Réformateur ou stratège ?
L’évêque Odon, patron des moines de Saint-Vigor et commanditaire de la tapisserie de Bayeux
p. 319-342
Texte intégral
1Dans la Normandie du xe et de la première moitié du xie siècle, la plupart des évêques sont des proches des ducs et l’évêque de Bayeux qui succède à Hugues II, lui-même apparenté à la famille ducale1 – fils du comte Raoul d’Ivry et nommé par Richard II –, n’échappe pas à la règle. Odon, le demi-frère du duc Guillaume le Bâtard, devient évêque de Bayeux en 1049 à l’âge de quatorze ou dix-neuf ans et le reste jusqu’à sa mort en janvier 1097 à Palerme alors qu’il est en route pour la croisade2. Son long épiscopat a connu de nombreuses vicissitudes puisque, de 1082 à 1087, il est emprisonné par Guillaume le Conquérant, sans doute pour avoir envisagé de briguer la papauté3. Le prélat, vraisemblablement éduqué aux côtés de Guillaume au sein d’un groupe d’adolescents appartenant aux élites aristocratiques4, eut une carrière caractéristique de l’épiscopat normand du milieu du xie siècle : parent du duc, il gouverna bien son diocèse, bâtissant une cathédrale, accroissant le patrimoine de son évêché, attestant de nombreuses chartes ducales, réorganisant son chapitre vers les années 1090, entretenant une école, faisant des dons aux abbayes proches de Bayeux comme Saint-Étienne de Caen et Saint-Martin de Troarn. Élevé à la charge épiscopale, il devint diacre à l’abbaye ducale de Fécamp en 1049, alors dirigée par l’abbé Jean de Ravenne5, et fut ordonné par l’évêque Hugues de Lisieux6. Sa nomination par le duc Guillaume a été interprétée comme la réalisation du projet de renforcer la présence ducale dans l’ouest de la Normandie, après la victoire sur les conjurés à Val-ès-Dunes en 10477. Elle intervient quelques années avant la décision de construire les abbayes de Caen, Saint-Étienne en 1063, fondation du duc, et La Trinité entre 1059 et 1066, fondation de la duchesse Mathilde. Odon de Bayeux n’a pas eu droit à une vita ou à des Gesta comme ce fut le cas pour son contemporain, l’évêque Geoffroy de Coutances (1049-1093)8 ou bien encore les archevêques de Rouen9. Le prélat n’en demeure pas moins un personnage de grande envergure qui joua un rôle capital pendant toute la seconde moitié du xie siècle tant en Normandie qu’en Angleterre, où il devint comte du Kent.
2Odon semble être le seul évêque normand à avoir fondé un établissement monastique, qu’il dédia à saint Vigor dans les faubourgs de sa cité. Aucun autre évêque de la province de Rouen n’a établi de maison religieuse10. Son contemporain Geoffroy de Coutances n’a pas participé au grand essor monastique de la Normandie occidentale. Il ne paraît s’être mêlé directement d’aucune des grandes fondations monastiques, même si les Gesta insistent sur sa piété11. L’évêque de Bayeux s’est illustré par une fondation singulière, voire mystérieuse en Normandie, puisqu’elle n’a laissé presque aucun vestige textuel et matériel12. Quelle signification doit-on accorder à cette entreprise épiscopale ? Quels objectifs Odon poursuit-il ? Fait-elle de l’évêque de Bayeux un réformateur ou un stratège ? L’étude de Saint-Vigor de Bayeux permet de comprendre les ressorts du patronage monastique d’Odon, qui le conduisirent à être le commanditaire de la Tapisserie de Bayeux. En partant de ce que l’on peut savoir d’Odon, de saint Vigor et d’indices sur la datation de la fondation communément admise entre 1063 et 1066, nous tenterons de répondre à ces questions.
3Commençons par présenter la mince documentation diplomatique, à savoir trois actes pour le xie siècle. Nous connaissons des donations effectuées par l’évêque Odon par le premier des trois actes, la charte du duc Robert Courte Heuse de 1089 qui confirme que son oncle paternel, Odon, a fondé sur le territoire de l’Église Notre-Dame de Bayeux un monasterium. Il ajoute des biens et dit que l’élection de l’abbé (abbas) sera faite par l’évêque de Bayeux lequel remettra le bâton pastoral (baculum pastoralem) à l’abbé13. S’il a existé un ou plusieurs actes épiscopaux en faveur de Saint-Vigor, ils sont perdus14. Le 24 mai 1096, dans un deuxième acte, à la veille de partir pour la croisade, Robert Courte Heuse atteste qu’Odon donne à Dieu et à saint Bénigne, à Jarenton, abbé de Saint-Bénigne de Dijon, et à ses successeurs, le monastère (monasterium) Saint-Vigor du Mont-Chrismat avec les biens qui en dépendent ; il ordonne que sa sépulture, celles de ses successeurs et celles des chanoines de sa cathédrale se feront à l’intérieur du monastère. Si celui-ci vient à croître en biens au point d’être érigé en abbaye, son statut sera réglé d’un commun accord entre l’abbé de Saint-Bénigne et l’évêque de Bayeux, la consécration de l’élu du chapitre dijonnais étant réservée à l’évêque normand15. On conserve un second acte de cette action, rédigé par le bénéficiaire, Saint-Bénigne de Dijon, ce qui fournit le troisième acte conservé pour le xie siècle16. En analysant ces actes, on comprend qu’à une date inconnue avant 1089, un établissement religieux, appelé monasterium, a été fondé par l’évêque Odon de Bayeux, à la tête duquel pourra se trouver un abbé choisi et consacré par l’évêque de Bayeux ; ce monasterium dédié à saint Vigor devient une dépendance de l’abbaye bénédictine Saint-Bénigne de Dijon le 24 mai 1096.
4La transformation de Saint-Vigor en prieuré de Saint-Bénigne de Dijon, en Normandie où Guillaume de Volpiano joua le premier rôle dans la restauration du monachisme entre en résonnance avec le nom d’Odon, lequel ne figure pas dans le stock onomastique de la famille ducale dans les années 103017. Deux actes, apparemment originaux, en faveur de Saint-Wandrille datés de 1051 et qui sont les premiers actes conservés où se trouve la souscription de l’évêque Odon de Bayeux, donnent la forme Oto18. Il s’agit de la première apparition conservée dans les actes de la pratique du nom de ce personnage. La question se pose de savoir s’il a été ainsi nommé par ses parents ou s’il aurait choisi ce nom au moment de son accession à l’épiscopat en 1049. Par la suite Odon apparaît plus généralement sous la forme Odo. Oto ou Odo sont le même nom, mais on ne peut s’empêcher de penser qu’il est bien peu normand. Essayons de le comprendre à la lumière des Odon, ses contemporains. Eudes II de Blois épouse, vers 1003/1004, Mathilde de Normandie, sœur du duc Richard II de Normandie. Devenu veuf peu de temps après ce mariage (avant 1005) et n’ayant pas eu d’enfant avec Mathilde, il refuse de restituer, selon l’usage, la dot de son épouse, constituée de la moitié du château de Dreux et de la terre adjacente sur les bords de l’Avre19. Au cours du conflit qui s’ensuivit avec Richard II, Eudes subit une défaite infligée par son ex-beau-frère mais, sauvé grâce à l’intervention du roi Robert II de France, lequel a épousé sa mère Berthe de Bourgogne, il peut garder la dot. Il meurt en 103720, non sans avoir souscrit deux actes du roi Robert le Pieux, le 19 juin 1017 au côté de Richard II, et en 1027 avant la souscription de Richard III21. Par ailleurs, l’acte de 1035/1037 dans lequel l’évêque Hugues II de Bayeux, le prédécesseur d’Odon, récapitule les possessions de son Église, indique qu’une enquête a été menée conjointement par l’archevêque Robert de Rouen, le vicomte Néel et le comte Eudes considéré traditionnellement comme Eudes II de Blois, pour procéder à la restitution des possessions dispersées22. Eudes II de Blois aurait-il pu fournir un nom au fils d’Arlette et d’Herluin de Conteville ? Notons encore qu’Eudes II de Blois contribua entre 1019 et 1023 à restaurer Saint-Faron de Meaux à l’appel de Guillaume de Volpiano23, lui-même restaurateur du monachisme en Normandie depuis 1001.
5Il existe encore une autre hypothèse. En 990/996, le duc normand Richard Ier avait donné à Saint-Bénigne de Dijon, à la requête de son abbé, Guillaume de Volpiano, l’église Saint-Aubert en Hiémois (en Normandie)24. Entre 1032 et 1035, le duc Robert le Magnifique avait dans un diplôme rappelé cette donation de Richard Ier. Peu après un chevalier de Richard II, avec le consentement du duc, avait concédé à Saint-Bénigne l’église de Longchamp et 18 acres de terre. Guillaume de Volpiano ayant été contraint de céder en gage les biens susdits à un certain Atto contre 100 livres, Richard II remboursa les 100 livres sur son trésor et restitua les susdites églises à Saint-Bénigne, en s’en constituant l’avoué. Enfin le duc Robert le Magnifique, à la demande de l’abbé de Saint-Bénigne, Halinard, et de Jean, abbé de Fécamp, devenait avoué et gardien des biens donnés par ses prédécesseurs25. Entre-temps, Guillaume de Volpiano était venu restaurer le monachisme à Fécamp et était devenu abbé de cette abbaye en 1001. On sait que le comte de Mâcon Otte-Guillaume avait contribué avec l’évêque de Langres et Guillaume de Volpiano à la réforme de Saint-Bénigne de Dijon. Né vers 962 la même année que Guillaume de Volpiano, Otte-Guillaume était le cousin germain de l’abbé de Saint-Bénigne26. Avoué de Saint-Bénigne jusqu’en 101627, Otte-Guillaume y fut inhumé en 1026. Les liens entre la Normandie et Saint-Bénigne sont fermes depuis la fin du xe siècle et sont encore renforcés par le mariage entre le fils d’Otte-Guillaume et Adelize, une fille du duc normand Richard II vers 1005/1006 et au plus tard en 101028. On sait qu’Odon à la veille de devenir évêque passe quelque temps à Fécamp où il reçoit une instruction et devient diacre. Stéphane Lecouteux a bien montré d’autres liens entre la Normandie et Saint-Bénigne, notamment entre Fécamp et l’abbaye bourguignonne29, liens qui passent aussi par une association spirituelle entre le Mont-Saint-Michel et Saint-Bénigne30. Au total, Eudes II de Blois mort en 1037 a pu être le parrain d’Odon de Bayeux et le souvenir d’Otte-Guillaume très présent à Fécamp a pu conduire les moines à nommer Odon de Bayeux, sachant que le nom de Guillaume était déjà pris par le futur duc, demi-frère d’Odon31. Remarquons encore qu’au nécrologe de Saint-Bénigne de Dijon figurent les deux hommes qui ont pu fournir un nom à Odon de Bayeux, Eudes II de Blois inscrit au 15 novembre et Otte-Guillaume au 21 septembre32.
6D’autres hypothèses sont admissibles33 mais les deux premières permettent de comprendre pourquoi en 1096 Odon remet à Saint-Bénigne le monasterium Saint-Vigor. Lorsqu’il remet Saint-Vigor à l’abbaye bourguignonne, tout laisse à penser que les liens existant entre la Normandie et la Bourgogne sont toujours forts ; ils ont été raffermis par le voyage en Normandie de Jarenton, abbé de Saint-Bénigne, pour prêcher la croisade en 109634.
7Le choix de dédier la fondation à saint Vigor ne relève pas du hasard. Examinons les dédicaces des abbayes du diocèse de Bayeux. Déjà depuis 1032, une abbaye est dédiée à saint Vigor, Cerisy, restauration-fondation de Robert le Magnifique35, le père du duc Guillaume, sur le lieu d’un monastère franc fondé par saint Vigor, lui-même évêque de Bayeux au début du vie siècle. En 1047, a été fondée l’abbaye Saint-Étienne de Fontenay, au sud de Caen, en 1059, l’abbaye Saint-Martin de Troarn, et à l’est, en 1063 l’abbaye Saint-Étienne de Caen36. Ajoutons que le groupe cathédral de Bayeux comprenait une église ou une chapelle dédiée à saint Étienne37. Vigor est un des premiers évêques du diocèse de Bayeux38. La Vita Vigoris rédigée entre 1030 et 104539 rappelle la fondation par Vigor d’une église située sur la colline à l’est de Bayeux, appelée Phanus puis nommée Crismatus. Un disciple de Vigor en est un certain Théodemir, abbé du monasterium in honore sancti Petri apostoli40. C’est cette église Saint-Pierre qui est transformée selon des modalités inconnues en un monasterium41 dont on apprend par la charte de 1096 qu’il est dédié à saint Vigor42. Il est vraisemblable que dès l’origine Odon a choisi ce saint évêque, son prédécesseur, pour être le protecteur de sa fondation. Vigor est, selon sa vita, originaire d’Arras, et lors des incursions vikings ses reliques furent dispersées d’abord dans la cathédrale de Bayeux en 846 puis à Saint-Ouen de Rouen, à Senlis, à Pontoise et à Saint-Riquier en 98143. À partir du xie siècle, le culte de ce saint est très vivant en Normandie, essentiellement dans les diocèses de Bayeux et de Lisieux puisqu’on compte une quarantaine d’églises et de chapelles dédiée à lui, dont une trentaine entre Vire et Touques44. On sait par Hariulf dans la Chronique de Saint-Riquier, écrite sans doute en 1088, que c’est au sujet de la Vita Vigoris – rapportée de Normandie par l’abbé picard Angelran vers 1014-1017 – que le duc Guillaume entra en contact avec les moines de Saint-Riquier et que, par l’intermédiaire d’un moine de Cerisy appelé Garin, Guillaume obtient que l’abbaye picarde rétrocède à l’abbaye de Cerisy un os du bras droit de saint Vigor, os qui fut l’objet d’une translation solennelle en mars d’une année incertaine de l’abbatiat de Gervin Ier à Saint-Riquier (1045-1075)45. La tentation est forte de mettre en relation cette translation avec la confirmation faite le 30 octobre 1048 par le duc Guillaume à Saint-Riquier de l’église d’Équemauville donnée par Richard II aux moines picards46. Si la relique de saint Vigor parvient en Normandie à cette date, c’est exactement un an avant l’accession d’Odon à l’évêché de Bayeux, mais cette translation a également pu se dérouler après février 1068, date à laquelle l’abbé Gervin de Saint-Riquier traversa la Manche pour se rendre à la cour royale, où Guillaume le Conquérant lui confirma des domaines sis en East Anglia47. L’abbé aurait pu, à cette occasion, remettre à Guillaume une relique de saint Vigor. Selon l’ordinaire de la cathédrale de Bayeux, rédigé au xiiie siècle, mais qui consigne une liturgie de la cathédrale vraisemblablement en vigueur dans les siècles précédents, la fête de saint Vigor était une fête double avec deux chapes et le prieuré Saint-Vigor possédait une châsse48 renfermant des reliques de saint Vigor transportée en procession à l’occasion de l’Adoration de la Croix le dimanche des Rameaux49. À la fin du Moyen Âge, à Fécamp, on fêtait saint Vigor le même jour que saint Bénigne, soit le 1er novembre50. Odon n’aurait-il pas choisi saint Vigor, pour se démarquer d’autres saints vénérés dans le diocèse dont il était le maître ? Nul doute qu’Odon chercha à ancrer sa fondation qui s’apparente à une refondation dans un passé mythifié, celui des origines du diocèse, créant une identité monastique fondée sur la présence des reliques51.
8Cette question conduit à un troisième aspect de la réflexion : à quelle date le monasterium est-il fondé ? En l’absence de charte de fondation et d’acte de la pratique avant 1089, la réponse n’est pas aisée. Les historiens qui s’y sont risqués avancent la date de 1064 pour Faucon52, 1064/1066 pour Bourrienne53, 1063/1066 pour dom Aubourg54, 1063 pour Musset55, tous plaçant la fondation avant la conquête de l’Angleterre56. Ces dates dans la décennie de 1060, qui ne reposent sur aucune source ancienne précisément datée, proviennent sans doute de l’idée qu’Odon a acquis une certaine maturité, lui qui a accédé à l’épiscopat avant l’âge canonique. D’autres sources évoquent des moines de Saint-Vigor. En premier lieu, l’Historia ecclesiastica d’Orderic Vital, rédigée dans la première moitié du xiie siècle, fournit de précieuses informations. Selon le moine de Saint-Evroult, Odon plaça des moines dans l’ecclesia de saint Vigor évêque de Bayeux, située extra muros de la ville, et préposa (preposuit) un père pieux et sage, Robert de Tombelaine, qui laissa un commentaire du Cantique des cantiques57, rédigé sous l’impulsion de son frère Anastase58. Selon Orderic toujours, quand Odon fut jeté en prison (en 1082), l’abbé (Robert) partit à Rome et fut bien accueilli par le pape Grégoire VII où il servit l’Église romaine jusqu’à la fin de sa vie59. Les moines de la communauté récente furent dispersés et ne revinrent jamais au cenobium (Saint-Vigor)60. Orderic Vital précise également qu’au moment de l’incarcération d’Odon, la nouvelle et inachevée construction fut rapidement anéantie et les moines venus de différents lieux, sans supérieur, furent dispersés61. Il indique encore que Richard des Fourneaux, un des moines parmi les plus érudits dans les lettres divines, se proposa de reprendre la vie régulière avec d’autres moines quand la jeune communauté fut brisée, c’est-à-dire au moment de l’emprisonnement d’Odon62.
9En deuxième lieu, Robert de Tombelaine est connu par une série de lettres. Un moine Robert est ainsi le récipiendaire d’une lettre non datée d’Anselme dans laquelle le prieur du Bec souhaite les prières de son interlocuteur et l’amitié d’Anastase, un ami de Robert63. Anselme écrit à Robert quand Anastase et Robert séjournent dans le même lieu, a priori le Mont-Saint-Michel ou Tombelaine. Il ne peut s’agir que de Robert de Tombelaine et d’Anastase le Grec appelé également le Vénitien64. Les deux hommes ont en effet été ensemble moines au Mont-Saint-Michel à une date inconnue et indéfinissable, tant la chronologie de la vie d’Anastase est difficile à établir mais, en tout état de cause, selon Stéphane Lecouteux, ils ont été moines dans les années 106065. L’éditeur allemand des lettres d’Anselme estime que la lettre envoyée au moine Robert est à dater de vers 1070, sans aucune explication66. Si Saint-Vigor de Bayeux a été fondé dans les années 1060, on peut s’interroger sur le fait que vers 1070 – date supposée de la lettre – le supérieur Robert puisse être encore au Mont et surtout aussi sur les raisons de l’inachèvement des constructions monastiques en 1082. La communauté monastique pourrait-elle encore être désignée comme « récente » en 1082 ? Il est vrai que dans le diplôme de Robert Courte Heuse de 1089, l’évêque fondateur construit (astruit) le monasterium. Le présent du verbe astruere semble indiquer que le monasterium est toujours en construction. L’abbaye semble avoir eu des dimensions assez grandes, ce qui suppose des travaux de longue durée67. Mais une charte-notice de Jumièges, conservée en original, datée de 1080/1084 rapporte qu’une épreuve par le fer chaud s’est tenue au monasteriolum Saint-Vigor de Bayeux68. Tous ces indices semblent indiquer qu’au début des années 1080, la fondation d’Odon, monasterium/monasteriolum/cenobium, était modeste et peut-être sans supérieur. Il faudrait pouvoir dater la lettre du prieur Anselme à Robert, qualifié de moine et compagnon d’Anastase, donc encore présent au Mont-Saint-Michel ou à Tombelaine. Il ne semble pas que les deux moines aient pu être ensemble à Saint-Vigor. Robert a pu quitter le Mont au plus tôt en 1063, date du début du priorat d’Anselme, mais rien ne s’oppose à ce que ce soit plus tardivement. Si l’on rapproche ces données d’une lettre non datée adressée aux moines du Mont par Robert de Tombelaine, dans laquelle il se qualifie de prieur69, et d’une autre lettre de Lanfranc, alors archevêque de Cantorbéry, à l’archevêque de Rouen Jean, postérieure de quelques mois aux incidents qui s’étaient produits à la cathédrale de Rouen le 24 août 1073, dans laquelle il est question du prieur Robert70, on doit pouvoir en toute hypothèse resserrer la date de la lettre d’Anselme à Robert (1063/1073) et conclure que ce dernier a rejoint le monasterium Saint-Vigor avant l’automne 1073.
10En troisième lieu, le parcours d’Anastase en Normandie renseigne aussi sur la fondation, même s’il est difficilement datable. Sa Vita71 énumère successivement les phases de sa vie au Mont-Saint-Michel où il embrasse la profession monastique, découvre la simonie de l’abbé (Renouf), fait sécession dans une île (Tombelaine), puis devient ascète, ce qui lui confère de la notoriété. Séjournant au Mont avec Robert de Tombelaine, Anastase l’encourage à rédiger le commentaire du Cantique des cantiques. À la suite d’un voyage de l’abbé de Cluny, Hugues de Semur, auprès des rivages de la mer Britannique, c’est-à-dire au Mont-Saint-Michel, Anastase part pour Cluny72 où il mène une vie édifiante et dans le même temps accepte une mission du pape Grégoire VII et de l’abbé de Cluny auprès des Sarrasins (au plus tôt en 1073). La Vita indique qu’un temps relativement important s’est écoulé entre la sécession et le départ pour Cluny73. L’itinéraire d’Hugues de Semur, reconstitué par Armin Kohnle indique que la rencontre entre Anastase et Hugues au Mont s’est produite vers 106774. Le terminus post quem de la lettre d’Anselme à Robert requérant l’amitié d’Anastase est 1063, quand le départ des deux moines, qui n’eut pas forcément lieu en même temps, est postérieur à 1067, peut-être même à 1070, et de toute façon antérieur à 1073.
11Par ailleurs, la date de 1070 correspond aussi à la date de l’accession de Lanfranc à l’archiépiscopat de Cantorbéry, ordonnée par le roi Guillaume le Conquérant. Le moine italien prieur du Bec avait été choisi comme abbé de Saint-Étienne de Caen en 1063 et sept ans plus tard, voilà que le duc Guillaume l’élevait à la dignité archiépiscopale en Angleterre alors qu’il avait eu à peine le temps de lancer la communauté bénédictine dans la capitale occidentale du duché, voulue par le duc75. Si Odon souscrit des actes ducaux en faveur de l’abbaye Saint-Étienne de Caen76, à la dédicace de laquelle il assiste77, si l’archevêque Lanfranc, venu d’Angleterre, est présent à la cérémonie de dédicace de la cathédrale de Bayeux le 14 juillet 107778, le même Lanfranc encore abbé de Saint-Étienne le 14 janvier 1068, obtint d’Alexandre II une bulle d’exemption qui, outre la protection apostolique, accordait à l’abbaye l’évocation à Rome de tout litige entre elle et l’évêque, et interdisait à l’ordinaire, c’est-à-dire l’évêque de Bayeux, de frapper les moines d’interdit et d’excommunication79. La lettre de Lanfranc à l’archevêque Jean de Rouen ne réprouve-t-elle pas la conduite du prieur Robert, un témoignage indirect de l’inimitié entre l’archevêque de Cantorbéry et le protecteur de Robert80 ? En choisissant de placer sa fondation sous la protection de saint Vigor, le plus prestigieux des évêques bayeusains de l’époque franque, en allant chercher des moines et un supérieur au Mont-Saint-Michel, Odon s’opposait à Lanfranc81. Le monde de Lanfranc était celui du Bec et de saint Étienne, quand celui d’Odon était celui du Mont-Saint-Michel et de saint Vigor. Si la rivalité entre Odon et Lanfranc en Angleterre atteint son paroxysme en 1082, elle a commencé en Normandie. Odon avait assisté à la dédicace le 18 juin 1066 de l’abbaye féminine de La Trinité de Caen, une cérémonie qui avait contribué aussi à préparer la conquête82, et fourni des bateaux à l’expédition outre-Manche de son demi-frère83, mais les choses s’envenimèrent en Angleterre rapidement après Hastings. Quatre poèmes du chanoine Serlon de Bayeux, protégé d’Odon dont il dresse les louanges, que l’on peut dater des années 1079/1082, sont très critiques envers les moines de Saint-Étienne de Caen et notamment le troisième abbé Gilbert (1079-1101) dont il dénonce la rapacité et la cruauté envers les indigents, et l’enrichissement par l’usure. Ce chanoine a écrit une épître de félicitations à Odon, libéré des geôles ducales84 et l’on sait par Guillaume de Malmesbury que l’emprisonnement de l’évêque avait été orchestré par Lanfranc85.
12Odon, réformateur ou stratège ? Dans l’acte de confirmation de 1089 de Robert Courte Heuse, on l’a vu, l’élection de l’abbé de Saint-Vigor sera faite par l’évêque de Bayeux, lequel lui remettra le bâton pastoral ce qui est l’usage des pontificaux normands86. L’évêque « donne » et donc conserve une prérogative. On voit ici, certes le signe d’une période difficile à la mort de Guillaume le Conquérant, mais surtout l’attitude d’un évêque qui cherche à consolider son monasterium en requérant en 1089 le soutien du nouveau duc. Il s’oppose aux principes de réforme que Lanfranc a par ailleurs imposés en Angleterre. Dans l’acte de 1096, avant de partir pour la croisade, Odon ordonne que les sépultures des évêques futurs dont lui-même ainsi que des chanoines du siège se fassent à l’intérieur du monastère87. Il prévoit les modalités d’érection du prieuré en abbaye en cas d’accroissement du patrimoine88.
13Ne pourrait-on pas également considérer que cette fondation s’est apparentée à la mise en place d’un chapitre monastique à l’instar de ce qui se faisait dans l’Angleterre anglo-saxonne et qui perdurera après 106689 ? La rivalité entre les deux hommes d’Église, Odon et Lanfranc, conduit l’évêque normand à imiter le système des chapitres monastiques anglais soutenu par Lanfranc, ce qui renforcerait la thèse d’une date de fondation postérieure à 1070. Deux arguments viennent à l’appui de cette hypothèse : d’une part, Odon fait de ce nouveau prieuré monastique le lieu de son inhumation, renonçant à sa cathédrale, d’autre part, un chanoine de Bayeux au temps de l’évêque atteste un acte du 7 mai 1092 sous le nom d’Anquetil de Saint-Vigor qui pourrait être un moine90. Le prieur Gui de Saint-Vigor semble pour David Spear avoir été au milieu du xiie siècle membre honoraire du chapitre de Bayeux attestant plusieurs chartes épiscopales91. Lucien Musset n’a pas hésité à considérer que Robert de Tombelaine s’était vu confier l’école cathédrale de Bayeux par Odon92. Orderic Vital le qualifie de sophista93. À cet égard, David Bates a montré l’importance de l’école du chapitre de Bayeux et l’efficacité du patronage intellectuel de l’évêque Odon94.
14Bien que cette enquête repose en grande partie sur un échafaudage d’hypothèses et de déductions, en raison de l’absence de datation de nombre de sources disponibles, il semble tout à fait plausible de voir en Odon et Lanfranc deux rivaux au sein de l’Église normande et ce dans l’entourage même de Guillaume. Les deux ecclésiastiques avaient aiguisé leurs armes sans doute au début des années 1060 quand Guillaume entreprit de fonder des abbayes dans le diocèse de Bayeux, celui d’Odon, et quand il nomma Lanfranc à la tête de Saint-Étienne. La réponse d’Odon fut de fonder ou de refonder vers 1070/1073 une maison bénédictine en s’appuyant, d’une part, sur son antique prédécesseur saint Vigor dont le culte était vivant mais qui ne put sans doute pas rivaliser avec le proto-martyr saint Étienne, d’autre part, sur le Mont-Saint-Michel dont les dissensions étaient constantes au sein de la communauté, et enfin sur Saint-Bénigne de Dijon sans doute trop éloigné pour aider le monasterium/monasteriolum à acquérir une dimension susceptible de concurrencer les abbayes du diocèse de Bayeux. L’inachèvement mentionné en 1082 s’explique mieux si la maison est fondée vers ou après 1070. N’y a-t-il pas un indice supplémentaire de la proximité entre Saint-Vigor et le Mont-Saint-Michel dans la lettre du prieur Robert aux moines du Mont à propos du jeune moine épileptique qui bénéficie d’une apparition en songe des deux saints Michel et Vigor95 ? On sait que les moines qui peuplèrent Saint-Vigor sont pour le plus grand nombre venus du Mont-Saint-Michel96 – abbaye qui conservait des reliques de saint Vigor97 – et l’on peut ajouter que l’hypothèse que quelques autres puissent aussi venir de l’abbaye de Cerisy dédicacée à saint Vigor, située dans le diocèse de Bayeux, est séduisante98. En effet le moine Garin de Cerisy, qui en 1048 ou en 1068, est un intermédiaire entre Saint-Riquier et Guillaume, duc ou roi, pourrait être le troisième abbé de Cerisy ; ce dernier fut un ancien moine du Mont-Saint-Michel99. Abbé de Cerisy, il pourrait d’ailleurs avoir été destinataire d’une lettre d’Anastase le Vénitien à une date inconnue100. On ignore les dates de l’abbatiat de Garin mais il pouvait exercer l’abbatiat à Saint-Vigor de Cerisy vers 1070101.
15Cette proximité mise au jour entre Saint-Vigor, Odon et le Mont-Saint-Michel permet de renforcer les arguments en faveur de l’hypothèse sur la question jamais totalement résolue du commanditaire de la Tapisserie de Bayeux. Si aujourd’hui un consensus admet l’idée que celle-ci fut réalisée à l’abbaye Saint-Augustin de Cantorbéry102, une majorité de chercheurs ont opté en faveur de l’idée de considérer qu’Odon de Bayeux en fut le commanditaire rapidement après la conquête de 1066103. Toutefois, récemment, en 2014, cette question a été reprise. L’ouvrage d’Elizabeth Carson Pastan et de Stephen White a proposé de rompre définitivement avec la vision traditionnelle : ces auteurs récusent le rôle d’Odon et ne veulent voir que les moines de Saint-Augustin de Cantorbéry comme initiateurs de l’œuvre pendant l’abbatiat de Scolland (1070-1087)104. Deux ans avant la publication de l’ouvrage de ces deux historiens américains, Howard Clarke, lors du colloque de Battle qui se tint à Bayeux, soutint la thèse selon laquelle Odon en était le patron tandis que la maîtrise d’œuvre devait en être attribuée à Scolland – le designer – et aux moines de Saint-Augustin105. Clarke appuie sa démonstration sur les liens puissants qui existaient entre Odon et cette abbaye de Cantorbéry106, sur la présence dans une scène de la bordure supérieure d’un abbé en qui il voit Scolland et non l’abbé du Mont, montrer le Mont-Saint-Michel (scène 17)107. Scolland, moine du Mont-Saint-Michel108, trésorier et responsable du scriptorium montois alors au sommet de son excellence109, maître dans le domaine doctrinal110, devenu abbé de Saint-Augustin en 1070111, apporta ses multiples compétences à Cantorbéry112. En 1071, ce dernier s’est rendu à Rome dans le but d’obtenir d’Alexandre II de pouvoir reconstruire son abbatiale113, Rome où il a pu contempler la colonne Trajane ou des mosaïques, sources d’inspiration pour la réalisation de la Tapisserie114. Lanfranc le consacra après le retour de Rome115. Il reconstruit l’abbatiale, non sans avoir été fortement influencé par les constructions montoises116. À la suite de Richard Gameson, Howard Clarke s’interroge sur les liens entre la Tapisserie, le Mont-Saint-Michel et Scolland117. Plusieurs historiens ont déjà noté que des moines du Mont-Saint-Michel avaient formé le noyau monastique initial de Saint-Vigor de Bayeux, sans en tirer de conclusion118. Notre enquête établit les liens solides entre le Mont-Saint-Michel et Odon, ce qui étaye la proposition selon laquelle Odon, comme patron de la Tapisserie de Bayeux, ne peut être marginalisé119. Il convient encore d’observer que l’abbé Wulfric II de Saint-Augustin (1045-1061) fit construire une large rotonde entre l’église Saints-Pierre-et-Paul et l’église Sainte-Marie, dont le plan est encore visible, et qui malgré sa démolition en 1061, demeura un thème historiographique de l’abbaye120. Il est tentant de rapprocher la rotonde de Saint-Augustin de celle de Saint-Bénigne de Dijon construite sous Guillaume de Volpiano au début du xie siècle121. Odon n’aurait-il pas puisé à Fécamp, au Mont-Saint-Michel et à Saint-Augustin de Cantorbéry des idées, lui qui voulait à tout prix donner à sa cité une nouvelle dimension, tout en collaborant avec Scolland à la mise en œuvre de la Tapisserie de Bayeux ?
16Au terme de cette enquête qui a révélé des pans inconnus de la vie et de la carrière d’Odon de Bayeux, l’évêque stratège a tissé un puissant réseau de relations au sein de l’Église normande, à Fécamp – réservoir des influences bourguignonnes –, à Bayeux, au Mont-Saint-Michel122, puis au sein de l’Église d’Angleterre, à Cantorbéry, qui firent de lui non seulement un prélat de dimension locale fondant Saint-Vigor sans doute vers 1070/1073123, mais aussi d’envergure transmanche dans les responsabilités politiques dans le Kent et en commanditant la Tapisserie de Bayeux aux moines de Saint-Augustin de Cantorbéry et à leur abbé Scolland qui en devint le designer124. Dans un premier temps, Guillaume encore duc aida son demi-frère dans l’entreprise de refondation à Bayeux. Sans doute l’évêque de Bayeux voulut-il fonder une abbaye épiscopale selon le modèle carolingien125 et/ou faire de la capitale de son diocèse l’égal des grandes villes comme Rouen, Winchester, Cantorbéry, voire des plus petites en Normandie, comme Lisieux, Sées, Évreux pourvues d’une cathédrale et d’une abbaye. S’agissait-il aussi de surpasser Caen, capitale ducale, demeurée un centre monastique126 ? L’ambition de devenir pape, s’il l’eut jamais127, passait par une fondation monastique qui venait compléter la cathédrale, mais Saint-Vigor ne fut jamais érigé en abbaye128.
17Les projets et les desseins d’Odon ne pouvaient que se traduire en un conflit avec son demi-frère et en compétition avec Lanfranc. En Normandie, ils aboutirent à l’emprisonnement de l’évêque, responsable de l’échec de son entreprise à Saint-Vigor. Il n’est pas interdit de considérer que la rivalité entre Odon et Lanfranc129 fut prolongée à Cantorbéry où les moines de Saint-Augustin, sitôt la mort de Scolland survenue le 9 septembre 1087130, le même jour que celle de Guillaume le Conquérant, protestèrent violemment contre la nomination de l’abbé Gui imposée par Lanfranc, abbé de Christ Church et archevêque de Cantorbéry131. Déjà les relations entre Christ Church et Saint-Augustin et peut-être entre Lanfranc et Scolland avaient été régulièrement marquées par des tensions132.
18La vigueur des liens qu’Odon de Bayeux noua avec les moines du Mont-Saint-Michel rendit possible la fondation du prieuré Saint-Vigor de Bayeux qui ne fut pas pour le prélat le tremplin vers la carrière qu’il avait pu espérer mais lui permirent d’être le commanditaire de la Tapisserie de Bayeux. Stratège à défaut d’être réformateur, le prélat échoua, ses réseaux n’étant sans doute pas suffisants pour lui promettre Rome.
Discussion
19Sébastien Fray : L’hypothèse d’un parrainage pour Odon me semble peu crédible. Le nom d’Odon ne pourrait-il pas venir plutôt de son père, ce qui expliquerait d’ailleurs qu’il n’appartienne pas au patrimoine onomastique de la famille ducale ?
20Véronique Gazeau : Son père s’appelle Erminius mais on ne sait rien de lui. Il s’agit d’un obscur aristocrate de la vallée de la Rive. Pour répondre à la question concernant le parrainage, on possède un autre exemple pour la même région, un abbé bénédictin de Saint-Ouen de Rouen, qui a exercé l’abbatiat entre 1042 et 1092, qui est le fils de Richard III et s’appelle Nicolas.
21S. F. : Donc ce serait peut-être un changement de nom plus qu’un parrainage ?
22V. G. : J’avais d’abord envisagé un changement de nom, mais en discutant avec des hauts médiévistes l’hypothèse du parrainage n’est pas à écarter, même si les deux sont possibles.
23Cécile Caby : Des moines de Saint-Vigor qui seraient aussi chanoines ?
24V. G. : David Spear qui enquête sur les chanoines cathédraux de Normandie a trouvé plusieurs chanoines qui s’appellent X de Saint-Vigor et il s’est donc demandé si des moines de Saint-Vigor ne pouvaient pas être aussi chanoines de la cathédrale. Cette hypothèse est séduisante et implique qu’Odon aurait pu vouloir copier Lanfranc pour établir une sorte de chapitre monastique. Ce n’est qu’une hypothèse, peut-être audacieuse.
25Grégory Combalbert : David Spear arrive-t-il à situer dans le temps ces personnages ? Combien sont-ils ?
26V. G. : Si je me souviens bien il s’agit de deux hommes qui évoluent au même moment, mais les chanoines cathédraux ont une carrière d’une amplitude large.
27Noëlle Deflou-Leca : Il y a des liens entre Saint-Vigor et Saint-Bénigne qui sont bien connus notamment pour le début du xie siècle. Stéphane Lecouteux a pu montrer qu’il y avait des échanges de personnels, parmi lesquels des bâtisseurs. Y a-t-il a une trace de cette présence ?
28V. G. : Il n’y a plus de bâtiments aujourd’hui. Il y a des gravures étudiées dans les années 1930 par dom Aubourg133. Il semble qu’on puisse faire un rapprochement entre Saint-Vigor et Bernay, fondation de Judith, épouse de Richard II, abbaye qui a eu pour abbé Guillaume de Volpiano. Stéphane Lecouteux prépare un dossier pour la revue Tabularia sur toutes ces questions.
Notes de bas de page
1 Cet article est la reprise d’un dossier sur Robert de Tombelaine, laissé en déshérence depuis 2007 (V. Gazeau, Normannia monastica [xe-xiie siècle], t. 1 : Princes normands et abbés bénédictins ; t. 2 : Prosopographie des abbés bénédictins, Caen, Publications du CRAHM, 2007, t. 2, p. 5-6). J’ai bénéficié des éclairages de Richard Allen, Marie-Agnès Avenel, David Bates, Pierre Bauduin, Judith Green, Catherine Jacquemard, Stéphane Lecouteux, Tom Licence, Isabelle Rosé et Samu Niskanen que je remercie très chaleureusement. Les hypothèses et les erreurs sont miennes et les dossiers ouverts ici ne sont pas clos !
Sur cet évêque, voir D. Bates, « Notes sur l’aristocratie normande. I. Hugues, évêque de Bayeux (1011 env.-1049) ; II. Herluin de Conteville et sa famille », Annales de Normandie, 1973/1, p. 7-38 ; V. Gazeau, « Le patrimoine de l’évêque Hugues de Bayeux (c. 1011-1049) », dans P. Bouet, F. Neveux (dir.), Les évêques normands du xie siècle, Caen, Presses universitaires de Caen, 1995, p. 139-147. Hugues meurt après le concile de Reims réuni à l’automne 1049.
2 D. Bates, « The Character and Career of Odo, Bishop of Bayeux (1049/50-1097) », Speculum, L, 1975/1, p. 1-20. Le duc Guillaume et Odon ont la même mère, Arlette de Falaise. Cette dernière épouse en secondes noces Herluin de Conteville dont elle a deux fils, Odon et Robert, futur comte de Mortain.
3 Voir D. Bates, William the Conqueror, New Haven/Londres, Yale University Press, 2016, p. 441-445.
4 Ibid., p. 44. Avant 1066, il est fréquemment présent parmi les souscripteurs des chartes ducales (M. Fauroux, Recueil des actes des ducs de Normandie [911-1066], Caen, Caron et Cie, 1961, nos 124, 126, 141, 156, 159, 190, 195). Au cours de l’année 1066, pendant les préparatifs de la conquête, Odon souscrit trois actes de Guillaume (ibid., nos 227, 229, 231). On conserve la description d’un sceau daté de 1070-1082/1083 (D. Bates [éd.], Regesta regum Anglo-Normannorum: the acta of William, t. 1 : 1066-1087, Oxford, Clarendon Press, 1998, no 74).
5 Moine et prêtre de Saint-Bénigne de Dijon. Prieur puis abbé de Fécamp choisi par Guillaume de Volpiano (V. Gazeau, Normannia monastica, op. cit., t. 2, p. 105-106).
6 J.-F. Lemarignier, Étude sur le privilège d’exemption et de juridiction ecclésiastique des abbayes normandes depuis les origines jusqu’en 1140, Paris, A. Picard, 1937, p. 40 et n. 49.
7 D. Bates, William the Conqueror, op. cit., p. 97.
8 De statu hujus ecclesie ab anno 836 ad 1093 (ex libro nigro capituli), dans Gallia christiana, t. 11, Instr., 1759, col. 217-224.
9 « The Acta archiepiscoporum Rotomagensium: Study and Edition. Les Acta archiepiscoporum Rotomagensium: étude et édition », éd. par R. Allen, Tabularia « Documents », no 9, 2009, p. 1-66.
10 R. Allen, The Norman episcopate, 989-1110, thèse, université de Glasgow, 2009, 2 vol., p. 139-144.
11 L. Musset, « Un grand prélat normand du xie siècle : Geoffroy de Montbray, évêque de Coutances (1049-1093) », Revue de la Manche, 14/99, 1983 (paru en 1986), p. 317, ici p. 9. En dernier lieu, sur Geoffroy de Montbray : C. Dennis, « Ecclesiastical Revival and the Spoils of War: Reconstructing Episcopal Power in the Diocese of Coutances after 1066 », dans P. Coss, C. Dennis, M. Julian-Jones, A. Silvestri (dir.), Episcopal Power and Local Society in Medieval Europe, 900-1400, Turnhout, Brepols, 2017, p. 61-79. D’autres prélats n’ont rien fondé : Mauger, archevêque de Rouen de 1037 à 1055, fils de Richard II ; Jean d’Ivry, évêque d’Avranches, et Hugues II de Bayeux, le prédécesseur d’Odon, étaient fils de Raoul d’Ivry, frère utérin de Richard Ier. Hugues d’Eu, évêque de Lisieux entre 1049 et 1077, est le fils de Guillaume d’Eu, fils naturel de Richard Ier et a participé à la fondation de l’abbaye féminine Saint-Désir de Lisieux.
12 Dom Aubourg, dans un rapport sur les fouilles effectuées en 1938, estime que « le chartrier a été détruit en majeure partie, brûlé, sans doute dans l’autodafé du 25 septembre 1793 » (article sans titre dans Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie, 47, 1939, p. 333-347, ici p. 337). On trouve également dans cet article le récit des destructions de l’abbatiale et des bâtiments monastiques.
13 V. Bourrienne (dir.), Antiquus cartularius ecclesiae Baiocensis (Livre noir), Rouen/Paris, A. Lestringant/A. Picard (Société de l’histoire de Normandie), 1902-1903, t. 1, no 6 ; G. Chevrier, M. Chaume, Chartes et documents de Saint-Bénigne de Dijon, prieurés et dépendances, des origines à 1300, Dijon, Bernigaud & Privat, 1943, t. 2, no 372 ; F. Neveux, Bayeux et Lisieux. Villes épiscopales de Normandie à la fin du Moyen Âge, Caen, Éd. du Lys, 1996, p. 65 pour la localisation des biens du monasterium.
14 Dom Aubourg, art. cité, p. 337.
15 G. Chevrier, M. Chaume, Chartes et documents de Saint-Bénigne de Dijon, op. cit., t. 2, nos 385 et 391.
16 Ibid., no 386. Sur les deux actes de 1096 et la localisation des biens du monasterium, voir F. Neveux, Bayeux et Lisieux, op. cit., p. 66-67.
17 Le stock onomastique comprend Robert, Richard, Guillaume, Raoul, Hugues, Jean, etc.
18 M. Fauroux, Recueil des actes des ducs de Normandie, op. cit., nos 124 et 126. Les signa et la date de ces deux diplômes posent problème mais cela ne modifie en rien nos observations (D. Bates, William the Conqueror, op. cit., p. 105 et n. 53).
19 P. Bauduin, La Première Normandie (xe-xie siècle). Sur les frontières de la haute Normandie. Identité et construction d’une principauté, Caen, Presses universitaires de Caen, 2004, p. 181 et suiv. On sait que les relations entre Richard II et le comte de Blois n’étaient pas bonnes (L. Theis, Robert le Pieux, Paris, Perrin, 2008, p. 169-174). P. Bauduin, « Richard de Normandie : figure princière et transferts culturels (fin xe-début xie siècle) », Anglo-Norman Studies, 37, 2015, p. 53-82, ici p. 74.
20 L. Lex, « Eudes comte de Blois, de Tours, de Chartres, de Troyes et de Meaux (995-1037) et Thibaud son frère (995-1004) », Mémoires de la Société académique du département de l’Aube, 3/28, 1891, p. 191-383, ici p. 206, 210, 211, 238.
21 M. Fauroux, Recueil des actes des ducs de Normandie, op. cit., nos 22 et 59.
22 V. Bourrienne (dir.), Antiquus cartularius ecclesiae Baiocensis, op. cit., t. 1, no XXI. David Bates (D. Bates, William the Conqueror, op. cit., p. 59) propose comme Stéphane Morin (Trégor, Goëlo, Penthièvre. Le pouvoir des Comtes de Bretagne du xie au xiiie siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 59) d’y voir Eudes, comte de Bretagne depuis 1032 et frère d’Alain III de Bretagne. Ce dernier a épousé Berthe, fille d’Eudes II de Blois, entre 1027 et 1030 (S. Morin, Trégor, Goëlo, op. cit., p. 50). Alain III fut un des gardiens du jeune Guillaume quand son père Robert le Magnifique partit pour Jérusalem en 1035 (Orderic Vital, Ecclesiasticae historiae libri XIII, éd. et trad. anglaise par M. Chibnall, The Ecclesiastical History of Ordericus Vitalis, Oxford, Clarendon Press, 1973, t. 4, p. 76). En tout état de cause, cette attribution plausible ne modifie pas notre hypothèse.
23 N. Bulst, Untersuchungen zu den Klosterreformen Wilhelms von Dijon (962-1031), Bonn, Ludwig Röhrscheid Verlag, 1973, p. 69.
24 M. Fauroux, Recueil des actes des ducs de Normandie, op. cit., p. 23, no 17 et n. 20. Saint-Aubert-sur-Orne, dép. Orne, cant. Athis-de-l’Orne, comm. Putanges-le-Lac.
25 Ibid., no 86. Longchamp, dép. Eure, cant. Gisors.
26 V. Gazeau, M. Goullet, Guillaume de Volpiano. Un réformateur en son temps (962-1031). Vita domni Willelmi de Raoul Glaber. Texte, traduction, commentaire, Caen, Publications du CRAHM, 2008, p. 97 et notes pour la parenté.
27 Y. Sassier, Recherches sur le pouvoir comtal en Auxerrois du xe au début du xiiie siècle, Auxerre, Publication de la Société de fouilles archéologiques et des monuments historiques de l’Yonne (Cahiers d’archéologie et d’histoire, 5), 1980, p. 37-38, n. 158.
28 M. Chaume, Les origines du duché de Bourgogne, t. 1 : Histoire politique, Dijon, Jobard, 1925, p. 479 et n. 3 ; P. Bauduin, « Ombres et silences d’un règne : Richard II dans les Gesta Normannorum Ducum de Guillaume de Jumièges », dans C. Jouanno (dir.), Les silences de l’historien. Oublis, omissions, effets de censure dans l’historiographie antique et médiévale, Turnhout, Brepols, 2019, p. 237-273, ici p. 252.
29 S. Lecouteux, « La lettre du prieur R. de la Trinité de Fécamp au prieur Dominique de Saint-Bénigne de Dijon. Un témoin des échanges multiformes au sein des réseaux de confraternité », Revue bénédictine, 127/2, décembre 2017, p. 347-362.
30 S. Lecouteux, Réseaux de confraternité et histoire des bibliothèques. L’exemple de l’abbaye bénédictine de la Trinité de Fécamp, thèse dirigée par C. Jacquemard et A.-M. Turcan-Verkerk, université de Caen Normandie, 2015, t. 1, p. 154-159 et 174-177 et 2, annexe no 6 p. 81-82 (tabl. no 6) et p. 113-115 (carte no 3).
31 Cette appellation n’est pas sans rappeler le précédent du fils du duc Richard III, doté du prénom Nicolas qui n’est pas normand. Nicolas devient en 1042 abbé de Saint-Ouen de Rouen (V. Gazeau, Normannia monastica, op. cit., t. 2, p. 244 et t. 1, p. 188-189 ; V. Gazeau, J. Le Maho, « Les origines du culte de saint Nicolas en Normandie », Rivista del Centro Studi Nicolaiani, 22/1-2, G. Cioffari, A. Laghezza [dir.], Alle origini dell’Europa: il culto di San Nicola tra Oriente e OccidenteI. Italia-Francia, Bari, décembre 2010, Nicolaus Studi Storici, 2011, p. 153-160).
32 B. Schamper, S. Bénigne de Dijon. Untersuchungen zum Necrolog der Handschrift. Bibl. mun. de Dijon, ms. 634, Munich, W. Fink (Münstersche Mittelalter-Schriften, 63), 1989, no C19, p. 236 et no C21, p. 237. Selon L. Lex, Eudes II meurt le 16 et non le 15 novembre.
33 Odo ne pourrait-il pas être Audoenus, Ouen, en souvenir de l’évangélisateur de la Normandie, ou bien encore Eudes de Vermandois (1010-1045) dont la souscription apparaît au bas de diplômes normands (M. Fauroux, Recueil des actes des ducs de Normandie, op. cit., nos 22, 91) ? L’hypothèse d’une parenté entre Herluin de Conteville et Herluin, le chevalier fondateur du Bec né vers 995-997 et frère d’un Odo (J.-H. Foulon, « The Foundation and Early History of Le Bec », dans B. Pohl, L. L. Gathagan [dir.], A Companion to the Abbey of Le Bec in the Central Middle Ages [11th-13th Centuries], Leyde/Boston, Brill, 2018, p. 11-37, ici p. 19) n’est pas à exclure, mais aucun lien entre les deux lignages n’a pu être trouvé. Herluin du Bec meurt en 1078, Herluin de Conteville peu de temps avant 1066. Odon de Bayeux est âgé de quatorze ou dix-neuf ans en 1049, Odon, frère d’Herluin du Bec, donne son accord à la fondation du Bec en 1047. Si Herluin [du Bec] gravite dans la vassalité d’un Richardide, le comte Gilbert de Brionne, un petit-fils du duc Richard Ier de Normandie et un cousin des ducs Richard II et Robert le Magnifique, toutefois, le rang de la famille paraît en deçà des familles de la haute aristocratie normande (ibid.). Si l’on passe en revue d’autres possibilités, on ne peut exclure le modèle du deuxième abbé de Cluny, Odon (927-942), dont se serait imprégné Odon de Bayeux. Isabelle Rosé écrit qu’Odon dans ses œuvres, notamment les Collationes, composés entre 917 et 927, sorte de miroir d’évêque, « évoque la surveillance épiscopale sur les monastères dans le sens unique d’une prédication aux mauvais cénobites, le cantonnement à un rôle d’auxiliaire des religieux pour la collation de certains sacrements » (I. Rosé, Construire une société seigneuriale. Itinéraire et ecclésiologie de l’abbé Odon de Cluny [fin ixe-milieu du xe siècle], Turnhout, Brepols, 2008, p. 408). Odon exalte l’humilité et la chasteté (ibid., p. 410-413). Odon de Bayeux n’aurait-il pas voulu créer dans sa cité un monastère idéal dans lequel il pouvait intervenir selon le modèle préconisé par Odon de Cluny ? Par ailleurs, ce dernier réforma des monastères romains et eut une véritable activité diplomatique à Rome, ce qu’évoquent notamment les Annales de Flodoard mais encore les Collationes, destinées à un évêque. Le pape apparaît « sous les traits de Grégoire le Grand, considéré avant tout comme un modèle épiscopal en raison de son humilité, de sa formation monastique et de sa dévotion envers les pauvres et les pèlerins (I. Rosé, « La présence “clunisienne” à Rome et dans sa région au xe siècle : réformes et ecclésiologie monastiques d’Odon à Maïeul », dans Il monachesimo italiano dall’età longobarda all’età ottoniana [secc. VIII-X]. Atti del VII Covegno di studi storici sull’Italia benedettina – Nonantola [Modena], 10-13 settembre 2003, Cesena, Badia di Santa Maria del Monte, 2006, p. 231-271, ici p. 258). On sait aussi que Maïeul refusa le siège pontifical que lui offrit Otton II. Odon de Bayeux aura baigné dans ce tropisme qu’Isabelle Rosé, à la suite de Patrick Henriet, qualifie de romain (ibid., p. 262). Notons que la bibliothèque de Fécamp possédait effectivement un exemplaire des Annales de Flodoard copié dans le premier quart du xie siècle, sur un modèle comportant les additions laonnoises vraisemblablement apporté en Normandie par Dudon de Saint-Quentin (il s’agit du ms. Vaticano, BAV, Reg. lat. 633). La Vita Odonis de Jean de Salerne était connue à Fécamp : le ms. Paris, BnF, lat. 5290 la contient, aux fol. 71v-110v, mais il s’agit d’une copie du début du xiie siècle. L’abbaye de Saint-Evroult au diocèse de Lisieux, proche de Fécamp par les coutumes monastiques, conservait un manuscrit témoin des Collationes datant du xiiie siècle (G. Nortier, Les Bibliothèques médiévales des abbayes bénédictines de Normandie, Fécamp, Le Bec, Le Mont-Saint-Michel, Saint-Evroul, Lyre, Jumièges, Saint-Wandrille, Caen/Paris, Caron et Cie/P. Lethielleux, 1966, p. 243). L’hypothèse de la perte des Collationes par la bibliothèque de Fécamp ne doit pas être négligée. En tout état de cause, le souvenir des premiers abbés de Cluny à Fécamp et en Normandie est avéré dans la première moitié du xie siècle alors que Guillaume de Volpiano est abbé.
34 Hugues de Flavigny, Chronicon, éd. par Georg Heinrich Pertz, MGH, Scriptores, 8, Hanovre, Hahn, 1848, p. 475.
35 Sur la fondation de Cerisy, voir M. Fauroux, Recueil des actes des ducs de Normandie, op. cit., no 64 ; S. Herrick, Imaging the Sacred Past: Hagiography and Power in Early Normandy, Londres, Harvard University Press, 2007, p. 38-44.
36 V. Gazeau, Normannia monastica, op. cit., t. 1, p. 13-14.
37 N. Gauthier, M. Fixot (dir.), Topographie chrétienne des cités de la Gaule des origines au milieu du viiie siècle, t. 9 : Province ecclésiastique de Rouen (Lugdunensis secunda), Paris, De Boccard, 1996, p. 45-46.
38 Vigor a dû exercer l’épiscopat entre 510 et 537. L. Musset, « Monachisme d’époque franque et monachisme d’époque ducale en Normandie : le problème de la continuité », dans L. Musset (dir.), Aspects du monachisme en Normandie en Normandie (ive-xviiie siècle), Paris, Vrin, 1982, p. 55-74, ici p. 64 ; N. Gauthier, M. Fixot (dir.), Topographie chrétienne, op. cit., p. 45.
39 J. Howe, « The Date of the “Life” of St. Vigor of Bayeux », Analecta Bollandiana, 102, 3-4, 1984, p. 303-312, ici p. 311.
40 Topographie chrétienne, op. cit., p. 40 et 46.
41 Ibid., p. 46.
42 La charte de l’évêque Hugues II dressant, en 1035-1037, la liste des possessions de l’Église de Bayeux ne mentionne pas l’église Saint-Pierre et pas d’église Saint-Vigor (V. Bourrienne [dir.], Antiquus cartularius ecclesiae Baiocensis, op. cit., no XXI).
43 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier (ve siècle-1104), éd. par F. Lot, Paris, Picard, 1894, p. 162-166 ; L. Musset, « Un curieux épisode de l’histoire ecclésiastique du Pays d’Auge au xie siècle : Équemauville et les reliques de saint Vigor », Annuaire des cinq départements de Normandie, 1987, p. 93-95.
44 E. Deslandes, Recherches historiques sur les reliques de saint Vigor, évêque de Bayeux, Bayeux, Impr. Colas, 1920, p. 19-23 ; dom Aubourg, art. cité, p. 334. Deux églises lui sont dédiées en Angleterre qui datent vraisemblablement d’après la conquête : Stratton-on-the-Fosse (Somerset) et Fulbourn (Cambridgeshire). Sur le culte rendu à saint Vigor à la cathédrale de Bayeux, voir U. Chevalier (dir.), Ordinaire et coutumier de l’Église cathédrale de Bayeux (xiiie siècle), Paris, A. Picard, 1902, p. 62, 188, 262 et 415.
45 Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, op. cit., p. 228 ; L. Musset, « Un curieux épisode », art. cité, p. 94 (j’emprunte les termes de L. Musset). Si l’année de la translation demeure inconnue, elle pourrait avoir eu lieu un 14 juillet (voir infra, note 50).
46 M. Fauroux, Recueil des actes des ducs de Normandie, op. cit., no 115. Sur la cession d’Équemauville (dép. Calvados, cant. Honfleur-Deauville) en lien avec les reliques de saint Vigor, voir L. Musset, « Un curieux épisode », art. cité, p. 94 et P. Bauduin, La Première Normandie, op. cit., p. 307.
47 Regesta regum Anglo-Normannorum: the acta of William I, op. cit., no 259 ; Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, op. cit., p. 240-244. Tom Licence montre que dans la Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, on trouve un poème de 27 hexamètres sur saint Vigor, apôtre de la région de Bayeux, sans doute écrit par Folcard, moine hagiographe de Saint-Bertin, présent à la cour anglaise entre 1065 et 1069 (T. Licence, « The Date and Authorship of the Vita Adwardi regis », Anglo-Saxon England, 44, février 2017, p. 259-285, ici p. 276, 283, 284).
48 Il s’agit peut-être de la châsse en bois du xiie siècle conservée encore aujourd’hui dans l’abbaye Saint-Vigor de Cerisy et dont les ressemblances du décor avec ceux des reliquaires représentés sur la Tapisserie de Bayeux sont frappantes.
49 Ordinaire et coutumier de l’église cathédrale de Bayeux (xiiie siècle), op. cit., p. 262, 415, 119.
50 Rouen, BM, ms. 290 (A. 313), fol. 145 : ajouts du début du xve siècle au sacramentaire-missel de Fécamp du xiie siècle ; D. Chadd (dir.), The Ordinal of the Abbey of the Holy Trinity Fécamp (Fécamp, musée de la Bénédictine, Ms 186), Londres, Henry Bradshaw Society, 2002, t. 2, p. 609, n. 5. Sa translation se fête le 14 juillet à Fécamp (ibid., p. 775). L’ordinaire-coutumier de la cathédrale de Bayeux, rédigé au xiiie siècle (voir référence n. 44) ne comporte pas de célébration en l’honneur de saint Bénigne ; Vigor est honoré le 3 novembre.
51 A. G. Remensnyder, Remembering Kings Past. Monastic Foundation Legends in Medieval Southern France, Ithaca/Londres, Cornell University Press, 1995.
52 Abbé Faucon, Essai historique sur le prieuré de Saint-Vigor le Grand, Bayeux, Impr. de A. Delarue, 1861, p. 68.
53 V. Bourrienne, Odon de Conteville, évêque de Bayeux, son rôle au début de la première Croisade, Évreux, Impr. de l’Eure, 1900, p. 13.
54 Dom Aubourg, art. cité, p. 339. Le raisonnement de cet historien tient au fait que Robert de Tombelaine [supérieur] de Saint-Vigor a dû rencontrer Anselme à Avranches et que la rencontre n’a pas pu se placer avant l’arrivée d’Anselme au Bec en 1060. Toutefois, il n’est pas certain qu’Anselme se soit rendu à Avranches (R. W. Southern, Saint Anselm. A Portrait in a Landscape, Cambridge, Cambridge, University Press, rééd. 2000, p. 12 et n. 21). Anselme est entré au Bec en 1059 (ibid., p. 15).
55 L. Musset, « Un prélat du xie siècle, Odon de Bayeux », Art de Basse-Normandie, 76, 1978-1979, p. 12-18, ici p. 16.
56 David Bates qui prend acte de la date indiquée par Bourrienne (1064-1066) mentionne qu’il n’y a aucune raison convaincante de l’adopter (« The Character and Career of Odo, Bishop of Bayeux », art. cité, p. 6).
57 Orderic Vital, Ecclesiasticae historiae libri XIII, op. cit., t. 4, p. 116 : religiosum et sapientem Robertum de Tumbalenia patrem preposuit…
58 Le commentaire sur le Cantique des cantiques écrit par Robert de Tombelaine (PL, 150, col. 1364-1370) a été envoyé à un certain Ansfroi qui doit être le premier abbé de l’abbaye Saint-Pierre-des-Préaux (dép. Eure, cant. Pont-Audemer) entre 1040 et 1078, accompagné d’une lettre-préface (PL, 150, col. 1361-1364). La lettre est celle de frater Robertus. Dans cette lettre : Rogavit me dominus Anastasius, dilectissimus frater et dominus meus, admonuerunt vero cum illo et alii multi, non tantum pensantes mihi innatam stultitiam ; quantum amantes tam secretorum verborum qualemcunque sibi clarere peritiam… (ibid., col. 1363). Trad. : « Le seigneur Anastase m’a sollicité, ce frère si cher et mon seigneur ; beaucoup d’autres avec lui m’ont pressé <de lui obéir ?>, eux qui jugent moins ma sottise naturelle qu’ils aiment que brille leur connaissance quelle qu’elle soit dans des paroles si secrètes (rares) ». Dom P. Quivry et dom J. Thiron datent, sans preuve ni explication, le commentaire des années 1070-1078 (« Robert de Tombelaine et son commentaire sur le Cantique des cantiques », dans R. Foreville [dir.], Millénaire monastique du Mont-Saint-Michel, t. 2 : Vie montoise et rayonnement intellectuel, Paris, Lethielleux, 1993, p. 347-356, ici p. 347 et 354).
59 Orderic Vital, Ecclesiasticae historiae libri XIII, op. cit., t. 4, p. 116 : predictus abbas relictis omnibus perrexit peregre veniensque Romam a Gregorio septimo papa detentus honorifice, usque ad mortem Romanae fideliter servivit ecclesiae. Et ibid., p. 304 : Roberto sophista non Montem sancti Michaelis de periculo maris unde cenobita erat repente… Selon le Gallia christiana (XI, col. 404 E), il serait mort le 25 mai 1085 et aurait donc passé trois ans en Italie au service de la papauté. Mais les auteurs du Gallia confondent la date de la mort de Robert, en réalité inconnue, avec celle du pape Grégoire VII.
60 Orderic Vital, Ecclesiasticae historiae libri XIII, op. cit., IV, p. 116 : novicius grex monachorum dispersus est et quesitis prout quisque potuit sedibus as idem cenobium nunquam reversus est.
61 Ibid., p. 304-306 : nova constructio et imperfecta celeriter dissipata est et concio fidelium quae illuc confluxerat de diversis locis rectore carens cito dispersa est.
62 Ibid., p. 306 : Ricardus itaque unus ex illis divinis in litteris eruditissimus fuit et in tanta devastatione teneri gregis religiosos sophistas quesivit in quorum contubernio dogmatibus almis inherens reverenter habitavit. Littéralement : « Devant un tel ravage subi par son tendre troupeau, il demanda à des sages religieux d’habiter respectueusement en leur compagnie en s’attachant à leurs vénérables enseignements. » L’abbé Faucon mentionne que Richard de Fourneaux devient supérieur en 1087 quand Odon sort de prison, ce qui ne repose sur aucun fondement (Abbé Faucon, Essai historique sur le prieuré de Saint-Vigor, op. cit., p. 72-73). Robert de Tombelaine avait reçu moine dans l’église Saint-Vigor Richard de Fourneaux (ou de Cremelle) qui devint abbé de Saint-Pierre-des-Préaux en 1101 (Orderic Vital, Ecclesiasticae historiae libri XIII, op. cit., t. 4, p. 304). Orderic Vital ne précise pas la date de la réception de Richard à Saint-Vigor (V. Gazeau, Normannia monastica, op. cit., t. 2, p. 233-234 et n. 53). En tout état de cause, le diplôme de Robert Courte Heuse de 1089 ne mentionne pas de supérieur.
63 F. S. Schmitt (dir.), Sancti Anselmi Cantuariensis archiepiscopi opera omnia, Stuttgart/Bad Cannstatt, F. Frommann, rééd. 1984, 2, no 3. Cette lettre est classée parmi les lettres écrites au temps du priorat d’Anselme, entre 1063 et 1078, ce que ne conteste aucun des éditeurs des lettres d’Anselme, mais il n’y a pas de fondement à ce qu’elle soit datée des débuts du priorat (1063-1066) comme le suggère le dernier éditeur des lettres, Samu Niskanen, qui s’appuie sur le fait que cette lettre est la troisième de celles d’Anselme traditionnellement rangées chronologiquement (courrier personnel de juin 2017). La lettre ne put toutefois être écrite qu’avant le départ d’Anastase pour Cluny vers 1067 (voir infra, note 74).
64 Sur Anastase, voir M. Arnoux, « Un Vénitien au Mont-Saint-Michel : Anastase, moine, ermite et confesseur († vers 1085) », Médiévales, 28, printemps 1995, p. 55-78.
65 Si l’on suit Stéphane Lecouteux (« Écrire l’histoire des abbés du Mont-Saint-Michel. 2. Robert de Torigni, ses outils, ses sources et sa méthode de travail », Tabularia « Documents », « Sources en ligne », 2018, p. 1-68, ici, p. 39-40. DOI : 10.4000/tabularia.2973 : après l’acceptation par l’abbé du Mont, Renouf, d’une convention avec l’évêque d’Avranches, convention peu favorable à sa communauté contre l’obtention de sa propre bénédiction abbatiale en 1061, une sédition s’éleva au sein de la communauté montoise au début des années 1060 : un groupe de moines – parmi lesquels figuraient Robert de Tombelaine et Anastase le Vénitien – fit dissidence et se retira sur l’îlot voisin de Tombelaine, accusant le nouvel abbé du Mont d’avoir obtenu son abbatiat par simonie. Suivant cette hypothèse, il faudrait donc placer l’accession de cet abbé Renouf au moment de la rédaction de cette convention, soit en 1061 plutôt qu’en 1060.
66 The Letters of Saint Anselm of Canterbury, éd. et trad. en américain par W. Fröhlich, Kalamazoo, Cistercian Publications (Cistercian Studies, 96), 1990-1994, p. 80. Le traducteur français Henri Rochais ne propose aucune datation (L’œuvre de S. Anselme de Cantorbéry, t. 6 : Lettres 1 à 147 [Priorat et l’abbatiat au Bec], Paris, Cerf, 2004, no 3).
67 Malgré l’absence de vestiges, dom Aubourg s’appuie sur des plans (Monasticon gallicanum, Paris, V. Palmé, 1871, planche 103, et plans dressés par les Mauristes), art. cité, p. 342-344. Selon cet historien, l’église était du type des grandes églises romanes normandes. Voir aussi l’étude de l’archéologue T. Rowley, The Man behind the Bayeux Tapestry. Odo, William the Conqueror’s Half-Brother, Stroud, The History Press, 2013, p. 57.
68 Regesta regum Anglo-Normannorum: the acta of William I, op. cit., no 162. L’occurrence « monasteriolum » est unique parmi les 8 500 actes de la base de données SCRIPTA (Site caennais de recherche et de publication de textes anciens).
69 PL, 150, col. 1370C-1378D. Sur cette lettre – qui narre la vision d’un jeune moine épileptique de Saint-Vigor – voir C. Jacquemard, « De Roberto et eius somniatore : un désaveu infligé à Robert de Tombelaine par Jean d’Ivry et Lanfranc ? », Cahier des Annales de Normandie, 37, Sur les pas de Lanfranc, du Bec à Caen, 2018, p. 563-573.
70 H. Clover, M. Gibson (dir.), The letters of Lanfranc archbishop of Canterbury, Oxford, Clarendon Press (Oxford Medieval Texts), 1979, no 17. Lettre traduite par C. Jacquemard, dans « De Roberto et eius somniatore », art. cité, p. 572-573.
71 PL, 149, col. 423-434.
72 Ibid., col. 428B.
73 Ibid. : aliquanto tempore.
74 A. Kohnle, Abt Hugo von Cluny (1049-1109). Annexe 2 : « Das Itinerar des Abtes Hugo », Sigmaringen, J. Thorbecke (Beihefte der Francia, 23), 1993, p. 301. L’auteur ne nie pas les réserves qu’il convient d’avoir sur la date, s’appuyant sur la notice ; P. Fournier s. v. « Anastase », dans DHGE, Paris, Letouzey et Ané, 1914, t. 2, col. 1469.
75 H. E. J. Cowdrey, Lanfranc Scholar, Monk, and Archbishop, Oxford, Oxford University Press, 2003.
76 L. Musset, Les actes de Guillaume le Conquérant et de la reine Mathilde pour les abbayes caennaises, Caen, Caron et Cie, 1967, nos 3, 4, 7, 13, 14, 19.
77 Orderic Vital, Ecclesiasticae historiae libri XIII, op. cit., t. 3, 1972, p. 10-12 ; L. Musset, Les actes de Guillaume le Conquérant, op. cit., p. 14-15, no 3, p. 58.
78 Orderic Vital, Ecclesiasticae historiae libri XIII, t. 3, p. 10 ; J.-M. Bouvris, « La dédicace de l’Église Cathédrale Notre-Dame de Bayeux (14 juillet 1077) », Société des sciences, arts et belles-lettres de Bayeux, 28, 1982, p. 1-16. Convenons que Lanfranc n’est pas venu en Normandie que pour cette dédicace. En outre, les deux hommes d’Église collaborent aussi (M. Baylé, « Les évêques et l’architecture normande au xie siècle », dans Les évêques normands du xie siècle, op. cit., p. 151-172, ici p. 167-172 ; D. Spear, « The School of Caen Revisited », The Haskins Society Journal, 4, 1992, p. 55-66).
79 J.-F. Lemarignier, Étude sur le privilège d’exemption, op. cit., p. 143.
80 Ainsi que le suggère nettement l’article de C. Jacquemard (voir note 69).
81 Le Gallia christiana indique que cinq moines sont venus du Mont-Saint-Michel à Saint-Vigor de Bayeux au moment de la fondation (Gallia christiana, XI, col. 406C). Lucien Musset a vu qu’après 1070, Odon n’accepte pas que son demi-frère mise sur Lanfranc (L. Musset, « Un prélat du xie siècle, Odon de Bayeux », art. cité, p. 16).
82 M. Fauroux, Recueil des actes des ducs de Normandie, op. cit., no 231.
83 E. M. C. van Houts, « The Ship List of William the Conqueror », Anglo-Norman Studies, 10, 1987, p. 159-183, ici p. 179.
84 Sur l’abbé Gilbert de Caen, voir V. Gazeau, Normannia monastica, op. cit., t. 2, p. 44-47. Sur le poème de Serlon : Invectio ejusdem Serlonis in Gislebertum abbatem Cadomi, dans T. Wright (dir.), The Anglo-Latin Satirical Poets and Epigrammatists, Londres/Oxford, Longman/Parker (Rerum Britannicarum Medii Aevi Scriptores, 59), 1872, p. 251-254. Le portrait élogieux d’Odon se trouve dans le poème Sidereos cives, ibid., p. 254. Voir aussi E. van Houts, « The Fate of the Priests’ Sons in Normandy with Special Reference to Serlo of Bayeux », The Haskins Society Journal, 25, 2013, p. 57-105 ; M.-A. Lucas-Avenel, E. D’Angelo, « Vers une nouvelle édition des poèmes de Serlon de Bayeux », Tabularia, Autour de Serlon de Bayeux : la poésie normande aux xie-xiie siècles. DOI : 10.4000/tabularia.2897
85 D. Bates, William the Conqueror, op. cit., p. 441.
86 J.-H. Foulon, « Les investitures abbatiales en Normandie : quelques réflexions autour du cas de l’abbaye du Bec-Hellouin (1034-1136) », Anglo-Norman Studies, 35, 2013, p. 181-212, ici p. 201 et n. 99-100. La seule ambiguïté dans le cas de Saint-Vigor est que le fondateur est l’évêque lui-même. Mais cela revient de toute façon à garder la fondation sous un étroit contrôle épiscopal, qui est la politique globale du corps épiscopal normand.
87 G. Chevrier, M. Chaume, Chartes et documents de Saint-Bénigne de Dijon, op. cit., p. 160 : la bulle de Pascal II (ibid., no 401) ne sanctionne pas cette clause, en revanche la depositio Odonis (ibid., no 390) l’enregistre.
88 Voir note 15.
89 François Neveux évoque une annexe du groupe cathédral (Bayeux et Lisieux, op. cit., p. 65, n. 331).
90 D. Spear, The Personnel of the Norman Cathedrals during the Ducal Period, 911-1204, Londres, University of London, 2006, p 57 ; V. Bourrienne (dir.), Antiquus cartularius ecclesiae Baiocensis, op. cit., t. 1, no XXII ; un Anschetillus de Sancto Vigore est présent dans une charte d’Achard évêque d’Avranches en 1164, et il est dit qu’il est prêtre (presbiter ; vir grandaevus) de l’ecclesia Baiocensis depuis plus de trente ans (ibid., no XLIX) ; pour l’index de Bourrienne, c’est le même homme (ibid., t. 2, p. 475). Dans le titulus de Saint-Vigor sur le rouleau de l’abbesse Mathilde de la Trinité de Caen (passé à Saint-Vigor peu après le 6 juillet 1113), on trouve les noms de plusieurs moines défunts dont celui d’un Anschitillus qui pourrait bien être cet homme (J. Dufour, Recueil des rouleaux des morts [viiie siècle-vers 1536], I, viiie-1180, Paris, Académie des inscriptions et belles-lettres, 2005, p. 402).
91 D. Spear, The Personnel of the Norman Cathedrals, op. cit., p. 62 : charte de Philippe de Harcourt du 23 janvier 1162 (V. Bourrienne [dir.], Antiquus cartularius ecclesiae Baiocensis, op. cit., t. 1, no CXXVII) et de Henri II du 30 novembre 1169 (ibid., no LXV), etc. Ce Guy est dit Guy de Reims dans l’index de V. Bourrienne (ibid., t. 2, p. 405). Un certain prêtre Thomas de Saint-Vigor apparaît avec le clergé de Bayeux le 24 septembre 1164 (ibid., t. 1, no CXXVIII) et le 24 février 1166 (ibid., t. 1, no CXXIX).
92 Lucien Musset, « Un prélat du xie siècle, Odon de Bayeux », art. cité, p. 15. David Spear ne retient pas le moine Robert.
93 Voir supra, note 59.
94 D. Bates, « Le patronage clérical et intellectuel de l’évêque Odon de Bayeux (1049/50-1097) », dans S. Lemagnen (dir.), Chapitres et cathédrales en Normandie. Annales de Normandie, série des Congrès des sociétés historiques et archéologiques de Normandie, Caen, 1997, 2, p. 105-114.
95 Voir la référence note 69, à l’article de Catherine Jacquemard.
96 Voir supra note 81.
97 Jacques Dubois, « Le trésor des reliques du Mont-Saint-Michel », dans J. Laporte (dir.), Millénaire monastique du Mont-Saint-Michel, t. 1 : Histoire et vie monastique à l’abbaye, Paris, Lethielleux, 1967, p. 501-593, ici p. 524-525. Si ces reliques furent apportées au Mont au xiie siècle, le choix de l’abbaye montoise n’est peut-être pas un hasard.
98 Orderic Vital n’écrit-il pas que les moines de Saint-Vigor venaient de différents lieux ? (voir supra note 60).
99 V. Gazeau, Normannia monastica, op. cit., t. 2, p. 61.
100 M. Arnoux, « Un Vénitien au Mont-Saint-Michel », art. cité, p. 61-62.
101 Voir supra note 60. Regesta regum Anglo-Normannorum: the acta of William I, op. cit., no 89.
102 N. P. Brooks, H. E. Walker, « The Authority and Interpretation of the Bayeux Tapestry », Anglo-Norman Studies, 1, 1979, p. 1-34, ici p. 15-16. Les auteurs rapprochent la scène du banquet (scène 43) et celle d’un manuscrit de Saint-Augustin de Cantorbéry.
103 Notamment P. Bouet, B. Levy, F. Neveux (dir.), La tapisserie de Bayeux. L’art de broder l’histoire, Caen, Presses universitaires de Caen, 2004.
104 E. Carson Pastan, S. D. White, The Bayeux Tapestry and Its Contexts. A Reassessment, Woodbridge, The Boydell Press, 2014. Scolland est un des quatre moines du Mont-Saint-Michel devenus abbés d’une abbaye en Angleterre après 1066. Il est inscrit sur le titulus du Mont-Saint-Michel rédigé sur le rouleau de l’abbesse Mathilde (après le 6 juillet 1113), J. Dufour, Recueil des rouleaux des morts (viiie siècle-vers 1536), op. cit., t. 1, p. 441.
105 H. B. Clarke, « The Identity of the Designer of the Bayeux Tapestry », Anglo-Norman Studies, 35, 2013, p. 119-139. Il utilise les mots français « artiste » et « scénariste » comme traduction de designer (ibid., p. 122).
106 Odon est un bienfaiteur de Saint-Augustin dont les moines recherchent les conseils sur les transferts de reliques. Il est inscrit au 4 janvier dans l’obituaire de cette abbaye (H. B. Clarke, « The Identity of the Designer of the Bayeux Tapestry », art. cité, p. 123). Par ailleurs, les deux personnages Wadard et Vital généralement considérés comme des tenants d’Odon ont des liens avérés avec Scolland et Saint-Augustin (ibid., p. 132) puisqu’ils sont membres de sa confraternité et inscrits dans son martyrologe (ce qu’observent également E. Carson Pastan et S. D. White, The Bayeux Tapestry and its Contexts, op. cit., p. 98-99).
107 H. B. Clarke, « The Identity of the Designer of the Bayeux Tapestry », art. cité, p. 127.
108 The Ecclesiastical History of Ordericus Vitalis, op. cit., t. 2, p. 248 : famosus abbas scientia et bonitate pollens praelatus est Scollandus.
109 M. Bourgeois-Lechartier, « À la recherche du scriptorium de l’abbaye du Mont-Saint-Michel », dans J. Laporte (dir.), Millénaire monastique du Mont-Saint-Michel, t. 2, op. cit., p. 180, 194 ; F. Avril, « La décoration des manuscrits au Mont-Saint-Michel », dans ibid., p. 205-206 ; H. B. Clarke, « The Identity of the Designer of the Bayeux Tapestry », art. cité, p. 130, n. 80, p. 131.
110 Ibid., n. 83, p. 131.
111 D. Knowles, C. N. L. Brooke, V. London (dir.), The Heads of Religious Houses of England and Wales, Cambridge, University Press, 1972, p. 36. Scolland fut vraisemblablement nommé lors du concile de Pentecôte à Windsor, avant l’arrivée de Lanfranc (H. E. J. Cowdrey, Lanfranc Scholar, Monk, and Archbishop, op. cit., p. 168).
112 Notamment en matière de copie de manuscrits, voir E. Carson Pastan, S. D. White, The Bayeux Tapestry and its Contexts, op. cit., p. 124, n. 96 pour les références.
113 H. B. Clarke, « The Identity of the Designer of the Bayeux Tapestry », art. cité, p. 132.
114 Ibid., p. 133.
115 H. E. J. Cowdrey, Lanfranc Scholar, Monk, and Archbishop, op. cit., p. 168.
116 E. Carson Pastan, S. D. White, The Bayeux Tapestry and its Contexts, op. cit., p. 271.
117 R. Gameson, « The Origin, Art, and Message of the Bayeux Tapestry », dans R. Gameson (dir.), The Study of the Bayeux Tapestry, Woodbridge, The Boydell Press, p. 157-211, ici p. 172 et n. 78.
118 Parmi eux, F. Rede Fowkes, The Bayeux Tapestry: a History and Description, 1875, Londres/New York, G. Bell and Sons, rééd. 1913, p. 58. Les auteurs qui ont écrit que les moines du Mont avaient peuplé Saint-Vigor s’appuient sur le passage du Gallia christiana (voir note 81).
119 Selon la formule de David Bates (William the Conqueror, op. cit., p. 445).
120 E. Carson Pastan, S. D. White, The Bayeux Tapestry and its Contexts, op. cit., p. 270.
121 G. Waitz (dir.), Annales Sancti Benigni Monasterii Divionensis, MGH, Scriptores, V, Berlin, 1844, p. 41. Rappelons que Guillaume de Volpiano meurt en 1031 au moment où Odon voit le jour, à moins que ce soit quelques années plus tôt.
122 Observons la donation du frère d’Odon, Robert comte de Mortain, au prieuré du Mont-Saint-Michel, Saint-Michael’s Mount en Cornouaille : la première version de la charte de donation qui indique que Robert a porté la bannière de saint Michel lors de la bataille de Hastings peut être datée d’env. 1070 (D. Bates, Regesta regum Anglo-Normannorum: the acta of William I, op. cit., no 213, et p. 666).
123 On peut aussi envisager que Saint-Vigor ait été fondé peu de temps après 1068 (après le 14 juillet 1068 ?) et que son premier supérieur ait pris les rênes de la nouvelle maison vers 1070/1073. Dans de nombreux cas, les débuts d’une abbaye (en l’occurrence du monasterium) sont précaires et l’arrivée d’un abbé (ici d’un prieur) n’a lieu qu’au bout de quelques années pour la Normandie, V. Gazeau, Normannia monastica, op. cit., t. 1, p. 22-26. Observons encore que c’est en janvier 1068 que Saint-Étienne de Caen obtint la bulle pontificale qui cristallisa la rivalité entre Lanfranc et Odon.
124 Selon la formule de H. B. Clarke, « The Identity of the Designer of the Bayeux Tapestry », art. cité, p. 127.
125 En donnant Saint-Vigor à Saint-Bénigne de Dijon, Odon considérait le monasterium comme une dépendance de la cathédrale de Bayeux ou comme son bien propre.
126 David Bates considère que le développement de Caen n’est alors pas très avancé (D. Bates, William the Conqueror, op. cit., p. 160-161).
127 Voir le dossier dans D. Bates, William the Conqueror, op. cit., p. 441-445. L’ambition d’Odon repose sur une lettre de Bérenger de Tours à Odon (ibid., p. 441, n. 72).
128 Le pape Lucius III (1181-1185) écrivit à l’évêque d’Avranches et à l’archidiacre Guillaume du même diocèse ainsi qu’à l’abbé prémontré de La Lucerne pour qu’ils recherchent si les revenus du monastère de Saint-Vigor permettraient d’y établir un abbé nommé par l’abbé de Saint-Bénigne de Dijon et choisi parmi ses religieux (V. Bourrienne [dir.], Antiquus cartularius ecclesiae Baiocensis, op. cit., t. 1, no CLXVII). Lorsque, seul, Orderic Vital évoque Robert de Tombelaine comme abbé de Saint-Vigor en 1082, il se trompe mais il écrit au début du xiie siècle. L’information du moine d’Ouche n’est pas toujours fiable. Le rouleau mortuaire de l’abbesse Mathilde de la Trinité de Caen (1113) passe par Saint-Vigor au début de son périple et outre Odon évêque, la liste des moines défunts comprend un prieur Gui, douze moines dont Gaufridus, qui devint prieur de Saint-Bénigne de Dijon (J. Dufour, Recueil des rouleaux des morts [viiie siècle-vers 1536], op. cit., t. 1, p. 402).
129 Il convient d’observer que la rivalité entre les deux prélats devait être assez personnelle, puisqu’on ne trouve rien de tel entre Lanfranc et l’archevêque de Rouen, Guillaume Bonne Âme, même s’il est vrai que ce dernier remplaça Lanfranc à la tête de Saint-Étienne de Caen en 1070 (D. Spear, « Lanfranc et Guillaume Bonne-Âme : vies parallèles », dans J. Barrow, F. Delivré, V. Gazeau [dir.], Autour de Lanfranc [1010-2010]. Réforme et réformateurs dans l’Europe du Nord-Ouest [xie-xiie siècle], Caen, Presses universitaires de Caen, 2015, p. 153-165).
130 Scolland est inscrit au 9 septembre dans le martyrologe-nécrologe du Mont-Saint-Michel : Scollandus Sancti Augustini abbas, Avranches, Bibl. patrimoniale, ms. 214, p. 136.
131 William Thorne’s Chronicle of Saint Augustine’s Abbey, Canterbury, éd. et trad. par A. H. David, Oxford, B. Blackwell, 1934, p. 345-346.
132 Si Scolland put recouvrer des biens perdus par Saint-Augustin avec l’aide du roi et de Lanfranc et parfois en présence d’Odon (D. Bates, Regesta Anglo-Normannorum: the acta of William I, op. cit., no 83 – donné le jour de la dédicace de la cathédrale de Bayeux, Odon étant témoin – et no 88), si Lanfranc et Scolland établirent un modus vivendi (H. E. J. Cowdrey, Lanfranc Scholar, Monk, and Archbishop, op. cit., p. 171), plusieurs frictions s’élevèrent notamment lorsque Lanfranc voulut promouvoir le culte de saint Grégoire le Grand (P. Hayward, « Gregory the Great as “Apostle of the English” in Post-Conquest Canterbury », Journal of Ecclesiastical History, 55, 2004, p. 19-57 ici p. 36-38).
133 Gaston Aubourg, L’église du prieuré de Saint-Vigor-le-Grand, ordre de saint Benoît (fouilles de juillet 1938), Caen, Société d’impression de Basse-Normandie, 1939.
Auteur
CRAHAM
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