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« Y a ung grant desordre »

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Véronique Julerot

Première partie. Élections et conflits

Chapitre 3. L’élection, germe de conflits

Texte intégral

1L’élection apparaît comme un moment propice à l’émergence de conflits. Ne pas élire constituerait-il la solution ? C’est ce qu’aurait pensé l’évêque de Chartres, Mile d’Illiers, qui résigne son siège par procureur le II décembre 1492 :

  • 1 AN, X1a 4834, fo 419,16 juillet 1493.

« [Mile] s’est trouvé sur son ancien aage et a bien voulu pourvoir a l’eglise en maniéré que apres son trespas elle ne cheust en litige comme ont fait plusieurs autres églises de ce royaume, et par le conseil de plusieurs notables gens, mesmement de ceulx de son eglise et quasi de tous tant dignitez que autres, il a esté meu de resigner led. evesché au proufit dud. maistre René...1 »

  • 2 AN, X1a 4835, fo 335v, 2 mai 1494.
  • 3 AN, X1a 4835, fo 227v, 27 février 1494.
  • 4 AN, X1a 8322, fo 284v, 6 août 1493.
  • 5 Collation de l’archevêque de Bordeaux pour Guillaume Leroy à Maillezais qui s’oppose au protégé po (...)

2Même les chanoines auraient été d’accord pour que Mile résigne en faveur d’un bon évêque, « pour éviter aux litiges et debatz apres son trespas »2. Mais l’idée n’est guère probante : un procès s’ensuit, opposant René d’Illiers, le résignataire, à René de Prye. L’élection est pourtant encore en cause dans cette affaire, car si René de Prye est en lice, c’est que l’archevêque de Sens, Tristan de Salazar, l’a désigné par droit de dévolution, les chanoines n’ayant pas procédé à l’élection dans le temps imparti3 Il n’est pas jusque dans les termes employés pour traduire l’état d’esprit de l’oncle, qui n’évoquent celle-ci : Mile a agi pour « mectre paix en l’eglise et a esté meu a spiritu sancto car on voit que aujourduy toutes églises sont en litige »4. Il en est de même dans certaines batailles judiciaires entre deux non-élus, l’un pourvu par le pape, l’autre bénéficiant d’une collation de son supérieur à la suite de la défection du chapitre5.

  • 6 Voir annexe 1.
  • 7 AN, X1a 4835, fo 52, 5 décembre 1493.

3Quatre-vingt-trois hommes pour trente-cinq évêchés et une régale à assumer6... et encore ! Les élus retenus ici sont ceux qui ont eu le plus de voix dans l’élection et constituent une partie importante dans les procès. Si l’on incluait tous les hommes sur lesquels des voix se sont portées et qui n’abandonnent pas leur droit immédiatement au profit du mieux placé – à Tours, trois élus recherchent confirmation7 – le nombre serait encore plus important.

  • 8 Selon la définition théorique de l’élection, le terme de candidat ne convient guère à celui qui ne (...)

4Le propos n’est pas ici d’écrire une biographie de chacun – certains ont déjà été étudiés – mais d’esquisser un tableau d’ensemble, afin de voir comment se présentent les candidats8 de la fin du xve siècle.

Des candidatures trop nombreuses

  • 9 Reims et Bourges. Pour ce dernier cas, il s’agit du second conflit pour ce siège opposant Guillaum (...)

5Faveurs royales ou pontificales, gages de confiance ou de reconnaissance des chanoines, provisions apostoliques et élections s’imbriquent et s’entrechoquent, rendant la possession pacifique des évêchés d’une singulière difficulté. Sur trente-six conflits, trente-trois opposent un élu à un pourvu, deux opposent des élus9, le dernier a pour objet la régale de Lyon.

6Vingt-neuf des trente-cinq évêchés ou archevêchés sont vacants par la mort du prélat précédent (82,8 % des cas), trois par résignation : Sées en 1477, Saintes en 1492, Bayonne en 1494, et trois par transfert : Antoine Allemand, transféré à Clermont en 1475, libère le siège de Cahors ; Hugues d’Espagne, transféré à Rieux en 1487, celui de Lectoure ; et Georges d’Amboise, transféré à Narbonne en mars 1492, celui de Montauban.

  • 10 Voir annexe 1. Un cas représente une personne pour un siège.
  • 11 Jean Balue à Angers et Autun, Antoine du Bois à Beauvais et Béziers, Pierre de Sacierges à Montaub (...)
  • 12 A. de Montferrand à Senlis, Thibaut Bourgoing à Cahors et François des Voisins à Montauban.

7Quarante-huit candidats peuvent se déclarer élus ; ils l’ont été au cours de quarante-six élections – certains sont coélus au cours d’un même chapitre. Deux d’entre eux ont été élus à deux reprises : Georges d’Amboise, élu à Narbonne et postulé à Rouen, Guy de Tourettes élu deux fois de suite à Saintes (quarante-neuf cas)10. Quarante-cinq sont pourvus en consistoire, trois d’entre eux à deux sièges11 (quarante-huit provisions). Dix sont à la fois élus et pourvus pour la même chaire. On ne sait rien de trois d’entre eux12. La quasi-égalité du nombre des élections et de celui des provisions ne reflète en rien un traitement semblable, d’autant qu’elles ne se répartissent pas régulièrement selon les évêchés. Ainsi pour Uzès, dont le conflit débute en 1483 et s’achève en 1497, un élu s’oppose à un pourvu, tandis que pour Senlis, de 1496 à 1502, pas moins de quatre élections et d’une provision marquent les étapes de cette lutte.

Tableau 2 – Élections et provisions

Tableau 2 – Élections et provisions
  • 13 Il n’y a que Guy de Tourettes à Saintes.
  • 14 Correspond aux cas des candidats qui ont été élus et pourvus.

Note1313
Note1414

Les élections

  • 15 Girault de Maumont élu à Tulle en 1471, Georges d’Amboise à Narbonne en 1482 et à Rouen (postulé) (...)
  • 16 Des cas d’élections par compromis, datant du xiiie siècle, sont étudiés par B. Galland, Deux arche (...)

8Onze (ou douze15) élections – dont une postulation – ont suivi la voie de l’Esprit saint, ce qui est loin d’être négligeable et n’en fait pas un cas si rare. De plus, cette voie a été abandonnée dans quatre cas (Paris, Angers, Nantes et Senlis), ce qui fait au moins quinze exemples. Aucune n’a été obtenue par le compromis : on ne sait si c’est en raison de la volonté des chanoines de ne pas se départir de leur pouvoir de désignation, si cela montre au contraire que là où le compromis a été utilisé, aucun conflit n’est survenu, ou si c’est le fait du hasard16. Quant aux autres élections, quand aucune précision n’est donnée, il est probable qu’il s’agisse du scrutin, la voie la plus fréquente ; en effet, l’importance de celle de l’Esprit saint implique qu’elle soit notée. Plus des trois quarts suivraient donc cette voie.

Les postulations

9Parmi les élus, cinq ont été postulés car, déjà détenteurs d’un siège, ils doivent demander à Rome l’autorisation de le quitter ou de cumuler, le pape étant le seul habilité à opérer un transfert ou à permettre un cumul. En 1493, Georges d’Amboise quitte Narbonne pour Rouen, Jean d’Espinay, Mirepoix pour Nantes, et César Borgia est postulé comme administrateur à Castres. Robert Briçonnet, élu en 1497 à Reims, est autorisé à cumuler deux évêchés et un archevêché. Tous bénéficient d’une bulle ; l’intervention romaine se surajoute donc au choix des électeurs. Pierre de Rochechouart a été pourvu de Saintes en 1493, mais il est empêché par un élu d’en être paisible possesseur ; il est postulé pour le même siège par quelques chanoines en 1497.

Les provisions

  • 17 C’est ainsi qu’il est mentionné dans les sources. Il s’agit de « l’assemblée des cardinaux où sa S (...)
  • 18 Pierre de Foix à Bayonne (1484), César Borgia à Nantes (1493), Antoniottus Pallavicini à Lectoure (...)
  • 19 Jean de Bilhères Lagraulas, cardinal de Sainte-Sabine et abbé de Saint-Denis, est promu coadjuteur (...)

10Ces provisions sont accordées au sein du consistoire secret17. Quinze provisions promettent un transfert (31,1 % des provisions). Cela signifie que le candidat a déjà été possesseur pacifique d’un évêché. Mais, si Antoine du Bois, par exemple, est pourvu de Béziers en 1490, c’est en tant qu’« élu » de l’évêché de Beauvais que le pape lui a accordé en 1488 ; il ne s’agit alors pas d’un transfert puisqu’il n’est toujours pas détenteur de ce siège. André d’Espinay, archevêque de Bordeaux, bien que transféré en 1488 à Lyon, est ensuite autorisé à cumuler les deux archevêchés. Quatre cardinaux, déjà bien pourvus, sont nommés administrateurs18, un autre, coadjuteur avec réserve du bénéfice19 (10,4 %). Enfin pour tous les autres, c’est la perspective d’un premier siège (58,3 %).

11Neuf réserves sont avouées, trois pour un transfert. Antoine du Bois est pourvu à chaque fois avec réserve préalable à Beauvais et Béziers, ce qui doit être mis à l’actif de son oncle maternel, Philippe de Crèvecœur, maréchal d’Esquerdes et très proche conseiller de Charles VIII. Le débat à leur sujet est d’ailleurs vif dans les procès.

Les « doublets »

  • 20 Mathieu d’Artigaloube et Pierre de Castelbajac à Pamiers, Claude de Doyac à Saint-Flour, Jean Dori (...)

12Dix bénéficient d’une élection et d’une provision, sachant jouer de la dualité des voies d’accession. Cinq sont élus avant d’obtenir une provision en consistoire20, et ce ne sont pas les personnages les plus importants du groupe étudié. Cette provision peut alors valoir confirmation de l’élection bien que, sous le régime de la Pragmatique, ce soit le métropolitain qui détienne théoriquement ce pouvoir de confirmer ou d’infirmer. Ils sont allés chercher auprès de la plus haute instance de l’Église ce qu’ils espèrent un gage de succès. Ainsi, Claude de Doyac, qui brigue Saint-Flour. Et son avocat Michon pense qu’il est :

  • 21 AN, X1a4834, fo 69,17 décembre 1492.

« (...) vray evesque par election et provision apostolicque, a quoy la court doit avoir regard sans soy arrester a buchectes et hocquetz21 ».

  • 22 Gilles de Laval est chanoine de Sées, Jean Simon de Paris, Pierre de Rochechouart de Saintes, Arma (...)

13Mais cinq inversent cet ordre, marquant ainsi un intérêt bien compris de se concilier également les chanoines de leur cathédrale, que d’ailleurs ils connaissent22.

La chronologie des désignations23

  • 23 Voir annexer 1.
  • 24 Sur 49 élections, 2 ont lieu moins de 7 jours après la vacance du siège, 5 avant 14 jours, 2 avant (...)

14Le plus fréquemment, l’élection se déroule dans le délai imparti. L’exemple de Paris a montré qu’un mois n’était pas trop long pour organiser l’élection. Mais ce laps de temps n’est guère commun, qui varie de deux jours à trois mois révolus, c’est-à-dire dans le délai légal (la moitié des cas environ), et parfois le dépasse (un quart des cas). Il reste inconnu pour le dernier quart24.

  • 25 AD Rhône, 10 G 1376, p. 2 : (...) ac dubitantes ne electionem de futuro pastore archiepiscopo in d (...)
  • 26 C’est le nombre de chanoines que compte le chapitre habituellement, J. Beyssac, Les chevaliers de (...)
  • 27 La venue du procureur est notée dans les registres, juste avant le récit de l’élection, mais sans (...)
  • 28 J. Beyssac, Les chanoines de Lyon, Lyon, 1914, p. 138.

15Les deux élections très rapides ont lieu à Nantes en 1487 (deux jours de délai) et à Lyon en 1488 (trois). Cette diligence a été rendue possible par la mort sur place du dernier détenteur. Peu de détails sont connus pour Nantes. En revanche, à Lyon, les registres capitulaires permettent de comprendre cette précipitation. Le cas est révélateur des tensions traditionnelles au moment de désigner un nouveau prélat et du souci des chanoines de se réserver le choix de leur archevêque. Onze chanoines sont réunis le 13 septembre 1488, jour où leur pasteur, Charles de Bourbon, est mort à Lyon, dans la paroisse Saint-Nizier. Craignant la pression des pouvoirs laïques, ils décident d’élire dès le 16 septembre et envoient les lettres de citation, en y précisant ce qui motive leur hâte25. Les lettres sont portées soit aux chanoines en personne, soit à leurs procureurs. Mais rien d’étonnant à ce que le jour dit, seuls dix-sept des trente-deux membres soient présents pour décider de leur nouveau pasteur, les autres étant déclarés contumaces26. Et, malgré la venue en chapitre du procureur du roi, ils élisent Hugues de Talaru27. Leur célérité bien compréhensible n’évitera cependant pas cette pression tant redoutée de la puissance séculière et un conflit fort long. Cette antériorité ne constitue finalement qu’un maigre argument contre les pourvus pontificaux, de peu de poids au bout du compte. D’ailleurs, dès le 23 septembre, le chapitre reçoit des lettres royales en faveur d’André d’Espinay et, le 25, un bref déclarant l’élection nulle28.

16Lorsque le délai imparti aux électeurs est largement dépassé, la raison la plus fréquente en est un rebondissement du conflit, généralement la mort d’un candidat que les chanoines remplacent, estimant leur église vacante. Ainsi, les Appaméens élisent Pierre de Castelbajac en juin 1487, vingt ans après le début du conflit, mais peu après la mort de Pascal Dufour, pourvu en 1467, l’élu précédent (lui aussi en 1467), Mathieu d’Artigaloube, étant quant à lui encore bien vivant. Les Saintais élisent Guy de Tourettes en 1496, quatre ans après les premières discussions mais quelques mois seulement après la mort de Louis de Rochechouart, détenteur décédé du siège disputé par son neveu Pierre.

  • 29 Et non « la vigille saint Jehan » comme il est écrit dans les plaidoiries, c’est-à-dire le 23 juin
  • 30 La même menace a pesé sur les électeurs angevins en 1479, AN, X1a 4828, fo 286v, 21 juin 1487, ain (...)
  • 31 AN, X1a 4825, fo 205v-206v, 8 avril 1484.
  • 32 Des lacunes « rares », indiquées dans le répertoire de la série G pour ces registres de conclusion (...)
  • 33 AD Cher, 8 G 283, pièce 9.
  • 34 (...) libertas arbitrii requiritur, Michel Lochmaier, Practica electionum..., fo 6.

17Le cas berruyer constitue une exception ; ce n’est pas la disparition d’un protagoniste qui provoque l’élection, mais celle de Louis XI. La pression qu’il faisait peser sur le chapitre disparue avec lui, le corps des chanoines élit Guillaume de Cambray le 19 novembre 1483, soit plus d’un an après la mort de Jean Cœur le 25 juin 148229, mais seulement deux mois et demi après celle du roi. L’élection était en fait prévue pour le 8 juillet 1482, treize jours après le trépas du prélat. Bien que des chanoines se rendent auprès de Louis XI pour obtenir la licence d’élire, celle-ci leur est refusée, le roi ayant offert le siège à son confesseur Pierre Cadouet. Le jour dit, les chanoines sont cependant réunis, mais Raoulet de Castello, « escuyer eschanson ordinaire du roy notred. seigneur et garde de la prevosté de Bourges », investit le chapitre et leur interdit de procéder plus avant. Les électeurs reportent l’affaire au 20 septembre, puis à nouveau « empêchés », au 23, terme quasi définitif. Les « empêchements » sont traditionnels : Lamet, capitaine de la Grosse Tour de Bourges, accompagné des procureur et avocat du roi et d’une quinzaine de sergents, place le temporel des résistants dans la main du roi. Les arguments sont aussi conjoncturels : le capitaine menace « d’envoyer a Arras plusieurs des parens et amys des chanoines » ; ils participeront ainsi au repeuplement autoritaire de cette cité30 ! Louis XI écrit à nouveau : il « se esmerveilloit fort » que les chanoines veuillent élire, mais « s’ilz le faisoient il les venneroit si bien qu’il y apparestroit d’icy a longtemps et leur defendoit sur peine de bannissement de ce royaume et de encourir son indignacion ». Ces lettres leur sont présentées le jour du 23 septembre 1482, alors qu’ils ont déjà chanté la messe du Saint-Esprit. Après une discussion animée, ils obéissent, tout en protestant qu’ils éliront quand ils en auront la liberté31. Cette connaissance des faits, issue des plaidoiries du parlement de Paris, est fort probable. Elle ne peut malheureusement être confortée par les registres capitulaires de Saint-Étienne, les pages concernées ayant été subtilisées32 ; elle l’est cependant par un « instrument » dressé par le garde-scel de la prévôté de Bourges33. Elle l’est aussi par la pratique : le roi mort et leur « liberté » retrouvée, les chanoines élisent leur doyen. C’est la même idée qui animait leurs confrères parisiens. Car pour toute élection, il faut pouvoir exercer son « libre arbitre »34.

18Finalement, hormis quelques exceptions, il semble bien qu’aux yeux des chanoines au moins, l’élection était pratiquée dans les délais prônés par le concile de Bâle.

  • 35 Soit les deux tiers des cas pour lesquels les délais sont connus.
  • 36 Le cardinal Rolin à Autun, Jean Cœur et Pierre Cadouet à Bourges, Charles de Bourbon à Lyon (mais (...)
  • 37 Hélie de Bourdeille est mort au Château d’Artannes (Artannes-sur-lndre, 37), P. Calendini, « Hélie (...)
  • 38 Louis d’Aubusson à Tulle, car « il résida constamment dans son diocèse », G. Mollat, « Louis d’Aub (...)
  • 39 Antoine de Léotoing-Montgon, évêque de Saint-Flour, est sans doute mort à Paris, dans le couvent d (...)
  • 40 Jean d’Armagnac, évêque de Castres, est mort à Rome en 1493, L. de Lagger, « Jean d’Armagnac », DB (...)
  • 41 Cette information est en effet dûment notée car le décès en Curie d’un évêque rendait son bénéfice (...)

19L’élection précède la provision dans vingt et un cas35, les chapitres s’arrangeant pour prendre de court une intervention extérieure et profitant d’une vacance connue d’abord dans leur cathédrale. Sur les vingt-neuf prélats morts, huit le sont en effet de façon certaine dans leur cité36 ou non loin37, et deux probablement38 ; et c’est évidemment une situation favorable à un chapitre, comme on l’a vu pour Lyon ou Nantes. Deux sont trépassés ailleurs mais dans le royaume39, un seul à Rome, un autre encore en Italie40. Quant aux autres, s’il y a eu une provision, il est seulement possible de savoir s’ils sont ou non morts à Rome41. Mais la quasi-totalité des prélats en cause ici ne sont pas morts dans la capitale de la chrétienté.

  • 42 Ainsi les provisions sont faites dans le même consistoire à la suite des trois résignations et du (...)
  • 43 N. Valois, Histoire de la Pragmatique Sanction..., op. cit., p. LXXXV, XCVII.

20Parmi les douze exemples où l’on sait que la provision précède l’élection, cinq cas se comprennent aisément. Il s’agit de trois résignations et deux transferts. Or, seul le pape peut effectuer un transfert en consistoire et donc au Saint-Siège. De même, la décision d’un prélat d’abandonner son bénéfice ne peut être effective qu’à Rome, où il résigne en personne ou par procureur, et généralement « en faveur de ». Il est alors loisible au pape de pourvoir au cours du même consistoire aux sièges libérés42, annihilant toute initiative capitulaire, d’autant que la résignation « en faveur de » annule toute vacance. Même la Pragmatique reconnaît au pape « le droit de disposer des bénéfices vaquant en France par suite des promotions qu’il aurait faites conformément au droit commun et aux décrets ». Le droit de prévention exercé par Eugène IV, s’empressant de pourvoir à un bénéfice avant le collateur ordinaire, ne s’est sans aucun doute pas éteint avec lui43. Le troisième transfert offre un cas particulier. Car, si Pierre de Sacierges est désigné évêque de Montauban le jour même où Georges d’Amboise est transféré à Narbonne en janvier 1491, son compétiteur n’est pas élu par la suite : il l’a été en 1484, mais a depuis cédé son droit à Amboise.

  • 44 AD Cher, 8 G 283, pièce 47, parchemins nos 2 et 3, témoignages (8 juillet 1484 ; 28 mai 1485). Cel (...)

21Le refus du roi d’accorder la licence d’élire est une autre explication. Bien que les chanoines passent généralement outre, le temps de réflexion et d’angoisse proroge le délai de l’élection, et permet au courrier annonçant le décès d’arriver à Rome avant la tenue du conclave capitulaire. Pour Bourges, Louis XI, sûr de la réussite de son entreprise, envoie un chevaucheur auprès de Sixte IV mais n’attend même pas son retour pour considérer Pierre Cadouet comme le nouvel archevêque, « et tantost apres que led. chevaucheur pot estre arivé a Homme feust tenu publicquement que led. maistre Pierre Cadoet estoit arcevesque de Bourges (...) car icellui feu pappe avoit tousiours acoustumé de ainsi le faire en semblables matières »44. À Clermont, le chapitre décide finalement d’élire Guillaume de Montboissier le 2 octobre 1488, alors que Charles VIII a demandé à Innocent VIII de promouvoir le neveu de Pierre de Beaujeu, Charles de Bourbon, ce qui est effectif depuis le 26 septembre.

  • 45 AN, X1a 4829, fo 399, 400v, 401, 5 août 1488.
  • 46 M. Harsgor, Recherches sur le personnel du Conseil du roi..., op. cit., p. 876.
  • 47 AN, X1a 4834, fo 405v, 4 juillet 1493.
  • 48 AN, X1a 8321, no 11, lettre du 21 décembre 1491.

22Ce refus est automatiquement opposé quand une réserve est avérée. À Bourges, le siège est réservé sur la demande de Louis XI ; à Beauvais et Béziers, sur celle de Charles VIII. Le roi et le pape interdisent alors l’élection, l’un en ne délivrant pas la licence, l’autre en promulguant des brefs ; mais les électeurs ne s’arrêtent pas toujours à ces détails. À Beauvais, le roi fait parvenir au chapitre plusieurs lettres leur intimant de ne pas procéder, ou du moins de proroger le délai. Les chanoines s’accordent six semaines de réflexion. Quand ils sont à nouveau réunis, quatre brefs leur sont présentés, intimant défense d’élire sous peine de censures et, sinon, la privation de tous leurs bénéfices et l’inhabilité à en recevoir d’autres. Charles VIII a délégué deux baillis et transmis une lettre « narrative » pour expliquer la juste réservation du siège de Beauvais. Pris de « paour », les chanoines décident de protester devant notaires qu’ils éliront quand ils seront en liberté45. Mais quelques-uns d’entre eux finissent par élire Louis de Villiers sur le siège beauvaisien. Parfois, la lettre arrive trop tard : au Puy, l’élection du prévôt Pierre de Chalençon, soutenu par Jean II de Bourbon, est déjà acquise46 ; à Luçon, malgré l’effort royal47, Mathurin de Dercé est élu avant que Pierre de Sacierges ne soit pourvu. La bienveillance du duc d’Orléans à son égard en est peut-être l’explication48.

  • 49 Diocèse et arrondissement de Senlis, commune de Montlévêque, Oise.
  • 50 Μ. A. Menier, « Le chapitre cathédral de Senlis... », op. cit., p. 97 et suiv.
  • 51 AN, X1a 4838, fo 79, 26 janvier 1497. Est-ce une habitude pour les parlements d’acquiescer aux uni (...)

23Enfin, l’exemple de Senlis est original. Jean Neveu, abbé de la Victoire49, est propulsé évêque à la mort de Simon Bonnet, le 25 mai 1496. Une dizaine d’années auparavant, le pape a en effet accordé, sur la demande de Charles VIII désirant réaliser une volonté paternelle, et avec l’acquiescement de l’archevêque de Reims, un acte d’union entre la cathédrale et l’abbaye – l’évêque est alors Simon Bonnet et l’abbé, Jean Neveu. La raison avouée en était la volonté de pallier l’insuffisance de revenus de chacun de ces deux bénéfices50. Le survivant, de l’évêque ou de l’abbé, entrerait en possession de la charge vacante par la mort de l’autre. Le procureur du roi appela de la bulle d’union devant le Parlement mais fut débouté51. Il se trouve bien entendu quelques membres du chapitre pour décrypter dans cet acte une réserve, et considérer que le droit d’élire leur appartient encore ; ils l’exercent le ier juillet 1496 : certains d’entre eux désignent Jean Neveu tandis que les autres choisissent un de leurs chanoines, également pénitencier de Paris, Jean Quentin.

24Quand l’élection se déroule avant la tenue du consistoire, l’intervalle entre le vote des chanoines et la provision apostolique varie de trois jours pour Rouen à dix-neuf mois pour Angers. Un délai très court permet à coup sûr au pourvu d’être à même de s’opposer lors du procès de la confirmation, et de saper presque à la base les présomptions des chanoines. Et même quand la provision est plus tardive, cette éventualité est encore envisageable, les confirmateurs ne se prononçant guère rapidement.

  • 52 (...) in dominum et maqistrum Gerardum Gobaille virum utique probum prudentem, doctum, vita et mor (...)

25Lors de l’élection parisienne, les voix se sont portées sur Gérard Gobaille. Pour le décrire, le notaire du chapitre reprend à peu près les termes du décret Sicut in construenda, « homme d’âge légitime, sérieux de mœurs, connaissant bien les lettres, constitué dans les saints ordres et par ailleurs apte selon les dispositions canoniques » réclamées par le droit canon pour valider le choix des électeurs52. Il y précise le mariage légitime des parents et souligne les aptitudes spirituelles de l’élu. Les qualités attendues sont les mêmes pour les pourvus en consistoire.

26Qu’en est-il de tous ces candidats, tout d’abord selon les critères les plus objectifs, si tant est qu’ils puissent être vérifiés ? Pour les « élus et pourvus », ceux qui ont été élus avant d’être pourvus sont comptabilisés avec les élus (44 cas : 48,8 %) et inversement, ceux qui ont été pourvus avant d’être élus le sont avec les pourvus (43 cas de provision apostolique : 47,7 %), trois candidats, dont le mode d’accession est inconnu, complétant la série (3,3 %).

Un profil conforme aux exigences conciliaires

Une minorité d’incapables

  • 53 Cosme Guymier, Glosa pragmaticae..., fo 72, ad « Aetatis ».
  • 54 G. Le Bras, Institutions ecclésiastiques..., op. cit., p. 370, P. Imbart de La Tour, Les élections (...)

27L’âge minimum de 30 ans est la première qualité exigée, comme le souligne encore Cosme Guymier53 ; c’est à cet âge que le Christ aurait commencé son ministère public ; c’est donc à ce même âge que l’évêque peut commencer le sien54. Pour onze des élus et vingt-trois des pourvus, l’âge est connu ou déduit ; il reste le plus souvent approximatif.

  • 55 C’est ainsi qu’il est présenté dans les plaidoiries du Parlement, et le terme de postulé, qui sera (...)
  • 56 AD Yonne, G 34, item 116. Etate matura est peut-être une expression traditionnelle signifiant que (...)
  • 57 Encore une fois Amboise, promu à 24 ans à Montauban, Federico di San Severino à Rouen (28), Charle (...)
  • 58 AN, X1a 4826, fo 236v, 5 juillet 1485, ASV, Reg. Lat. 838, fo 224r-v. Aucune des deux sources n’ét (...)
  • 59 AN, X1a 4826 fo 20g, 6 juin 1485, A. Bernier éd., Procès-verbaux des séances du conseil..., op. ci (...)

28En dehors de Georges d’Amboise, élu55 à Narbonne à 22 ans, et César Borgia, postulé à Castres à 17 ans, l’incapacité d’âge n’est reprochée à aucun autre élu dans les procès ; les élus sont donc considérés avoir atteint cette limite, ainsi Gérard Gobaille, « d’âge mûr »56. En revanche, huit pourvus et un autre, lors de deux provisions différentes (ce qui fait un total de neuf cas), sont attaqués sur ce point57. Les plus jeunes ont 16 et 17 ans (Antoine du Bois et César Borgia), le plus âgé 72 ou même plus selon certains témoignages (Pierre Cadouet). La maturité n’a que peu de rapport avec la dignité de la charge, car le plus jeune des élus, Amboise, l’est à l’archevêché de Narbonne, et Lenoncourt est pourvu de Tours à 19 ans, selon les avocats de la partie adverse, à 25 ans selon sa lettre de provision58, ce dernier âge correspondant plus à ce qui est toléré en matière de dispense. Mais la famille et les relations de ces jeunes recrues sont bien sûr les premières explications. Robert de Lenoncourt est le neveu du gouverneur de Bourgogne et futur maréchal de France, Jean de Baudricourt, son oncle maternel, qui demande pour lui cet archevêché, et le Conseil étroit appuie cette demande59. Si l’élection de Georges d’Amboise ne réjouit ni le roi ni le pape, sa famille est fort influente et peut être bénéfique à un diocèse, ainsi que son amitié naissante avec le jeune prince d’Orléans.

  • 60 AN, X1a 4838, fo 37, 29 décembre 1496.

29Il semble bien, malgré cet exemple, que l’élection soit le meilleur moyen de choisir un évêque conforme à ce critère d’âge, ce qui abonde dans le sens des réformateurs qui veulent rétablir la Pragmatique ; même les plus mûrs sont admis et « l’ancien aage de Quentin »60, 66 ans, ne semble pas rebuter les chanoines.

  • 61 A. Tardieu, Histoire de la ville de Clermont-Ferrand, Moulins, 1870-1871, p. 194. L’auteur ne donn (...)
  • 62 A. Renaudet, Préréforme et humanisme..., op. cit., p. 294, n. 7.

30Une naissance légitime plus que douteuse ne remet pas en cause le choix du nouvel élu. Deux d’entre eux sont dans ce cas. Charles et Hector de Bourbon, pourvus respectivement de Clermont en 1488 et Toulouse en 1491, sont tous deux bâtards, mais d’illustre famille. Le père de Charles est Renaud de Bourbon, archevêque de Narbonne, mort en 1483. Un légat du pape lui a déjà accordé une dispense de naissance, pour qu’il puisse cumuler des bénéfices61. Hector est le bâtard du duc Jean II ; lui aussi a déjà dû régler cette situation. Jean Standonck, élu à Reims et soupçonné sur ce point, produit un certificat de légitimité62.

  • 63 Lenoncourt à Tours, Rochechouart à Saintes sont sous-diacres ; il est reproché à Jacques de Saint- (...)
  • 64 « (...) n’est prêtre ni pourvu ad ordines », AN, X1a 4837, fo 168, 10 mars 1496 ; AN, X1a 4837, fo(...)
  • 65 Pierre d’Absac de la Douze, Jean de Bilhères, André d’Espinay, Girault de Maumont, Jean Neveu, Lou (...)
  • 66 Pierre de Castelbajac, Pascal Dufour, Nicolas Maugras, Guillaume de Menypeny.
  • 67 Benoît Jehan dit de Saint-Moris, AN, X1a 1504, fo 109v, 23 mai 1498, pour une quittance et sous la (...)
  • 68 Il n’y a cependant aucun mendiant, pourtant leur influence est grande auprès de Charles VIII, cf. (...)

31L’aptitude à recevoir les ordres sacrés est en principe acquise à tout fidèle, mais depuis Latran III, il faut au moins être clerc majeur pour être digne d’un évêché. L’accession à l’épiscopat peut se faire ensuite par étapes. Trois jeunes pourvus ne sont pas prêtres et bien que cela soit reproché précisément à l’un d’entre eux, cela indique plus une volonté qu’une obligation63. Un seul ne serait pas clerc, Charles de Caretto, pourvu d’Angers ; il se voit en outre reprocher son état de combattant ; mais, pour ses défenseurs, cela ne serait qu’un souvenir64. Au moins quatorze clercs sont réguliers, huit bénédictins65 (cinq provisions, deux élections, un inconnu) quatre augustins66 (trois élections et une provision) ; deux sont dénommés « frère »67, sans plus de précision (une élection et une provision), ce qui représente 16,8 % des individus et 15,5 % des cas. Si à Uzès, église régulière de l’ordre de saint Augustin, ou à Tulle, de l’ordre de saint Benoît, ont été élus l’augustin Nicolas Maugras et le bénédictin Girault de Maumont, cette adéquation n’est pas obligatoire : Étienne Goupillon, séculier, est promu à Sées dont le chapitre suit la règle de saint Augustin, et André d’Espinay, bénédictin, à Lyon, dont le chapitre est séculier. Les réguliers sont donc encore en lice pour obtenir des évêchés français68.

De nombreux juristes

  • 69 Cosme Guymier, Glosa pragmaticae..., fo 72, ad « Scientia ».
  • 70 J.-L. Gazzaniga, « Les États généraux de Tours », op. cit., p. 36-37, ID., L’Église du Midi au tem (...)

32À ces faits encore assez faciles à prouver, il faut aussi ajouter la culture intellectuelle, mesurable en partie grâce aux grades universitaires. La raison avouée en est l’attente d’une meilleure gestion des biens et des âmes, et Jean de Rély, dans son discours sur l’Église aux états de 1484, paraît en être convaincu. De même, Cosme Guymier justifie cette exigence par la mission de l’évêque, en insistant sur le soin des âmes ; s’il doit enseigner les autres, il serait « ignominieux » qu’il ne soit pas lui-même instruit et qu’il ne connaisse suffisamment l’Ancien et le Nouveau Testament69. C’est sans doute aussi pour répondre au besoin de caser des universitaires en mal de carrières, et les états de Tours insistent aussi sur le sort des « lettrés »70.

  • 71 L’usage du terme « maître » peut-il nous renseigner sur les autres ? Selon Bernard Guenée, Tribuna (...)
  • 72 N. Bulst, Die französischen Generalstände von 1468 et 1484, Prosopographische Untersuchungen zu de (...)
  • 73 J.-P. Boudet, « Faveur, pouvoir et solidarités sous le règne de Louis XI : Olivier le Daim et son (...)
  • 74 Voir la communication de A.-M. Chagny-Sève et G. Hasenohr, lors de la réunion des Fasti Ecclesiae (...)

33Les grades de trente-sept des quatre-vingt-trois candidats sont connus71. Il n’est que Gérard Gobaille présenté avec deux grades universitaires : licencié en droit civil et bachelier en droit canon, même si Étienne Goupillon est aussi docteur en droit canon et bachelier en droit civil, François Halle licencié ès lois et bachelier en droit canon72. Sans surprise, la quasi-totalité des gradués connus l’est en droit, et cela est conforme à ce que l’on sait de cette période où la « connaissance du droit est un moyen majeur d’ascension sociale et sur un terrain comme celui des procès, une composante essentielle du rapport de forces »73. Les gradués in utroque, « dans l’un et l’autre droit », sont les plus nombreux (douze) à égalité avec les civilistes parmi lesquels, cependant, aucun docteur. Viennent ensuite les canonistes (dix). Il n’y a que trois gradués en théologie (Jean de Rély, Jean Standonck, Jean Quentin), tous trois docteurs cependant, et qui plus est, élus et réformateurs reconnus. Leurs cas ne sont pas pour autant assimilables, les liens entre Charles VIII et Jean de Rély rendant ce dernier plus proche de la source du pouvoir que ses deux confrères ; ce n’est pas pour autant gage assuré de réussite, on l’a vu pour Paris où les chanoines ont refusé de l’élire. Se sont-ils lancés dans la théologie par leur goût de la réforme ou l’ont-ils découverte à travers son enseignement ? Des juristes peuvent s’intéresser également à la réforme, une fois devenus évêques. Les livres de théologie sont d’ailleurs plus nombreux dans les bibliothèques de prélats que dans celles des chanoines où l’on pouvait lire plus de livres de droit en général74. Sans doute serait-ce trop facile d’affirmer qu’un chanoine a besoin du droit pour franchir les étapes de sa carrière ecclésiastique et qu’arrivé à cette haute charge, il peut enfin réfléchir à ses devoirs spirituels, mais la question peut être posée.

  • 75 Cinq nobles pour quinze docteurs, douze pour seize licenciés et cinq pour six bacheliers.
  • 76 H. Millet, « Les chanoines au service de l’État : bilan d’une étude comparative », dans État moder (...)

34Les seize licenciés représentent 40 % des gradués, et les quinze docteurs, quasiment autant : ces candidats sont des universitaires chevronnés. Plus le grade universitaire est élevé, moins le pourcentage de nobles est important75 : les études poussées servent à pallier une naissance plus obscure, tel un « défi lancé à la noblesse »76.

  • 77 On peut remarquer qu’il n’y a aucun docteur en droit civil ; étant donné l’importance accordée au (...)
  • 78 AN, X1a 4837, fo 168,10 mars 1496, X1a 4829, fo 400,10 mars 1496.

35En dehors de la discipline – et encore les cas sont-ils trop restreints – il est difficile de noter une quelconque différence entre élus et pourvus77. Deux seulement sont attaqués sur un manque de grades universitaires : le pourvu Caretto à qui l’on a déjà reproché son état de combattant, et l’élu Louis de Villiers78. C’est que les candidats issus de l’Université sont nombreux. Deux élus et un pourvu y ont fait une partie de leur carrière : Jean de Rély, docteur en théologie, recteur de l’université de Paris en 1470-1471, Pierre de Rosier, docteur in utroque et chancelier de l’université de Toulouse depuis 1472, élu en cette cité en 1491, et Pierre d’Absac de la Douze, docteur en droit canon et professeur à Poitiers, transféré à Lectoure en 1487.

36Le lieu de leurs études est parfois indiqué ou connu. L’Italie est mentionnée à trois reprises pour des candidats du royaume, Turin pour Philibert Hugonnet, Pavie pour Pierre de Poix gradué en droit et « l’Italie » pour le docteur en droit canon Nicolas Maugras, associée alors à la France. Toulouse a donné deux gradués in utroque, Pierre de Rosier et Bernard de Sédières. L’université de Valence aurait été fréquentée par Charles de Joyeuse ; il y aurait même été recteur, mais ne peut déclarer aucun grade. Ces universités méridionales ont accueilli alors des clercs du sud de la Loire, sauf le Bourguignon Hugonnet. Dijon, Poitiers et Angers ne concernent qu’un homme chacune, qui est originaire de la contrée ou non loin : Hugonnet à Dijon – mais il étudie aussi à Turin et à Paris – le Poitevin Saint-Gelais à Poitiers – il étudie aussi à Paris – et le Poitevin Balue à Angers. Orléans et Paris l’emportent. Le Berruyer Denis de Bar les aurait fréquentées toutes les deux. Robert de Lenoncourt a obtenu un grade in utroque à Orléans. Le Parisien François Hallé dit avoir fréquenté cette faculté de droit, et il a pu mettre en pratique ses acquis universitaires au cours de sa carrière d’avocat au Châtelet, de conseiller au parlement de Paris et, enfin, de président de l’Échiquier de Normandie. Huit candidats enfin étudient ou ont étudié à Paris, théologiens ou juristes.

  • 79 Latran IV. Mais cela était édicté auparavant, par exemple au concile de Bénévent (28 mars 1091), e (...)
  • 80 Voir chapitre 7.

37La dignité de vie79 est sûrement le critère le plus difficile à présenter. L’objectivité étant très délicate sur ce point, le style des vies des candidats sera étudié avec la présentation des portraits devant la justice. La démonstration de l’ensemble de ces critères est l’objet d’une grande partie des plaidoiries : le but de tous ces procès est de démontrer que l’on est bien le candidat idéal80.

Une majorité de candidats locaux

  • 81 L’Espagnol est César Borgia, fils du pape Alexandre VI, pourvu de Nantes et postulé à Castres en 1 (...)
  • 82 Pour le Moyen Âge, L. Caillet, La papauté d’Avignon et l’Église de France, op. cit., p. 297 ; P. M (...)
  • 83 Diocèse de Bourges, arrondissement de Sancerre, Cher.
  • 84 ASV, Arch. Cons., Act. camer., no I, 1489-1503, fo 17v.

38Les candidats sont natifs du royaume ou de terres dont le roi est le prince, sauf cinq Italiens et un Espagnol vivant en Italie, tous pourvus et l’un aussi postulé, un élu originaire de Malines et l’un d’Écosse81, donc huit étrangers qui n’appartiennent pas non plus au clergé de la cathédrale. L’Italie domine, et cela n’est ni nouveau ni spécifique en cette fin de Moyen Âge82. Il faut souligner que ces étrangers ne sont pas de parfaits inconnus : l’Écossais Guillaume de Menypeny, élu à Bourges en 1492, est abbé de Saint-Satur83 en ce même diocèse. Parmi les Italiens, certains ont déjà des liens avec l’Église de France : Federico di San Severino qui a revêtu la pourpre en 1489, a déjà reçu le siège de Maillezais en 1481 ; Galeas della Rovere a obtenu Coutances en 1476 sans en avoir été possesseur pacifique, et Charles de Caretto se vante d’avoir été évêque de Couserans, ce que ses adversaires nient, mais que les sources romaines confirment84. Quant aux autres, eux-mêmes ou leur famille sont connus au moins des milieux dirigeants : le cardinal César Borgia et Michel Colonna, rejetons de célèbres familles romaines, le cardinal Antoniottus Pallavicini et le réformateur jean Standonck. Au total, 10 % des désignations sont au bénéfice d’étrangers.

  • 85 L’origine précise est inconnue pour deux élus, trois pourvus et les bénéficiaires des trois cas do (...)

39Pour connaître d’où proviennent les autres compétiteurs, il semble intéressant non seulement de chercher leur origine géographique mais encore de savoir s’ils sont issus ou non du chapitre qui les a élus85.

  • 86 Les « régions » correspondent ici à des entités politiques, d’inégale ampleur : Auvergne, Bourgogn (...)
  • 87 Auger de Brie à Angers, Guillaume de Cambray à Bourges, Pierre de Chalençon au Puy et Hugues de Ta (...)
  • 88 Pierre Cadouet à Bourges, Pascal Dufour à Pamiers et Jean Simon à Paris.
  • 89 Est dit « proche » celui qui vient d’une « région voisine » : ainsi Guichard d’Aubusson, originair (...)
  • 90 Il s’agit de Jean Neveu, abbé de La Victoire à Senlis, qui se proclame déjà évêque par l’acte d’un (...)

40Il est à remarquer que plus l’origine du candidat correspond à la localisation du siège (la même ville) ou s’en approche (la même « région »86), plus le nombre d’élus est grand, mais plus la distance est grande, plus ce nombre diminue. Sur les sept candidats originaires de la cité siège de leur bénéfice, quatre sont élus87, trois pourvus88 ; sur les seize candidats « proches »89, six sont élus et dix pourvus. Cependant, sur les douze élus dont la provenance familiale est inconnue, huit sont du chapitre, donc d’origine locale, au moins depuis qu’ils sont chanoines. Sur les trois pourvus dans le même cas, l’un est abbé dans la ville dont il a été gratifié90. Finalement, quatorze élus sont de la « région » et seulement huit pourvus. Pour les vingt et un candidats qui viennent de l’extérieur de la « région », sept seulement sont élus pour quatorze pourvus. Le flux n’est pas obligatoirement du nord vers le sud, comme cela était plus fréquent sous Charles VII, mais il existe encore : le Parisien François Hallé, archevêque de Narbonne, les Tourangeaux Georges d’Amboise – qui lui succède –, et Guillaume Briçonnet, évêque de Nîmes, ont sans aucun doute à apporter dans ces diocèses la bonne parole royale.

  • 91 Claude de Doyac et Pierre de Castelbajac.
  • 92 Transféré à Clermont en 1475, il ne peut réussir à s’y installer définitivement car le cardinal de (...)
  • 93 R. Locatelli, « les élections épiscopales à Besançon... », op. cit., p. 108.
  • 94 Guillaume de Cambray à Bourges, Antoine de Chalon à Autun, Mathurin de Dercé à Luçon, Guy de Toure (...)
  • 95 Pierre de Rosier à Toulouse, Jacques Faucon à Nîmes, Guillaume de Montboissier à Clermont, Nicolas (...)
  • 96 Guillaume Gueguen à Nantes et Hugues de Talaru à Lyon.
  • 97 Pierre de Javailhac à Béziers. AN, X1a 8231, fo 186v, 19 juillet 1491.
  • 98 Voir V. Julerot, « “Peuple” chrétien et élection épiscopale... », op. cit., p. 32, n. 23.
  • 99 Cosme Guymier, Glosa pragmaticae..., ad « Utiliorem », fo 68, Michel Lochmaier, Practica electionu (...)

41L’appartenance au chapitre est à la charnière du géographique et du social, mais elle permet ici de voir l’attrait pour le candidat issu du « troupeau ». Tous les élus ne sont pas membres du chapitre de la cathédrale en question, mais plus de la moitié le sont de façon certaine (vingt-cinq sur quarante-quatre), et tous les pourvus n’arrivent pas de l’extérieur (six sur trente-quatre sont chanoines) ; la proportion est cependant bien différente. Parmi les élus qui ne sont pas chanoines, se retrouvent les quatre qui ont été postulés, et deux autres ont bénéficié d’une provision apostolique ultérieure91. Au sein des pourvus en consistoire non chanoines, apparaissent tous les transférés ; parmi eux, Antoine Allemand est l’ancien évêque de Cahors, qui essaie de retrouver un siège imprudemment abandonné92. La provision apostolique peut donc favoriser le recrutement d’évêques non locaux93 et, à l’inverse, l’élection privilégier un clerc « du troupeau », sans que cela soit systématique. À l’intérieur de ce troupeau sont bien représentés les têtes du chapitre ou les dignitaires, uniquement désignés par la voie de l’élection : quatre doyens94, cinq prévôts95, deux archidiacres96 et enfin un chambrier mais vicaire général de l’évêque défunt97, soit 56 % des élus appartenant au chapitre, les autres n’ayant pas encore acquis une place importante au sein de leur Église. Cet attrait pour le candidat interne n’est pas légiféré mais bien partagé – ainsi la population parisienne apprécie l’origine autochtone de Jean Simon98 – et très souvent souligné, par exemple par Cosme Guymier ou Michel Lochmaier99.

Des oligarques ambitieux

  • 100 Celui-ci avait d’ailleurs soutenu Antoine de Chalon en 1462 pour le siège de Besançon, mais sans s (...)
  • 101 Les doyens Guillaume de Cambray, Antoine de Chalon, Mathurin de Dercé et Guy de Tourettes ; les pr (...)
  • 102 L’appartenance ou non au chapitre est un élément inconnu pour Charles de Blanchefort élu à Senlis.
  • 103 Sont de la ville capitale du diocèse : Isarn Barrière est de Montpellier, très proche de Maguelonn (...)

42La noblesse, critère de bonne naissance, n’est pas à tous les coups indiquée dans les plaidoiries ou dans les lettres de provision. Cinquante sont nobles de façon certaine, soit plus de la moitié des individus (60,2 %), ce qui en fait une proportion très forte, et confirme que les prélats sont choisis en grande partie au sein du groupe dirigeant. Les nobles se répartissent également entre élus et pourvus (vingt-sept provisions, vingt-six élections, soit 58,8 % des cas). Les trois nobles issus de famille princière – les deux Bourbons et un Foix – ont été désignés par le pape, mais aussi le petit hobereau Jean de Bilhères, un des prélats les plus puissants cependant du règne de Charles VIII. Un noble de fort haut lignage, Antoine de Chalon, petit-fils du prince d’Orange Jean ier100, a quant à lui été élu par le chapitre d’Autun, dont il était le prévôt. D’ailleurs, parmi les nobles élus, treize sont des chanoines de la cathédrale, dont six sont la tête du chapitre, et l’un est archidiacre101. Douze nobles102 ont été choisis à l’extérieur du chapitre. Trois ne sont pas de la « région », Georges d’Amboise à Narbonne, César Borgia à Castres, Jean de Rély à Angers – pour ce dernier, tout est relatif puisque suivre le roi en tant que son confesseur le mène très souvent dans cette région. En revanche, les autres sont originaires de la ville ou de la « région », rêvant donc d’élargir encore une implantation sociale et parfois politique bien établie103.

  • 104 Pierre d’Absac, Georges d’Amboise, Jean de Bilhères, Guillaume Briçonnet, Guillaume de Cambray, Ma (...)
  • 105 Cinq docteurs, quatre licenciés, un bachelier.
  • 106 J.-L. Gazzaniga, « Les clercs au service de l’État dans la France du xve siècle », dans Droits sav (...)
  • 107 Pierre Faure – dit parfois Fabry, Fabri –, fils de Gacien, et Pierre Doriole, ou d’Auriole ; il es (...)
  • 108 Charles et Hector de Bourbon, Antoine du Bois, neveu de Philippe de Crèvecœur, maréchal d’Esquerde (...)
  • 109 Guichard d’Aubusson, frère d’Antoine, Claude de Doyac, frère du célèbre Jean, Jean et Robert d’Esp (...)
  • 110 Antoine de Chalon, cousin de Jean prince d’Orange.
  • 111 Denis de Bar est le beau-frère du chancelier Pierre Doriole – il a épousé sa sœur Charlotte – qui (...)
  • 112 Gilles de Laval, parent de Pierre selon M. Harsgor, et l’abbé de Saint-Satur, élu à Bourges, Guill (...)

43L’appartenance à l’entourage royal est une autre facette de l’origine sociale qui, dans de nombreux cas, se cumule avec la noblesse. Près de la moitié des candidats appartient au Conseil ou est parent d’un conseiller. Les membres du Conseil le sont sous Charles VIII104, quelle que soit la date de leurs débuts en cette instance ; sont pris également en compte Jean Balue et Auger de Brie, siégeant au Conseil de Louis XI lors de leur promotion, Thibaut Bourgoing aussi, bien que l’on ne sache pas sa date de désignation à l’évêché de Cahors. Sur ces seize participants, dix sont en outre nobles de façon certaine, et dix, gradués105. Trois d’entre eux, non nobles, siègent aussi ou ont siégé au Grand Conseil : François Halle sous Charles VII, Jean Balue sous Louis XI et Pierre de Sacierges sous Louis XI et Charles VIII. Ce dernier a également servi à la Chambre des comptes ainsi que Geoffroy de Pompadour et Guillaume Briçonnet. Les évêques occupent au Conseil un « rang honorable », après les princes du sang et les cardinaux et juste après le chancelier ; ils y ont donc une influence importante106. Dix-sept autres candidats sont parents de membres du Conseil à des degrés divers : deux fils ?107, cinq neveux108, six frères109, un cousin110, un beau-frère111 et deux « parents »112.

  • 113 Et notamment par R. Gaguin ; cf. F. Collard, « La pensée politique d’un clerc humaniste...», op. c (...)
  • 114 M. Harsgor, Recherches sur le personnel du Conseil du roi..., op. cit., p. 2432 ; J.-L. Gazzaniga, (...)

44Si l’on cumule les résultats des membres du Conseil et de leurs parents, on voit que « l’insatiable ambition » des clercs au pouvoir, dénoncée par les contemporains113, se repaît davantage de provisions que d’élections, et qu’ils tentent leur chance à plusieurs reprises : le nombre de cas de désignation épiscopale (39) est supérieur au nombre d’individus (33), et c’est surtout vrai pour les membres du Conseil (21 cas pour 16 candidats). Cet écart est plus grand qu’à l’aune du seul critère de la noblesse. Les conseillers sont bien placés, à l’affût de bénéfices pour eux-mêmes ou leurs parents, désireux de parfaire leur ascension sociale, profitant de leur participation à cette assemblée où la politique bénéficiale se fait114. Le nombre des provisions, indiquant une volonté centrale, supérieure à celle du chapitre, dépasse de plus de deux fois celui des élections (trente-quatre pour quinze).

45En dehors du cardinal César Borgia qui est administrateur de Castres puis de Nantes, c’est uniquement parmi ces membres du Conseil ou leurs parents que l’on trouve ceux qui sont partie prenante dans deux conflits engendrés par une élection au cours du règne ; quatre pourvus : Jean Balue (Angers et Autun) ; Guillaume Briçonnet (Nîmes et Reims) ; Antoine du Bois (Beauvais et Béziers) ; Pierre Sacierges (Montauban et Luçon). Un seul élu doit soutenir deux procès : Guillaume de Cambray, à chaque fois pour le siège de Bourges. Enfin, Georges d’Amboise l’emporte sur tous les autres : il a dû batailler pour ses trois sièges, Montauban, Narbonne et Rouen. Un autre membre du Conseil défend son droit dans une lutte opposant deux pourvus en consistoire : Pierre de Foix à Aire (depuis 1475).

  • 115 Jean Balue à Angers et Autun, Jean Neveu à Senlis, tous deux confesseurs et aumôniers ; et Pierre (...)
  • 116 Jean de Rély élu à Angers, Georges d’Amboise à Narbonne et Rouen ; Georges d’Amboise pourvu à Mont (...)
  • 117 X. de la Selle, Le service des âmes à la cour. Confesseurs et aumôniers des rois de France du xiii(...)
  • 118 J.-L. Gazzaniga, « Les clercs au service de l’État... », op. cit., p. 256-257.

46Aumôniers et confesseurs, membres de l’Hôtel du roi, complètent le tableau. Trois d’entre eux, qui ont « servi les âmes » à la cour de Louis XI, ont tous été pourvus à la demande de leur illustre pénitent115. Deux personnages qui ont officié sous Charles VIII ont été élus ou pourvus116. Qu’ils accèdent à l’épiscopat n’est pas chose nouvelle, puisque c’est souvent le cas dès le milieu du xive siècle et, à la fin du xve siècle, ils sont considérés en raison moins de leur office spirituel auprès du roi que de leur carrière ecclésiastique. « Ce sont avant tout des prélats, dont la position éminente préfigure le rang prestigieux du grand aumônier de France de l’époque moderne »117, même si tous ne jouent pas un rôle équivalent118 Ainsi, Pierre Cadouet et Jean Neveu ne semblent pas avoir eu de rôle politique important alors que les trois autres participent ou ont participé au Conseil.

  • 119 Ibid., p. 256.
  • 120 G. Le Bras, Institutions ecclésiastiques..., op. cit., p. 374, précise que ce serment n’est pas un (...)

47À ces membres plus ou moins actifs du Conseil, on peut ajouter les candidats déjà évêques car, comme tels, ils portent le titre de conseillers du roi. Si « le clerc est le conseiller né du monarque » et que cela est une « tradition fort ancienne »119, ce qualificatif, lorsqu’il s’applique aux évêques, ne résulte pas uniquement de l’état de clergie, mais a dans l’esprit des contemporains un sens très fort. En effet, il résulte du serment de fidélité120 que le prélat prête au souverain en échange du temporel de son bénéfice, élément constitutif du lien existant entre le prélat et son roi, ainsi que l’explique l’avocat Dudrac :

  • 121 AN, X1a 4826, fo 41v – 42,16 décembre 1484.

« Les evesques qui n’ont fait le serement de feaulté au roy ne sont point conseillers et l’un des pers de France s’il n’avoit fait le serement ne seroit receu in numéro consiliariorum »121.

  • 122 H. Millet et P. Moraw, « Les clercs dans l’État... », op. cit., p. 24g.

48Et d’eux est attendue, en plus de la sagesse, de la clairvoyance et de l’habileté politique, une fidélité sans faille122.

  • 123 N. Bulst, Die französischen Generalstände von 1468 und 1484..., op. cit., p. 264.
  • 124 Bien que noté dans les plaidoiries, ce fait reste à prouver, AN, X1a 4838, fo 403.

49En dehors de ceux qui sont membres « actifs » ou parents, il faut donc ajouter cinq autres évêques qui, d’ailleurs, ont également joué un rôle dans la politique royale, même si c’est de manière plus épisodique : celui de Cahors, Antoine Allemand, nommé « comte de Cahors et conseiller du roi » dans une séance du Conseil le 30 août 1484123 ; Philibert Hugonnet, alors évêque de Mâcon et frère de Guillaume, chancelier du duc de Bourgogne, actif auprès de Louis XI pour le rattachement de « la comté » ; Federico di San Severino, évêque de Maillezais, fils du comte Robert, dont la famille a suivi les Français dans la campagne d’Italie ; Charles de Caretto, évêque de Saint-Lizier du Couserans et maître des requêtes124. Enfin, Étienne Goupillon, qualifié du titre d’évêque de Sées, alors qu’il le dispute toujours à Gilles de Laval, remplit des missions en Italie pour le roi en 1484, et participe en tant que tel aux états généraux de Tours.

  • 125 AD Yonne, G 34, p. 256.

50Quatre autres candidats, deux pourvus et deux élus, sont parents d’évêques et donc de conseillers du roi : le jeune Philippe de Lévis, dont la famille a donné trois évêques à Mirepoix et deux archevêques à Auch, se bat pour Bayonne. Il est aussi proche du roi, puisqu’en août 1493 il répond au juge qui l’interroge qu’il va suivre Charles VIII ; ce dernier quitte en effet Paris le lendemain125. Mathieu d’Artigaloube succède à son oncle Barthélemy à l’évêché de Pamiers en 1467 et Charles de Blanchefort, neveu de Guichard d’Aubusson, est élu à Senlis en 1499.

51Sans doute peut-on compter ici aussi Armand de Goutault, fils de Catherine de Salignac, et pourvu de Sarlat en 1492, après la mort de Pons de Salignac.

52Le total des conseillers et de leurs parents est donc de quarante-quatre individus pour cinquante cas de désignation, soit 53 % des individus mais 55 % des cas.

  • 126 Jean Balue, Jean de Bilhères, Guillaume de Cambray, François Halle et Pierre de Sacierges, égaleme (...)

53Les membres du Parlement sont ou ont été conseillers à Paris126 sauf Jean Doriole, élu à Montauban, qui exerce à Toulouse. Agrégé à cet ensemble, Guy de Tourettes, élu à Saintes et fils d’un président du parlement de Paris, Hélie, mort à la date de son élection.

  • 127 AN, X1a 4825, fo 275v, 2 août 1484.

54Les familles d’officiers ne sont pas absentes : Nicolas de Sains, élu à Senlis, est le frère du bailli ; Louis de Villiers de l’Isle-Adam, élu à Beauvais, est le fils de Jacques, sénéchal de Boulogne et prévôt de Paris ; Charles de Joyeuse, pourvu de Saint-Flour, est de noble naissance, fils d’un ancien bailli de Mâcon, sénéchal et capitaine de Lyon, le vicomte Tanneguy : il est surtout dit « parent du roi » dans une plaidoirie127. Ce lien est sans doute celui créé par le mariage de son oncle Louis avec Jeanne de Bourbon, fille du comte de Vendôme.

  • 128 M. Harsgor, Recherches sur le personnel du Conseil du roi..., op. cit., p. 2458.

55Enfin, Michel Colonna, que Charles VIII souhaiterait installer à Saintes128, est un proche du roi, dont la famille a donné des condottieri pendant la campagne.

56Pour compléter l’entourage royal, à une plus grande échelle et à des degrés de proximité divers, il faut donc ajouter aux conseillers déjà évoqués et à leurs parents, trois conseillers au Parlement et le parent d’un des leurs, trois parents d’officiers et l’Italien Colonna, ce qui fait un total de 52 individus et 58 cas de désignation, soit 62,6 % des hommes mais 64,4 % des cas.

  • 129 N. Bulst, Die französisrhen Generalstände von 1468 und 1484..., op. cit., p. 340. L’auteur note qu (...)
  • 130 Les deux archevêques de cette assemblée, Pierre Cadouet de Bourges et André d’Espinay de Bordeaux. (...)
  • 131 J.-L. Gazzaniga, « Les États généraux de Tours de 1484... », op. cit., p. 39, 42.
  • 132 Pierre d’Absac à Lectoure en 1487, André d’Espinay à Lyon en 1488 et Geoffroy de Pompadour au Puy (...)

57Certains de ces hommes jouent aussi un rôle politique en dehors des institutions royales permanentes. Ainsi, treize d’entre eux ont participé aux états de Tours de 1484, dix en tant qu’évêques (huit) ou archevêques (deux). Ces derniers représentent presque la moitié des vingt-deux prélats présents à cette réunion129. Un seul a été élu, Antoine de Chalon, à Autun ; les neuf autres détiennent alors un siège dont ils ont été pourvus130. Ils correspondent bien au « parti des évêques » hostile au rétablissement de la Pragmatique Sanction, puisque c’est au roi qu’ils doivent leur carrière, et non à l’application de ce texte131. D’ailleurs, trois de ces prélats tentent par la suite d’obtenir un nouveau siège, uniquement par provision132. Parmi les trois restant qui ne sont pas encore évêques en 1484, l’un sera pourvu, Jean Neveu – mais élu par la suite – et deux élus, Nicolas d’Argouges à Tours, et le député de Paris et grand orateur de cette assemblée, favorable au rétablissement de l’ordonnance de Charles VII, Jean de Rély, à Angers. Sur ces treize prélats, un seul ne semble avoir aucun rôle évident ni aucun lien avec le Conseil, c’est Nicolas d’Argouges ; il n’a d’ailleurs pas eu non plus un rôle très important lors de ces états.

58D’autres alliances, comme la clientèle princière, peuvent favoriser tel ou tel des candidats et l’on retrouve peu de nouveaux cas parmi ceux qui peuvent se prévaloir de telles relations. Ce lien est familial pour les deux bâtards de Bourbon et pour Pierre de Foix ou Antoine de Chalon, cousin du prince d’Orange Jean II. Il peut être aussi de clientèle : Georges d’Amboise et Geoffroy de Pompadour sont très proches du futur roi Louis XII. Leur emprisonnement conjoint en 1487-1488 témoigne de leur engagement dans le parti d’Orléans, le plus puissant de la fin du xve siècle. Jean de Bilhères soutient la politique des Beaujeu tandis que Louis Pot et Louis de Villiers leur sont liés par leurs frères, respectivement Philippe et Antoine. Étienne Goupillon est soutenu par le duc d’Alençon. Pour six autres candidats qui ne sont pas encore répertoriés dans les proches du pouvoir royal, le lien avec un prince est primordial : Guillaume Gueguen est un fidèle serviteur d’Anne de Bretagne ; Bertrand de Roquelaure est lié aux Armagnacs par son père ; Pierre de Castelbajac a été le secrétaire de la princesse de Navarre ; Pascal Dufour a rempli de nombreuses missions pour la maison de Foix ; Jacques de Saint-Gelais est soutenu par Charles de Valois, comte d’Angoulême ; Pierre de Chalençon est soutenu par les Bourbons. Le soutien des princes, bien que très inégal, est bien entendu non négligeable pour l’accès à une prélature.

59Le total de ceux qui peuvent se prévaloir d’une alliance, plus ou moins prestigieuse cependant, est désormais de 58 individus et 64 cas de désignation, soit 69,8 % et 71,1 %.

  • 133 Ch. Samaran, Jean de Bilhères-Lagraulas, cardinal de Saint-Denis, Paris, 1921.

60Parmi tous ces proches du pouvoir, certains ont également pu profiter d’un séjour à Rome pour y assurer une position, et c’est souvent une provision en consistoire qui les a récompensés. Ainsi, sans compter les cardinaux, au moins sept clercs ont séjourné assez longuement dans la ville éternelle. Pierre d’Absac de la Douze y était le familier du cardinal Louis d’Albret dans les années 1460, mais il y est retourné par la suite au service du roi, à l’instar des autres : au service de Louis XI (Antoine Allemand en tant qu’orateur en 1465 ; Claude de Doyac en 1482), ou à celui de Charles VIII (Étienne Goupillon en 1484-1485 qui a également été secrétaire de Sixte IV ; Guichard d’Aubusson et Pierre d’Absac, Jean de Rély auprès d’Alexandre VI, Benoît Jehan en tant qu’orateur en 1493). Ils ont été pourvus, sauf Doyac et Rély. Mais Doyac a profité de son séjour à la Curie pour y obtenir une provision confirmant le choix des chanoines. Antoine Allemand et Benoît Jehan s’y trouvaient quand ils ont « appris » leur promotion. Bien plus nombreux sont les protonotaires apostoliques. Ils appartiennent tous au cercle des conseillers et de leurs parents, sauf Pierre de Castelbajac. Cette distinction purement honorifique peut constituer un réel avantage, on le voit encore au nombre de cas supérieur au nombre d’hommes, tout comme pour les cardinaux. Ces huit hauts dignitaires représentent 9,6 % des individus et 11 % des cas. Certains ont fait des séjours plus prolongés que d’autres, par exemple Jean de Bilhères, envoyé en ambassade en 1491 et demeurant à Rome jusqu’à sa mort huit années plus tard133. Ils sont quasiment tous pourvus. Les seuls qui échappent à la règle sont César Borgia, également protonotaire, postulé à Castres et Guillaume Briçonnet, élu à Reims. Georges d’Amboise n’est cardinal qu’en 1498, alors qu’il est déjà archevêque de Rouen. Sa pourpre n’est donc pas comptabilisée ici.

61Ces résultats romains confirment les conclusions faites pour le Conseil sans les transformer radicalement. Deux personnages nouveaux seulement apparaissent : les cardinaux Borgia et Pallavicini, pour trois cas. Tout cela conforte l’idée d’une Église du royaume de France, au sein de laquelle le roi, plus que le pontife romain, cherche à placer ses proches et ses obligés.

62Si l’on ajoute donc aux proches du pouvoir royal ces deux cardinaux, le nombre total des proches d’un pouvoir, à plus ou moins grande échelle, est de 60 individus et 67 cas de désignation épiscopale, soit 72,2 % des hommes mais 74,4 % des nominations.

  • 134 Il reste le cas de Thibaut Bourgoing dont on ignore le mode d’accession.

63Les provisions sont de loin les plus nombreuses : quarante-deux pour vingt-quatre élections134, et c’est uniquement parmi eux que se retrouvent les trop jeunes ou ceux de naissance illégitime.

  • 135 Nicolas d’Argouges à Tours, Isarn Barrière à Maguelonne, Jean de La Barrière à Bayonne, Jean de Br (...)
  • 136 Guillaume Leroy à Maguelonne.
  • 137 François des Voisins à Montauban, A. de Montferrand à Senlis.

64Il reste vingt-trois individus et vingt-trois cas à considérer. L’égalité entre le nombre d’hommes et le nombre de désignations est une illustration de leur éloignement relatif des centres de pouvoir : ils ne tentent qu’une fois leur chance au cours du règne. Les élus, au nombre de vingt135, sont de loin les plus nombreux. Il faudra se demander, à la lecture des procès, si les conditions de leur élection sont semblables à celles des élections des candidats proches du pouvoir. Un seul a été pourvu136 ; pour deux, l’information est inconnue137. En dehors des deux protagonistes de Maguelonne, tous les autres ont pour opposant un proche du pouvoir.

  • 138 J.-L. Gazzaniga, L’Église du Midi au temps de Charles VIL.., op. cit., p. 245. Nicolas de Rosier e (...)
  • 139 Jean, 1375-1389 et Amédée, 1415-1444.
  • 140 J. Beyssac, Les chanoines de Lyon, op. cit., p. 138.
  • 141 Voir infra, p. 158-159.

65Ils ne sont pas pour autant tous du même milieu et totalement coupés des cercles dirigeants. Les réformateurs Jean Quentin et Jean Standonck sont bien connus des élites parisiennes ; ils ont des amis au Parlement et à l’Université, mais ne semblent pas bénéficier d’alliances organisées dans leur quête de l’évêché, peut-être par conviction ? Pierre de Rosier est une personnalité à Toulouse : il est le fils de l’avocat au parlement de la même ville, Nicolas138, et le neveu du célèbre archevêque Bernard, mort en 1475, depuis trop longtemps donc pour avoir pu influencer son élection en 1491 à l’archevêché. Il avait d’ailleurs échoué en cette entreprise une quinzaine d’années plus tôt, tentant de le désigner comme son successeur. Hugues de Talaru, de bonne noblesse lyonnaise et du même lignage que deux archevêques139, semble avoir un rayonnement limité à la cité, et sa délégation par le chapitre, pour prêter hommage à Charles VIII le Ier octobre 1483140, ne suffit pas à le rendre indispensable au monarque, bien que des chanoines de Saint-Jean pensent le contraire141. Nicolas Maugras, pourtant hautement gradué puisque docteur en droit canon, ne semble jouir d’aucune relation exceptionnelle pour l’aider dans sa conquête du siège d’Uzès.

66Quoi qu’il en soit, se mouvant dans la sphère du pouvoir, plus ou moins proches du roi ou du pape, ou ayant pour seule origine connue le chapitre de leur cathédrale, tous ont désiré à un moment de leur vie accéder à cette haute charge ecclésiastique. Et ce sont ces volontés confrontées qui sont à l’origine de longues luttes pour la possession pacifique d’un évêché.

Une volonté cachée mais opiniâtre

  • 142 M. Piton, « L’idéal épiscopal... », op. cit., p. 395-396.
  • 143 Charles de Bourbon obtient ce siège supplémentaire en 1476.
  • 144 Voir annexe 1.

67Pourquoi cette profusion de candidatures et cette lutte parfois acharnée pour devenir évêque ? Les clercs s’engouffrent dans la brèche ouverte par la concurrence entre roi et pape, cela semble évident et reconnu, mais pour quelles raisons ? Serait-ce uniquement par intérêt personnel ainsi que le pensent certains prédicateurs142 ? Les études sur l’oligarchie ont montré une certaine rapacité des conseillers prompts à saisir tout bénéfice vacant pour s’en doter personnellement ou en faire jouir un proche, moyen d’enrichissement et vecteur de pouvoir. Mais pour les autres qui n’appartiennent pas au cénacle et qui sont pourtant présents ? Il existe sans aucun doute l’espoir d’une promotion sociale – devenir conseiller du pouvoir –, le besoin de « se caser », de gagner sa vie, pour les universitaires lettrés mais sans autre perspective d’emploi. Antoine Allemand, qui n’est pourtant pas des moindres candidats, explique ses craintes. Son transfert de Cahors à Clermont est resté vain, car c’est l’archevêque de Lyon, le cardinal de Bourbon, qui a finalement été pourvu du siège143 ; pendant ce temps, Guichard d’Aubusson a été installé à Cahors144, mais finalement transféré à Carcassonne. Et lui ?

  • 145 AN, X1a 123, fo 54, 2 avril 1488.

« Il dit ensuite que, voyant l’appelant [Aubusson] et le cardinal jouir de leurs sièges de Carcassonne et Clermont, et craignant de rester dans le plus grand dénuement (in puris et nudis), il présenta ses bulles de provision »145.

  • 146 P. Ourliac, « Le concordat de 1472. Étude sur les rapports de Louis XI et de Sixte IV », Études d’ (...)

68Les revenus de ces bénéfices sont tentants bien que très inégaux146. Rouen, sans doute le plus riche, rapporte beaucoup plus que Bayonne, peut-être encore le plus pauvre des sièges ici en compétition. Certains sont fort prestigieux : sièges de primatie à Lyon ou Bourges, pairie à Beauvais. On ne peut écarter non plus, sauf à tomber dans la caricature, la volonté de réformer et d’agir pour le bien des âmes du diocèse. L’objectif est donc de s’emparer du pouvoir épiscopal, sans que l’on sache vraiment s’il s’agit d’une recherche pour un contentement personnel ou pour le bien commun, les deux n’étant pas forcément incompatibles. L’observateur en est cependant réduit à des conjectures – parfois évidentes, parfois non –, car aucun de ces candidats n’a pu exprimer ses ambitions. Et le débat qui s’engage généralement après coup sur ce thème est prisonnier de la définition de l’élection.

L’apparente surprise

  • 147 Nemo enim debet sibi assumere honorem, sed vocandus est a deo tanquam Aaron, Cosme Guymier, Glosa (...)
  • 148 (...) unde multum admiratus extiterat, AN, X1a 120, f 63,12 mai 1486.

69La définition médiévale de l’élection et l’adhésion théorique des esprits à cette conception empêchent les candidats de donner leurs motivations, quand ils sont dans le feu de l’action, même si, dans leurs carrières personnelles antérieures, ils ont pu dire leur conviction que pour le bien de l’Église de France des prélats réformateurs doivent gouverner les diocèses. Ainsi Jean de Rély ou Jean Standonck. Mais, dans les sources, que ce soit dans les registres capitulaires ou les nombreuses sources normatives, ils n’ont pu laisser des témoignages : ne doivent-ils pas être tous surpris de ce qui leur arrive, par la volonté de Dieu exprimée à travers la conscience de leurs pairs147 ? Ainsi, Claude de Doyac apprend à Lyon son élection au siège de Saint-Flour, « ce dont il s’étonne grandement »148. S’il n’en était pas ainsi, l’ambition, rapidement dénoncée, risquerait de faire s’envoler tout risque de confirmation. Quant aux pourvus, l’humilité étant un attribut chrétien de première importance, ils ne se vantent pas non plus d’avoir brigué leur siège. Le résultat en est à ce propos un débat tronqué par la rhétorique obligée, n’accordant au candidat qu’un point positif, ne pas avoir souhaité la charge, ou un point négatif, l’avoir désirée et avoir tout fait pour l’obtenir.

  • 149 J.-M. Le Gall, Les moines au temps des réformes..., op. cit., p. 437.

70C’est donc à travers des témoignages induits que cette volonté peut se lire, et peut-être à travers leur action future pour ceux qui atteindront effectivement la possession. Mais encore ? Face à de nouvelles responsabilités, il est fort possible de se découvrir des ambitions encore insoupçonnées. Et un prélat peut être réformateur sans être un prélat réformé149.

Les raisons des « décideurs »

71Le parfait évêque attendant d’être appelé par la volonté divine, ce sont les hommes qui le désignent qui peuvent dévoiler les raisons d’un choix.

  • 150 Doctrina verbi, exemplo boni, salubriter et feliciter, in statu pacifico et tranquille, par exempl (...)
  • 151 J. Gaudemet, Le gouvernement de l’Église à l’époque classique, op. cit., p. 49, t. 8, vol. 2.
  • 152 Episcopum et pastorem, curam et administrationem dicte ecclesie, uniter et prospere, ASV, Reg. Vat (...)
  • 153 Jugum (...) tuis impositum humeris.
  • 154 Scientie, vite, munditie, honestate, morum spiritualum providentie ac temporalium circumspectionem (...)
  • 155 ASV, Reg. Vat. 788, fo 195r-v, nouvelle provision d’André d’Espinay à Lyon, 12 des calendes de mar (...)

72Dans quelques lettres de provision pontificale se lisent des formules toutes faites, décrivant le but de la mission épiscopale. Elles insistent, tout comme les chanoines, sur l’importance de ne pas laisser trop longtemps un évêché vacant, puis décrivent le prélat, guide spirituel de son peuple ou troupeau, non seulement par l’enseignement de la parole, mais encore par le bon exemple. Également gestionnaire du bénéfice, il devra régir son diocèse, au spirituel comme au temporel, « de manière saine et heureuse », pour qu’il « demeure en paix et tranquille »150. Ces expressions s’inspirent à la fois des œuvres des canonistes et des théologiens de l’âge classique, les uns ayant développé les aspects juridiques, les autres les qualités morales et l’action pastorale151. Et lorsque la formule de provision est écrite plus loin, elle désigne « l’évêque et le pasteur », « la charge des âmes et l’administration de l’Église », portant l’espoir qu’avec l’aide de Dieu, le diocèse « demeurera uni et prospère »152. Tous les aspects du bon prélat sont ici consignés, responsable de la gestion de son bénéfice et du salut des âmes de son troupeau, et de la vie paisible en son sein. C’est une tâche lourde, que l’expression « joug (...) placé sur tes épaules »153 reflète bien même si, comme dans la Bible, le joug désigne avant tout l’alliance entre Dieu et les hommes. D’autres formules banales, plus ou moins développées, donnent les motivations du pape. Le nouvel évêque a été remarqué pour ses mérites, ses lettres, sa vie, son élégance, ses mœurs et qualités spirituelles et temporelles, et ses nombreuses autres vertus154, parfois pour ses services rendus à l’Église155. Le pape ne se déciderait qu’après s’être dûment renseigné, ainsi pour Pierre Cadouet, pourvu de Bourges :

  • 156 AD Cher, 8 G 283, pièce 50, fo 4.

« Item plus unes autres bulles qui estoient principalles de sa promocion aud. arceveschié, faicte (sic) en plain consistoire par grande et meure deliberacion de tous messeigneurs les cardinaulx, apres l’informacion faicte des degré licterature dud. Cadoet, de l’ordre de prestrise, de son ancienneté, bonne vie, honneste conversacion, grande providence et circonspection, tant es choses spirituelles que temporelles et autres dons de plusieurs vertuz »156.

  • 157 De dictorum fratrum consilio. Pascal Montaubin, Le gouvernement de la grâce..., op. cit., p. 679, (...)

73Ce choix est aussi renforcé par l’affirmation de la décision prise en commun. Le pape pourvoit à un bénéfice « du conseil de ses frères »157.

  • 158 J. Verger, Les gens des avoir..., op. cit., p. 126.
  • 159 AD Cher, 8 G 283, pièce 47, parchemin no 1, témoignage daté du 8 juin 1485 de Jean Moreau, chanoin (...)

74Il le fait aussi parfois sur la demande du roi, acceptant de pourvoir un protégé, voulant par là garder une influence au sein des appareils d’État158, en tous les cas, on l’a vu, permettant au roi de gratifier d’une rente un de ses obligés, sans débourser un denier. Pour Cadouet, la provision de Bourges a également été faite « aussi consideree la requeste dud. feu roy ». Et pour un témoin du choix de Louis XI, cela est légitime, car « le roy en ses derriers (sic) jours estoit inspiré du saint esperit de mectre luy et plusieurs autres gens de bien en ses principales dignitez ». Et les lettres qu’il envoya au pape, il « les scella d’un petit signet qu’il avoit, ouquel estoit gravé l’image monseigneur saint François pour plus grant approbacion de l’affeccion qu’il avoit a ce que led. maistre feust pourveu »159.

  • 160 Par exemple, lors de la provision de Federico di San Severino à Rouen, ASV, Reg. Vat. 777, fo 81-8 (...)

75Si ce sont le pape et les cardinaux qui ont la haute main sur le choix, ils en avertissent le roi mais aussi les différentes composantes du diocèse, anciens acteurs de l’élection : différents mandements sont adressés au chapitre, au clergé du diocèse, aux vassaux du prélat, aux habitants de la cité et des diocèses, et s’il s’agit d’un archevêque, à ses suffragants160. Le message y est toujours semblable : il faut accepter et obéir au prélat nouvellement établi.

  • 161 Une élection épiscopale n’est pas la seule occasion pour laquelle il faille justifier son vote. Un (...)
  • 162 Ex virtute juramenti, electores peccarent si eligerent aliquem etiam idoneum praetermisso scienter (...)
  • 163 AD Rhône, 10 G 1376, p. 5-8.
  • 164 Chanoine de Lyon depuis le 13 juillet 1472, reçu le 4 décembre 1475, « précenteur » le 30 août 148 (...)
  • 165 Voir infra, p. 280.

76Qu’en est-il lors des élections ? Les élus doivent taire leurs ambitions – au moins à découvert –, mais les électeurs sont parfois sollicités de motiver leur vote161. Comme dans les autres chapitres, les Lyonnais ont tous prêté serment d’élire, selon la substance des décrets de Bâle, le meilleur et le plus utile aux affaires spirituelles et temporelles du diocèse, et de n’obéir en cela à aucune prière ou pression. Un homme utile ou apte n’est pas suffisant ; il faut le plus utile, le plus apte162. À chaque fois qu’ils ont confié leur voix aux scrutateurs, le scribe a noté les raisons de chacun des dix-sept électeurs lyonnais163 : seize se prononcent pour Hugues de Talaru, ce dernier portant humblement son vote sur le précenteur, Jacques d’Amoncourt164. Cette élection est donc établie dans la concorde, de sûres tractations précédentes lui confèrent l’apparence de l’unanimité. L’observateur peut s’étonner de la voie choisie : pourquoi le scrutin et non le Saint-Esprit ? Est-ce pour bien insister sur la volonté humaine, certes vecteur de la décision divine mais aussi possibilité pour les chanoines de garder en main leur destin ? La réponse est peut-être ailleurs165.

77Voici ce qui les a guidés. Le sacristain est le premier à s’exprimer ; il a choisi Talaru car :

  • 166 (...) quia vidit et scivit ipsum pulchre forma ac benignum et humilem in dicta lugdunense ecclesia (...)

« Il est de belle apparence, bienveillant et humble, élevé et éduqué dans cette Église de Lyon, originaire du royaume et de la patrie lyonnaise, issu de nobles parents et très diligent dans la poursuite de ses affaires et de celles de l’Église ; c’est pourquoi, il croit qu’il est le plus utile à leur Église166 ».

  • 167 Tous les chiffres prennent en compte la déclaration du sacristain.
  • 168 Bene formatus ou compositus.
  • 169 Voir supra, p. 151, n. 139.
  • 170 Nutritum, eruditum.
  • 171 Patria.
  • 172 Usum, morem, statuta, constituciones.
  • 173 Doctus, eloquens, bene et notabiliter se rexit et gubernavit.
  • 174 Gratus Deo, gratus régi.
  • 175 Pauperum fantor, pads amator.

78Le sacristain est le plus complet dans sa déclaration et les autres apporteront peu de nouveau. Certains d’ailleurs n’ont guère argumenté : « le plus utile et propice » (4)167. Si le sacristain est le seul à dire que Talaru est de belle apparence (1), d’autres précisent qu’il est « bien conformé »168 (4). Ses qualités sont nombreuses : prudent (4) et cela s’entend en affaires (2) ; bienveillant (4) ; discret (2) ; humble (2) ; aimable (1) ; bon (1) ; doux (1) ; mûr (1). Son origine est fameuse : il est noble (3). Il est de la maison des Talaru qui a donné deux archevêques à la primatie169 et ces derniers ont fait beaucoup de bien à l’Église ; il est attendu qu’il agisse de même (1). Si sa famille de sang est évoquée, elle importe moins que la famille ecclésiastique : il a été « élevé » dans l’Église de Lyon (6), « éduqué » aussi170 (1). Enfin, il est de Lyon (2) et donc du royaume et « de la patrie » de Lyon171 (4). Être de Lyon et de son Église explique qu’il en connaît « les usages et les statuts »172 (1) ; il est ainsi prompt et diligent à défendre les affaires ou les droits de l’Église (5), mais aussi et conjointement les siennes et celles de l’Église (5). D’ailleurs il l’a prouvé, car vicaire général de Charles de Bourbon, il s’est fort bien acquitté de cette tâche : « Savant, éloquent, il se conduit bien et remarquablement »173 (2). Ce qui ne nuit pas, c’est qu’il a des parents notables et maîtres à la Cour (1). Pour tout cela, il est « agréable à Dieu » (1) et « agréable au roi » (3)174. Deux chanoines expliquent les raisons de sa bonne réputation auprès de Charles VIII : pour l’un, c’est parce que Talaru est « chantre des pauvres » et « amoureux de la paix »175 ; pour l’autre, c’est parce qu’il est natif de Lyon.

  • 176 Pulchre stature, doctus, humilis, prudens, omnibus gratus.

79Talaru, quant à lui, qualifie Amoncourt par ces termes : « De belle stature, savant, humble, prudent, agréable à tous »176.

  • 177 Dans les Gestes des évêques d’Auxerre, il est écrit que l’évêque Renaud de Saligny [élu le 6 décem (...)
  • 178 J.-Cl. Schmitt, « Corps et âme », dans Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, op. cit., p.  (...)
  • 179 Ainsi chez Albert le Grand et Thomas d’Aquin, U. Eco, Le problème esthétique chez Thomas d’Aquin, (...)
  • 180 T. Suarez Nani, « Beauté », dans Dictionnaire encyclopédique du Moyen Âge, op. cit., vol. 1, p. 18 (...)

80Parmi toutes ces motivations, la place accordée à la beauté physique est ténue, mais présente. Sans doute ne faut-il pas aller jusqu’à dire que les chanoines ont voté pour Talaru simplement parce qu’il est beau, quoique177... Leur choix exprime-t-il alors une caractéristique de la dialectique entre l’âme et le corps ? Ce dernier est considéré « comme mode d’expression extérieur (forts) des mouvements intérieurs (intus) et invisibles de l’âme, des états psychiques, des émotions et de la pensée elle-même »178. Les peintres attribuent aux saints la beauté corporelle, et si ce n’est pas la sainteté de l’archidiacre que souligne le sacristain, c’est au moins, dans le dit de sa prestance, l’association entre le beau et le bon179, l’assurance d’un comportement harmonieux et bénéfique à tous ; l’expression « bien conformé » renvoie à la complémentarité des deux composantes – ou trois si l’on y ajoute l’esprit – de l’être humain. Cela n’est pas sans évoquer une notion d’esthétique fondamentale au Moyen Âge, la beauté découlant de l’harmonie qui résulte de rapports de proportions fondés sur les nombres180. Le « corps, image visible de l’âme », traduit ces qualités dont les chanoines ornent Hugues de Talaru ou Amoncourt.

  • 181 De gremio.
  • 182 Il est le fils de Mathieu de Talaru et de Jeanne de la Palu.

81Parmi celles accordées à Talaru, être du chapitre181, et ce depuis fort longtemps, n’est pas la moindre, qui lui permet de bien défendre les affaires de son Église puisqu’il les connaît. Sa diligence à conduire ses propres affaires le prouve ainsi que son expérience de vicaire. Ses origines familiales, qui démontrent sa bonne naissance légitime182, lui permettent d’être ancré d’une autre manière dans cette Église : il n’est pas seulement chanoine mais Lyonnais et noble. Si le poids de cette qualité explique que trois chanoines l’aient soulignée, ce rappel est en soi inutile, les chanoines de Saint-Jean étant, en raison des statuts du chapitre, obligatoirement tous nobles. Sa prudence en affaires est au moins aussi importante que sa bienveillance, plus alléguées que son humilité et sa douceur. Qu’il plaise à Dieu est le moteur de l’élection, mais un seul le souligne ! En revanche, trois éprouvent le besoin de préciser sa réputation auprès du roi, car étant du royaume et partageant l’objectif du bon prince : conserver la paix, et l’attention aux pauvres en est un des vecteurs. Bref, il est le candidat local, au courant des habitudes et des droits de l’Église, et ses qualités n’en seront que plus efficaces.

82Certains critères ne sont pas précisés : il a sûrement l’âge requis, sinon il aurait été postulé. Sans doute n’a-t-il aucun grade universitaire, car ce dernier aurait été présenté ; le nom d’Amoncourt, inscrit pour le vote de Talaru, est suivi de cette assertion : docteur en décret. Mais Talaru est savant et il connaît les constitutions de l’Église lyonnaise ; son expérience pratique en affaires remplace avantageusement une qualification théorique.

83Si les critères de sélection des chanoines sont plus variés que ceux exprimés dans les bulles, le temporel domine largement sur le spirituel dans le portrait de ce parfait élu, renvoyant aux problèmes quotidiens de gestion, d’indépendance et d’honneur d’une Église, mais aussi aux bonnes relations à entretenir avec le souverain. Rien sur d’éventuelles qualités de prédicateur et d’enseignant. Rien sur l’exemple que l’évêque pourrait être aux yeux de ses ouailles. Cela peut traduire l’opposition entre une administration centrale éloignée du « terrain » et les acteurs quotidiens, au contact des problèmes réels, et jaloux de leur volonté d’indépendance. À travers ces motivations, les chanoines apparaissent avant tout comme gestionnaires des affaires de l’Église.

  • 183 É. Delaruelle, E. R. Labande et P. Ourliac, L'Église au temps du Grand Schisme..., op. cit., p. IX (...)
  • 184 Michel Lochmaier, Practica electionum..., fo 7v-8.
  • 185 Liber Deuteronomii, 17,15 : « Tu ne pourras pas te donner un roi étranger qui ne soit pas ton frèr (...)
  • 186 Il précise qu’elles proviennent des Actes des Apôtres, 1 (sans doute pour opposer le portrait de J (...)
  • 187 Paul Bertrand souligne ce pan important de la réforme, « Pour une nouvelle diplomatique du Moyen  (...)

84Cela semble conforme aux préoccupations de l’époque : « On sent ici douloureusement l’insuffisance théologique d’une époque trop occupée de droit canonique, plus soucieuse de définir l’Église comme un gouvernement que comme un corps mystique »183. À lire Michel Lochmaier184 et les thèmes qu’il propose pour la collation à faire avant l’élection, ces préoccupations des chanoines de Saint-Jean sont communes. Après avoir présenté l’état d’esprit dans lequel doivent se trouver les électeurs (libres et sans pression), et avant d’écrire la nécessité du consensus entre eux, l’auteur insiste sur ce point : il faut élire le meilleur, et ce meilleur est à chercher tout d’abord dans le troupeau. Lochmaier le démontre par deux arguments : d’abord, un membre du chapitre connaît bien l’Église et peut mieux s’occuper de ses affaires ; ensuite, il sera plus attaché à l’Église dans laquelle il a été élevé, comme un père vrai et naturel aime mieux son fils naturel qu’un beau-père ; il allègue en cela un passage du Deutéronome185. On retrouve bien les ambitions lyonnaises, surtout dans la première raison, et sans doute aussi celles des vingt-quatre autres chapitres qui ont élu l’un des leurs. Le terme de « patrie » évoque aussi l’attachement plus général à la patrie et le phénomène identitaire et affectif qui lui est associé. Ce n’est qu’ensuite que Lochmaier énumère les critères obligatoires de Bâle – il enjoint d’ailleurs de faire, avant toute chose, la lecture du décret Sicut in construenda, recopié dans son ouvrage : d’âge mûr, de naissance légitime, lettré ; enfin qu’il soit au moins sous-diacre. Il précise alors les qualités dont l’élu doit être orné pour être de bonnes mœurs : irrépréhensible, sobre, prudent, pudique, accueillant, savant, non violent, non irascible, non orgueilleux, non enclin à faire des procès, non cupide, mais bien disposé dans sa maison186. Là encore, la discrétion, l’humilité et la bienveillance prêtées à Talaru se retrouvent. Si la nécessité de la science est rappelée, rien sur les vertus ni sur d’éventuelles prédispositions à la prédication. Finalement, aucune qualité active, propre à la réforme in membris par l’enseignement, n’est évoquée. Si le candidat idéal que les chanoines appellent de leurs vœux est d’abord un gestionnaire, il ne faut pas mépriser cet aspect : une bonne et saine gestion est fondamentale et peut être elle-même objet de réforme ; elle peut également être au service de la vie religieuse du diocèse187.

85Il faut quand même souligner que ce souci semble dépasser, et de loin, celui de la réforme des mœurs. Par leurs motivations, les chanoines proposent une vision réductrice de l’action épiscopale.

  • 188 Même si des liens familiaux unissent quelques-uns de ces compétiteurs : les familles limousines de (...)
  • 189 AD Rhône, 10 G 1376, p. 3.
  • 190 Docteurs ou licenciés en droit, ces « chevaliers », au nombre de sept, étaient recrutés pour défen (...)

86Ces nombreux clercs ont donc été choisis, par le pape ou par les chanoines, en raison de capacités ou d’alliances bien nouées. Proches du pouvoir ou non, ils sont désormais en lice et combattent pour emporter la victoire. Parfois, leurs chemins convergent et il n’est pas rare de retrouver un même nom dans deux affaires différentes. La raison en est surtout l’existence de liens canoniaux188 : Guillaume de Montboissier, bientôt élu de Clermont, et Geoffroy de Pompadour, pourvu du Puy, sont tous les deux membres du chapitre lyonnais lors de l’élection d’Hugues de Talaru en 1488, même s’ils sont absents lors du scrutin ; Geoffroy de Pompadour est en outre procureur de l’archidiacre et son « gestionnaire » d’affaires189. Guillaume de Cambray, élu de Bourges, remplit alors la charge de chevalier de l’Église de Lyon190 ; il est également électeur à Paris en août 1492, tout comme Jean Quentin, futur élu de Senlis, et Pierre de Rochechouart, futur pourvu de Saintes ; il est enfin le doyen de Beauvais au moment de l’élection en 1488. Les pratiques d’influence interviennent également dans le rapprochement des personnes et des intérêts – Georges d’Amboise et Robert de Lenoncourt, archevêques de Rouen et de Tours, ont tous les deux fait le déplacement jusqu’à Reims pour soutenir la candidature de Guillaume Briçonnet auprès du chapitre en 1497 – mais aussi les raisons professionnelles – on peut dire que tous ceux qui sont conseillers au Parlement auront à s’occuper de l’une ou l’autre des affaires – ou statutaires – les archevêques litigieux doivent néanmoins intervenir dans les procès de confirmation.

  • 191 P. R. Gaussin, Louis XI..., op. cit., p. 315.

87Tous, dans l’attente de la possession pacifique de leur évêché, sont confrontés désormais au résultat du procès de la confirmation ou de l’infirmation de l’élection : les élus, bien sûr, dont les situations sont fort dissemblables, s’ils sont soutenus par de nombreux courtisans comme Guillaume Briçonnet à Reims, ou non, comme Jean Standonck en la même ville. Mais les pourvus attendent aussi cette décision du supérieur ; ils vont tout mettre en œuvre pour que l’infirmation soit déclarée. Cette rivalité dépasse ces individus pour concerner le système de réseaux et d’alliances qui, par ses nombreuses ramifications, secoue les milieux cathédraux mais aussi les plus hautes institutions françaises ou romaines, les dirigeants et les habitants des cités, voire du diocèse, et qui se révèlent à la lecture des procès. Finalement, ce n’est pas tant que cela le « temps de l’anarchie organique » et, si « les hommes d’Église se jalousent »191, le désordre apparent peut être en réalité parfaitement organisé : d’une part à l’échelle d’un diocèse, où deux réseaux opposés s’essaient à la victoire, se confrontant devant les officialités, d’autre part au niveau central, recherchant à tout coup le poids d’une décision royale devant les parlements ou le Grand Conseil, et parfois une sentence pontificale à Rome.

Notes

1 AN, X1a 4834, fo 419,16 juillet 1493.

2 AN, X1a 4835, fo 335v, 2 mai 1494.

3 AN, X1a 4835, fo 227v, 27 février 1494.

4 AN, X1a 8322, fo 284v, 6 août 1493.

5 Collation de l’archevêque de Bordeaux pour Guillaume Leroy à Maillezais qui s’oppose au protégé pontifical Federico di San Severino, AN, X1a 4825, fo 246v, 12 juillet 1484, et collation des vicaires de l’archevêque de Reims pour Louis Pot, qui est opposé à Jean Monissart puis au cardinal Pallavicini pour le siège de Tournai, AN, X1a 4825, fo 258, 23 juillet 1484.

6 Voir annexe 1.

7 AN, X1a 4835, fo 52, 5 décembre 1493.

8 Selon la définition théorique de l’élection, le terme de candidat ne convient guère à celui qui ne doit pas désirer le pouvoir épiscopal et ne doit être désigné que par la volonté divine. Mais il semble finalement adapté à ces clercs envieux d’une chaire. Par ailleurs, il ne sera pas fait ici de comparaison avec l’épiscopat d’autres époques, ou avec des études régionales précises, car tous ces hommes ne sont pas devenus les possesseurs définitifs.

9 Reims et Bourges. Pour ce dernier cas, il s’agit du second conflit pour ce siège opposant Guillaume de Cambray à Guillaume de Menypeny.

10 Voir annexe 1. Un cas représente une personne pour un siège.

11 Jean Balue à Angers et Autun, Antoine du Bois à Beauvais et Béziers, Pierre de Sacierges à Montauban et Luçon.

12 A. de Montferrand à Senlis, Thibaut Bourgoing à Cahors et François des Voisins à Montauban.

13 Il n’y a que Guy de Tourettes à Saintes.

14 Correspond aux cas des candidats qui ont été élus et pourvus.

15 Girault de Maumont élu à Tulle en 1471, Georges d’Amboise à Narbonne en 1482 et à Rouen (postulé) en 1493, Antoine de Chalon à Autun en 1483, Nicolas Maugras à Uzès en 1483, Antoine de Luserch à Cahors en 1494, Armand de Goutault à Sarlat en 1497, Jean Quentin et Jean Neveu à Senlis en 1496, Jean Standonck à Reims en 1497. Le onzième est peut-être Claude de Doyac, élu à Saint-Flour en 1482 : le scrutin et la voie de l’Esprit saint sont notés dans la bouche de l’avocat de Doyac. Celle de l’Esprit saint est cependant alléguée le 17 décembre 1492 (AN, X1a 4834, fo 67v) alors que le scrutin l’est dans les premiers temps du procès et semblerait donc plus conforme à la réalité, AN, X1a 4825, fo 210, 22 avril 1484 et X1a 120, fo 63,12 mai 1486.

16 Des cas d’élections par compromis, datant du xiiie siècle, sont étudiés par B. Galland, Deux archevêchés entre la France et l’Empire..., op. cit., p. 378-379, 382. Elles sont suivies de conflits. Si cette mise à l’écart du compromis se vérifiait pour la période du xve siècle, elle pourrait démarquer la procédure épiscopale de la procédure monastique ; en effet, J. Théry, « Moyen Âge », op. cit., p. 671, écrit que la procédure par compromis est largement utilisée tout au long du Moyen Âge, au moins dans les monastères ; Michel Lochmaier, dans sa Practica electionum..., décrit cependant cette procédure avec force détails, fo 14-17v.

17 C’est ainsi qu’il est mentionné dans les sources. Il s’agit de « l’assemblée des cardinaux où sa Sainteté pourvoit aux églises vacantes ». Il est à distinguer du consistoire public « dans lequel le pape, revêtu de tous ses ornemens pontificaux, reçoit les princes et donne audience aux ambassadeurs». Durand de Maillane, Dictionnaire de droit canonique..., op. cit., t.1, p. 384-385.

18 Pierre de Foix à Bayonne (1484), César Borgia à Nantes (1493), Antoniottus Pallavicini à Lectoure (1494) et Guillaume Briçonnet à Nîmes (1496).

19 Jean de Bilhères Lagraulas, cardinal de Sainte-Sabine et abbé de Saint-Denis, est promu coadjuteur du vieil évêque de Saintes, Louis de Rochechouart, le 2 décembre 1491.

20 Mathieu d’Artigaloube et Pierre de Castelbajac à Pamiers, Claude de Doyac à Saint-Flour, Jean Doriole à Montauban, Charles de Blanchefort à Senlis. Ne sont pas comptabilisées ici les provisions ayant lieu à la toute fin du conflit, et en permettant la résolution.

21 AN, X1a4834, fo 69,17 décembre 1492.

22 Gilles de Laval est chanoine de Sées, Jean Simon de Paris, Pierre de Rochechouart de Saintes, Armand de Goutault semble l’être à Sarlat, et Jean Neveu est bien connu des Senlisiens.

23 Voir annexer 1.

24 Sur 49 élections, 2 ont lieu moins de 7 jours après la vacance du siège, 5 avant 14 jours, 2 avant 30 jours, 8 avant 60, 6 avant 90. Il en reste 15 qui sont en dehors du délai légal, et une dont on ignore le laps de temps.

25 AD Rhône, 10 G 1376, p. 2 : (...) ac dubitantes ne electionem de futuro pastore archiepiscopo in dicta nostra ecclesia cogeremur facere per impressionem et potenciam laicalem que posset evenire si diu dicta electio protelletur et retardetur.

26 C’est le nombre de chanoines que compte le chapitre habituellement, J. Beyssac, Les chevaliers de l’Église de Lyon, Lyon, 1925, introduction.

27 La venue du procureur est notée dans les registres, juste avant le récit de l’élection, mais sans commentaire, ni copie de l’acte : (...) comparuit in dicto capitulo dictus Claudius Le Charron, procurator regis, qui fecit protestaciones contentas in quodam folio papiri per eum ibidem tradito incipiente « le procureur du roy » etc., AD Rhône, 10 G 282, fo 261v. Sur Claude Le Charron, cf. p. 339, n. 277.

28 J. Beyssac, Les chanoines de Lyon, Lyon, 1914, p. 138.

29 Et non « la vigille saint Jehan » comme il est écrit dans les plaidoiries, c’est-à-dire le 23 juin.

30 La même menace a pesé sur les électeurs angevins en 1479, AN, X1a 4828, fo 286v, 21 juin 1487, ainsi que celle d’être jetés dans la rivière. Ils feraient ainsi partie des milliers de Français envoyés repeupler Arras dont la population fut déportée sur ordre de Louis XI en 1477. La ville fut même débaptisée et appelée « Franchise ». Les Arrageois ne rentrèrent chez eux qu’en 1483-1484. Cf. A. Derville, Villes de Flandre et d’Artois (900-1500), Villeneuve d’Ascq, 2002, p. 163.

31 AN, X1a 4825, fo 205v-206v, 8 avril 1484.

32 Des lacunes « rares », indiquées dans le répertoire de la série G pour ces registres de conclusions capitulaires, couvrent justement toute la période pendant laquelle les réactions du chapitre à la provision et aux débuts du pontificat de Pierre Cadouet ont dû se manifester. Ces lacunes semblent être volontaires : en effet, dans le registre 8 G 155, les conclusions sont notées jusqu’au vendredi 5 juillet 1482 (fo 176v). Le 26 juin, fo 175, on lit par exemple, le lendemain de l’événement, la mention de la mort de l’archevêque précédent, Jean Cœur, non pas pour elle-même, mais pour la levée des taxes propter obitum ; le 28 juin, fo 176, on lit encore la décision de citer les chanoines absents pour procéder à l’élection d’un nouveau pontife, puis on saute allègrement au 21 mars 1483 (ns) au fo 177. Manquent donc par exemple le 8 juillet 1482, journée prévue pour procéder à l’élection et le 17 novembre 1482, jour de l’entrée dans la ville et l’église de Bourges de Pierre Cadouet, pourvu par le pape. En outre, la date du 21 mars 1483, bien éloignée des précédentes, est indiquée au milieu du folio : se trouvent donc au début des écritures d’un jour précédent non mentionné. Tout porte à croire que des pages ont été délibérément arrachées du registre, pour occulter un débat ou des premières réactions du chapitre favorables (?) à Cadouet, ce qui aurait rendu difficile la justification d’une nouvelle élection, celle de Guillaume de Cambray, le 21 novembre 1483. Et même après le 21 mars, rien n’est indiqué au 25 mars 1483, jour où le pallium a été remis à Pierre Cadouet. Cela prouve bien, s’il est encore nécessaire de le préciser, le rôle important de mémoire, mémoire choisie, que jouent les registres capitulaires. D’ailleurs, un chanoine berruyer, lors d’un procès devant le parlement de Paris, le 12 août 1483, se plaint « qu’il y a eu deux fueilletz des registres de chapitre couppez » ; font-ils partie du lot ou en sont-ils encore d’autres ? AN, X1a 4824, fo 240v.

33 AD Cher, 8 G 283, pièce 9.

34 (...) libertas arbitrii requiritur, Michel Lochmaier, Practica electionum..., fo 6.

35 Soit les deux tiers des cas pour lesquels les délais sont connus.

36 Le cardinal Rolin à Autun, Jean Cœur et Pierre Cadouet à Bourges, Charles de Bourbon à Lyon (mais il est aussi évêque de Clermont), Louis de Beaumont à Paris, Robert de Croismare à Rouen.

37 Hélie de Bourdeille est mort au Château d’Artannes (Artannes-sur-lndre, 37), P. Calendini, « Hélie de Bourdeille », DHGE, t. 10, 1938, col. 149, et Jean de Beauvau à Eventard, F. Uzureau, « Jean de Beauvau », DHGE, t. 7,1934, col. 309.

38 Louis d’Aubusson à Tulle, car « il résida constamment dans son diocèse », G. Mollat, « Louis d’Aubusson », DHGE, t. 5,1931, col. 270, et Pierre du Chaffault à Nantes, le très court délai entre sa mort et l’élection ne pouvant s’expliquer autrement.

39 Antoine de Léotoing-Montgon, évêque de Saint-Flour, est sans doute mort à Paris, dans le couvent des Augustins où il s’était retiré, AN, X1a120, fo 62v, 12 mai 1486. Robert Briçonnet, archevêque de Reims, est mort à Moulins, P. Desportes, Diocèse de Reims, op. cit., p. 215.

40 Jean d’Armagnac, évêque de Castres, est mort à Rome en 1493, L. de Lagger, « Jean d’Armagnac », DBF, t. 3,1939, col. 684 ; Jean Balue à Ripatransone en 1491.

41 Cette information est en effet dûment notée car le décès en Curie d’un évêque rendait son bénéfice à la provision pontificale. Ainsi on peut être sûr que onze d’entre eux n’y sont pas morts sans connaître pour autant le lieu de leur dernier soupir : Jean de Bourbon évêque du Puy, Nicolas Boutaud de Luçon, Jean Bonal de Maguelonne, Renaud de Bourbon de Narbonne, Pons de Salignac de Sarlat, Simon Bonnet de Senlis, Pierre de Lion de Toulouse, Jean de Mareuil d’Uzès, Jean de Bar de Beauvais, Jean Bureau de Béziers.

42 Ainsi les provisions sont faites dans le même consistoire à la suite des trois résignations et du transfert de l’évêque de Cahors, et trois jours plus tard, après le transfert de celui de Lectoure.

43 N. Valois, Histoire de la Pragmatique Sanction..., op. cit., p. LXXXV, XCVII.

44 AD Cher, 8 G 283, pièce 47, parchemins nos 2 et 3, témoignages (8 juillet 1484 ; 28 mai 1485). Cela correspond à ce que l’on sait de Sixte IV qui, bien que le concordat de 1472 n’ait pas été ratifié, s’est engagé à attendre les lettres du roi avant de pourvoir à un siège.

45 AN, X1a 4829, fo 399, 400v, 401, 5 août 1488.

46 M. Harsgor, Recherches sur le personnel du Conseil du roi..., op. cit., p. 876.

47 AN, X1a 4834, fo 405v, 4 juillet 1493.

48 AN, X1a 8321, no 11, lettre du 21 décembre 1491.

49 Diocèse et arrondissement de Senlis, commune de Montlévêque, Oise.

50 Μ. A. Menier, « Le chapitre cathédral de Senlis... », op. cit., p. 97 et suiv.

51 AN, X1a 4838, fo 79, 26 janvier 1497. Est-ce une habitude pour les parlements d’acquiescer aux unions ? Le parlement de Toulouse, à la fin du règne de Charles VII, a consacré les unions accordées par le pape, J.-L. Gazzaniga, L’Église du Midi au temps de Charles VII, op. cit., p. 203.

52 (...) in dominum et maqistrum Gerardum Gobaille virum utique probum prudentem, doctum, vita et moribus merito commendatum, in sacris ordinibus et etate legitima constitutum, de legitima matrimonio procreatum et in spiritualibus plurimum circonspectum, AN, LL 125, p. 283.

53 Cosme Guymier, Glosa pragmaticae..., fo 72, ad « Aetatis ».

54 G. Le Bras, Institutions ecclésiastiques..., op. cit., p. 370, P. Imbart de La Tour, Les élections épiscopales dans l’Église de France..., op. cit., p. 41.

55 C’est ainsi qu’il est présenté dans les plaidoiries du Parlement, et le terme de postulé, qui serait adéquat puisqu’il n’a pas l’âge requis, n’apparaît jamais dans le discours de son avocat. Par exemple, AN, X1a 4825, fo 52,18 décembre 1483.

56 AD Yonne, G 34, item 116. Etate matura est peut-être une expression traditionnelle signifiant que l’évêque a l’âge requis, ainsi en 991, Gerbert est aussi etate matura, J. Gaudemet, Les élections dans l’Église latine..., op. cit., p. 107.

57 Encore une fois Amboise, promu à 24 ans à Montauban, Federico di San Severino à Rouen (28), Charles de Bourbon à Clermont (28), Pierre de Rochechouart à Saintes (22), Jacques de Saint-Gelais à Uzès (< 20), Robert de Lenoncourt à Tours (19 ou 25), César Borgia à Nantes (17) et Antoine du Bois à Beauvais (16-17) et Béziers (18).

58 AN, X1a 4826, fo 236v, 5 juillet 1485, ASV, Reg. Lat. 838, fo 224r-v. Aucune des deux sources n’étant d’une fiabilité certaine, c’est l’âge de 25 ans qui a été retenu dans le tableau. Dans tous les cas, Robert de Lenoncourt est incapable.

59 AN, X1a 4826 fo 20g, 6 juin 1485, A. Bernier éd., Procès-verbaux des séances du conseil..., op. cit., p. 44,18 août 1484, p. 77, 23 août 1484.

60 AN, X1a 4838, fo 37, 29 décembre 1496.

61 A. Tardieu, Histoire de la ville de Clermont-Ferrand, Moulins, 1870-1871, p. 194. L’auteur ne donne pas plus de précision.

62 A. Renaudet, Préréforme et humanisme..., op. cit., p. 294, n. 7.

63 Lenoncourt à Tours, Rochechouart à Saintes sont sous-diacres ; il est reproché à Jacques de Saint-Gelais à Uzès, de ne pas être prêtre. AN, X1a 4827, fo 48v, 22 décembre 1485.

64 « (...) n’est prêtre ni pourvu ad ordines », AN, X1a 4837, fo 168, 10 mars 1496 ; AN, X1a 4837, fo 151v, 3 mars 1496. Dans les sources utilisées dans cette étude, c’est le nom de du Carrel qui est transcrit mais il s’agit bien de Charles de Caretto et je remercie Jean-Michel Matz de me l’avoir signalé.

65 Pierre d’Absac de la Douze, Jean de Bilhères, André d’Espinay, Girault de Maumont, Jean Neveu, Louis Pot, Bernard de Sédières, François des Voisins.

66 Pierre de Castelbajac, Pascal Dufour, Nicolas Maugras, Guillaume de Menypeny.

67 Benoît Jehan dit de Saint-Moris, AN, X1a 1504, fo 109v, 23 mai 1498, pour une quittance et sous la plume du greffier. Dans les autres actes il est dit « maître ou messire » ; et Jacques Faucon, AN, V5 1042, fo 102, 13 novembre 1500 et fo 319,31 mai 1505. B. Chevalier, « Le cardinal Guillaume Briçonnet, évêque de Nîmes (1496-1514) », dans Foi, fidélité, amitié, Mélanges Robert Sauzet, p. 45-54, Tours, 1994, p. 47, n. 14, pense que cette dénomination est seulement liée au fait que le chapitre n'est pas sécularisé, mais comme Faucon est membre de ce chapitre, il n’y aurait rien d’étonnant à ce qu’il soit augustin.

68 Il n’y a cependant aucun mendiant, pourtant leur influence est grande auprès de Charles VIII, cf. C. Beaune, « Visionnaire ou politique ? Jean Michel, serviteur de Charles VIII », JS, 1987, p. 78. Est-ce conjoncturel ?

69 Cosme Guymier, Glosa pragmaticae..., fo 72, ad « Scientia ».

70 J.-L. Gazzaniga, « Les États généraux de Tours », op. cit., p. 36-37, ID., L’Église du Midi au temps de Charles VII, op. cit., p. 117. H. Millet, Les chanoines du chapitre cathédral de Laon, 1272-1412, Rome, 1982, p. 218.

71 L’usage du terme « maître » peut-il nous renseigner sur les autres ? Selon Bernard Guenée, Tribunaux et gens de justice dans le bailliage de Senlis à la fin du Moyen Âge, 1380-1550, Strasbourg, 1963, p. 187-188, le terme de maître est donné à ceux qui sont au moins maîtres ès arts. Sur les clercs parties en procès au parlement de Paris, trente et un sont au moins une fois désignés par ce terme. Seize appartiennent au groupe de diplômés connus et quinze non. Doit-on les comptabiliser, gonflant ainsi le poids des lettrés dans cette course à l’épiscopat ? Mais Jacques Verger souligne les emplois multiples de ce vocable, « Prosopographie des élites et montée des gradués », dans L’État moderne et les Élites xiiie-xve siècles, Apports et limites de la méthode prosopographique, Paris, 1996, p. 363-372, ici p. 371 et Les gens de savoir en Europe à la fin du Moyen Âge, Paris, 1997, p. 135. Il recouvre trois éléments distincts, le titre universitaire, le savoir effectif et l’appellation sociale, dont beaucoup de magistri ne possèdent qu’un ou deux. Rien ne certifie donc que ces trente et un maîtres bénéficient d’une formation intellectuelle, même sans assurer que, dans ce cas, cette dernière a été acquise au sein des universités.

72 N. Bulst, Die französischen Generalstände von 1468 et 1484, Prosopographische Untersuchungen zu den Delegierten, Sigmaringen, 1992, p. 165.

73 J.-P. Boudet, « Faveur, pouvoir et solidarités sous le règne de Louis XI : Olivier le Daim et son entourage », JS, 1986, p. 219-257, ici p. 232.

74 Voir la communication de A.-M. Chagny-Sève et G. Hasenohr, lors de la réunion des Fasti Ecclesiae gallicanae du 3 juillet 2000.

75 Cinq nobles pour quinze docteurs, douze pour seize licenciés et cinq pour six bacheliers.

76 H. Millet, « Les chanoines au service de l’État : bilan d’une étude comparative », dans État moderne : Genèse, Bilans et Perspectives, éd. J.-Ph. Genet, Paris, 1990, p. 137-145, ici p. 143. Et H. Millet et P. Moraw, « Les clercs dans l’État », op. cit., p. 256.

77 On peut remarquer qu’il n’y a aucun docteur en droit civil ; étant donné l’importance accordée au droit en cette période, une licence en cette matière a-t-elle autant de poids qu’un doctorat dans une autre ? Le droit civil ouvre en effet plus de carrières, y compris dans le domaine canonique, alors que le droit canon ferme les carrières civiles, ainsi que nous l’a fait remarquer Gérard Giordanengo.

78 AN, X1a 4837, fo 168,10 mars 1496, X1a 4829, fo 400,10 mars 1496.

79 Latran IV. Mais cela était édicté auparavant, par exemple au concile de Bénévent (28 mars 1091), et dès les premiers temps, P. Imbart de La Tour, Les élections épiscopales dans l’Église de France..., op. cit., p. 476.

80 Voir chapitre 7.

81 L’Espagnol est César Borgia, fils du pape Alexandre VI, pourvu de Nantes et postulé à Castres en 1493 ; les autres sont Galeas della Rovere à Agen en 1478, Charles de Caretto à Angers en 1491, Federico di San Severino à Rouen en 1493, Antoniottus Pallavicini à Lectoure en 1494, Michel Colonna que Charles VIII essaie d’imposer à Saintes en 1493 ; Jean Standonck, originaire de Malines, élu à Reims en 1497, et Guillaume de Menypeny, élu à Bourges en 1492.

82 Pour le Moyen Âge, L. Caillet, La papauté d’Avignon et l’Église de France, op. cit., p. 297 ; P. Montaubin, « Étrangers en Chrétienté, clercs italiens en France et en Angleterre (fin xiie–mi-xive siècles) », dans L’étranger au Moyen Âge (Actes du XXXe congrès de la SHMES), Paris, 2000, p. 233-244. Pour le xvie siècle, Ch. Higounet (dir.), Histoire de l'Aquitaine, Toulouse, 1971, p. 359-360. Dans ce présent chapitre, il n’est cependant question que des candidats et non des possesseurs pacifiques.

83 Diocèse de Bourges, arrondissement de Sancerre, Cher.

84 ASV, Arch. Cons., Act. camer., no I, 1489-1503, fo 17v.

85 L’origine précise est inconnue pour deux élus, trois pourvus et les bénéficiaires des trois cas dont on ne sait quasiment rien.

86 Les « régions » correspondent ici à des entités politiques, d’inégale ampleur : Auvergne, Bourgogne, Languedoc, Dauphiné, Aquitaine, Normandie mais aussi Vivarais... Cette subdivision a ses défauts, car les terres sont plus morcelées dans le sud que dans le nord du royaume.

87 Auger de Brie à Angers, Guillaume de Cambray à Bourges, Pierre de Chalençon au Puy et Hugues de Talaru à Lyon.

88 Pierre Cadouet à Bourges, Pascal Dufour à Pamiers et Jean Simon à Paris.

89 Est dit « proche » celui qui vient d’une « région voisine » : ainsi Guichard d’Aubusson, originaire du Limousin, pourvu de Cahors dans le Quercy, ou Denis de Bar originaire du Berry et pourvu de Tulle dans le Limousin.

90 Il s’agit de Jean Neveu, abbé de La Victoire à Senlis, qui se proclame déjà évêque par l’acte d’union.

91 Claude de Doyac et Pierre de Castelbajac.

92 Transféré à Clermont en 1475, il ne peut réussir à s’y installer définitivement car le cardinal de Bourbon s’arroge cet évêché auvergnat en plus de l’archevêché lyonnais. Antoine Allemand tente alors de reprendre possession de Cahors que le pape avait attribué à la suite du transfert à Guichard d’Aubusson.

93 R. Locatelli, « les élections épiscopales à Besançon... », op. cit., p. 108.

94 Guillaume de Cambray à Bourges, Antoine de Chalon à Autun, Mathurin de Dercé à Luçon, Guy de Tourettes à Saintes.

95 Pierre de Rosier à Toulouse, Jacques Faucon à Nîmes, Guillaume de Montboissier à Clermont, Nicolas Maugras à Uzès, Pierre de Chalençon au Puy.

96 Guillaume Gueguen à Nantes et Hugues de Talaru à Lyon.

97 Pierre de Javailhac à Béziers. AN, X1a 8231, fo 186v, 19 juillet 1491.

98 Voir V. Julerot, « “Peuple” chrétien et élection épiscopale... », op. cit., p. 32, n. 23.

99 Cosme Guymier, Glosa pragmaticae..., ad « Utiliorem », fo 68, Michel Lochmaier, Practica electionum..., fo 7v-8.

100 Celui-ci avait d’ailleurs soutenu Antoine de Chalon en 1462 pour le siège de Besançon, mais sans succès, laissant la place à Charles de Neufchâtel, H. Hours, Diocèse de Besançon, Fasti Ecclesiae Gallicanae, Turnhout, 1999, p. 72.

101 Les doyens Guillaume de Cambray, Antoine de Chalon, Mathurin de Dercé et Guy de Tourettes ; les prévôts Pierre de Chalençon et Guillaume de Montboissier ; l’archidiacre Hugues de Talaru.

102 L’appartenance ou non au chapitre est un élément inconnu pour Charles de Blanchefort élu à Senlis.

103 Sont de la ville capitale du diocèse : Isarn Barrière est de Montpellier, très proche de Maguelonne et future capitale du diocèse, Auger de Brie est d’Angers, Pierre de Chalençon du Puy, Guillaume de Menypeny, bien qu’il soit d’origine écossaise, est abbé de Saint-Satur de Bourges. Sont de la région : Pierre de Castelbajac, élu à Pamiers, est de la Bigorre, Antoine de Luserch, élu à Cahors, Jean de Saint-Étienne, élu à Montauban, sont du Languedoc, Claude de Doyac, élu de Saint-Flour, est d’Auvergne et plus précisément de Cusset, Jean d’Espinay, postulé à Nantes, est breton, Bertrand de Roquelaure, élu de Lectoure, est d’Armagnac. Enfin Jean Doriole, élu à Montauban, est de Cahors, non loin, et Raymond de Commers, élu à Sarlat, semble être d’une famille qui a été au service du vicomte de Turenne, non loin donc de Sarlat.

104 Pierre d’Absac, Georges d’Amboise, Jean de Bilhères, Guillaume Briçonnet, Guillaume de Cambray, Mathurin de Dercé, Pierre de Foix, André d’Espinay, François Hallé, Charles de Martigny, Geoffroy de Pompadour, Pierre de Sacierges, Jean de Rély.

105 Cinq docteurs, quatre licenciés, un bachelier.

106 J.-L. Gazzaniga, « Les clercs au service de l’État dans la France du xve siècle », dans Droits savants et pratiques françaises du pouvoir, Bordeaux, 1992, p. 253-278, ici p. 259.

107 Pierre Faure – dit parfois Fabry, Fabri –, fils de Gacien, et Pierre Doriole, ou d’Auriole ; il est le fils du chancelier selon A. Viala, Le Parlement de Toulouse et l’administration royale laïque, 1420-1525 environ, Albi, 1953, t. 1, p. 123.

108 Charles et Hector de Bourbon, Antoine du Bois, neveu de Philippe de Crèvecœur, maréchal d’Esquerdes, Benoît Jehan dit de Saint-Moris, neveu d’Imbert de Batarnay, Robert de Lenoncourt, neveu de Jean de Baudricourt.

109 Guichard d’Aubusson, frère d’Antoine, Claude de Doyac, frère du célèbre Jean, Jean et Robert d’Espinay, frères d’André, Louis Pot, frère de Guyot et Philippe, Pierre de Rochechouart, frère d’Aymar.

110 Antoine de Chalon, cousin de Jean prince d’Orange.

111 Denis de Bar est le beau-frère du chancelier Pierre Doriole – il a épousé sa sœur Charlotte – qui siège au Conseil à la date de sa provision à Tulle en 1471 ; il est aussi le fils de Jean, conseiller influent de Louis XI, mais celui-ci est mort deux ans auparavant ; cette parenté l’a cependant sûrement servi.

112 Gilles de Laval, parent de Pierre selon M. Harsgor, et l’abbé de Saint-Satur, élu à Bourges, Guillaume de Menypeny, parent de son homonyme le seigneur de Concressault, très proche conseiller de Charles VII et Louis XI, AN, X1a 4834, fo 169v, 14 février 1493. Philippe Maurice signale un Georges de Menypeny, parent également du conseiller royal, vicaire général de Mende de 1478 à 1481 : y a-t-il une erreur de prénom à un moment quelconque ou s’agit-il de deux personnes différentes ? P. Maurice, « Évêque par l’élection du chapitre ou par la volonté du roi ? », RHEF, 86, 2000, p. 39-54, p. 50.

113 Et notamment par R. Gaguin ; cf. F. Collard, « La pensée politique d’un clerc humaniste...», op. cit., p. 31-33.

114 M. Harsgor, Recherches sur le personnel du Conseil du roi..., op. cit., p. 2432 ; J.-L. Gazzaniga, « Les clercs au service de l’État », op. cit., p. 267.

115 Jean Balue à Angers et Autun, Jean Neveu à Senlis, tous deux confesseurs et aumôniers ; et Pierre Cadouet à Bourges, aumônier seulement.

116 Jean de Rély élu à Angers, Georges d’Amboise à Narbonne et Rouen ; Georges d’Amboise pourvu à Montauban.

117 X. de la Selle, Le service des âmes à la cour. Confesseurs et aumôniers des rois de France du xiiie au xve siècle, Paris, 1995, p. 101.

118 J.-L. Gazzaniga, « Les clercs au service de l’État... », op. cit., p. 256-257.

119 Ibid., p. 256.

120 G. Le Bras, Institutions ecclésiastiques..., op. cit., p. 374, précise que ce serment n’est pas un hommage.

121 AN, X1a 4826, fo 41v – 42,16 décembre 1484.

122 H. Millet et P. Moraw, « Les clercs dans l’État... », op. cit., p. 24g.

123 N. Bulst, Die französischen Generalstände von 1468 und 1484..., op. cit., p. 264.

124 Bien que noté dans les plaidoiries, ce fait reste à prouver, AN, X1a 4838, fo 403.

125 AD Yonne, G 34, p. 256.

126 Jean Balue, Jean de Bilhères, Guillaume de Cambray, François Halle et Pierre de Sacierges, également membres du Conseil, Benoît Jehan et Guichard d’Aubusson, parents d’un membre, puis Guillaume de Montboissier et Jean Simon.

127 AN, X1a 4825, fo 275v, 2 août 1484.

128 M. Harsgor, Recherches sur le personnel du Conseil du roi..., op. cit., p. 2458.

129 N. Bulst, Die französisrhen Generalstände von 1468 und 1484..., op. cit., p. 340. L’auteur note que vingt-quatre prélats ont été élus délégués (deux archevêques et vingt-deux évêques) mais que vingt-deux furent présents (un évêque n’a pu venir, un autre faisait partie de deux circonscriptions), représentant 27,1 % des élus du clergé (quatre-vingt-un).

130 Les deux archevêques de cette assemblée, Pierre Cadouet de Bourges et André d’Espinay de Bordeaux. Pierre d’Absac de la Douze évêque de Rieux, Antoine Allemand évêque de Cahors, Denis de Bar évêque de Tulle, Étienne Goupillon évêque de Sées, Geoffroy de Pompadour évêque de Périgueux, Guichard d’Aubusson, évêque de Carcassonne et Jean de Bilhères, évêque de Lombez.

131 J.-L. Gazzaniga, « Les États généraux de Tours de 1484... », op. cit., p. 39, 42.

132 Pierre d’Absac à Lectoure en 1487, André d’Espinay à Lyon en 1488 et Geoffroy de Pompadour au Puy en 1486.

133 Ch. Samaran, Jean de Bilhères-Lagraulas, cardinal de Saint-Denis, Paris, 1921.

134 Il reste le cas de Thibaut Bourgoing dont on ignore le mode d’accession.

135 Nicolas d’Argouges à Tours, Isarn Barrière à Maguelonne, Jean de La Barrière à Bayonne, Jean de Brugères à Montauban, Raymond de Commers à Sarlat, Pierre de Rosier à Toulouse, Pierre Dubois à Agen, Jacques Faucon ou Falcon à Nîmes, Gérard Gobaille à Paris, Pierre de Javailhac à Béziers, Guiraud Jehan à Pamiers, Antoine de Luserch à Cahors, Gilles Merchant à Luçon, Nicolas Maugras à Uzès, Girault de Maumont à Tulle, Jean Quentin à Senlis, Jean de Saint-Étienne à Montauban, Bernard de Sédières à Sarlat, Jean Standonck à Reims, Hugues de Talaru à Lyon.

136 Guillaume Leroy à Maguelonne.

137 François des Voisins à Montauban, A. de Montferrand à Senlis.

138 J.-L. Gazzaniga, L’Église du Midi au temps de Charles VIL.., op. cit., p. 245. Nicolas de Rosier est aussi juge de Lauragais en 1457, mais l’est-il encore à cette date ?

139 Jean, 1375-1389 et Amédée, 1415-1444.

140 J. Beyssac, Les chanoines de Lyon, op. cit., p. 138.

141 Voir infra, p. 158-159.

142 M. Piton, « L’idéal épiscopal... », op. cit., p. 395-396.

143 Charles de Bourbon obtient ce siège supplémentaire en 1476.

144 Voir annexe 1.

145 AN, X1a 123, fo 54, 2 avril 1488.

146 P. Ourliac, « Le concordat de 1472. Étude sur les rapports de Louis XI et de Sixte IV », Études d’histoire du Moyen Âge, 1,1979, p. 399-489, p. 421. Les bénéfices consistoriaux étant taxés pour le tiers de leur valeur, le revenu réel est donc le triple. La base du calcul des taxes n’a pas changé depuis le règne de Jean XXII, pour lequel Louis Caillet donne la liste des revenus, La papauté d’Avignon et l’Église de France, op. cit., p. 487 et suiv. Mais les taxes sont moindres, car la Pragmatique Sanction de 1438 consacre la réduction accordée aux bénéfices français au concile de Constance. Cf. D. U. Berlière, Inventaire analytique des libri obligationum et solutionum des Archives Vaticanes (Cambrai, Liège, Thérouanne), Rome-Bruges-Paris, 1904. Cela signifie donc que les revenus ont baissé, et cela à cause des crises des xive et xve siècles. Dans quelles proportions exactes ? En tous les cas, les chiffres valant pour le règne de Jean XXII – Rouen (36 000 florins) rapportant 120 fois plus que Bayonne (600 florins), ne sont certainement plus adaptés. Pour les évolutions concernant le siège de Rouen à la fin du Moyen Âge, cf. V. Tabbagh, Le clergé séculier du diocèse de Rouen à la fin du Moyen Âge, 1359-1493, Thèse, 1988, Paris IV, p. 561-563.

147 Nemo enim debet sibi assumere honorem, sed vocandus est a deo tanquam Aaron, Cosme Guymier, Glosa pragmaticae..., ad « Procurare », fo 69.

148 (...) unde multum admiratus extiterat, AN, X1a 120, f 63,12 mai 1486.

149 J.-M. Le Gall, Les moines au temps des réformes..., op. cit., p. 437.

150 Doctrina verbi, exemplo boni, salubriter et feliciter, in statu pacifico et tranquille, par exemple, bulles de provision de Jean Simon, ASV, Reg Vat. 766, fo 189, et de Charles de Joyeuse, copiée dans AD Cantal, 346F, 33 bis, fo 5v.

151 J. Gaudemet, Le gouvernement de l’Église à l’époque classique, op. cit., p. 49, t. 8, vol. 2.

152 Episcopum et pastorem, curam et administrationem dicte ecclesie, uniter et prospere, ASV, Reg. Vat. 766, fo 189r-v, provision de Jean Simon, Reg. Vat. 850, fo 263v, provision d’Antoine de Luserch.

153 Jugum (...) tuis impositum humeris.

154 Scientie, vite, munditie, honestate, morum spiritualum providentie ac temporalium circumspectionem, aliisque multipliorum virtutum donis fidedigne testimonie perhibentur direximus oculos nostri mentis, quibus omnibus debita meditatione pensatis de persona tua nobis et eisdem fratribus nostris ob dictorum meritorum tuorum accepta, ASV, Reg. Vat. 850, fo 204r-v. C’est parfois une formule plus lapidaire, ob tuorum exigentium meritorum accepta, Reg. Vat. 766, fo 189.

155 ASV, Reg. Vat. 788, fo 195r-v, nouvelle provision d’André d’Espinay à Lyon, 12 des calendes de mars 1494. Est-ce une formule destinée à remercier d’Espinay en tant que cardinal ou comme conseiller du roi présent dans les affaires italiennes ? En septembre 1493, il est prévu qu’il parte pour Rome, sans que l’on en sache le but. AD Yonne, G 34, p. 440. Il a sans doute appuyé le choix de Jean de Bilhères pour la pourpre, lors de la promotion du 20 septembre 1493. Fait-il ensuite partie des ambassadeurs français discutant des problèmes soulevés par la succession au royaume de Naples et cette assertion est-elle destinée à se rendre plus favorable Charles VIII ? L. Pastor, Histoire des papes, t. 5, p. 399. J. Turmel éd., Le journal de Burchard..., p. 167.

156 AD Cher, 8 G 283, pièce 50, fo 4.

157 De dictorum fratrum consilio. Pascal Montaubin, Le gouvernement de la grâce..., op. cit., p. 679, parle de « front uni de la collégialité de l’Église romaine ».

158 J. Verger, Les gens des avoir..., op. cit., p. 126.

159 AD Cher, 8 G 283, pièce 47, parchemin no 1, témoignage daté du 8 juin 1485 de Jean Moreau, chanoine prébendé de Chartres, présent à Cléry le jour où Louis XI choisit son confesseur.

160 Par exemple, lors de la provision de Federico di San Severino à Rouen, ASV, Reg. Vat. 777, fo 81-81v. Le texte étant souvent le même, le scribe se contente d’écrire simili modo, ce qui explique le peu de folios concernés. Dans ce cas précis, il n’y a pas la bulle aux vassaux qui doit sans doute se trouver ailleurs ( ?) ; en revanche une bulle est adressée au clergé du diocèse, une autre à tous les ecclésiastiques. L’ensemble de ces bulles – y compris aux vassaux – en faveur de Pierre Cadouet est mentionné : AD Cher, 8 G 283, pièce 50, fo 4r-v. Lorsque Jean Simon présente sa bulle de provision au chapitre parisien, il lui présente en même temps une lettre « narrative » adressée au chapitre, AN, LL 125, p. 355.

161 Une élection épiscopale n’est pas la seule occasion pour laquelle il faille justifier son vote. Un siècle plus tôt, le n juin 1398, les nombreux clercs, appelés à donner leur opinion sur une éventuelle soustraction d’obédience et à voter, écrivent sur une cédule les raisons de leur choix, après avoir prêté serment. Cf. H. Millet, « Les votes des évêques à l’assemblée du Clergé de 1398 : analyse diplomatique et étude du comportement », dans L’écrit dans la société médiévale, divers aspects de sa pratique du xie au xve siècle, dir. C. Bourlet et A. Dufour, p. 195-214, Paris, 1993.

162 Ex virtute juramenti, electores peccarent si eligerent aliquem etiam idoneum praetermisso scienter idoneiore, Cosme Guymier, Glosa praymaticae..., ad « Utiliorem » fo 68. Eligite meliorem et eum qui vobis placuerit de filiis Domini vestri, Michel Lochmaier, Practica electionum... Thema collationis, fo 5v.

163 AD Rhône, 10 G 1376, p. 5-8.

164 Chanoine de Lyon depuis le 13 juillet 1472, reçu le 4 décembre 1475, « précenteur » le 30 août 1485. J. Beyssac, Les chanoines de Lyon, op. cit., p. 142-143. L’auteur précise qu’il prit une part active au différend soulevé par l’élection de Talaru, et qu’il fut excommunié pour ce fait, ce qui ne l’empêcha pas de mener sa vie régulière au cloître et à l’église. Il meurt le 22 avril 1526. Le précenteur est un dignitaire du chapitre et, tout comme le chantre, est en charge de la liturgie ; il devait commencer l’office à chaque fois que le rite entraînait la sonnerie des grosses cloches. Cependant, le chantre avait dans la direction du personnel ecclésiastique une part plus importante que le précenteur. Ibid., p. XLVIII.

165 Voir infra, p. 280.

166 (...) quia vidit et scivit ipsum pulchre forma ac benignum et humilem in dicta lugdunense ecclesia nutritum et eruditum, de regno et patria luqdunense, a nobili progenie ortum et procreatum et in prosecucione suorum et dicte ecclesie negociorum diligentissimum, quare credit et sibi videtur esse dicte ecclesie utiliorem.

167 Tous les chiffres prennent en compte la déclaration du sacristain.

168 Bene formatus ou compositus.

169 Voir supra, p. 151, n. 139.

170 Nutritum, eruditum.

171 Patria.

172 Usum, morem, statuta, constituciones.

173 Doctus, eloquens, bene et notabiliter se rexit et gubernavit.

174 Gratus Deo, gratus régi.

175 Pauperum fantor, pads amator.

176 Pulchre stature, doctus, humilis, prudens, omnibus gratus.

177 Dans les Gestes des évêques d’Auxerre, il est écrit que l’évêque Renaud de Saligny [élu le 6 décembre 1244, P. B. Gams, Series episcoporum, op. cit., p. 502] a été choisi en raison de sa beauté et de sa prestance : Huic successit Reginaldus de Siligniaco, prius ecclesie Autissiodorensis decanus, postea per illam electionis formam que a jure scrutinium nuncupatur, in episcopum promotus, vir quidem corporis statura procerus, candidus et rubicundus et pulchritudine corporali electus ex milibus. Je remercie Noëlle Deflou-Leca de m’avoir indiqué cette information, contenue dans le vol. 2 de cette œuvre à paraître, dir. M. Sot.

178 J.-Cl. Schmitt, « Corps et âme », dans Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, op. cit., p. 237.

179 Ainsi chez Albert le Grand et Thomas d’Aquin, U. Eco, Le problème esthétique chez Thomas d’Aquin, Paris, 1993, p. 58-59.

180 T. Suarez Nani, « Beauté », dans Dictionnaire encyclopédique du Moyen Âge, op. cit., vol. 1, p. 182.

181 De gremio.

182 Il est le fils de Mathieu de Talaru et de Jeanne de la Palu.

183 É. Delaruelle, E. R. Labande et P. Ourliac, L'Église au temps du Grand Schisme..., op. cit., p. IX, à propos de l’Église en général.

184 Michel Lochmaier, Practica electionum..., fo 7v-8.

185 Liber Deuteronomii, 17,15 : « Tu ne pourras pas te donner un roi étranger qui ne soit pas ton frère ».

186 Il précise qu’elles proviennent des Actes des Apôtres, 1 (sans doute pour opposer le portrait de Judas à celui du bon évêque) et des Épîtres à Timothée, 3 (classique pour définir l’évêque) et à Tite, 1. Toutes ses références sont exactes.

187 Paul Bertrand souligne ce pan important de la réforme, « Pour une nouvelle diplomatique du Moyen Âge », Les communautés et leurs écrits, journée d’études du Lamop à Villejuif, 25 et 26 mars 2004. Dans les chroniques épiscopales Scandinaves, l’image du bon évêque est aussi fortement liée à sa qualité de bon gestionnaire. Élisabeth Mornet y voit trois explications : l’influence des stéréotypes antérieurs, adaptés à la situation particulière des évêques nordiques, très engagés sur le plan politique ; il est donc nécessaire que ce soient des hommes d’action et des chefs temporels. Ensuite, la documentation à la disposition des auteurs provenait essentiellement des archives cathédrales, riches en ce domaine de gestion du temporel. Enfin, l’ambition des auteurs était de montrer l’excellence des sièges, qui dépendait, entre autres, de la bonne gestion des biens par les évêques précédents, É. Mornet, « L’image du bon évêque... », op. cit., p. 36, 38-40. En ce qui concerne l’élection chez les réguliers, Les Statuta cartésiens édictent même qu’entre un père spirituel et un « père particulièrement apte au maniement des choses temporelles », il faut préférer ce dernier, L. Moulin, La vie quotidienne des religieux..., op. cit., p. 196.

188 Même si des liens familiaux unissent quelques-uns de ces compétiteurs : les familles limousines de Geoffroy de Pompadour et de Guichard d’Aubusson sont liées entre elles. Denis de Bar est très lié à son compatriote Guillaume de Cambray, mais aussi à Jean Doriole dont le père s’est remarié avec sa sœur Charlotte.

189 AD Rhône, 10 G 1376, p. 3.

190 Docteurs ou licenciés en droit, ces « chevaliers », au nombre de sept, étaient recrutés pour défendre les intérêts de l’Église et du chapitre. J. Beyssac, Les chevaliers de l’Église de Lyon, op. cit., p. 13.

191 P. R. Gaussin, Louis XI..., op. cit., p. 315.

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Titre Tableau 2 – Élections et provisions
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