Vers la résolution des conflits
p. 269-270
Texte intégral
1Élus et pourvus s’affrontent devant les tribunaux, par avocats interposés, mais aussi sur le terrain que constitue le diocèse, où s’expriment parfois la violence des chanoines et celle de la rue. Chacun tente de devenir le « possesseur pacifique » du siège. Lorsque la sentence de confirmation n’a pas été prononcée, l’un des deux candidats souffre d’un véritable handicap : l’élu attend cette décision qui lui donnera droit au titre d’« élu confirmé » et, une fois qu’il sera installé, à l’administration du diocèse que, théoriquement, le chapitre exerce en attendant1. Mais ce titre, le pourvu le détient déjà, puisqu’il est ainsi désigné dans les sources : « élu confirmé ». La provision pontificale n’a aucunement besoin d’être confortée ; son bénéficiaire doit cependant obtenir des lettres de placet pour que ses bulles puissent être exécutées dans le royaume2. Si tel est le cas, il peut directement franchir les étapes ultérieures : après la réception par le chapitre, la consécration qui lui confère son pouvoir d’ordre, puis le serment de fidélité qui lui ouvre l’accès au temporel et à ses revenus. Aspects spirituels et temporels se complètent, signes de la double appartenance des évêques - membres de l’Église et prélats du royaume. C’est la « joyeuse entrée » ou « joyeux avènement » qui, théoriquement, conclut ce cheminement ; ce rituel, établi par la coutume, assure la prise de possession solennelle de l’Église, l’union du diocèse et de son prélat. Il n’est que rarement question dans les sources, en cette fin de xve siècle, de la visite ad limina, établie au xiie siècle, que le prélat doit effectuer pour signifier son obéissance au pape : par la Pragmatique Sanction, le serment d’obéissance est dû au supérieur, et au pape, seulement si l’évêque est exempt3. Le cas des archevêques est sans aucun doute différent4. Tous aimeraient pouvoir dire comme l’avocat de Jean de Rély, élu à Angers :
« L’eveschié (...) a esté deuement remplye par election, confirmacion, consecracion, recepcion de fidelité, possession et entree solennelle et recepcion par le clergé, les nobles et tout le peuple sans contradicion »5.
2Pour permettre l’accomplissement de ce cheminement, et comme ils l’ont déjà fait au moment de l’élection, les réseaux de solidarité des candidats se mobilisent, que ce soit devant les tribunaux, dans les cités ou à Rome. À côté de la « voie de justice » et de l’exécution de ses arrêts dans les diocèses, les « voies de fait » sont nombreuses. Le réseau intervient dans tous ces domaines : c’est par son intermédiaire que les conflits se résolvent et que l’un des candidats emporte enfin la « possession pacifique ».
Notes de bas de page
1 Voir supra, p. 71. AN, X1a 4834, fo 428, 18 juillet 1493. Cela n’est pas évident, puisque par exemple, le chapitre de Luçon réclame l’administration, X1a 4834, fo 427v, 18 juillet 1493. À Cahors, le parlement de Toulouse a pris deux arrêts en ce sens : le chapitre a l’administration temporelle et spirituelle, mais les places fortes sont sous la main du roi, et les commissaires qui les tiennent sont payés par le chapitre, AN, X1a 4837, fo 203v, 14 avril 1496.
2 Voir supra, p. 226.
3 P. Imbart de Latour, Les élections épiscopales dans l’Église de France..., p. 495. Cosme Guymier, Glosa pragmaticae..., fo 109, c. Licet, ad « Iuramentum ».
4 Ainsi, Georges d’Amboise, archevêque de Rouen, a prêté ce serment 22 août 1494 : c’est sans doute aussi en raison de son transfert de Narbonne et sa postulation sur le siège de Rouen, AD Seine-Maritime, G 1138, 22 août 1494.
5 AN, X1a 4837, fo 114v, 11 février 1496.
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