« Y a ung grant desordre »
|Première partie. Élections et conflits
Chapitre 2. Une pratique vivace, l’exemple de Paris
Texte intégral
- 1 Paris, AN, LL 125, p. 260-278 ; Rouen, AD Seine-Maritime, G 2144, fo 337V-338V ; AD Rhône, 10 G 28 (...)
- 2 Il s’agit bien de pages et non de folios, le notaire ayant numéroté chaque page.
1L’élection parisienne d’août 1492 est un exemple parmi d’autres élections pratiquées à cette période. Les registres capitulaires de Lyon, Paris et Rouen1 conservent le déroulement de l’élection et de ses préparatifs. Les registres parisiens sont les plus prolixes pour la description de l’élection elle-même : dix-neuf pages2. À Lyon, le nombre est également assez important : douze pages.
- 3 Celle de Denis du Moulin a eu lieu à une date pour laquelle les registres ne sont pas conservés, l (...)
- 4 AN, LL 112, p. 304-307, LL 277, fo 63-64.
- 5 AN, LL 113, p. 77, LL 277, fo 94r-v.
- 6 AN, LL 116, p. 376-381, l’ensemble avec les préparatifs de la veille et le procès-verbal adressé à (...)
- 7 AN, LL 126, p. 143-165.
2De tels volumes méritent que l’on s’y arrête. En effet, si l’on compare ces nombres à celui de Rouen (trois pages), ou que l’on se plonge dans les élections parisiennes antérieures du xve siècle3 – Jean Courtecuisse, élu le 27 décembre 14204, trois pages ; Nicolas Fraillon, le 28 décembre 14265, une page ; Guillaume Chartier du 4 au 6 décembre 14476, six pages – la différence est particulièrement frappante. Plusieurs raisons à cela : deux des élus parisiens et l’élu rouennais l’ont été par la voie du Saint-Esprit, de loin la plus rapide à relater ; un seul scrutin a suffi aux chanoines parisiens pour désigner Fraillon. En revanche, si pour l’archevêque lyonnais un seul scrutin a également suffi, sont retranscrites dans les registres capitulaires les motivations du vote de chaque chanoine, sans doute dans l’optique de la collation des mérites qui doit suivre le choix. Quant à l’élection de Gérard Gobaille en 1492, six scrutins sont nécessaires. On peut également penser que la présence du témoin Cosme Guymier explique ce souci du détail : ce juriste sait combien l’avenir d’une élection dépend de la façon dont on pourra la raconter au juge, afin d’en démontrer un déroulement entièrement canonique. Il faut voir dans ces pages comme une assurance avant procès, une pièce à conviction en prévision d’un débat fort probable. Le ton est peut-être donné, puisque le 5 novembre 14947, la description de l’élection de Jean Simon couvre vingt-trois pages.
- 8 Deux procès ont laissé des traces, celui devant la juridiction ecclésiastique métropolitaine de Se (...)
3C’est à partir de ce conservatoire de la mémoire capitulaire parisienne, à la fois conventionnel et très riche en détails, qu’une élection sera décrite. Une élection ne se mène pas seulement dans le secret du chapitre. Un certain nombre de règles ainsi que les enjeux politique, économique et spirituel empêchent les chanoines d’être totalement indépendants dans leur choix. Ainsi, pour permettre de bien saisir la signification d’un tel événement dans un diocèse, des précisions glanées dans les plaidoiries et les témoignages du procès parisien complètent ce tableau d’une élection, depuis son annonce jusqu’à sa réalisation8.
- 9 Jean Simon est le fils d’un avocat du roi au parlement de Paris, Jean Simon, et de sa seconde épou (...)
4Mercredi 8 août 1492, est élu évêque de Paris Gérard Gobaille, chanoine de la cathédrale. Cette élection est aussitôt contestée par un autre chanoine, Jean Simon9. Comment s’est-elle déroulée ?
Les prémices d’une élection
5Une élection commence bien avant le jour J, car des conditions sont nécessaires à sa tenue tout comme de nombreux préparatifs.
Les conditions nécessaires
- 10 AN, X1a 4834, fo 122V, 24 janvier 1493.
« Dit que vacant derrenierement l’evesché de Paris par le trespas de messire Loys de Beaumont derrenier evesque et paisible possesseur, corpore tradito sepulture et morte régi nunciata, les doyen et chapitre de Paris delibererent de elire »10.
6Sont reprises dans cette plaidoirie deux étapes obligatoires précédant l’élection – on peut noter cependant que dans l’enchaînement réel des faits, la décision d’élire a été prise avant que le roi ne soit prévenu.
- 11 (...) febre correptus (...) etatis sue anno xlvemigravit ad Cristum, Obituaires de la province de (...)
- 12 A. Paravicini Bagliani, Le corps du pape, Paris, 1997, p. 129-133.
7Il est tout d’abord nécessaire que le siège soit vacant. Louis de Beaumont, évêque pourvu le ier juin 1472 par Sixte IV et à la demande de Louis XI, « rongé par la fièvre (...), âgé de 45 ans, rejoignit le Christ »11 le 5 juillet 1492. Il est précisé que ce dernier est enterré ; l’enterrement semble perçu comme la preuve de la mort, puisque aucune élection ne peut avoir lieu du vivant de l’évêque en place ; c’est en effet une loi fondamentale de l’Église qu’il ne peut y avoir qu’un évêque par diocèse. Ce souci serait-il issu des modalités de l’élection pontificale ? En effet, Agostino Paravicini Bagliani souligne que pour assurer une correcte passation de la potestas papae et la continuité institutionnelle, les lettres d’élection papale, depuis le choix de Grégoire VII en 1073, comportent la séquence : mort du prédécesseur, sépulture, élection. Puis, à partir du xiiie siècle, ces lettres décrivent également les deux étapes des obsèques et de l’inhumation avec de plus en plus de précisions12. Il semble bien y avoir une évolution parallèle sur certains points entre élection épiscopale et élection pontificale, même si tout se passe beaucoup plus rapidement pour un évêque ordinaire – pas de novemdiales ni de deuil organisé : le pape n’est-il pas le premier des évêques ?
8Il est ensuite de bon ton que le roi soit prévenu de la mort du prélat :
- 13 Fuit insuper ordinatum quod domini cantor [Arthur de Vaudetar], penitentiarius [Jean Quentin], [Je (...)
« Il fut ensuite ordonné que les seigneurs chantre, pénitencier, Simon, Cambray et Briçonnet, iraient auprès du roi, étant donné qu’il se trouvait à Paris, pour lui annoncer la mort de l’évêque ainsi que la décision du chapitre d’élire ou postuler une personne agréable à Dieu et au roi, utile au peuple, sans cependant lui demander la permission d’élire, car le chapitre parisien n’est pas tenu de la demander »13.
- 14 BM Ajaccio, ms 138, III, no 33, p. 83 : prêtre, licencié en droit civil et canon, chanoine depuis (...)
- 15 Sur sa biographie, voir infra, p. 98, η. 119.
- 16 Guillaume de Cambray (ca 1430-1505), chanoine de Notre-Dame-de-Paris depuis le 18 décembre 1478, i (...)
- 17 Sur ces chanoines, voir supra, p. 80, n. 9, et infra, p. 101, n. 135.
- 18 AN, LL 125, p. 236. Sur les liens entre le prieuré parisien du Val-des-Écoliers et le pouvoir roya (...)
9Outre deux dignitaires du chapitre, le chantre et avocat Arthur de Vaudetar14 et le pénitencier et docteur en théologie Jean Quentin15, sont désignés trois conseillers au Parlement, Guillaume de Cambray16, Jean Simon, et Robert Briçonnet17. Le jour même, le 6 juillet donc, la délégation se présente à Charles VIII, dans une chapelle de l’église Sainte-Catherine-du-Val-des-Écoliers, église liée au pouvoir politique, où le roi est en compagnie de prélats et de grands. Celui-ci les remercie et les prévient qu’il leur fera connaître sa volonté18.
- 19 Par exemple en 1407, les chanoines de Paris décident d’élire le successeur de Pierre d’Orgemont, m (...)
- 20 Noble originaire du Poitou, fils aîné de Louis de Beaumont, seigneur de la Forêt, et de Jeanne Jou (...)
- 21 AD Yonne, G 34, p. II.
- 22 Lemaistre fait remonter en droit cette autorisation à Philippe II, AN, X1a 4830, fo 177,12 mars 14 (...)
- 23 AN, J 345B, no 131 et no 141.
- 24 AN, LL 116, p. 373.
- 25 On trouve le modèle de lettre d’autorisation dans l’Art notarié de la chancellerie royale, compilé (...)
- 26 AN, X1a 4830, fo 116, 5 février 1489.
- 27 J. Gaudemet, La collation par le roi des bénéfices vacants en régale, Paris, 1935, p. 59.
10En sus de l’annonce de la mort de Beaumont, les émissaires ont également prévenu le roi de leur désir d’élire le prochain pasteur. Et le roi s’en contentera. C’est là une décision capitulaire qui se retrouve ailleurs. Ce mode de désignation n’est donc pas évident. L’affirmer est traditionnel, même avant la Pragmatique19, et aussi conjoncturel. Tous se souviennent du règne de Louis XI au cours duquel procéder à une telle cérémonie n’était pas facile. À Paris, tout particulièrement, la nomination de Louis de Beaumont20 a été imposée par son père, conseiller « qui avait alors une grande autorité auprès du roi Louis » et qui a empêché les chanoines de pratiquer l’élection, sous peine de représailles21. Les chanoines, qui ont eu beaucoup de mal à accepter cette intrusion, se sont réservés pour élire dès qu’ils le pourraient. Et le jour est enfin arrivé. Ils estiment cependant ne pas être tributaires de la soumission qui veut que le roi leur accorde le congé d’élire22. Cela serait nouveau puisque subsistent dans les archives deux demandes d’autorisation, en 1426 et 143923, et le récit de l’élection de Guillaume Chartier rend compte de celle obtenue en 144724. Dans l’autorisation, le roi montre son attachement à la désignation par les chanoines et à sa volonté de participer au bon fonctionnement de l’Église25. À moins d’alléguer une volonté capitulaire d’exprimer sa liberté, de montrer que l’élection interdite de 1472 va enfin avoir lieu, il est difficile de trouver la raison de cette velléité d’indépendance. En outre, « il y a registre exprès ou trésor des Chartres et en la chambre des comptes ou sont enregistrées les églises qui doivent et ont acoustumé de demander congé »26. Cette liste serait-elle celle concernant la régale, qui implique un lien plus étroit entre le roi et certaines cathédrales ? Dans ce cas, Paris y figure, pour la régale temporelle et spirituelle27.
- 28 (...) ne ipsa ecclesia parisiensis propter diuturnam vacacionem pateretur in spiritualibus et temp (...)
11Le jour choisi pour le « négoce » est distant d’un mois exactement, puisque le lundi 6 août est retenu à Paris. Ce délai semble correct pour faire face à tous les préparatifs. C’est répondre, mais avec pondération, à la crainte tant de fois exprimée qu’une église sans pasteur soit désolée, ainsi qu’il est noté le jour de l’élection à Paris : « Pour que l’Église de Paris ne souffre pas, tant au spirituel qu’au temporel, d’une vacance prolongée »28. Quoi qu’il en soit, le délai est conforme à la législation, inférieur à trois mois.
- 29 AN, LL 125, p. 260
12Prévenir le roi, enterrer le défunt, demander théoriquement le congé d’élire, décider de la date constituent les premières étapes nécessaires. Leur accomplissement est d’ailleurs rappelé dans les registres capitulaires le jour même de la cérémonie, avant le début des opérations29.
- 30 Respectivement AN, LL 125,10 juillet, p. 239 ; n juillet, p. 239 ; 13 juillet, p. 241 ; 16 juillet (...)
- 31 Comme cela se passe aussi à la curie romaine, A. Paravicini Bagliani, Le corps du pape, op. cit., (...)
- 32 AN, LL 125,12,13 et 14 juillet, p. 241-243.
- 33 AN, LL 125, p. 250 et p. 253.
13Il faut parallèlement continuer à régler les affaires du chapitre – par exemple à Paris accueillir un nouveau chanoine, s’occuper des prisonniers, vendre une maison canoniale, désigner les titulaires de chapelle, discuter de l’exécution du testament de Louis de Beaumont, régler les problèmes liés à la mort de l’archidiacre de Brie, bref tout ce qui emplit la vie ordinaire de cette communauté30 –, et régler aussi celles du siège vacant, le chapitre étant alors responsable de l’administration du diocèse – récupérer les différents registres des causes civiles, des amendes, des testaments... faire déposer les sceaux et les casser31, désigner les officiers curiaux exerçant sede vacante et les installer32. Il faut bien sûr aussi penser à tous les détails matériels de l’élection. Pour superviser l’ensemble, sept chanoines sont désignés le 27 juillet, ils en rendent compte le 30, sans que la teneur de leurs propos soit consignée par le notaire33. Quels sont ces préparatifs ?
Convoquer le corps électoral
- 34 Depuis le concile de Béziers de 1233, cf. R. Gane, Le chapitre de Notre-Dame de Paris au XIVe sièc (...)
14On l’a vu, le corps électoral est le chapitre cathédral, mais sont concernés seulement les chanoines ayant voix au chapitre. Il faut être plus que simple clerc, avoir reçu les ordres majeurs, et cela est conforme au droit34 ; le jour de l’élection, tous sont appelés, sauf :
- 35 (...) magistro Nicolao d’Argouges numme vocato eo quod a tempore citacionis contra eum emanate et (...)
« Maître Nicole d’Argouges parce que, depuis le moment de sa citation, il a résigné ses canonicat et prébende parisiens en faveur d’Aymeri d’Argouges, son neveu, simple clerc n’ayant pas voix au chapitre et donc jamais cité »35.
- 36 Pour les absents, AN, LL 125, p. 263-264, cf. infra, p. 99-100.
15Les autres chanoines sont classés en trois groupes : prêtres (41), diacres (5) et sous-diacres (1). En tout, quarante-sept électeurs espèrent avoir entre leurs mains l’avenir de leur diocèse, alors que le nombre de chanoines est de cinquante et un. L’explication en est simple : en dehors du simple clerc qui n’a pas voix au chapitre, deux sont absents et réputés contumaces, un autre, l’archidiacre de Brie, est mort trop récemment pour que son canonicat ait retrouvé preneur36.
16Comment réunir tous ces hommes ? Il est bien noté, dès la première réunion où l’élection est décidée, la nécessité de citer – selon le terme propre à la juridiction ecclésiastique – les absents ; les présents au chapitre du 6 juillet sont considérés suffisamment prévenus. Dès le 7 juillet,
- 37 AN, LL 125, p. 237. Ordinatum est quod magister Guillermus Coudurier commissus ad officium sigilli (...)
« Que maître Guillaume Coudurier, commis à l’office de garde du scel à la curie parisienne, adresse les édits de l’élection et qu’il en paie les frais sur les revenus du sceau ; aujourd’hui furent envoyés les messagers, chargés de porter aux absents leur citation pour l’élection du futur pasteur »37.
- 38 AN, LL 125, p. 238.
- 39 AN, LL 125, p. 256. Ainsi, à Rouen, c’est dans le compte du chanoine Jean Esterlin, « trésorier de (...)
17Et le g, la liste des absents est dressée, les lettres de citation lues en chapitre puis au chœur, après tierce et la grand-messe. Enfin, une copie est affichée sur les portes de la cathédrale38. Les courriers qui achemineront les lettres jusqu’à leurs destinataires seront payés encore une fois sur les revenus du sceau de la curie, c’est-à-dire sur des revenus épiscopaux et non canoniaux39. Cette formalité accomplie et parfaite permet la bonne tenue du chapitre le jour dit ; elle prévient surtout toute réclamation ultérieure d’un chanoine se prévalant de son ignorance pour contester une élection.
Choisir les notaires et les témoins
- 40 L’usage de ce terme dans ce cas et dans des cas similaires démontre bien qu’il signifie avant tout (...)
- 41 AN, LL 125, p. 254.
- 42 Ainsi l’exprime Jean Simon, « au regard des solennitez introduictes per concilium basiliensium de (...)
- 43 AN, LL 125, p. 261. Sur le secret de l’élection, voir infra, p. 88, 281-285.
- 44 AN, LL 125, p. 277, on peut lire ses titres au complet, à la fin du relevé des scrutins : Presbite (...)
- 45 Ibid., p. 278 : Ego johannes Raoulin presbiter cenomanensis diocesis in decretis baccalarius publi (...)
- 46 Le notaire du chapitre se trouve aussi à Lyon et Rouen.
- 47 AN, LL 125, p. 277 : Presbiter arcium magister Turonensis diocesis publicus apostolica et imperial (...)
- 48 AN, LL 125, p. 258. G. Alberigo, Les conciles œcuméniques..., op. cit., p. 969.
18Les chanoines ne sont pas seuls au moment clé. Six hommes les accompagnent dans un souci qu’on peut appeler de transparence. Quelques jours auparavant, le mercredi ier août, les chanoines ont choisi, « élu »40, trois notaires et trois témoins, en dehors du cercle des chanoines41. Quel que soit le mode d’élection qui sera retenu, ils sont nécessaires, mémoire et garantie des faits qui vont se dérouler dans le secret du chapitre42. Tous prêtent serment d’accomplir leur tâche. Les notaires doivent écrire « fidèlement » et ne rien communiquer des secrets de l’élection ; les témoins doivent en garder un souvenir « fidèle » et ne rien communiquer non plus43. À Paris trois notaires sont désignés : Nicolas Militis, entre autre notaire de la cour de l’archidiacre de Paris44, Jean Raoulin, notaire de la curie parisienne45, et le notaire du chapitre – sans doute un obligé de la procédure46 –, Jean Gaudon47. Tous prêtres, familiers des instances ecclésiastiques parisiennes, ce sont des professionnels qui recevront un « modeste » salaire. Et cela est conforme au décret Sicut in construenda48.
- 49 Voir supra, p. 68-69.
- 50 AN, LL 125, p. 261.
- 51 AD Yonne, G 34.
- 52 A. Renaudet, Préréforme et humanisme..., op. cit., p. 42. Jean Panesthier (nom parfois orthographi (...)
- 53 AD Yonne, G 34, item XXIIII.
19Trois témoins les accompagnent. Cosme Guymier nous est désormais connu49. Pierre Pametcher est pensionnaire du collège de Prelles. Tous les deux sont licenciés en décret. Simon Vyart, « grand vicaire « de l’église cathédrale, est le dernier. Tous les trois sont prêtres50. Cette liste pourrait a priori démontrer que deux des trois observateurs sont extérieurs à la cathédrale et peuvent ainsi remplir leur charge temporaire de façon plus objective. Or, ils sont en réalité liés à ce milieu, et plus précisément à la personne de Gérard Gobaille, le chanoine parisien qui sortira vainqueur de cette épopée d’août 1492. Cosme Guymier loge en effet dans sa maison canoniale et joue auprès de lui le rôle de conseiller51. Pierre Pametcher a d’abord un lien avec le chapitre puisque son oncle, Jean, en a été membre52, mais aussi avec Gérard Gobaille qui est le principal du collège de Prelles que Pametcher administre en son nom, et tous deux sont originaires de Soissons53. Rien d’étonnant, puisque le collège accueille des boursiers de cette ville. Ces six hommes sont donc clercs et titulaires de l’ordre de la prêtrise. Au moins cinq sur six (on ne sait rien de Simon Vyart) ont étudié, et tous ont un lien professionnel ou relationnel avec la cathédrale parisienne. Ils sont sans doute plus à même que d’autres de comprendre ce qui va s’y passer, sous leurs yeux attentifs, et pourront tous bénéficier de la science de Guymier en ce domaine.
Préparer le lieu de l’élection
- 54 J.-L. Gazzaniga, L’Eglise du Midi au temps de Charles VII, op. cit., p. 113, n. 18. Il suit en cel (...)
- 55 Cela est prescrit par une décrétale de Célestin V († 1198), XI, 6, 20, citée par J. Gaudemet, Le g (...)
20Le lieu de l’élection est déterminé le 2 août. Encore une fois, ce choix inscrit dans les registres implique qu’aucun lieu n’est réservé de façon intangible à ces pratiques. Le texte de la Pragmatique ne précise rien ; Cosme Guymier estime que l’élection de l’évêque doit avoir lieu dans l’église cathédrale, mais que ce lieu ne fait pas partie de la substance de l’élection54. Ce qui importe, c’est que les électeurs soient réunis en un même lieu55. Les chanoines parisiens décident donc, si l’élection se fait par scrutin,
- 56 AN, LL 125, p. 255. Quod fiat scrutinum intra capitulum in aliquo angulo sed quod domini poterunt (...)
« (...) qu’elle se déroule à l’intérieur du chapitre, dans un coin, mais que les seigneurs puissent, durant l’élection, sortir du chapitre et se détendre dans le petit cloître s’ils le veulent »56.
- 57 Locus scrutini erat cum pannis et cortinis vallatus, AD Yonne, G. 34, p. 142.
- 58 AN, LL 125, p. 266 : Ad certum locum in uno angulo dicti capituli tapetis seu tentoriis ornatum ad (...)
- 59 Ainsi pour l’élection de Fraillon, AN, LL 277, fo 94 et pour celle de Simon, cf. note ci-dessus et (...)
- 60 Il en est de même à Lyon et Rouen mais, à Lyon, le scrutin est recueilli dans la chambre du trésor (...)
21Le lendemain, ordre est donné de préparer le lieu du scrutin en l’entourant d’étoffes et de tentures57, afin de l’isoler et de protéger le secret du vote58. Il s’agit donc de l’ancêtre de l’isoloir, mais pas vraiment d’un « conclave », car le lieu, s’il est fermé, ne l’est pas à clé. Délimiter un coin du chapitre semble assez commun59. Même si la voie du scrutin n’est pas suivie, le chapitre sera le lieu de la réunion60.
- 61 Sans doute le cloître de Saint-Denis-du-Pas qui jouxte la salle du chapitre.
- 62 AD Yonne, G 34, p. 115, 146.
22Préparer le lieu, c’est aussi prévoir tout ce qui sera nécessaire aux chanoines si les opérations doivent se prolonger. Il était prévu que les chanoines puissent aller prendre l’air dans le petit cloître61, ce qui effectivement eut lieu, mais l’on sait par les témoignages qu’ils se sont également rendus dans les maisons canoniales62. Discuter semble une activité fort prisée et, on le verra, peu recommandable, mais sortir est aussi le fait de nécessités naturelles :
- 63 Vidit quod nonnulli ex dominis canonicis exiebant a dicto capitula, aliqui ad vectiam emittenda et (...)
« Il vit que quelques-uns des seigneurs chanoines sortaient du chapitre, les uns pour libérer leur vessie, d’autres pour boire et manger ; ils déambulaient dans le petit cloître, parlant les uns avec les autres63 ».
23La logistique a d’ailleurs bien été pensée, car se trouve à proximité des chanoines ce qui est nécessaire à leur bien-être et doit leur permettre de rester sur place ; tout a été préparé par le camérier :
« Dans une petite pièce proche du chapitre, au-dessous de la chambre dite “des comptes”, furent préparés par le camérier de l’église, appelé Borsier, différents aliments : du pain, du vin, des viandes, des gâteaux et des fruits et d’autres nourritures, afin que les seigneurs électeurs, s’ils en éprouvaient le besoin, puissent boire et manger, sans avoir à sortir du chapitre avant la fin de l’élection ».
- 64 In quadem parva camera proxima capitula subtus cameram que dicitur compotorum, per camerarium dict (...)
24Les scrutateurs ne sont pas oubliés, car un témoin déclare « avoir vu dans le lieu où se déroulait le scrutin, des serviteurs apporter du pain, du vin et d’autres nourritures, pour permettre aux scrutateurs de manger »64.
25Pendant que le chapitre s’affaire pour permettre un bon déroulement de ce jour si important dans la vie du diocèse, d’autres personnes ne restent pas inoccupées et se soucient, au moins autant que lui, du résultat de l’élection. C’est que celle-ci représente un enjeu qui dépasse largement la cathédrale.
L’enjeu d’une élection
26Que l’élection soit un enjeu important, le chapitre en est bien conscient : le choix du pasteur concerne tout un diocèse. La première chose à faire est donc de demander son aide pour le moment de l’élection où Dieu fera connaître son choix.
La participation de la population
- 65 J. Gaudemet, « L’évêque dans la cité en France (xie-xive siècles) », Estratto da Studia Gratiana, (...)
- 66 Pour plus d’éléments sur cette question des processions, de la campagne électorale et du rôle attr (...)
27Tous les habitants du diocèse sont intéressés au choix de leur évêque. L’évêque est leur pasteur, guide des âmes pour « préparer, pour un autre monde, ce que celui-ci lui a refusé », mais aussi un seigneur temporel, un très grand seigneur foncier et justicier65. Le prélat intervient donc dans tous les aspects de la vie de son troupeau. Les habitants appartiennent également à cette communauté qui, de manière mythique, sinon historique, désignait son pasteur aux premiers temps de la chrétienté. Bien qu’en cette fin du xve siècle, ils n’aient aucun rôle effectif dans l’élection, ils ne sont pas négligés, loin de là, dans les préparatifs. Deux événements importants le prouvent : une campagne de processions demandée par le chapitre aux paroisses, et un affichage de libelles raillant l’élection à venir en plusieurs lieux de Paris66.
- 67 Il en est de même à Rouen où le 12 août sont ordonnées des processions pro electione futuri pastor (...)
- 68 AN, LL 125, p. 251 : Et ut Deus vellet dare et administrare pastorem qui sciat et valeat ad honore (...)
- 69 B. Guenée, « Liturgie et politique. Les processions spéciales à Paris sous Charles VI », dans Sain (...)
- 70 B. Guenée, « Liturgie et politique... », op. cit., p. 48.
- 71 P. Arabeyre, Les idées politiques à Toulouse à la veille de la Réforme..., op. cit., p. 524.
- 72 Voir Première partie, chapitre i.
- 73 AD Yonne, G 34, p. 14, XI : Item quinymo clerus et populus desiderabant ut idem Symonis eligeretur (...)
- 74 Par exemple : Quod in civitate et universitate parisiensibus ante electionem vox communis erat quo (...)
28On ne sait rien du trajet des processions demandées dans les paroisses par le chapitre pour les deux dimanches qui précèdent le jour de l’élection, mais on connaît la teneur des prières : outre les demandes traditionnelles – que les terres donnent des fruits, que les corps humains soient préservés de la peste et des autres maladies – l’une est alors conforme à la préoccupation du moment67 : « Et pour que Dieu veuille donner un pasteur capable d’exercer sa charge pour l’honneur de Dieu et de l’Église, et le salut du peuple »68. Il semble que ces processions soient un rituel informel que l’on pourrait associer au genre des processions décidées causa necessitatis, n’appartenant pas au cycle régulier de la liturgie, et servant d’abord à supplier69. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette initiative capitulaire. La première est d’ordre religieux : on demande aux fidèles et futures brebis de soutenir par leur prière l’action capitulaire de l’élection. Cela permet de construire la réalité d’une Église diocésaine, au moins dans le cadre de la cité ; en rendant les fidèles intermédiaires, et donc acteurs, de l’élection de leur évêque, le chapitre reconnaît leur existence et leur attribue un rôle. La seconde raison lui est liée, elle laisse apparaître un souci de bon gouvernement : par l’intermédiaire de ces processions, le chapitre peut s’enquérir des avis des Parisiens sur l’élection attendue, pratiquant en quelque sorte un « sondage d’opinion rudimentaire »70. Si l’on suit le juriste Guillaume Benoît qui écrit que les électeurs peuvent bénéficier du « secours de la fama publica » pour être guidés dans leur choix71, on peut penser que le chapitre parisien obéit à la formule : « L’élection des clercs, le souhait du peuple »72. Et si l’on prend en compte un article du libelle de Jean Simon qui expose l’opinion publique parisienne73, ainsi que les témoignages qui portent sur cet article74, exprimant le plus souvent une préférence pour Jean Simon, on peut encore se demander si quelques chanoines ou leurs proches n’auraient pas colporté cette information précise, espérant manipuler l’opinion du peuple du diocèse – par l’intermédiaire de ceux qui participent à ces processions – pour asseoir a posteriori la renommée de l’élu et indiquer au juge de la confirmation en faveur de qui précisément s’est exprimé le consentement populaire. Organiser ces processions, ce peut alors être, au moins au niveau de la cité, et en ce moment théoriquement fondamental pour le corps diocésain, appliquer la théorie politique du consentement.
- 75 Des campagnes électorales, parfois très animées, existent déjà au ve siècle, L’Église d’Orient et (...)
- 76 Pour le texte de ces placards et le fonctionnement de la campagne, cf. V. Julerot, « “Peuple” chré (...)
- 77 Voir supra, p. 80, n. 9.
- 78 Par exemple, vox popularis tam in clero quam in populo talis erat Parisius, quod prefatus magister (...)
- 79 Il est conseiller au parlement de Paris le 4 novembre 1485 et chanoine de Notre-Dame depuis le 2 f (...)
- 80 BM Ajaccio, ms. 138, I, no I2, p. 307 : Jean le Picart ou Picard, clerc, chanoine depuis le 6 nove (...)
- 81 Voir infra, p. 101, n. 135.
- 82 Voir supra, p. 82, n. 16.
- 83 Jean de Rély est le seul de cette liste à ne plus être membre du chapitre parisien, mais depuis pe (...)
- 84 Chanoine de Notre-Dame depuis le 22 juin 1486, il y est chantre, BM Ajaccio, ms. 138, III, p. 245. (...)
- 85 L’étude plus précise du contexte de l’élection parisienne de 1492 et de ses protagonistes fera l’o (...)
29Ces processions peuvent ainsi être considérées comme un épisode d’une campagne électorale75, tout comme le placardage d’affichettes dans la ville de Paris. La collusion de la mention de ces affiches avec l’exposé de la « voix » du diocèse de Paris, dans le même article XI du libelle de Jean Simon, semble démontrer que, pour les contemporains, l’ambition de cette offensive était de faire changer la population d’opinion. En plusieurs lieux de Paris, et notamment au palais royal, sont affichés des placards en papier, rotuli, libelli ou encore breveti, rédigés en français. Ils provoquent le rire et bien des discussions, peut-être des disputes76. Les noms de huit chanoines, dont sept de la cathédrale, y figurent. On raille leur amour de la bonne chair ou l’importance de leur réseau dont ils se serviraient pour influer sur l’élection. Les deux chanoines le plus fréquemment cités sont Jean Simon77 et Nicole de Haqueville78. Cela correspond d’ailleurs aux patronymes le plus souvent donnés dans les témoignages indiqués plus haut. Viennent ensuite Étienne Poncher79, Jean Picard80 et Robert Briçonnet81, Cambray-sans doute Guillaume -82, Jean de Rély83 et enfin Martin Ruzé84. Hormis Jean de Rély, qui est cependant le confesseur de Charles VIII, tous sont membres du parlement de Paris : la prise pour cible de chanoines influents et conseillers du roi laisse percevoir des envies et des rivalités au sein du chapitre parisien85. De façon évidente, apparaît Jean Simon qui contestera l’élection de Gérard Gobaille.
- 86 BM Ajaccio, ms. 138, III, no 36, p. 155 : il est chanoine depuis le 11 octobre 1475.
- 87 E. Wickersheimer, Dictionnaire biographique des médecins du Moyen Âge, Genève, 1936-1979 : écolier (...)
30Une bribe de conversation, mentionnée dans les témoignages, laisse encore à penser qu’au moins certains quartiers de Paris ont connu une véritable agitation pré-électorale. Les paroles rapportées sont attribuées à Cosme Guymier-encore lui ; il les aurait adressées à Guillaume Coudurier86, chanoine de la cathédrale, et à Pierre Allusson87. Il y présente une image du prélat en accord total avec les idées réformatrices et les sermons d’un Maillard ou d’un Raulin :
- 88 AD Yonne, G 34, p. 112 ; déposition de Guillaume Coudurier : Insuper dicens quod dictus Guymier di (...)
« Le témoin déclara que Guymier, avant l’élection, sur le parvis de l’église, en présence de maître Pierre Allusson docteur en médecine, lui dit qu’il ne fallait pas élire un homme de haute condition, mais un parmi les plus simples et les plus petits, comme notre Seigneur Jésus-Christ qui choisit ses apôtres et ses disciples parmi les hommes humbles, pêcheurs ou autres petites gens »88.
- 89 Le dauphin Charles-Orland naît le 10 octobre 1492.
31Par le rituel informel des processions, par le placardage des affichettes électorales et les discussions, la population, cléricale ou laïque, semble interpellée sur cet événement de l’été 1492 à Paris. Mais les chroniqueurs du très court règne de Charles VIII n’en font pas écho. Est-ce en raison de l’importance dominante des affaires plus proprement politiques – les affaires de Bretagne, les démêlés avec le duc d’Orléans, l’expédition d’Italie qui se profile et divise la cour, l’attente d’un héritier89 ? Pourtant, le roi lui-même est très intéressé par le choix du prélat de sa capitale. Aux états généraux de Tours, Jean de Rély lui a vanté :
- 90 Discours de Jean de Rély aux états généraux de 1484, dans Jean Masselin, Journal des États générau (...)
« (...) la dignité, noblesse et antiquité de vostre bonne cité de Paris, qui est le siège de vostre royale majesté, l’ancienne habitacion des roys, le lit de vostre justice, la maison de sapience divine et le lieu esleu par monseigneur saint Denis, apostre de France, pour en deriver la foy es autres parties du royaume »90.
- 91 (...) eciam quod parisiensis ecclesia speculum omnium aliarum tocius regni ecclesiarum existebat, (...)
32Charles VIII fait d’ailleurs dire plus tard aux chanoines que « l’Église de Paris est le miroir de toutes les autres Églises de l’ensemble du royaume »91. Il a donc bien des raisons d’intervenir, en plus de celles contenues dans la Pragmatique.
L’intervention du prince
33En personne ou par ses envoyés, Charles VIII propose un candidat. Dès le 6 juillet 1492, c’est-à-dire le jour où les chanoines lui apprennent la mort de Beaumont, il propose son confesseur Jean de Rély, maître en théologie. Et dans les jours d’août précédant l’élection, pas moins de trois visites ont lieu, dont une du roi en personne, puis une le premier jour même de l’élection, le 4 août, et enfin une dernière le 6. Cette pression exercée envers les chanoines n’a rien d’exceptionnel. Un crescendo peut s’analyser dans les interventions ; au cours de la dernière, le roi propose que, s’ils ne choisissent pas son confesseur, ils décident de s’en remettre au pape et donc d’abandonner leur droit d’élire.
- 92 N. Valois, Le conseil du roi aux xive, xveet xvie siècles, Paris, 1888, p. 162,169. Ils l’étaient (...)
- 93 Très influent au début du règne de Charles VIII et lié au sire de Beaujeu, Y. Laban de Mailfert, C (...)
- 94 Y. Labande-Mailfert, Charles VIII, op. cit., p. 25-26,130.
- 95 Il ne semble pas encore avoir joué un rôle important.
- 96 Y. Labande-Mailfert, Charles VIII, op. cit., p. 133.11 a également joué un rôle dans la délivrance (...)
- 97 Il est déjà au service de Louis XI, P. R. Gaussin, « Les conseillers de Louis XI », op. cit., p. 1 (...)
- 98 C’est lui qui est à l’origine de la libération du duc d’Orléans, enfermé dans la tour de Bourges, (...)
- 99 P. R. Gaussin, Louis XI..., op. cit., p. 117, et J. Favier, Louis XI, op. cit.
- 100 Depuis 1491, Y. Labande-Mailfert, Charles VIII, op. cit., p. 25-26, 39,112.
- 101 (...) notabilem et suffïcientem personam et bene notam capitulo, AN, LL 125, p. 236.
- 102 La postulation emprunte la plupart des formes et des règles de l'élection, et se combine d’un appe (...)
- 103 Pro bono et utilitate ecclesie regis et regni, AN, LL 125, p. 237.
- 104 E. Petit, « Séjours de Charles VIII », Bulletin historique et philologique du Comité des Travaux h (...)
- 105 Le 6 août, AN, LL 125, p. 267.
- 106 AN, LL 125, p. 258-259.
- 107 AN, LL 125, p. 261. Je remercie Gérard Giordanengo de m’avoir indiqué la meilleure traduction poss (...)
34Les messagers du roi sont tous des proches, et quasiment tous ont servi son père Louis XI ; ce ne sont donc pas des novices en de telles démarches. Le 6 juillet, pour donner le ton, ce sont deux membres du Conseil92, Louis Malet, sire de Graville, amiral de France depuis 148793, et Imbert de Batarnay, seigneur du Bouchage, « l’un des meilleurs négociateurs du règne », très proche de Charles VIII, dès avant la mort de Louis XI94. Le ier août – les chanoines ont eu le temps de réfléchir – c’est au tour de Guillaume de Poitiers, seigneur de Clérieu95, et du diplomate écossais Béraud Stuart d’Aubigny96. Le 4, c’est Guillaume Gouffier, seigneur de Boisy97, et le 5 c’est le même accompagné d’une autre personne – malheureusement son nom n’a pas été inscrit. Pendant l’élection, le 6 août, reviennent le seigneur de Graville et le seigneur d’Aubigny. Enfin, le 8, puisque les précédents semblent ne pas avoir été écoutés, est expérimentée l’efficacité de deux nouveaux ambassadeurs, l’influent Jacques de Miolans98 et Étienne de Vesc, aux côtés de Charles depuis sa naissance, plus tard son favori 99 premier valet de chambre du roi et sénéchal de Beaucaire100. Ils viennent quasiment toujours par groupes de deux, l’association changeant, le renouvellement des personnes permettant peut-être de mieux toucher des chanoines de différentes sensibilités. À chaque fois, l’information est semblable : le candidat du roi est Jean de Rély, « notable personne, fort recommandable et bien connue du chapitre »101, puisqu’il s’agit d’un ancien de Notre-Dame. Le 6 juillet 1492, Charles VIII demande qu’il soit élu ; les autres jours, il ne sera question que de le postuler, les émissaires ayant certainement été informés que le confesseur du roi ne peut être élu, car il l’a déjà été à Angers, le ier décembre 1491, – siège pour lequel il est d’ailleurs en procès. Il ne peut donc être que postulé pour être ensuite déclaré élu, si l’on veut employer un terme juridique correct102. L’objectif ? « Pour le bien et l’utilité de l’Église du roi et du royaume »103. L’Église gallicane sera donc grandie par cette disposition. En dehors de la signification de cette formule, peut-être toute faite – l’action d’un évêque rejaillissant sur une partie de cette Église –, le choix de Rély, réformateur influent et reconnu, dépasse sûrement dans l’esprit du roi le simple cadre parisien. D’ailleurs, le roi vient en personne ; l’a-t-il prévu depuis plusieurs jours104 ? Le fait n’est pas si fréquent pour que cette volonté soit soulignée par les messagers105. La veille du vote, il fait parvenir une lettre aux chanoines pour leur demander de retarder les vêpres, ce que ces derniers refusent : ce serait un scandale, trop de monde est déjà dans la cathédrale et les cloches ont déjà sonné. Les vêpres seront dites une seconde fois avec le roi. À leur issue, Charles VIII se rend dans l’hôtel épiscopal où il attend les chanoines après dîner pour leur signifier à nouveau son désir106. Le roi s’exprime en tant que « roi très chrétien et très haut et redouté seigneur », christianissimus et suppremus dominas noster rex107, splendide expression du gallicanisme.
- 108 Déjà pour l’élection de 1420, G. Grassoreille, « Essai sur l’histoire politique du chapitre de Not (...)
- 109 Sicut in construenda, traduction dans G. Alberigo, Les conciles oecuméniques..., op. cit., t. 2, p (...)
35Que le roi très chrétien et leur très haut seigneur soit présent ou non, les chanoines, ne différant en rien de l’attitude habituelle de leurs congénères, tiennent tête ou au moins gagnent du temps en se réfugiant derrière le rempart de la loi canonique – et cela n’est pas nouveau108 – qui leur fait défense de faire « passer au second plan la crainte du Seigneur » et de se soumettre à toute pression laïque109. En effet, à chaque fois la réponse est la même, et par exemple le ier août :
- 111 Conclusum est quod, Domino auxiliante, procederetur ad electionem seu postulacionem, AN, LL 125, p (...)
- 112 Episcopatus = temporel de l’évêché, J. Gaudemet, La collation par le roi de France..., op. cit., p (...)
36Cela correspond à ce qu’ils ont décidé dès le 6 juillet 1492 selon une formule habituelle : élire ou postuler avec l’aide de Dieu111. Les priorités sont clairement exprimées et se confondent avec la définition théorique de l’élection : Dieu seul est l’inspirateur dans le difficile choix d’un évêque. Cette inspiration ne peut que servir l’honneur de Dieu et de l’Église. Le roi et le peuple en seront contents. Le terme employé dans ces négociations est toujours episcopus, que ce soit dans la bouche des orateurs royaux ou des chanoines, terme qui se rapporte au temporel de l’évêché112. Cela est sans doute lié au rapport que l’évêque entretient avec le roi à ce propos, puisque c’est le monarque qui lui en accorde la délivrance. Le dernier jour cependant, le doyen, au cœur du processus électoral, emploie celui de pastor qui met l’accent sur la charge spirituelle. Est-ce signifier une fin de non recevoir ? C’est d’ailleurs dans le registre, en dehors de la relation des négociations, le terme sans cesse employé, seul ou en association avec episcopus.
- 113 AN, LL 125, p. 269.
37On voit qu’entre le 6 juillet et le ier août, aucune visite n’est signalée. Il ne reste aucune trace d’une quelconque activité scripturaire ou autre, mais il est impensable qu’elle n’ait pas existé, si l’on en croit d’autres exemples. En revanche, entre le 6 et le 8 août, les deux jours du « negoce », le roi fait venir auprès de lui quelques chanoines pour être informé113.
38Un corps électoral bien défini a été convoqué pour choisir le pasteur du diocèse, mais il n’empêche pas que, conformément à la loi et en raison de l’enjeu, le prince intervienne. En raison de l’importance du rôle d’un évêque dans la vie d’ici-bas et, qui sait, dans celle de l’au-delà, dans l’optique d’obtenir son consentement, la communauté est sollicitée et répond à ces sollicitations au cours d’un rituel informel, constitué de processions ; elle est intéressée au processus alors que, théoriquement, seuls les chanoines ont le pouvoir de faire l’élection. Décidément, Dieu ne fait pas tout.
Le temps et l’espace de l’élection
- 114 AN, LL 125, p. 263. Neveu de l’évêque de Meaux du même nom, il lui a succédé comme doyen du chapit (...)
39L’élection d’août 1492 se déroule sous la présidence du doyen, Jean Luillier, sans que cela pose problème114. Elle se joue dans le chapitre, mais aussi dans les lieux qui l’entourent, la cathédrale et le cloître Notre-Dame. Elle commence à six heures du matin.
Une bonne mise en condition
40Cette mise en condition passe par les solennités décrites lors du concile de Bâle qui ont pour objet de mettre les électeurs dans une attitude réceptive à la grâce de l’Esprit saint. Elle suit également certaines règles que l’on pourrait dire « administratives » pour bien discerner les chanoines ayant le droit de voter.
- 115 M. Dykmans, Le cérémonial papal, Bruxelles, 1977, t. 2, par exemple p. 156-157, élection de Bonifa (...)
- 116 AN, LL 125, p. 262. Finita dicta missa ad maius altare genibus flexis prostrati, sacramentum eucha (...)
- 117 C’est le frère de Thomas, théologien et un des juges de Jeanne d’Arc. Jean est docteur en droit, c (...)
41Les solennités sont respectées et leur accomplissement est noté avec soin par les notaires. Aucune mention toutefois n’est faite de la confession. Tout d’abord, la messe du Saint-Esprit, tout comme pour une élection pontificale115. Elle est célébrée à l’autel majeur par le doyen entre six et sept heures puis, les chanoines qui ne célèbrent pas eux-mêmes viennent recevoir la communion des mains du doyen. Leur liste est établie par le scribe. S’y trouvent bien entendu ceux qui ne sont pas prêtres mais aussi quelques autres116. Un seul ne se trouve pas dans la cathédrale, c’est l’archidiacre de Josas, Jean de Courcelles, conseiller au Parlement et chanoine depuis 1446 ; âgé et trop faible, il célèbre dans la chapelle de sa maison claustrale117. En revanche, assistent à cette cérémonie une foule nombreuse, selon les registres, et tout le clergé de Notre-Dame, qui accompagnent ensuite jusqu’au chapitre la procession des électeurs. Mais les portes de la pièce se referment sur les chanoines, les notaires et les témoins.
- 118 AN, LL 125, p. 262-263. Prefatus magister johannes Quentin penitentiarius in sacra theologia profe (...)
- 119 Jean Quentin a environ 62 ans. Ce docteur en théologie est issu d’une famille obscure de Noyon ; s (...)
- 120 AN, LL 125, p. 251.
- 121 C. Vanel, Histoire des conclaves depuis Clément V jusqu’à présent, Paris, 1869, p. 55 : après la m (...)
- 122 BAV, Codices Reginenses Latini, no 168, xiiie -xive s., « Scholastici sermones de praecipuis solle (...)
42Jean Quentin, le pénitencier, docteur en théologie et réformateur, fait un sermon « qu’il prononça élégamment et en latin, développant ce thème : “Qu’unanimes, vous honoriez Dieu d’une seule voix !”118 ». Le texte n’a malheureusement pas été transcrit, et aucun de ses sermons n’a été conservé119. Un mot clé du thème correspond tout à fait à ce que l’on a vu de ces élections, c’est bien sûr le terme « unanimes » souligné par « une seule voix ». Même si ce genre d’exercice n’est pas dicté par les conciles, il est naturel qu’il se fasse, surtout dans un chapitre comprenant un pénitencier, et la demande lui en a été faite dès le 27 juillet120. Il peut se faire aussi lors d’une élection pontificale, par exemple quelques jours plus tard lors de l’élévation d’Alexandre VI121. Des modèles existent, ainsi deux sermons De electionibus, qui correspondent cependant plus au rappel des qualités attendues de l’évêque et des règles de l’élection qu’à une mise en condition spirituelle, même si cet aspect n’est pas absent122.
- 123 AN, LL 125, p. 263 ; ils l’ont déjà fait le 4 août, p. 258.
- 124 (...) palam et publice alta voce coram populo trina vice, AN, LL 125, p. 263.
- 125 Clerc, licencié ès lois ; protonotaire du Saint-Siège ; chanoine le 2 avril 1468 (par permutation (...)
- 126 Ou Dauvet ? Clerc, maître ès arts, bachelier en droit civil ; chanoine le 29 avril 1467 (mort de J (...)
- 127 Licencié en droit canon, chanoine le 14 mars 1475 (mort d’Amy Gombert) ; évêque de Lisieux en 1482 (...)
- 128 Clerc, chanoine le 9 septembre 1485 (permutation Jean de Rochechouart) ; frère de Jean, fils de Je (...)
- 129 AN, LL 125, p. 264.
- 130 Le décompte des absents et cette monition se retrouvent dans toutes les élections parisiennes. Ils (...)
- 131 AN, LL 125, p. 265. Quibus monicione et protestacione sic factis ipse dominus decanus primo jurame (...)
43Vient ensuite le temps de la composition du groupe des électeurs. Notaires et témoins jurent à nouveau de remplir leur office123. Et celui-ci commence immédiatement puisque Jean Gaudon appelle tous les chanoines ayant voix au chapitre et ceux-ci répondent, sauf bien entendu les absents qui, les portes du chapitre rouvertes pour l’occasion, sont appelés par le même notaire, « publiquement, à haute voix et par trois fois devant le peuple »124. Ces absents sont au nombre de quatre, Antoine de Pompadour, évêque de Condom125, Robert d’Annet, archidiacre de Reims126, Étienne Blocet, évêque de Lisieux127 et Pierre de Rochechouart128. On voit que, pour trois d’entre eux au moins, le cumul des charges – ici autorisé puisque alliant un bénéfice avec charge d’âmes et un autre sans – explique en partie leur absence. Les portes se referment à nouveau et sont examinées les procurations que ces absents, sauf Robert d’Annet, ont fait parvenir. Seules deux sont retenues, mais est rejetée la demande de Blocet, car Nicole de Haqueville, son procurateur, y a trouvé des vices de forme. À la suite de toutes ces considérations, Annet et Blocet sont déclarés contumaces129. Les électeurs sont désormais désignés. Il reste à évincer ceux qui seraient déchus du droit d’élire parce qu’excommuniés ; sans cela, le processus serait invalide130. C’est ce que fait le doyen au nom de tous, en s’adressant à d’éventuels fraudeurs. Personne ne sort. Le doyen prête alors serment dans les mains du chantre et, ensuite, tous les chanoines prêtent serment dans les siennes d’élire « le plus utile à cette même Église pour le spirituel et le temporel »131.
Les longues heures du choix
- 132 BM Ajaccio, ms. 138, III, no 42, p. 265 : maître ès arts, bachelier en droit canon, chanoine depui (...)
- 133 Quibus juramentis sic prestitis dictus magister johannes de Louviers de sede sua assurgens elegit (...)
« Les serments prêtés, maître Jean de Louviers132 se leva de son siège, élut et nomma par la voie du Saint-Esprit pour devenir évêque et pasteur de l’Église parisienne maître Robert Briçonnet, chanoine de Paris ; le seigneur chantre et quelques autres des seigneurs chanoines firent de même, disant qu’ils ne voulaient empêcher la voie du Saint-Esprit, mais parce que tous ne furent pas d’accord pour poursuivre en cette voie, et que certains restèrent assis, elle fut abandonnée, et les seigneurs tenant chapitre décidèrent de procéder par la voie du scrutin, disant qu’elle leur paraissait la meilleure pour élire133 ».
- 134 Cela est résumé dans les plaidoiries, AN, X1a 4834, fo 123, 24 janvier 1493.
- 135 AD Yonne, G 34, p. 139. Fils de Jean, secrétaire de Louis XI puis receveur général des finances, p (...)
44C’est l’échec de la voie du Saint-Esprit, qui n’a pas inspiré tous les électeurs de la même manière134. C’est l’échec de Robert Briçonnet, âgé de 40 ans et membre de la célèbre famille Briçonnet, abbé commandataire de Saint-Vaast-d’Arras, président à la Chambre des enquêtes et conseiller du roi au Parlement135. Sa « richesse » et ses « parens », raillés dans les placards de la campagne électorale, n’auront pas suffi à le faire élire.
- 136 Tous les détails théoriques de la procédure sont empruntés à l’article de Léo Moulin, « Sanior et (...)
- 137 AN, LL 125, p. 265-166.
- 138 Voir supra, p. 92, n. 80.
- 139 BM Ajaccio, ms. 138, III, no 34, p. 109 : Jean Louet, prêtre, docteur et professeur en droit civil (...)
- 140 AN, LL 125, p. 271. L. Moulin, « Sanior et maior pars », op. cit., p. 502-503. C’est présenté par (...)
- 141 B. Guérard, Cartulaire de l’église Notre-Dame de Paris, op. cit., t. 1, préface p. LXXV-LXXVI ; il (...)
45C’est donc la voie du scrutin qui est adoptée136. Trois scrutateurs sont choisis pour recueillir les votes137. Les trois scrutateurs recueillent les voix dans le secret de l’isoloir, pourrait-on dire, alors que le notaire Nicolas Militis inscrit le choix de chacun et que les témoins écoutent. Ils les recueillent une à une, secrètement et collégialement, selon des termes immanquablement employés. Leur désignation n’est soumise à aucune condition précise sinon d’être dignes de foi. Après le scrutin, ils doivent se prononcer sur la possibilité ou non d’une élection, donner le nombre de voix et le nom des élus, mais en aucun cas celui des électeurs. Outre le chantre, Arthur de Vaudetar, ce sont Jean Picard138 et Jean Louet139. Comme tous doivent s’exprimer, les scrutateurs doivent aller à l’extérieur du chapitre rechercher les suffrages. Et c’est ainsi qu’ils se rendront, lors du dernier scrutin, dans la maison claustrale du vieux Jean de Courcelles pour entendre son choix140. Le cartulaire précise les termes rituels, qui insistent encore sur l’action divine se manifestant à travers la conscience humaine141.
- 142 AD Yonne, G 34, p. 19 : XXVIII.
- 143 L. Moulin, « Sanior et maior pars », op. cit., p. 518 : « Le principe de l’élection par une majori (...)
- 144 AN, LL 125, p. 268. Jam erat inter primam et secundam horas post meridiem et domini capitulantes e (...)
46Six scrutins sont nécessaires, deux le lundi 6 août, à l’issue desquels Jean Simon a la majorité142, mais elle n’est que relative (neuf voix au premier tour et douze au second). L’élection n’est pas parfaite143. La visite des envoyés du roi, entre une et deux heures de l’après-midi, ne fait qu’accentuer le malaise des électeurs, fatigués ; ils décident de continuer l’élection « le lendemain et les jours suivants »144. La journée du mardi, l’élection est une nouvelle fois reportée car le roi a mandé quelques chanoines. Nul doute que discussions et tractations ont meublé cette interruption. L’élection reprend le mercredi 8 août, après la messe du Saint-Esprit. Alors qu’ils s’installent dans le chapitre, ce n’est plus Jean Quentin qui les exhorte à l’unanimité, mais les messagers de Charles VIII qui leur vantent l’obéissance royale. L’ambiance est agitée :
- 145 AD Yonne, G 34, p. 350. Dicta die lune fuit bona statio seu residencia per dominos capitulantes in (...)
« Le lundi, les seigneurs chanoines étaient bien restés dans le chapitre, mais le mercredi, le témoin vit à diverses reprises plusieurs d’entre eux sortir du chapitre pour se rendre dans le petit cloître et discuter entre eux »145.
- 146 Depresse loquebatur, AD Yonne, G 34, p. 246, et aussi p. 151.
- 147 AD Yonne, G 34, p. 102.
47Elle est aussi bruyante. Un des chanoines n’entend pas ce que dit Jean de Courcelles car il est assis de l’autre côté du chapitre. Il faut dire que le vieil archidiacre parle très faiblement en raison de sa vieillesse146. Mais même de plus jeunes doivent parler suffisamment fort pour être entendus par le plus grand nombre147.
- 148 AN, LL 125, p. 271.
- 149 Voir supra, p. 72-73.
- 150 Au premier tour 2 voix, au second 2, au 3e une, au 4e 3, au 5e une et au 6e une.
- 151 Les autres sont J. de Rély (2), V. Sainxon (2), M. Ruzé (2), J. Saulay (2), J. Louet (2), P. de Ce (...)
- 152 Gobaille a donc eu 24 voix, Étienne Poncher 20, Nicole de Haqueville une, Robert Briçonnet une et (...)
48Après quatre nouveaux scrutins, c’est Gérard Gobaille qui est élu à la majorité absolue des voix (vingt-quatre sur quarante-sept). Le dernier scrutin a été précédé de discussions : allaient-ils abandonner cette voie, changer de scrutateurs ? Finalement, ils continuent sans rien changer148. C’est la maior pars, la majorité, qui l’emporte, et comme elle est maior, elle devrait être aussi sanior, la plus saine149. La publication est donc faite, c’est-à-dire la lecture des résultats bruts, « à haute et intelligible voix », par un des scrutateurs, assisté des deux autres qui écoutent et consentent. C’est l’occasion pour tous d’entendre qu’à ce dernier scrutin, le candidat de Charles VIII, Jean de Rély, n’a eu qu’une voix – la campagne royale n’a eu que bien peu d’effet ; malgré les deux dernières visites les deux jours du vote, son score n’a jamais excédé trois voix150. Les quatre que la vox communis avait souhaités font partie des six chanoines qui ont eu le meilleur score au premier scrutin, Jean Simon (neuf), Robert Briçonnet (sept), Étienne Poncher (quatre) et Nicole Haqueville (trois), alors que Gérard Gobaille en a obtenu six et le chantre Arthur de Vaudetar cinq, sur un total de treize élus potentiels151. De cette « bande des quatre », ce sont Briçonnet, avec neuf voix aux second et quatrième scrutins, et surtout Poncher, avec quatorze et dix-neuf aux deux derniers, qui en obtiennent le plus. La population parisienne n’avait pas mal perçu l’état des choses, mais n’a pu être au courant de toutes les tractations inévitables entre les différents tours de votes et, d’ailleurs, au dernier tour, en dehors de Gobaille, ce sont trois des chanoines nommés par elle qui recueillent encore des voix152.
49La collation qui aurait dû suivre la publication n’est pas effectuée, pour ménager l’honneur de tous ceux qui ont recueilli des voix et des électeurs qui ont agi au mieux, ainsi que l’explique le doyen. Elle aurait dû être faite en comparant les mérites et les vertus des élus... et des électeurs.
- 153 En droit, c’est la seule étape de ce processus qui est véritablement l’élection. D’ailleurs quand (...)
- 154 AN, LL 125, p. 275.
50C’est alors qu’a lieu l’élection commune, l’élection proprement dite153, proclamation solennelle qui doit se faire oralement et au su de l’élu. C’est elle seule qui assure l’élection. Elle est dite par une seule personne, représentant le chapitre tout entier, le corps des chanoines. Des discussions sont engagées pour savoir qui aura cet honneur. Les chanoines tombent d’accord sur le doyen qui fait partie de la majorité victorieuse. Mais l’unanimité – l’élection commune est tenue pour l’opinion du corps tout entier, même si le vainqueur n’a eu qu’une majorité de voix – est malmenée : il est décidé que le doyen ne proclamera cette élection qu’au nom des électeurs de Gérard Gobaille154. En voici les termes :
- 155 In nomine Patris et Filii et Spiritus sancti amen, ego Johannes Luillier decanus et canonicus huiu (...)
« Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen. Moi, Jean Luillier, doyen et chanoine de l’Église de Paris, par l’autorité qui m’a été accordée par le chapitre, en mon nom et en celui de mes coélecteurs, faisant la plus grande et la plus saine partie du chapitre, j’élis vénérable et circonspect seigneur et maître Gérard Gobaille évêque et pasteur de cette Église de Paris »155.
51Les termes évêque et pasteur sont tous deux déclamés, indiquant la totalité de la charge du nouvel élu.
- 156 Cela a été le cas à Angers pour l’élection d’Auger de Brie, AN, X1a 4828, fo 287v, 21 juin 1487.
52L’élection n’est pas suivie ici d’une approbation ou acclamation de l’assemblée. Il n’est pas écrit non plus que les chanoines applaudissent156. Enfin, tous se lèvent et portent l’élu jusqu’à l’église. Ce qui s’est passé dans le chapitre doit être désormais révélé « au clergé et au peuple ».
Rituel et élection
- 158 AN, X1a 4826, fo132v, 17 mars 1485.
« Or les approbacions ont esté faictes et les ont faictes voulentairement et ne se peut congnoistre la voulenté sinon per actus exteriores et par les effectz158 ».
- 159 J.-Cl. Schmitt, La raison des gestes dans l’Occident médiéval, Paris, 1990, p. 303.
- 160 É. Palazzo, Liturgie et société au Moyen Age, Paris, 2000, p. 13,14.
53Les actes extérieurs dévoilent la volonté intime et la signifient, rappelant ici « l’idée traditionnelle du geste miroir de l’âme »159. Cette affirmation conforte l’importance accordée au rituel, cet « élément permanent du rite, alors que ce dernier prend de multiples formes », l’importance accordée aux « symboles et à l’efficacité symbolique des rites qui les concrétisent ». Les gestes et les paroles, combinés aux objets, constituent un « ensemble ordonné où chaque acteur joue un rôle précis ». Ce rituel doit être étudié comme un tout, il ne faut pas en séparer les éléments160.
- 161 Certains éléments sont confortés par le récit des élections rouennaise et lyonnaise, et par des dé (...)
- 162 Quand il est question du « rituel de l’élection » dans les ouvrages sur la liturgie, il s’agit de (...)
- 163 Voir plan supra, p. 105.
54L’élection épiscopale possède aussi son rituel, ou plutôt ses rituels. Les règles de Latran et de Bâle permettent de définir le rituel du choix, prescrit par les textes juridiques et dont la signification est donnée par les juristes : chercher l’emprise de l’Esprit saint pour agir avec honnêteté, et non par pression ou par envie, pour révéler le choix de Dieu ; le serment en est le garant. Mais il existe un autre rituel plus informel, non décrit dans les textes juridiques ; il précède le choix et lui succède et lui donne une envergure qui dépasse et englobe le corps capitulaire. Celui-ci existe à Paris, et les registres capitulaires en permettent l’étude161 : deux processions, formant un tout, ouvrent et achèvent l’élection. Ce sont deux moments auxquels l’ensemble de la communauté participe. Il ne semble pas y avoir de règles, si ce n’est dans les anciens registres capitulaires et dans la mémoire orale de ce rituel162. Deux pôles – le maître-autel et la cathèdre –, un espace – l’ensemble cathédral et plus précisément l’église et la salle capitulaire -163, un temps – celui commencé par la messe du Saint-Esprit et achevé par les cris de la foule –, un mode – la procession –, et les acteurs : on assiste à des séparations successives, depuis la communauté rassemblée pour prier dans la nef jusqu’à l’individu choisi pour devenir évêque et pasteur.
De la cathédrale au chapitre, le symbole de la communauté
- 164 AN, LL 277, fo 63v et 94.
- 165 Si elle existe aussi à Senlis, en 1499 (Μ. A. Menier, « Le chapitre cathédral de Senlis de 1139 à (...)
55Le lundi 6 août au matin, après la messe du Saint-Esprit chantée dans le chœur, le clergé de la cathédrale, suivi d’une foule nombreuse selon les registres capitulaires, s’est dirigé en procession jusqu’au chapitre. Quand on lit le récit d’autres élections épiscopales parisiennes, on s’aperçoit que ce fut également le cas pour l’élection de Guillaume Chartier en 1447, mais que pour celles de Jean Courtecuisse ou de Nicolas Fraillon, en 1420 et 1427, une telle procession n’est aucunement mentionnée : au son des cloches, les chanoines se rassemblent directement dans le chapitre où la messe du Saint-Esprit est dite à voix basse164. Il semble que les assemblées de Bâle et de Bourges puissent expliquer cette différence entre 1427 et 1447 : obéir à leurs décisions a pu avoir comme conséquence que cette solennité de la messe du Saint-Esprit, désormais obligatoire, soit devenue en quelque sorte publique, induisant par sa tenue la formation d’une procession qui conduit les électeurs du chœur jusqu’au chapitre. Les fidèles peuvent alors participer à la messe, puis à la procession, exprimant ainsi, dans la lignée réformatrice du concile, leur attente impatiente d’un pasteur, formant même – était-ce présent dans l’esprit des Pères du concile ? – un bouclier humain, protégeant des pressions laïques les électeurs désarmés. Mais cette procession, que l’on ne retrouve pas pour toutes les élections de la même période165, est-elle une nouveauté ou la renaissance d’un lointain rituel ?
- 166 Quo facto dicti domini decanus et capitulum ac vicarii et cappellani eiusdem ecclesie processional (...)
« Cela fait, le doyen et le chapitre, les vicaires et les chapelains de l’Église formèrent une procession. Précédés par la croix et l’eau bénite, les cierges levés, chantant ce pieux répons fèlix namque, ils sortirent de l’église, suivis par une foule importante. Ils entrèrent dans le chapitre en chantant ce répons avec le verset et la collecte Deus qui de Beate Marie, le seigneur doyen commença l’hymne Veni creator Spiritus que tous chantèrent agenouillés. Ensuite, et cette collecte chantée par le même seigneur doyen Deus qui corda fidelium...166 »
- 167 Pour Guillaume Chartier (1447, AN, LL 277, fo133v), antienne Felix namque es sacra virgo Maria, hy (...)
- 168 En effet, cet office de la première heure du jour se célèbre au chœur, il est très court, puis il (...)
56La première procession se construit donc à l’issue de la messe : en tête, le chapitre, puis le clergé de la cathédrale, enfin la foule dont aucune mention ne précise la composition. Quoi qu’il en soit, se retrouve ainsi à Paris l’antique et mythique association, celle du clergé et du peuple chantant, rassemblés derrière les principaux symboles de leur foi. Entre le lundi et le mercredi, les deux jours de l’élection, les chants diffèrent mais suivent un ordre précis : répons, verset, collecte, hymne et collecte. La psalmodie responsoriale est quelque peu différente de celle utilisée pour l’élection de Guillaume Chartier167, mais à chaque fois le soliste est le dignitaire présent le plus important, et l’hymne Veni creator Spiritus, on ne peut plus adapté, est chanté par l’ensemble. Cette succession assez rapide fait penser à l’organisation des heures. Cette heure supplémentaire (ou serait-ce prime ?168), serait spécifique de l’élection, puisque Guillaume Chartier a été élu un 6 décembre et Gérard Gobaille un 8 août. Si cette dernière date précède de peu l’Assomption et pourrait expliquer les répons sur le thème de Marie, le 6 décembre ne convient pas. En revanche et naturellement, Marie est l’exemple scripturaire de la servante emplie de l’Esprit ainsi que la patronne de leur cathédrale.
- 169 A. Erlande-Brandeburg, La cathédrale, Paris, 1989, p. 315 : cette dédicace est due à la présence d (...)
57Si l’on sait que le but de cette procession est le chapitre, le scribe ne précise pas son point d’origine. Les chanoines sont partis du chœur où a été célébrée la messe, et les fidèles, n’y ayant pas accès, les rejoignent certainement devant le jubé pour se rendre avec eux dans le cloître. Ils ont alors pu emprunter la porte du cloître, située à la hauteur du transept et qui donne accès à ce lieu symbolique de transition, permettant le passage entre la cathédrale et la salle capitulaire. Ce portail nord est dédié à la Vierge et l’on peut y lire le miracle de Théophile, ce diacre qui signa un pacte avec le diable, mais fut sauvé par Marie169.
- 170 AN, LL 125, p. 263. Il en est de même pour les autres élections parisiennes et ailleurs, par exemp (...)
- 171 Voir supra, p. 98-99.
- 172 A. Boureau, « Les cérémonies royales françaises entre performance juridique et compétence liturgiq (...)
- 173 Voir supra, p. 90.
58Une fois que les chanoines sont installés dans la salle capitulaire, une première séparation spatiale est opérée puisque le reste de la procession reste à l’extérieur, mais c’est ensemble que tous, à genoux, invoquent l’Esprit saint avant que les portes ne soient closes et que le chapitre reste désormais seul, accompagné de ses notaires et de ses témoins170. Il écoute le sermon du pénitencier Jean Quentin171. Puis, les absents sont appelés une dernière fois, la porte du chapitre étant rouverte pour l’occasion, les électeurs montrant ainsi à la foule le sérieux de leur démarche. Cette communion de l’ensemble du clergé et de la foule, puis cette séparation spatiale peuvent être interprétées de deux manières. Le clergé et le peuple, qui ont déjà participé aux processions préparatoires des dimanches précédents et fait entendre leur opinion, qui ont écouté la messe le matin même, escortent les électeurs, non pour leur déléguer un pouvoir décisionnel qu’ils ne possèdent pas, mais pour leur signifier leur volonté172 : il leur faut un bon évêque. Comme pour les processions ou les enquêtes de la fin du Moyen Âge, la présence du peuple est nécessaire pour établir un hypothétique consentement. On en revient encore à la formule de Léon ier mais aussi aux conseils de Guillaume Benoît173. L’autre interprétation confirme la juridicisation de tout le processus : après avoir assisté au bon déroulement du rituel – messe, procession, enfermement en un seul lieu... – lié à la volonté des électeurs de faire du mieux qu’ils le peuvent, la foule est exclue du processus, laissant les chanoines œuvrer pour elle dans le secret du chapitre. Mais elle pourra témoigner devant le juge de la confirmation de ce qu’elle a vu. La mention de cette « foule » dans les registres capitulaires pourrait être interprétée comme une formule visant à justifier a posteriori du bon déroulement de l’élection. Si cette intention n’est certes pas absente de l’esprit du notaire, la notation rend compte aussi, au moins à Paris, de la réalité.
59Ce 6 août 1492, le flot humain et l’excitation doivent être saisissants :
- 174 Le puits se trouve à proximité de la salle du chapitre.
- 175 Ces témoignages sont extraits du procès de confirmation. Ipse testis et plures alii plusquam sexce (...)
« Le témoin et plus de six cents autres personnes étaient autour du puits174 du cloître de l’église, près du chapitre, surveillant la sortie et attendant des nouvelles de l’élection Quand apparaissait le portier du chapitre, les assistants se prévenaient les uns les autres, toujours avides de savoir ce qui se passait... »175
60Et le cloître ne désemplit pas :
- 176 Eadem die, post electionem, cum dictus Louet esset in domo sua et vellet prandere, eidem testi dic (...)
« Le mercredi, après l’élection, comme Louet était dans sa maison et voulait manger, il dit au témoin qu’il avait invité l’élu à se joindre à lui, mais que ce dernier en avait été empêché par la foule, de telle sorte qu’il n’avait pu venir »176.
- 177 AD Yonne, G 34, p. 368-369.
- 178 AN, LL 125, p. 269.
- 179 AD Yonne, G 34, p. 194.
- 180 AN, LL 125, p. 266. Sans doute est-ce le responsable de tous les sergents promus à la garde du clo (...)
- 181 Constitution Ubi periculum (1274, concile de Lyon) ; A. Paravicini Bagliani, Le corps du pape, op. (...)
- 182 « Eulx estans in conclavi pour elire et avoient chanté la messe du saint esperit », AN, X1a 4825, (...)
61Le nombre de 600 – invérifiable, mais signifiant « beaucoup » – dénote l’affluence des habitants de la cité et peut-être aussi du diocèse, sans que l’on puisse dire – encore une fois – qui ils sont. Commentent-ils la venue des envoyés royaux qu’ils laissent passer jusqu’au chapitre177 ? Rient-ils encore des placards ? Parient-ils sur le vainqueur ? Lorsque, le mercredi, la cérémonie recommence, la procession se forme à nouveau à l’issue de la messe, mais il n’est question ni de la foule, ni de la lumière dont la présence aurait été encore plus marquante ce jour-là... Inutilité de recommencer la procession dans les formes ou bien oubli du scribe178 ? Quoi qu’il en soit, les fidèles sont bien là. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que la salle capitulaire soit bien gardée par « des laïcs et des officiers de l’Église »179 ; c’est le bailli du chapitre, maître Nicolas Ponart, qui, se trouvant alors dans le cloître, est chargé de prévenir en cas de visite180. L’isolement du chapitre, associé à tous les serments jurés par les notaires, témoins et chanoines, de ne rien dire de leurs délibérations à l’extérieur, montre la volonté d’indépendance mais aussi de protection des électeurs, surtout s’ils ont en tête l’effervescence des jours précédents. Elle rappelle peut-être le conclave pontifical mis en place à la fin du xiiie siècle sans en avoir toute la dimension181. Les électeurs de Bourges emploient d’ailleurs le terme en ce sens, en 1482182.
- 183 À l’instar des rituels qui se jouent entre les deux pôles – la société et les groupes sociaux d’un (...)
- 184 Grat. 62,1. cf. chapitre 1.
62Cette procession a donc permis d’établir une distinction entre les électeurs, réunis dans leur chapitre, à l’écoute de l’inspiration divine, et les autres, dispersés dans le cloître, à l’affût de la moindre nouvelle183. Elle donne à chacun un rôle : les uns choisissent, les autres rappellent qu’une élection n’est pas l’affaire du seul corps des chanoines, mais que l’ensemble du corps du diocèse est concerné. Elle correspond bien à la vision de l’élection telle que l’enseignait Léon le Grand – Electio clericorum, expetitio plebis, « le choix des clercs, le désir du peuple » – et telle qu’elle apparaît dans le Décret184 : elle rappelle ainsi le mythe de l’initas ecclesie. Mais elle sert aussi le regard ultérieur du juge, lors du procès de confirmation.
Du chapitre à la cathédrale, l’offrande d’un élu
63Lorsque le choix s’est enfin porté sur Gérard Gobaille, que le doyen a prononcé la formule de l’élection commune, le diocèse de Paris a un élu :
- 185 Quo facto, omnes et singuli domini capitulantes a locis suis surrexerunt fuitque idem electus flen (...)
« Ensuite, tous les seigneurs réunis en chapitre se levèrent de leurs sièges et l’élu, pleurant et versant des larmes, fut soulevé par quelques-uns des seigneurs chanoines, qui, accompagnés des autres chanoines, le portèrent en procession jusqu’à l’église parisienne, en chantant Te Deum laudamus ; il fut déposé sur l’autel majeur au son des cloches et des orgues de l’église »185.
- 186 Pour l’élection de Fraillon, c’est le terme de socii qui est employé, LL 277, fo 94, terme qui peu (...)
- 187 Il en est de même à Lyon, Autun et Rouen. Cette hymne a été composée selon La légende dorée par de (...)
- 188 Henri de Suse, Summa aurea, Lyon, 1568, fo 26-28. Et cela est plus ancien, P. Viollet, « Les élect (...)
- 189 Selon les significations lors de la cérémonie du sacre royal, analysées par S. Zak, reprises par M (...)
- 190 É. Palazzo, Liturgie et société au Moyen Âge, op. cit., p. 146.
- 191 Elle n’est cependant que rarement mentionnée dans les sources, peut-être parce qu’elle est évident (...)
64Les chanoines sont arrivés ensemble, en corps, pour procéder à l’élection. Le corps repart avec son chef, hissé symboliquement sur les épaules de ses anciens égaux186. Le Te Deum est repris187. Pour Hostiensis, le Te Deum fait partie du déroulement de toute élection, ainsi que le confirme Michel Lochmaier188. Ce chant de célébration de la toute-puissance divine fonctionne ici comme acclamation de l’élu, non encore comme reconnaissance et proclamation189. En bonne logique, la procession reprend le chemin inverse. Elle se faufile sans doute à nouveau par le portail nord qui est le chemin normal mais aussi celui de certaines processions pénitentielles au temps pascal, puisque les fidèles exclus l’empruntaient, et pour sortir et pour rentrer le jeudi saint dans l’église et réintégrer leur communauté190. Le temps de l’élection n’a pas été celui d’une pénitence mais celui d’une tâche ardue, pour l’accomplissement de laquelle « selon Dieu et leurs consciences », les chanoines ont dû se préparer. Par cette procession inverse, ils reviennent dans l’église pour annoncer aux fidèles qu’ils ont répondu à leur attente : le corps capitulaire a élu un évêque, qui est celui du diocèse. Contrairement à la procession antérieure au choix qui concerne aussi la foule, il semblerait logique que celle-ci, n’impliquant que les chanoines, soit traditionnelle191.
65Alors que la procession est arrivée dans le chœur, Jean Quentin, délégué par le chapitre, annonce l’élection :
- 192 AN, LL 125, p. 276. Prefatus magister Johannes Quentin penitenciarius ex potestate a capitulo sibi (...)
« Le pénitencier, maître Jean Quentin, de son pouvoir reçu par lui du chapitre, monta au pupitre du chœur et publia solennellement cette élection, à haute et intelligible voix, entouré par le clergé et le peuple affluant en nombre imposant et incalculable, exultant de joie et rendant grâces au Très Haut »192.
- 193 Ainsi à Bourges, pour l’élection de Guillaume de Cambray en 1483, AN, X1a 4826, fo 131v, 17 mars 1 (...)
66Le pupitre est situé sur la droite du jubé, lieu de communication entre ces deux lieux séparés d’une église que sont le chœur et la nef. C’est au clergé et au peuple, association une nouvelle fois recréée dans le vocabulaire et dans la nef, que le pénitencier s’adresse. Selon les registres, la foule est « incalculable » et montre sa joie193.
- 194 AN, LL 116, p. 379-380, 6 décembre 1447.
- 195 N. Offenstadt, Discours et gestes de paix pendant la guerre de Cent Ans, thèse Université Paris I, (...)
- 196 Ibid., p. 428-430.
- 197 Lors de l’entrevue de Pont-du-Brault entre Louis XI et le duc de Berry, ibid., p. 428.
- 198 Voir article à paraître sur les entrées épiscopales dans la Revue Historique.
- 199 B. Guenée, L’opinion publique à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 32, 40-41.
- 200 On peut peut-être voir dans l’acclamation de 1447 une ritualisation organisée par un seul prélat – (...)
- 201 É. Palazzo, Liturgie et Société au Moyen Âge, op. cit., p. 107-108.
- 202 Ainsi dans cette phrase : « Dévoient regarder ceulx qui avoient le plus de voix et les elire pour (...)
67Cela est encore semblable à l’élection de Guillaume Chartier, avec cette différence : en 1447, plusieurs des présents crièrent « Noël ! Noël ! »194. Tout comme ce cri célèbre les naissances d’importance, les entrées royales, l’avènement d’un nouveau roi et la venue de la paix195, il saluait le choix d’un nouvel évêque. En 1447, ce furent d’abord les électeurs qui mêlèrent, dans le chapitre, « Noël » au Te Deum, puis la foule assemblée dans la nef, après la proclamation de l’élection. Ce cri qui rappelle la naissance du Sauveur a une triple signification : passage et rupture, expression de joie, mais aussi reconnaissance du pouvoir, qui s’applique bien ici. L’un des moments où intervient ce cri dans le rituel de la paix analysé par Nicolas Offenstadt correspond à la situation ; si, pour célébrer la paix, Noël intervient à trois moments – réconciliation entre les grands, après la publication de la paix et lors des réjouissances organisées – le scribe du chapitre le note en 1447 après la publication, d’abord dans le chapitre, ensuite dans l’Église : il rend grâce alors au « miracle de l’intervention divine » et permet à l’assemblée de ratifier cette décision, « forme d’expression naturelle pour le peuple », puisque la manifestation corporelle est son seul registre légitime196. Quoi qu’il en soit, Jean Gaudon ne dit rien d’une telle acclamation en 1492. Il est peu probable que ce soit un oubli. Ce cri serait-il tombé en désuétude ? L’exemple le plus tardif pour l’acclamation de la paix, donné par Nicolas Offenstadt, date de 1469197, bien qu’on le trouve encore dans les cérémonies de l’entrée épiscopale, dans les années 1490198. Et comment expliquer l’intrusion dans la sphère cathédrale d’un cri qui semble réservé à l’origine aux acclamations spontanées, destinées à la seule personne du roi ? Il n’est pas impossible que « Noël », au même titre que les autres acclamations royales, devenues avec le temps la manifestation d’une passion politique199, ait exprimé le fort intérêt du peuple pour son pasteur200. Quoi qu’il en soit, si aucune pérennité de cette acclamation n’est observable dans le cadre de l’élection épiscopale parisienne, d’autres éléments traditionnels permettent une ambiance de fête en 1492 : les cloches, ici associées à la joie et aux prières, sonnent à toute volée, et les orgues retentissent201. Entendre les cloches est alors, pour les fidèles, l’assurance que l’élection est faite202. Les fidèles se réjouissent – au moins dans les registres – de l’avènement d’un nouvel élu, tout comme le peuple romain lorsque lui est annoncée l’élection pontificale.
- 203 Voir la restitution du chœur et du jubé de Notre-Dame au xive siècle dans R. Gane, Le chapitre de (...)
- 204 Par exemple à Angers, pour l’élection d’Auger de Brie, AN, X1a 4827, fo 194, 22 mai 1486.
68Mais ils ne peuvent voir ce qui se passe derrière le jubé, dans le chœur, lieu d’aboutissement de la seconde procession203. Le lieu en est plus exactement le maître-autel, celui sur lequel a été chantée la messe inauguratrice de l’élection. La procession du retour est ainsi liée à celle de l’aller et un même mouvement trouve ici son achèvement. La première procession a distingué les simples fidèles des électeurs. La seconde peut également être vue comme un rituel de séparation, issu du premier, entre les électeurs et l’élu. L’ensemble peut signifier que l’élu est bien celui de la communauté. Elle semble également montrer qu’à l’origine, et conformément aux conseils et non aux injonctions du droit, l’élu doit être choisi au sein du corps des chanoines. En effet, quand ce n’est pas le cas, par la force des choses, cette déposition sur ou devant l’autel ne peut se faire. Lors de l’installation qui se fait le plus souvent d’abord par procureur, c’est dans la chaire qu’il est conduit directement même si la procession se déroule, peut-être, et si le Te Deum est chanté, sûrement204.
69Lors de la fête des fous de Chalon-sur-Saône, on retrouve ces processions ; l’évêque a été élu, installé dans sa chaire, puis après les cérémonies du jour :
- 205 Père Perry, Histoire de la ville de Chalon, cité par Du Tilliot, Mémoires pour servir à l’histoire (...)
« On sonnoit les cloches en quarillon, et d’abord que le dernier coup des Vêpres et de la Messe étoit sonné, les enfans de chœur alloient quérir en procession l’evêque en la maison de la maîtrise : ils l’amenoient dans l’Église avec la même cérémonie. Certainement c’étoit une espece de jonglerie qui n’apprêtoit qu’à rire... »205
70Ne peut-on pas reconnaître dans cette procession des enfants de chœur qui va chercher l’évêque dans la maison de la maîtrise, c’est-à-dire dans leur maison, et qui l’amène dans l’église, un condensé des deux processions se rendant et repartant du chapitre ? Cela ne pourrait-il pas conforter l’hypothèse de l’ancienneté de cette pratique ? De même, à Viviers, un abbé du clergé était élu par le bas chœur, jeunes chanoines, clercs ou enfants de chœur :
- 206 Du Tilliot, Mémoires pour servir à l’histoire de la fête des fous, op. cit., p. 47.
« L’abbé élu, le Te Deum chanté, on le portoit sur les épaules dans la maison où tout le reste du chapitre étoit assemblé ; tout le monde se levoit à son arrivée, l’évêque lui-même s’il était présent. Cela étoit suivi d’une ample collation »206.
- 207 M. Grin berg, « Episcopus puerorum », dans Infanzie. Funzioni di un gruppo liminale dal mondo clas (...)
71Ce rituel d’inversion semble bien être lié au rituel de l’élection, et le confirmer. Ainsi encore, à Toul, dont les statuts de la cathédrale décrivent avec détails le rituel de la fête des Innocents, l’évêque est-il élu par les enfants de chœur et les sous-diacres, puis porté à la cathédrale, derrière – et non devant – l’autel de la Vierge et assis là à l’endroit coutumier, tandis qu’on chante le Te Deum207...
72C’est donc sur l’autel que Gérard Gobaille est déposé. Dans les trois récits d’élection du xve siècle à Paris relatés dans les registres, c’est le terme super qui est employé.
[Courtecuisse et Fraillon] : « ils le posèrent sur (super) l’autel majeur, le firent asseoir ».
- 209 AN, X1a 4834, P144, 5 février 1493.
- 210 Dercé « fut porté sur l’autel en chantant Te Deum laudamus », AN, X1a 8322, fo 252, 23 juillet 149 (...)
- 211 Michel Lochmaier, Practica electionum... fo 13v, écrit : Et solenniter deportetur electus ante alt (...)
- 212 AN, X1a 4825, fo 226, 260,13 mai 1484.
- 213 R. Schneider, « Bischöfliche Thron-und Altarsetzungen », dans Papstgeschichte und Landesgeschichte (...)
73Les précisions apportées semblent ôter tout doute, bien qu’on ne sache si Gérard Gobaille est assis ou debout. Dans les plaidoiries, l’expression « il fut porté sur l’autel » est employée209. C’est aussi le cas à Luçon210, mais pas partout, et « devant » l’autel semble être le plus fréquent211. À Autun cependant, les deux formules sont employées : l’élu Antoine de Chalon « fut porté devant l’autel en chantant Te Deum laudamus », mais plus loin : « Ilz avoient eleu via spiritus sancti led. appellant et le porterent sur l’autier »212. Cela doit inciter à la prudence pour ce cas précis. Mais la déposition sur l’autel est un fait avéré et plusieurs cas sont signalés pour des évêchés de la région rhénane, notamment pour les xiv et xve siècles213. Cette mise en évidence est un moment frappant – invisible à beaucoup mais connu –, et certainement un des plus significatifs. Symonet, un serviteur de Gérard Gobaille, rapporte ainsi à un chanoine soissonnais l’élection de son maître :
- 214 Dixit quod dictus Gobaille suus magister erat episcopus parisiensis. Dixitque ibidem dictus juveni (...)
« Il dit que son maître, Gobaille, était l’évêque de Paris. Ce même jeune homme raconta que le jour précédent, Gobaille avait été élu évêque de Paris et comme tel, porté en procession dans le chœur de l’église, et déposé sur l’autel majeur, ce qui fit dire au témoin “que Dieu soit loué !” »214
- 215 É. Palazzo, Liturgie et société au Moyen Âge, op. cit., p. 72, A. Erlande-Brandeburg, La cathédral (...)
- 216 G. Duchet-Suchaux, M. Pastoureau, La Bible et les saints, Paris, 1990, p. 266-267, art. « Présenta (...)
- 217 Voir supra, p. 71.
- 218 R. Schneider, « BischöflicheThron-und Altarsetzungen », op. cit., p. 15.
- 219 J. Le Goff, « Le rituel symbolique de la vassalité », dans Un autre Moyen Âge, Paris, 1999, p. 333 (...)
74Le maître-autel, réservé au prélat, occupe la partie centrale du sanctuaire, lieu où, pour les fidèles, Dieu est présent ; il est à leurs yeux la table du renouvellement de l’alliance entre Dieu et son peuple215. C’est à cette table consacrée, autour de laquelle jadis était construite l’église, que les chanoines ont apporté l’élu, sans qu’il ne touche terre, sur leurs épaules, tel Isaac ou un agneau promis au sacrifice, tel l’enfant Jésus présenté au temple selon les modes de représentation médiévaux216, telles les offrandes pour l’eucharistie, bref, dans un rappel des épisodes symbolisant ce renouvellement. Ils l’ont déposé, tout comme les trois livres censés révéler la volonté de Dieu grâce aux « sorts des apôtres »217, sur l’autel, symbole de la stabilité de l’Église. Ils lui montrent ainsi que l’évêque est considéré comme garant de la solidité d’une Église locale : n’est-ce pas autour de sa personne que se construit et vit l’Église du diocèse, autour de cette fondation, cette colonne, dont il est question dans le décret Sicut in construenda ? Peut-on y voir également une résurgence du rituel de la vassalité ? Reinhard Schneider le pressent et lie cette attitude à celle de l’hommage, notamment lorsqu’à lieu le baiser des pieds de l’élu218 ; aucun exemple de mes sources n’y fait cependant allusion. Selon Jacques Le Goff, les rites de l’entrée en vassalité ont sans doute servi de modèle à ceux de l’entrée en religion et l’investiture ecclésiastique s’est calquée sur l’investiture vassalique. Lorsque la cérémonie d’entrée en vassalité a lieu dans une église, les gestes qui le peuvent sont exécutés dans la partie la plus sacrée de l’édifice, l’autel, super altare. C’est là qu’est prêté le serment ou déposé l’objet symbolique de l’investiture219. Ici, il s’agit d’un homme, ainsi désigné à la communauté par les chanoines qui viennent d’accomplir leur premier devoir : donner un évêque au diocèse de Paris. L’évolution de la perception du sacré aurait-elle poussé leurs congénères à ne plus toujours oser s’approprier ce lieu sacré et, par déférence, à déposer l’élu devant l’autel ?
- 220 (...) juxta morem eiusdem ecclesie deportando et eum in ponthificali cathedra more solito dicte ecc (...)
- 221 É. Palazzo, L’évêque et son image, l’illustration du Pontifical au Moyen Âge, Turnhout, 1999, p. 6 (...)
75Ensuite, l’élu est conduit par le doyen et quelques chanoines dans sa chaire, symbole de l’ensemble de ses pouvoirs. À Lyon, il est directement installé sur la cathèdre, « selon la coutume »220. Cette expression indique la tradition lyonnaise, peut-être plus générale. Encore une fois, le peu d’exemples ne permet pas de conclusion. La cathèdre, la chaire épiscopale, éponyme du lieu de culte le plus important du diocèse, occupe une place privilégiée et fortement symbolique. Le siège de l’évêque doit être mis en évidence dans l’espace de l’église par sa place au milieu du chœur. De marbre, en pierre ou en bois, la cathèdre occupe une position élevée, afin que les fidèles voient leur chef spirituel et que soient marquées sa dignité et sa supériorité sur eux221.
- 222 A. Paravicini Bagliani, La cour des papes au xiiie siècle, Paris, 1995, p. 215.
76Gérard Gobaille a été amené sur l’autel puis sur la chaire, tout comme le pape est conduit près de l’autel de la basilique Saint-Jean de Latran, puis, après le chant du Te Deum, installé sur son trône222.
- 223 AN, LL 125, p. 283.
- 224 1. Taddei, Fanciuli e giovani, crescere a Firenze nel rinascimento, Florence, 2001, p. 269. L’aute (...)
- 225 É. Palazzo, Liturgie et société au Moyen Âge, op. cit., p. 337.
- 226 R. Delachenal, Histoire des avocats au Parlement de Paris, 1300-1600, Paris, 1885, p. 246, M. Grin (...)
77Que ce soit porté vers l’autel ou installé dans la cathèdre, Gérard Gobaille pleure, c’est du moins ainsi qu’il est décrit par le scribe du chapitre, et le décret envoyé au métropolitain, juge de la confirmation, reprend ce détail d’importance223. Les pleurs sont une rhétorique traditionnelle, ce qui ne les empêche pas de compléter un symbole de pénitence, dont l’eau bénite et le passage par le portail nord seraient d’autres éléments. Ils signifient aussi l’authenticité des sentiments éprouvés par la personne qui les émet224 Versés sur l’autel, ils peuvent encore évoquer l’eau bénite de la lustration lors de sa dédicace, effectuée par l’évêque consacré, symbole baptismal de purification225. La pénitence de l’élu le plongerait dans un nouvel état. Le baptême grâce à « trois seaulx d’eaue » qu’on jette sur la tête de l’évêque des fous à Tournai conforterait-il cette idée226 ?
- 227 Et Te Deum finito ipsoque domino electo ante maius altare genibus flexis prostrato certe colecte e (...)
- 228 Il s’agit de la genuflexio proclivis, J.-Cl. Schmitt, La raison des gestes..., op. cit., p. 302.
78Avant l’installation dans la cathèdre, il a également prié, prosterné devant le maître-autel, tandis que le doyen récite collectes et oraisons à ses côtés227. Ce geste de prière caractéristique plonge l’élu dans un acte d’adoration, d’humilité et de pénitence228, alors que le doyen, qui a proclamé un peu plus tôt son élection, est encore auprès de lui, déclamant des prières. Intériorité et extériorité se mêlent. L’un se prépare, tandis que l’autre le soutient, espérant l’acceptation par Gérard Gobaille de sa charge.
- 229 D. Rigaux, À la table du Seigneur, Paris, 1989, p. 241.
79C’est donc un jour particulier dans la vie de l’élu. Et la nourriture qui lui sera offerte quelques instants plus tard – le poisson, symbole christique, aliment des jeûnes mais aussi caractéristique du « repas du Seigneur » dans l’iconographie229 – participe de cet état de pénitence. Un chanoine, électeur de Gérard Gobaille, lui fait préparer à manger :
- 230 Sciens ipsum dieta die non comedere carnes, eidem preparaverat pisces ad prandendum, ex quibus sib (...)
« Sachant que ce jour-là l’élu ne pouvait manger de viande, il lui avait préparé des poissons, desquels il lui fit parvenir la moitié (...) Et le témoin présent, un autre des serviteurs de Louet apporta du poisson, à savoir une sole pour l’élu »230.
80Ce qui n’empêche pas Cosme Guymier et d’autres comparses du chanoine, ce même jour, de fêter l’événement – sans pleurer et sans oublier de respecter de bonnes règles d’hygiène :
- 232 Rational ou Manuel des divins offices, trad. C. Barthélemy, 5 vol., Paris, 1854, 1.1, 2e livre, ch (...)
- 233 P. Nagy, Le don des larmes au Moyen Âge, Paris, 2000, p. 41 : les termes le plus souvent employés (...)
81Ce jeûne et ces pleurs, larmes de pénitence versées sur l’autel, peuvent aussi évoquer la difficulté de la charge envisagée, parcelle infime de la difficulté qu’a toujours connue le peuple élu. Et l’élu peut reprendre à son compte ce que, s’inspirant de saint Augustin, Guillaume Durand écrivait deux siècles plus tôt : « Et le nom d’évêque résonne plus comme celui d’un fardeau que comme celui d’un honneur »232. Le lien entre élection et souffrance, essentiel dans le christianisme, est exprimé ici en celui qui aurait été désigné par Dieu pour porter sur ses épaules l’Église de Paris. Les termes employés sont d’ailleurs ceux de la Vulgate : Electus flens et lacrimans233.
- 234 Y. Labande-Mailfert, Charles VIII, op. cit., p. 35-36.
- 235 AD Yonne, G 34, p. 416.
- 236 L. Dautheuil, « Jean Quentin humaniste évêque élu de Senlis », op. cit., p. 75.
- 237 H. Marrou, Saint Augustin..., op. cit., p. 34, d’après Posidius, Vita 3, 4.
- 238 La légende dorée, op. cit., vol. 2, p. 140.
- 239 P. Nagy, le don des larmes au Moyen Âge, op. cit., p. 388, 406, 412.
82Le fait de pleurer n’est pas extraordinaire pour un homme du xve siècle234 et Gérard Gobaille semble s’adonner assez facilement aux larmes235. Il n’est pas non plus ordinaire puisque tous les élus ne pleurent pas. Cela n’est en tout cas noté ni à Lyon ni à Autun. Un témoignage décrit cependant Jean Quentin, alors élu de Senlis, dans le même état avant d’accepter sa charge236. Un exemple beaucoup plus ancien, un exemplum, dépeint ainsi saint Augustin qui vient d’être désigné par la foule : « On le saisit, on le pousse en avant jusqu’au chœur et malgré ses protestations et ses larmes, son ordination est décidée »237. La Légende dorée, si elle insiste sur le « fardeau » de la mission qu’accepte Augustin, ne parle que de résistance mais pas de pleurs238. Quel est le rôle de la mémoire ou de l’émotion dans cette démonstration ? Le nombre de cas est trop restreint pour en tirer quelques conclusions générales. La dévotion par les larmes est en revanche vivace depuis le xiiie siècle, elle est parfois recherchée comme un don, symbolisant la présence de la grâce divine239. Contrairement à ce qui se passe dans quelques processions de la fin du xve siècle, Gérard Gobaille est le seul à pleurer. Pas de manifestation collective. Il s’agit d’un état individuel, reflet de son intériorité. Que vaut cette attitude extérieure ? Que ressent-il vraiment à ce moment ? Il est impossible de le savoir. On verra que ses contemporains se posent pourtant les mêmes questions.
La conclusion du rite : la demande d’acceptation
- 240 AN, LL 125, p. 283.
83C’est installé dans la cathèdre qu’il est alors requis par le doyen et quelques chanoines d’offrir son consentement240. À nouveau sont liés les différents membres de la communauté. Effectuée par les chanoines dans le chœur, cette demande concerne le diocèse dont des fidèles sont présents dans la nef, et son acceptation validerait ce qui a été fait au sein du chapitre. C’est à nouveau en pleurant qu’il répond :
- 241 Ibid. Quiflens et lacrimans, dilacionem usque in diem crastinam ut, habito consilio cum peritis et (...)
« Pleurant et versant des larmes, il les pria de lui donner jusqu’au lendemain, afin qu’il puisse mieux répondre après avoir écouté le conseil d’experts et d’amis sur cette affaire si difficile et périlleuse ; ce délai lui fut accordé »241.
- 242 AN, X1a 4834, fo 123, 24 janvier 1493.
- 243 Selon A. Van Gennep, Les rites de passage, 1909, cité dans J. Le Goff et alii, Le sacre royal, p. (...)
84Le lendemain, il « y consentit a grans pleurs et larmes »242. L’élu a donc accepté rapidement. Il accepte de s’agréger à nouveau à la communauté, avec un statut supérieur. Ne peut-on voir alors dans tous ces gestes et tous ces échanges verbaux un rituel d’inauguration243 ? Séparation et rupture d’avec le monde des chanoines, marquées par les processions, marginalisation assez brève sur le lieu sacré qu’est l’autel et, enfin, non pas l’agrégation à la communauté avec un statut supérieur, mais l’acceptation de cette agrégation, si... l’élection est confirmée et que les autres étapes sont franchies.
- 244 AN, LL 125, p. 278-285.
- 245 N. Didier, « Postulation, élection et provision apostolique... », op. cit., p. 39-79.
- 246 Il en est de même dans les élections abbatiales, L. Moulin, La vie quotidienne des religieux au Mo (...)
85Gérard Gobaille avait « légalement » un mois pour se décider ; il jouit désormais du « droit à la charge », du jus ad rem, première étape de sa prise de possession définitive du bénéfice. On peut lui envoyer le décret de l’élection, rédigé par les notaires et les témoins, le même que celui envoyé au métropolitain et au roi244. La bienséance veut qu’il se fasse prier245. Gérard Gobaille n’a demandé qu’un jour de réflexion. La demande de délai est le plus souvent motivée par l’appel aux conseils de proches. Preuve d’humilité et de bon gouvernement, le recours au conseil sous-entend l’étonnement de l’élu puisqu’il ne doit pas s’attendre à un tel honneur ; seuls l’orgueil et l’envie auraient pu l’inciter à y penser à l’avance. S’il répondait oui immédiatement, il en serait soupçonné, s’étant interposé par là même à la volonté divine246. En prononçant son consentement, Gérard Gobaille a bien souligné le rôle de Dieu mais aussi celui des électeurs qui ont permis à la volonté divine de se manifester :
- 247 AN, LL 125, p. 277. Qui dominus electus prenimia lacrimarum effusione vix loqui valens sub hiis ve (...)
« Le seigneur élu, arrivant à peine à parler, la voix nouée par des pleurs abondants, répondit par ces mots ou en termes approchants, qu’il se reconnaissait incapable d’un tel honneur, et que plusieurs et même tous les seigneurs du chapitre en étaient plus dignes et plus capables que lui, et qu’ils auraient pu pour ces mérites être élus, mais parce qu’il avait plu au Très Haut et aux seigneurs électeurs de le hisser à cet honneur, avec l’aide de Dieu et de la Vierge Marie, confiant dans leur aide et conseil à tous deux, il acceptait cette élection, pour être au service de l’Église et non à sa tête247 ».
- 248 C’est le cas du dominicain Guillaume Pépin, licencié en théologie en 1500, prieur du couvent d’Évr (...)
86Cette dernière formule et ce jeu sur les deux verbes sont connus car la nuance entre les termes prosit [est au service de] et presit [est à la tête de] est parfois perçue comme une hypocrisie248.
- 249 AN, X1a 4838, fo 79v, 26 janvier 1497. Ces feux sont un des éléments de réjouissances organisées, (...)
- 250 AN, LL 125, p. 276.
- 251 AD Yonne, G 34, p. 527.
87Théoriquement, c’est la joie qui doit dominer. On a entendu les cloches et les orgues, certains peuvent voir des feux de joie, ainsi à Senlis, où Jean Quentin les a fait allumer devant sa maison « de ce qu’il disoit qu’on l’avoit elu »249. En toute logique avec la définition de l’élection, les remerciements sont adressés à Dieu250. Dès le lendemain, Gérard Gobaille a aussi voulu rendre grâce à la Vierge, patronne de sa cathédrale, puisqu’il a envoyé à cette fin un de ses serviteurs à Notre-Dame-de-Liesse251.
- 252 Les grandes lignes de cette élection épiscopale se retrouvent dans la description de l’élection du (...)
- 253 Selon les premiers termes du décret Ne pro defectu, X1, 6, 41 [Fr 88], maintes fois repris par les (...)
88L’élection de l’évêque est achevée, constituant le ou les premiers rituels accordant le pouvoir à l’élu, dont les grandes lignes se retrouvent pour d’autres élections252. Elle a été préparée, attendue et discutée. Elle a obéi aux textes juridiques, suivi les rituels traditionnels, juridiques ou informels. Elle fait, au moins dans les registres, d’un choix individuel une fête collective, car un évêque a été donné à son diocèse. Elle permet que l’Église ne reste pas longtemps vacante, sans pasteur, et proie facile pour le loup ravisseur253. Elle veut signifier l’intérêt commun de toute une circonscription, intérêt dont les chanoines sont les acteurs mais dont tous les habitants sont porteurs. Elle montre enfin qu’une définition théorique – la volonté de Dieu à travers le choix des hommes – peut être un vœu pieux et que la confrontation avec la réalité peut en changer l’essence.
- 254 J. Heers, Fêtes, jeux et joutes dans les sociétés d’Occident à la fin du Moyen Âge, Paris, 1982, p (...)
- 255 Du Tilliot, Mémoires pour servir à l’Histoire de la fête des fous, op. cit., p. 54, mentionne son (...)
- 256 1. Taddei, Fête, Jeunesse et pouvoirs..., op. cit., p. 22.
89Il aurait été intéressant de pouvoir la comparer avec la description de la fête des fous, puisque à Paris, comme dans les autres grandes villes où existent d’importants chapitres cathédraux254, une telle fête est attestée au moins jusqu’à la fin du xve siècle255, celle-ci ne se cantonnant pas à la parodie liturgique dans l’église, pour s’épanouir en une cavalcade populaire à travers les rues256 Malheureusement, les sources manquent à ce sujet pour Paris. En revanche, on a pu voir quelques points de comparaison avec ces parodies d’élection en d’autres lieux qui confirment, par leur inversion, les rituels existants.
- 257 A. Paravicini Bagliani, La cour des papes..., op. cit., p. 214.
90Si l’élection épiscopale a des points communs avec celle de l’évêque des fous, elle en a bien sûr avec celle du premier d’entre eux, le pape – on l’a vu également –, mais de nombreuses différences demeurent, en accord avec l’inégalité de leurs statuts et le faste de tout ce qui entoure le chef de la chrétienté. La plus évidente n’est pas des moindres : alors que le pape passe directement à l’étape de la consécration, à son couronnement257, l’évêque « de base » attend la confirmation de son élection pour pouvoir être consacré.
- 258 « Le refus de l’épiscopat, status periculosus, est un topos hagiographique largement diffusé par l (...)
- 259 J. Le Goff, « Le rituel symbolique de la vassalité », op. cit., p. 377.
91De la réponse positive – si tant est que l’élu accepte258 – faite aux chanoines qui l’ont choisi, découle à chaque fois une longue histoire. Le rituel de l’élection, qui se veut expression d’une volonté divine et de l’obéissance des chanoines, celui des processions préparatoires et des deux processions informelles entourant le choix lui-même, qui peuvent symboliser l’attente du corps du diocèse, sont le signe de l’accomplissement des règles écrites et orales. Ils sont également une porte ouverte au regard d’autrui ; cet autrui, juge de la confirmation, en étudiant le procès-verbal mais aussi les témoignages des acteurs, pourra accorder son aval à un rituel parfait ou rejeter une mascarade. Le temps n’est plus aux pratiques divinatoires, il l’est aux règles juridiques dont les professionnels, juges et conseillers, pensent que leur respect permet de décider de l’adéquation ou non entre action extérieure et volonté intérieure. Le rituel lui-même est mémoire, grâce à tous les éléments qui en permettent la mémorisation, notamment les témoins ; et c’est là, selon Jaques Le Goff, un de ses rôles259. Il est mémoire de l’élection présente, et tous sauront que Paris a un élu, mais il est aussi mémoire dans la perspective fort rapprochée de la confirmation : la juridicisation des opérations l’a permis.
- 260 Du Tilliot, Mémoires pour servir à l’Histoire de la fête des fous, op. cit., p. 48.
92C’est bien souvent là, devant le juge confirmateur, que les élus achoppent et que la lourde machine de résistance peut s’ébranler. Et si résistance il y a, c’est que l’élection ne concerne pas seulement l’élu et le corps capitulaire, ni le diocèse en général. L’élection, comme mise au pouvoir d’un homme, émeut les amis, les alliés et les parents de l’élu, tout comme les réseaux de ses éventuels adversaires qui, bravant les interdits religieux – avec crainte ou non ? –, désiraient ardemment ce poste clé qu’est un évêché. La suite de ce rite d’inversion s’inspirerait-elle des difficultés de la confirmation opposant deux adversaires ? Il est encore question de l’abbé du clergé de Viviers. Après la collation, deux camps s’affrontent, le bas chœur qui a élu l’abbé, et le haut chœur ; ils « commençoient à chanter certaines paroles qui n’avoient point de suite », le but de chaque camp étant de chanter le plus fort et de faire rire l’autre afin d’emporter la victoire260. Cet affrontement par chansons interposées n’est rien au regard de ce qui attend les véritables élus.
Notes
1 Paris, AN, LL 125, p. 260-278 ; Rouen, AD Seine-Maritime, G 2144, fo 337V-338V ; AD Rhône, 10 G 284, fo 261V et suiv ; dans ce dernier cas, les citations sont faites à partir de la copie des registres, 10 G 1376, pièce I.
2 Il s’agit bien de pages et non de folios, le notaire ayant numéroté chaque page.
3 Celle de Denis du Moulin a eu lieu à une date pour laquelle les registres ne sont pas conservés, le 21 février 1439 ; la lacune court de 1437 à 1440. La mention de cette élection est faite par J. Salvini, « L’application de la Pragmatique Sanction sous Charles VII et Louis XI au chapitre cathédral de Paris », RHEF, 1,1912, p. 121-148, 276-296, 421-431, 550-561. Pour ce qui concerne ces différentes élections, trois thèses de chartistes : G. Grassoreille, « Essai sur l’histoire politique du chapitre de Notre-Dame de Paris pendant la domination anglaise. 1420-1436 », Mémoires de la Société de l’Histoire de Paris et de l’Ile-de-France, 9,1882, p. 109-192. J. Salvini, « L’application de la Pragmatique Sanction sous Charles VII et Louis XI au chapitre cathédral de Paris », op. cit. M. Pardessus, Le rôle du clergé de Paris pendant l’occupation anglaise, 1420-1436, thèse de l’École des Chartes, dactylographiée. Ses conclusions sont présentées dans Positions des thèses de l’École des Chartes, 1950, p. 81-89.
4 AN, LL 112, p. 304-307, LL 277, fo 63-64.
5 AN, LL 113, p. 77, LL 277, fo 94r-v.
6 AN, LL 116, p. 376-381, l’ensemble avec les préparatifs de la veille et le procès-verbal adressé à l’archevêque de Sens, p. 373-386, LL 277, fo 136v-140v.
7 AN, LL 126, p. 143-165.
8 Deux procès ont laissé des traces, celui devant la juridiction ecclésiastique métropolitaine de Sens, et celui devant la juridiction séculière du parlement de Paris.
9 Jean Simon est le fils d’un avocat du roi au parlement de Paris, Jean Simon, et de sa seconde épouse, Catherine Milet, sœur de l’évêque de Soissons, Jean. Licencié en droit civil, il devient conseiller au parlement de Paris le 12 septembre 1471 ; il entre au chapitre de Notre-Dame-de-Paris le 25 septembre 1478. Gérard Gobaille est originaire de Soissons, issu d’une famille de commerçants. Licencié en droit et bachelier en décret, il est avocat au Châtelet de Paris. Chanoine et trésorier de la cathédrale de Soissons, il entre au chapitre parisien le 26 février 1492. Pour de plus amples renseignements sur leur biographie, je me permets de renvoyer à ma thèse, Les élections épiscopales en France à la fin du xve siècle..., p. 442-466, et généalogie, vol. 4, p. 18.
10 AN, X1a 4834, fo 122V, 24 janvier 1493.
11 (...) febre correptus (...) etatis sue anno xlve migravit ad Cristum, Obituaires de la province de Sens, éd. Molinier, 1.1, Diocèses de Sens et de Paris, Paris, 1902, p. 148. AN, LL 125, p. 235.
12 A. Paravicini Bagliani, Le corps du pape, Paris, 1997, p. 129-133.
13 Fuit insuper ordinatum quod domini cantor [Arthur de Vaudetar], penitentiarius [Jean Quentin], [Jean] Simonis, [Guillaume de] Cambray et [Robert] Briçonnet, irent erga regem actento quod erat Parisius pro nuntio ad sibi notificandum ex parte capituli obitum domini porisiensis et quod capitulum intendebat eligere vel postulare personam deo et sibi qratam ac populo utilem, sine tamen petendo licenciant specialem eligendi et quia dicitur quod capitulum non tenetur petere licenciam, AN, LL 125, p. 235-236.
14 BM Ajaccio, ms 138, III, no 33, p. 83 : prêtre, licencié en droit civil et canon, chanoine depuis le 28 novembre 1477, official, puis chantre le ier mars 1484, chanoine de Saint-Marcel. G. Dupontferrier, « Les avocats à la cour du Trésor de 1401 à 1415 », BEC, 97,1936, p. 5 et suiv., 98, 1937, p. 141 : il appartient à une famille de robe du xve siècle, riche en avocats, dont il est le plus connu dans la seconde moitié du siècle ; il a également plaidé à la Cour des aides de 1467 à 1480 ainsi qu’au parlement de Paris. Dès 1473, c’est un des plus fameux avocats de son temps. Il meurt en 1504.
15 Sur sa biographie, voir infra, p. 98, η. 119.
16 Guillaume de Cambray (ca 1430-1505), chanoine de Notre-Dame-de-Paris depuis le 18 décembre 1478, il devient conseiller du roi au parlement de Paris en 1483. BM Ajaccio, ms 138, IV, p. 180, É. Maugis, Histoire du Parlement de Paris de l’avènement des rois Valois à la mort d’Henri IV, 3 vol., Paris, 1913-1916, vol. 3, p. 103. Élu archevêque de Bourges le 19 novembre 1483, il ne prend possession de son siège qu’en août 1492, à la mort de Pierre Cadouet.
17 Sur ces chanoines, voir supra, p. 80, n. 9, et infra, p. 101, n. 135.
18 AN, LL 125, p. 236. Sur les liens entre le prieuré parisien du Val-des-Écoliers et le pouvoir royal, cf. C. Guyon, Les Écoliers du Christ, l’ordre canonial du Val-des-Écoliers, 1201-1539, Saint-Étienne, 1998, et notamment p. 248-264, 511. Il semble que Charles VIII et ses proches apprécient le lieu pour prier et se recueillir, et sans doute discuter de sujets importants, en cet endroit où chaque jour est célébrée une messe pour les rois de France et leur famille.
19 Par exemple en 1407, les chanoines de Paris décident d’élire le successeur de Pierre d’Orgemont, mais cette élection n’aura jamais lieu, ou encore en 1420. cf. AN, LL 277, fo 47v, 56v.
20 Noble originaire du Poitou, fils aîné de Louis de Beaumont, seigneur de la Forêt, et de Jeanne Jousseaume, il est préconisé par Sixte IV à l’évêché de Paris en juin 1472, alors qu’il n’a que 26 ans. Son père est un « des serviteurs préférés de Charles VII, puis de Louis XI ». Il est l’un des trente-six commissaires chargés de surveiller l’exécution des promesses faites après le Bien Public (octobre 1465) et l’un des premiers chevaliers de Saint-Michel en 1469, J. Vaesen éd., Lettres de Louis XI, t. 3, Paris, 1887, 85, n. 2.
21 AD Yonne, G 34, p. II.
22 Lemaistre fait remonter en droit cette autorisation à Philippe II, AN, X1a 4830, fo 177,12 mars 1489, « quant il fit son testament avant le voyage d’oultremer ». Il s’agit de l’article 9, cf. Isambert, Recueil général des anciennes lois..., t. 1, p. 177-182. Louis IX a fait de même en 1248 avant de partir pour la croisade, confiant alors cette charge à sa mère, J. Gaudemet, Église et Cité..., op. cit., p. 419.
23 AN, J 345B, no 131 et no 141.
24 AN, LL 116, p. 373.
25 On trouve le modèle de lettre d’autorisation dans l’Art notarié de la chancellerie royale, compilé par Odart Morchesne en 1427, fo 43, BnF, Ms. fr. 5024.
26 AN, X1a 4830, fo 116, 5 février 1489.
27 J. Gaudemet, La collation par le roi des bénéfices vacants en régale, Paris, 1935, p. 59.
28 (...) ne ipsa ecclesia parisiensis propter diuturnam vacacionem pateretur in spiritualibus et temporalibus lesionem, AN, LL 125, p. 260.
29 AN, LL 125, p. 260
30 Respectivement AN, LL 125,10 juillet, p. 239 ; n juillet, p. 239 ; 13 juillet, p. 241 ; 16 juillet, p. 244 ; 20 juillet, p. 248 ; 26 juillet, p. 250 ; Guillaume de Houppelande est mort dans la nuit du 1er au 2 août, cf. 2 et 3 août, p. 255-256.
31 Comme cela se passe aussi à la curie romaine, A. Paravicini Bagliani, Le corps du pape, op. cit., p. 140.
32 AN, LL 125,12,13 et 14 juillet, p. 241-243.
33 AN, LL 125, p. 250 et p. 253.
34 Depuis le concile de Béziers de 1233, cf. R. Gane, Le chapitre de Notre-Dame de Paris au XIVe siècle, Étude sociale d’un groupe canonial, Saint-Étienne, 1999, p. 26. Cf. l’exemple de Lyon, supra, p. 63-64.
35 (...) magistro Nicolao d’Argouges numme vocato eo quod a tempore citacionis contra eum emanate et executate resipnauerat suos canonicatum et prebendam parisienses in favorem Emerici d’Argouges eius nepotis simplicis clerict vocem in capitulo non habentis et ob hoc numme citati. AN, LL 125, p. 263-264. Cette résignation est enregistrée dans les registres du Saint-Siège, ASV, Cam. Ap., Resign. no 5, fo 79V en date du 15 juillet 1492.
36 Pour les absents, AN, LL 125, p. 263-264, cf. infra, p. 99-100.
37 AN, LL 125, p. 237. Ordinatum est quod magister Guillermus Coudurier commissus ad officium sigilliferi curie parisiensis faciat misias edictorum electionis super emoluments sigulli ; hodie fuerunt missi et expediti nuntii pro portando edicta ad citandum absentes pro electione futuri pastoris.
38 AN, LL 125, p. 238.
39 AN, LL 125, p. 256. Ainsi, à Rouen, c’est dans le compte du chanoine Jean Esterlin, « trésorier de l’archeveschié dud. lieu », couvrant la période du 18 juillet 1493 au 18 juillet 1494, que sont détaillées les dépenses faites pour l’élection au profit de plusieurs personnes (messagers pour obtenir la licence d’élire, prédicateurs qui officièrent lors des processions générales organisées pour l’élection, cadeaux faits aux envoyés du roi, notaires chargés de citer les chanoines résidant en un autre lieu, nourriture le jour de l’élection, témoins et notaires de l’élection, envoyés auprès de l’élu pour avoir son consentement). Le total se porte à 168 livres, 1 sou et 13 deniers : cette somme étant non négligeable, on comprend que les chanoines insistent sur l’origine épiscopale des fonds, AD Seine-Maritime, G 80.
40 L’usage de ce terme dans ce cas et dans des cas similaires démontre bien qu’il signifie avant tout choisir.
41 AN, LL 125, p. 254.
42 Ainsi l’exprime Jean Simon, « au regard des solennitez introduictes per concilium basiliensium de communione il n’estoit tenu de s’en enquérir car a ceste fin sont les notaires et tesmoings », AD Yonne, G 34, pièce 70, item XIIII.
43 AN, LL 125, p. 261. Sur le secret de l’élection, voir infra, p. 88, 281-285.
44 AN, LL 125, p. 277, on peut lire ses titres au complet, à la fin du relevé des scrutins : Presbiter ambianensis diocesis in artibus magister et in decretis baccalarius auctoritatibus apostolica et imperiali ac episcopalis et conservacionis privilegiorum alme matris universitatis parisiensis curiarum notarius necnon curie maioris archidiaconatus parisiensis scriba.
45 Ibid., p. 278 : Ego johannes Raoulin presbiter cenomanensis diocesis in decretis baccalarius publiais apostolica et imperiali auctoritatibus ac curie episcopalis parisiensis notarius juratus. Il est en effet scribe de l’auditoire (ibid., p. 241). Il devient plus tard le scribe du chapitre, après le décès de Jean Gaudon. Pour les détracteurs de Gobaille, il aurait eu cette charge en échange des services rendus à l’élu pendant l’élection (AD Yonne, G 34, pièce 70, item 112), et c’est ainsi qu’on peut lire au début du registre AN, LL 126, p. 1, le 2 octobre 1493, les mêmes titres suivis de ac dicti capituli parisiensis notarium juratum. Ibid., p. 266, le 5 novembre 1494 à la fin de l’élection de Jean Simon. Le 10 février 1531, il est élu à une demi-prébende de Saint-Aignan, à la collation du chapitre, cf. E. Deronne, « Les origines des chanoines de Notre-Dame de Paris, 1450-1550 », Revue d’Histoire moderne et contemporaine, 18,1971, p. 1-29, notamment p. 7.
46 Le notaire du chapitre se trouve aussi à Lyon et Rouen.
47 AN, LL 125, p. 277 : Presbiter arcium magister Turonensis diocesis publicus apostolica et imperiali auctoritatibus curiarum episcopalis et conservacionis privilegiorum apostolicorum aime uniuersitatis parisiensis notarius ac capituli venerabilis ecclesie parisiensis scriba juratus. C’est lui qui rédige les registres capitulaires, ibid., p. 1. Le siège vacant, il est également scribe de l’official de la cour, ibid., p. 242. Il est mort avant le 2 octobre 1493 ; on apprend qu’il tenait deux maisons, l’une dans le cloître, l’autre à l’extérieur, AN, LL 126, p. 1.
48 AN, LL 125, p. 258. G. Alberigo, Les conciles œcuméniques..., op. cit., p. 969.
49 Voir supra, p. 68-69.
50 AN, LL 125, p. 261.
51 AD Yonne, G 34.
52 A. Renaudet, Préréforme et humanisme..., op. cit., p. 42. Jean Panesthier (nom parfois orthographié Painetchair ou Pametcher), chanoine de Paris et de Soissons, principal du collège de Presles. Il est mort le 28 novembre 1473, cf. AN, M 185, pièce 27, fo 34.
53 AD Yonne, G 34, item XXIIII.
54 J.-L. Gazzaniga, L’Eglise du Midi au temps de Charles VII, op. cit., p. 113, n. 18. Il suit en cela Francesco Zabarella, cf. Glosa praqmaticae..., fo 65. Henri de Suse, Summa aurea, op. cit., fo 23v, écrit quant à lui ubi consuevit et plus loin dummodo non in propina vel lupanari sed in loco honesto.
55 Cela est prescrit par une décrétale de Célestin V († 1198), XI, 6, 20, citée par J. Gaudemet, Le gouvernement de l’Église à l’époque classique, op. cit., p. 62.
56 AN, LL 125, p. 255. Quod fiat scrutinum intra capitulum in aliquo angulo sed quod domini poterunt durante electione exire capitulum et se recreare in parvo claustro si voluerunt.
57 Locus scrutini erat cum pannis et cortinis vallatus, AD Yonne, G. 34, p. 142.
58 AN, LL 125, p. 266 : Ad certum locum in uno angulo dicti capituli tapetis seu tentoriis ornatum ad modum conclavis et paratum ad huiusmodi scrutinium faciendum. Même manière de procéder pour l’élection de Jean Simon les 4 et 5 novembre 1494, LL 126, p 156 : Ad certum angulum dicti capituli tapetis ornatum et paratum ad modum conclavis.
59 Ainsi pour l’élection de Fraillon, AN, LL 277, fo 94 et pour celle de Simon, cf. note ci-dessus et Michel Lochmaier, Practica electionum..., fo 11v.
60 Il en est de même à Lyon et Rouen mais, à Lyon, le scrutin est recueilli dans la chambre du trésor, contiguë au chapitre.
61 Sans doute le cloître de Saint-Denis-du-Pas qui jouxte la salle du chapitre.
62 AD Yonne, G 34, p. 115, 146.
63 Vidit quod nonnulli ex dominis canonicis exiebant a dicto capitula, aliqui ad vectiam emittenda et aliqui ad bibendum et comedendum et in dictum claustrum veniebant allutrum [sic] loquentes, AD Yonne, G 34, p. 446.
64 In quadem parva camera proxima capitula subtus cameram que dicitur compotorum, per camerarium dicte ecclesie nuncupatum Borsier parata fuerunt cibaria, videlicet panis vinum carnes pastilli fructus, et alia cibaria, ut domini eligentes si indigerent bibere et edere possent, ne haberent ocasionem exeundi a dicto capitulo ante completudinem prefate electionis, AD Yonne, G 34, p. 162. Ulterius deponit se vidisse quod in loco ubi fiebat scrutinium, fuerunt aliqui servitores déportantes panem, vinum et alia cibaria ut scrutatores comedere possent, AD Yonne, G 34, p. 142. D’autres témoignages concordent. L’orthographe du nom du camérier peut différer, ainsi Boursier, p. 280.
65 J. Gaudemet, « L’évêque dans la cité en France (xie-xive siècles) », Estratto da Studia Gratiana, 28,1998, p. 335.
66 Pour plus d’éléments sur cette question des processions, de la campagne électorale et du rôle attribué à la population, V. Julerot, « “Peuple” chrétien et élection épiscopale à la fin du xve siècle », RHEF, 91, 2005, p. 23-45.
67 Il en est de même à Rouen où le 12 août sont ordonnées des processions pro electione futuri pastoris. AD Seine-Maritime, G 2144, fo 334v.
68 AN, LL 125, p. 251 : Et ut Deus vellet dare et administrare pastorem qui sciat et valeat ad honorem Dei et ecclesie et saltem populi pastoris officium exercire.
69 B. Guenée, « Liturgie et politique. Les processions spéciales à Paris sous Charles VI », dans Saint-Denis et la royauté, Études offertes à Bernard Guenée, dir. F. Autrand, C. Gauvard, J.-M. Moeglin, Paris, 1999, p. 23-49, ici P· 24·
70 B. Guenée, « Liturgie et politique... », op. cit., p. 48.
71 P. Arabeyre, Les idées politiques à Toulouse à la veille de la Réforme..., op. cit., p. 524.
72 Voir Première partie, chapitre i.
73 AD Yonne, G 34, p. 14, XI : Item quinymo clerus et populus desiderabant ut idem Symonis eligeretur, et erat vox per dyocesim parisiensem quod ipse esset electus sed nonnulli sui emuli odio et invidia de dicto Symone qui non aspirabat, et aliis notabilibus viris ecclesie parisiensis ante dictam electionem fecerunt publicare quosdem rotulos de ipsis ut ad noticiam domini nostri regis tunc Parisius existentis deveniret, prout est verissimile, animo eis nocendi et ad suos fïnes damnatos deveniendi. Sur les articles du libelle, cf. p. 181.
74 Par exemple : Quod in civitate et universitate parisiensibus ante electionem vox communis erat quod dictus Symon eligeretur in episcopum parisiensem vel magister Nicolaus de Hacqueuille, maior tamen rumor erat de dicto Symone quam de dicto Hacqueuille. AD Yonne, G 34, p. 668.
75 Des campagnes électorales, parfois très animées, existent déjà au ve siècle, L’Église d’Orient et d’Occident..., op. cit., p. 217.
76 Pour le texte de ces placards et le fonctionnement de la campagne, cf. V. Julerot, « “Peuple” chrétien et élection épiscopale... », op. cit., p. 30-39. En voici un exemple : « L’urbanité de Ponchier, les matines de Hacqueville, les bonnes cheres de Symon, les trafiques de Cambray, la prodigalité de Piquart feront faire l’election », AD Yonne, G 34, p. 668.
77 Voir supra, p. 80, n. 9.
78 Par exemple, vox popularis tam in clero quam in populo talis erat Parisius, quod prefatus magister Johannes Symon aut magister Nicolaus de Haqueville ecclesie parisiensis canonici, propter eorum mérita eligerentur, AD Yonne, G 34, p. 80. Nicole de Haqueville est entré au chapitre de Notre-Dame-de-Paris le 23 janvier 1475 et au parlement de Paris le 17 avril 1482. BM Ajaccio, ms. 138, II, p. 26, É. Maugis, Histoire du Parlement de Paris..., op. cit., vol. 3, p. 114.
79 Il est conseiller au parlement de Paris le 4 novembre 1485 et chanoine de Notre-Dame depuis le 2 février 1492, BM Ajaccio, ms. 138, IV, p. 44, É. MAUGIS, Histoire du Parlement de Paris..., op. cit., vol. 3, p. 117,123.
80 BM Ajaccio, ms. 138, I, no I2, p. 307 : Jean le Picart ou Picard, clerc, chanoine depuis le 6 novembre 1480 ; troisième fils de Jean, conseiller des rois Charles VI et Charles VII, maître des comptes, et de Catherine Poncher. Chanoine et prévôt de l’église de Saint-Martin-de-Tours, archidiacre de Meaux. Il est docteur en droit en 1468, conseiller au Parlement, et en 1471 curé de Saint-Merry. M. Fournier et L. Dorez éd., La Faculté de décret..., op. cit., p. 239 : il est maître régent de la faculté avec Ambroise de Cambray, a été élu régent le 17 février 1468. Un Jean Picart est notaire et secrétaire du roi en 1484, cf. A. Bernier éd., Procès-verbaux des séances du Conseil de régence du roi Charles VIII pendant les mois d’août 1484 au 12 janvier 1485, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque Royale, Paris, Imprimerie royale, 1836, p. 183-200.
81 Voir infra, p. 101, n. 135.
82 Voir supra, p. 82, n. 16.
83 Jean de Rély est le seul de cette liste à ne plus être membre du chapitre parisien, mais depuis peu, car il a été élu à l’évêché d’Angers le ier décembre 1491, et Jean Aimery ou Hemery lui succède au chapitre le 20 mars 1492, AN, LL 125, p. 198.
84 Chanoine de Notre-Dame depuis le 22 juin 1486, il y est chantre, BM Ajaccio, ms. 138, III, p. 245. Il est conseiller au Parlement depuis le 20 mai 1471 ; É. Maugis, Histoire du Parlement de Paris..., op. cit., vol. 3, p. 105.
85 L’étude plus précise du contexte de l’élection parisienne de 1492 et de ses protagonistes fera l’objet d’une autre publication.
86 BM Ajaccio, ms. 138, III, no 36, p. 155 : il est chanoine depuis le 11 octobre 1475.
87 E. Wickersheimer, Dictionnaire biographique des médecins du Moyen Âge, Genève, 1936-1979 : écolier de la faculté de médecine de Paris 1460-1461, bachelier en 1463, licencié en 1466 ; il n’obtient la maîtrise qu’en 1474. Peut-être s’agissait-il là d’une discussion entre connaisseurs, puisque lui-même a été témoin de l’élection du doyen du chapitre de Saint-Marcel à Paris le 29 octobre 1474.
88 AD Yonne, G 34, p. 112 ; déposition de Guillaume Coudurier : Insuper dicens quod dictus Guymier dicto testi ante electionem in parvicio dicte ecclesie in presencia magistri Petri Allusson doctoris medicine dixit quod non erat eligendus vir magne prelature sed de simplicioribus et minoribus ad instar domini nostri Jhesus Christi qui suos apostolos et discipulos fecerat et elegerat de simplicibus ut puta de piscatoribus et aliis infimis hominibus.
89 Le dauphin Charles-Orland naît le 10 octobre 1492.
90 Discours de Jean de Rély aux états généraux de 1484, dans Jean Masselin, Journal des États généraux..., op. cit., p. 169.
91 (...) eciam quod parisiensis ecclesia speculum omnium aliarum tocius regni ecclesiarum existebat, AN, LL 126, p. 147.
92 N. Valois, Le conseil du roi aux xive, xve et xvie siècles, Paris, 1888, p. 162,169. Ils l’étaient déjà sous Louis XI, P. R. Gaussin, « Les conseillers de Louis XI (1461-1483) », dans La France de la fin du xve siècle, Renouveau et apogée, Paris, 1985, p. 105-134, p. 115,117.
93 Très influent au début du règne de Charles VIII et lié au sire de Beaujeu, Y. Laban de Mailfert, Charles VIII et son milieu..., op. cit., p. 33.
94 Y. Labande-Mailfert, Charles VIII, op. cit., p. 25-26,130.
95 Il ne semble pas encore avoir joué un rôle important.
96 Y. Labande-Mailfert, Charles VIII, op. cit., p. 133.11 a également joué un rôle dans la délivrance de Louis d’Orléans, Y. Labande-Mailfert, Charles VIII et son milieu..., op. cit., p. 95-96. Ch. Giry-Deloison, « Le personnel diplomatique au début du xvie siècle », JS, 1987, p. 209 : Béraud Stuart est comte de Beaumont-le-Roger.
97 Il est déjà au service de Louis XI, P. R. Gaussin, « Les conseillers de Louis XI », op. cit., p. 112. Y. Labande-Mailfert, Charles VIII et son milieu..., op. cit. : bien qu’orléaniste, il inspire assez de confiance au roi pour que, quelques mois plus tard, lui soit confiée la garde du dauphin, p. 53, 276-277, 440.
98 C’est lui qui est à l’origine de la libération du duc d’Orléans, enfermé dans la tour de Bourges, le 28 juin 1491, sans que Charles VIII en ait parlé à sa sœur ou à Graville ; gouverneur du Dauphiné. Y. Labande-Mailfert, Charles VIII, op. cit., p. 129-130.
99 P. R. Gaussin, Louis XI..., op. cit., p. 117, et J. Favier, Louis XI, op. cit.
100 Depuis 1491, Y. Labande-Mailfert, Charles VIII, op. cit., p. 25-26, 39,112.
101 (...) notabilem et suffïcientem personam et bene notam capitulo, AN, LL 125, p. 236.
102 La postulation emprunte la plupart des formes et des règles de l'élection, et se combine d’un appel à la grâce du pape, qui seul peut lever en faveur d’un candidat un empêchement. Ici, il faudrait délier Rély de l’église d’Angers, cf. N. Didier, « Postulation, élection et provision apostolique... », op. cit., p. 44-45. Le terme de postulatio est employé à partir du règne d’innocent III, L. Falkenstein, « Alexandre III et la vacance d’un siège métropolitain... », op. cit., p. 11. Une certaine confusion entre les deux termes existe, même au Moyen Âge. Il faut donc s’en méfier dans la lecture des sources, cf. J. Gaudemet, Les élections dans l’Église latine..., op. cit., p. 153. D’ailleurs, le notaire du chapitre parisien est prudent dans la rédaction du registre lors de l’élection : pour pallier tout empêchement, il emploie toujours les deux termes.
103 Pro bono et utilitate ecclesie regis et regni, AN, LL 125, p. 237.
104 E. Petit, « Séjours de Charles VIII », Bulletin historique et philologique du Comité des Travaux historiques et scientifiques, 1896, p. 629-690, p. 667, le roi est assez régulièrement à Étampes depuis le 21 juillet et en part le 3 pour La Ferté, le 4 il est à Corbeil. Ces deux villes sont situées sur la route Étampes-Paris.
105 Le 6 août, AN, LL 125, p. 267.
106 AN, LL 125, p. 258-259.
107 AN, LL 125, p. 261. Je remercie Gérard Giordanengo de m’avoir indiqué la meilleure traduction possible de cette expression.
108 Déjà pour l’élection de 1420, G. Grassoreille, « Essai sur l’histoire politique du chapitre de Notre-Dame... », op. cit, p. 119.
109 Sicut in construenda, traduction dans G. Alberigo, Les conciles oecuméniques..., op. cit., t. 2, p. 967.
110 Intendebant secundum Deum et eorum consciencias talem procedere in huiusmodi negocio quod remplacerent Deo et facerent talem quod rex et populus deberent contentari, AN, LL 125, p. 254.
111 Conclusum est quod, Domino auxiliante, procederetur ad electionem seu postulacionem, AN, LL 125, p. 235. On retrouve auxiliante Domino pour la décision d’élire en 1420. Voir G. Grassoreille, « Essai sur l’histoire politique du chapitre de Notre-Dame... », op. cit., p. 120.
112 Episcopatus = temporel de l’évêché, J. Gaudemet, La collation par le roi de France..., op. cit., p. 21.
113 AN, LL 125, p. 269.
114 AN, LL 125, p. 263. Neveu de l’évêque de Meaux du même nom, il lui a succédé comme doyen du chapitre en 1483, B. Gulrard, Cartulaire de l’église Notre-Dame de Paris, op. cit., t. IV, p. 216.
115 M. Dykmans, Le cérémonial papal, Bruxelles, 1977, t. 2, par exemple p. 156-157, élection de Boniface VIII à Naples en 1294.
116 AN, LL 125, p. 262. Finita dicta missa ad maius altare genibus flexis prostrati, sacramentum eucharistie per manus dicti domini decani, vestibus sacris nondum devestiti, humiliter et devote receperunt.
117 C’est le frère de Thomas, théologien et un des juges de Jeanne d’Arc. Jean est docteur en droit, cf. BM Ajaccio, ms. 138, II, no 27, p. 327. Malgré son âge, il défend encore ses intérêts puisque le 31 décembre 1493, il s’oppose à ce « que aucun ne soit receu en sondit office de conseiller qu’il ne soit premièrement appelé et oy en ses causes d’opposition », AN, X1a 1501.
118 AN, LL 125, p. 262-263. Prefatus magister johannes Quentin penitentiarius in sacra theologia professor ad dictos dominos capitulariter congregatos sermonem habuit, et hec verba pro themate sumpta « unanimes uno ore honorificetis Deum » eleganter verbis latinis deduxit.
119 Jean Quentin a environ 62 ans. Ce docteur en théologie est issu d’une famille obscure de Noyon ; socius de la Sorbonne en 1465, archidiacre de l’église de Senlis, il est chanoine de Notre-Dame depuis le 16 septembre 1482, et son pénitencier depuis 1488. C’est un fervent partisan de la réforme de l’Église, surtout depuis sa rencontre en 1491 avec François de Paule. À cette date, c’est d’ailleurs dans sa maison claustrale qu’ont logé les Minimes à leur arrivée à Paris et c’est là qu’ils reçoivent leur règle. Il écrit quelques traités – leur date de parution reste inconnue – dont un réputé Cordial ou Traité pour enflammer les âmes d’amour divin. Sa réputation de prédicateur est grande – le notaire ne note-t-il pas le terme eleganter ? – même s’il est moins doué que Jean Raulin. Le 9 février 1492, c’est lui qui, au nom du chapitre, harangua la reine Anne faisant son entrée à Paris. Cf. L. Dautheuil, « Jean Quentin humaniste évêque élu de Senlis », Société d’Histoire et d’Archéologie de Senlis, Comptes-rendus et mémoires, 1967-1968, p. 55-83,1969, p. 57, qui est le seul à avancer une date de naissance. A. Renaudet, Préreforme et humanisme..., op. cit. (éd. 1913), p. 15. M. Piton, « L’idéal épiscopal... », op. cit., p. 79, n. 2. BM Ajaccio, ms. 138, II, no 17, p. 54. G. Hasenohr, Dictionnaire des lettres françaises, Le Moyen Âge, dir. G. Grente, Paris, 1992, p. 835-836. Il est question dans la notice des sermons qu’il aurait prononcés en français à Saint-Séverin.
120 AN, LL 125, p. 251.
121 C. Vanel, Histoire des conclaves depuis Clément V jusqu’à présent, Paris, 1869, p. 55 : après la messe du Saint-Esprit, Bernardin Caravaja, évêque de Cartagène et ambassadeur du roi d’Espagne, « fit un sermon fort éloquent et dont tout l’auditoire demeura satisfait ».
122 BAV, Codices Reginenses Latini, no 168, xiiie -xive s., « Scholastici sermones de praecipuis sollemnitatibus per circulum anni », fo 41-43v : De electione ; BM Grenoble, ms. 607, recueil de sermons anonymes de Chambéry, xve s., fo 32-33 : De electionibus. À Angers, pour l’élection de 1479, « La Vignolle, doien, qui est lectré, fit une grande et notable collacion et exortacion en demonstrant la forme qu’on doit tenir en l’election », AN, X1a 4827, fo 193v, 22 mai 1486.
123 AN, LL 125, p. 263 ; ils l’ont déjà fait le 4 août, p. 258.
124 (...) palam et publice alta voce coram populo trina vice, AN, LL 125, p. 263.
125 Clerc, licencié ès lois ; protonotaire du Saint-Siège ; chanoine le 2 avril 1468 (par permutation ; Robert de Pompadour) ; en 1481, nommé chambrier du chapitre, frère de Robert son prédécesseur ; doyen de Limoges, grand archidiacre de Poitiers ; pourvu de l’évêché de Condom le 15-mai 1486 ; le 21 mars 1487, il notifia au chapitre la dispense obtenue du pape pour jouir de son canonicat avec l’évêché. BM Ajaccio, ms. 138, II, no 21, p. 160.
126 Ou Dauvet ? Clerc, maître ès arts, bachelier en droit civil ; chanoine le 29 avril 1467 (mort de Jean Secretain). Second fils de Jean, Ier président du parlement de Paris et de Jeanne Boudrac ; chanoine d’Angers, archidiacre d’Outre-Loire, maître des requêtes, chanoine du Puy et archidiacre en l’église de Reims. En 1482, il était prieur de Montreuil-Bellay en Anjou. BM Ajaccio, ms. 138, II, no 23, p. 216.
127 Licencié en droit canon, chanoine le 14 mars 1475 (mort d’Amy Gombert) ; évêque de Lisieux en 1482, il obtint une dispense pour conserver sa prébende de Paris quelques mois avant de mourir. Originaire de Normandie, fils de Jean, seigneur de Carrouges ; archidiacre d’Auge ; évêque de Nîmes en 1481, il est transféré le 12 août 1482 à Lisieux.
128 Clerc, chanoine le 9 septembre 1485 (permutation Jean de Rochechouart) ; frère de Jean, fils de Jean, seigneur de Mortemar Montpipeau et de Marguerite d’Amboise. BM Ajaccio, ms. 138, IV, no49, p. 97.
129 AN, LL 125, p. 264.
130 Le décompte des absents et cette monition se retrouvent dans toutes les élections parisiennes. Ils doivent se faire pour chaque élection.
131 AN, LL 125, p. 265. Quibus monicione et protestacione sic factis ipse dominus decanus primo juramentum in manibus prefati domini cantoris prestitit sub hac verborum forma : Ego, Johannes Luillier decanus et canonicus huius ecclesie parisiensis juro et promicto omnipotenti Deo et beate Marie virgini in cuius honore hec presens ecclesia parisiensis est fundata, eum eligere quem credam futurum ipsi ecclesie in spiritualibus et temporalibus utiliorem esse, nec illi vocem dare, quem verisimiliter scivero promissione aut donacione alicuius rei temporalis seu prece per se vel alium interposita aut alias qualitercumque directe vel indirecte pro se electionem procurare.
132 BM Ajaccio, ms. 138, III, no 42, p. 265 : maître ès arts, bachelier en droit canon, chanoine depuis le 17 mai 1462.
133 Quibus juramentis sic prestitis dictus magister johannes de Louviers de sede sua assurgens elegit et nominavit via spiritu sancti in episcopum et pastorem dicte parisiensis ecclesie magistrum Robertum Briçonnet canonicum parisiensem, dicto domino cantore et quibusdem aliis de dictis dominis canomcis assurgentibus et dicentibus quod noleban impedire viam spiritus sancti, sed quia non omnes in huiusmodi via perstiterunt et aliqui in suis sedibus et locis sedentes remanserunt, illa via dimissa seu relicta, iidem domini capitulantes per viam scrutinii in huiusmodi electionis seu provisionis negocio procedere decreverunt, cum protestadone de ipsam viam reiterando seu aliam eligendo prout eis melius videretur, AN, LL 125, p. 265.
134 Cela est résumé dans les plaidoiries, AN, X1a 4834, fo 123, 24 janvier 1493.
135 AD Yonne, G 34, p. 139. Fils de Jean, secrétaire de Louis XI puis receveur général des finances, premier maire de Tours en 1462, mort le 30 octobre 1493, et de Jeanne Berthelot. Frère de Guillaume, bientôt évêque de Saint-Malo... Lui-même devient archevêque de Reims, un an plus tard seulement, le 18 septembre 1493.
136 Tous les détails théoriques de la procédure sont empruntés à l’article de Léo Moulin, « Sanior et maior pars », op. cit. Même si l’auteur traite des élections dans les ordres religieux, les pratiques concernent toutes les élections dans l’Église.
137 AN, LL 125, p. 265-166.
138 Voir supra, p. 92, n. 80.
139 BM Ajaccio, ms. 138, III, no 34, p. 109 : Jean Louet, prêtre, docteur et professeur en droit civil et canon, chanoine depuis le 17 février 1479 ; fils de James Louet, lieutenant général de Baugé, trésorier général de René d’Anjou et roi de Sicile, et président de la Chambre des comptes, et de Thomme Pavy. Chanoine d’Angers en 1455, curé de Brion en Anjou en 1460, curé de Saint-Eustache et chanoine de Saint-Germain-l’Auxerrois.
140 AN, LL 125, p. 271. L. Moulin, « Sanior et maior pars », op. cit., p. 502-503. C’est présenté par Michel Lochmaier comme un devoir des scrutateurs, Practica electionum..., fo 12.
141 B. Guérard, Cartulaire de l’église Notre-Dame de Paris, op. cit., t. 1, préface p. LXXV-LXXVI ; il renvoie à l’édition du cartulaire III, p. 79. Le scrutateur : « Frère, ayez Dieu seul devant les yeux, et pour l’amour de Jésus-Christ, écartant tout sentiment de haine ou d’affection, et toute considération humaine, ne vous arrêtez qu’à celui que vous croyez, en votre conscience, le meilleur et le plus utile pour notre église, et dites-nous pour qui vous votez ». Le chanoine répond : « Je suis pour maître un tel, notre confrère, et je le nomme et élis pour évêque de Paris ».
142 AD Yonne, G 34, p. 19 : XXVIII.
143 L. Moulin, « Sanior et maior pars », op. cit., p. 518 : « Le principe de l’élection par une majorité relative (...) n’a jamais été admis par l’Église. La majorité absolue est nécessaire (...) dans tous les cas de vote collégial ».
144 AN, LL 125, p. 268. Jam erat inter primam et secundam horas post meridiem et domini capitulantes erant vexati nec pransi fuerant, continuandum est huiusmodi negocium ad diem crastinam et ulterius per eos conclusum.
145 AD Yonne, G 34, p. 350. Dicta die lune fuit bona statio seu residencia per dominos capitulantes in dicto capitula facta, verumtamen dicte die mercurii vidit diversis vicibus plures ex dominis capitulantibus exire a capitulo in parvum claustrum invicem colloquentes.
146 Depresse loquebatur, AD Yonne, G 34, p. 246, et aussi p. 151.
147 AD Yonne, G 34, p. 102.
148 AN, LL 125, p. 271.
149 Voir supra, p. 72-73.
150 Au premier tour 2 voix, au second 2, au 3e une, au 4e 3, au 5e une et au 6e une.
151 Les autres sont J. de Rély (2), V. Sainxon (2), M. Ruzé (2), J. Saulay (2), J. Louet (2), P. de Cerisay (1), le doyen J. Luillier (1).
152 Gobaille a donc eu 24 voix, Étienne Poncher 20, Nicole de Haqueville une, Robert Briçonnet une et Jean de Rély une.
153 En droit, c’est la seule étape de ce processus qui est véritablement l’élection. D’ailleurs quand les scrutateurs comptent les voix pour chercher un éventuel vainqueur, ils ne disent pas avoir ou ne pas avoir un élu, mais la formule est celle-ci : Ex votis huius scrutinii visum est huiusmodi scrutatoribus posse sequi electionem a maiori et saniori parte tocius capituli ou non posse sequi, AN, LL 125, p 271.
154 AN, LL 125, p. 275.
155 In nomine Patris et Filii et Spiritus sancti amen, ego Johannes Luillier decanus et canonicus huius ecclesie parisiensis auctoritate per capitulum michi data vice mea et aliorum meorum coeligencium maiorem et saniorem partem tocius capituli facientum, eligo venerabilem et circonspectum virum dominum et magistrum Gerardum Gobaille in episcopum et pastorem huius ecclesie parisiensis, AN, LL 125, p. 276.
156 Cela a été le cas à Angers pour l’élection d’Auger de Brie, AN, X1a 4828, fo 287v, 21 juin 1487.
157 Pour une vision complète de cet ensemble au xviie siècle, cf. F. L. Chartier, L’ancien chapitre de Notre-Dame de Paris et sa maîtrise d’après les documents capitulaires (1326-1790), Paris, 1897, p. 9.
158 AN, X1a 4826, fo132v, 17 mars 1485.
159 J.-Cl. Schmitt, La raison des gestes dans l’Occident médiéval, Paris, 1990, p. 303.
160 É. Palazzo, Liturgie et société au Moyen Age, Paris, 2000, p. 13,14.
161 Certains éléments sont confortés par le récit des élections rouennaise et lyonnaise, et par des détails provenant des plaidoiries et des témoignages.
162 Quand il est question du « rituel de l’élection » dans les ouvrages sur la liturgie, il s’agit de sa présentation au supérieur en vue de sa confirmation et de la consécration de l’élu, mais il n’est en aucun cas question de ce qui se déroule le jour même de l’élection, É. Palazzo, Liturgie et société au Moyen Âge, op. cit., p. 151,178.
163 Voir plan supra, p. 105.
164 AN, LL 277, fo 63v et 94.
165 Si elle existe aussi à Senlis, en 1499 (Μ. A. Menier, « Le chapitre cathédral de Senlis de 1139 à 1516 », Comptes rendus et Mémoires de la Société d’archéologie et d’histoire de Senlis, 1969-1970, p. 5-214, ici p. 99), à Rouen, en 1493, il n’est question que des chanoines, des notaires et des témoins (AD Seine-Maritime, G 2144, f. 338), et à Lyon, en 1488, seul le clergé de la cathédrale met ses pas dans ceux des électeurs (AD Rhône, 10 G 1376, p. 3).
166 Quo facto dicti domini decanus et capitulum ac vicarii et cappellani eiusdem ecclesie processionaliter, precedente cruce cum aqua benedicta et luminaribus assenis, decantando illud devotum responsorium « Félix namque » dictam eeclesiam parisiensem exeuntes copiosa populi multitudine eos insequente, locum capitularem introierunt ubi dicto responsorio cum versiculo et collecta « Deus qui de beate Marie » decantatis, dictus dominus decanus hymnum « Veni creator Spiritus » incepit, quem omnes genibus flexis decantaverunt, quo finito et dicta per eumdem dominum decanum collecta « Deus qui corda fidelium... », AN, LL 125, p. 262-263.
167 Pour Guillaume Chartier (1447, AN, LL 277, fo133v), antienne Felix namque es sacra virgo Maria, hymne Veni creator Spiritus, verset fini par les enfants de chœur Emitte Spiritum tuum, collecte Deus qui corda fidelium. Pour Gobaille (1492) le lundi : répons Felix namque es sacra virgo Maria, verset, collecte Deus qui de beate Marie, hymne Veni creator Spiritus, collecte Deus qui corda fidelium. Pour Gobaille le mercredi : répons Sancta et immaculata virginitatis, verset et collecte pertinentibus, hymne Veni creator Spiritus, cum versiculo Emitte Spiritum tuum, collecte Deus qui corda fidelium.
168 En effet, cet office de la première heure du jour se célèbre au chœur, il est très court, puis il est suivi de l’office au chapitre, et c’est à cette occasion que l’on règle les points concernant la vie du monastère. É. Palazzo, Le Moyen Âge. Des origines au xiiie siècle, Paris, 1993, p. 141. En est-il de même dans la cathédrale ?
169 A. Erlande-Brandeburg, La cathédrale, Paris, 1989, p. 315 : cette dédicace est due à la présence de l’enclos au nord.
170 AN, LL 125, p. 263. Il en est de même pour les autres élections parisiennes et ailleurs, par exemple à Saint-Flour, AN, X1a 4826, fo 38v, 16 décembre 1484.
171 Voir supra, p. 98-99.
172 A. Boureau, « Les cérémonies royales françaises entre performance juridique et compétence liturgique », AESC, 1991-6, p. 1253-1264, ici p. 1261-1262, écrit : « Loin de favoriser la manipulation magique des symboles, l’Église a construit souvent contre ses propres intérêts, une certaine capacité à user de la cérémonie comme d’un matériau expressif susceptible d’appropriations multiples ».
173 Voir supra, p. 90.
174 Le puits se trouve à proximité de la salle du chapitre.
175 Ces témoignages sont extraits du procès de confirmation. Ipse testis et plures alii plusquam sexcenti erant circa puteum claustri dicte ecclesie juxta capitulum expectantes exitum et nova dicte electionis (...) cum appariretur hostium capituli, assistentes monebantur de loco ad locum querentes alterutrium qua nova erant et quid fieret, AD Yonne, G 34, p. 368.
176 Eadem die, post electionem, cum dictus Louet esset in domo sua et vellet prandere, eidem testi dicit quod ad prandendum invitaverat ipsum electum, sed a populo fuerat impeditus adeo quod ad ipsam domum venire nequiverat idem electus, AD Yonne, G 34, p. 682.
177 AD Yonne, G 34, p. 368-369.
178 AN, LL 125, p. 269.
179 AD Yonne, G 34, p. 194.
180 AN, LL 125, p. 266. Sans doute est-ce le responsable de tous les sergents promus à la garde du cloître, cf. R. Gane, Le chapitre de Notre-Dame de Paris..., op. cit., p. 43.
181 Constitution Ubi periculum (1274, concile de Lyon) ; A. Paravicini Bagliani, Le corps du pape, op. cit., p. 167 et suiv., id., « Conclave », dans Dictionnaire encydopédique du Moyen Âge, op. cit., vol. 1, p. 377.
182 « Eulx estans in conclavi pour elire et avoient chanté la messe du saint esperit », AN, X1a 4825, fo 206v. Dans les registres capitulaires parisiens, le terme est employé, on l’a vu, mais pour désigner le lieu du vote protégé par des tentures.
183 À l’instar des rituels qui se jouent entre les deux pôles – la société et les groupes sociaux d’une part, les individus de l’autre – et soulignent les grandes divisions de l’humanité, tout en permettant à l’individu de se réaliser comme membre d’un groupe, J.-Cl. Schmitt, « Une histoire religieuse du Moyen Âge est-elle possible ? », dans II mestiere di storico del Medioevo, Quaderni di cultura mediolatina, 7,1994, p. 73-83, ici p. 79.
184 Grat. 62,1. cf. chapitre 1.
185 Quo facto, omnes et singuli domini capitulantes a locis suis surrexerunt fuitque idem electus flens et lacrimans, a nonnullis de dictis dominis canonicis assumptus et per eos unacum aliis dominis canonicis processionaliter ad dictam ecclesiam parisiensem progrediantibus cantando « Te Deum laudamus » deportatus et super maius altare eiusdem ecclesie positus, campanis et organis eiusdem ecclesie pulsantibus, AN, LL 125, p. 276.
186 Pour l’élection de Fraillon, c’est le terme de socii qui est employé, LL 277, fo 94, terme qui peut se traduire par « compagnons » et renvoie à différents genres d’associations, cf. I. Taddei, Fête, jeunesse et pouvoirs, L’abbaye des nobles enfants de Lausanne, Lausanne, 1991, (Cahiers Lausannois d’Histoire médiévale no 5), p. 27 ; il montre bien ici le chapitre en tant que corporation.
187 Il en est de même à Lyon, Autun et Rouen. Cette hymne a été composée selon La légende dorée par deux évêques, saint Ambroise et saint Augustin, op. cit., vol. 2, p. 138. Cette hymne est aussi chantée pendant les heures, ainsi dans la 3e nocturne des Vigiles de l’office monastique romain, cf. É. Palazzo, Le Moyen Âge..., op. cit., p. 141. Pour son histoire et son utilisation, M. Fogel, Les cérémonies de l’information, Paris, 1989, p. 154-163. Elle est également utilisée lors de victoires militaires. Pour le règne de Charles VIII, voir A. Mirot et B. Mahieu, « Cérémonies officielles à Notre-Dame au xve siècle », dans VIIIe centenaire de Notre-Dame de Paris, 1964, Recueil de travaux sur l’histoire de la cathédrale et de l’église de Paris, Paris, 1967, p. 223-290, ici p. 282.
188 Henri de Suse, Summa aurea, Lyon, 1568, fo 26-28. Et cela est plus ancien, P. Viollet, « Les élections ecclésiastiques... », op. cit., p. 81. Michel Lochmaier, Practice electionum..., fo 13v et 19.
189 Selon les significations lors de la cérémonie du sacre royal, analysées par S. Zak, reprises par M. Fogel, Les cérémonies de l’information, op. cit., p. 159-160. Par un déplacement du chant au sein de la cérémonie, à partir de Charles VIII, en 1484, la signification est passée de l’acclamation du roi non encore sacré à l’acceptation et la reconnaissance du souverain déjà trônant, délié de tout contrôle, hors celui de Dieu.
190 É. Palazzo, Liturgie et société au Moyen Âge, op. cit., p. 146.
191 Elle n’est cependant que rarement mentionnée dans les sources, peut-être parce qu’elle est évidente ?
192 AN, LL 125, p. 276. Prefatus magister Johannes Quentin penitenciarius ex potestate a capitulo sibi data, pulpitum dicti chori conscendens huiusmodi electionem sollemniter publicavit alta et intelligibili voce clero et populo utriusque septus in numéro copioso et quasi innumerabile ibidem affluent, per gaudio exultanti et gracias altissimo reddenti.
193 Ainsi à Bourges, pour l’élection de Guillaume de Cambray en 1483, AN, X1a 4826, fo 131v, 17 mars 1485.
194 AN, LL 116, p. 379-380, 6 décembre 1447.
195 N. Offenstadt, Discours et gestes de paix pendant la guerre de Cent Ans, thèse Université Paris I, dir. C. Gauvard, 2001, p. 428.
196 Ibid., p. 428-430.
197 Lors de l’entrevue de Pont-du-Brault entre Louis XI et le duc de Berry, ibid., p. 428.
198 Voir article à paraître sur les entrées épiscopales dans la Revue Historique.
199 B. Guenée, L’opinion publique à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 32, 40-41.
200 On peut peut-être voir dans l’acclamation de 1447 une ritualisation organisée par un seul prélat – Guillaume Chartier – qui a participé aux négociations de la paix d’Arras, et peut-être au déroulement de la fête, où Noël a été proclamé maintes fois, G. du Fresne de Beaucourt, « Les Chartier, recherches sur Guillaume, Alain et Jean Chartier », Mémoires de la société des antiquaires de Normandie, 28,1870. N. Offenstadt, Discours et Gestes de paix..., op. cit., p. 424, 428, 429, 431.
201 É. Palazzo, Liturgie et Société au Moyen Âge, op. cit., p. 107-108.
202 Ainsi dans cette phrase : « Dévoient regarder ceulx qui avoient le plus de voix et les elire pour faire cloche », AD Yonne, G 34, pièce 70, item 71.
203 Voir la restitution du chœur et du jubé de Notre-Dame au xive siècle dans R. Gane, Le chapitre de Notre-Dame de Paris..., op. cit., p. 228.
204 Par exemple à Angers, pour l’élection d’Auger de Brie, AN, X1a 4827, fo 194, 22 mai 1486.
205 Père Perry, Histoire de la ville de Chalon, cité par Du Tilliot, Mémoires pour servir à l’histoire de la fête des fous, Lausanne-Genève, 1741, p. 20.
206 Du Tilliot, Mémoires pour servir à l’histoire de la fête des fous, op. cit., p. 47.
207 M. Grin berg, « Episcopus puerorum », dans Infanzie. Funzioni di un gruppo liminale dal mondo classico all’Età moderna, a cura di O. Niccolo, Florence, 1993, p. 144-158, ici p. 153.
208 AN, LL 277, fo 63v (Courtecuisse) : il est amené super altare majus, sedere fecerunt ; LL 277, fo 93 (Fraillon) : même chose ; LL 116, p. 380 (Chartier) : Ipsum super maius altare posuerunt et stare fecerunt.
209 AN, X1a 4834, P144, 5 février 1493.
210 Dercé « fut porté sur l’autel en chantant Te Deum laudamus », AN, X1a 8322, fo 252, 23 juillet 1493. C’est aussi le cas à Orléans lors de l’élection de Pierre Bureau en 1453, N. Valois, Histoire de la Pragmatique Sanction..., op. cit., p. CXXI.
211 Michel Lochmaier, Practica electionum... fo 13v, écrit : Et solenniter deportetur electus ante altare et intronisetur in sede episcopali. À Rouen, le postulé n’est pas présent et les chanoines retournent seuls dans le chœur, AD Seine-Maritime, G 2144, fo 138v, mais on l’a vu, en 1453, c’est sur l’autel que l’élu est mené.
212 AN, X1a 4825, fo 226, 260,13 mai 1484.
213 R. Schneider, « Bischöfliche Thron-und Altarsetzungen », dans Papstgeschichte und Landesgeschichte. Festschrift fürHermann Jakobs zum 65. Geburtstag, Cologne-Weimar-Vienne, 1995, p. 1-15, ici p. 12-14. L’auteur décrit également cette cérémonie pour l’élection du roi des Romains, pour celle de deux papes et, enfin, pour celle d’abbés. Ibid., p. 10-12,14.
214 Dixit quod dictus Gobaille suus magister erat episcopus parisiensis. Dixitque ibidem dictus juvenis quod die immediate precedente, dictus Gobaille fuerat in episcopum parisiensem electus et tanquam talis processionaliter delatus in chorum ecclesie parisiensis super maius altare dicte ecclesie, ex quo idem testis dixit « Deus laudetur », AD Yonne, G 34, p. 492.
215 É. Palazzo, Liturgie et société au Moyen Âge, op. cit., p. 72, A. Erlande-Brandeburg, La cathédrale, op. cit., p. 141-142, 294.
216 G. Duchet-Suchaux, M. Pastoureau, La Bible et les saints, Paris, 1990, p. 266-267, art. « Présentation de Jésus au Temple ». Sur le chapiteau de l’église Saint-Pierre de Chauvigny (xiie s.), le lieu est symbolisé par un autel au-dessus duquel Jésus passe des mains de sa mère à celles de Siméon.
217 Voir supra, p. 71.
218 R. Schneider, « BischöflicheThron-und Altarsetzungen », op. cit., p. 15.
219 J. Le Goff, « Le rituel symbolique de la vassalité », dans Un autre Moyen Âge, Paris, 1999, p. 333-399, p. 374, 376, 388.
220 (...) juxta morem eiusdem ecclesie deportando et eum in ponthificali cathedra more solito dicte ecclesie intronizando, AD Rhône, 10 G 1376, pièce 1, p. 9.
221 É. Palazzo, L’évêque et son image, l’illustration du Pontifical au Moyen Âge, Turnhout, 1999, p. 69. Cette disposition est précisée dans le droit canon, H. Gilles, « Cathédrale et droit canon dans le Midi », dans La cathédrale ( xiie- xive siècle), Toulouse-Fanjeaux, (Cahiers de Fanjeaux, 30), 1995, p. 231-243, ici p. 234.
222 A. Paravicini Bagliani, La cour des papes au xiiie siècle, Paris, 1995, p. 215.
223 AN, LL 125, p. 283.
224 1. Taddei, Fanciuli e giovani, crescere a Firenze nel rinascimento, Florence, 2001, p. 269. L’auteur cite un dominicain, hagiographe de Savonarole, qui impute aux larmes spontanées de ce dernier l’authenticité de son discours et de ses sentiments. Au contraire, les mauvais prédicateurs sont obligés d’user de fausses larmes.
225 É. Palazzo, Liturgie et société au Moyen Âge, op. cit., p. 337.
226 R. Delachenal, Histoire des avocats au Parlement de Paris, 1300-1600, Paris, 1885, p. 246, M. Grinberg, « Episcopus puerorum », op. cit., p. 154.
227 Et Te Deum finito ipsoque domino electo ante maius altare genibus flexis prostrato certe colecte et oraciones per eumdem dominum decanum dicte, AN, LL 125, p. 283.
228 Il s’agit de la genuflexio proclivis, J.-Cl. Schmitt, La raison des gestes..., op. cit., p. 302.
229 D. Rigaux, À la table du Seigneur, Paris, 1989, p. 241.
230 Sciens ipsum dieta die non comedere carnes, eidem preparaverat pisces ad prandendum, ex quibus sibi micteret mediam partem (...) Et ipso teste ibidem existente alter servitorum eiusdem Louet attulit pisces videlicet unam solam dicto electo, AD Yonne, G 34, p. 682-683.
231 Dictus vero Guysmier volens abluere manus dixit petens aquam gaudendo « donne moy de l’eaue », lotisque manibus sedit et dixit « faisons bonne chere, omnia venerunt ad optatum », AD Yonne, G 34, p. 683.
232 Rational ou Manuel des divins offices, trad. C. Barthélemy, 5 vol., Paris, 1854, 1.1, 2e livre, chap. XI, De l’évêque, p. 205. J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain..., op. cit., p. 341.
233 P. Nagy, Le don des larmes au Moyen Âge, Paris, 2000, p. 41 : les termes le plus souvent employés sont le verbe fleo, suivi de lugeo, puis de lacrima et de ses dérivés, de luctus et enfin de fletus.
234 Y. Labande-Mailfert, Charles VIII, op. cit., p. 35-36.
235 AD Yonne, G 34, p. 416.
236 L. Dautheuil, « Jean Quentin humaniste évêque élu de Senlis », op. cit., p. 75.
237 H. Marrou, Saint Augustin..., op. cit., p. 34, d’après Posidius, Vita 3, 4.
238 La légende dorée, op. cit., vol. 2, p. 140.
239 P. Nagy, le don des larmes au Moyen Âge, op. cit., p. 388, 406, 412.
240 AN, LL 125, p. 283.
241 Ibid. Quiflens et lacrimans, dilacionem usque in diem crastinam ut, habito consilio cum peritis et amicis suis super huiusmodi materia tam ardua et periculosa, melius et salubrius respondere valeret sibi dari peciit et requisivit, quod sibi concessum est.
242 AN, X1a 4834, fo 123, 24 janvier 1493.
243 Selon A. Van Gennep, Les rites de passage, 1909, cité dans J. Le Goff et alii, Le sacre royal, p. 19 ; ce serait un rituel adapté au monde des clercs, puisque la séparation ne se fait pas ici avec le monde profane, mais ce serait bien un rituel de prise de pouvoir.
244 AN, LL 125, p. 278-285.
245 N. Didier, « Postulation, élection et provision apostolique... », op. cit., p. 39-79.
246 Il en est de même dans les élections abbatiales, L. Moulin, La vie quotidienne des religieux au Moyen Âge, xie- xve siècle, Paris, 1978, p. 197.
247 AN, LL 125, p. 277. Qui dominus electus prenimia lacrimarum effusione vix loqui valens sub hiis verbis aut in effectu similibus respondit quod se imparem tanto oneri recognoscebat erantque plures ymo omnes domini de capitulo digniores et capaciores ad huiusmodi onus supportandum qui merito eligi potuissent, verumtamen quia placuerat altissimo et dominis eligentibus ipsum ad huiusmodi onus assumere in auxilio divino et beate Marie virginis, adiutorioque et consilio duorum confisus et ut prosit magis quam presit, electioni huiusmodi de persona sua facte consenciebat.
248 C’est le cas du dominicain Guillaume Pépin, licencié en théologie en 1500, prieur du couvent d’Évreux de 1504 à 1506 († 18 janvier 1533), et disciple du dominicain Jean Clérée, M. Piton, « L’idéal épiscopal... », op. cit., p. 82, n. 1, p. 395.
249 AN, X1a 4838, fo 79v, 26 janvier 1497. Ces feux sont un des éléments de réjouissances organisées, ici apparemment à petite échelle, par celui qui croit être le futur évêque. Pour leur signification, cf. N. Offenstadt, Discours et gestes de paix..., op. cit., p. 419-424.
250 AN, LL 125, p. 276.
251 AD Yonne, G 34, p. 527.
252 Les grandes lignes de cette élection épiscopale se retrouvent dans la description de l’élection du doyen de la collégiale de Saint-Germain-l’Auxerrois les 18 et 19 octobre 1438 ou en septembre 1451, donnée par Anne Hubert dans sa thèse, Le clergé parisien à la fin du Moyen Âge : la communauté canoniale de Saint-Germain-l’Auxerrois de 1382 à 1510, thèse Université Paris IV, décembre 2001, p. 90-91. Le doyen de Notre-Dame est également élu dans le chapitre, puis « conduit solennellement dans la cathédrale par les chanoines, au chant du cantique d’action de grâces Te deum ». Il est accueilli par l’évêque qui l’installe, R. Gane, Le chapitre de Notre-Dame de Paris..., op. cit., p. 31. Il en est de même pour le doyen de Senlis, Μ. A. Menier, « Le chapitre cathédral de Senlis... », op. cit., p. 25.
253 Selon les premiers termes du décret Ne pro defectu, X1, 6, 41 [Fr 88], maintes fois repris par les chanoines : Ne pro defectu pastoris gregem domimcum lupus rapax invidat, aut in facultatibus suis ecclesia viduata grave dispendium patiatur...
254 J. Heers, Fêtes, jeux et joutes dans les sociétés d’Occident à la fin du Moyen Âge, Paris, 1982, p. 121 : c’est cette dénomination qui l’emporte sur celle de fête des Innocents dès les années 1400, p. 127. Pour M. Grinberg, « Episcopus puerorum », op. cit., p. 146, l’évêque des Innocents est l’élu des enfants de choeur tandis que celui des fous est l’évêque des sous-diacres et/ou diacres.
255 Du Tilliot, Mémoires pour servir à l’Histoire de la fête des fous, op. cit., p. 54, mentionne son interdiction par les conciles provinciaux de Sens en 1460 et 1485, et M. Grinberg, « Episcopus puerorum », op. cit., p. 155, cite un arrêt du Parlement de 1499 à propos de la fête de Tournai : ces coutumes se font « ab omni evo et passé a deux cents ans, ce qui se fait en tous les eveschés de Picardie et pareillement a Paris ».
256 1. Taddei, Fête, Jeunesse et pouvoirs..., op. cit., p. 22.
257 A. Paravicini Bagliani, La cour des papes..., op. cit., p. 214.
258 « Le refus de l’épiscopat, status periculosus, est un topos hagiographique largement diffusé par les Vies des Pères et La légende dorée », pour insister sur la difficulté du fardeau, M. A. Polo de Beaulieu, « L’image du clergé séculier dans les recueils d’exempla (xiiie-xve siècles) », dans Le clerc séculier au Moyen Âge (Actes du XXIIe congrès de la SHMES), Paris, 1993, p. 60-81, ici p. 73. Je n’ai trouvé aucune trace de refus définitif pour cette période, mais si refus il y a eu, il est certainement resté inconnu s’il a empêché un conflit de se déclarer. Pascal Montaubin en a évoqué deux : Adinolfo d’Anagni, neveu de Grégoire IX, a refusé son élection sur le siège de Paris en 1288-1289, ne se trouvant pas à la hauteur pour affronter l’administration d’un diocèse français et possédant déjà suffisamment de revenus. Il se retira alors chez les chanoines de Saint-Victor-de-Paris et mourut en 1290. Il avait déjà refusé une nomination au siège métropolitain de Narbonne réalisée par Honorius IV en 1287. Pietro da Collomezzo a refusé son élection à Châlons (1226), Tours (1229), Thérouanne (1229). Il a aussi dit non à Rouen mais Grégoire IX et Louis IX l’ont contraint à accepter. Pascal Montaubin, Canonici delle cattedrali nel medioevo, Vérone, 2003 (Quaderni di storia religiosa, 10, éd. Université de Padoue), p. 245-286 ; id., Le gouvernement de la grâce..., op. cit., p. 749.
259 J. Le Goff, « Le rituel symbolique de la vassalité », op. cit., p. 377.
260 Du Tilliot, Mémoires pour servir à l’Histoire de la fête des fous, op. cit., p. 48.
Table des illustrations
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Légende | Illustration 2 – La cathédrale Notre-Dame de Paris et la salle capitulaire157 |
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© Éditions de la Sorbonne, 2006