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Être historien du Moyen Âge au XXIe siècle

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Société des historiens médiévistes de l’Enseignement supérieur public

Avant-propos

Régine Le Jan

Full text

1Pour ce XXXVIIIe Congrès de la Société des historiens médiévistes de l’Enseignement supérieur public, nous avons rompu avec la coutume et renoncé à un thème disciplinaire. Le temps nous semblait venu de réfléchir à notre métier, celui d’historien du Moyen Âge, comme les médiévistes allemands l’avaient fait avant nous. Nous sommes persuadés que l’histoire est indispensable parce que, comme l’écrivait Marc Bloch, « l’histoire c’est comprendre ». Nous essayons de comprendre comment fonctionnaient les sociétés médiévales, comment elles construisaient idéologies et normes pour maintenir et justifier l’ordre social, comment les individus pensaient, se représentaient l’univers, agissaient, s’organisaient, rivalisaient, et nous restons persuadés, malgré certains discours, que le passé a quelque chose à dire et à apporter à notre société. Mais notre monde est en pleine mutation, sous l’effet de la mondialisation, des nouvelles technologies, des changements sociaux. Il nous faut donc relever les défis qui se posent à nous en nous interrogeant sur notre métier et sur notre place dans la société.

2En choisissant comme thème « Être historien du Moyen Âge au xxie siècle », nous avons voulu poser des questions, dresser un bilan, ouvrir des perspectives. Nous ne faisons plus l’histoire comme la faisaient nos prédécesseurs. Nous savons que le passé, le présent et le futur sont indissolublement liés dans l’écriture de l’histoire, que le présent conditionne la représentation du passé et que le présent est aussi le passé du futur. L’interrogation profonde sur les relations entre écriture de l’histoire et modèles culturels, idéologiques, politiques ou sociologiques, qu’ils soient explicites ou implicites, est devenue une de nos préoccupations majeures. Notre intérêt récent pour la façon dont le passé était perçu aux époques médiévales et pour l’autorité que les sociétés anciennes attachaient au passé tient à nos interrogations sur notre discipline et sur notre société, qui tend elle-même à nier l’autorité du passé, si ce n’est du passé très proche. Nous avons donc changé. Nous avons élargi notre corpus de sources par le recours grandissant à l’archéologie et à l’iconographie, et, ce faisant, nous avons abandonné bien des certitudes et soulevé beaucoup de contradictions qu’il nous faut apprendre à ne pas vouloir résoudre. Nous devons relever le défi des nouvelles technologies : les perspectives sont immenses, mais elles ont leurs limites. Nous sommes de plus en plus fortement influencés par les sciences sociales – anthropologie et sociologie en particulier –, qui ont complètement renouvelé notre questionnement, mais nous ne pouvons occulter les divergences de méthodes entre ces disciplines et la nôtre. Enfin, nous devons faire face à une demande sociale de plus en plus exigeante. Notre mission est de transmettre les connaissances en enseignant l’histoire du Moyen Age pour former des citoyens responsables. Mais nous ne pouvons plus l’enseigner comme on l’enseignait il y a un demi-siècle à un public d’élèves et d’étudiants moins nombreux et moins sollicités par des sources d’information diverses et incontrôlées. Notre mission est aussi de toucher un public plus large, exigeant et ouvert sur le monde, curieux d’un Moyen Âge qui n’est pas toujours le nôtre. L’ouverture sur le monde, nous avons décidé de la faire en invitant à ce congrès les représentants des sociétés de médiévistes allemands, belges, espagnols, portugais ainsi que des médiévistes venus d’Amérique du Sud qui nous ont expliqué le « Moyen Age vu d’ailleurs ».

3Pour débattre de toutes ces questions, de notre métier et de notre place dans la société du xxie siècle, nous avons choisi de tenir ce congrès dans les quatre universités franciliennes, nées de la dernière vague de création des universités françaises : Cergy-Pontoise, Évry, Paris-Est Marne-la-Vallée, Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, autant de villes nouvelles résolument tournées vers le futur, centrées sur des pôles technologiques de pointe, mais également soucieuses de formation par les sciences humaines et sociales. Les équipes en place – Valérie Toureille à Cergy, Geneviève Bührer-Thierry, Pierre Savy et Valérie Theis à Marne-la-Vallée, Bruno Laurioux, Étienne Anheim et Pierre Chastang à Versailles–Saint-Quentin, Federica Masè à Évry – ont accepté un pari difficile, celui de tenir un congrès de trois jours sur quatre sites. Elles n’ont pas eu la tâche facile, mais grâce au soutien des autorités universitaires, de la région Ile-de-France et de la communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, le pari a été gagné. L’organisation fut parfaite, jusqu’au banquet médiéval dans le château de Champs, à la visite des Archives nationales, ouvertes grâce à la diligence de Bruno Galland, et à celle du donjon de Vincennes sous la direction de Jean Chapelot. Nous les en remercions tous vivement. Le volume des actes que je présente ici témoigne, de son côté, de la qualité des travaux scientifiques.

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