin qu’ils comparaissent à l’audience de sa propre cour avec leurs clients, et non à celle d’Étienne Goupillon, sous peine de suspension et d’excommunication240. À Toulouse, le 7 janvier 1494, il est interdit tant à l’élu Pierre de Rosier qu’au pourvu Hector de Bourbon, de tenir la « cour spirituelle de l’archevêché »241. On imagine les conditions explosives de cette double tenue. Le n janvier, les notaires de l’officialité font part d’un grave danger : « Auxcuns sont mors excommuniez et ont esté mis et sont en terre prophane et d’autre part y sont les mariages qui ne se pevent faire sans avoir lectres de lad. court de l’official ». Les conseillers, « actendu qu’il est question du peril des ames », leur permettent donc de procéder en ce qui concerne l’absolution des excommuniés et les mariages, et d’en expédier les lettres sous le nom d’Hector de Bourbon : ils appuient le choix de ce prélat sur un arrêt donné à Bordeaux le 31 décembre 1493242. Le 17 janvier, toute interdiction est levée243. Pour reprendre les termes de Lemaistre, tout en faisant la part de la rhétorique du discours, « y a ung grant desordre ».
- 244 On a là tous les éléments du crime vengeant l’honneur bafoué et de la recherche du pardon pour ce (...)
- 245 AN, X2a 60, fo 510v, 7 août 1492.
- 246 Jacques Yver apparaît plusieurs fois dans les registres de délibérations consulaires de Saint-Flou (...)
- 247 AN, X1a 4826, fo 17, 2 décembre 1484.
- 248 AN, X1a 4834, fo 67,17 décembre 1492.
- 249 Voir infra, p. 382-383.
68Les répercussions de ce désordre sont sans fin : à Saint-Flour, une rixe mortelle, sans lien direct avec la lutte pour le siège épiscopal, a opposé, en novembre 1491, en la place publique, quatre à cinq cents personnes et, parmi elles, des chanoines de la cathédrale. Guillaume Jouvenroux tue un homme, car celui-ci aurait outragé son père. Mais l’affaire n’en reste pas à ce qui pourrait être un « beau fait ». Le chanoine James Yver a essayé de défendre la victime, sans succès. Son père, Jacques Yver, tente en outre d’obtenir rémission pour le criminel qui s’est enfui244. « En haine de ce », le fils et le gendre de la victime rendent James Yver responsable de sa mort, et les affrontements se répètent. Le bailli des Montagnes d’Auvergne est mis à contribution, et décide qu’Yver, s’il est « pur et innocent », soit tenu quitte. Appel est fait de cette décision devant le parlement de Paris, et des commissions d’enquête sont ordonnées. Lorsque le juge ordinaire de Saint-Flour eut pris connaissance de l’information, il « bailla commission pour prandre au corps lesd. gendres mais il ne voult bailler lad. commission aud. Yver, ains la bailla au procureur de maistre Charles de Joyeuse qui se dit evesque de Sainct Flour ». Mais ce dernier refuse de l’exécuter « en haine dud. Yver et pour ce qu’il a tousiours tenu le party de messire Claude de Doyac, evesque de Sainct Flour ». Jacques Yver et son fils James sont alors obligés d’aller jusqu’à la capitale du royaume pour s’en remettre au Parlement245. L’affrontement entre les candidats évêques empêche donc la justice locale de suivre son cours. L’opinion de Jacques Yver en faveur de Doyac est connue : est-ce uniquement parce qu’il est consul246 ? Il est aussi question d’un Yver dans les plaidoiries du parlement civil : James fait partie, avec d’autres chanoines, de ceux qui ont accueilli Claude de Doyac et conspiré son entrée, alors qu’il n’a pas encore prêté serment de fidélité ni eu délivrance du temporel247. Il est probable que nombre d’habitants de la cité, voire du diocèse, subissent le malaise du schisme, dont ils n’ont pas manqué d’être informés. À Saint-Flour encore, Claude de Doyac, qui a obtenu des sentences romaines contre Charles de Joyeuse, en demande l’absolution. Alors que le procès est en cours, il fait afficher les bulles à Paris, à Saint-Flour et ailleurs248. Selon le même processus que pour l’amende honorable249, Joyeuse demande plus tard que l’absolution qu’il finit par obtenir soit signifiée aux mêmes lieux : les Sanflorins sont donc tenus au courant de toutes les vicissitudes subies par leurs pasteurs potentiels.
- 250 N. Offenstadt, « Les femmes et la paix... », op. cit., p. 329 et n. 73.
- 251 AM Lyon, BB 20, fo 79, 81, 88, 2, 3, 23 mai 1493.
- 252 AD Yonne, G 34, p. 404 : Timebat si ita fieret et res diu duraret ne populus parisiensis videns si (...)
- 253 BnF, ms. fr. 15540, Lettres de diverses personnes... La lettre est datée du 15 février et le conse (...)
69Dans les délibérations consulaires de Lyon transparaît la crainte ressentie par les représentants de la ville : ils ont peur des « commocions de peuple ». Leur méthode : prôner la douceur – porteuse de paix250 – mais, bien souvent, en vain. Ils supplient les commissaires royal et pontifical « que les choses soient conduictes en telle doulceur que aucun mal ne inconvenient n’adviegne ». Ils prient l’évêque d’Autun, détenteur de la régale, de les « aider a conduyre lad. matiere en toute doulceur et amitié en façon que aucune noyse ne debat n’en peust venir » et encore « qu’il lui pleut soy cy gouverner si doulcement et en maniere qu’il ne feust cause ne moyen de faire faire aucune commocion ou eslievement de peuple ou d’autre dangiers ou inconvenient ». Quand ils écrivent au roi pour dire leurs difficultés et la crainte de l’interdit, « l’en doit escripre une doulce lectre en termes generaulx sans aucuns chargier, ne agraver les choses »251. Leur souci de ne pas provoquer et d’apaiser la situation leur fait ménager la chèvre et le chou, espérer un accord à l’amiable, mais les différents protagonistes du conflit lyonnais n’en démordent pas, chacun campe sur ses positions. Cette expression de leur crainte prouve qu’ils ne possèdent sûrement pas les moyens de venir facilement à bout d’un « eslievement de peuple », et si toute ville aspire bien normalement à la paix, une cité marchande telle que Lyon en a encore plus besoin pour que soient effectuées ventes et transactions. Les autorités ne sont pas seules à craindre cette situation. À Paris, le chanoine Jean Picard redoute la résistance annoncée à l’élection de Gérard Gobaille ; « Il craint que, s’il en est ainsi et que le procès dure longtemps, le peuple parisien, se voyant manquer de pasteur par un si long temps, ne se révolte »252. Le chapitre et le clergé de Sées ne savent plus non plus à quel évêque se vouer. Ils écrivent à Charles VIII pour lui faire part de leur perplexité et lui demander son intervention pour qu’enfin la justice tranche entre les deux adversaires et que l’Église retrouve la paix253.
- 254 Les chanoines continuent à défendre leur champion. Leur violence, qu’on pourrait qualifier de déli (...)
70Las de cette inconfortable existence, les habitants peuvent alors prendre parti en faveur de celui qu’ils considèrent comme leur évêque. Le peuple, qui n’a pas le droit d’élire, mais qui a pu signaler aux électeurs celui qui lui agréait, devient alors acteur principal : des injures fusent, des rixes éclatent, mais aussi des batailles rangées – au cours desquelles les chanoines ne sont pas les derniers à prêter main-forte254. L’expression populaire est d’abord la violence : est-ce un effet des sources ? Il semble cependant que la parole appartienne avant tout aux consuls ; quand elle intervient ailleurs, elle se transforme en injures.
71Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer les réactions parfois violentes de la population : l’écoute de sermons, la réprobation de la violence exercée par des hommes de main ou des alliés d’un candidat, ou le peu de cas que les détenteurs d’autorité font de son opinion.
- 255 Pour plus de détails sur ces sermons, je me permets de renvoyer à V. Julerot, « “Peuple” chrétien (...)
72Les sermons ne sont pas les derniers à inciter à la violence. À en croire Jean Simon, Gérard Gobaille, qui sait bien que son élection sera déclarée nulle, a commandité des sermons en diverses paroisses pour exciter la population parisienne et la pousser à combattre les partisans de Simon255. C’est encore au synode de la Saint-Nicolas d’été, au mois de mai 1493, qu’un sermon a été prononcé dans le chœur de la cathédrale, à l’intention du clergé cette fois-ci.
- 256 B. Chevalier, « Olivier Maillard », op. cit., p. 31, 32.
- 257 AD Yonne, G 34, p. 127, témoin 4, p. 171, témoin g.
- 258 AN, X1a 4834, fo 159,11 février 1493.
- 259 Pour plus de détails, V. Julerot, « “Peuple” chrétien et élection épiscopale... », op. cit., p. 46 (...)
- 260 Voir infra, p. 391-393.
- 261 (...) populo pacem et concordiam ponerent, eosdem dominos capitulantes exhortando et deprecando ut (...)
73S’il ignore le nom du « docteur séculier » qui a prêché, Guillaume Coudurier, chanoine de la cathédrale, se rappelle les blasphèmes qu’il a prononcés à l’encontre des opposants et l’expression tres canoniculi – trois « petits chanoines » dont l’un est Jean Simon – qui l’a scandalisé. Il pense que c’est Gobaille qui a commandé ces sermons, mais aussi le pénitencier Jean Quentin. Pourquoi pas ? Ce dernier appartient au même groupe de réformateurs qu’Olivier Maillard, à qui d’ailleurs la cathédrale Notre-Dame est interdite en 1498, alors que l’évêque est Jean Simon256. Il a aussi entendu que des partisans de Gobaille incitent quotidiennement le peuple à le soutenir257. Devant le Parlement, ces sermons sont objet de débat. L’avocat de Jean Simon, Olivier, disserte sur l’expression vox populi vox Dei, (Isaïe, 66,6) « car il ne trouve chose plus incertaine que la voix du peuple ymo unie (...) »258. Il s’y intéresse cependant car l’attention au peuple existe dans le droit de l’élection. Qui est ce peuple ? Et quel est son rôle dans les élections ? Les mêmes questions resurgissent259. Olivier a son opinion : si certains du peuple soutiennent Gérard Gobaille, ils ne sont pas les plus nombreux et sont ignorants. Jean Simon a donc pour lui la plus saine et la majeure partie de la population. Les sources ne dévoilent aucun soulèvement à la suite du schisme parisien ou de sermons, mais la situation a-t-elle suscité au moins des remous ? Le 4 novembre 1494 – Gobaille est alors mort et les chanoines s’apprêtent à élire Jean Simon260 –, les envoyés du roi viennent en chapitre et, comme argument supplémentaire pour appuyer sa candidature, affirment que son élection contribuera à ramener la paix dans la ville261.
74Le sermon peut, à l’inverse, manifester une volonté d’apaisement. À Bourges, les tensions doivent être perceptibles en 1492 dans la population, après la mort de Pierre Cadouet, le 31 août. C’est Guillaume de Cambray qui, à la suite d’un accord, doit lui succéder. Mais il semble que tous ne soient pas de cet avis, et un prédicateur lance un appel au calme : « Un jour, un docteur fit un sermon en l’eglise de Bourges (...), exorta led. docteur en son sermon le peuple, en l’absence de Cambray, de ne donner aucun empeschement a la provision dud.
- 262 « Fut cela recité aud. Robinet par du Bueil, lequel Robinet dist qu’il vouldroit estre dyable pour (...)
75Cambray ». Certains y voient une provocation et songent à réagir262 : quatre chanoines désobéissants élisent alors un autre archevêque, Guillaume de Menypeny.
76Le sermon peut faire partie d’un tout et compléter la communication royale : Charles VIII s’est aussi adressé aux Berruyers et a écrit « au chapitre, au clergé et au peuple de ne donner aucun empeschement a Cambray », sans guère de succès cependant, on vient de le voir.
- 263 AN, X1a 4838, fo 284v, 15 juin 1497.
- 264 AM Lyon, BB 20, fo 93v, 8 juin 1493. Sur l’importance pratique et la signification du rempart ento (...)
- 265 C. Gauvard, « Pendre et dépendre à la fin du Moyen Âge : les exigences d’un rituel judiciaire », d (...)
- 266 F. Lot et R. Fawtier, Histoire des institutions françaises..., op. cit., t. 2, p. 346. B. Guenée, (...)
77Sans incitation particulière du prédicateur, la révolte peut être engendrée par la déception, et d’abord celle à l’égard de la justice. Lorsque Pierre de Javailhac investit le siège de la juridiction spirituelle de l’évêché de Béziers, il commet « plusieurs excez aux habitans et dit publicquement que par justice a procedé pour avoir l’evesché, et que de present il y procedera par armes et par voye de fait »263. En définitive s’exprime ici une conception très individualiste de la justice, qui n’imagine la sentence que comme un dû. La violence permet, dans le cas contraire, de faire appliquer ce que chacun estime son droit. La hiérarchie des tribunaux royaux permet l’appel et donc une première résistance, mais prévue et normale. La concurrence des juridictions enlise cet état de fait en permettant le changement de juge. Le morcellement de la justice favorise enfin cet état, rendant les justiciables parfois justiciers et leur permettant de s’attaquer à ceux qui théoriquement doivent les inciter à respecter l’ordre. Ainsi, quand les chanoines lyonnais verrouillent en 1493 les portes de leur cloître et y enferment les officiers du cardinal de Bordeaux qui est censé administrer le diocèse, empêchant le guet, ils se soustraient au pouvoir supérieur et deviennent les maîtres de la situation264. Bien que la collectivité, dans son ensemble, adhère à la loi et aux valeurs fondant l’ordre social265, certains sujets n’y semblent pas encore soumis, ni assez imprégnés de l’idée du bien commun pour accepter une décision contraire à leurs vœux. On retrouve chez les chanoines l’esprit de chicane qui caractérise à cette époque nombre de plaideurs266.
- 267 AN, X1a 4826, fo 281, 4 août 1485.
- 268 AN, X1a 4825, fo 57r-v, 22 décembre 1483.
78Cette déception ne touche pas que les chanoines. On peut compter d’abord tous ceux – chanoines en accord avec le prélat en place, officiers installés pour l’administration, consuls – qui sont maltraités ou évincés par le nouveau chef du diocèse. À Uzès, les hommes de Saint-Gelais « prindrent plusieurs des religieux prisonniers eulx estans en immunité et depuis, pour ce que les consulz ne vouldrent assister avec eulx, les firent prisonniers et rompirent une des portes de la ville que on avoit fermee »267. Ce sont ensuite ceux qui sont chargés de maintenir l’ordre et qui jouent un rôle important dans la ville. À Narbonne, lorsque les parents de Georges d’Amboise s’emparent de l’hôtel épiscopal et des greniers, commettant plusieurs violences, ce sont les « officiers et bourgoys » qui viennent « a grant compaignie » pour les en empêcher, et les serviteurs de Hallé, assiégés, résistent du samedi au lundi, bien qu’ils n’aient rien à boire ni à manger268. Et Michon continue :
- 269 AN, X1a 4825, fo 58v, 29 décembre 1483.
« Dit que pour les maulx que on faisoit aud. arcevesque, ceulx de la ville et les officiers du roy fïstrent ung grant murmure des violences qu’on faisoit a leurd. arcevesque, lors vindrent dire aux officiers du roi que s’il y avoit aucun qui en murmurast, on le destruiroit et les siens aussi et vint ung nommé Remy Guiot au juge du lieu et lui dist “vous portez la querelle de notre partie adverse et estes contre la maison d’Amboise mais la maison d’Amboise est pour vous destruire” »269.
- 270 C. Casagrande et S. Vecchio, Les péchés de la langue, Paris, 1991, p. 171 et suiv.
- 271 AM Lyon, BB 20, fo 93v, 8 juin 1493.
- 272 AN, X1a 4825, fo 259v, 23 juillet 1484.
79C’est tout un réseau qui se dresse contre un autre et qui a pour bannière le nom de son champion. Il est bien demandé à la cité, et d’abord à ses représentants, de s’insérer dans une clientèle, comme l’exemple de Lyon l’a prouvé – mais André d’Espinay est plus diplomate... La violence provoque ici le murmure. Il correspond à la définition du murmure lorsqu’il sort du monastère : « Parole hostile prononcée à voix moyenne (entre le silence et la parole) contre un supérieur dont l’ordre ne plaît pas »270. C’est un mécontentement qui s’exprime à l’encontre de la nouvelle obéissance mais qui n’ose se réaliser, cloué à l’inaction par la peur de la force et de la violence, mais pour combien de temps ? À Lyon également, lorsque les consuls évoquent les manifestations violentes qui se sont déroulées dans la cité, ils demandent au chapitre de calmer la situation : « Lesd. conseillers pour leur descharge tant envers le roy que le peuple de lad. ville qui ja fort en murmuroit, chercheroient leurs remedes telz que raison voul droit »271. C’est donc le peuple de la cité, en général, qui peut réagir à une tentative d’intimidation et d’invasion. À Autun, avant l’élection, l’oncle d’Antoine de Chalon, maréchal de Bourgogne, arrive « en grant compaignie en armes dont se cuida emovoir le peuple »272. L’évocation du « murmure », l’expression « se cuidoit », semblent montrer que le peuple ne réagit pas immédiatement, et sans aucun doute pas toujours. Mais s’il le fait, a-t-il besoin de meneurs ?
Des injures dans une auberge à la rixe en place publique
- 273 AD Rhône, 10 G 1385, fo 5r-v.
- 274 R. Fédou, Les hommes de loi lyonnais..., op. cit., p. 348.
- 275 « Les altercations y sont donc fréquentes, mais elles restent, le plus souvent, de l’ordre de l'in (...)
- 276 N. Gonthier, Délinquance, justice et société..., op. cit., p. 101-103.
- 277 Claude Pasquet, dit le Charron, docteur ès lois, est procureur du roi du 2 décembre 1477 à 1504. D (...)
80Parfois, ce sont des individus isolés qui défendent leur candidat. À Lyon, on a vu que les notables étaient partagés entre le soutien à André d’Espinay et celui à Hugues de Talaru et que cela posait des problèmes aux consuls. Le reste de la population n’est pas moins divisé. Lorsque Aubert Le Viste arrive en mars 1489 pour exécuter le mandement royal et donner l’administration du temporel à André d’Espinay, il préfère loger « en la maison paternelle des Vistes », plutôt que dans une « hostellerie ou autre lougis ou il y eust et peust avoir aucunes gens suspectz ou favorables a mons. led. cardinal ou a ses parties adverses »273. La famille Le Viste est une famille du patriciat lyonnais, et ce fait explique sans doute qu’Aubert ait été choisi pour effectuer cette mission. Leur maison est sise près de la cathédrale, au 29, rue Saint-Jean274. Il n’en reste pas moins qu’il craint les débordements de la population lyonnaise et, plus particulièrement, dans les auberges, où le maintien de l’ordre est chose ardue. Tavernes et auberges restent des lieux propices aux échanges houleux275, malgré les contrôles que les autorités tentent d’imposer aux aubergistes, en les rendant responsables des délits commis par leurs clients et en les obligeant à dénoncer toute personne suspecte ou étrangère276. Justement, Aubert Le Viste a dû entendre parler de cet « échauffement » qui s’est produit un mois plus tôt et qui n’est peut-être pas le seul que le schisme lyonnais ait engendré : le 7 février 1489, Claude le Charron, procureur du roi à Lyon, prend note de quatre témoignages à propos d’injures et d’une incitation à la rixe ; les faits se sont déroulés la veille et le jour même277, soit deux mois et demi après l’élection d’Hugues de Talaru. Dans l'hostellerie du Heaulme, la patronne, Marie, femme de Claude Giraud, est en train de « faire des chandelles » avec l’aide d’un archiprêtre de Loches, lorsque le bâtard de Lespinasse, qui loge en cette auberge, entre et demande à l’archiprêtre s’il est « faiseur de chandelles » ; ce dernier répond qu’il ne fait qu’apporter son aide :
- 278 André d’Espinay.
« Et lad. qui parle dist aud. de Lespinasse que les gens de monseigneur de Lion luy avoient semblablement aidé l’apres disner, et led. bastard lui demanda qui estoit ce monseigneur de Lion, et elle respondit que c’estoit monseigneur de Bourdeaux278 que tous gens de bien de ceste ville tenoyenttel. Et lors, led. bastard mal meu, en blasphemant le nom de Dieu, dist que n’en estoit riens et que de sa vie ne le seroit, mais le seroit l’esleu. Et led. archipretre de Loches dist aud. bastard qu’il n’en seroit pas a son dit et que faillioit bien puisque le pape l’en avoit pourveu et que plaisoit au roy que luy et autres le voulsissent et que les parolles n’y valloient riens ».
81Il n’en faut pas plus que le bâtard ne soit « tout eschauffé » et si la tenancière n’avait retenu sa main, il aurait blessé l’archiprêtre avec sa dague. Ce dernier se retire dans sa chambre. Mais le bâtard profère des menaces – il le tuerait -et des injures envers le cardinal :
- 279 Humbert de Varey.
- 280 Il s’agit d’Étienne Pasqual ou Pasquier qu’on a déjà rencontré.
- 281 Fr. Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française..., op. cit. : poacré = sale, infecté d’ (...)
« Et oultre que monseigneur de Bourdeaux n’estoit que ung treytre, villain, poacré, venu et extraict de la pire villenaille qu’il en fut point, et par plusieurs foys le dit et continua, et aussi comme le maistre d’ostel dud. mons. de Bourdeaux279 qui estoit logé avec le commissaire280 estoit ung treytre, villain, bogeron, lombard qui avoit deux pages qui aboient aussi large comme s’ilz estoient rompuz et crevez et que les bogeronoit tous les jours et disoit plus »281.
- 282 AD Rhône, 10 G 1378, document à part, non relié. Samedi 7 février 1489 (ns).
82Le samedi, à 2 ou 3 heures de l’après-midi, le bâtard revient avec cinq autres personnes armées et continue ses injures : « Ha le treistre villain poacré, il ne sera jamaiz arcevesque de Lion et les faulx villains de Lion n’en viendront pas a leur desir ». L’archiprêtre est en train d’examiner des livres qu’a apportés un « peyntre », Dominique Jardin, et tous deux se réfugient dans la chambre du clerc pour échapper à toute violence282.
- 283 C. Gauvard, « De grace especial »..., op. cit., p. 715-734.
- 284 Le bâtard de Lespinasse s’exprime par des images assez violentes et nomme directement l’acte répré (...)
- 285 AD Rhône, 10 G 1378, no 5, 9 février 1489.
83Il n’y a donc pas eu de blessures, mais d’un côté, des injures graves prononcées à l’encontre d’André d’Espinay et de ses partisans, et de l’autre, l’expression de la soumission de l’archiprêtre – qui n’est pas de Lyon – mais aussi de la tenancière, aux volontés royale et pontificale. À leurs dires, même la population a choisi André d’Espinay, car « tous gens de bien de ceste ville », en quelque sorte la plus saine partie des habitants de Lyon, l’ont désiré comme archevêque. Mais ce n’est pas le cas de l’ensemble de la population, et les divergences alimentent des affrontements qui ne se limitent pas à une rixe à chaud et se préméditent. Les injures appartiennent au répertoire traditionnel283, celui de l’inversion : ces hommes importants sont des « villains » et l’archevêque d’Espinay, issu de « la pire vilenaille » ; celui de la transgression du comportement social : ils sont « traîtres » ; et celui de l’injure sexuelle et de l’exclusion : Humbert de Varey, Lyonnais bon teint, est homosexuel284. Il est en plus « lombard », donc usurier. Ces injures sont répétées en un lieu public, et même si les personnes, dont l’honneur est ainsi atteint, sont absentes du lieu, elles sont si importantes et connues que le bâtard peut être poursuivi par la justice. Le contexte est d’ailleurs favorable : le 30 janvier précédent, les censures, à l’encontre de ceux qui sont rebelles à l’autorité d’André d’Espinay, ont été proférées puis affichées : le bâtard de Lespinasse en est donc passible. Et c’est dans cette ambiance que deux jours plus tard, le commissaire Étienne Pasquier, devant la porte de la cathédrale lyonnaise, exécute l’arrêt du Parlement interdisant à Antoine de Chalon, Hugues de Talaru et aux suffragants, de procéder par censures285.
- 286 Il s’agit encore d’une injure grave mettant en cause la légimité de la filiation, C. Gauvard, « De (...)
- 287 AN, X1a 8324, fo 4r-v, 22 novembre 1496.
- 288 Toute la population n’est pas contre eux, comme dans les luttes de la fin du xiiie siècle et du dé (...)
84La population peut aussi prêter main forte aux chanoines. Ainsi à Senlis, les chanoines favorables à Jean Neveu, font « broulliz et scandalles en icelle eglise », contre l’élu Jean Quentin, ses électeurs et ses gens ; ils ont expulsé Michelet, un de ses serviteurs, le 15 août. De plus, ils s’attaquent à Alart, le vicaire de Jean Quentin. Son tort ? avoir demandé au roi la licence d’élire, avoir publié les édits et suivi la confirmation à Reims. Il est attaqué sur la place devant la cathédrale et échappe deux fois aux coups d’une dague ou d’une épée. Son agresseur, le chanoine Plaisance, est accompagné de son neveu et de sa chambrière et concubine, « qui print l’appellant par les cheveux et le trayna et mutila fort inhumainement ». Pour qu’il ne soit pas remis au prévôt de Senlis, « lesd. adherans aud. Nepveu, eulx disant chappitre », lui signifièrent que Plaisance « estoit prisonnier de chapitre combien qu’il fust en l’ostel dud. Nepveu faisant bonne chere ». Les troubles continuent, « ung tas de mauvais garsons286 » s’en prend encore au vicaire, sous les ordres du chanoine Montfriand, neveu d’un des protagonistes : « Sus a cheval, qu’on ait cent hommes, mon oncle a commandé qu’on tue tout ! »287 Exagération dans les propos rapportés, sans doute, mais les habitants participent aux actes de violence perpétrés par les chanoines288.
Une guerre civile ?
- 289 N. Valois, Histoire de la Pragmatique Sanction..., op. cit., p. CXXI : le siège est alors disputé (...)
- 290 L’affaire est rapidement résumée dans P. Arabeyre, Les idées politiques à Toulouse à la veille de (...)
- 291 AN, X1a 4833, fo 164v, 14 février 1492.
- 292 AD Haute-Garonne, B 9, fo 183, 12 novembre 1493.
- 293 Il est par exemple ordonné que les chevaux pris à Hector de Bourbon et à son frère soient rendus, (...)
85À Toulouse, c’est une véritable bataille de rue qui inquiète les conseillers du Parlement. A-t-elle plus d’ampleur que d’autres, ou les sources du Parlement sont-elles plus prolixes, les conseillers souffrant eux-mêmes de l’insécurité régnant dans la cité ? La cité peut en effet se partager en deux camps, comme cela s’est produit à Nîmes en 1453289, semble s’être dessiné à Lyon, et a explosé à Toulouse290 : du 12 novembre 1493 au 8 juin 1494, plusieurs séances du parlement de cette ville sont consacrées à de rudes manifestations qui se sont déroulées dans la ville. Cela fait plus de deux ans que le schisme toulousain sévit, et ce ne sont pas les premières violences. Dès février 1492, l’avocat de Pierre de Rosier peut se plaindre au parlement de Paris que l’église est peuplée de « gens d’armes » au lieu « de prebtres et chanoines, et aud. eleu mesmes, a l’on presenté la dague jusques pres l’estomac »291. L’origine de ces débordements est claire : la lutte entre « messire Hector de Bourbon d’une part et messire Pierre de Rosier d’autre, pour et a cause de l’arcevesché de Tholouse », et son retentissement aussi : il y a eu ces derniers jours « de grans et excecrables maulx, voies de fait, violences, congregacions illicites, port d’armes, emotion de peuple, murdres et autres exces et se y commectent journelement, et soit doubte et vraisemblable de plus grief et irreparable (...) »292. La cour prend diverses mesures et interdit tout rassemblement de gens armés, usage d’armes, sonneries de cloches – tocsin –, attaques personnelles. Les garnisons « d’ung cousté et d’autre » doivent partir, et le cœur de la domination épiscopale, l’hôtel, est mis en la main du roi. L’ordonnance est signifiée « a son de trompe et cry publicque ». Les auteurs sont bien identifiés : deux réseaux s’affrontent, chacun disposant de forces armées, et il convient, par l’interdiction de porter des armes, d’éviter de nouvelles violences, de nouveaux vols293.
- 294 À Rouen, en 1382, ce sont elles qui ont appelé à la commotion lors de la Harelle, Histoire de Roue (...)
- 295 AD Haute-Garonne, B 9, fo 183v, 12 novembre 1493.
- 296 La cloche appelée « Cardaillac » ou « Cardalhac » doit son nom à son commanditaire, l’archevêque J (...)
- 297 AD Haute-Garonne, B 9, fo 186,18 novembre 1493.
- 298 AD Haute-Garonne, B 9, fo 196v, 17 décembre 1493, fo 232v, 18 février 1494.
- 299 AD Haute-Garonne, B 9, fo 304v, 2 juin 1494.
- 300 AD Haute-Garonne, B 9, fo 189, 23 novembre 1493.
86Il convient aussi de faire taire les cloches – leur usage est traditionnel et le reste longtemps294 – et notamment la plus grosse, celle de Saint-Étienne. En effet, c’est à leur son que la population a été poussée à l’émeute, si l’on en croit l’interdiction plusieurs fois réitérée de ne « faire toquesein ou autre signe a commovoir le peuple295 », et pour éviter de nouveaux assauts, les conseillers toulousains essaient de rendre impuissants ces instruments de fonte dès le 18 novembre. « La grosse cloche, appellee Cardalhac, et autres cloches des clochers de l’eglise metropolitaine de sainct Estienne de Tholose seront bien gardees et par gens non suspectz296 », les gens armés présents dans la cathédrale sont évincés, et les « munitions et defenses » sont détruites ; interdiction est faite aux chanoines d’en permettre l’accès à « aucuns gens suspectz ne dedans les maisons d’iceulx chanoines aucuns extrangiers »297. Mais cela ne suffit toujours pas puisque un mois plus tard, en décembre 1493, et encore en février 1494, la garde de ces cloches est confiée de manière plus précise : les consuls, sous peine de perdre leur charge et leur honneur, doivent maintenir l’ordre, aux frais du chapitre298. Des sonneurs finissent même par être emprisonnés en juin 1494, ce qui montre la persistance de la révolte299. Une autre cloche est à surveiller, c’est celle du couvent des cordeliers, sans que l’on sache quel rôle les réguliers ont joué300.
- 301 Il n’est pas facile de savoir qui ils sont, car pour 1492 et 1493, le nom des capitouls manque sur (...)
- 302 AD Haute-Garonne, B 9, fo 185.
- 303 AD Haute-Garonne, B 9, fo 186,18 novembre 1493.
- 304 Cette date de la Saint-Michel a été arrêtée en 1296, Jules Chalande, article posthume, « Les élect (...)
- 305 AD Haute-Garonne, B 9, fo 188v.
- 306 AD Haute-Garonne, B 9, fo 188v.
87Le 16 novembre 1493, les capitouls, le syndic de la ville301 et le procureur du roi demandent que le parlement de Toulouse ordonne une enquête sur les faits des jours précédents. Les conseillers, en obtempérant à la requête, mais aussi d’office, tant l’affaire est grave, désignent Pierre Boyer pour y procéder302. La cour a bien du mal à se faire obéir, puisque le 18 novembre, elle ordonne encore que les garnisons quittent la ville et demande que les parties se pourvoient à Bordeaux et ne reviennent plus à Toulouse jusqu’à ce que le roi ou le parlement de Bordeaux l’ordonne303. C’est un aveu d’impuissance à redonner le calme et la paix à la cité, mais les parties ont déjà plaidé devant la cour concurrente de Bordeaux pour des exécutions d’arrêts des parlements de Paris, où le procès se tient sur la confirmation, et de Toulouse. Les capitouls qui, comme à Lyon, pourraient essayer de calmer la situation, semblent au contraire l’envenimer. Ils prennent parti et sont sous la coupe des officiers royaux, c’est-à-dire de la famille Bourbon. Alors que leur élection a normalement lieu le 29 septembre304, le Parlement est obligé de s’en mêler le 23 novembre 1493, pour que soient désignés « nouveaulx capitoulz, gens de bien, non parciaulx ne suspectz »305. L’élection est-elle alors cassée ou n’a-t-elle pas eu lieu, étant donné les événements ? Devant cette situation, les conseillers, représentants de la justice royale, cherchent alors un appui traditionnel. Ils commandent aux consuls de sommer « tous les gentilz hommes, habitans de Tholouse, et qui a cause de lad. habitacion seont privilegiez et exemps de non aller servir le roy en ses armees hors lad. ville, vieignent incontinent et sans delay en icelle ville et y facent residence avec leurs arnoiz, armeures et basions de guerre tant comme durrera le bruit et broilliz meu et estant en lad. ville », sous peine d’être privés de leur exemption306. C’est un appel à l’arrière-ban.
- 307 Abbé Cayre, Histoire des évêques et archevêques de Toulouse..., op. cit., p. 288-293. O. Mattéoni, (...)
- 308 Tout comme à l’époque de Pierre du Lion (1475-1491), lui-même frère du sénéchal Gaston du Lion, po (...)
- 309 En décembre 1493, des commissaires royaux sont venus pour enquêter, parmi eux : « messire Jehan de (...)
- 310 AD Haute-Garonne, B 9, fo 213.
- 311 AD Haute-Garonne, B 9, fo 270, 28 mars 1494. Ces deux commissaires sont deux officiers en charge à (...)
- 312 « En la sauvegarde especial, protection et sauf conduit du roy et de lad. court en corps ne en bie (...)
- 313 En effet, le 7 janvier 1494, il est commandé à l’avocat et aux procureurs de conseiller Pierre de (...)
88Les personnes impliquées dans ces émeutes sont d’abord les deux candidats et leurs proches. D’un côté se trouvent les chanoines et l’élu, neveu du pénultième archevêque, Bernard de Rosier, aidés par de nombreux partisans ; déterminés dans leur action, ils portent appel de l’ordonnance du 18 novembre 1493. De l’autre côté s’impose la puissante famille de Bourbon : le pourvu, Hector, bâtard du duc Jean II, neveu de Pierre de Beaujeu et d’Anne de France, est appuyé par son frère, le sénéchal de Toulouse. Il s’agit de Charles, bâtard de Bourbon, fils de Jean II duc de Bourbon et d’Auvergne et de Louise d’Estouteville, seigneur de Lavedan et de Malauze, conseiller et chambellan du roi, sénéchal de Toulouse puis de Bourbonnais en 1499. Il est personnellement intéressé, car il a épousé Louise du Lion, nièce de l’archevêque défunt Pierre du Lion307, à qui l’élu et le pourvu essaient de succéder. L’officier du roi est, encore ici, de la famille du candidat royal308. L’appui de Charles VIII ne tarde pas à se manifester, que ce soit par la personnalité des commissaires qu’il délègue pour enquêter309, ou par l’adjonction du procureur général, le 17 janvier 1494, aux côtés d’Hector de Bourbon310. Le 14 mars 1494, il envoie deux commissaires pour hâter le jugement portant sur les excès commis311 : le procès se joue donc à nouveau à Toulouse. La famille de Bourbon et ses gens ne se laissent guère impressionner par les imprécations du Parlement, puisque le 25 novembre 1493, il leur est interdit « de molester » l’avocat et les procureurs de Pierre de Rosier qui, de ce fait, n’osent plus remplir leur devoir. La cour est obligée de les placer sous sauvegarde royale312, mais cela n’arrange en rien la situation313.
- 314 AD Haute-Garonne, B 9, fo 188v, 23 novembre 1493. Dans son article sur les violences étudiantes à (...)
- 315 AN, X1a 8321, fo 150, 5 juillet 1491. R. Gadave, Les documents sur l’histoire de l’université de T (...)
89Ensuite, il y a la rue. L’ampleur de ces manifestations ne se mesure pas seulement à leur étendue dans le temps, mais aussi au nombre de personnes qui y prennent part. Une population traditionnellement assez agitée y a participé dès le début des événements : les « escoliers dud. Tholouse » qui ne doivent plus commettre aucune violence et de ce, seront prévenus les « recteurs et docteurs regens » de l’Université314. Celle-ci est en effet intervenue dans cette querelle dont Pierre de Rosier, neveu de l’ancien docteur régent Bernard de Rosier, lui-même « grandement qualifié, docteur regent a Thoulouse passé a XX ans », est partie prenante315.
- 316 (...) eciam intra loca sacra et religiosa.
- 317 Même si, en droit, le droit d’asile persiste dans les faits jusqu’au xvie siècle, la jurisprudence (...)
- 318 AD Haute-Garonne, B 9, fo 217v-218, 25 janvier 1494.
- 319 AD Haute-Garonne, B 9, fo 301, 304v-306, 3 juin 1494.
- 320 J. Rossiaud, « Crises et consolidation », op. cit., p. 520.
- 321 Bagau, Bardon, Jehan Rossel, Jehan Bernez, Bernard Jehan de Sulfarat.
- 322 « Messire Jehan Pagez » et « messire Pons de Podiolis ».
- 323 Bernard Guy, « escuyer seigneur de Roques », François de Lescure, le « sire d’Anzis », « le sire d (...)
- 324 Un ânier, deux barbiers, un « balancier », deux « polailhiers » dont celui de « la place mage », u (...)
- 325 Sauf pour un, « le Grand Bernard mari de la Grand Agnes »...
- 326 Bertrand de La Campanhe dit Lo Moreau est « du lieu de Pibrac » (Haute-Garonne, commune de Léguevi (...)
90En janvier 1494, à la suite de l’enquête menée par les conseillers du Parlement, des arrestations sont décidées. L’affaire est débattue dans la chambre criminelle. Deux listes de personnes à arrêter sont dressées, mêlant clerc et laïcs. La différence tient en la possibilité ou non de les appréhender dans des lieux où ils seraient en immunité. Le premier groupe de prisonniers pourra être interpellé, même à l’intérieur de lieux sacrés316, mais pas le second. Cette infraction à l’immunité – y compris ici aussi pour des chanoines mais interdite pour Pierre de Rosier – n’est pas nouvelle ; elle prouve que les conseillers estiment les faits d’une gravité exceptionnelle317. Les prisonniers seront amenés dans la conciergerie du palais royal. Tant les bénéfices que les biens des laïcs seront mis sous la main du roi318. Le 28 mai 1494, à la demande de Charles VIII, les conseillers acceptent le transfert des prisonniers à Bordeaux, pour le 35 juin. La liste en est donnée319. Cinquante noms sont inscrits quand les arrestations sont décidées, mais il ne s’en trouve plus que trente-six lors du transfert, et les noms ne coïncident pas. Par exemple, Pierre de Rosier n’y est plus : paiement de caution ou appel à la raison ? Les listes des prisonniers, bien qu’elles n’offrent pas le même type de renseignements pour chacun, permettent quelques conclusions : chanoines ou habitants ont été partie prenante des émeutes, des nobles se sont mêlés aux artisans, bien que ces derniers soient les plus nombreux. Cette hétérogénéité des troupes est traditionnelle lors des révoltes urbaines320. Si l’on regarde les deux listes des arrestations à effectuer et du transfert, la cathédrale est bien représentée : le prévôt Pierre de Rosier – il n’est pas anodin qu’il soit dit prévôt et non « élu » –, cinq chanoines321, deux prébendiers, deux ou trois « campaniers », le capitaine de la Croix de Saint-Étienne, et un barbier. On y trouve aussi deux prêtres322, trois nobles323, quatorze artisans324, deux étudiants, un notaire, un sergent, et un « cornemusaire ». Aucun renseignement n’est donné sur les autres325. En dehors d’une certaine mixité sociale, mais dans laquelle artisans et bourgeois dominent, les quelques données géographiques montrent que les Toulousains ne sont pas les seuls concernés326. On peut difficilement en conclure que ces étrangers à Toulouse sont venus dans la cité pour participer aux manifestations ; sans doute y étaient-ils en déplacement pour affaires et se sont-ils agrégés aux révoltés, peut-être après une discussion animée à la taverne.
- 327 Pour la cathédrale, un seul chanoine, Bernard Jean de Sulfarat, un seul sonneur de cloches, et le (...)
- 328 Un autre chanoine, Jean Roussel, « sans estre lyé ne enferré » promet « de soy tenir avec led. com (...)
- 329 Par exemple un autre chanoine, Jean Bernez.
- 330 Ainsi, pour le seigneur François de Lescure : « Maistre Foulc André, docteur et m. en medecine hab (...)
91La liste d’arrestations a été dressée au regard de la possibilité d’une appréhension en lieu saint ; les catégories de la liste du transfert dépendent de la manière dont ce dernier doit s’effectuer : soit, menés sous bonne et sûre garde jusqu’à la conciergerie du parlement de Bordeaux, et ce sont les plus impliqués, au nombre de vingt et un327, soit en compagnie d’un commissaire328, soit de s’y rendre librement avec promesse d’être le jour dit au parlement de Bordeaux329, sous peine de 1 000 livres tournois d’amende. Sont données différentes cautions pour permettre l’élargissement des prisonniers, avec le montant et le nom des pleiges, et leur libre acheminement, mais les étrangers à la ville n’ont pu en trouver330. Ils sont cependant élargis, car ils ont promis « et avec ce juré sur les sainctes escriptures » de se rendre prisonniers ou d’aller au Parlement le jour dit, 15 juin 1494.
- 331 « Exces » (19 occurrences), « violences » (7) « commocion » (2), « monopole » (2), « emocion de pe (...)
- 332 E. Perrot, Les cas royaux..., op. cit., p. 155,158.
- 333 Cette incapacité se retrouve en 1572 lorsque les pouvoirs locaux peinent à mettre un terme à de vé (...)
92Les termes utilisés par les conseillers pour désigner les agissements des révoltés sont divers, mais sont tous liés à la force armée331. Les manifestations sont donc violentes, et les dérapages certains. Le fait que le parlement de Toulouse ordonne à plusieurs reprises le « vuidaige » des garnisons et la garde des cloches implique une tension difficilement contrôlable. La cohabitation de professionnels de la guerre et de population révoltée aussi. L’association « port d’armes » et « congregacions illicites », les armes et les équipements – « arnoiz », « bastons invasibles »... – prouvent que le nombre des personnes dépasse largement les dix individus réunis dans un but agressif, ce qui aurait pu définir un délit et surtout un cas royal332. Le Parlement semble dépassé : il cherche à rétablir l’ordre dans une cité explosive et n’y parvient pas333.
- 334 La première séance date du 12 novembe 1493, et le r8 février 1494, c’est la dernière demande de fa (...)
- 335 A. Paravicini Bagliani, Le corps du pape, op. cit., p. 172 et suiv.
- 336 Ainsi à Montpellier en 1379, Paris et Rouen en 1382, Amiens en 1435, Lyon en 1436, Angers et Reims (...)
- 337 B. Guenée, L’Occident aux xiveet xve siècles..., op. cit., p. 272.
- 338 J. Shatzmiller, Justice et injustice au début du xive siècle. L’enquête sur l’archevêque d’Aix et (...)
- 339 J. Chiffoleau, Colloque d’Orléans, inédit, septembre 2001.
93Malgré cela, et parce qu’à Toulouse, les troubles s’étalent sur au moins trois mois334, et surtout parce que deux individus se disputent le siège, on ne peut les comparer au rite de saccage encore observé au xve siècle à Rome, lors de l’élection du pape : le peuple se précipite sur la maison du cardinal élu ou de celui dont la rumeur dit qu’il a été élu, et lui vole tous ses biens ; il dévaste aussi la cellule qu’il occupait pendant le conclave. Cela s’apparente à un rite de passage : en se laissant dépouiller, « le nouvel élu abandonne l’homme ancien » et accède symboliquement à sa nouvelle « supra personnalité »335. La violence se concentre à Rome sur des biens ; celle de Toulouse s’attaque aussi aux personnes et n’est pas régulée par une quelconque coutume. Elle ne semble cependant pas spontanée. Le fait que deux sonneurs de cloches et quelques chanoines de Saint-Étienne soient arrêtés laissent penser à une certaine organisation, orchestrée par un groupe interne à la cathédrale. Cette révolte est-elle le moyen privilégié pour un peuple qui n’a pu s’exprimer par le vote au moment du choix de son pasteur, ou dont la parole n’est pas écoutée ? Les raisons n’en sont-elles que le désordre et la peur pour son âme ? Ou ces moments permettent-ils un défouloir pour une population qui, dans son ensemble, n’a que peu de moyens de s’exprimer en dehors des enquêtes royales, et la révolte devient-elle alors traditionnelle et sociale, en raison des nombreuses ponctions exercées par les deux candidats ? Elle est sans doute à rapprocher des émeutes urbaines de la même époque, provoquées par l’indignation ou par un espoir déçu « légitimant la rébellion »336, et révèle aussi l’inquiétude et l’insatisfaction337. Mais elle ne s’appuie pas que sur des exclus : toutes les catégories de la ville sont ici concernées. Solidarités verticales ou horizontales n’apparaissent pas, mais une prise de parole d’une « classe urbaine » contre ceux qui la dirigent, un rôle des « masses » face aux élites, leur opposition s’appuyant sur une « conscience plus vive des réalités concrètes »338. La rébellion « devient un concept politique aux xiiie et xive siècles »339. Murmurer puis refuser d’obéir à celui qu’on ne considère pas son évêque et son seigneur temporel, est-ce une attitude politique ?
- 340 C’est ce que pense Louis Caillet pour les conflits au xive siècle, La papauté d’Avignon et l’Églis (...)
94Pour être installé en son diocèse et pouvoir y exercer son ministère, le candidat évêque doit être sacré, jouir de son temporel et, par son joyeux avènement, entrer en sa cité pour être mis en possession solennelle de son Église. Ses relations avec les habitants du diocèse et d’abord de la cité, habitants qu’il a pour mission de mener au salut, se construisent avant tout sur une notion, l’obéissance, que tout sujet du diocèse, du plus humble au plus important, doit à son pasteur et seigneur. Le problème pour ces sujets est de savoir à qui doit aller l’obéissance. En effet, la dualité des voies d’accession a très logiquement ici des répercussions et le schisme peut partager l’ensemble de la population qui n’accepte pas le désordre spirituel et temporel qu’elle permet. Les relations que chacun peut avoir avec le pape ou le roi, la voie de justice empruntée par la plupart ont des conséquences sur le terrain diocésain, et la concurrence entre les décisions pontificale, royale et parlementaire ne permet guère une rapide clarification de la situation. « Poser la main du roi » permet au calme de revenir, mais ce n’est pas une solution miracle et, surtout, aucunement une solution définitive, même si c’est un moyen plus efficace que les sentences d’excommunication340.
95Pris dans ce tourbillon, la population s’exprime, sans doute plus dans la cité qu’ailleurs dans le diocèse. La passivité n’est guère permise car accepter un évêque, c’est rejeter l’autre, accepter de payer ses droits à l’un, c’est les refuser au second. Et si les formes ritualisées de l’obéissance, par exemple le jour du joyeux avènement, permettent de faire croire à la soumission d’une population, elle n’est pas toujours acquise et la rébellion peut encore se déclencher, de manière individuelle ou groupée. Acculturation de la population ? Choix de soutenir le parti que chacun estime le plus légitime ? Occasion d’en démordre ? Sans aucun doute ne faut-il pas se laisser aveugler par les sources judiciaires et imaginer un désordre permanent, surtout quand les conflits s’étalent sur de nombreuses années. Il n’empêche que nombre de situations conflictuelles, parfois violentes, ont existé, reflet d’un malaise et de la crainte d’un péril pour les biens mais aussi les âmes.
- 341 Reverende pater, hec est tua sponsa, nostra mater ecclesia cum ingenti gaudio te recipere parata, (...)
- 342 AN, X1a 4825, fo 57, 22 décembre 1483.
96Lorsque les chanoines rouennais accueillent leur prélat le jour de son entrée, le doyen prononce ces paroles : « Révérend Père, voici ton épouse, notre mère l’Église, prête à te recevoir avec une immense joie »341. Les chanoines narbonnais auraient écrit à François Hallé pour le supplier « qu’il leur soit pere, et il les trouvera filz »342. Cette image idyllique ne se concrétise guère et, loin d’être unie, la famille est bien souvent éclatée. Comment faire pour que le chapitre et le diocèse n’aient enfin qu’un seul père ?
Notes
1 AN, X1a 4836, fo 165v, 26 février 1495.
2 AN, X1a 4834, fo 167v, 14 février 1493.
3 Sauf peut-être à Tours où le conflit se concentre sur le serment de fidélité que doit le chantre, Étienne Lopin, à l’archevêque.
4 AN, X1a 4826, fo 39, 16 décembre 1484.
5 AN, X1a 8323, fo 110v, 17 mars 1495.
6 AN, LL 125, p. 355-356, cf. supra, p. 273.
7 Geoffroy Herbert 1478-1510), (P. B. Gams, Series episcoporum..., op. cit., p. 542.
8 AD Seine-Maritime, G 2145, fo 6r-v.
9 AN, X1a 4838, fo 283v, 15 juin 1497.
10 X I, II, 6 [Fr. 119] ; Cosme Guymier, Glosa pragmaticae..., fo 107, c. Licet, ad « Consecrationis ».
11 AΝ, X1a 4825, fo 283, 5 août 1484. Ce sont Hélie de Bourdeille, Louis de Bourbon-Vendôme et Jean Allardeau.
12 « (...) parce que les évêques tiennent la place des apôtres, auxquels l’Esprit Saint fut donné le jour de la Pentecôte et à la troisième heure », G. Durand, Rational ou Manuel des divins offices, op. cit., t. 1, 2e livre, chap. XI, De l’évêque, p. 207.
13 G. Durand, ibid., p. 207-208. Durand de Maillane, Dictionnaire de droit canonique..., op. cit., 1.1, p. 375-377. P. Batiffol, « La liturgie du sacre des évêques dans son évolution historique », RHE, 23,1927, p. 733-769. P. Salmon, Étude sur les insignes du pontife dans le rit romain..., op. cit., et surtout p. 47-48. J. Gaudemet, Le gouvernement de l’Église à l’époque classique, op. cit., p. 67. L. Caillet, La papauté d’Avignon et l’Église de France, op. cit., p. 203. É. Palazzo, L’évêque et son image..., op. cit., et surtout p. 187-232. Textes des pontificaux dans M. Andrieu, Le pontifical romain au Moyen Âge, op. cit. Pour les textes du droit canonique des Décrétales, F. Germovnik, Index analytico-alphabeticus ad secundam partem corporis iuris canonici..., op. cit., p. 100-101.
14 AN, X1a 4835, fo 57, 5 décembre 1493.
15 L’anneau n’est pas cité, peut-être est-ce dû au fait qu’il s’agit d'un objet plus personnel que le prélat ne quitte pas ? C’est pourtant un attribut fort spécifique qui lui est réservé, L. Trichet, Le costume du clergé, Paris, 1986, p. 89. L’évêque doit le porter, il l’a reçu le jour de son sacre. Sur les origines et l’évolution de ces insignes, P. Salmon, Étude sur les insignes du pontife dons le rit romain..., op. cit.
16 AN, X1a 8320, fo 346v-347, 20 avril 1490.
17 AN, X1a 120, fo 67v, 12 mai 1486 : Unacum baculo pastorali seu crossa, mictra et aliis bonis mobilibus dicto episcopatu spectantibus in manibus dicti de Doyac ponendum.
18 AN, X1a 4826, fo 132,17 mars 1485.
19 G. Desjardins et A. Rendu : Inventaire sommaire de la série G, Oise, 1878, rééd. 1998. La cote du testament est G 613.
20 AN, X1a 8323, fo 111v, 17 mars 1495.
21 Il a en effet « en quelque sorte vendu sa mitre en viager » à Olivier de Vienne contre une pension de 3 000 livres, celui-ci nourrissant l’espoir de lui succéder. Mais Louis XII lui préféra Jean Rolin qui fut élu par le chapitre le 8 juin 1500. Il fallut alors dédommager le malheureux prétendant. J. Régnier, Les évêques d’Autun, Autun, 1988, p. 137-139.
22 Les pourvus : Guillaume Leroy (Maguelonne), Armand de Goutault (Sarlat), Louis et Pierre de Rochechouart (Saintes), Charles de Joyeuse (Saint-Flour), François Hallé (Narbonne), Pierre Cadouet (Bourges). Les élus : Nicolas Maugras (Uzès), Antoine de Chalon (Autun), Guillaume de Cambray (Bourges), Claude de Doyac (Saint-Flour), Jean Doriole (Montauban), Jean de Rély (Angers).
23 AN, X1a 4834, fo 379, 27 juin 1493.
24 Il s’agit d’une seconde bulle de provision obtenue en 1493, ASV, Reg. Vat. 782, fo 271-274, 27 novembre 1493.
25 ASV, Reg. Vat. 813, fo 75v-79, le jour des ides de septembre 1497, A6, 13 septembre 1497, Arch. Cons., Act. camer., no 1,1489-1503, fo 57v.
26 En effet, le concordat de Bologne de 1516 donne 27 ans comme âge minimum pour pouvoir devenir évêque.
27 « Portatif » est le terme employé pour désigner vulgairement les évêques auxiliaires, A. Vernière, « Les évêques auxiliaires en Auvergne et en Velay antérieurs au xviiie siècle », Bulletin historique et scientifique de l’Auvergne, 1892, p. 10-27 et 39-52, p. 15. Ce sont des « prélats ambulants allant et venant dans plusieurs diocèses pour suppléer les titulaires dans la collation des ordres et autres fonctions spirituelles », L. Viallet, Bourgeois, prêtres et cordeliers à Romans, Saint-Étienne, 2001, p. 193-194 ; l’auteur donne quelques exemples. Sur l’origine et le besoin de ce genre de prélats, F. Rapp, « Les évêques auxiliaires à la fin du Moyen Âge dans les diocèses de Constance, Bâle, Strasbourg et Spire », dans Les prélats, l’Église et la société, xie-xve siècles, Hommage à Bernard Guillemain, op. cit., p. 109-117.
28 AN, X1a 8319, fo 204v, 25 septembre 1487, X1a 8320, fo 231, 22 mai 1489.
29 AN, X1a 4836, fo 163v, 26 février 1495.
30 AN, X1a 4838, fo 116r-v, 13 février 1497.
31 Il s’agit de Geoffroy, abbé de Manglieu en 1483, déposé en 1486 et porté décédé sur le rouleau des morts en 1498, DBF, t. 11, 1967.
32 C’est le canon Si archiepiscopus, X i, ii, 6 [Fr. 119]. Voir aussi Cosme Guymier, Glosa pragmaticae..., fo 107, c. Licet, ad « Consecrationis ».
33 AN, X1a 4826, fo 17r-v, 2 décembre 1484, X1a 120, fo 66v, 12 mai 1486.
34 Le consécrateur aurait dû être l’archevêque de Bourges. Selon M. D. Chaludet, les évêques portatifs se sont soumis par crainte des censures ecclésiastiques et sont tous les deux cordeliers du couvent du Puy. Le prélat consécrateur fut Bertrand d’Audigier, évêque d’Ascalon, suffragant – c’est-à-dire ici auxiliaire – du cardinal Julien della Rovere, évêque de Mende. Le premier assistant fut Jacques, évêque de Lori, en Étrurie, dans le vicariat du Saint-Siège, aujourd’hui Castel Guido, qui avait plusieurs fois refusé son concours parce qu’il n’y avait pas trois évêques. Le second assistant fut donc Geoffroy de Doyac, abbé de Manglieu et frère de Claude. La cérémonie ne se déroula pas dans l’abbaye mais dans une dépendance, M. D. Chaludet, Les évêques de Saint-Flour, op. cit., p. 259.
35 Pierre Cadouet reçoit le pallium le mardi 25 mars 1483, des mains de l’évêque de Mirepoix, Gabriel du Mas. AN, X1a 4825, fo 283v. Il faut en faire la demande dans les trois mois qui suivent la prise de possession de l’église. Voir L. Falkenstei N, « Alexandre III et la vacance d’un siège métropolitain... », op. cit., p. 15-17, L. Hoche, Contribution à l’histoire de Paris. Paris occidental, xiie-xixe siècles : ses rues, leur passé, leurs passants, Paris, 1912.
36 « (...) et lesquelles bulles furent presentees a l’evesque de Mirepoix, lequel, en ensuivant le contenu en icelles, se transporta devers le grant aultier de lad. eglise de Bourges, presens et assistans illec liberallement les chantre, chanoynes, vicaires, bachelliers et autres suppostz et habituez de lad. eglise en grant nombre, et illec fit faire aud. arcevesque le serment en tel cas acoustumé. Ce fait, delivra led. palion aud. arcevesque et le luy mit sur les espaules, et par dessus sa chasuble et autres habillemens ecclesiastiques dont il estoit vestu en l’onneur de Dieu, de saint Pierre et saint Pol, de notred. saint pere le pape, du saint siege apostolicque et de lad. eglise de Bourges a luy commise. Et, ce fait, lesd. chantre, chanoynes, vicaires et autres de lad. eglise, habituez de chappes, processionnellement avecques la croix et le luminaire, chantans Te deum laudamus, menerent led. arcevesque revestu in pontificalibus avec led. paleon autour du cueur et nef de lad. eglise ainsi qu’il est acoustumé de faire, et icelle procession ainsi faicte, le remenerent aud. grant aultier auquel, avec l’aide desd. chantre, chanoynes et autres suppostz de lad. eglise et tenans le cueur d’icelle, celebra la grant messe et donna la benediction aux assistans en icelle (...) », AD Cher, 8G 283, pièce 50, fo 8-8v.
37 Voir supra, p. 147.
38 Gaudemet, La collation par le roi de France..., op. cit. ; Id., DDC, op. cit., t. 7, col. 516. L. Caillet, La papauté d’Avignon et l’Église de France, op. cit., p. 405 et suiv.
39 J. Gaudemet, La collation par le roi de France..., op. cit., p. 101.
40 AN, X1a 4836, 16 février 1495, fo 154-156. Même si Antoine du Bois est le candidat du roi, cela n’empêche que tous deux se fassent concurrence pour conférer les canonicats de la cathédrale... Le même genre de problème se retrouve à Tournai, X1a 4830, 30 juillet 1489, fo 418-419v
41 De plus, le roi peut conférer, après la clôture, un bénéfice qui a vaqué pendant la régale. J. Gaudemet, La collation par le roi de France..., op. cit., p. 101.
42 Ibid. p. 59. Les prélats des sièges qui, selon E. Roland, Les chanoines et les élections épiscopales..., op. cit., p. 180, sont exempts du serment de fidélité [province de Bordeaux (Limoges excepté) = Bordeaux, Agen, Périgueux, Poitiers, Saintes, Angoulême] en vertu d’une ordonnance royale de 1273, correspondent à des diocèses où la régale n’est pas exercée encore au xive siècle, cf. J. Gaudemet, ibid. Mais Pierre de Rochechouart, pourvu de Saintes, prête serment de fidélité à Charles VIII, X1a 4836, fo 262,15 mai 1495. Sur l’origine de l’exception de la province de Bordeaux, A. Luchaire, Histoire des institutions monarchiques de la France sous les premiers Capétiens (987-1180), Paris, 1891, vol. 2, p. 81.
43 AN, X1a 4825, fo 56v, 18 décembre 1485.
44 L’origine des temporels est différente de la fondation des Églises elles-mêmes, le plus souvent apostolique, ce qui permet d’alimenter l’idée gallicane d’un lien de l’Église de France avec le Christ, sans la médiation de Pierre ou de Paul, et l’indépendance par rapport à Rome. Pour une vision des différentes fondations, A. Tallon, Conscience nationale et sentiment religieux..., op. cit., p. 27-38. C. Beaune, Naissance de la nation France, op. cit., p. 107-110. A. Demurger, « L’Histoire au secours de la chicane : la place de l’Histoire dans les procès au Parlement au début du quinzième siècle (1419-1436) », JS, 1985, p. 231-312, p. 245-246, situe l’élaboration des traditions des origines apostoliques des Églises de France aux xe et xie siècles.
45 Cette origine est énoncée par le roi Jean le Bon devant le Parlement en 13 63, et elle est encore avancée à la fin du xve siècle dans le texte de l’Arrêt d’or de 1487, B. Guérard, Le cartulaire de Notre-Dame..., op. cit., t. 1, p. LXXXI. Voir également en préambule des droits de l’évêque de Paris un texte daté du xive s., ibid., t. 3, p. 272 : « S’ensuivent les droiz, franchises et libertez appartenens a l’éveschié de Paris, tant en la ville de Paris comme au dehors. Premierement, monseigneur l’evesque est en protection et sauvegarde du roy nostre sire, pour ce que ladite eglise et eveschié fut fondee et douee du roy de France, et de son propre patrimoingne, et delaissa le royaulme a son frere moins né, pour venir en ladite eglise, de laquelle il fu evesque. Et avant ce que il le fust, il fonda ladite eglise du propre patrimoingne du royaume ; et pour ce, evesque est viconte de Paris et de la visconté ; et est cest article tout notoire ou parlement, ouquel il a esté souvent proposé, toutefoiz que le cas y est escheu ». Pour Benjamin Guérard, il est peut-être ici fait allusion à Philippe, fils de Louis le Gros, nommé évêque en 1159 et qui se démit aussitôt en faveur de Pierre Lombard, son ancien précepteur.
46 J. Gaudemet, La collation par le roi de France..., op. cit., p. 16, qui renvoie à l’ordonnance du 8 mai 1372, Ordonnances des rois de France..., op. cit., t. 5, 1736, p. 479, É. Delaruelle, E. R. Labande, P. Ourliac, L’Église au temps du Grand Schisme..., op. cit., p. 334, n. 19. N. Didier, La garde des églises au xiiie siècle, Paris, 1927, p. 87.
47 AN, X1a 4826, fo 27, 9 décembre 1484.
48 E. Roland, Les chanoines et les élections épiscopales..., op. cit., p. 176. G. Le Bras, Institutions ecclésiastiques..., op. cit., p. 374, n. 13.
49 I. S. Robinson, « L’Église et la papauté », dans Histoire de la pensée politique médiévale, op. cit., p. 241-290.
50 Hadrien III (772-795).
51 Grat. 63, 22 [Fr. 241].
52 Grat. 63, 30 [Fr. 244]. Ego, Lodovicus.
53 AN, X1a 4834, fo 141, Olivier pour le pourvu parisien Jean Simon, 5 février 1493.
54 AN, X1a 4829, fo 411v, n août 1488.
55 E. Roland, Les chanoines et les élections épiscopales..., op. cit., p. 179. Extrait de Mélanges historiques, Liber Guillelmi Majoris, t. 2, Paris, 1877, p. 239.
56 AN, X1a 4825, fo 57, 22 décembre 1485.
57 AN, X1a 4826, fo 27, 9 décembre 1484. Il s’agit de deux sources liées à l’exercice de la justice : le style du Châtelet, rédigé au début du xive siècle, ainsi que le chapitre De feudis, extrait du Speculum judiciale, IV, 3 de Guillaume Durand, dit le Speculator. Ce dernier ouvrage, rédigé en 1271, est « une juxtaposition d’emprunts », mais cette compilation a eu un imense succès, G. Giordanengo, Le droit féodal dans les pays de droit écrit, L’exemple de la Provence et du Dauphiné, xiie-début xive siècles, Rome, 1988, p. 137, 315. J. Krynen, L’empire du roi..., op. cit., p. 83,386. Cf. G. Durand, Speculum Iuris..., op. cit., fo 137v : Praelati habentes stolam ad collum, evangeliis ante illos appositis, promittunt fîdelitatem. L’évêque de Mende écrit qu’ils peuvent aussi prêter hommage, selon le statut de leur siège.
58 G. Giordanengo, Le droit féodal dans les pays de droit écrit..., op. cit., p. 102.
59 E. Roland, Les chanoines et les élections épiscopales..., op. cit., p. 178.
60 M. Dupuy, Commentaire sur le traité des libertez de l’eglise gallicane, t. 2, Paris, 1715, p. 247-248.
61 AN, X1a 4827, fo 191v, 18 mai 1486.
62 H. Jassemin, La Chambre des comptes au xve siècle, Paris, 1933, p. 246.
63 AN, X1a 4830, fo 419, procès pour le siège de Tournai.
64 H. Jassemin, La Chambre des comptes au xve siècle, op. cit., p. 246.
65 AN, X1a 4839, fo 77, 11 janvier 1498.
66 Y. Labande-Mailfert, Charles VIII, op. cit., p. 478-479.
67 BnF, coll. Clairambault, vol. 765, Registres de délibération du Châtelet, p. 250-251. Sur ce nouveau serment, cf. infra, p. 392.
68 AN, X1a 4837, fo 55, 7 janvier 1496. Les destinataires des lettres sont Robert Briçonnet, Jean d’Espinay et Jacques Raguier.
69 BnF, coll. Clairambault, vol. 765, Registres de délibération du Châtelet, p. 161, texte également cité dans M. Fournier et L. Dorez éd., La Faculté de décret..., op. cit., p. 488.
70 P. Pélicier éd., Lettres de Charles VIII, Paris, 1898-1907, t. 3, p. 320. Th. Godefroy, Histoire de Charles VIII..., op. cit., p 637.
71 Ce retournement s’insère dans la politique de renforcement du pouvoir de Philippe Auguste qui, en 1216, refuse de porter l’évêque ou même de lui prêter hommage en personne, A. Marty, L’histoire de Notre-Dame de Paris, d’après les estampes, dessins, miniatures, tableaux exécutés aux xve, xvie, xviie, xviiie et xixe siècles, Paris, 1907, p. 20.
72 AN, X1a 4836, fo 154,16 février 1495.
73 AN, X1a 8609, fo 95r-v, 28 mai 1486.
74 AD Cher 8 G 283, pièce 50, fo 5v.
75 Les prélats eux-mêmes sont-ils tous sensibles à cette distinction ? Ainsi, des évêques de Provence à la fin du xiiie siècle prêtent-ils serment de fidélité au sénéchal mais déclarent ne vouloir prêter hommage qu’au roi de France en personne et, en 1306, l’archevêque d’Arles lui prête hommage lige. G. Giordanengo, Le droit féodal dans les pays de droit écrit..., op. cit., p. 174. En outre, Guillaume Durand place ce serment dans un chapitre qui s’intitule Des fiefs.
76 Jean Balue pour Angers puis Autun, X1a 4828, fo 325, 4825, fo 260, Charles de Bourbon pour Clermont, Gallia Christiana, t. 2, Provincia bituricensis, 1720, col. 295, Antoine du Bois pour Beauvais, X1a 4829, fo 400, Robert d’Espinay pour Nantes, X1a 4838, fo 27, Armand de Goutault pour Sarlat, X1a 4835, fo 54v, François Hallé pour Narbonne, X1a 4825, fo 56v, Benoît Jehan pour Cahors, X1a 4837, fo 356v, Charles de Joyeuse pour Saint-Flour, X1a 4826, fo 17v, Charles de Martigny pour Castres, X1a 4837, fo 186, Jean Neveu pour Senlis, X1a 4838, fo 79v, Pierre de Sacierges pour Luçon, X1a 4834, fo 405v, Jean Simon pour Paris.
77 Claude de Doyac pour Saint-Flour, X1a 8609, fo 95r-v, Jean d’Espinay pour Nantes, X1a 4839, fo 77, Nicolas Maugras pour Uzès, X1a 4826, fo 280v, Jean de Rély pour Angers, X1a 4837, fo 113v, Jean Quentin pour Senlis, X1a 4838, fo 79v.
78 AN, X1a 4830, fo 320v, 4 juin 1489.
79 BnF, coll. Moreau, vol. 258, p. 202. Extrait des registres capitulaires, 14 octobre 1496.
80 Le fait qu’il a prêté serment est dit dans une plaidoirie, le 4 août 1485, AN, X1a 4826, fo 280v, mais réfuté le 22 décembre 1485, X1a 4827, fo 50. La date donnée par la Gallia Christiana, t. 6, Provincia Narbonensis, 1739, col. 643, est le 7 août 1486.
81 AN, X1a 8609, fo 95r-v, 28 mai 1486. Le serment a été prononcé entre le 12 et le 28 mai, le 12 étant la date de l’arrêt du Parlement enjoignant à Claude de Doyac de le faire, AN, X1a 120, fo 67v.
82 Par exemple lors du procès pour Chartres. René d’Illiers a bénéficié de la résignation de son oncle, Mile, le 3 décembre 1492. Il a demandé dix à douze fois au roi de le recevoir au serment de fidélité, mais Charles VIII a toujours refusé. « Veu les offres et diligences dud. maistre René, led. serment de fidelité soit tenu pour fait, offrant le faire toutesfoiz qu’il plaira au roy le recerecevoir», AN, X1a 4829, fo 419v, 421, 16 juillet 1493.
83 H. Jassemin, La Chambre des comptes au xve siècle, op. cit., p. 246.
84 P. Pélicier éd., Lettres de Charles VIII, op. cit., t. 3, p. 320. Th. Godefroy, Histoire de Charles VIII..., op. cit., p. 637.
85 F. Lot et R. Fawtier, Histoire des institutions françaises..., op. cit., t. 2, p. 242.
86 H. Jassemin, La Chambre des comptes au xve siècle, op. cit., p. 247. Aucun exemple dans nos sources cependant.
87 AN, X1a 4825, fo 56v, 22 décembre 1483.
88 AN, X1a 4836, fo 154, 16 février 1495.
89 AN, X1a 4834, fo 122v, 24 janvier 1493.
90 AN, X1a 4838, fo 79v, 26 janvier 1497.
91 Valéran de Sains est bailli de Senlis du 27 novembre 1483 au 16 octobre 1510, Mathieu Barthélemy est procureur du roi à partir de 1495, il succède à son beau-père Louis Le Clerc ; il garde aussi le scel de la prévôté de Senlis de 1491 à 1519, mais doit abandonner la charge de prévôt d’Angy. Robert de La Place est déjà receveur ordinaire en 1474. Tous trois appartiennent à des familles senlisiennes, B. Guenée, Tribunaux et gens de justice..., op. cit., p. 163, 167, 157-158, 156, 201.
92 BnF, coll. Moreau, vol. 258, p. 204-206, 3 et 10 octobre 1496.
93 AN, X1a 4825, fo 53, 22 décembre 1483, fo 65v, 30 décembre 1483. Arnault est le père d’Eustache Luillier, maître à la Chambre des comptes, A. Lapeyre et R. Scheurer, Les notaires et secrétaires du roi..., op. cit., Généalogie, pl. LXIX.
94 (...) ex mandato regis cui tenebatur parere, AD Yonne, G 34, p. 633, 634.
95 Durand de Maillane, Dictionnaire de droit canonique..., op. cit., t. 1, p. 377. J. Gaudemet, Église et cité..., op. cit., p. 419. L. Falkenstein, « Alexandre III et la vacance d’un siège métropolitain... », op. cit., p. 8 et n. 19.
96 AN, X1a 4826, fo 18, 2 décembre 1484.
97 AN, X1a 4825, fo 283, 5 août 1484.
98 AD Cher, 8 G 283, pièce 50, fo 5v.
99 Μ. H. Fisquet, La France ponitificale, Le diocèse de Paris, p. 344. BnF, coll. Clairambault, vol. 765, Registres de délibération du Châtelet, p. 250-251 : il est dit, à la date du 30 janvier 1495, qu’il a
100 Voir le cas de Doyac supra, p. 329.
101 L. Falkenstein, « Alexandre III et la vacance d’un siège métropolitain... », op. cit., p. 7, évoque le fait que la « joyeuse entrée » puisse se faire après la confirmation ; dans tous les exemples de cette étude, elle ne se fait qu’en dernier lieu.
102 P. Pélicier éd., Lettres de Charles VIII, op. cit., t. 4, p. 7-8.
103 Antoine Allemand à Cahors, Jean Balue à Autun, Pierre Cadouet et Guillaume de Cambray à Bourges, André d’Espinay à Lyon, Jean Doriole à Montauban, Nicolas Maugras à Uzès, Jean de Rély à Angers, Pierre de Rochechouart à Saintes.
104 AN, X1a 4834, fo 179v, 21 février 1493.
105 AN, X1a 4834, fo 261, 11 avril 1493.
106 AN, X1a 4837, fo 113v, 11 février 1496.
107 AN, X1a 8318, fo 453, 13 juin 1486. E. Breguet, « La carrière du cardinal Balue », op. cit., p. 162.
108 AN, X1a 4837, fo 220r-v, 28 avril 1496.
109 AN, X1a 4835, fo 484, 24 juillet 1494.
110 AN, X1a 4825, fo 2o6v, 8 avril 1484.
111 Forteresse située sur la rive droite de la Saône, élevée par l’archevêque de Lyon Renaud de Forez en 1226.
112 AM Lyon, BB 21, fo 47, 7, 8, 9 mars 1494, fo 50, 28 mars. Elle fait pièce à l’argument d’Antoine de Chalon : le rôle important de son cousin le prince d’Orange auprès de la reine Anne. Sur l’entrée de Charles VIII, cf. Y. Labande-Mailfert, Charles VIII, op. cit., p. 196-199.
113 AD Rhône, 10 G 285, fo 106v, 25 février 1494 (ns).
114 Jean, 10, 1-10.
115 Pour l’analyse et l’histoire de ces entrées épiscopales, je me permets de renvoyer à un article à paraître sur le sujet dans la Revue Historique.
116 Le moment même de l’intronisation, la prise de possession de l’Église qui est différente de la prise de possession solennelle le jour de la « joyeuse entrée », n’est que rarement mentionné. Elle peut être faite par procureur, on l’a vu pour Georges d’Amboise à Rouen. Mais pour Jean Simon par exemple, l’intronisation a lieu le jour de son entrée, car il est mené à son siège par un vicaire de l’archevêque de Sens, AN, LL 126, p. 195-215.
117 Voir supra, p. 155-156.
118 A. Guerreau, « Seigneurie », dans Dictionnaire encyclopédique du Moyen Âge, op. cit., vol. 2, p. 1415-1416.
119 AM Saint-Flour, chap. IV, art. 1, no 3.
120 Six lettres sont prévues, dont les quatre premières demandent obéissance et révérence : au chapitre, au clergé de la cité et du diocèse, « aux chers fils et peuple de la cité et du diocèse », aux vassaux de l’Église ; les deux autres sont adressées à l’archevêque de Sens et au roi. ASV, Reg. Lat. 933, fo 318-323, 28 et 29 octobre 1492. Ces termes obedentia et reverentia sont présents également dans une bulle en faveur de Gilles de Laval, candidat de Sées, ASV, Reg. Vat. 778, fo 40v-43,16 août 1493, dans une autre pour Benoît Jehan, candidat de Cahors, Reg. Vat. 780, fo 119-v, 27 mars 1493, pour Guillaume Briçonnet, candidat de Nîmes, Reg. Vat. 800, fo 97-98v, 26 octobre 1496, etc.
121 Ainsi, dans l’inventaire des pièces de Pierre Cadouet, AD Cher, 8 G 283, pièce 50, fo 4v-5.
122 L’obéissance de l’ensemble de la population est notée dans c. Omnes principes, X, 1, 33, 4 [Fr. 196]. L’obéissance des clercs est l’objet du c. Quod super, X, 1, 33, 9 [Fr. 200]. Pour la révérence, cf. c. Quia pontificali, Sext. 1,14, 2 [Fr. 978].
123 Ce lien entre sujétion et obéissance est présent au xve siècle, par exemple dans les écrits de Gerson, C. Gauvard, « De grace especial »..., op. cit., p. 850-853.
124 Venerabilibus fratribus nostris eiusdem ecclesie lugdunensis suffragantis, ac dilectis filiis capitulo, clero et populo lugdunensibus et universis et ecclesie lugdunensis vassallis et subditis... Il s’agit de Laurent Ier Allemand, désigné pour succéder à son oncle en 1477, finalement pourvu d’Orange, mais évêque de Grenoble à partir du printemps 1484, à la faveur de la mort de Louis XI. Il le demeure jusqu’à ce qu’il résigne en faveur de son neveu Laurent II en 1518. P. Paravy, De la Chrétienté romaine à la Réforme en Dauphiné..., op. cit., p. 91-92.
125 AD Rhône, 10 G 1377, pièce 4, la bulle date du 7 des calendes de mars 1488, 23 février 1489.
126 P. Paravy, De la Chrétienté romaine à la Réforme en Dauphiné..., op. cit., p. 94-98.
127 AN, X1a 1497, fo 190. Guillaume Gastinel qui a fait publier les bulles est emprisonné à la conciergerie puis élargi sous caution.
128 AN, X1a 121(1), fo 158v-159,11 septembre 1487. Les bulles sont datées du 21 août 1486.
129 AN, X1a 9319, no 22, écrite depuis Rome.
130 Le terme « ces » ne semble pas avoir une signification religieuse particulière. Il signifie « cessation ».
131 AM Lyon, BB 20, fo 87, 23 mai 1493.
132 AM Lyon, BB 20, fo 87v, 88.
133 AM Lyon, BB 20, fo 92, 8 juin 1493.
134 J. Chiffoleau, « Droit(s) », dans Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, op. cit., p. 306-307.
135 ASV, Reg. Vat. 775, fo XXV.
136 B. Chevalier, Les bonnes villes de France du xive au xvie siècle, Paris, 1982, p. 101 et suiv. ; J. Rossiaud, chap. « Crises et consolidation », dans Histoire de la France urbaine, t. 2. La ville médiévale, p. 407-613, p. 604-608.
137 AD Rhône, 10 G 1385, fo 6. Il est situé à deux pas du cloître Saint-Jean, N. Gonthier, Délinquance, justice et société dans le Lyonnais médiéval, de la fin du xiiie siècle au début du xvie siècle, Paris, 1993, p. 034-37·
138 AN, X1a 1503, fo 118, 27 avril 1497.
139 J. Rossiaud, « Crises et consolidation », op. cit., p. 606-607.
140 AM Lyon, BB 20, fo 77v-78, 2 mai 1493, fo 80, 3 mai 1493. C’est la même menace qui pousse le maire de Tours à inciter les chanoines à obéir au roi et à élire Robert de Lenoncourt, cf. supra, p. 295.
141 AM Lyon, BB 20, fo 84, 12 mai 1493.
142 AM Lyon, BB 20, fo 111, 16 août 1493, BB 22, fo 43, 18 juillet 1495 : cette lettre arrive en même temps qu’une autre, datée du 15 mai 1495 et leur annonçant la victoire de Fornoue.
143 Dès le 10 juin 1493, Antoine de Chalon, Hugues de Talaru et les chanoines font appel des deux commissaires devant le Parlement, l’un pour avoir exécuté des sentences pontificales, l’autre des lettres royales ; ils n’obtiennent l’ajournement qu’à l’encontre de Raboudanges, AN, X1a 1500, fo 265,12 juillet 1493.
144 AM Lyon, BB 20, fo 84v.
145 AD Yonne, G 34, item 74. Un témoin confirme ce soutien, p. 305.
146 AD Yonne, G 34, item 3, Lettres de Louis XI, op. cit., t. 10, p. 329.
147 J. Favier, Paris au xve siècle, Paris, 1974 (Nouvelle histoire de Paris), p. 430-431.
148 Aux côtés de Brinon.
149 AN, X1a 8322, fo 555.
150 AN, LL 125, p. 321, 15 octobre 1492.
151 Aubert Le Viste est déjà au service du roi sous Louis XI : il a fait partie d’une commission extraordinaire et a fait raser les maisons de rebelles au pouvoir royal à Aurillac, P. R. Gaussin, Louis XI..., op. cit., p. 163, 287. Il est, après 1489, conseiller au Parlement. Issu d’une famille lyonnaise très importante, fils de Jean III Le Viste, juge des ressorts, il a épousé Jeanne Baillet. Il meurt en 1493. Son fils Antoine devient en 1523 président du parlement de Paris. Sur lui-même et sa famille, cf. R. Fédou, Les hommes de loi lyonnais à la fin du Moyen Âge, Paris, 1964, chapitre Un destin modèle : la famille Le Viste, p. 335-350.
152 Le sénéchal n’étant souvent que le chef nominal de la justice, le lieutenant, juriste de métier, est le principal responsable de la « cour royale de Lyon ». Laurent Paterin est docteur ès lois et lieutenant général de 1473 à 1489. Il appartient à une famille lyonnaise qui a déjà donné du personnel judiciaire à la ville, R. Fédou, Les hommes de loi lyonnais..., op. cit., p. 94-95,116.
153 Ce sont deux juges royaux qui coexistent, sans que la hiérarchie de leurs fonctions soit clairement établie, N. Gonthier, Délinquance, justice et société..., op. cit., p. 36. En 1489, le juge des ressorts est Clément Mulat, licencié ès lois, R. Fédou, Les hommes de loi lyonnais..., op. cit., p. 95-96, 118. Celui du juge mage n’est pas indiqué.
154 Il s’agit de Claude Pasquet, dit le Charron, 2 décembre 1477-1504. R. Fédou, Les hommes de loi lyonnais..., op. cit., p. 119. Cf. infra, p. 365, n. 277.
155 Voir supra, p. 298, η. 191.
156 Cette position centrale des commissaires royaux semble traditionnelle, H. Gilles, Les États de Languedoc au xve siècle, op. cit., p. 144.
157 AD Rhône, 10 G 1385, manuscrit de papier d’environ 60 feuilles qui retrace en détail cette commission depuis le départ de Chinon du commissaire. La critique se lit fo 35v.
158 AN, X1a 4830, fo 415-418, 30 juillet 1489.
159 Sur le rôle du courrier, N. Gonthier, Délinquance, justice et société..., op. cit., p. 22-23.
160 AN, X1a 121 (2), fo 303r-v, 9 avril 1489.
161 AN, X1a 125, fo 15-16. Cette commission est elle aussi détaillée : AD Rhône, 10 G 1386, no 3, lettre patente du garde du seel commun de la sénéchaussée de Lyon et bailliage de Mâcon..., cahier de 12 feuillets de parchemin, datée du 25 février 1492 (ns). Philippe Simon est reçu conseiller-clerc le 28 juin 1474 par résignation de Louis Raguier, il passe au siège lai de feu Jean Burdelot le 26 août 1482, É. Maugis, Histoire du Parlement de Paris, op. cit. t. 3, p. 110. Il est le frère du pourvu parisien, Jean Simon.
162 Essonne, commune d’Étampes.
163 L’exécution « virtuelle » a eu lieu au parlement de Paris, le 15 mars 1490.
164 Ainsi que le fait bien comprendre une lettre envoyée au parlement de Paris depuis Rome, le 21 janvier 1495, P. Pélicier éd., Lettres de Charles VIII, op. cit., t. 4, p. 153-154, et AN, X1a 9321, no 88. Voir infra, p. 421.
165 AN, X1a 4837, fo 356v, 4 août 1496, x2a 61, fo 341v, 10 janvier 1497.
166 AN, X1a 4839, fo 415v-416.
167 AN, X1a 4830, fo 416r-v, 30 juillet 1489.
168 B. Guenée, Tribunaux et gens de justice..., op. cit., p. 277-309.
169 AN, X1a 4830, fo 247, 30 avril 1489.
170 AN, X1a a 8320, fo 243v, 7 août 1489.
171 AN, X1a 4837, fo 355, 4 août 1496.
172 Jean de La Vignolle est en effet doyen d’Angers de 1465 à 1495. Il a suivi un parcours tortueux : docteur en droit, secrétaire du roi René, puis conseiller au Parlement de 1461 à 1469, date à laquelle il résigne. Le 30 octobre 1467, le roi René le nomme président des Grands Jours d’Angers, et trois jours plus tard, président des comptes. Sa faveur décline en 1475 lors de la saisie du duché ; il penche alors vers le roi. Le 20 janvier 1476, Louis XI fait en sorte que son « amé et féal conseiller » soit investi de « l’administration, régime et gouvernement de l’espirituel dud. evesché ». C’est à lui que le roi écrit le 25 avril 1479 pour imposer l’élection d’Auger de Brie. J.-M. Matz, « Les chanoines d’Angers au temps du roi René (1434-1480) : serviteurs de l’État ducal et de l’État royal », dans Les serviteurs de l’État au Moyen Âge (Actes du XXIXe congrès de la SHMES), Paris, 1990, p. 105-116, ici p. 109. Mais « il a retourné sa robe car a l’ocasion de ce que Balue est en auctorité et qu’il l’a constitué l’un de ses officiers », il « le porte », AN, X1a 4827, fo 193v, 22 mai 1486. Ce retournement d’attention explique son attitude envers le sergent royal.
173 B. Guenée, Tribunaux et gens de justice..., op. cit., p. 288-289.
174 AN, X1a 4827, fo 194, 22 mai 1486.
175 AN, X1a 8320, fo 38r-v, 13 février 1489. Sur l’amende honorable, cf. infra, p. 382 et suiv.
176 AN, X1a 4835, fo 505v, 31 juillet 1494.
177 AN, X1a 8320, fo 161,12 juin 1489.
178 N. Valois, Histoire de la Pragmatique Sanction..., op. cit., p. CXXI, N. Didier, « Postulation, élection et provision apostolique... », op. cit., p. 69, J.-L. Gazzaniga, L'Église du Midi au temps de Charles VII..., op. cit., p. 154.
179 B. Guenée, Tribunaux et gens de justice..., op. cit., p. 287.
180 AD Haute-Garonne, B 6, fo 369, 23 juin 1485.
181 AN, X1a 1496, fo 341, 27 août 1489, fo 366v, 4 septembre 1489.
182 AN, X1a 4838, fo 284v, 15 juin 1497.
183 À Sarlat, en 1492, le parlement de Bordeaux ordonne que « laquaiz et autres gens vacabons estans en lad. eglise » partent et que 1 200 l. t. soient prises sur le revenu du temporel pour effectuer des réparations, mais en 1494, la cour parisienne se plaint encore, bien qu’elle ait arrêté que les « gens d’armes vuident », qu’il y en ait toujours. En 1495, Charles VIII se plaint des maux infligés à son candidat, Armand de Goutault, par le vicomte de Turenne, qui a pillé ses biens et mis en garnison à Sarlat des gens qui rançonnent le pays, et qui soutient l’élu Raymond de Commers. L’arrêt de Bordeaux du 22 décembre 1492 est cité dans un arrêt parisien, AN, X1a 1501, fo 238, 5 septembre 1494, X1a 4835, fo 505, 31 juillet 1494. La lettre de Charles VIII est expédiée de Turin et datée du Ier août 1495, P. Pélicier éd., Lettres de Charles VIII, op. cit., t. 4, p. 239-241. À Luçon, en 1494, l’usage de la force est des deux côtés, M. Harsgor, Recherches sur le personnel du Conseil du roi..., op. cit., p. 2451-2453. À Saintes, il est question dans l’église de « grant affluence tout autour d’eulx des gens de guerre et autres », X1a 8323, fo 570v, 6 mai 1496. À Montauban encore, en 1498, leurs méfaits sont dénoncés, X1a 1504, fo 71,14 mars 1498.
184 AN, X1a 4826, fo 281, 4 août 1485.
185 AN, V5 1041, fo 119, 11 avril 1492, il s’agit d’un procès pour héritage.
186 AN, X1a 4828, fo 174v, 20 juillet 1487.
187 Jean de Doyac est en effet arrêté le 20 février 1483, cf. supra, p. 169, n. 35. En 1484, le procès est encore pendant devant le Grand Conseil, AN, V5 1040, fo 50,10 mars 1484, fo 52, 15 mars.
188 C’est en 1483, car les faits se déroulent avant la provision en consistoire de Charles de Joyeuse, le 10 septembre 1483.
189 AN, X1a 4826, fo 17, 2 décembre 1484, fo 26, 9 décembre 1484.
190 AD Haute-Garonne, B 6, fo 369, 23 juin 1485.
191 AD Haute-Garonne, B 6, fo 384v-385v, 1er septembre 1485.
192 AD Haute-Loire, G 769, lettre du parlement de Toulouse en faveur de Geoffroy de Pompadour, 23 octobre 1487.
193 Ce sont des faits « insupportables dans le cadre religieux et moral des xive et xve siècles ». La violence des nobles est acceptée par le Parlement « quand elle suit les règles normales de la vengeance et qu’elle ne relève pas du vilain cas ». C. Gauvard, « “Les juges jugent-ils ?...” », op. cit, p. 83-84.
194 AN, X1a 4825, fo 66, 30 décembre 1483.
195 E. Perrot, Les cas royaux, origine et développement de la théorie aux xiiie et xive siècles, Paris, 1910, p. 155,158.
196 Voir supra, p. 229-230. AN, X1a 4825, fo 58v-59v, 29 décembre 1483.
197 AN, X1a 4836, fo 262v, 15 mai 1495. Pierre de Rochechouart a déjà demandé par la voix de son avocat qu’il soit condamné à rendre tous les fruits « dont messire Pierre sera cru par serment », X1a 4836, fo 166, 26 février 1495.
198 AN, X1a 4836, fo 166, 26 février 1495.
199 AN, X1a 8318, fo 208v, Ier juillet 1485.
200 AN, X1a 8321, fo 188v, 19 juillet 1491.
201 Si l’on pense à la dame de Mortemar (cf. supra, p. 313), on se rend compte que, dans les agissements des réseaux dénoncés dans les sources, les parents les plus actifs sont une mère et surtout un oncle, clerc ou laïque, un frère, mais très rarement un père. L’explication est en partie démographique : sur tous les candidats, onze seulement ont moins de 30 ans ; ils sont les plus susceptibles d’avoir encore leurs parents vivants ; en outre, les femmes se marient plus tôt que les hommes et peuvent rester plus longtemps maîtresses de leur maison. Seuls, deux pères sont cités : il s’agit d’Arnaud de Saint-Étienne qui a testé en faveur de son fils Jean, élu de Montauban, cf. supra, p. 250-251, et de Pierre de Saint-Gelais, cf. supra, p. 348. Les autres sont-ils tous morts ou ces hommes sont-ils plus entreprenants dans un milieu qu’ils connaissent, tels le Parlement ou le Conseil du roi ?
202 Il s’agit du 17 septembre 1497, année où se sont tenus les états à Nîmes.
203 Domini de consilio deliberaverant quod considerato bono velle domini nostri regis, et reverendissimi domini cardinalis Macloviensis, episcopi nostri, cujus medio, statuti presenti patrie lingue occitane in presenti ciuitate congregabantur, ad magnam utilitatem civium L. Ménard, Histoire civile, ecclésiastique et littéraire de la ville de Nîmes, t. 4, Marseille, 1753, rééd. 1976, p. 65. Léon Ménard indique que les comptes sont de 1495-1496, mais les états se sont tenus à Nîmes en 1497, et leur président en est Pierre d’Absac, archevêque de Narbonne, H. Gilles, Les États de Languedoc au xve siècle, op. cit., p. 77-28l·
204 AM Lyon, BB 20, fo 77v, 2 mai 1493. Rien n’est écrit de son contenu.
205 AM Lyon, BB 20, fo 84, 12 mai 1493. Jean Audebert est dans la liste des conseillers présents « en l’ostel commun » le 19 août 1493, AM Lyon, BB 20, fo 113. C’est lui qui s’occupe de ces affaires à Paris.
206 A. Péricaud, Notice sur André d’Espinay..., op. cit., p. 8, 9,17.
207 Cette attitude est comparable à la construction du réseau orchestrée à Thérouanne par la famille Croy. A. Derville, « Pots-de-vin, cadeaux, racket, patronage. Essai sur les mécanismes de décision de l’État bourguignon », Revue du Nord, 56, 1974, p. 341-364.
208 AM Lyon, BB 20, fo 86v ; 20 mai 1493.
209 AM Lyon, BB 20, fo 111v, 16 août 1493, la lettre est datée du 5 août.
210 AM Lyon, BB 20, fo 78v, 2 mai 1493. Jean, prince d’Orange, est en effet le cousin de la reine Anne, puisque Jean est le neveu et favori du duc François II, Leroux de Lincy, Vie de la reine Anne de Bretagne, Paris, 1860-1861, vol. 1, p. 40. La mère de Jean est Catherine de Bretagne, BnF, PO 651, dossier 15 320.
211 Pour en voir le fonctionnement dans le cadre d’un État, et le rôle fondamental des évêques de Thérouanne, A. Derville, « Pots-de-vin, cadeaux, racket, patronage... », op. cit.
212 AN, X1a 4838, fo 284, 15 juin 1497.
213 AD Rhône, 10 G 1386, no 3, fo 9v-10.
214 AN, X1a 4837,14 avril 1496.
215 P. Paravy, De la chrétienté romaine à la Réforme en Dauphiné..., op. cit., p. 69.
216 Charles de Joyeuse a fini par obtenir mainlevée, mais « Doyac soubz couleur de son appel retient les fruiz par lui perceuz depuis l’arrest prononcé, ensemble les pancartes, terriers et filtres dud. evesché », AN, X1a 4834, fo 66,17 décembre 1492.
217 AN, X1a 8321, fo 188v, 19 juillet 1491.
218 AN, X1a 4838, fo 222v, 5 juillet 1497.
219 Leur importance est croissante à la fin du Moyen Âge, C. de Merindol, « Mouvements sociaux et troubles politiques à la fin du Moyen Âge, essai sur la symbolique des villes », dans Violence et contestation au Moyen Âge, Paris, 1990, p. 267-302, ici p. 273-274.
220 AD Rhône, 10 G 1386, no 3, fo 10. Ce changement est traditionnel à la suite d’une prise de possession, par exemple royale, C. de Merindol, « Mouvements sociaux et troubles politiques... », op. cit., p. 282.
221 AN, X1a 8321, fo 188v, 19 juillet 1491.
222 Voir supra, p. 229-230.
223 AN, X1a 4825, fo 58v, 59, 29 décembre 1483.
224 À Lyon, les processions du Corpus Christi se déroulent dans le cadre de chaque paroisse ; elles ne servent pas, comme ailleurs, à l’exaltation des pouvoirs municipaux. J. Rossiaud, « Les rituels de la fête civique à Lyon », dans Riti e rituali nella società medievali, Spolète, 1994, p. 285-307, p. 294-295. Le cardinal a peut-être profité de l’absence de signes représentant le pouvoir municipal pour introduire les siens.
225 AM Lyon, BB 20, fo 93v, 8 juin 1493.
226 AM Lyon, BB 20, fo 92, 8 juin 1493.
227 C. Vincent, Fiat lux : lumières et luminaires dans la vie religieuse en Occident du xiiie au début du xvie siècle, Paris, 2004.
228 AN, X1a 4836, fo 175v, 5 mars 1495.
229 AN, X1a 4830, 30 avril 1489, fo 249v.
230 AD Rhône, 10 G 1378, no 2 et no 3.
231 Il s’agit de Claude Thomassin, fils de Pierre – ce dernier est le neveu du célèbre conseiller delphinal Mathieu Thomassin. Claude est d’abord lieutenant du capitaine de la ville, et capitaine lui-même lorsque la fonction, détachée de celles du bailli, devint municipale (1510). Entre temps, il a été nommé conservateur des foires. R. Fédou, Les hommes de loi lyonnais..., op. cit., p. 410.
232 AM Lyon, BB 20, fo 113, 19 août 1493.
233 AN, X1a 4836, fo 166, 26 février 1495.
234 Par exemple à Lyon, « par telz abuz et frauduleusté semblable l’eglise fust plus troublee au grant scandalle du peuple de notre ville de Lion comme elle a esté le temps passé », AM Lyon, BB 22, fo 43,18 juillet 1495, extrait d’une lettre du roi du 24 juin envoyée de Lucques. C’est aussi le cas à Autun, Bourges, Montauban, AN, X1a 8319, fo 260, 21 mars 1488, X1a 4826, fo 123,10 mars 1485, X1a 4834, fo 261, 11 avril 1493.
235 AN, X1a 4836, fo 166, 26 février 1495.
236 AN, X1a 4830, fo 323, 4 juin 1489.
237 AN, X1a 8321, fo 188v, 19 juillet 1491.
238 AN, X1a 8321, fo 199, 29 juillet 1491.
239 « Et dit que touchant la spiritualité, il y a grant esclande et division, et ne scet on a qui recourir in foro anime car l’un fait son senne ung jour, l’autre defend que on y compare sur peine d’excommuniement, et excommunient l’un l’autre et y a ung grant desordre. Semblablement y a grant desordre au temporel car chacun des contendans va es places de l’evesché et prent ce qu’il peut et y a grant desordre ». Le procès n’a pas été retenu, car il oppose deux pourvus en consistoire. AN, X1a 4825, fo 249v-250,13 juillet 1484.
240 28 janvier 1488, R. Jouanne, Inventaire sommaire des Archives de l’Orne, série G. La cote est I G 35, fo 93.
241 AD Haute-Garonne, B 9, fo 205.
242 AD Haute-Garonne, B 9, fo 208.
243 AD Haute-Garonne, B g, fo 213.
244 On a là tous les éléments du crime vengeant l’honneur bafoué et de la recherche du pardon pour ce criminel qui a fui, afin que la paix entre les familles puisse être rétablie. C. Gauvard, « De grace especial »..., op. cit.
245 AN, X2a 60, fo 510v, 7 août 1492.
246 Jacques Yver apparaît plusieurs fois dans les registres de délibérations consulaires de Saint-Flour et par exemple le 13 mai 1483 ou le 19 janvier 1490, AC, Saint-Flour, Chap. V, art. 6, no 12, fo 3, no 15, fo 3. Le criminel est sans doute de la famille du trésorier de la cathédrale Jean de Jouvenroux : qui sait si ce dernier est un partisan de Doyac ? Jean de Jouvenroux est cité le 3 septembre 1494, Chap. V, art. 6, no 18, fo 9. Le 19 janvier 1490, la délibération porte sur une citation que les chanoines ont faite des consuls devant l’official ; en cause : ils demandent 1 200 ducats, part et portion de l’ajournement obtenu de la cour de Rome. Jacques Yver refuse, car ils ont passé un accord avec Claude de Doyac. Or, en 1490, c’est Joyeuse qui tient l’évêché.
247 AN, X1a 4826, fo 17, 2 décembre 1484.
248 AN, X1a 4834, fo 67,17 décembre 1492.
249 Voir infra, p. 382-383.
250 N. Offenstadt, « Les femmes et la paix... », op. cit., p. 329 et n. 73.
251 AM Lyon, BB 20, fo 79, 81, 88, 2, 3, 23 mai 1493.
252 AD Yonne, G 34, p. 404 : Timebat si ita fieret et res diu duraret ne populus parisiensis videns si longo tempore carere pastore commoveretur.
253 BnF, ms. fr. 15540, Lettres de diverses personnes... La lettre est datée du 15 février et le conservateur qui en a fait l’analyse a inscrit environ 1483, mais il y est question d’un conflit qui dure depuis douze ou treize ans : ne serait-ce pas plutôt 1493, car le conflit débute en 1478 avec la résignation de Robert Cornegrue, et Étienne Goupillon ne meurt qu’en août 1493 ?
254 Les chanoines continuent à défendre leur champion. Leur violence, qu’on pourrait qualifier de délinquance ordinaire, tant les allusions y sont nombreuses, n’est d’ailleurs pas chose nouvelle, F. Lot et R. Fawtier en donnent plusieurs exemples, Histoire des institutions françaises..., op. cit., t. 3, p. 341-346. L. Caillet, La papauté d’Avignon et l’Église de France, op. cit., p. 395-397. L’auteur cite des cas de violences perpétrées par les collateurs ordinaires et leurs candidats contre le candidat pontifical et vice-versa, mais seulement pour des bénéfices mineurs.
255 Pour plus de détails sur ces sermons, je me permets de renvoyer à V. Julerot, « “Peuple” chrétien et élection épiscopale... », op. cit., p. 46-47.
256 B. Chevalier, « Olivier Maillard », op. cit., p. 31, 32.
257 AD Yonne, G 34, p. 127, témoin 4, p. 171, témoin g.
258 AN, X1a 4834, fo 159,11 février 1493.
259 Pour plus de détails, V. Julerot, « “Peuple” chrétien et élection épiscopale... », op. cit., p. 46-47.
260 Voir infra, p. 391-393.
261 (...) populo pacem et concordiam ponerent, eosdem dominos capitulantes exhortando et deprecando ut premissa complerent ne populus amplius exclamaret, AN, LL 126, p. 147, 4 novembre 1494.
262 « Fut cela recité aud. Robinet par du Bueil, lequel Robinet dist qu’il vouldroit estre dyable pour nuyre aud. Cambray », AN, X1a 4834, fo 179v, 21 février 1493. Voir supra, p. 291, n. 153.
263 AN, X1a 4838, fo 284v, 15 juin 1497.
264 AM Lyon, BB 20, fo 93v, 8 juin 1493. Sur l’importance pratique et la signification du rempart entourant le cloître, C. Arlaud et J. Burnouf, « Les chanoines de la cathédrale de Lyon, aspects archéologiques du quartier canonial du xiie au xviiie siècle », dans Les prélats, l’Église et la Société, xie-xve siècles, Hommage à Bernard Guillemain, op. cit., p. 245-257, ici p. 246-247.
265 C. Gauvard, « Pendre et dépendre à la fin du Moyen Âge : les exigences d’un rituel judiciaire », dans Riti e rituali nelle società medievali, Spolète, 1994, p. 191-211, ici p. 210.
266 F. Lot et R. Fawtier, Histoire des institutions françaises..., op. cit., t. 2, p. 346. B. Guenée, Tribunaux et gens de justice..., op. cit., p. 286-292. Sous le sous-titre, « La justice bafouée », l’auteur donne plusieurs exemples de mécontentement et montre comment l’attitude du personnel judiciaire lui-même peut expliquer le peu de respect pour la justice et ses décisions.
267 AN, X1a 4826, fo 281, 4 août 1485.
268 AN, X1a 4825, fo 57r-v, 22 décembre 1483.
269 AN, X1a 4825, fo 58v, 29 décembre 1483.
270 C. Casagrande et S. Vecchio, Les péchés de la langue, Paris, 1991, p. 171 et suiv.
271 AM Lyon, BB 20, fo 93v, 8 juin 1493.
272 AN, X1a 4825, fo 259v, 23 juillet 1484.
273 AD Rhône, 10 G 1385, fo 5r-v.
274 R. Fédou, Les hommes de loi lyonnais..., op. cit., p. 348.
275 « Les altercations y sont donc fréquentes, mais elles restent, le plus souvent, de l’ordre de l'injure verbale ou gestuelle », C. Gauvard, « De grace especial »..., op. cit., p. 284-285.
276 N. Gonthier, Délinquance, justice et société..., op. cit., p. 101-103.
277 Claude Pasquet, dit le Charron, docteur ès lois, est procureur du roi du 2 décembre 1477 à 1504. De 1505 à 1513, il est le lieutenant général du sénéchal de Lyon. En 1497-1498, il siège au consulat. Le rôle du procureur du roi est très important : il est nommé directement par le souverain et le sénéchal est chargé de recevoir son serment et de le mettre en possession de son emploi ; au xve siècle, il est choisi parmi les gradués de la ville ou de la région. R. Fédou, Les hommes de loi lyonnais..., op. cit., p. 99,116,119, 396.
278 André d’Espinay.
279 Humbert de Varey.
280 Il s’agit d’Étienne Pasqual ou Pasquier qu’on a déjà rencontré.
281 Fr. Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française..., op. cit. : poacré = sale, infecté d’ulcères ; poacre = gale ; vilenaille = populace, gens de néant... ; bougeron = sodomite, bougeronner = commettre le péché de sodomie.
282 AD Rhône, 10 G 1378, document à part, non relié. Samedi 7 février 1489 (ns).
283 C. Gauvard, « De grace especial »..., op. cit., p. 715-734.
284 Le bâtard de Lespinasse s’exprime par des images assez violentes et nomme directement l’acte répréhensible, et cela n’est pas fréquent, C. Gauvard, « De grace especial »..., op. cit., p. 723.
285 AD Rhône, 10 G 1378, no 5, 9 février 1489.
286 Il s’agit encore d’une injure grave mettant en cause la légimité de la filiation, C. Gauvard, « De grace especial »..., op. cit, p. 722.
287 AN, X1a 8324, fo 4r-v, 22 novembre 1496.
288 Toute la population n’est pas contre eux, comme dans les luttes de la fin du xiiie siècle et du début du xive siècle étudiées par B. Galland, « Mouvements urbains à Vienne, Lyon et Romans », dans Violence et contestation au Moyen Âge, Paris, 1990, p. 185-206, ou pour Romans par L. Viallet, Bourgeois, prêtres et cordeliers à Romans, op. cit., puisque la population est elle-même divisée entre ceux qui soutiennent l’élu du chapitre et les autres.
289 N. Valois, Histoire de la Pragmatique Sanction..., op. cit., p. CXXI : le siège est alors disputé entre Alain de Coetivy et Emmanuel Buade et la ville est partagée en deux camps.
290 L’affaire est rapidement résumée dans P. Arabeyre, Les idées politiques à Toulouse à la veille de la Réforme..., op. cit., p. 529-530.
291 AN, X1a 4833, fo 164v, 14 février 1492.
292 AD Haute-Garonne, B 9, fo 183, 12 novembre 1493.
293 Il est par exemple ordonné que les chevaux pris à Hector de Bourbon et à son frère soient rendus, mais aussi des « bagues et autres biens pris a leurs gens », AD Haute-Garonne, B 9, fo 185, 16 novembre 1493.
294 À Rouen, en 1382, ce sont elles qui ont appelé à la commotion lors de la Harelle, Histoire de Rouen, dir. M. Mollat. À Nîmes, en 1453, les chanoines, maîtres du clocher, font sonner le tocsin, ameutent le peuple et tiennent tête à Tanguy du Châtel, gouverneur de la Provence, N. Valois, Histoire de la Pragmatique Sanction..., op. cit., p. CXXI. Au xixe siècle, elles perturbent encore, et les maires en ont toujours la garde en cas de problème, voir A. Corbin, Les cloches de la terre. Paysage sonore et culture sensible dans les campagnes au xixe siècle, Paris, 1994, p. 187-193. Au parlement de Toulouse, le problème de l’usage de trompettes et de cloches est courant. Les consuls prétendent en jouir à leur gré, et la cour doit empêcher les abus. Ainsi, le 20 décembre 1492, après un « effroy » et une « commocion » du peuple contre l’évêque d’Albi, les conseillers décident de faire clouer sur un pal, au milieu de la place publique, la corne appelée « ornhe » et ils autorisent les consuls à n’utiliser que les cloches de Saint-Sauveur, si un péril est imminent (feu, ennemi...), A. Viala, Le Parlement de Toulouse..., op. cit., t. 2, p. 172.
295 AD Haute-Garonne, B 9, fo 183v, 12 novembre 1493.
296 La cloche appelée « Cardaillac » ou « Cardalhac » doit son nom à son commanditaire, l’archevêque Jean de Cardaillac (1376-1390), Abbé Cayre, Histoire des évêques et archevêques de Toulouse depuis la fondation du siège jusqu’à nos jours, Toulouse, 1873, p 229.
297 AD Haute-Garonne, B 9, fo 186,18 novembre 1493.
298 AD Haute-Garonne, B 9, fo 196v, 17 décembre 1493, fo 232v, 18 février 1494.
299 AD Haute-Garonne, B 9, fo 304v, 2 juin 1494.
300 AD Haute-Garonne, B 9, fo 189, 23 novembre 1493.
301 Il n’est pas facile de savoir qui ils sont, car pour 1492 et 1493, le nom des capitouls manque sur les registres de l’hôtel de Ville, Abel et Froidefont, Tableau chronologique des noms de messieurs les capitouls de la ville de Toulouse, Toulouse, 1786, p. 87.
302 AD Haute-Garonne, B 9, fo 185.
303 AD Haute-Garonne, B 9, fo 186,18 novembre 1493.
304 Cette date de la Saint-Michel a été arrêtée en 1296, Jules Chalande, article posthume, « Les élections des capitouls », Archives de la Haute-Garonne, 47J 46, pièce 128.
305 AD Haute-Garonne, B 9, fo 188v.
306 AD Haute-Garonne, B 9, fo 188v.
307 Abbé Cayre, Histoire des évêques et archevêques de Toulouse..., op. cit., p. 288-293. O. Mattéoni, Servir le prince..., op. cit., p. 279.
308 Tout comme à l’époque de Pierre du Lion (1475-1491), lui-même frère du sénéchal Gaston du Lion, pour qui le siège toulousain fut réservé par Sixte IV à la demande de Louis XI, P. Arabeyre, Les idées politiques à Toulouse à la veille de la Réforme..., op. cit., p. 529.
309 En décembre 1493, des commissaires royaux sont venus pour enquêter, parmi eux : « messire Jehan de la Roche chevalier lieutenant de monseigneur le duc de Bourbonnoiz et d’Auvergne gouverneur de Lenguedoc ». Il est accompagné de « messire Guinot de Lenziere, chevalier maistre d’ostel du roy et maistre Jaques Bouchard, conseiller du roy en son grand conseil », AD Haute-Garonne, B 9, fo 197,17 décembre 1493.
310 AD Haute-Garonne, B 9, fo 213.
311 AD Haute-Garonne, B 9, fo 270, 28 mars 1494. Ces deux commissaires sont deux officiers en charge à Lyon, et que Ton a déjà rencontrés : Guillaume Bullioud, juge ordinaire de Lyon, et Claude Le Charron, procureur du roi. Il ne semble pas pourtant que leur action à Lyon ait été couronnée de succès.
312 « En la sauvegarde especial, protection et sauf conduit du roy et de lad. court en corps ne en biens ne aucunement contre eulx proceder par voie de fait », AD Haute-Garonne, B 9, fo 189v. La sauvegarde royale, quand elle est appliquée à des individus, est donnée en raison de violence ou d’injustice ; les violences commises sur une personne en sauvegarde sont passibles des tribunaux royaux, E. Perrot, Les cas royaux..., op. cit., p. 99-100,139.
313 En effet, le 7 janvier 1494, il est commandé à l’avocat et aux procureurs de conseiller Pierre de Rosier, ce qu’ils ne font donc toujours pas, AD Haute-Garonne, B 9, fo 205.
314 AD Haute-Garonne, B 9, fo 188v, 23 novembre 1493. Dans son article sur les violences étudiantes à Toulouse, Sophie Cassagnes-Brouquet ne fait que mentionner les événements de 1493, cf. « La violence des étudiants à Toulouse à la fin du xve siècle et au xvie siècle (1460-1610) », Annales du Midi, 94,1982, p. 245-262, ici p. 251.
315 AN, X1a 8321, fo 150, 5 juillet 1491. R. Gadave, Les documents sur l’histoire de l’université de Toulouse et spécialement de sa faculté de droit civil et canonique (1229-1789), Toulouse, 1910. L’auteur cite différents arrêts du Parlement et par exemple celui datant du 27 août 1493, portant des prescriptions diverses et notamment l’interdiction du port d’armes aux écoliers, B9, fo 188.
316 (...) eciam intra loca sacra et religiosa.
317 Même si, en droit, le droit d’asile persiste dans les faits jusqu’au xvie siècle, la jurisprudence du Parlement travaille à le faire disparaître, F. Lot et R. Fawtier, Histoire des institutions françaises..., op. cit., t. 2, p. 456-457. Autre exemple d’une telle décision prise par le parlement de Toulouse en 1478, J.-L. Gazzaniga, « Le Parlement de Toulouse et la réforme des réguliers (fin du xve-début du xvie siècle) », RHEF, 77,1991, p. 49-60, p. 53.
318 AD Haute-Garonne, B 9, fo 217v-218, 25 janvier 1494.
319 AD Haute-Garonne, B 9, fo 301, 304v-306, 3 juin 1494.
320 J. Rossiaud, « Crises et consolidation », op. cit., p. 520.
321 Bagau, Bardon, Jehan Rossel, Jehan Bernez, Bernard Jehan de Sulfarat.
322 « Messire Jehan Pagez » et « messire Pons de Podiolis ».
323 Bernard Guy, « escuyer seigneur de Roques », François de Lescure, le « sire d’Anzis », « le sire de Montcabrier alias Peytes ».
324 Un ânier, deux barbiers, un « balancier », deux « polailhiers » dont celui de « la place mage », un maçon, deux cordonniers, un « chaucetier » dit aussi « joueur de paume », un boulanger, un « taillandier », un drapier, un « payrolier », donc fabricant de chaudrons.
325 Sauf pour un, « le Grand Bernard mari de la Grand Agnes »...
326 Bertrand de La Campanhe dit Lo Moreau est « du lieu de Pibrac » (Haute-Garonne, commune de Léguevin), non loin de Toulouse, mais Arnauld Guillaume, dit Coudardet, est de Carcassonne, Anthoine Peyrusset est du diocèse d’Albi et Pierre Flote est un « taillandier » de Rodez. Ramond de Ramondon dit Monnet est de Galay (Ariège, commune de Castillon-en-Couserans. Cette commune fait partie du diocèse de Saint-Lizier de Couserans, dans la province d’Auch). Un « polailher » demeure à La Colombe (peut-on entendre le lieu de Colomiers, proche de Toulouse ?). Si Carcassonne est dans la province de Toulouse, Albi et Rodez sont deux évêchés suffragants de Bourges. On ne peut sûrement pas aller jusqu’à dire qu’ils sont venus jusqu’à Toulouse pour défendre la primatie de leur archevêque. Quant à la brebis égarée de Saint-Lizier de Couserans...
327 Pour la cathédrale, un seul chanoine, Bernard Jean de Sulfarat, un seul sonneur de cloches, et le capitaine de la croix ; il y a aussi un seul noble, le seigneur Bernard Guy, et deux prêtres ; le « payrolier » est un des leurs.
328 Un autre chanoine, Jean Roussel, « sans estre lyé ne enferré » promet « de soy tenir avec led. commissaire et aller pié à pié avecques lui comme prisonnier par le chemin droit de Tholouze a Bourdeaux lequel chemin lui est baillé pour prison, et soy rendre prisonnier en lad. conciergerie de Bourdeaux dedans led. terme ».
329 Par exemple un autre chanoine, Jean Bernez.
330 Ainsi, pour le seigneur François de Lescure : « Maistre Foulc André, docteur et m. en medecine habitant de Tholouze, et Guillaume de Paillers, escuier seigneur de Saint-Ybars (Commune de Lézat-sur-Lèze, Ariège), en la senechaussée de Tholouze » qui paieront jusqu’à 2 000 l. t. Pour Mérigon Le Begue : « Pierre Cabanes m. charpentier de Tholouze, Denis Pellepoy m. barbier et cirurgien de Tholouze, et Jehan de Caraveles du lieu de Verfueil (Verfeil, Haute-Garonne) en lad. senechaussee de Tholouze » (jusqu’à 500 l. t.). C’est là qu’être étranger à la ville et à ses environs pose quelques problèmes : n’ont pu présenter caution « Ramond Ramondon dit Monnet du lieu de Galay, Anthoine Peyrusset du diocese d’Albi, Pierre Flote taillandier de Rodez », ainsi que « Ramond le Peletier dit lo Mosso », mais on ne sait rien de lui.
331 « Exces » (19 occurrences), « violences » (7) « commocion » (2), « monopole » (2), « emocion de peuple » (2), « congregacions » (8) dont 6 « illicites » toujours accompagnées de « et port d’armes », et 1 avec « assemblées de gens de guerre et autres armez et embastonnez », « amas de gens armez » (I), « boutemens de feu » (2), « tocquesein en maniere d’effroy » ou « tocquesein ne effroy » (3 et 1 tout seul), « murdreries » (5), « pilleries » (4), « roberies » (3), « esclandres » (6), « insultes » (1), « incendies » (2), « malefices » (4), « batemens » (1), « bateries » (1). Comme armes : « embastonnez » (2), « arnoiz » (3), « bastons invasibles » (2), « garnisons » (5).
332 E. Perrot, Les cas royaux..., op. cit., p. 155,158.
333 Cette incapacité se retrouve en 1572 lorsque les pouvoirs locaux peinent à mettre un terme à de véritables batailles rangées entre deux nations d’étudiants, S. Cassagnes-Brouquet, « La violence des étudiants à Toulouse... », op. cit., p. 248.
334 La première séance date du 12 novembe 1493, et le r8 février 1494, c’est la dernière demande de faire garder les cloches.
335 A. Paravicini Bagliani, Le corps du pape, op. cit., p. 172 et suiv.
336 Ainsi à Montpellier en 1379, Paris et Rouen en 1382, Amiens en 1435, Lyon en 1436, Angers et Reims en 1461, Bourges en 1474, J. Rossiaud, « Crises et consolidation », op. cit, p. 518.
337 B. Guenée, L’Occident aux xive et xve siècles..., op. cit., p. 272.
338 J. Shatzmiller, Justice et injustice au début du xive siècle. L’enquête sur l’archevêque d’Aix et sa renonciation en 1318, Rome, 1999, p. 151-152, A. Vauchez, Les laïcs au Moyen Âge, Paris, 1987, fo 42, 46·
339 J. Chiffoleau, Colloque d’Orléans, inédit, septembre 2001.
340 C’est ce que pense Louis Caillet pour les conflits au xive siècle, La papauté d’Avignon et l’Église de France, op. cit., p. 426.
341 Reverende pater, hec est tua sponsa, nostra mater ecclesia cum ingenti gaudio te recipere parata, AD Seine-Maritime, G 2145, fo 17.
342 AN, X1a 4825, fo 57, 22 décembre 1483.
© Éditions de la Sorbonne, 2006