Calculs et rationalités dans la seigneurie médiévale
|Cens de l’Ouest, cens en argent (xie-xiiie siècle)
Texte intégral
- 1 Henri Sée, Étude sur les classes rurales en Bretagne au Moyen Âge, Paris, 1896 ; Stéphane Strowski (...)
- 2 La théorie présentée par Georges Duby sur l’affaiblissement des cens est déjà esquissée avec moins (...)
1Le prélèvement seigneurial demeure, en grande partie, un domaine à découvrir. Pour les siècles du Moyen Âge central, il n’est guère aisé de le mesurer, faute de documents généraux et récapitulatifs. Cependant, certains aspects moins mal éclairés comme le cens offrent des possibilités documentaires non négligeables. Au-delà de l’appréhension des rouages du fonctionnement seigneurial, ce dernier ouvre nombre de perspectives sur la vie des échanges, le rapport des hommes à la monnaie, leur conception de la valeur, etc. Dans l’Ouest de la France, la question a été abordée, il y a bien longtemps, sous un angle d’ailleurs largement descriptif et les travaux plus récents n’y consacrent en général que peu de développement1. Un certain nombre d’idées communément admises forment un fonds commun, élaboré souvent depuis longtemps2. Le cens apparaît globalement comme assez modeste et sa fixité le rend assez vite négligeable sur le plan économique.
2Dans la région qui retient mon attention, c’est-à-dire un Ouest intérieur, relativement homogène sur le plan de la seigneurie et comprenant le Maine, l’Anjou et la Haute-Bretagne, certains aspects ne cadrent pas avec ce qui est dit, au moins sur certains points. En particulier, le problème qui a motivé cette étude ne semble pas devoir être soulevé : la conversion des cens en nature en cens en argent, opération effectivement assez commune en bien des régions, y demeure une rareté pour une simple raison dès le xie siècle, ils sont en monnaie et le demeurent, au moins jusqu’au xiiie siècle, aboutissement de cette recherche.
3Un tel constat suggère que la vision généralement acceptée sur la perception et l'affaiblissement des cens a sans doute besoin d’être revisitée et nuancée. Dans un premier temps, il devient nécessaire de préciser les conditions d’établissement et de prélèvement. Les cens établis et maintenus en argent aboutissent-ils à des prélèvements infimes et purement récognitifs ? Outre leur valeur symbolique incontestable, ils jouent peut-être un rôle moins limité qu’on ne le pense dans la rente foncière. Les choix opérés peuvent le révéler et, surtout, ils répondent vraisemblablement à un certain nombre de réalités économiques et plus globalement, sans doute, aux réalités de la vie de la seigneurie. L’absence de conversion oblige donc à tenter de mieux comprendre le système de prélèvement.
Payer le cens en monnaie ?
4Au départ, il est indispensable de préciser ce que nous savons ou croyons savoir. On s’aperçoit très vite que les sources ne sont pas absentes, loin s’en faut, et qu’elles permettent de mieux préciser en quoi consiste le cens, redevance seigneuriale partout présente. Mises en rapport avec les acquis de l’historiographie, elles permettent de dégager des conclusions qui peuvent aboutir à une meilleure compréhension des options privilégiées dans les formes de perception.
Les sources et leurs problèmes
- 3 Pour le Bas-Maine, nous renvoyons à D. Pichot, op. cit., p. 166-167, et plus globalement pour le p (...)
5Il faut revenir aux sources et les examiner de près car rares sont les études qui dépassent un certain impressionnisme. Si nous essayons de quantifier, pour le Bas-Maine qui a fait l’objet d’un dépouillement à peu près exhaustif, 137 documents contiennent des renseignements relatifs au cens. Sur un total de 2 700, cela représente une proportion de 5 %3. Ce n’est pas considérable mais quand même significatif et très honorable par rapport au moulin jugé a priori plus intéressant.
- 4 [...] Rainaldus connestabilem vendidisse sancto Martino [...] unum bordagium terre VI solidorum de (...)
- 5 Je remercie Joelle Quaghebeur de m’avoir communiqué les fruits de son enquête.
- 6 Je remercie Monique Chauvin et Chantal Reydellet qui travaillent à l’édition du cartulaire pour ce (...)
- 7 Paul de La Bigne Villeneuve, Cartulaire de l’abbaye Saint-Georges de Rennes, Rennes, 1876.
6Numériquement, les actes de la pratique constituent la très grande majorité des témoignages. Sont en général précisés la nature du bien – terre, vigne, maison... – et le fait qu’il supporte un cens annuel, en revanche, l’information sur le montant manque assez souvent. En 1062, Renaud le Connétable vend à Marmoutier un bordage pour le prix de 6 sous mais les moines du prieuré de Mayenne continueront à payer un cens de 4 deniers à la Saint-Jean-Baptiste4. Cependant, si l’on dispose de témoignages abondants dans le Bas-Maine et vraisemblablement aussi pour le Haut-Maine et l’Anjou, comme le font penser les sondages effectués, les traces paraissent plus rares dans la documentation bretonne. Les enquêtes dans beaucoup de cartulaires n’y donnent pas grand-chose, quelques mentions tout au plus. Ceux de Cornouaille n’indiquent que fort peu de cens, le système particulier du domaine congéable, sans doute déjà en place, en est peut-être responsable mais ce n’est pas sûr5. Plus à l’est, le cartulaire de la riche abbaye Saint-Melaine de Rennes semble assez représentatif et ne donne, lui non plus, pas grand-chose6. Sans être absent, le cens est assez rarement cité en tant que tel. Cependant, nombre de redevances non précisées, si ce n’est par le terme de redditus, pourraient bien s’apparenter à des cens. Parmi les cartulaires consultés, un seul tranche avec cette situation, celui de Saint-Georges de Rennes, dont l’édition comprend un authentique cartulaire et des actes retrouvés dans le chartrier ou ailleurs7. Dans l’ensemble de l’Ouest, le cens se présente, quand même, comme la redevance la mieux précisée, signe que les maîtres lui accordent donc une importance certaine, que ce soit pour une raison seigneuriale ou pour une raison économique.
- 8 R. Charles et S. Menjot d’Elbenne, Cartulaire de l’abbaye Saint-Vincent du Mans, premier cartulair (...)
- 9 Paul Marchegay, Cartularium monaterii Beatae Mariae caritatis andegavensis. Recueil de documents i (...)
- 10 Cartulaire de Saint-Georges, nos 24, 50, 53, 61, 63, cf. pièces annexes.
7Plus précis et plus intéressants, rentiers et censiers fournissent des listes de censitaires et de montants par dizaines, voire plus, qui permettent une approche sérielle. Dès le xie siècle, ils apparaissent dans les chartriers, voire dans les cartulaires, concernant une villa, un domaine ou un village. L’entreprise connaît même une certaine systématisation dans quelques abbayes. Le premier cartulaire de Saint-Vincent du Mans incorpore des listes concernant des prieurés. L’éditeur les date de la fin du xie siècle ou du début du xiie, ce qui paraît assez plausible8. Le censier consacré au village de Sarcé est l’œuvre du cellérier, le clerc Geoffroy, ce qui nous oriente nettement vers un souci de gestion du domaine. Il enregistre des noms, 85, essentiellement des hommes, en précisant simplement le montant du cens exigé. Le cartulaire de Notre-Dame du Ronceray rédigé dans la seconde moitié du xiie siècle incorpore aussi plusieurs censiers locaux rédigés aux environs de 1150. L’inscription de ces listes dans des cartulaires qui leur sont à peu près contemporains, comme à Saint-Vincent du Mans, au Ronceray d’Angers, semble signifier que la redevance représente une valeur majeure, mais le cas du cartulaire de Saint-Georges de Rennes intrigue9. Quand les religieuses l’élaborent au xive siècle, elles jugent indispensable d’y inscrire des censiers de domaines et de villages remontant au xiie siècle10.
- 11 D. Pichot, op. cit., p. 161-165 ; B. Lemesle, La société aristocratique dans le Haut-Maine (xie-xi (...)
- 12 R. Fossier, Polyptyques et censiers, Turnhout, 1978, p. 37-40.
8En l’état actuel de la recherche, il semble que ces relevés partiels et limités soient dressés entre la fin du xie siècle et le xiie siècle. C’est le moment où les domaines achèvent de se constituer, les donations ont fait leur œuvre et continuent encore mais sur un rythme plus modéré ; se fait jour, alors, le souci d’organiser11. On rejoint la pensée de R. Fossier qui interprète ces documents comme des œuvres de combat, offensives à tout le moins. Les censiers, à ses yeux, ne constituent pas de simples enregistrements mais contribuent à établir le système seigneurial. Même si les purs censiers sont sans doute moins importants que les rentiers, il ne faut donc pas les prendre pour de réels documents comptables12. Quelle réalité économique possèdent d’ailleurs ces listes quand on les couche dans les cartulaires ? Si l’on comprend que soient consignés les terres ou villages payant le cens, on perçoit mal l’intérêt économique de conserver des listes de censitaires appelés à changer, ou même de recopier de multiples noms de dépendants décédés depuis longtemps. On les y met sans doute beaucoup plus pour affirmer un droit de domination, le cartulaire jouant son rôle de mémoire des droits.
- 13 Bénédictins de Solesmes, Cartulaire des abbayes de Saint-Pierre de La Couture et de Saint-Pierre d (...)
9Les censiers complets envisageant la totalité d’un temporel sont beaucoup plus rares. On n’en identifie qu’un, le rentier de l’abbaye de La Couture du Mans, sans doute rédigé au début du xiiie siècle, comme le laissent penser certains indices13. L’entreprise est ici considérable et son ampleur tranche avec les documents précédents. Ce rentier occupe plus de 35 pages in-4° dans la publication du cartulaire malheureusement de qualité assez médiocre. Dressé par prieuré, il enregistre tous les revenus qui y sont attachés, y compris les cens. Il permet d’appréhender de façon détaillée le domaine mais aussi la gestion seigneuriale des moines. Ce dernier document le montre bien, il existe un corpus étendu qui, malgré ses insuffisances incontestables, offre des possibilités d’études réelles qui permettraient d’éclairer les formes et les finalités du prélèvement seigneurial.
Les acquis de l’historiographie : une redevance foncière et perpétuelle
- 14 Olivier Guillot, Le comte d’Anjou et son entourage au xie siècle, Paris, 1972 ; B. Lemesle, op. ci (...)
- 15 A. Bouton, Le Maine. Histoire économique et sociale, le Moyen Âge, Le Mans, 1976, p. 242-246 ; les (...)
- 16 A. Chédeville, Chartres et ses campagnes (xie-xiiie siècles), Paris, 1973, offre une forte synthès (...)
- 17 Pour une tentative de synthèse sur la question : D. Pichot, « Le prélèvement seigneurial », art. c (...)
10Les historiens se sont plus penchés sur l’origine de la seigneurie et le pouvoir banal que sur la gestion, que ce soit les travaux de O. Guillot pour l’Anjou, de B. Lemesle pour le Maine, de H. Guillotel, A. Chédeville et N.-Y. Tonnerre pour la Bretagne14. Les coutumes et taxes seigneuriales n’ont fait l’objet que de rares travaux et n’occupent le plus souvent que des développements limités. Il faut parfois remonter à des études anciennes. La Bretagne, mieux servie, offre celles de H. Sée et S. Strowski de la fin du xixe siècle et du début du xxe. Un certain nombre de données sont bien mises en lumière mais la vision très juridique, en particulier de la seconde, et l’assimilation de réalités sans doute plus diverses que ne le pensaient les auteurs affaiblissent les conclusions que l’on peut retenir. Plus récemment, A. Bouton a livré quelques données exploitables pour le Maine, et les travaux de M. Le Méné ainsi que les nôtres envisagent plus profondément le prélèvement seigneurial15. Enfin, deux études géographiquement marginales présentent beaucoup d’intérêt : les thèses de A. Chédeville sur le Chartrain et celle de D. Barthélemy sur le Vendômois16. Les acquis ne sont donc pas inexistants17.
- 18 Cf. le résumé des positions de G. Duby figurant dans Laurent Feiler, Paysans et seigneurs, Paris, (...)
11Le mot lui-même désigne une redevance qui affirme le droit éminent sur un bien concédé. Dans la quasi-totalité des cas, le census, qualifié éventuellement de redditus ou de costuma beaucoup plus généraux, se présente comme le versement pour la concession d’un bien, immeuble comme maison ou foncier : terre, vigne, etc. Tout le monde, que ce soit L. Delisle, H. Sée ou des auteurs plus récents, conclut à une valeur économique qui va s’affaiblissant en raison de la fixité de cette redevance définie par la coutume, au point qu’elle devient, c’est la formule classique, purement récognitive du dominium seigneurial. C’est en gros la théorie classique mise en forme par G. Duby18. On insiste alors sur l’aspect seigneurial et donc symbolique de ce cens, son aspect économique, réel au début, devenant à peu près négligeable. Globalement, on ne peut guère contester ces affirmations pour l’Ouest, pourtant, il est nécessaire de revenir sur un certain nombre, ne serait-ce que pour les nuancer. Un acte unique il est vrai, mais de grande portée, nous interroge quelque peu et nous invite à avoir une vision sans doute plus complexe.
- 19 Cartulaire de Saint-Vincent, no 226, voir le texte de l’acte en pièce annexe.
- 20 D. Barthélemy, La société..., op. cit., p. 51-57. Il s’agit bien d’une vente mais dont le prix est (...)
12L’acte 226 du cartulaire de Saint-Vincent du Mans relate la vente d’un ensemble de terres sous forme d’une censive par les moines à Froger Lucratoris, peut-être un entrepreneur, vu son nom et la forme que prend l’acte19. L’absence de prix nous conduit à considérer que nous avons un cas de cens de vente, procédé étudié par D. Barthélemy dans le Vendômois, dont nous sommes ici très proches, Beaumont-Pied-de-Bœuf où se trouvent les terres se situant dans le Sud du diocèse du Mans20. Froger paiera un cens : Faciat monachis quod debet facere censivus domino suo. Il versera 2 sous pour 3 arpents de terre, 8 deniers pour une terre et un pré, mais s’ajoute une friche qui sera arpentée pour fixer le cens en conséquence, juxta mensuram reddet et censum. La proportionnalité est bien précisée tout comme le montant complètement estimé en argent. Il en va sans doute ainsi habituellement car le texte suggère un usage coutumier. Une telle proportionnalité ne se comprend qu’en fonction d’un minimum de pensée économique.
- 21 D. Pichot, Le Bas-Maine, « Le prélèvement seigneurial », art. cit., p. 613.
13Le mode de création d’une censive, ici bien décrit, doit être général et même coutumier. La rareté de la documentation en ce domaine doit en grande partie provenir du fait que les actes écrits étaient peu fréquents pour ce genre de concession. Seul l’aspect hors norme du cas a justifié une rédaction. Il est clair que c’est la terre qui supporte le cens et bien la pièce de terre, pas spécialement l’exploitation, cas qui peut, bien sûr, se produire. Il s’agit ici d’une sorte de location mais, pour les deux premières terres, il est difficile de savoir si le montant du cens est alors fixé ou si l’on reprend un montant antérieur devenu traditionnel. La terre est accordée en pleine possession, y compris un certain nombre de coutumes dont le pasnage, mais le droit seigneurial et donc la possession éminente demeurent fortement affirmés par le maintien aux mains des moines de la vicaria qui désigne au sens strict la justice mais qui semble bien dans l’Ouest signifier par extension l’autorité seigneuriale issue du ban21. Nous sommes quand même dans une concession un peu particulière où le foncier et le banal se mêlent, chose peu étonnante mais qui donne à Froger qui, visiblement, n’est pas chevalier des droits très supérieurs à ceux d’un paysan tenancier habituel. En revanche, la perpétuité affirmée s’inscrit bien dans la réalité du cens. Redevance traditionnelle, ce dernier se révèle finalement plus complexe que prévu et permet peut-être de pénétrer plus avant dans le processus du prélèvement.
Une redevance en monnaie
- 22 Ibid., p. 167-168.
- 23 Les rentes sur les cens sont le plus souvent assignées sur les centres de châtellenies : Laval, Ol (...)
- 24 D. Pichot, Le Bas-Maine du xe au xiiie siècle : étude d’une société, p. 167.
14Le relevé systématique de toutes les mentions aboutit à un constat sans ambiguïté : les paiements, dans leur grande majorité, sont précisés en monnaie : deniers, voire sous, et cela du xie au xiiie siècle mais sans exclure un certain nombre de cens en nature ou mixtes. En Maine et sans doute Anjou, le numéraire domine. Dans le Bas-Maine, aucun paiement sur 180 échelonnés sur trois siècles n’est stipulé en nature22. Les versements des seigneuries de Laval et Mayenne sont regroupés dans des centres de châtellenies et leur perception paraît assez bien organisée. Les rentrées d’argent sont suffisamment importantes et régulières pour que les seigneurs puissent asseoir dessus des rentes constituées en faveur d’abbayes23. Ce choix constant pour la monnaie s’opère pour toutes les catégories de biens. Pour les maisons et tenures en bourgeoisie, le fait est fort compréhensible mais il en va de même pour toutes sortes de biens fonciers : jardins, prés, vignes et labours24.
- 25 Dans le chapitre consacré au cens, A. Bouton ne tranche pas mais semble indiquer une domination du (...)
- 26 Cartulaire du Ronceray.
- 27 Cartulaire de La Couture, no 300.
15En dehors du Bas-Maine, les dépouillements n’ont pas été aussi approfondis mais nombre de cartulaires ont été analysés et une réalité analogue se dégage pour le Haut-Maine et l’Anjou25. En Anjou, celui du Ronceray intègre 5 censiers partiels, tous en monnaie26. Le grand rentier de La Couture du Mans enregistre tous les revenus du temporel dans le cadre des prieurés27. Les cens intégrés parmi les autres sont très majoritairement en monnaie et le document s’achève par une longue liste de plus de quatre cents contributeurs, sans doute au Mans ou à proximité du Mans, qui s’acquittent tous en monnaie.
- 28 H. Sée, op. cit., chap. 3.
- 29 Cartulaire de Saint-Georges, no 2, « Redditiones, census, consuetudo, prandia in Tintiniaco ».
- 30 Ibid., no 61.
16En Bretagne, la situation paraît plus complexe. Le cens n’est pas cité très fréquemment mais, comme le constatait H. Sée, là aussi, dans la majorité des cas, il est stipulé en monnaie28. Dans le cartulaire de Saint-Georges, les cens de la grande paroisse de Tinténiac sont mélangés avec bien d’autres revenus et sont précisés pour une somme globale correspondant au paiement des hommes de chaque gros hameau, le « village » de l’Ouest29. Les montants peuvent atteindre 8 et 9 sous sans que l’on sache évidemment le nombre de ménages concernés. Dans le même cartulaire, au xiie siècle, un censier touche une paroisse, la Chapelle-Janson dans le Nord du diocèse de Rennes, il ne comporte que des cens en monnaie30.
- 31 Cartulaire de Saint-Vincent, no 326.
17L’analyse du censier de Sarcé, dans le Maine, rédigé à la fin du xie siècle, met en lumière des traits qui se retrouvent communément. Il comporte 85 noms : des paysans ? En tout cas des tenanciers et un prêtre. Les montants s’échelonnent sur un éventail très ouvert, de 1 à 51 deniers31. La moyenne se situe à 8,5 deniers mais la médiane est dans le groupe qui paie 5 deniers, ce qui montre la concentration dans les basses sommes. En dessous du sou, ils sont 69 contributeurs et 16 seulement au-dessus. Parmi ces derniers, de fortes sommes sont enregistrées : 2,3 et 4 sous. Les 5 courts censiers du Ronceray confirment cette analyse. Vers 1150, ils enregistrent des sommes limitées en deniers mais le sou est assez fréquemment atteint et même dépassé mais rarement. Sur 119 tenanciers, 27 sont taxés à 1 sou et plus, soit 22 %. L’idée d’un cens modéré, pour être en partie vérifiée, n’est donc pas totalement satisfaisante.
- 32 Ibid., no 413.
- 33 D. Pichot, Le Bas-Maine, op. cit., p. 167 ; Cartulaire de Saint-Vincent, no 416 ; E. Gouvrion et A (...)
- 34 Livre Blanc de Saint-Florent de Saumur, fol. 72V et 73r et fol. 66r, cité par J. Beaumon, Monachis (...)
- 35 Arch. dép. Mayenne, Copie du cartulaire manceau de Savigny, ms. 35, no 400,401.
- 36 Les rachats de cens sont difficiles à interpréter en termes économiques en raison de la référence (...)
- 37 D. Pichot, Le Bas-Maine, op. cit., p. 318.
18Il faut alors essayer de définir le montant par rapport à la valeur du bien : exercice aussi indispensable que délicat. Dans le Bas-Maine, peu d’actes le permettent et le calcul doit évidemment inclure l’interrogation à propos de la réalité d’une opération commerciale. À la fin du xie siècle, le cens d’une mansura s’établit à 12 deniers pour un prix qui semble être de 30 sous, ce qui ferait un pourcentage de 3,3 %32. En 1212, le cens représente 6,6 % du prix d’une métairie, 4 sous pour 60 sous du Mans, et un autre cas monte à 8 %33. En Bretagne, vers 1050, une terre vendue 24 sous supporte un cens de 2 sous, soit un rapport de 8 %, et pour une autre le rapport s’élève à 14 %34. Aux xie et xiie siècles, le cens représente entre 2 et 5 % du prix du bien dans le Maine, plus en Bretagne ? Au xiiie, il semble osciller entre 6 et 8 %. Le faible nombre des cas limite les conclusions mais l’affaiblissement n’est pas confirmé. Cependant, un acte du chartrier de l’abbaye de Savigny laisse planer une incertitude sur une telle analyse. En effet, en 1239, l’abbaye achète 24 lots terres près de Mayenne à un miles pour 50 livres tournois puis les cens afférents, seulement 22, d’un montant de 4 livres tournois (soit 8 %), pour 56 livres tournois. Les moines ont donc donné 14 fois le montant du cens annuel, ce prix est plus que le prix moyen d’une rente mais il est aussi plus élevé que celui des terres35. En même temps, si l’on compte le prix d’achat du cens, la redevance annuelle ne représente plus que 3,8 %. Est-ce seulement la valeur économique qui justifie un tel montant ou les moines ont-ils fait un effort pour se libérer d’une sujétion seigneuriale, à moins que ces terres ne soient proches des résidences et soient des jardins et ouches fortement prisés ? La seconde hypothèse n’est évidemment pas à exclure et la charge symbolique du cens est sans doute bien présente mais ne peut suffire à expliquer entièrement l’opération36. Il y a donc bien un aspect économique dans la perception du cens et ce dernier ne fait pas si piètre figure37 !
- 38 Ibid., p. 222.
- 39 Ibid., p. 225.
19La majorité souvent écrasante des stipulations en numéraire fait cependant place à quelques cas de cens en nature qui se repèrent épisodiquement. Dans le rentier de La Couture, si l’essentiel des prieurés reçoit ou verse des cens, généralement en argent, à Saulges, la terre de la Mallere donne 4 deniers à un seigneur et trois boisseaux d’avoine à l’autre38. En revanche, le prieuré de Saint-Médard-de-Cré reçoit 7 cens mixtes, deniers et setiers de seigle, et 7 uniquement en monnaie39.
- 40 J. Beaumon, op. cit., p. 153 ; H. Sée, op. cit., p. 193-194, copie de l’édition du cartulaire de l (...)
20En Bretagne, sans qu’ils soient dominants, les cens en nature paraissent plus nombreux. On en relève ici et là au hasard des chartes. Au xie siècle, près de Dol, une terre est grevée d’une mine de froment, au début du xive, le rentier de la cathédrale de Quimper mentionne nombre de versements soit en nature soit en argent qui ne sont pas spécifiés comme cens, mais le paragraphe consacré à Crozual Foenant comprend une majorité de véritables cens en nature, certains pouvant être mixtes, monnaie et céréales40.
- 41 Cartulaire de Saint-Georges, nos 24, 50, 53 (2 censiers), 63.
- 42 Ibid., no 24.
- 43 Ibid., no 53.
- 44 Ibid., no 50.
21Les textes le plus intéressants viennent cependant du cartulaire de Saint-Georges. Cinq censiers sont consacrés à des terres en Acigné, en bordure de la forêt de Rennes41. Les listes comportent des paiements en nature mais ils sont le plus souvent mixtes, combinant monnaie et céréale sur la même terre. Sur le domaine de Gras-Buisson en Acigné, 12 redevances sont payées strictement en froment, par mine, quartier ou prébende42. Le censier d’Espargé, toujours en Acigné, décompte 12 paiements en argent oscillant entre 6 deniers et 4,5 sous, avec un retour souvent de sommes identiques, et 8 en froment, souvent une mine. Un seul versement est mixte. Un autre censier de Grébusson relève 12 cens uniquement en froment. Celui de l’Épine en Acigné, également, aligne 13 cens en froment, 8 en argent et 1 mixte43. Enfin pour les cens de la Poterie, près de Rennes, une première liste donne 4 paiements en monnaie : 1 en avoine et 3 mixtes, céréale et argent. Une seconde liste fournit 24 cens, tous en argent, mais la plupart sont à 5 nummos ou un multiple44.
22Cette approche du cens dans l’Ouest n’est donc pas sans surprises. Si ses caractères semblent correspondre assez globalement aux idées générales communément admises, sa perception se fait majoritairement en monnaie et cela dès que la documentation permet de l’aborder, c’est-à-dire la seconde moitié du xie siècle, après, il n’y a, semble-t-il, pas de changement. Quelques exceptions se distinguent cependant, peu fréquentes mais qui pourront peut-être aider à comprendre un choix aussi clairement posé.
Les raisons d’un choix
23La netteté du choix d’un cens en argent et sa pérennité ne peuvent être le résultat d’un hasard ou d’une mode. L’explication réside sans doute dans la logique du prélèvement seigneurial. Il faut donc replacer le cens dans l’ensemble du fonctionnement de la seigneurie et, plus généralement, dans le contexte social et économique, sans se faire induire en erreur par les sources.
Une redevance inscrite dans un ensemble
- 45 Cartulaire de l’évêché du Mans, no 65.
- 46 Maison de Laval, nos 241, 299 ; Cartulaire de Fontaine-Daniel, no 17.
24Le cens, élément essentiel de l’encadrement foncier s’inscrit dans un ensemble qui doit être analysé. Se pose d’abord la question des sources. Les cens sont-ils vraiment payés en pièces de monnaie ? Ce que disent les textes avec certitude, c’est leur évaluation en valeur monétaire, ce qui n’est en rien secondaire, d’ailleurs. La monnaie est donc très tôt la mesure de la valeur. En revanche, le versement se pratique-t-il sous forme de pièces ? Beaucoup de cens n’atteignent pas des montants élevés, quelques deniers qu’il ne doit pas être trop malaisé de trouver, mais beaucoup atteignent et dépassent le sou, posant la question en d’autres termes. Rien n’interdit de penser que certaines sommes, grandes ou petites, ont pu faire l’objet de conversions. Nombre de redevances se rendent en poulets ou autres biens de faible valeur, le cens a pu suivre parfois. Cependant, une telle solution n’a rien d’obligatoire et tout laisse à penser que le paiement monétaire était possible. Au xiiie siècle, un signe indubitable est offert par les nombreuses et souvent lourdes rentes assises sur les grands centres de perceptions de cens. Dès la fin du xiie siècle, le seigneur de Laval offre à la cathédrale du Mans des rentes assises sur les centres de châtellenies qui assurent la perception : 30 sous à Laval, 10 à La Gravelle et Montsûrs45. Au xiiie siècle, les chiffres seront beaucoup plus élevés, 100 sous, un marc d’argent et la pratique assez fréquente, signe tout à la fois que les cens représentent un revenu important et en argent46.
- 47 H. Sée, op. cit., chap. IV.
- 48 M. Le Mené, « La forêt du Lattay au Moyen Âge. Défrichement de sa partie occidentale entre la Loir (...)
- 49 In parrochia de Gaudiaco habemus LII bordagia. Gauterius Verum debet III sext. Avene ad unamquamqu (...)
25En revanche, certains détails documentaires soulèvent une interrogation. Dans beaucoup de cartulaires, les mentions ne sont guère abondantes, alors que les terrages et autres champarts ne s’y substituent pas. La présence de redevances assez minimes en argent mais surtout en nature ne trahirait-elle pas des cens ? Dans le premier cas, la chose est certaine, au xiiie siècle, les contrats d’afféage distinguent par un paiement spécifique le vieux cens qui n’en porte pas toujours le nom47. Des versements en nature (poulet, mesures de céréales) ne sont pas toujours clairement définis et prennent parfois les apparences d’un cens. M. Le Mené se demande si les oies et chapons dus par les tenanciers du Ronceray dans la région de Saint-Lambert-du-Lattay ne représentent pas celui des habitations, les aveux du xive siècle ne conservent plus que le souvenir du versement, pas sa raison d’être48. Le censier de La Couture du Mans indique des redevances en nature pour les 52 bordages de Joué-l’Abbé, essentiellement des setiers et des mines d’avoine auxquels s’ajoutent des journées de travail49. A. Bouton y voit des cens, le fait que le chapitre se termine sur ces mots : Omnes isti debent decimarti et terragium, affaiblit une telle interprétation. Il est probable que certains redditus soient de réels cens mais il est cependant peu probable que cela modifie notre interprétation. Il n’y a pas de raison pour que les cens en nature échappent plus à leur dénomination de census que ceux en argent ; si c’était le cas, l’identification du cens avec le versement en monnaie serait un témoignage révélateur.
26Les censiers et rentiers, enfin, doivent être eux-mêmes reconsidérés. Le cens porte sur les biens, maisons ou terres, et à perpétuité, ce que montrent bien les actes de la pratique. Pourtant, les documents conservés et soigneusement recopiés sur les cartulaires enregistrent des noms d’homines censuales par définition destinés à changer, opération peu pratique pour la perception. Quel est l’intérêt de noter scrupuleusement, et longtemps après éventuellement, tous ces noms ? Quand les religieuses de Saint-Georges font recopier au xive siècle des listes antérieures de deux siècles, quel est leur véritable but ? Ce n’est guère de la bonne gestion mais bien un travail sans doute seigneurial afin d’affirmer, voire établir, une relation de domination qui vise autant, sinon plus, les hommes que la terre ? Quelle réalité précise faut-il alors accorder à ces longues déclinaisons de redevances exprimées en monnaie ? Sans tout remettre en question, ce qui serait sans doute imprudent, la question vaut pourtant d’être posée.
- 50 D. Pichot, Le Bas-Maine, op. cit., p. 167.
- 51 Marie Hamon-Jugnet, Cartulaire de l’abbaye Notre-Dame de la Roë, thèse de l’École nationale des ch (...)
- 52 M. Le Mené, « Les redevances à part de fruits dans l’ouest de la France au Moyen Âge », repris dan (...)
27En revanche, ces exigences prennent un relief nouveau quand on les intègre dans l’ensemble du prélèvement seigneurial. Tout d’abord, le système de la censive est très largement préféré à celui du champart ici appelé terragium ou frumentagium50. Dans le Bas-Maine, ces termes n’apparaissent respectivement que dix et quatre fois, la préférence est sans ambiguïté et les redevances à part de fruits ne sont donc pas recherchées. On peut découvrir des tenures à part de fruits, l’abbaye de la Roë, dans le nord de l’Anjou, a facilement recours à ce genre de contrat, en particulier pour ses métairies, mais les traces documentaires limitées confirment indirectement le choix en faveur d’un cens en argent51. Dans toutes les régions de l’Ouest, les larges sondages menés vont visiblement dans le même sens et confirment l’étude de M. Le Mené qui note la domination des censives en Anjou, au nord de la Loire et à l’ouest du Loir52.
- 53 D. Pichot, « Le prélèvement seigneurial », art. cit., p. 611-617.
- 54 Cartulaire de Saint-Georges, no 2.
- 55 D. Pichot, « Le prélèvement seigneurial », art. cit., p. 625.
28La connaissance de la structure du prélèvement seigneurial et de son poids demeure insuffisante, et il est difficile de jauger la vraie place du cens dans cet ensemble53. Très tôt, une part notable des diverses coutumes est stipulée en argent, le cens ne demeure donc pas isolé. Les coutumes touchant la justice, les tonlieux sont souvent sans doute versées en monnaie ainsi qu’une part des redevances liées aux églises et détenues par des laïcs. Dès le xiie siècle, s’ajoute la taille qui se généralise. Une part importante demeure pourtant en nature. Outre les dîmes intégrées dans bien des patrimoines seigneuriaux, nombre de versements sont prélevés sur les récoltes. Le rentier de Tinteniac, en Bretagne, énumère une longue liste où, à côté d’un certain nombre de redevances exprimées en monnaie, s’accumulent avoine, vin, porcs, miel, etc., qui pourraient constituer la majeure partie de la rente seigneuriale54. Vers 1100, en Anjou, les hommes du domaine de Champigné ne supportent que des coutumes en nature sur les cultures et ne paient en deniers que celles qui portent sur les animaux55. La monnaie est donc présente dès le début mais le cens apparaît comme la perception sans doute la plus générale et la plus régulière en ce domaine. Globalement, le prélèvement se situe à un degré plutôt modéré, avec bien des nuances, et équilibre revenus en monnaie et en nature, ce qui semble ressortir de choix voulus.
Choix ?
- 56 Lucien Musset, « La renaissance urbaine des xe et xie siècles dans l’ouest de la France : problème (...)
- 57 D. Pichot, Le Bas-Maine, op. cit., p. 374-376 ; Hironori Miyamatsu, Bourgs et bourgeois dans l’oue (...)
- 58 Philippe Contamine (dir.), L’économie médiévale, Paris, 1993, p. 198-200.
29L’explication classique vient tout de suite à l’esprit, le paiement en argent exprime un dynamisme économique et la monétarisation de l’économie. Une certaine circulation monétaire est évidemment indispensable pour que les tenanciers se procurent les pièces nécessaires, beaucoup n’ont d’ailleurs pas besoin d’un montant élevé. La question se pose autrement pour peu que la somme grossisse, éventualité pas si rare. L’ouverture économique existe dans l’Ouest et plusieurs historiens ont parlé d’un essor réel et précoce. L. Musset, en particulier, souligne la rapide reconstruction des villes dès les xe-xie siècles, suivie de l’essor des bourgs qu’accompagnent défrichements et croissance des échanges56. En conséquence, la monnaie irrigue les circuits commerciaux, les nombreux marchés qui animent les bourgs et villages attestent de cette circulation dès la seconde moitié du xie siècle, au moins. Une enquête pratiquée pour le Bas-Maine fait apparaître très tôt une prolifération des lieux d’échanges sur tout le territoire. Des cycles de foires prospèrent dès cette époque à Laval, aux alentours et dans bien d’autres bourgades57. Il n’est donc pas difficile de se procurer quelques pièces pour payer les coutumes, et les seigneurs peuvent trouver un intérêt certain à la perception de cens qui leur valaient, pris en bloc, des sommes importantes et régulières. Cela s’avère d’autant plus intéressant que les liquidités peuvent souvent manquer58.
30Pourtant, le choix de la monnaie dérive aussi, sans doute, d’une adaptation plus ou moins raisonnée et volontaire aux réalités locales. Opter pour le versement en monnaie et non en nature peut paraître un mauvais choix économique, surtout en raison de la fixité du cens. Nombre de coutumes exigibles en nature existent, sans parler de la dîme qui porte systématiquement sur toutes les cultures. Invoquer les problèmes de perception dans une région d’habitat dispersé ne vaut donc guère. Bien sûr, le cens des maisons peut logiquement se payer en monnaie, et nombre de cens modestes dans les villages concernent sans doute l’habitat, son emplacement et les jardins. C’est sans doute le cas à Sarcé. Ne nous leurrons pas quand même, beaucoup concernent labours, vignes et prés, et l’option monétaire peut se justifier pour des raisons évidentes aux yeux des seigneurs.
- 59 D. Pichot, Le Bas-Maine, op. cit., p. 354-355, 370-371 ; Annie Antoine, Le paysage de l’historien,(...)
- 60 D. Pichot, Le Bas-Maine, op. cit., p. 361-366.
31Le système cultural mis en œuvre sur les terres froides de l’Ouest entraîne le maintien de très longues jachères59. Après quelques années de récolte, la terre est mise longuement au repos, broussailles, herbes et ajoncs en font alors un terrain de parcours pour le bétail. Un cens en argent peut alors être perçu même en l’absence de récolte, ce qui simplifie sans doute bien des problèmes. Le fait s’impose d’autant plus que l’imposition se fait souvent sur des terres et non des exploitations. En même temps, la culture dominante, le seigle, intéresse peu les puissants qui préfèrent largement le froment ; l’analyse des contrats de métairies le dit clairement60. Ils en perçoivent suffisamment avec les dîmes et ne veulent pas s’encombrer de ces grains peu appréciés. Pour les cens, quelques pièces de monnaie deviennent bien préférables.
- 61 A. Antoine, « La fabrication de l’inculte, landes et friches de Bretagne avant la modernisation ag (...)
32De plus, un prélèvement en nature ne permet pas de taxer facilement ce qui doit être l’une des activités fortes et sous-estimées par les historiens, l’élevage. Quand il se développe en forêt ou sur les terres communes, il y a les droits d’usage mais ce n’est qu’un aspect des choses. Sur l’ensemble des terres accensées, de vastes surfaces demeurent hors des labours chaque année, l’essentiel des terroirs se traitent en saltus, espace mal défini qui s’étend momentanément sur bien des terres non mises en culture. La monnaie permet de lever un cens sur des terres non cultivées mais pas improductives, comme on le pensait au xviiie siècle61. Cela ne peut être regardé comme secondaire dans un système de production plutôt faible, c’est un moyen de diversifier le prélèvement.
Adaptation
- 62 Arch. dép. Mayenne, ms. 35, no 400-401.
33Tout cela cependant ne devient acceptable que si le cens présente un certain intérêt économique. Il ne faut sans doute pas exagérer le discours qui minore sa valeur et le transformer trop rapidement en une coutume sans surface financière, uniquement récognitive du droit seigneurial. Le domaine de Sarcé apporte plus de 3 £ par an à Saint-Vincent autour de 1100. Les sommes engagées au xiiie siècle, en particulier les rentes assises sur les recettes des cens, mettent en évidence un montant global à l’importance indiscutable, l’accumulation de petites sommes arrive à fournir des capitaux non méprisables. La longue liste de La Couture énumère des cens qui souvent ne dépassent pas quelques deniers, un petit nombre se décomptent cependant en sous, ceux du Mans et de ses environs offrent à l’abbaye 11 £ 15s., plus 7 £ pour d’autres cens. À la même époque, les moines de Savigny consentent à payer plus cher le rachat des cens que les terres qui les supportent : 56 livres pour 50 livres62.
34La dépréciation en raison de l’érosion monétaire n’est sans doute pas un vain mot mais il faut la modérer sérieusement au moins jusqu’au xiiie siècle. Une mise en graphique de toutes les mentions de cens relevées dans le Bas-Maine ne va pas sans surprendre. Vu l’hétérogénéité des sources, on ne peut entreprendre de tracer des courbes. Tous les cens relevés ont été reportés sur un graphique « en nuage » qui, malgré son imprécision, permet de distinguer des tendances et de révéler certains phénomènes.
35Les montants semblent modulés en fonction des catégories de biens. Les ouches, petites terres mais précieuses et touchant les maisons, apparaissent plutôt dans les cens élevés, entre 4 et 8 deniers, quand la somme moyenne pour un arpent de labour semble évoluer autour de 1 sou ; il en va sans doute de même pour les maisons mais les données sont trop rares pour conclure, une mention de platea renforcerait cependant l’hypothèse. Il est donc envisageable, ce qui ne serait pas une surprise, que les zones d’habitats et de jardins soient plus lourdement taxées que les terres, à l’exception des vignes. En tout cas, les sommes s’échelonnent de façon plutôt étendue et certaines contributions ont une incontestable valeur économique.
36Le graphique, en revanche, dégage une évolution assez nette dans le temps. Jusqu’en 1170, l’ensemble des cens semblent conserver une grande stabilité. Toutes catégories confondues, ils demeurent en dessous du sou avec même une majorité en deçà de 6 deniers. Aux environs de 1150, la masse commence à s’étirer et des sommes plus élevées se distinguent, elles montent exceptionnellement à 3 et 4 sous. L’étalement est difficile à interpréter. Il peut s’expliquer autant par une irrégularité du prélèvement que par la dimension du bien que nous ignorons la plupart du temps.
- 63 Victor Alouis, « Lucé et ses environs au milieu du xive siècle », Revue historique et archéologiqu (...)
37Après 1170, le mouvement se précise. L’échelonnement se fait beaucoup plus grand puisque l’on va de 2 deniers à 8 sous. Les sommes les plus nombreuses se placent désormais entre 1 et 2 sous, et un nombre significatif entre 5 et 8 sous. L’analyse de censiers confirme cette évolution. À Sarcé, à la fin du xie siècle, la moyenne des 85 cens est à 8,6 deniers ; à la fin du xiiie siècle, les 263 cens de la seigneurie de Lucé sont à 15 deniers en moyenne, un indice de hausse significative, même si la comparaison manque de sûreté63.
- 64 [...] Adam Petin in presentia nostra domos et terram de Colomberis quas ejus pater a monachis de S (...)
- 65 Arch. dép. May. ms. 33, no 105, ms. 35, no 327, Arch. nat., L 972/691.
- 66 Arch. nat., L 974/851.
38Le cens, réputé fixe et perpétuel, connaît donc une augmentation sur trois siècles, cela n’étonne pas trop, la coutume n’est pas intangible. La question serait plutôt d’expliquer cette hausse et ce renforcement. Une part limitée des cens demeure faible, au-dessous du sou. Sans doute y a-t-il là un certain nombre de vieilles impositions vraiment figées mais ce n’est pas sûr, quoique fort possible. Plusieurs facteurs dont il est difficile de déterminer la part respective peuvent rendre compte du phénomène. Très nettement, un souci d’amélioration du revenu issu des cens provoque des réajustements quand c’est possible. Les moines de Savigny profitent de successions ou de changement de tenanciers pour établir de nouveaux contrats très fortement réévalués. Cela n’a rien d’occasionnel puisque plusieurs accensements sont ainsi établis dans un temps limité. Le cas d’Adam Pétin en 1163 est exemplaire. Il reprend à cens une terre et les bâtiments à Colombiers tenus des moines de Savigny, déjà tenus par son père64. Adam reprend le tout mais visiblement à un nouveau cens de 6 sous du Mans. Tout suggère la nouveauté, le montant bien sûr tout à fait inédit, et la forme du contrat : très solennel car établi devant l’évêque du Mans, il multiplie les clauses de garantie et se termine par la promesse de foi en la main du prélat. Cette nouveauté est d’autant plus probable que d’autres contrats, bien plus élevés, viennent après, de 14 ou 25 sous65. Enfin, un texte de 1216 précise que le couple seigneurial profite d’une opération foncière pour augmenter le cens [...] antiquum censum quem predicto Juhello de Roisson reddere solebant, augmentaverunt [les seigneurs] singuli de tercia parte... L’augmentation du cens à l’occasion d’une donation s’affirme ouvertement66. Il y a donc réajustement, sans trop d’égards pour la coutume.
- 67 D. Pichot, Le Bas-Maine, op. cit., p. 106-109.
- 68 Ibid., p. 106-108 ; « Le prélèvement », art. cit., p. 618-622.
39Il faut prendre en compte, cependant, des cens établis sur des fondations nouvelles et beaucoup plus nombreux. Le mouvement de mise en valeur connaît un second souffle à partir de la seconde moitié du xiie siècle67. Il se caractérise en particulier par une forte implication des puissants, y compris des laïcs qui entreprennent de vastes projets se traduisant par la création de bourgs et de nouvelles censives. Les montants sont alors adaptés à la situation économique, avec une volonté plus marquée de dégager un profit à partir de la rente seigneuriale68.
- 69 Marcel Planiol, Histoire des institutions de la Bretagne, Mayenne, 1981-1984, t. 4, chap. IV ; H. (...)
- 70 D. Pichot, « Les Deux-Evailles : une famille de la petite aristocratie du Bas-Maine (1211-1358) », (...)
40Au cours du xiiie siècle, certains cens ne représentent pourtant qu’une faible valeur et les seigneurs s’en aperçoivent. Revaloriser le cens ne s’avère pas toujours possible mais de nouvelles solutions s’instaurent. On ne constate pas de mutations vers des cens en nature mais la préférence pour la monnaie demeure et se traduit dans des contrats nouveaux. Couramment, des terres grevées de petits cens supportent des surcens ou des arrentements beaucoup plus forts, et surtout nombre de terres sont confiées suivant la ferme perpétuelle dans le Maine ou l'afféagement en Bretagne et Maine qui, sans être exactement identiques, poursuivent le même but69. Les preneurs doivent des versements généralement en monnaie et beaucoup plus élevés que naguère, le cens est cependant maintenu et bien distingué dans le nouveau contrat, d’ailleurs plus astreignant. Le caractère seigneurial de la redevance devient sa vraie raison d’être. Bon nombre de seigneurs, et souvent les mêmes, choisissent une autre voie, celle de la rente constituée qui s’ajoute sans difficulté au cens. À titre d’exemple, l’abbaye de Savigny en achète 28 entre 1239 et 1323, pratiquement toutes en argent, et les laïcs ne demeurent pas en reste, les seigneurs de Deux-Evailles dans le Bas-Maine opèrent des achats massifs de rentes à la fin du xiiie siècle et au début du xive siècle70.
- 71 E. Laurain, « Chartes de Fontaine-Daniel et Montguyon », Bulletin de la Commission historique et a (...)
- 72 D. Pichot, « Le prélèvement », art. cit.
- 73 Voir le graphique pour le Bas-Maine, D. Pichot, Le Bas-Maine, op. cit., p. 300.
41Ces opérations ne s’affirment que tardivement, l’affaiblissement du cens n’intervient qu’assez tard. Plus précisément, loin de devenir strictement recognitif du droit seigneurial, il conserve longtemps une réelle valeur économique, même si elle n’est pas toujours élevée. Le rentier de La Couture, vers 1200, ne compte guère que des montants de quelques deniers mais leur nombre assure une rentrée d’argent non négligeable. En 1216, Isabelle de Mayenne prélève un marc d’argent par an sur ses cens de Bournouvel uniquement et, au xiiie siècle, des seigneurs d’envergure moyenne peuvent grever leurs recettes des cens de lourdes rentes : Robert de Thorigné donne 100 sous tournois sur ceux d’un de ses domaines seulement, La Ramée71. Cela s’intègre bien dans ce que l’on discerne de l’évolution de la seigneurie. Loin de s’affaiblir, à partir de la seconde moitié du xiie siècle, elle tend plutôt à alourdir son prélèvement, par la multiplication des taxes comme la taille et une plus grande rigueur de gestion72. L’intégration de cette réévaluation dans la vie économique se pose alors. Est-elle le fruit d’un prélèvement aveugle ou de la compréhension du système des prix ? Le graphique des cens manifeste une certaine analogie avec celui des transactions foncières73. Il faut demeurer prudent sur la notion de marché foncier, mais les échanges se multiplient et les prix montent, plus vite semble-t-il que les cens. Ceux-ci marquent d’ailleurs un temps de latence par rapport à la hausse des premiers. Ce constat s’harmonise bien avec l’hypothèse d’une vision plus économique du cens et la volonté d’obtenir des liquidités.
42Les rares cas de cens en nature ne vont pas à l’encontre d’une telle analyse, bien au contraire. Il demeure, certes, quelques cas inexplicables. Certains cens versés à l’abbaye de La Couture se font en seigle, d’autres se rendent en corvées limitées à une journée de vendangeur et de faneur. Dans quelle mesure cette situation est-elle originale ? C’est peut-être une ancienne réalité qui subsiste sans qu’une reconversion ait été possible mais on ne comprend pas pourquoi. Il est difficile d’y voir la relique d’une situation ancienne et générale. Ailleurs, c’est dès le xie siècle que le cens apparaît en argent. La part importante constituée par l’avoine nous éclaire peut-être, cependant.
- 74 Cartulaire de Saint-Georges, no 7-30-46.
- 75 S. Strowski, op. cit., p. 100.
43Les censiers de Saint-Georges réservent les paiements en nature à des domaines très particuliers, uniquement situés dans la paroisse d’Acigné, proche de Rennes et donc de l’abbaye mais surtout en lisière de la forêt de Rennes alors en plein défrichement. Ces terres neuves dont on espère beaucoup portent, comme c’est souvent le cas dans l’Ouest, des récoltes de froment qui présentent aux yeux des religieuses autrement plus d’intérêt que le seigle. Pour cette raison, des cens en mines ou quartiers de froment sont exigés exclusivement. Que ce soit pour la consommation du monastère ou pour la revente, l’importance de la redevance n’est pas négligeable. Deux autres cens remarqués dans trois actes de la pratique sont eux aussi en froment. Il s’agit de deux vignes, proches de Rennes. L’immuabilité du cens a maintenu le versement en céréales quand des vignes ont été plantées, rien ne poussait les religieuses à modifier les choses74. Comme dans le censier de La Couture, le cartulaire de Saint-Georges retient aussi quelques mentions d’avoine qui, elle aussi, présente un certain intérêt pour l’élevage de chevaux. Ayant opéré des dépouillements plus généraux, S. Strowski constate la prééminence du froment dans les cens en nature de Bretagne75. Ces quelques mentions justifient a contrario le choix de la monnaie éventuellement limitée dans les revenus qu’elle offre mais préférable au seigle massivement cultivé. Il y a bien une logique seigneuriale du cens en nature.
44Dans l’Ouest de la France, dès le xie siècle, le cens en argent impose son évidence. Ce choix s’éclaire à la lumière de ce que sont réellement le cens et des options que l’on peut décrypter dans le comportement des puissants. Jusqu’au xiiie siècle, il se présente comme une coutume générale, le champart est minoritaire, la censive s’affirme partout. Intégré dans un système seigneurial dont le prélèvement demeure relativement modéré, il est à la fois très répandu et suffisamment élevé pour n’être pas ou pas encore simplement récognitif de seigneurie. Sa valeur symbolique, certainement réelle, s’accompagne d’une vraie valeur économique qui l’étaye d’ailleurs.
45Ce ne sont pas spécialement des critères économiques qui justifient le choix monétaire effectué mais bien une certaine vision de leur propre intérêt par les seigneurs qui cherchent, non sans succès, à profiter au mieux du système de production qui prévaut dans la région. Il n’y a pas indifférence à l’économie, même si les risques d’affaiblissement existent, mais sont-ils perçus alors ? Le problème majeur réside dans la domination et l’affirmation de la domination seigneuriale. L’économique en fait certainement partie mais enchâssé dans le symbolique. La réflexion sur la valeur et l’appréciation des choses ne peut en faire abstraction.
Annexes
ANNEXE
226- De censiva apud Pedem Bovis (fin xie siècle)
(R. Charles et E. Menjot d’Elbenne, Cartulaire de l’abbaye Saint-Vincent du Mans, ier cartulaire, Mamers, Le Mans, 1886-1913)
Sciendum est quod monachi Sancti Vincentii vendiderunt, apud Pedem Bovis, tres arpennos terrae Frogerio Lucratoris perpetim pacifice possidendos, sicut ipsi possederant, cum pasnagio et custuma preter vicariam ; ita tarnen ut ipse faciat monachis quod debet facere censivus domino suo. De quibus arpennis, singulis annis reddet II solidos. Praeterea vendiderunt ei prescripti monachi quondam morsellum terrae cum totidem prati, unde reddet singulis annis VIII denarios censuales. Tradiderunt etiam ei predicti monachi terram incultam, sine mensura quae priusquam exculta fuerit, mensurabitur et juxta mensuram reddet et censum.
Hoc factum [est] in capitulo Sancti Vincentii videntibus istis : Teolino, Bosone Coco, altero Teolino, Rogerio dapifero.
Ex parte Frogerii fuit Maignardus qui hoc vidit et audivit.
LIII Census de Aspargeio (xiie siècle)
(P. de La Bigne Villeneuve, Cartulaire de l’abbaye Saint-Georges de Rennes, Rennes, 1876)
De Espargeio sunt hii census. Bernardus de Janual XII denarii [sic]-Feodum Hervei Morhen reddit Sancto Georgio singulis annis, V provendas frumenti et XII denarios. Feodum Galteri Ysac III provendas frumenti ; et de altero feodo ipse et fratres sui duos solidos et dimidium. Hodesent II solidos et dimidium. Galterus Brocart, I quarterium frumenti. Gorantun, I minam frumenti. Galterus Ondeline, I minam frumenti. Renaît de Belveer, I minam frumenti. Ysaac, I minam frumenti. Oiri, I minam frumenti. Garinus, I provendam frumenti. Guidenocus, II solidos et dimidium. Durandus, VI denarios. Ignoguen, VI denarios. Leiardis, VI denarios ; Gaufridus Cortet, VI denarios. Guillelmus Gaudini, VI denarios. Johannes Placart, II solidos. Garinus Rex, II solidos, II denarios. Jaguelin, IV solidos et dimidium.
De Grebuisson
Garinus Purperer quatuor minas frumenti. Guillelmus le Goneis, I minam frumenti. Helegon, I minam frumenti. Bodin, I provendam frumenti. Petrus de Mexanrenbaut, I quarterium frumenti. Hugo filius Galterii, I provendam frumenti. Guillelmus Perer, I minam frumenti, Constancia, I minam frumenti, Gaufridus Croc, I minam frumenti. Jodoin, I minam frumenti. Guillelemus Grossin, III minas frumenti. Hemericus, I quarterium frumenti.
Notes
1 Henri Sée, Étude sur les classes rurales en Bretagne au Moyen Âge, Paris, 1896 ; Stéphane Strowski, La censive et le fief roturier en Bretagne, contribution à l’étude du droit breton médiéval, Amiens-Paris, 1922, 291 p. ; dans les travaux plus récents : Daniel Pichot, Le Bas-Maine du xe au xiiie siècle : étude d’une société, Laval, 1995.
2 La théorie présentée par Georges Duby sur l’affaiblissement des cens est déjà esquissée avec moins de force et de précision dans le livre de S. Strowski cité dans la note précédente, p. 100.
3 Pour le Bas-Maine, nous renvoyons à D. Pichot, op. cit., p. 166-167, et plus globalement pour le prélèvement seigneurial dans l’Ouest, à D. Pichot, « Le prélèvement seigneurial dans l’ouest de la France (xie-xiiie siècle) », dans M. Bourin et P. Martinez Sopena (dir.), Pour une anthropologie du prélèvement seigneurial dans les campagnes médiévales (xie-xive. siècles). Réalités et représentations paysannes, Paris, 2004, p. 607-629.
4 [...] Rainaldus connestabilem vendidisse sancto Martino [...] unum bordagium terre VI solidorum denariorum pretto constante [...] Census redditur annuus ex eodem bordagio IIII denariorum eidem Rainaldo, ad festum Nativitatis Baptiste Johannis, Ernest Laurain, Cartulaire monceau de Marmoutier, Laval, 1911-1945, Mayenne, no 3.
5 Je remercie Joelle Quaghebeur de m’avoir communiqué les fruits de son enquête.
6 Je remercie Monique Chauvin et Chantal Reydellet qui travaillent à l’édition du cartulaire pour ces informations. Il est possible de retrouver nombre de mentions de cens dans les livres respectifs de H. Sée et S. Strowski, mais ils prennent en compte aussi des redevances non précisées.
7 Paul de La Bigne Villeneuve, Cartulaire de l’abbaye Saint-Georges de Rennes, Rennes, 1876.
8 R. Charles et S. Menjot d’Elbenne, Cartulaire de l’abbaye Saint-Vincent du Mans, premier cartulaire, Mamers-Le Mans, 1886-1913.
9 Paul Marchegay, Cartularium monaterii Beatae Mariae caritatis andegavensis. Recueil de documents inédits sur cette province, Archives d’Anjou, t. 3, Angers, 1854 ; Julie Peteul, Aborder l’histoire d’une communauté de femmes aux xie et xiie siècles dans l’ouest de la France. Étude des cartulaires de l’abbaye du Ronceray d’Angers, mémoire de master 2, Rennes 2, 2005.
10 Cartulaire de Saint-Georges, nos 24, 50, 53, 61, 63, cf. pièces annexes.
11 D. Pichot, op. cit., p. 161-165 ; B. Lemesle, La société aristocratique dans le Haut-Maine (xie-xiie siècles), Rennes, 1999, chap. 2.
12 R. Fossier, Polyptyques et censiers, Turnhout, 1978, p. 37-40.
13 Bénédictins de Solesmes, Cartulaire des abbayes de Saint-Pierre de La Couture et de Saint-Pierre de Solesmes, Le Mans, 1881, no 300.
14 Olivier Guillot, Le comte d’Anjou et son entourage au xie siècle, Paris, 1972 ; B. Lemesle, op. cit. ; A. Chédeville et N.-Y. Tonnerre, La Bretagne féodale (xie-xiiie siècle), Rennes, 1987.
15 A. Bouton, Le Maine. Histoire économique et sociale, le Moyen Âge, Le Mans, 1976, p. 242-246 ; les exemples sont nombreux mais pas toujours très utilisables ; Michel Le Méné, Les campagnes angevines à la fin du Moyen Âge (1350-1530), étude économique, Nantes, 1982.
16 A. Chédeville, Chartres et ses campagnes (xie-xiiie siècles), Paris, 1973, offre une forte synthèse sur la censive p. 237-241 ; Dominique Barthélemy, La société dans le comté de Vendôme de l’an mil au xive siècle, Paris, 1993 ; il y a aussi beaucoup de choses intéressantes dans idem, Les deux âges de la seigneurie banale, Coucy (xie-xiiie siècle), Paris, 1984.
17 Pour une tentative de synthèse sur la question : D. Pichot, « Le prélèvement seigneurial », art. cit.
18 Cf. le résumé des positions de G. Duby figurant dans Laurent Feiler, Paysans et seigneurs, Paris, 2007, p. 146-147.
19 Cartulaire de Saint-Vincent, no 226, voir le texte de l’acte en pièce annexe.
20 D. Barthélemy, La société..., op. cit., p. 51-57. Il s’agit bien d’une vente mais dont le prix est formé par l’institution d’un cens.
21 D. Pichot, Le Bas-Maine, « Le prélèvement seigneurial », art. cit., p. 613.
22 Ibid., p. 167-168.
23 Les rentes sur les cens sont le plus souvent assignées sur les centres de châtellenies : Laval, Olivet, Montsûrs. Arthur de Bertrand de Roussillon, La Maison de Laval (1020-1605). Étude historique accompagnée du cartulaire de Laval et de Vitré, Paris, 1903, 5 vol., nos 241-299 ; idem, Cartulaire de l'évêché du Mans (936-1790), Le Mans, 1900, no 65.
24 D. Pichot, Le Bas-Maine du xe au xiiie siècle : étude d’une société, p. 167.
25 Dans le chapitre consacré au cens, A. Bouton ne tranche pas mais semble indiquer une domination du cens en argent, A. Bouton, op. cit., p. 243-251.
26 Cartulaire du Ronceray.
27 Cartulaire de La Couture, no 300.
28 H. Sée, op. cit., chap. 3.
29 Cartulaire de Saint-Georges, no 2, « Redditiones, census, consuetudo, prandia in Tintiniaco ».
30 Ibid., no 61.
31 Cartulaire de Saint-Vincent, no 326.
32 Ibid., no 413.
33 D. Pichot, Le Bas-Maine, op. cit., p. 167 ; Cartulaire de Saint-Vincent, no 416 ; E. Gouvrion et A. Grosse-Duperon, Cartulaire de l’abbaye cistercienne de Fontaine-Daniel, 2 vol., Mayenne, 1996, no 61 ; BnF, ms. lat. L 972.
34 Livre Blanc de Saint-Florent de Saumur, fol. 72V et 73r et fol. 66r, cité par J. Beaumon, Monachisme et féodalité. Implantation et rôle des prieures de Saint-Florent de Saumur dans le diocèse de Rennes et la seigneurie de Dol-Combourg, mémoire de maîtrise, Rennes 2, 2001, p. 183,193.
35 Arch. dép. Mayenne, Copie du cartulaire manceau de Savigny, ms. 35, no 400,401.
36 Les rachats de cens sont difficiles à interpréter en termes économiques en raison de la référence seigneuriale de la redevance. Certains acheteurs sont prêts à beaucoup dépenser pour se libérer et les vendeurs y sont sensibles. Voir les remarques d’A. Chédeville, Chartres, op. cit., p. 468-469.
37 D. Pichot, Le Bas-Maine, op. cit., p. 318.
38 Ibid., p. 222.
39 Ibid., p. 225.
40 J. Beaumon, op. cit., p. 153 ; H. Sée, op. cit., p. 193-194, copie de l’édition du cartulaire de la cathédrale de Quimper ; d’autres cens en nature sont mentionnés par S. Strowski, op. cit.
41 Cartulaire de Saint-Georges, nos 24, 50, 53 (2 censiers), 63.
42 Ibid., no 24.
43 Ibid., no 53.
44 Ibid., no 50.
45 Cartulaire de l’évêché du Mans, no 65.
46 Maison de Laval, nos 241, 299 ; Cartulaire de Fontaine-Daniel, no 17.
47 H. Sée, op. cit., chap. IV.
48 M. Le Mené, « La forêt du Lattay au Moyen Âge. Défrichement de sa partie occidentale entre la Loire, l’Evre et l’Hyrome », Le Moyen Âge, 1970, repris dans Villes et campagnes de l’Ouest au Moyen Âge, p. 102.
49 In parrochia de Gaudiaco habemus LII bordagia. Gauterius Verum debet III sext. Avene ad unamquamquam minatam avene, I bossellum silliginis et III ova [...], Cartulaire de la Couture, no 300.
50 D. Pichot, Le Bas-Maine, op. cit., p. 167.
51 Marie Hamon-Jugnet, Cartulaire de l’abbaye Notre-Dame de la Roë, thèse de l’École nationale des chartes, mss nos 102, no, 111,112 ; J.-C. Meuret, op. cit., p. 544-546.
52 M. Le Mené, « Les redevances à part de fruits dans l’ouest de la France au Moyen Âge », repris dans Villes et campagnes, op. cit., p. 189.
53 D. Pichot, « Le prélèvement seigneurial », art. cit., p. 611-617.
54 Cartulaire de Saint-Georges, no 2.
55 D. Pichot, « Le prélèvement seigneurial », art. cit., p. 625.
56 Lucien Musset, « La renaissance urbaine des xe et xie siècles dans l’ouest de la France : problèmes et hypothèses de travail », dans Mélanges E. R. Labande. Études de civilisation médiévale, Poitiers, 1974, p. 563-575.
57 D. Pichot, Le Bas-Maine, op. cit., p. 374-376 ; Hironori Miyamatsu, Bourgs et bourgeois dans l’ouest de la France, thèse d’Université, Rennes 2,1986, ms.
58 Philippe Contamine (dir.), L’économie médiévale, Paris, 1993, p. 198-200.
59 D. Pichot, Le Bas-Maine, op. cit., p. 354-355, 370-371 ; Annie Antoine, Le paysage de l’historien, Rennes, 2002, p. 183-193.
60 D. Pichot, Le Bas-Maine, op. cit., p. 361-366.
61 A. Antoine, « La fabrication de l’inculte, landes et friches de Bretagne avant la modernisation agricole au xix e siècle », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. 79, 2001, p. 205-228. L’élevage est sans doute sous-estimé par les historiens, en tout cas dans l’Ouest. Les espaces consacrés au pâturage sont considérables : D. Pichot, « L’herbe et les hommes, prairies et pâturages dans l’ouest de la France (xie-xiiie siècle) », Flaran 28, à paraître.
62 Arch. dép. Mayenne, ms. 35, no 400-401.
63 Victor Alouis, « Lucé et ses environs au milieu du xive siècle », Revue historique et archéologique du Maine, t. 9,1881, p. 268-328 ; A. Bouton, op. cit., p. 261-262.
64 [...] Adam Petin in presentia nostra domos et terram de Colomberis quas ejus pater a monachis de Savigneio tenuerat ab eisdem cepit ut annuatim quamdiu possessionem illam teneret in Natalis sex solidos C. eisdem redderet. Si autem in termino assignato, censivam illam non reddidisset, nec infra octo dies consequentes, res illa in possessionem monachorum illorum quietum veniret, nec ibi Adam de cetero aliquidreclamabat. Quod ut fidelius conservantur Adam se hoc ita excuturum promisit in manu nostra [...], D. Pichot, Les cartulaires monceaux de Savigny, essai d’histoire économique et sociale, Avranches, 1976, p. 41-42, et idem, « Le prélèvement », art. cit., p. 619 ; le contrat est passé à Ambrières tout proche où l’évêque a un domaine ; l’importance accordée à ce contrat suggère que Adam n’est pas un simple paysan.
65 Arch. dép. May. ms. 33, no 105, ms. 35, no 327, Arch. nat., L 972/691.
66 Arch. nat., L 974/851.
67 D. Pichot, Le Bas-Maine, op. cit., p. 106-109.
68 Ibid., p. 106-108 ; « Le prélèvement », art. cit., p. 618-622.
69 Marcel Planiol, Histoire des institutions de la Bretagne, Mayenne, 1981-1984, t. 4, chap. IV ; H. Sée, op. cit., chap. IV, « Les situations intermédiaires : les censives et les péages » ; S. Strowski, op. cit. ; D. Pichot, Les cartulaires manceaux, op. cit., p. 79-84, Le Bas-Maine, op. cit., p. 317-318. Les féages sont souvent des contrats portant sur des terres très importantes.
70 D. Pichot, « Les Deux-Evailles : une famille de la petite aristocratie du Bas-Maine (1211-1358) », dans E. Mornet (dir.), Campagnes médiévales : l’homme et son espace. Études offertes à Robert Fossier, Paris, 1995, p. 473-486.
71 E. Laurain, « Chartes de Fontaine-Daniel et Montguyon », Bulletin de la Commission historique et archéologique de la Mayenne, t. 26,1910, no 17 ; Cartulaire d’Evron, no 169.
72 D. Pichot, « Le prélèvement », art. cit.
73 Voir le graphique pour le Bas-Maine, D. Pichot, Le Bas-Maine, op. cit., p. 300.
74 Cartulaire de Saint-Georges, no 7-30-46.
75 S. Strowski, op. cit., p. 100.
Table des illustrations
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Titre | Figure 1 – Les cens du Bas-Maine |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/11390/img-1.jpg |
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Titre | Figure 2 – Cens de Sarcé : répartition des contributeurs |
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Titre | Figure 3 – Cens de Sarcé : décomposition de la somme globale |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/11390/img-3.jpg |
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Titre | Figure 4 – Les transactions foncières dans le Bas-Maine |
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© Éditions de la Sorbonne, 2009