Itinéraires du savoir de l’Italie à la Scandinavie (Xe-XVIe siècle)
|La Scandinavie médiévale
Des offices du royaume aux offices de cour
L’exemple du dapifer à l’époque de la reine Marguerite (1375-1412)
Texte intégral
- 1 Le terme Scandinave de drottsete serait d’origine allemande. Tout au long de l’article, nous utilis (...)
- 2 A. O. Johnsen et J. Rosén, « Drottsete », dans Kulturhistorisk Leksikon för Nordisk Middelalder, II (...)
- 3 W. Christensen, Dansk Statsfrvaltning i det 15. århundrede, Copenhague, 1903, p. 23 et suiv.
- 4 Ces deux officiers s’occupaient du ravitaillement de la cour et de sa gestion. L’existence d’un køg (...)
1Au xive siècle, le drottsete occupait l’un des postes les plus importants de l’administration centrale des royaumes nordiques1. Mais il n’avait pas toujours été le grand officier de la Couronne chargé du gouvernement du royaume lorsque le roi était absent ou mineur. À l’origine, il était un serviteur de la maison du roi et détenait des fonctions domestiques2. Issu du service personnel au prince, le drottsete aurait progressivement adapté ses compétences aux besoins de l’État en formation3. Cette évolution ne toucha pas l’ensemble des offices de la cour : certains en effet, comme le køgemester ou le hofmester, restèrent longtemps attachés à l’entourage privé du souverain4.
- 5 Dans les sources, les titulatures rattachent explicitement les rigsembetsmænd à l’entité du royaume (...)
- 6 J. E. Olesen, « Erik af Pommem og Kalmarunionen. Regeringssystemets udformning 1389-1439 », dans Da (...)
- 7 R. Descimon, « Les élites du pouvoir et le prince. L’État comme entreprise », dans Les elites et la (...)
2Les règnes de Marguerite (1375-1412) et d’Erik de Poméranie (1389-1434) constituèrent un moment important dans l’évolution des offices en Scandinavie. À partir de 1388 et dans leurs trois royaumes, ces monarques supprimèrent les officiers du royaume (rigsembetsmænd) et nommèrent à leur place des officiers de cour (hofsembetsmænd)5. Ainsi, ils laissèrent les postes du drottsete vacants et s’entourèrent d’un hofmester et d’un køgemester recrutés au sein de l’aristocratie danoise6. Cette réforme du système administratif s’explique de deux manières. D’abord, Marguerite et Erik envisageaient de gouverner les trois royaumes de Danemark, Norvège et Suède, dont l’union personnelle fut consacrée par le couronnement d’Erik de Poméranie en 1397, comme un seul et même État. Le centre du pouvoir fut établi au Danemark, où la cour s’était installée de façon quasi permanente. Ensuite, ils espéraient asseoir leur autorité en mettant en place un gouvernement personnel fondé sur des relations directes avec leurs fonctionnaires7.
- 8 Article « Dapifer », dans Glossarium till medeltidslatinet i Sverige. Glossarium mediae latinitatis (...)
- 9 D’où la difficulté d’établir la différence entre les grands officiers, comme le connétable, le maré (...)
- 10 Voir É. Mornet et H. Millet, op. cit., p. 283 et suiv.
- 11 Les informations biographiques contenues dans cet article proviennent de la base de données que je (...)
3C’est sans tenir compte de la distinction nettement établie par les historiens Scandinaves entre offices de cour et offices du royaume que le Glossarium Mediae Latinitatis Sueciae regroupe sous la définition commune de dapifer les termes de drottsete, de köksmästare et de hohmästare8. En réalité, la dichotomie entre les fonctions domestiques et les fonctions politiques attribuées à ces officiers était loin d’être évidente à la fin du Moyen Âge9. Nulle part en Europe, le service de l’État n’était totalement dégagé du service personnel au prince. Les liens de familiarité entre les serviteurs de l’état et le souverain demeuraient fondamentaux10. D’autre part, il fallait bien que les monarques Scandinaves pussent redistribuer entre des serviteurs dignes de confiance les fonctions politiques des grands officiers de la Couronne dont ils venaient de supprimer les charges. Cet article s’intéresse aux stratégies utilisées par Marguerite et Erik pour effectuer la passation des pouvoirs entre les anciens officiers du royaume et les nouveaux officiers de cour. Ces stratégies ne peuvent etre perçues qu’à la lumière de l’étude des origines sociales et des carrières des officiers11. Les offices de drottsete, de køgemester et de hofmester, constitutifs de la notion de dapifer, sont des exemples parmi d’autres.
Les offices de drottsete, køgemester et hofmester (xie-xve siècle)
Des offices de cour aux offices du royaume
- 12 H. Nielsen, J. Liedgren et L. Hamre, « Hof », et L. Hamre, H. Nielsen et). Rosén, article « Hird », (...)
- 13 E. Opsahl, « Bastard Feodalism or Sub-vassality in Medieval Norway ? », Collegium Medievale, volume (...)
- 14 La Hird était divisée en trois corps : les hirdmenn occupaient le rang le plus prestigieux. Après e (...)
4Les souverains Scandinaves du haut Moyen Âge, comme la plupart des princes européens, étaient itinérants. Une suite les accompagnait, que les sources Scandinaves désignent par le terme de Hird. Au xie siècle, la Hird se limitait au groupe des serviteurs qui assuraient quotidiennement la protection du roi et l’accomplissement des tâches domestiques. Les membres qui remplissaient les plus hautes fonctions reçurent un titre, devenant ainsi titulaires d’un office de cour (hirdsembete)12. À mesure que le pouvoir royal étendit son contrôle sur l’ensemble du territoire, la Hird intégra à ses rangs des seigneurs qui vivaient de part et d’autre du royaume. Autrefois limitée à l’entourage direct du roi, la Hird finit par comprendre l’ensemble des vassaux qui avaient rendu hommage au souverain13. Elle constitua dès lors le mode d’organisation par excellence de l’aristocratie Scandinave. La Hird disparut au début du xive siècle avec l’introduction de la chevalerie et l’adoption d’un nouveau système d’exemption14.
- 15 A. O. Johnsen et J. Rosén, op. cit., p. 338 et suiv. Le køgemester devait être un homme de haut ran (...)
- 16 L’office de chancelier n’était pas à l’origine un office de la Hird. Son titulaire développa ses co (...)
- 17 Au sujet des conditions d’apparition du drottsete suédois, voir K. E. Löfqvist, « De svenska drots- (...)
- 18 Dans le testament de Magnus Ladulås (1275-1290), les évêques, le chancelier et le drottsete sont me (...)
5Au Danemark et en Norvège, le drottsete apparut au sein de la Hird autour de 1200. Le titre désignait alors le serviteur royal en charge du ravitaillement du palais, de la gestion des cuisines et du service à la table du roi15. Cet office étendit ses compétences au détriment de celles, relativement similaires, du køgemester dont le rôle devint alors secondaire. Aux xiiie et xive siècles, le drottsete occupait, avec le chancelier et le maître des écuries (stallare), les premières places à la cour du roi16. En revanche, en Suède où les sources n’attestent de son existence qu’à partir de la fin du xiiie siècle, le drottsete n’apparut jamais comme un serviteur privé du roi17. Généralement issu d’une des plus influentes familles du royaume, il occupa dès l’origine une fonction politique significative qui le plaçait directement au rang des officiers du royaume (rigsembete)18.
- 19 B. Guenée, « Cour », dans Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, J. Le Goff et J.-C. Schmitt (...)
- 20 K. Helle, Konge og gode menn i norsk riksstyring ca. 1150-1319, Bergen-Oslo-Tromsø, 1972, p. 316-32 (...)
- 21 Cette évolution concerne la plupart des royaumes européens. En France, Raymond Cazelles affirme que (...)
- 22 En 1319, l’avènement de Magnus Eriksson sur les trônes de Suède et de Norvège marqua le début d’une (...)
- 23 En 1354, la loi danoise stipulait que le drottsete devait présider au tribunal royal (retterting). (...)
6Bernard Guenée affirme qu’en France, « à partir du xiiie siècle, les progrès de l’état donnaient peu à peu à la cour un autre visage [...]. La cour devenait d’abord le rouage essentiel de l’état moderne19 ». De même en Scandinavie, l’ancienne cour vouée au soin du corps du prince se doubla de nouvelles institutions vouées a l’administration de l’état. Parmi ces institutions se trouvait le Conseil royal (Råd), instance à l’origine consultative qui imposa progressivement son contrôle sur l’ensemble des décisions politiques. Au xive siècle, le Conseil du royaume (Rigsråd) fonctionnait comme un organe de gouvernement à part entière20. La mise en place d’une monarchie administrative nécessitait un ajustement des offices aux fonctions de plus en plus bureaucratiques de l’État. Ainsi, le drottsete se hissa progressivement à la tête du Conseil et devint le premier officier du royaume21. Il devint l’homme susceptible de relayer le souverain dans l’exercice du gouvernement et fonctionna effectivement comme vice-roi lorsque le roi partait en campagne militaire ou lorsqu’un enfant montait sur le trône. Durant ces périodes, le titulaire de l’office profitait des pleins pouvoirs qui lui étaient conférés pour renforcer ses positions au sein de l’administration et acquérir des biens personnels22. Il étendit ses compétences à tous les domaines du gouvernement. Aucune nomination ou destitution de serviteurs et d’officiers royaux ne pouvait avoir lieu sans son approbation. La gestion du Trésor royal faisait partie de ses attributions ; il avait en outre pour mission de rendre justice au nom du roi23.
- 24 W. Christensen, op. cit., p. 25.
- 25 A. O. Johnsen et J. Rosén, op. cit., p. 344. Entre 1350 et 1355, Orm Eysteinsson fut titulaire de l (...)
7Au xive siècle et dans les trois royaumes nordiques, le poste de drottsete ne fut pourvu que par intermittence. La nomination d’un titulaire à cette charge était en théorie une prérogative royale. Il arrivait que le roi décidât de laisser le poste vacant24. Ce faisant, il espérait contrôler plus efficacement le Conseil du royaume. Il reçut sans doute le soutien de l’aristocratie qui ne souhaitait pas voir l’un des siens asseoir sa suprématie au sein de l’assemblée. L’office de drottsete fut aussi, dans une grande mesure, victime de sa propre ascension et de l’élargissement excessif de ses compétences : vice-roi en l’absence du souverain, son existence devenait superflue une fois celui-ci rentré25.
Des offices du royaume aux offices de cour
- 26 K. Erslev, Dronning Margrethe og Kalmarunionens Grundlæggelse. Danmarks Historie under Dronning Mar (...)
8À son avènement sur les trônes de Danemark et de Norvège en 1376 et 1381, le jeune Olaf Håkonsson fut secondé par les drottsete attachés respectivement à ces deux royaumes. À ce titre, Henning Podebusk et Ogmund Finsson de Hestbø partagèrent l’exercice du pouvoir avec Marguerite jusqu’en 1385, date à laquelle Olaf atteignit l’âge de la majorité. En Suède, le drottsete Bo Jonsson (Grip) avait étendu son contrôle sur toute la partie orientale du royaume qu’il gouvernait alors presque indépendamment du roi, Albert de Mecklembourg. Ce puissant seigneur mourut en 1386. Lorsque, deux ans plus tard, Marguerite fut élue comme « maîtresse toute-puissante et seigneur légitime » du royaume de Suède, elle laissa le poste vacant. Au Danemark et en Norvège, Henning Podebusk et Ogmund Finsson décédèrent cette année-là et la reine s’abstint une fois de plus de nommer un successeur à leur poste. En négligeant de pourvoir les anciens offices du royaume, celui de drottsete mais aussi celui de maréchal (marsk) ou encore de gouverneur de Scanie (gældker), la reine souhaitait se débarrasser des officiers qui avaient acquis une trop grande autonomie à la tête des services administratifs. Elle espérait ainsi les remplacer par des fonctionnaires dépendant directement de sa personne26.
- 27 Une comparaison peut être établie ici avec l’office de bouteiller, tel qu’il exista en France au xi (...)
- 28 Ces informations nous sont données par une source ultérieure, établie le 17 juin 1402 à Sølvesborg. (...)
- 29 Eindride Erlendsson était toujours à ce poste en 1405. Voir Norske Middelalder Dokumenter, S. Bagge (...)
- 30 DD, 4-9, no 131 (18 juin 1403) ; DD, 4-11, no 43 (2 mars 1407, Ringsted).
9Les offices de køgemester et de hofmester n’étaient pas des créations de Marguerite. À l’origine, rappelons-le, ces deux offices avaient un caractère exclusivement domestique : ce n’est donc pas un hasard si les premiers souverains de l’Union ressuscitèrent une terminologie ancienne pour désigner les nouveaux acteurs d’un gouvernement qu’ils voulaient personnel27. Olaf nomma deux hofmester : Deggenhard Buggenhagen, mentionné comme tel en 1385, et Bengt Byg (Grubbe), qui le remplaça à ce poste deux ans plus tard. Olaf confia ensuite à Mikkel Rud la charge de køgemester. On ignore quand le roi procéda à cette nomination. Selon une source de 1402, Mikkel Rud portait ce titre lorsque ce dernier mourut le 3 août 1387 au château de Falsterbo28. Dix ans plus tard, à Kalmar, Erik de Poméranie fut couronné roi de l’Union des royaumes Scandinaves. Probablement sur les conseils de sa grand-tante Marguerite, qui gouverna à ses côtés jusqu’en 1412, il procéda à son tour à plusieurs nominations. En 1400, il assit Eindride Erlendsson (Losna) au poste de køgemester29. L’entourage direct du roi compta deux autres køgemester : Anders Olufsen (Saltensee af Tyftofte) en 1403 et Claus Skinkel en 140730. Erik désigna aussi plusieurs hofmester : Mikkel Rud portait ce titre en 1397, Jens Due entre 1400 et 1416, et Anders Jakobsen (Lunge) entre 1412 et 1429.
- 31 B. Guenée, L’Occident aux xive et xve siècles. Les États, Nouvelle Clio (1971) rééd. 1998, p. 204.
- 32 J. E. Olesen, « The Governmental System... », p. 55 et suiv.
- 33 Sverges Traktater med Främmande Magter (désormais : ST), III (1409-1520), O. S. Rydberg éd., Stockh (...)
- 34 ST, III, p. 173 : Skall och konungen haffua hoffmester i hwart riiket för [...] regerar konungens g (...)
- 35 ST, III, no 529, p. 380 (7 septembre 1483, Kalmar).
- 36 W. Christensen, op. cit., p. 39-54.
10L’évolution de l’office de drottsete pose par conséquent un double problème. Elle révèle tout d’abord les difficultés rencontrées par le pouvoir royal pour établir la synthèse entre une administration à la fois « bureaucratique et personnelle », apparente contradiction qui constitue, selon Bernard Guenée, le propre de l’administration des États occidentaux à la fin du Moyen Âge31. Ensuite, elle soulève la question de la représentation nationale au sein de l’Union nouvellement constituée. À de rares exceptions en effet, Marguerite et Erik de Poméranie résidèrent au Danemark et nommèrent des officiers d’origine danoise. Cette tendance, qui se confirma sous les règnes suivants, aurait traduit la volonté des souverains de gouverner l’Union non comme une fédération, mais comme un État centralisé32. L’autonomie administrative des royaumes nordiques représenta l’un des enjeux essentiels de la contestation qui s’exprima au cours des décennies suivantes. La révolte qui précéda la destitution d’Erik de Poméranie aurait constitué une réponse de l’aristocratie non seulement à la politique autoritaire du monarque, mais aussi aux efforts que celui-ci déploya pour faire du Danemark le centre politique de l’Union. Le traité d’Union de 1436 se fait l’écho de ces contestations. Cet acte stipule en effet que le roi devrait à l’avenir nommer un drottsete par royaume pour que ce dernier rende justice en son nom, avec l’aide du marsk33. Chaque royaume devrait aussi compter parmi ses officiers un hofmester susceptible de prendre la tête de la cour en l’absence du souverain, ainsi que l’exigeaient la loi et les coutumes du royaume34. Un demi-siècle plus tard, dans sa charte d’acclamation (håndfaestning), le roi Hans se vit contraint de promettre la nomination d’un hofmester autochtone (inlenska)35. Le hofmester, issu du service personnel au prince, était donc devenu à la fin du xve siècle une institution dont la constitution nationale garantissait désormais la survivance36.
Les drottsete (1375-1388)
- 37 DN, 12, no 103 (28 juillet 1366, Bergen) ; DD, 4-1, no 40 (3 mai 1376, Slagelse) ; DS, X, no 147 (3 (...)
- 38 DD, 3-8, no 369 (30 nov. 1369, Stralsund). Albert de Mecklembourg nomma Bo Jonsson til warn wældogh (...)
- 39 Bo Jonsson reçut les pleins pouvoirs à la cour : il fut charge d’assurer le ravitaillement, de comm (...)
- 40 Le rédacteur d’un acte établi le 16 août 1376 à Korsør précise qu’Henning Podebusk, alors titulaire (...)
- 41 DD, 3-9, no 548 (31 décembre 1375, Odense) ; Acta et processus canonizacionis Beate Birgitte, I. Co (...)
11En l’absence de lettre de nomination, il est difficile de dater avec précision l’accession au poste de drottsete d’Henning Podebusk, d’Ogmund Finsson til Hestbø et de Bo Jonsson (Grip). Seule la date de la première apparition de l’officier en charge de ses fonctions peut être prise en compte. Ogmund semble donc avoir été titulaire de l’office de drottsete à partir de 1366, Bo Jonsson de 1372 et Henning Podebusk de 137637. Cette datation pose plusieurs problèmes. Premièrement, Henning Podebusk et Bo Jonsson détenaient quelques années auparavant un autre office, comparable dans ses attributions à celui de drottsete : en 1369, ces deux seigneurs furent respectivement nommés høvedsmand et officialis generalis des royaumes de Danemark et de Suède38. Nous avons conservé l’acte de nomination de Bo Jonsson à cette charge. Ce document nous renseigne sur les fonctions qu’Albert de Mecklembourg entendait lui confier39 Cependant, bien qu’il existât des similitudes troublantes entre les deux offices, les contemporains semblent avoir établi une nette distinction40. En second lieu, les deux hommes sont très ponctuellement mentionnés comme titulaires de l’office de marsk : Henning Podebusk porte ce titre dans un acte daté du 31 décembre 1375 et Bo Jonsson est désigné comme regni constabularius l’année suivante41. Malheureusement, aucune autre source ne permet de vérifier si cet office constitua réellement une étape supplémentaire dans leur prestigieuse carrière administrative. Troisièmement, Ogmund Finsson de Hestbø ne fut pas titulaire de l’office de drottsete de façon permanente. Il occupa ce poste entre 1366 et 1371 en l’absence d’Hâkon VI. Mais il semble perdre son titre une fois le roi rentré. Il ne retrouva ses fonctions qu’à partir de 1380. Il se pourrait par conséquent qu’Ogmund Finsson ait fait l’objet de plusieurs nominations consécutives au poste de drottsete.
- 42 Cet acte, rédigé sur parchemin, est conservé dans sa forme originale aux Archives royales de Stockh (...)
- 43 DD, 4-1, no 186 (3 février 1377). Au lendemain de la mort d’Henning Podebusk, Gisela Henningsdatter (...)
- 44 DN, 1, no 640 (17 janvier 1414, Helsingborg).
12Les trois drottsete conservèrent leur charge jusqu’à la fin de leur vie. Quelques mois avant sa mort, le 20 août 1386, Bo Jonsson délivra plusieurs actes dans lesquels il portait encore le titre de drottsete42. Henning Podebusk était toujours en poste à la fin de l’année 1387 ; il décéda l’année suivante43. Enfin, le chapelain de la reine Catherine raconte comment Ogmund Finsson, drottsete du royaume de Norvège, aurait désigné ses héritiers légitimes sur son lit de mort44.
- 45 DD, 3-3, no 244 (14 février 1350, Bautzen). Son arrière-grand-père, Stoislav til Vilmnitz, ainsi qu (...)
- 46 En 1380, Henning acheta Drottningsholm (Sjælland) qui devint son manoir principal.
- 47 La mère de Bo Jonsson, Ingeborg Bosdotter, était la fille du lagman d’Östergötland Bo Nilsson (Natt (...)
- 48 E. Opsahl, « Ogmund Finsson til Hesby », dans Norsk Biografisk Leksikon (désormais : NBL), VII, Osl (...)
13Les drottsete étaient tous trois issus de puissantes familles de l’aristocratie Scandinave. Henning Podebusk descendait d’une lignée de princes vendes originaires de l’île de Rügen. Cette branche de la famille était venue s’établir au Danemark au début du xive siècle. Henning comptait parmi ses parents de nombreux chevaliers, titre qu’il porta lui-même à partir des années 135045. Domicilié en Sjaelland, il possédait des terres dans plusieurs autres régions du Danemark, notamment en Scanie46. De son côté, Bo Jonsson appartenait à une famille de magnats propriétaires en Uppland, les Grip. Il était lié par sa mère à deux des plus influentes familles du royaume présentes au Conseil du royaume suédois, les Natt och Dag et les Aspenäs47. Contrairement à Henning Podebusk, Bo Jonsson ne fut jamais adoubé. Le troisième, Ogmund Finsson de Hestbø, provenait d’une des plus anciennes familles norvégiennes. Plusieurs de ses aïeux – son arrière-grand-père paternel, Gaute Erlingsson de Talgje, ainsi que son grand-père maternel, Saebjørn Helgesson – portaient le titre de baron. Sa grand-mère maternelle, issue d’une branche de la famille royale des Folkungar, était la soeur du puissant chevalier Havtore Jonsson (Sudreim). Ogmund Finsson accéda au rang de chevalier dans les années 1346-134748.
- 49 DN, II, no 258 (15 août 1343, Varberg).
- 50 [...] varom tronom radhgiwara. Voir DS, no 6153 (8 novembre 1359, Söderköping).
- 51 DD, 3-8, no 369 (30 novembre 1369, Stralsund).
- 52 Olivier Mattéoni a mis en évidence la fréquence du cumul des charges, en particulier pour les offic (...)
- 53 Le gældker disposait en Scanie des mêmes pouvoirs que le drottsete. Il avait pour mission de gouver (...)
- 54 K. Hørby (H. Bruun), « Podebusk, Henning », dans Dansk Biografisk Leksikon (désormais : DBL), Copen (...)
14La carrière politique de ces hommes avait commencé au Conseil du royaume. Ogmund rejoignit l’assemblée au moment de la désignation d’Håkon VI comme roi de Norvège à Varberg en 134349. Bo Jonsson est mentionné comme « conseiller digne de confiance » du roi Magnus au lendemain de la mort d’Erik en 135950. Henning Podebusk, quant à lui, entra probablement au Conseil dans les années 1350-1360, même s’il porta officiellement le titre de rigsråd à partir de 1369 seulement51. En rémunération de leur service, le roi confia à ses conseillers différentes charges administratives52. Henning Podebusk fut nommé au poste de gælker de Scanie autour de 136553. Puis, en qualité d’høvedsmand du royaume de Danemark, il mena les négociations avec les représentants des villes de la Hanse qui aboutirent à la signature des accords de Stralsund en mai 1370. À l’issue de ce traité, les villes hanséatiques avaient reçu en gage, pour une période de quinze ans, les quatre plus importants châteaux de Scanie ainsi que les deux tiers de leurs revenus. L’expérience qu’Henning Podebusk avait acquise dans cette région, l’importante rétribution que réclamait sa position ainsi que la confiance que le roi lui accordait sont autant de facteurs qui expliquent que le choix d’un officier chargé d’encaisser le tiers restant des recettes dévolues à la Couronne danoise se porta sur lui. La moitié de la somme, soit le sixième des revenus de Scanie, constituait une rémunération impressionnante. À celle-ci vinrent s’ajouter d’autres rétributions, telles que le salaire de sa charge de capitaine de la forteresse royale d’Holbaek (Sjælland), fonction qu’il occupait dans les années 137554.
- 55 Au xive siècle, le territoire norvégien comprenait une cinquantaine de districts administratifs roy (...)
- 56 Le domaine de Hestbø était au coeur d’un vaste complexe de terres, que le grand-père paternel d’Ogm (...)
15Contrairement à Henning Podebusk, Ogmund Finsson ne détint jamais qu’un seul office de l’administration centrale, celui de drottsete. À ce titre, il participa à toutes les décisions politiques prises pendant la minorité d’Olaf. Son prestige dépassait les frontières du royaume : il fut envoyé à plusieurs reprises à la Cour d’Angleterre, comme ambassadeur pour le compte d’Håkon VI dans les années 1370, puis comme représentant d’Olaf et de Marguerite en 1384-1385. Localement, il fut en charge de deux districts : en 1346-1367, il reçut le sysle de Ryfylke situé au sud-ouest de la Norvège et, en 1359, le sysle limitrophe de Sogn55. Ces districts, administrés pour le compte de la Couronne, correspondaient aux régions dans lesquelles Ogmund détenait l’essentiel de son pouvoir privé. Il possédait là non seulement de vastes propriétés, mais aussi son manoir familial de Hestbø56.
- 57 Entre autres choses, Bo Jonsson occupa les postes de fogde de Stockholm (1364/1367-1371) et de hövi (...)
- 58 Bo Jonsson rédigea son testament en 1384. Il cédait l’ensemble des immenses territoires, dont il av (...)
16La carrière de Bo Jonsson au service de la Couronne suédoise fut exemplaire. Il cumula de nombreuses charges administratives et s’impliqua activement dans la vie politique du royaume au moment des changements de règne57. Il s’afficha d’abord comme un fervent partisan du roi Magnus Eriksson contre son fils Erik. Puis, devant l’incapacité des Folkungar à réagir face à la menace danoise, il n’hésita pas à soutenir la candidature d’Albert de Mecklembourg sur le trône de Suède dans les années 1363-1364. Quelques années plus tard, changeant encore une fois de camp, le drottsete devint le principal artisan d’un mouvement d’opposition aristocratique qui entraîna la destitution d’Albert en 138858.
- 59 DAA, XXV (1908), p. 361-362 ; DAA, LII (1935), p. 109 et suiv.
17Que devinrent les descendants des trois drottsete ? L’union d’Ogmund Finsson et de Katarina Knutsdotter, petite-fille de sainte Brigitte, resta stérile et la famille Hestbø s’éteignit comme la plupart des anciennes familles de la haute aristocratie norvégienne. De leur côté, Bo Jonsson et Margareta Lambrektsdotter (Dume) eurent un fils, Knut Bosson, qui hérita de grands domaines à la mort de son père. Comme la plupart des magnats suédois, ce dernier fut frappé par la vaste réforme poursuivie par Marguerite et Erik à partir des années 1396, qui visait à reprendre à l’aristocratie les terres ayant autrefois appartenu à la Couronne. Knut Bosson se vit ainsi dépossédé d’une grande partie de son patrimoine. Affecté un temps dans l’administration locale de la province de Smâland, il ne fut toutefois jamais membre du Conseil. Enfin, Henning Podebusk et Gisela Henningsdatter eurent quatre fils. Trois d’entre eux entrèrent au Riksråd. Teze devint évêque d’Odense en 1388 et Hans et Predbjørn épousèrent des descendantes de Peder Vendelbo, qui avait détenu les offices de marsk entre 1323 et 1326, et de drottsete en 133059. L’office de drottsete n’avait aucun caractère héréditaire. Les fonctions occupées par Henning Podebusk facilitèrent certainement l’introduction de ses fils dans les hautes sphères du pouvoir. Hans et Predbjørn furent tous deux conseillers d’Erik de Poméranie, mais aucun ne fit carrière en tant qu’officier de la Couronne. L’exemple de Knut Bosson montre aussi que la réussite des descendants dépendait encore principalement de la bonne volonté du roi.
Hofmester et køgmester (1385-1412)
Drottsete |
Hofmester |
Køgemester |
• Bo Jonsson (Grip), |
• Deggenhard Buggenhagen, |
• Mikkel Rud, 1387 |
1372-1386 |
1385 |
• Eindride Erlendsson |
• Ogmund Finsson (Hestbø), |
• Bengt Byg (Grubbe), 1387 |
(Losna), 1400 |
1366- ?-1388 |
• Mikkel Rud, 1397 |
• Anders Olufsen |
• Henning Podebusk, |
• Jens Due, 1400-1416 |
(Saltensee af Tystofte), |
1376-1388 |
• Anders Jakobsen (Lunge), |
1403 |
1412-1429 |
• Claus Skinkel, 1407 |
18Contrairement aux drottsete, les hofmester et køgemester ne furent pas nommés par temps de régence. Les titulaires de ces offices sont identifiables dans les sources à partir du moment où Olaf et Erik, couronnés, eurent atteint l’âge de la majorité. Malheureusement, la durée et le contenu exact de la charge de ces officiers nous échappent dans bien des cas. Une chose est sûre pourtant au regard de leur carrière : ces hommes occupaient à la cour des fonctions politiques.
- 60 DD, 4-2, no 221 (autour du 16 mars 1382).
- 61 DD, 4-2, no 575 (11 mai 1385).
- 62 DAA, XII (1895), p. 155.
- 63 DAA, XXIX (1912), p. 434-435.
- 64 Mikkel Rud faisait certainement partie de la seconde génération des serviteurs de Marguerite. Il ap (...)
- 65 DD, 4-6, no 624 (28 août 1398, Copenhague) ; DD, 4-6, no 637 (1er septembre 1398, Copenhague).
19Deggenhard Buggenhagen et Bengt Byg occupèrent successivement le poste de hofmester sous le règne d’Olaf. À cette époque, ils portaient le titre de chevalier et étaient membres du Conseil du royaume. Avant et après leur nomination à l’office de hofmester, ils furent impliqués dans des affaires d’État de première importance. Au printemps 1382, Deggenhard Buggenhagen, aux côtés du drottsete et d’un troisième représentant du gouvernement danois, arbitra un armistice signé entre les pirates, qui sévissaient alors dans les eaux de la Baltique, et les villes hanséatiques60. Le 11 mai 1385, arborant le titre de hofmester, Deggenhard participa comme témoin à la rétrocession des châteaux de Scanie à la Couronne de Danemark, conformément aux conditions fixées par le traité de Stralsund61. Bengt Byg avait justement pris part à la conclusion de ce traité, signé entre Valdemar et les villes de la Hanse dans les années 1370. Il mena une belle carrière administrative qui le porta, en 1375, à la tête de la forteresse de Holbaek (Sjælland) puis, dix ans plus tard, au prestigieux poste de chambrier du roi (kammermester)62. À n’en pas douter, il s’agissait de deux hommes d’envergure politique. Tel ne fut pas le cas du dénommé Mikkel Rud, entré au service d’Olaf comme køgemester en 1387. À cette date en effet, ce seigneur n’appartenait pas au cercle des conseillers. Il ne détenait aucun office de l’administration locale et ne s’était pas encore illustré sur la scène politique63. Tout laisse à penser que, pour accéder à ce poste, Mikkel profita du patronage de son père Jens Rud, qui avait été en son temps l’un des proches conseillers de Valdemar. L’obtention de l’office de køgemester marqua pour lui le début d’une carrière prometteuse64. En 1392, il est mentionné comme capitaine de la forteresse de Vordingborg (Sjælland). Dans les années 1395, il entra au Conseil du royaume et, en 1397, il apparaît dans les sources sous la désignation de hofmester. Un an plus tard, il participait aux assemblées politiques du Rigsråd qui conclurent, d’une part, le renouvellement des privilèges des villes hanséatiques au Danemark et, d’autre part, le traité avec l’Ordre teutonique65.
- 66 ST, II, 422-4 et422-8 (8 septembre 1395, Helsingborg).
- 67 W. Christensen, op. cit., p. 40. Jens Due apparaît à plusieurs tribunaux royaux (räfsteting) en Suè (...)
20Deggenhard Buggenhagen décéda peu avant 1387, Bengt Byg en 1391 et Mikkel Rud en 1402. S’ils n’avaient pas été sans influence sur la prise de décision politique, ces officiers avaient agi dans l’ombre d’Henning Podebusk. En l’absence de drottsete, l’équipe qui se reforma autour d’Erik fut certainement dotée de pouvoirs plus étendus. En 1400, Jens Due apparaît dans les sources avec le titre de hofmester. Ce Danois était issu d’une famille de l’aristocratie de service originaire de la région de Scanie. Entré au Conseil en 1395, il fut adoubé et placé à la tête de la forteresse royale d’Helsingborg. À peine entré au service du prince, il participa à des événements politiques majeurs. Il fut notamment impliqué dans les négociations de l’été 1395 pour la libération du roi Albert de Mecklembourg et de son fils Erik66. En tant que hofmester, charge qu’il occupa au plus tard jusqu’en 1416, Jens Due fut détaché aux affaires suédoises et finlandaises67.
- 68 NMD, no 105. Voir R. Schott, « Marguerite, ses officiers et la lettre d’instructions à Erik de Pomé (...)
- 69 Eindride fut chargé de désigner le seigneur norvégien susceptible de veiller à la forteresse d’Aker (...)
- 70 Il était risqué de concentrer autant de châteaux et de terres entre les mains d’un seul et même hom (...)
- 71 Il participa à la rédaction du traité d’Union de 1436, ST, III, p. 171 (voir supra, note 33).
- 72 Nous voyons ici combien le prosopographe est tributaire de la qualité de ses sources, É. Mornet, « (...)
- 73 En 1404, il témoigne que les domaines de Ringstadholm et Ringstad situés dans la région d’Östergötl (...)
21En 1400 toujours, Marguerite et Erik recrutèrent un membre de l’aristocratie norvégienne au poste de køgemester. Eindride Erlendsson (Losna) avait été récemment adoubé et nommé au Conseil du royaume. En 1405, il accompagna le roi dans une tournée d’inspection du royaume de Norvège68. La lettre d’instructions que la reine Marguerite écrivit à son petit-neveu à la veille de son départ nous renseigne sur ce voyage. La présence constante du køgemester auprès du jeune roi y est requise avec insistance. Sous aucun prétexte en effet, Erik ne devait se séparer de son serviteur auprès duquel il devait prendre avis en toute chose69. Eindride accéda pour ainsi dire au rang de favori. Il fut nommé à la tête des plus importantes forteresses royales de Norvège (Akershus entre 1407 et 1412, Tønsberghus en 1411 et enfin, Bergenhus en 1412) et reçut la charge de plusieurs sysler (Sunmøre, Agder et Ryfylke)70. Eindride fut essentiellement impliqué dans l’administration de son royaume de naissance. Mais son activité politique ne se réduisit pas seulement à la question norvégienne : en 1434-1436, il travailla pour le compte d’Erik au règlement du conflit qui opposait le roi au Riksråd suédois71. Deux autres køgemester apparurent les années suivantes dans l’entourage d’Erik, pour lesquels nous disposons de très peu d’informations72. Le premier, nommé en 1403, était un chevalier du nom d’Anders Olufsen (Saltensee af Tystofte). Le second était écuyer et répondait au nom de Claus Skinkel. À deux occasions, ce dernier défendit publiquement les droits de la Couronne sur des terres dont la propriété était contestée par des membres de l’aristocratie laïque73.
- 74 N. Blomkvist, « Kalmar 1397-Stadens och tiden som den gav namn på » et E. Lönnroth, « Mötet i Kalma (...)
- 75 DD, 4-6, no 100 (9 juillet [1396], Kalmar), no 125 et 126 (1er et 2 août [1396], Uppsala).
- 76 DAA, XIX, 1902, p. 308.
22Enfin en 1412, l’année de la mort de Marguerite, Erik recruta un hofmester au sein d’une des plus puissantes familles du Danemark, les Lunge. Anders Jakobsen avait été adoubé dans les années 1390. Il entrait au Riksråd cinq ans plus tard et obtenait l’office de capitaine de la forteresse de Kalmar. En juillet 1396 éclata un grave incident diplomatique qui le poussa à l'avant-plan de la scène politique : une escadre prussienne descendue de Danzig et croisant au Sud de l’île de Gotland pour chasser les pirates intercepta deux navires partis de Kalmar dans la même intention. Les marins prussiens capturèrent les quatre-vingts hommes d’équipage, les emprisonnèrent à Visby, les jugèrent et les exécutèrent74. Anders Jakobsen (Lunge) devint l’intermédiaire privilégié entre Marguerite et le Grand maître de l’Ordre teutonique, Konrad von Jungingen75. Après le couronnement d’Erik de Poméranie à Kalmar, Anders fut transféré à Helsingborg (1398-1400). Il poursuivit une carrière brillante qu’il serait ici trop long de détailler. Nous prendrons pour seul exemple sa participation comme représentant des royaumes nordiques en 1415-1416 au Concile de Constance76.
- 77 U. G. Madsen, « Det danske rigsrâd adelige medlemmer 1375-1412 », Dansk Historisk Tidsskrift, Copen (...)
- 78 Le frère aîné de Bengt Byg, Mogens Jensen (Grubbe), poursuivit une carrière ecclésiastique remarqua (...)
- 79 Evert Moltke fut kammermester en 1365-1374 et marsk en 1375, DM, XXXI (1921), p. 499.
- 80 Françoise Autrand a étudié comment le personnel du Parlement de Paris réussit à se tailler une plac (...)
- 81 Christophe II († 1332) et Olaf Hâkonsson († 1387) furent enterrés à Sorø, sur l’île de Sjaelland, a (...)
- 82 Le conseiller norvégien Jon Marteinsson til Sørum, qui était entré au service d’Håkon VI dans les a (...)
23Ces officiers de cour partageaient plusieurs points communs. Ils étaient dans l’ensemble danois et originaires de Sjaelland, région au sein de laquelle le roi Valdemar avait recruté la majorité de ses collaborateurs77. Ils appartenaient ensuite à l’aristocratie de service dont l’ascension sociale remontait à la génération précédente, ou au mieux celle d’avant. Des parents les avaient précédés au Rigsråd : le père de Mikkel Rud, Jens Rud ; le cousin issu de germain de Bengt Byg, Peder Grubbe78 ; le père d’Anders Jakobsen (Lunge), Jakob Olufsen (Lunge), ou encore l’oncle de Claus Skinkel, Bernike Skinkel. En outre, ces officiers et les membres de leurs familles avaient contracté des alliances au sein d’autres familles d’officiers, phénomène dont la famille Lunge est tout à fait représentative : Anders Jakobsen (Lunge) épousa, peu après sa nomination au poste de hofmester, une dame de la famille Moltke. Elne Evertsdatter était une cousine éloignée du marsk Evert Moltke, qui avait aussi occupé le poste de kammermester du temps de Valdemar79. Pour sa part, le frère aîné d’Anders, Folmer Jakobsen (Lunge), se remaria avec la petite-fille d’Henning Podebusk, Élisabeth Hansdatter (Podebusk). Les hofmester et køgemester d’Erik n’étaient pas seulement liés par leur service au prince : d’étroits liens familiaux les unirent, qui participèrent à la formation d’un véritable corps d’officiers80. Ainsi, le frère cadet d’Anders, Oluf Lunge til Skjoldenaes, épousa en secondes noces la veuve du hofmester Mikkel Rud ; la cousine du père de Jens Due, Ellen Pedersdatter, avait épousé le køgemester Anders Olufsen (Saltensee af Tystofte) dont la parente, Elin Nielsdatter (Saltensee af Linde) de Hørningsholm, fut mariée à Bengt Byg. Enfin, ce corps d’officiers fut sans doute attaché au souverain par des liens affectifs, que traduit par exemple le choix du lieu de sépulture. Il est remarquable en effet que plusieurs des officiers d’Olaf, comme Mikkel Rud ou encore Bengt Byg, aient souhaité se faire enterrer à Sorø où les rois de la dynastie depuis Christophe II avaient été inhumés81. À cet endroit reposait aussi la dépouille d’Henning Podebusk. L’épée du drottsete fut suspendue à l’intérieur de la chapelle, acte symbolique qui s’apparente sans doute au dernier hommage qu’un vassal pouvait rendre à son seigneur82.
- 83 R. Descimon, op. cit., p. 142.
- 84 E. Haug, Margrete – den siste dronning i Sverreætten. Nordens fullmektige frue og rette husbonde, G (...)
24Pour mettre en place un gouvernement personnel et centralisé à l’échelle de l’Union, Marguerite et Erik procédèrent à une refonte du système administratif. Les officiers du royaume qui avaient gagné une grande autonomie à la tête des organes administratifs et politiques nationaux qu’ils présidaient, furent supprimés au profit d’officiers de cour placés sous l’étroite surveillance de la Couronne. Les hofmester et køgemester héritèrent des attributions politiques des anciens drottsete. Mais leur liberté d’action se voyait restreinte. D’une part, la durée des charges fut écourtée, car il s’agissait d’éviter que ne s’installent au pouvoir des officiers inamovibles, « prompts à confondre leurs intérêts collectifs avec celui du souverain83 ». D’autre part, la multiplication des offices de cour permit aux monarques de redistribuer plus largement les compétences entre leurs serviteurs, sans pour autant augmenter le pouvoir de chacun84. Par définition, les officiers de cour appartenaient à l’entourage proche du prince. Pourtant, tous n’étaient pas assignés à résidence à la cour. Ainsi, Jens Due et Eindride Erlendsson furent envoyés en mission dans les régions périphériques de l’Union où ils disposèrent de pouvoirs considérables.
- 85 Voir à titre comparatif les mutations au sein du Conseil de Yolande de Flandre à mesure que « le ce (...)
25La réforme du système administratif s’accompagna d’un remaniement général du personnel politique. Les monarques, qui résidaient pour l’essentiel au Danemark, puisèrent sur place les fidélités dont ils avaient besoin. Les offices de hofmester et de køgemester furent confiés à des seigneurs originaires de Sjaelland, région qui, contrairement à la Scanie et au Jutland, avait toujours fait preuve d’une grande soumission à la Couronne85. La composition sociale de la nouvelle équipe au pouvoir changea radicalement. Les drottsete étaient des magnats, les hofmester et køgemester étaient issus d’une aristocratie de service. Et si l’obtention d’un office de l’administration centrale donnait aux premiers une chance supplémentaire de renforcer leurs positions dans la société, elle représentait pour les seconds l’unique opportunité d’exister sur la scène politique. Ces nouveaux officiers développèrent des solidarités familiales qui assurèrent la cohérence et la continuité d’un milieu entièrement dévoué à la cause royale. L’intégration des grands officiers à l’administration de l’Union passa donc inévitablement par la création de nouvelles élites du pouvoir.
Notes
1 Le terme Scandinave de drottsete serait d’origine allemande. Tout au long de l’article, nous utiliserons la forme de drottsete pour éviter les confusions entre les transcriptions danoise (drost) et suédoise (drots). Plus loin, nous emploierons les formes danoises de køgemester et de hojmester.
2 A. O. Johnsen et J. Rosén, « Drottsete », dans Kulturhistorisk Leksikon för Nordisk Middelalder, III (désormais : KLNM), col. 338-348.
3 W. Christensen, Dansk Statsfrvaltning i det 15. århundrede, Copenhague, 1903, p. 23 et suiv.
4 Ces deux officiers s’occupaient du ravitaillement de la cour et de sa gestion. L’existence d’un køgemester est attestée en Norvège dès la deuxième moitié du xiie siècle. Il semblerait d’autre part que le fils de Valdemar Atterdag (1340-1375), le prince Christophe de Lolland, comptât un hofmester parmi ses serviteurs. Voir H. Nielsen, « Hofmester », dans KLNM, VI, col. 631-633 ; H. Nielsen, Køgemester, dans KLNM, X, col. 80.
5 Dans les sources, les titulatures rattachent explicitement les rigsembetsmænd à l’entité du royaume, les hofsembetsmæmd à la personne du roi. Même si la frontière qui existait entre les compétences administratives dévolues aux uns et aux autres reste extrêmement floue à la fin du xive siècle, cette terminologie différenciée rend compte d’une double réalité. Les officiers du royaume étaient plus difficiles à contrôler pour les souverains que ne l’étaient les officiers de cour : membres permanents du Conseil du royaume (Rigsråd), ces représentants de la haute aristocratie jouissaient d’une grande influence dans la prise de décision politique et d’une relative indépendance dans le gouvernement du royaume. En revanche, les officiers de cour, hommes choisis par le roi parmi ses plus proches collaborateurs, étaient convoqués au Conseil de façon périodique.
6 J. E. Olesen, « Erik af Pommem og Kalmarunionen. Regeringssystemets udformning 1389-1439 », dans Danmark i Senmiddelalderen, P. Ingesman, J. V. Jensen éd., Arhus, 1994, p. 148. L’office de drottsete disparaît de sources au xve siècle. Au Danemark, il fut remplacé par l’office de hofmester et en Suède par celui de riksföreståndare (H. Nielsen et G. Authén Blom, « Riksföreståndare », dans KLNM, XIV, col. 247-248). En Norvège, aucun drottsete ne fut plus nommé après 1450. L’archevêque devint dès lors le fer de lance de l’indépendance politique du royaume. Voir A. O. Johnsen et J. Rosén, op. cit., p. 346-348.
7 R. Descimon, « Les élites du pouvoir et le prince. L’État comme entreprise », dans Les elites et la construction de l’État en Europe, W. Reinhard dir., (Les origines de l’État moderne en Europe, W. Blockmans, J.-P. Genet dir.), Paris, 1996, p. 143.
8 Article « Dapifer », dans Glossarium till medeltidslatinet i Sverige. Glossarium mediae latinitatis Sueciae, t. 3, U. Westerbergh, Stockholm, 1970, p. 281. En français, le terme de dapifer correspond à celui de sénéchal, article « Dapifer », dans Mediae latinitatis lexicon minus, J. F. Niermeyer éd., 1976, p. 301. Notons que la traduction latine de hofmester, telle qu’on la rencontre dans les sources, est magister curie et non dapifer. Concernant l’ambiguïté relative aux titres latins de certaines fonctions ecclésiastiques. Voir É. Mornet et H. Millet, « Jalons pour une histoire des chanoines au service de l’État : résultats de l’exploitation de la base de données commune », dans I canonici al servizio dello Stato in Europa secoli xiii-xvi. Les chanoines au service de l’État en Europe du xiiie au xvie siècle, H. Millet et É. Mornet dir., Ferrare, 1992, p. 261 et suiv.
9 D’où la difficulté d’établir la différence entre les grands officiers, comme le connétable, le maréchal, le chancelier, et les membres de l’Hôtel royal. Voir É. Gonzalez, Un prince en son Hôtel. Les serviteurs des ducs d’Orléans au xve siècle, Paris, 2004, p. 53 et suiv.
10 Voir É. Mornet et H. Millet, op. cit., p. 283 et suiv.
11 Les informations biographiques contenues dans cet article proviennent de la base de données que je réalise actuellement dans le cadre de ma thèse de doctorat sur les membres des Conseils de royaumes Scandinaves sous le règne de Marguerite (1375-1397). Concernant les études prosopographiques relatives à l’histoire des pays nordiques, voir É. Mornet, « les recherches prosopographiques au Danemark : haut clergé et noblesse laïque, xive-xviie siècles », dans Prosopographie et genèse de l’État moderne, F. Autrand dir., Paris, 1986, p. 67-76.
12 H. Nielsen, J. Liedgren et L. Hamre, « Hof », et L. Hamre, H. Nielsen et). Rosén, article « Hird », dans KLNM, VI, respectivement col. 627-630 et 568-580.
13 E. Opsahl, « Bastard Feodalism or Sub-vassality in Medieval Norway ? », Collegium Medievale, volume 4, Oslo, 1991/2, p. 177-214.
14 La Hird était divisée en trois corps : les hirdmenn occupaient le rang le plus prestigieux. Après eux venaient les gjester et, pour finir, les kjertesveiner. La Hird était réglementée par une loi propre, la Hirdskrå. À ce propos, voir Norsk historie, I : 750-1537, O. G. Moseng et alii éd., Oslo, p. 17g et suiv. ; K. Helle, Norge blir en stat 1130-1319, Bergen, Oslo, Tromsø, 1974, p. 200-206 ; O. J. Benedictow, « Norge », dans Den nordiske adel i Senmiddelalderen. Struktur, funktioner og internordiske relationer. Rapporter til det nordiske historikermøde i København 9-12 august 1971, Copenhague, 1971, p. 9 et suiv.
15 A. O. Johnsen et J. Rosén, op. cit., p. 338 et suiv. Le køgemester devait être un homme de haut rang. D’après la Hirdskrå, celui-ci devait être recruté parmi les skutilsveinene, c’est-à-dire au sein du corps des hirdmenn. Si le candidat était de moindre rang, le roi devait au préalable lui conférer ce titre. Voir Hirdskråen. Hirdloven til Norges konge o hans håndgangne menn etter AM 322 fol, S. Imsen éd., Riksarkivet, Oslo, 2000, § 21 (26), p. 106-107.
16 L’office de chancelier n’était pas à l’origine un office de la Hird. Son titulaire développa ses compétences de manière significative aux xiiie et xive siècles. Voir Norsk historie..., p. 170.
17 Au sujet des conditions d’apparition du drottsete suédois, voir K. E. Löfqvist, « De svenska drots-och marskämbeten under 1200-och 1300-talen », dans Vetenskaps-Societeten i Lund Årsbok 1936, Lund, 1937, P· 15 et suiv. L auteur évoque la possibilité d’une influence du modèle danois sur l’administration suédoise.
18 Dans le testament de Magnus Ladulås (1275-1290), les évêques, le chancelier et le drottsete sont mentionnés comme exécuteurs testamentaires, avant les membres du Conseil. Voir Diplomatarium suecanum (désormais : DS), I, Stockholm, 1829-, no 802 (le 22 février 1285).
19 B. Guenée, « Cour », dans Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, J. Le Goff et J.-C. Schmitt dir., Paris, 1999, p. 253.
20 K. Helle, Konge og gode menn i norsk riksstyring ca. 1150-1319, Bergen-Oslo-Tromsø, 1972, p. 316-328. K. Helle, article « Rigsråd », dans KLNM, XIV, col. 223-230.
21 Cette évolution concerne la plupart des royaumes européens. En France, Raymond Cazelles affirme que les ministeriales hospitii apparus sous les premiers rois capétiens « ont vu leur importance grandir avec la royauté française et sont devenus des chefs de services administratifs ». Voir R. Cazelles, « Un problème d’évolution et d’intégration : les Grands Officiers de la Couronne de France dans l’administration nouvelle au Moyen Âge », dans Annali della Fondazione Italiana per la Storia Administrativa, Milan, 1965, p. 184.
22 En 1319, l’avènement de Magnus Eriksson sur les trônes de Suède et de Norvège marqua le début d’une longue période de régence durant laquelle les drottsete (Knut Jonsson en Suède et Erling Vidkunnsson en Norvège) affermirent leurs positions et étendirent leurs compétences. Voir K. E. Löfqvist, op. rit., p. 24 et suiv.
23 En 1354, la loi danoise stipulait que le drottsete devait présider au tribunal royal (retterting). Voir A. O. Johnsen et J. Rosén, op. cit., p. 340.
24 W. Christensen, op. cit., p. 25.
25 A. O. Johnsen et J. Rosén, op. cit., p. 344. Entre 1350 et 1355, Orm Eysteinsson fut titulaire de l’office de drottsete du royaume de Norvège. Il apparaît sans son titre en présence du roi Magnus et de son fils Håkon le 6 mai 1353 à Bohus, Diplomatarium Norvegicum. Oldbreve til kunskap om Norges indre og ytre forhold, sprog, slegter, seder, lovgivning og rettergang i middelalderen. Aktstykker verdrørende Norges forbindelse med de britiske Øer (désormais : DN), II, C. C. A. Lange et C. R. Unger éd., Kristiania, 1852, no 319.
26 K. Erslev, Dronning Margrethe og Kalmarunionens Grundlæggelse. Danmarks Historie under Dronning Margrethe og hender naermeste Efterfølgere (1375-1448), I, Copenhague, 1882, p. 244-249 ; A. E. Christensen, Kalmarunionen og nordisk politik 1319-1439, Copenhague, 1980, p. 121-122 ; J. E. Olesen, « The governmental System in the Union of Kalmar, 1389-143 », dans Studien zur Geschichte des Ostseeraumes, I, T. Riis éd., Odense University Press, 1995, p. 53.
27 Une comparaison peut être établie ici avec l’office de bouteiller, tel qu’il exista en France au xive et au début du xve siècle. Raymond Cazelles montre comment cet office, autrefois chargé de l’approvisionnement en vins des rois capétiens, hérita d’une partie des compétences du sénéchal, une fois celui-ci supprimé par Philippe Auguste. Le bouteiller se vit confier les affaires diplomatiques et financières du royaume. L’auteur conclut en ces termes : « Il n’en reste pas moins que l’office de Bouteiller, quelque ancien et démodé qu’il ait pu paraître, a trouvé le moyen de s’incarner à la fin du Moyen Âge dans la haute administration financière la plus élevée de la monarchie, ce qui a permis à cette charge de garder tout son lustre et d’être activement recherchée. » Voir R. Cazelles, op. cit., p. 186.
28 Ces informations nous sont données par une source ultérieure, établie le 17 juin 1402 à Sølvesborg. Voir Diplomatarium Danicum (désormais : DD), 4-8, no 400.
29 Eindride Erlendsson était toujours à ce poste en 1405. Voir Norske Middelalder Dokumenter, S. Bagge, K. Helle et S. Holstad Smedsdal éd., Oslo, 1973 (désormais : NMD), no 105.
30 DD, 4-9, no 131 (18 juin 1403) ; DD, 4-11, no 43 (2 mars 1407, Ringsted).
31 B. Guenée, L’Occident aux xive et xve siècles. Les États, Nouvelle Clio (1971) rééd. 1998, p. 204.
32 J. E. Olesen, « The Governmental System... », p. 55 et suiv.
33 Sverges Traktater med Främmande Magter (désormais : ST), III (1409-1520), O. S. Rydberg éd., Stockholm, 1895, p. 167 et suiv. (août 1436). Cet acte correspond à une proposition de traité d’Union. Il n’eut aucune valeur juridique, mais son contenu exprimait les aspirations de l’aristocratie suédoise dans les dernières années du règne d’Erik de Poméranie. Voir H. Schück, Rikets råd och register. Arkivbildande, kansliväsen och tradition inom den medeltida svenska statsmakten, Stockholm, 1976, p. 223 et suiv. Que le roi nommât des grands officiers pour chacun des trois royaumes était aussi une revendication de l’aristocratie danoise. En 1439, le Rigsråd reprocha à Erik de ne pas avoir recruté de nouveaux drottsete et marsk, J. E. Olesen, Rigsråd, Kongemagt, Union 1434-1449, Århus, 1980, p. 105 et 264.
34 ST, III, p. 173 : Skall och konungen haffua hoffmester i hwart riiket för [...] regerar konungens gardh, som hans embete er, epter riikesens sedh och godh sedhwenio/« Le roi doit nommer un hofmester dans chaque royaume pour [...] diriger sa cour, puisque c’est en cela que l’office consiste selon la loi et les bonnes coutumes du royaume ».
35 ST, III, no 529, p. 380 (7 septembre 1483, Kalmar).
36 W. Christensen, op. cit., p. 39-54.
37 DN, 12, no 103 (28 juillet 1366, Bergen) ; DD, 4-1, no 40 (3 mai 1376, Slagelse) ; DS, X, no 147 (3 mars 1372, Åbo slott).
38 DD, 3-8, no 369 (30 nov. 1369, Stralsund). Albert de Mecklembourg nomma Bo Jonsson til warn wældoghan æmbitman, DS, no 7938 (6 août 1369, Stockholm).
39 Bo Jonsson reçut les pleins pouvoirs à la cour : il fut charge d’assurer le ravitaillement, de commander aux fogdar et aux serviteurs, ainsi que de rendre justice au nom du roi. Les forteresses du royaume lui étaient accessibles. Il devait donc entendre les comptes de leur capitaine et les rapporter personnellement au roi. Enfin, le souverain ne pouvait plus nommer ou destituer les officiers du royaume sans son approbation.
40 Le rédacteur d’un acte établi le 16 août 1376 à Korsør précise qu’Henning Podebusk, alors titulaire de l’office de drottsete, avait été « autrefois høvedsmand du royaume de Danemark » (DD, 4-1, no 68). Le 3 mars 1372, Bo Jonsson porte la double titulature de dapifer, officialis generalis illustris dominj regis ac regni Suecie (DS, X, no 147). La différence fut peut-être moins évidente pour les générations suivantes. Ainsi, au dos de la lettre de nomination de Bo Jonsson (Grip) au poste d’offcialis generalis figure une mention hors teneur, écrite de la main de Margareta Grip (1538-1586), qui précise qu’à cette occasion « Bo Jonsson fut nommé hofmester du roi Albert/Bo Jon son bleff konjng Albrektts hoffmest », DS, no 7938.
41 DD, 3-9, no 548 (31 décembre 1375, Odense) ; Acta et processus canonizacionis Beate Birgitte, I. Collijn éd., Uppsala, 1924-1931, p. 48-49 (9 octobre 1376).
42 Cet acte, rédigé sur parchemin, est conservé dans sa forme originale aux Archives royales de Stockholm. Ref. : or. perg., RA 0101, RPB, no 2192 (15 février 1386, Skänninge).
43 DD, 4-1, no 186 (3 février 1377). Au lendemain de la mort d’Henning Podebusk, Gisela Henningsdatter von dem Sunde et ses fils cédèrent à la reine Marguerite tous leurs droits sur une série de propriétés acquises autrefois par Henning. À cette occasion, Gisela s’intitule dacie dapifera dicta drostinne (DD, 4-3, no 441 ; le 4 octobre 1388, Slagelse). Il est peu probable que cette femme ait hérité des attributions de son époux. Elle ne porte ce titre qu’en vertu du prestige que la charge conférait à son mari et par extension à sa famille. L’office de drottsete ne correspond plus à une charge, mais à un titre honorifique.
44 DN, 1, no 640 (17 janvier 1414, Helsingborg).
45 DD, 3-3, no 244 (14 février 1350, Bautzen). Son arrière-grand-père, Stoislav til Vilmnitz, ainsi que son grand-père, Nicolaus Podebusk til Borantehagen, étaient chevaliers. Son père Borante Podebusk avait été adoubé en 1325. Voir Danmarks Adels Aarbog (désormais : DAA), XXV, Copenhague, 1908, p. 356 et suiv.
46 En 1380, Henning acheta Drottningsholm (Sjælland) qui devint son manoir principal.
47 La mère de Bo Jonsson, Ingeborg Bosdotter, était la fille du lagman d’Östergötland Bo Nilsson (Natt och Dag) et de Cecilia Knutsdotter (Aspenäsätten). Voir Äldre Svenska Frälsesläktet Ättartavlor, II, 1, H. Gillingstam éd., Stockholm, 2001, p. 19 a.
48 E. Opsahl, « Ogmund Finsson til Hesby », dans Norsk Biografisk Leksikon (désormais : NBL), VII, Oslo, 2003, p. 110.
49 DN, II, no 258 (15 août 1343, Varberg).
50 [...] varom tronom radhgiwara. Voir DS, no 6153 (8 novembre 1359, Söderköping).
51 DD, 3-8, no 369 (30 novembre 1369, Stralsund).
52 Olivier Mattéoni a mis en évidence la fréquence du cumul des charges, en particulier pour les officiers qui occupaient une place dans l’administration centrale de la principauté bourbonnaise, O. Mattéoni, Servir le prince. Les officiers des ducs de Bourbon à la fin du Moyen Âge (1356-1523), Paris, 1998, p. 288 et suiv.
53 Le gældker disposait en Scanie des mêmes pouvoirs que le drottsete. Il avait pour mission de gouverner la région au nom du roi, de nommer et destituer les baillis (fogder) et de prélever les revenus royaux. Il était placé sous les ordres du drottsete lorsque le roi était absent, W. Christensen, op. cit., p. 36-37.
54 K. Hørby (H. Bruun), « Podebusk, Henning », dans Dansk Biografisk Leksikon (désormais : DBL), Copenhague, 1982, p. 423. L’année suivante, il fut également décidé qu’Henning administrerait les châteaux au nom des villes hanséatiques.
55 Au xive siècle, le territoire norvégien comprenait une cinquantaine de districts administratifs royaux, les sysler. À la tête de ces sysler, des officiers (syslemenn) agissaient comme des représentants du roi et exerçaient en son nom une autorité militaire, judiciaire et fiscale. Voir P. S. Andersen, « Sysselmann », KLNM, XVII, col. 651-656.
56 Le domaine de Hestbø était au coeur d’un vaste complexe de terres, que le grand-père paternel d’Ogmund Finsson avait reçu en dotation royale. Voir E. Opsahl, « Ogmund Finsson... », op. cit., p. 110.
57 Entre autres choses, Bo Jonsson occupa les postes de fogde de Stockholm (1364/1367-1371) et de hövitsman de Viborg (1371). Il fut aussi häradshövding en Dalécarlie (1367-1384) ou encore lagman en Östergötland (1366-1386) et en Finlande (1380). Pour plus de détails sur sa carrière, voir S. Engström, Bo Jonsson, I, Uppsala, 1935.
58 Bo Jonsson rédigea son testament en 1384. Il cédait l’ensemble des immenses territoires, dont il avait acquis le contrôle et la propriété, à une dizaine d’exécuteurs testamentaires. Ces hommes étaient membres du Conseil du royaume. À la mort de Bo Jonsson, ses exécuteurs testamentaires tenaient en main l’administration d’une grande partie du royaume. Ce furent ces hommes qui portèrent Marguerite sur le trône de Suède en 1388. Le testament de Bo Jonsson et le vidimus sont édités dans H. Rosman, Bjärka-Säby och dess ägare, I, Uppsala, 1923, p. 356-361.
59 DAA, XXV (1908), p. 361-362 ; DAA, LII (1935), p. 109 et suiv.
60 DD, 4-2, no 221 (autour du 16 mars 1382).
61 DD, 4-2, no 575 (11 mai 1385).
62 DAA, XII (1895), p. 155.
63 DAA, XXIX (1912), p. 434-435.
64 Mikkel Rud faisait certainement partie de la seconde génération des serviteurs de Marguerite. Il apparaît pour la première fois dans les sources en 1387. Il meurt en 1402, un an avant son père, Jens Rud, qui était entré au service de Valdemar dans les années 1360-1370. Concernant la question de l’âge et des mécanismes du pouvoir politique, voir É. Mornet, « Âge et pouvoir dans la noblesse danoise (vers 1360-vers 1570) », Journal des Savants, janvier-juin 1988, p. 119-154.
65 DD, 4-6, no 624 (28 août 1398, Copenhague) ; DD, 4-6, no 637 (1er septembre 1398, Copenhague).
66 ST, II, 422-4 et422-8 (8 septembre 1395, Helsingborg).
67 W. Christensen, op. cit., p. 40. Jens Due apparaît à plusieurs tribunaux royaux (räfsteting) en Suède et Finlande : Svenskt Diplomatarium från och med år 1401, C. Silfverstolpe, I (1401-1407), Stockholm, 1875-1884, no 348 (18 juin 1403, Svartsjö) ; Finlands medeltidsurkunder, II (1401-1430), R. Hausen éd., Helsinki, 1915, no 1196 ; no 1199 ; no 1203 (janvier et février 1405, Lamkila i Virmo et Voipala i Sääksmäki) ; ST, II, no 437b (27 septembre 1408, Kalmar). Cette sectorisation administrative explique peut-être pourquoi, en 1412, Erik de Poméranie désigna un second hofmester affecté en priorité aux affaires danoises.
68 NMD, no 105. Voir R. Schott, « Marguerite, ses officiers et la lettre d’instructions à Erik de Poméranie (1405) », Médiévales. Sociétés nordiques en politique xiie-xve siècles, printemps 2006, p. 103-120.
69 Eindride fut chargé de désigner le seigneur norvégien susceptible de veiller à la forteresse d’Akershus, tandis que le roi et lui se rendaient à Tønsberg, NMD, no 105, § 14.
70 Il était risqué de concentrer autant de châteaux et de terres entre les mains d’un seul et même homme, Marguerite ne pouvait l’avoir oublié. Eindride était certainement un homme de grande confiance pour qu’elle consentît à lui déléguer tant de pouvoir. Cette confiance accordée par la Couronne lui valut en outre de participer à des missions diplomatiques d’importance. À l’automne 1415 par exemple, il fut envoyé avec l’évêque d’Oslo comme ambassadeur à la cour d’Angleterre pour rendre compte au roi d’un trafic illégal pratiqué par des marins anglais le long des côtes de la Norvège et en Islande, DN, XX, no 733 (automne 1415).
71 Il participa à la rédaction du traité d’Union de 1436, ST, III, p. 171 (voir supra, note 33).
72 Nous voyons ici combien le prosopographe est tributaire de la qualité de ses sources, É. Mornet, « Fiabilité et incertitudes de la prosopographie d’une élite sociale et intellectuelle : évêques et chanoines Scandinaves à la fin du Moyen Âge », dans L’Etat moderne et les elites xiiie-xviiie siècles. Apports et limites de la méthode prosopographique, Paris, 1996, p. 285.
73 En 1404, il témoigne que les domaines de Ringstadholm et Ringstad situés dans la région d’Östergötland et sur lesquels Knut Bosson (Grip) prétendait avoir des droits, appartiennent à présent à la Couronne, DD, 4-9, no 323 (6 février 1404, Norrköping). En 1407, il confirma au nom de la reine que le domaine de Højstrup avait été précédemment cédé par Folmer Jakobsen (Lunge) à cette dernière, DD, 4-11, no 43 (2 mars 1407, Ringsted).
74 N. Blomkvist, « Kalmar 1397-Stadens och tiden som den gav namn på » et E. Lönnroth, « Mötet i Kalmar 1397 », dans Kalmarunionen 600 år-Margrete 1. Nordens Frue og husbond, Copenhague, 1996, respectivement p. 25-31 et 33-37.
75 DD, 4-6, no 100 (9 juillet [1396], Kalmar), no 125 et 126 (1er et 2 août [1396], Uppsala).
76 DAA, XIX, 1902, p. 308.
77 U. G. Madsen, « Det danske rigsrâd adelige medlemmer 1375-1412 », Dansk Historisk Tidsskrift, Copenhague, 1989, p. 8 et suiv.
78 Le frère aîné de Bengt Byg, Mogens Jensen (Grubbe), poursuivit une carrière ecclésiastique remarquable. Chanoine de Roskilde et d’Ârhus en 1354, il devint évêque de Børglum en 1355, puis de Ribe en 1364. Il était par conséquent membre naturel du Rigsråd, DAA, XII, 1895, p. 154-155. Élisabeth Mornet rappelle l’importance du patronage dans l’obtention d’une prébende canoniale, et plus généralement dans la réussite d’une belle carrière au sein de l’Église, É. Mornet, « Préliminaires à une prosopographie du haut clergé Scandinave : le chapitre cathédral de Roskilde 1367-1493 », dans Medieval Lires and the Historian : Studies in Medieval Prosopography, N. Bulst et J. P. Genet éd., Kalamazoo, 1986, p. 139-162.
79 Evert Moltke fut kammermester en 1365-1374 et marsk en 1375, DM, XXXI (1921), p. 499.
80 Françoise Autrand a étudié comment le personnel du Parlement de Paris réussit à se tailler une place dans la société politique de la fin du xive et du début du xve siècle. Elle insiste sur l’importance des solidarités familiales, qui permirent de renforcer entre les membres de l’institution les solidarités nées de l’exercice d’une fonction commune. La stabilisation des familles constitua, selon elle, un moment essentiel de la constitution d’un milieu soudé par un esprit de corps, F. Autrand, Naissance d’un grand corps de l’État. Les yens du parlement de Paris (1345-1454), Paris, 1981, p. 264-265.
81 Christophe II († 1332) et Olaf Hâkonsson († 1387) furent enterrés à Sorø, sur l’île de Sjaelland, au sud-ouest de Roskilde. Valdemar Atterdag († 1375) fut d’abord enterré à Vordingborg, puis à Sorø. Marguerite († 1412) fut inhumée à Sorø avant d’être transférée dans la cathédrale de Roskilde.
82 Le conseiller norvégien Jon Marteinsson til Sørum, qui était entré au service d’Håkon VI dans les années 1370, demanda dans son testament à être enterré dans l’église Sainte-Marie d’Oslo où le roi reposait, et à ce que son écu et son heaume fussent suspendus dans la chapelle, DN, XVI, no 42 (14 juillet 1400, Sørum). Voir E. Opsahl, « Hr. Ion Marteinsson til Sørum-en svenske med suksess i Norge. En aristokrats politiske og sosiale vilkår i Norge rundt âr 1400 », dans Middelalderen på Romerike, Årbok, XIX, Skedsmo, 1998, p. 212.
83 R. Descimon, op. cit., p. 142.
84 E. Haug, Margrete – den siste dronning i Sverreætten. Nordens fullmektige frue og rette husbonde, Gjøvik, 2000, p. 260.
85 Voir à titre comparatif les mutations au sein du Conseil de Yolande de Flandre à mesure que « le centre nerveux de son gouvernement et de son activité politique eut changé de base, en se déplaçant de Lorraine en Flandre maritime », M. Bubenicek, « Au “conseil Madame”. Les équipes du pouvoir d’une dame de haut lignage, Yolande de Flandre, comtesse de Bar et dame de Cassel (1326-1395) », Journal des Savants, 1996, p. 356.
© Éditions de la Sorbonne, 2009