L’abbaye de Micy et le pouvoir épiscopal au prisme des construction et déconstruction du discours hagiographique (ixe-xie siècle)
p. 21-38
Texte intégral
1L’abbaye de Micy se situe à quelques kilomètres d’Orléans, sur la rive gauche de la Loire. Dès ses origines, elle suscite l’intérêt des évêques d’Orléans tant en raison de sa situation stratégique sur la Loire et de sa maîtrise des circulations fluviales que par l’importance de ses possessions territoriales. La renommée de l’abbaye est également d’ordre intellectuel et culturel puisque son scriptorium voit sortir nombre d’œuvres littéraires et hagiographiques, ce qui a permis à Charles Vulliez de parler de « concurrents sérieux à Fleury1 ». Cette production hagiographique de l’abbaye de Micy de la fin du ixe siècle au milieu du xie siècle constitue une source importante à la fois pour l’histoire de l’abbaye mais aussi pour appréhender les relations qu’entretenaient les moines de Micy avec le pouvoir épiscopal orléanais.
2L’histoire de Micy a d’abord été retracée par Eugène Jarossay2 au tout début du xxe siècle puis par Albert Poncelet dans son article synthétique sur les saints de Micy3 et enfin, plus récemment, par Thomas Head dans son étude sur le culte des saints dans le diocèse d’Orléans4. Il ne s’agit pas ici de revenir sur cette histoire mais d’éclairer les rapports complexes qu’entretenaient les moines de Micy avec l’évêque d’Orléans au prisme de leur production hagiographique. Dans le cadre de la réflexion déjà bien amorcée sur les relations entre évêques et communautés religieuses, je m’attacherai à analyser comment se traduisent ces relations dans l’hagiographie issue de Micy. Quelle mémoire des évêques ont-ils façonnée ? Comment cette dernière se traduit-elle dans le discours hagiographique ? Dans quelle mesure l’hagiographie devient-elle une arme, un moyen de pression pour les moines afin d’agir et de limiter les prétentions de l’évêque ?
3Pour aborder ces questions, je m’appuierai principalement sur deux dossiers hagiographiques, ceux de saint Avit et de saint Mesmin, même si ce dernier sera plus particulièrement au centre de cette étude. En effet, ces deux exemples comptent parmi les plus célèbres dossiers hagiographiques de Micy5, composés de textes écrits entre le viie et le xie siècle. Ils permettent de comprendre le mécanisme de réécriture à la fois de la mémoire de la fondation mais aussi de l’histoire de l’abbaye mise au service du combat des moines pour leur émancipation du giron épiscopal.
4Le dossier hagiographique de saint Avit se compose de trois premières vitae dont l’origine serait, selon Albert Poncelet, orléanaise6. La première Vie du saint (BHL 879)7 est utilisée par Raban Maur (840-856), ce qui lui donne une date ante quem8. Les deux autres recensions (BHL 8819 et 88010) sont un peu plus récentes mais antérieures au xie siècle. Ce dossier hagiographique n’est pas en lien direct avec Micy, mais il contient la première mention de l’abbaye et c’est en partie sur lui que repose la tradition hagiographique concernant saint Mesmin.
5Le dossier hagiographique de saint Mesmin11, étroitement lié à celui de saint Avit, se compose de trois vitae écrites à Micy. La première est l’œuvre d’un moine nommé Bertold et dédicacée à Jonas, évêque d’Orléans (818-843)12. La deuxième, restée anonyme et dédicacée, cette fois-ci, à Charles le Chauve, mentionne Jonas comme un défunt, ce qui confirme sa postériorité mais seulement de quelques années13. Enfin, la troisième Vie de saint Mesmin, accompagnée d’un recueil de miracles, est l’œuvre de Létald et retrace, d’une manière engagée, l’histoire de l’abbaye depuis sa fondation par Clovis14 jusqu’à l’époque contemporaine de l’auteur. Elle constitue une source essentielle pour l’histoire de l’abbaye notamment pour la fin du xe et le début du xie siècle. En effet, celle-ci tente, dès le milieu du ixe siècle, mais plus intensément encore à partir du milieu du xe siècle, de sortir du giron épiscopal. Dès lors, les rédactions successives de la Vie du saint patron participent de cet objectif notamment sur trois points : la réécriture de la fondation de l’abbaye qui devient alors une fondation royale ; la mise en avant de figures épiscopales anciennes et bienfaitrices ; l’affirmation de la figure du saint patron comme le défenseur privilégié de sa communauté, notamment contre les abus des évêques et des abbés.
Et Micy devint une fondation royale !
6À partir du ixe siècle et de la « re-fondation » de Micy par Théodulfe15, il semble que l’une des préoccupations majeures des moines de l’abbaye ait été de faire sortir cette fondation de la tradition épiscopale. La toute première mention de l’abbaye de Micy connue à ce jour apparaît dans la première Vie de saint Avit qui date d’avant 840-856, mais il n’y est fait aucune mention des conditions de sa fondation. Dans la seconde Vie de saint Avit, l’auteur mentionne Micy comme étant une fondation d’Eusèbe, évêque d’Orléans16, ce qui conduit Albert Poncelet à placer la production de ce texte à Orléans, dans un contexte épiscopal17. Enfin, l’auteur de la troisième Vie reprend cette même tradition18. Cependant, ce cycle hagiographique composé des trois premières Vies du saint doit être rattaché au développement de la tradition de la fondation de la collégiale Saint-Avit et de la promotion de son tombeau19 orchestrée par l’évêque et la communauté canoniale : l’attribution de la fondation de Micy à l’évêque n’a donc rien d’étonnant.
7Dans ces trois versions de la fondation de Micy, l’abbaye est placée sous l’autorité de l’évêque et celui-ci use clairement de son droit de nommer l’abbé puisqu’il est écrit : « le monastère de Micy est tout près de la ville d’Orléans, placé sous la juridiction de la mère-église Sainte-Croix et distant de trois miles. Ici, saint Mesmin fut placé à la tête de l’ordre des moines par Eusèbe, l’évêque d’Orléans20 ». C’est d’ailleurs cette tradition que semble connaître Théodulfe, évêque d’Orléans à la fin du viiie siècle (env. 790-818) lorsqu’il restaure l’abbaye : dans l’un de ses poèmes adressé à Benoît d’Aniane, il écrit qu’une abbaye a existé et que Mesmin était son abbé21.
8L’œuvre de Bertold, dès le ixe siècle, altère définitivement le récit de la fondation de Micy. Sa composition est à mettre en lien avec la translation des reliques de saint Mesmin à Micy autorisée par Jonas d’Orléans – ce qui explique la dédicace de l’œuvre à l’évêque – et par Louis le Pieux. Bertold entreprend alors la rédaction d’une Vita nécessaire à la mise en place de son culte à Micy. À cette occasion, une première rupture avec la tradition s’opère22 : la fondation de Micy est alors principalement attribuée à Clovis en ces termes : « embrassant Euspice et Mesmin et le réclamant instamment de sa propre main, il les recommanda au vénérable homme Eusèbe, prélat de la cité pour leur protection et leur défense23 ». Dans cette formule, le rôle de l’évêque est limité à l’exécution d’un ordre royal mais apparaît bel et bien comme le protecteur de l’abbaye24. Dans la seconde Vie anonyme, l’auteur conserve cette même tradition. Il y insiste sur le fait que Micy est une fondation royale, attribuée à Clovis, qui, sur la demande d’Euspice et de Mesmin, octroie un fundus – que l’auteur précise comme étant une possession royale – ainsi que d’autres droits, dont celui de pêcher pour l’établissement d’une communauté monastique à Micy. Clovis demande alors à l’évêque de faire appliquer cette décision royale renforcée précise-t-on, par la rédaction de chartes25. Ainsi, dans ces deux premières Vies de saint Mesmin, le récit de fondation est suivi de la mention de chartes octroyées par Clovis dans lesquelles sont mentionnées les différentes donations (chartae mandatum est sub nomine regis)26 et le fait que la terre sur laquelle est fondée l’abbaye appartient à Clovis (ejus proprio iuri).
9Chez Létald, dans le dernier tiers du xe siècle, le récit de la fondation est limité au strict nécessaire. Dès le prologue, il rappelle que c’est Clovis qui est à l’origine de la fondation (incipiens a Chlodoveo)27. Les deux premiers chapitres sont consacrés à l’éloge du roi chrétien et au siège de Verdun qui conduit à la rencontre d’Euspice et Mesmin avec Clovis (récit auquel l’auteur semble d’ailleurs n’accorder que peu de crédit). La fin du second chapitre mentionne alors la donation de Clovis et le précepte royal octroyé28. Le rôle de l’évêque Eusèbe est totalement passé sous silence.
10C’est cette même tradition qui, désormais, est retenue dans les actes de la pratique, dont les plus anciens sont des faux postérieurs au ixe siècle. L’abbaye de Micy est dès lors mentionnée comme étant une fondation royale. Cependant, il faut toutefois souligner que la réécriture des récits de fondation n’est en rien une originalité et que, plus celle-ci est ancienne et prestigieuse, mieux c’est, ce qui fait de Clovis un candidat idéal29.
11Il faut alors constater l’évidence : l’entreprise est un succès ! En à peine un siècle, la tradition de la fondation de Micy a été renouvelée. Ainsi, c’est la construction de récits hagiographiques qui a permis de faire de Micy une fondation royale, tout en éliminant progressivement l’action épiscopale. Pour preuve de la manipulation des sources et de la volonté de réécrire les origines, sur un manuscrit du xie siècle relatant la troisième Vie de saint Avit (BHL 880), la mention du fondateur du monastère a fait l’objet d’un grattage : on a substitué Chlodoveo primo rege Francorum Christianissimo au texte original qui paraît avoir été ab Eusebio Aurelianensis ecclesiae pontifice, mention qui correspond au texte d’origine de la deuxième Vie du saint (BHL 881)30.
Des actions épiscopales minimisées mais bienfaitrices
12Mais le militantisme des écrits hagiographiques concernant saint Mesmin pour l’émancipation de l’abbaye ne s’arrête pas là. Dans les différentes vies successives du saint, on voit se mettre en place une mémoire épiscopale particulière. En effet, il est intéressant de noter que les évêques apparaissent de manière ponctuelle au fil des récits hagiographiques. Cette faible représentation n’est en soi pas étonnante si nous considérons le fait que les sources que nous étudions ici sont des sources monastiques, n’ayant pas pour vocation de traiter de chacun des épiscopats qui se sont succédé sur le siège d’Orléans. Pour autant, le choix des évêques mentionnés dans chacune des Vies de saint Mesmin n’est en rien dû au hasard et répond, consciemment ou inconsciemment, à l’idée de plus en plus insupportable d’une action épiscopale dans les affaires de l’abbaye.
13Nous l’avons vu, le rôle de l’évêque Eusèbe (env. 500-env. 525) dans la tradition hagiographique de saint Mesmin est timidement associé à la fondation de l’abbaye et tend à s’amoindrir, voire à disparaître dans la suite du récit. Tandis que, dans la première Vie de Bertold, il joue un rôle important, notamment dans la consolation de Mesmin après la mort de son oncle Euspice et dans son ordination31 quelques décennies plus tard, Létald passe totalement sous silence l’action de l’évêque et en oublie jusqu’à son nom. Il ne reprend d’ailleurs pas le récit de la dédicace de l’église par Eusèbe, ni même ses liens avec Mesmin. Le nom de l’évêque n’est mentionné qu’une seule fois, lors des funérailles de saint Mesmin auxquelles il officie.
14De même, le second évêque mentionné est Sigobert, évêque vers 670, soit presque deux siècles après Eusèbe. Dans les deux premières Vies de saint Mesmin, il est mentionné comme un évêque construisant une nouvelle église, juste à côté de Saint-Aignan afin d’y déposer les reliques de saint Mesmin32. D’après ce texte, les reliques du saint patron ne seraient donc pas à Micy mais à Orléans. Cet état de fait ne semble plus être en adéquation avec les pratiques du xe siècle. En effet, Létald modifie subtilement cet élément : dans son récit, Sigobert fait don à Micy de cette église, bâtie sur son propre champ et dotée de biens33. Par cette mention, l’évêque devient, sous la plume de l’hagiographe, un bienfaiteur de l’abbaye de Micy et d’une certaine manière restitue à la communauté, avant la translation opérée par Jonas, les reliques de son saint patron.
15Le troisième évêque mentionné par les trois textes est Théodulfe (787-818) qui procède à la restauration du monastère de Micy34. Mais dans les sources hagiographiques relatives à saint Mesmin, les auteurs tendent à minimiser son action envers le monastère. Bertold ignore simplement son intervention. L’auteur de la seconde Vie remédie brièvement à cet oubli en mentionnant la décadence de l’abbaye due aux incursions des Aquitains et la restauration de Théodulfe qui impose des moines venus de Septimanie35. Létald reprend le même récit auquel il ajoute la construction d’une basilique à Germigny36.
16Enfin, le dernier évêque mentionné est Jonas d’Orléans (818-843). La première « bonne action » de l’évêque soulignée par les hagiographes est l’abandon de sa charge abbatiale qu’il confie à Heriricus qualifié par tous de pater venerabilis et plus tard, par Létald, de cultor ferventissimus monastici ordinis. La seconde bonne action est la translation des reliques du saint patron à Micy, mais les différents récits en attribuent le mérite à Louis le Pieux. Ainsi, dans la Vie écrite par Bertold, l’auteur écrit que c’est à la demande de Louis le Pieux, sur la prière de l’abbé et des moines, que Jonas procède à la translation des reliques de saint Mesmin à Micy37. Dans la seconde Vie, les moines et l’abbé s’adressent d’abord à Jonas puis à Louis le Pieux qui juge en faveur de l’abbaye. Jonas accepte alors « volontairement » de procéder à la translation des reliques38 en présence de l’archevêque de Sens, de vénérables abbés, du clergé, des moines et des chanoines, et du peuple39. Létald reprend ces mêmes éléments tout en minimisant subtilement le rôle de Jonas qui, selon lui « a été convoqué » (evocato) par Louis le Pieux40. Si le rôle de Jonas en tant qu’évêque d’Orléans n’est que peu valorisé, il est toutefois intéressant de souligner l’intérêt de Létald pour son action politique et ecclésiastique puisqu’il mentionne notamment son combat contre Claude de Turin, exégète et partisan de l’iconoclasme. Selon l’hagiographe, Jonas d’Orléans le dénonce comme hérétique et appelle à l’autodafé. Létald raconte que Jonas fit brûler le livre présent à Micy mais que celui-ci fut retrouvé intact par la suite41.
17À travers ces trois passages, nous constatons bien une certaine évolution dans la conception monastique du rôle que le « bon » évêque doit jouer. Le peu d’intérêt porté à l’œuvre de rénovation de Théodulf puis la vision du rôle de Jonas d’Orléans dans la translation des reliques de saint Mesmin qui tend à passer au second plan au profit de l’action de Louis le Pieux42, viennent bien renforcer l’idée que les moines de Micy, dès la seconde moitié du ixe siècle, tentent de sortir du giron épiscopal, ce qui se traduit notamment par l’écriture d’une mémoire du bon évêque : celui qui renonce à sa charge d’abbé en faveur d’un homme vénérable et qui favorise l’abbaye. Cette réécriture de la mémoire épiscopale est d’autant plus engagée et militante que les relations entre l’évêque et l’abbaye se tendent au cours du xe siècle.
18La translation des reliques de saint Mesmin et l’épiscopat de Jonas achèvent les deux premières Vies du saint patron. Seule l’œuvre de Létald permet de connaître la suite de l’histoire de l’abbaye, qui, à en croire son auteur, se résume à un enchaînement d’évêques et d’abbés simoniaques.
La simonie des évêques : le discours ambigu de Létald sur la nomination d’abbés imposés par l’évêque
19Le traitement des évêques carolingiens reste donc orienté vers la « bonne figure épiscopale » et ne concerne que leurs « bonnes actions » envers l’abbaye. Cela contraste fortement avec celui que Létald réserve aux évêques de l’époque capétienne, plus proche de son temps. Il faut cependant souligner que ce n’est pas la personne elle-même de l’évêque qui est discutée mais bien l’autorité que celui-ci entend exercer sur l’abbaye. Ainsi, la libre élection de l’abbé par les moines va être l’un des chevaux de bataille de Létald. Afin d’appuyer son propos, il prend ainsi soin de mentionner la succession de Mesmin prise par Euspice à la tête du monastère puis il fait de saint Avit le successeur de saint Mesmin, arraché à sa vie érémitique et élu par les moines43. Il crée de cette manière une nouvelle tradition quant à la vie de saint Avit qui devient alors confessor et abbas mais aussi quant à la désignation de l’abbé qui se serait faite par les moines depuis les origines.
20Létald rapporte également le cas de l’évêque d’Orléans, Trohannus (env. 900), dont il laisse un portrait peu édifiant. Selon ses propres mots, il « n’entreprit rien et ne laissa à la postérité que la mémoire de sa cruelle mort44 ». Le ton est donné. Il rapporte que c’est en état d’ébriété qu’il vend l’abbaye de Micy à un clerc noble (nobilis clerus Fredericus45). Puis Frédéric se présente à l’abbaye pour en prendre possession, fait ouvrir les portes de force, expulse son concurrent et les moines réfractaires. Létald précise que « Frédéric obtient le titre d’abbé par le vote (cinq moines des plus vils étaient restés) mais n’en remplit pas l’office46 ». Les moines en fuite se plaignent à l’évêque mais sont déboutés. Ils se mettent alors à prier saint Mesmin. Une nuit, accompagné de saint Euspice, ce dernier apparaît à l’évêque Trohannus et à Frédéric. Les deux meurent dans d’atroces souffrances sous le châtiment des deux saints47. Dans ce cas, la donation de l’abbaye par l’évêque à un noble sournois et usant de stratagèmes, tout clerc soit-il, apparaît comme intolérable aux yeux de Létald dont l’abbaye vient d’être réformée, même s’il s’agit encore d’une pratique courante. Cet épisode est d’autant plus inadmissible que Frédéric s’arroge le titre d’abbé sans en remplir l’office. Cela rappelle bien évidemment la pratique de l’abbatiat laïque contre laquelle s’élèvent les réformateurs monastiques48.
21Ce passage sombre de l’histoire de l’abbaye est contrebalancé, dans le récit, par l’élection régulière de l’un des moines, également nommé Létald, à la tête de l’abbaye. C’est sous son abbatiat que la réforme monastique de Micy est entreprise. Létald précise que l’abbé a le souci d’appliquer les directives d’Odon de Cluny et de restaurer l’ordre monastique49. À la mort de l’abbé Létald, c’est l’évêque Thierry (940-944) qui devient abbé car Micy faisait partie, selon l’auteur, du dominium épiscopal. Mais l’œuvre de Thierry est applaudie par Létald et il déplore même que son épiscopat n’ait duré que quatre ans. Nous sommes bien loin ici du portrait sinistre de son prédécesseur. Létald conclut que si la mort ne l’avait pas emporté prématurément, il aurait ramené l’abbaye à sa gloire d’autrefois. On comprend dès lors qu’il est nécessaire de nuancer l’attitude de Létald face aux évêques.
22Toutefois, la paix est de courte durée : l’évêque Ermenthée (945-972)50 accède au siège épiscopal d’Orléans et impose à la tête du monastère son prévôt Benoît. Un conflit éclate entre l’administrateur des moines et le prévôt qui mène à la fuite de l’administrateur avec les richesses de l’abbaye et surtout les chartes des anciens rois. Cette précision, qui semble anodine, permet pourtant à Létald de justifier l’absence de titres anciens. Puis il se met à décrire toutes les déprédations que les moines subissent, les spoliations en tout genre et la construction d’une maison, la casa miranda, par le prévôt sur les terres de l’abbaye. Létald achève son récit sur la situation misérable des moines qui ne se nourrissaient que de pain sec, de légumes rassis et très rarement de vin51. Il précise également que Benoît conseilla à l’évêque de partager les biens de l’abbaye entre ses hommes et qu’il ne resta rien aux moines52. Létald assemble donc ici tous les éléments du portrait du « mauvais évêque » que l’on retrouve dans nombre de discours réformateurs du xe siècle. Un évêque, un clerc noble qui ruine de toutes les manières possibles les richesses de l’abbaye et qui oppresse les moines.
23Pour autant, le parti pris de Létald révèle encore quelques ambiguïtés notamment dans son discours sur la simonie. En effet, il rapporte que la charge abbatiale a été vendue à trois reprises par l’évêque Ermenthée53. D’abord, c’est le comte-évêque de Quimper, Benoît, qui achète cette charge pour trente livres54. Néanmoins, cet évêque apparaît particulièrement digne de cette charge sous la plume de Létald : il est venerabilis, mais aussi genere nobilissimus ; il participe pleinement aux offices et fait montre d’une grande culture religieuse. Et pour autant, ce portrait brossé par Létald tranche avec la position simoniaque dans laquelle se trouve le nouvel abbé dans la seconde moitié du xe siècle. L’ambivalence du propos de l’auteur témoigne ici des limites de la démarche interprétative et les dangers de plaquer un discours réformateur de nature institutionnelle sur l’ensemble de la production écrite. À la mort de Benoît, c’est Jacob, originaire de Grande-Bretagne et ermite dans le Berry, qui achète sa charge soixante livres55. Là encore, Létald ne fait preuve d’aucune animosité face à cette pratique, somme toute relativement courante. Enfin, c’est Anno, abbé de Jumièges56, qui achète sa charge pour vingt livres57. Létald souligne également que c’est sous son abbatiat que la règle de saint Benoît fut de nouveau appliquée rigoureusement et que la vie des moines s’est nettement améliorée58. La construction du récit de Létald relative à l’abbatiat d’Anno est intéressante à souligner. D’abord, ce n’est pas Anno qui achète directement la charge d’abbé mais ses deux frères. Cela le disculpe en quelque sorte d’une accusation de simonie. En outre, dans les textes de Létald, il existe un indicateur du bien-être de l’abbaye : le nombre plus ou moins important de miracles opérés par saint Mesmin. Pendant cet abbatiat, il souligne que le saint opéra de nombreux prodiges59 : Anno était décidément un bon abbé.
24Le discours de Létald se complexifie au fur et à mesure qu’il se rapproche de son temps. Sa position apparaît de moins en moins tranchée, notamment au sujet de l’évêque Ermenthée. Celui-ci abandonne sa charge épiscopale en faveur d’Arnoul (972-997), se convertit et se retire au monastère de Micy. À la mort d’Anno, Ermenthée veut imposer aux moines Hermenault de Fleury mais ils refusent et se plaignent à Arnoul qualifié par Létald de jucundissimus et amabilis, des plus agréables et aimables. Ce portrait tranche très largement avec celui d’Ermenthée, son prédécesseur. Pour accentuer le contraste, l’auteur le qualifie même de gloriosus sucessor. Et pour cause, il est celui qui restitue toutes ses églises à l’abbaye de Micy (omnium ecclesiarum nostrarum reditus qui ad eum pertinere videbantur relaxavit), selon Létald, décision qu’il fait inscrire dans une charte et valider en synode. Il va également à Rome afin d’obtenir pour son abbaye la confirmation pontificale qui est, toujours selon l’hagiographe, transcrite sur papyrus (in papyro transcribi fecit) et rangée dans le coffre de l’abbaye60. Ce voyage d’Arnoul à Rome est un fait avéré par plusieurs sources contemporaines, notamment par Richer de Reims. Il a accompagné Hugues Capet en 981 lors de sa rencontre avec Otton II61. Au moment où Létald écrit, à la fin xe siècle, il a certainement eu connaissance de ce déplacement. Il connaît également les ambitions d’Abbon de Fleury quant à l’exemption pontificale qu’il obtient par la suite, après deux voyages à Rome, en 99762. Malgré l’absence de source diplomatique venant appuyer cette hypothèse, il convient de se demander si Létald n’a pas été inspiré par les stratégies déployées à Fleury par Abbon et n’aurait pas tenté d’attribuer ces mêmes privilèges à Micy, notamment en les insérant dans la mémoire de l’histoire de l’abbaye.
25Arnoul est le dernier évêque nommé par Létald. Il achève alors son œuvre sur l’abbatiat d’Amalricus, decanus de Fleury durant la vie lequel seulement deux miracles eurent lieu. Les miracles suivants sont des ajouts de Létald qui les a placés sous l’abbatiat regretté d’Anno. Cette fin un peu abrupte de la Vie et des Miracles de saint Mesmin peut s’expliquer par le contexte politique dans lequel se trouve à ce moment l’abbaye de Micy. Après Amalricus, c’est Constantin puis Robert de Blois qui est nommé abbé en 994. La tension monte entre Robert de Blois63 et Létald qui fomente alors une rébellion contre lui. Ce dernier est débouté par Abbon de Fleury, auprès de qui il pensait obtenir un arbitrage en sa faveur64. Il doit alors renoncer et quitter l’abbaye. Il trouve refuge auprès d’Avesgaud, évêque du Mans, pour qui il compose un autre texte hagiographique engagé, la Vie de saint Julien (BHL 4544). Constituée comme une attaque indirecte contre Robert de Blois, cette œuvre vise à extirper le siège épiscopal du Mans des mains du comte.
Quelques remarques conclusives
26Pour en revenir à la question initiale de la construction d’une figure épiscopale dans l’hagiographie monastique, il est nécessaire de rappeler le contexte de production de l’œuvre de Létald. Celui-ci entre à l’abbaye de Micy qui est alors, depuis peu, en pleine réformation sous l’action d’Amalbert de Fleury. Dans le même temps, au nord de la Loire, ce mouvement de réforme s’accompagne d’une recherche d’émancipation. En effet, plusieurs grandes abbayes royales, comme Fleury mais aussi Micy, se mettent en quête de l’exemption épiscopale développant pour cela une stratégie offensive à moyen et à long terme.
27Elle passe notamment par l’instauration d’une tradition, d’une nouvelle mémoire de l’histoire et des origines de l’abbaye qui devient une fondation royale et non plus épiscopale. De même, les préoccupations de Létald quant à la bonne observance de la règle monastique, son hostilité à l’intrusion de l’évêque dans les affaires de l’abbaye, mais aussi son souci de la défense du patrimoine de son abbaye correspondent aux tendances observables dans d’autres monastères dès le milieu du xe siècle et s’inscrivent dans les discours classiques des réformateurs de cette époque. Mais plus largement, l’œuvre hagiographique de Létald répond parfaitement au contexte monastique, ecclésiastique et politique de son temps et s’inscrit dans une quête d’émancipation menée plus âprement dès le milieu du xe siècle.
28Un élargissement de l’enquête à d’autres sources hagiographiques orléanaises fait apparaître ce même type de dénonciation. Par exemple, Aimoin, dans sa Vie d’Abbon de Fleury, relate les violents affrontements qui eurent lieu entre Abbon, alors abbé de Fleury65 et Arnoul, évêque d’Orléans. Ici, on notera que la figure d’Arnoul selon Aimoin tranche très largement avec celle du bienfaiteur dépeinte par Létald66. Dès le début de son œuvre hagiographique, l’objectif d’Aimoin est assez clair : continuer le combat lancé par Abbon tout en conservant sa mémoire. Aimoin insère alors de nombreux écrits d’Abbon faisant de cette Vita un véritable manifeste pour l’indépendance de l’abbaye.
29On le comprend, les enjeux de l’écriture hagiographique dépassent largement le simple cadre de la mémoire des hauts faits du saint et de ses bienfaits pour sa communauté. On construit dans le même temps une mémoire des bienfaiteurs de la communauté ou de ceux qui l’ont dépouillée. Dans ces cas, l’hagiographe façonne une mémoire précise et orientée de la relation de la communauté avec l’évêque. Ainsi, l’œuvre hagiographique de Létald s’inscrit dans un processus plus global : elle devient une arme, un moyen de pression, dans une politique de soft power menée par l’abbaye de Micy dont l’objectif, à peine voilé, est d’obtenir l’émancipation de la communauté monastique face à l’évêque.
30Tandis que Létald défendait une certaine indépendance pour son abbaye, notamment la libre élection de l’abbé et la gestion de ses biens, plusieurs faux étaient composés dans le but de forger une autre tradition de la liberté de l’abbaye accordée par les rois successifs et les évêques. Toutes les chartes relatives à l’abbaye qui sont supposées dater d’avant la restauration de l’abbaye par Théodulfe ont été reconnues comme étant des faux reposant sur les deux premières Vies de saint Mesmin, celle de saint Avit et de saint Calais67. C’est par exemple le cas de la charte de fondation de Clovis68 dont une version amplifiée ajoute des clauses intégrant certaines formes d’émancipation69. De même, un diplôme de Louis le Pieux et de Lothaire (daté d’avant 82870), fait à la demande de Jonas, évêque d’Orléans, confirme les très nombreuses possessions de Micy mais octroie également la liberté d’élection de son abbé et une forme d’indépendance de l’abbaye face à l’évêque. Ce dernier ne peut plus pénétrer désormais dans l’enceinte de l’abbaye sans l’accord des moines71. Pourtant, dans le même temps, un autre diplôme de Louis le Pieux rappelle que l’abbaye reste soumise à l’évêque.
31Enfin, il convient de souligner la place de plus en plus importante du saint patron dans les conflits pour l’émancipation opposant sa communauté à l’évêque. Cette quête de liberté passe d’abord par la volonté d’extirper le culte du saint de la mainmise épiscopale. Dans le cas de saint Mesmin, la première étape est marquée par la translation des reliques de Mesmin qui quittent Orléans pour Micy. La seconde étape est d’en faire le defensor privilégié de sa communauté notamment face aux prétentions épiscopales. Ainsi, saint Mesmin, mais comme aussi saint Benoît, châtie à tour de bras les mauvais abbés et évêques qui s’en prennent à son monastère. C’est le cas de l’évêque Trohannus et de l’abbé Frédéric dans les Miracles de saint Mesmin. C’est aussi le cas des hommes de l’évêque Arnoul qui s’attaquent aux vignes de saint Benoît. L’un et l’autre saint défendent sévèrement les prérogatives de son abbaye face aux prétentions du pouvoir épiscopal.
32L’écriture ou la réécriture de la Vie du saint fondateur participe bien d’une écriture militante visant à la mise en place d’une nouvelle tradition, d’une nouvelle mémoire qui est notamment sollicitée dans la construction des dossiers de demande d’exemption pontificale. Les forgeries se fondent alors sur les traditions hagiographiques. Hors de l’Orléanais se trouvent à la même époque les mêmes phénomènes de forgeries fondées, appuyées par les traditions hagiographiques. Le cas de l’écriture de la Vie de saint Droctovée, premier abbé de Saint-Germain-des-Prés dans la seconde moitié du xie siècle, en est un parfait exemple. Dans le même temps qu’ils cherchent à s’émanciper du pouvoir épiscopal parisien, les moines exhument le premier abbé de l’abbaye, disciple de saint Germain. On observe ici la volonté d’honorer le disciple de saint Germain et non plus seulement Germain, évêque de Paris. Mais cette œuvre hagiographique est surtout l’occasion pour l’auteur de rappeler les diplômes de fondation, d’immunité et d’exemption octroyés à l’abbaye. Il relate notamment que saint Germain lui-même désira qu’aucun de ses évêques successeurs n’impose d’abbé pour l’abbaye72. Par ce mécanisme, on tente d’atténuer la place de l’évêque dans la gestion de l’abbaye pour laquelle, d’ailleurs, il est mentionné qu’il octroie la libre élection de l’abbé.
33Ainsi, le combat de Létald pour l’émancipation de son abbaye est loin d’être un phénomène isolé. Il est d’ailleurs poursuivi à Micy tout au long du xie siècle, notamment sous l’abbatiat d’Albert qui adresse une lettre au pape Jean XIX afin d’obtenir la protection pontificale pour les propriétés de l’abbaye. Il met alors en avant la fondation de l’abbaye par Clovis et le patronage efficace des saints Mesmin et Euspice73. Cependant, toutes ces stratégies n’eurent qu’une efficacité somme toute relative puisqu’elles se soldent par un échec : l’abbaye de Micy reste sous la domination épiscopale au moins jusqu’au xiiie siècle74.
Discussion
34Noëlle Deflou-Leca : Bel exemple de réécriture de l’histoire. Ne pourrait-on pas, pour Létald du moins, éclairer un peu son action avec ses liens avec Abbon ? Vous l’avez évoqué, Létald est en effet un disciple d’Abbon, ils avaient des liens très étroits, même si ces derniers se dégradent au tout début du xie siècle. N’est-ce pas un des éléments d’explication pour justifier le parti pris de Létald qui est très fort ?
35Hélène Caillaud : Oui, bien sûr. Les liens avec Fleury, avec Abbon doivent être pris en compte. Quand il mentionne le départ d’Arnoul à Rome pour aller gratifier le monastère de Micy d’une exemption, on a le pendant de l’autre côté avec Abbon qui se déplace à plusieurs reprises à Rome pour obtenir ce même type de privilège, donc oui, Létald lui est totalement lié. Leurs liens néanmoins se dégradent et Létald attendait le soutien d’Abbon pour sa réforme, qu’il n’a pas eu.
36Alain Dubreucq : On dépend entièrement de la tradition de Micy pour ce qui est du transfert des reliques de saint Mesmin à Micy. Mais on peut faire un parallèle avec le transfert des reliques de saint Hubert, tel que l’a décrit Alain Dierkens dans l’un de ses articles75 : la demande part des moines qui s’adressent à l’évêque qui lui-même se tourne vers l’archevêque pour avoir l’autorisation provinciale ainsi qu’à l’empereur. Le transfert des reliques est ensuite fait de manière solennelle devant ce qu’on appellerait aujourd’hui les « corps constitués » et cela ressemble exactement à ce que décrit la deuxième Vie, anonyme, de Mesmin. Il y a donc une cohérence entre les deux exemples qui montrerait qu’il pourrait y avoir là une sorte de normativité pour le transfert des reliques sous Louis le Pieux.
37H. C. : L’adresse à l’empereur et son autorisation pour le transfert des reliques, qui peuvent apparaître, de prime abord, surprenantes, ne le sont en fait pas. Il s’agirait de la procédure normale à cette époque.
38Véronique Gazeau : Est-ce qu’on en sait un peu plus sur Annon ?
39H. C. : Pas vraiment. C’est un abbé de Jumièges. Dans le récit, ce sont ses deux frères qui achètent la charge d’abbé pour lui.
40V. G. : Sait-on pourquoi on est allé chercher un abbé de Jumièges pour Micy à cette époque-là ?
41H. C. : La charge a été vendue trois fois successivement par l’évêque Ermenthée (945-972). La première fois, elle l’est au comte-évêque de Quimper, Benoît, puis à un ermite du Berry originaire de Grande-Bretagne, Jacob (pour la somme de 60 livres, c’est-à-dire pour deux fois plus cher qu’au comte-évêque de Quimper), puis à Annon, abbé de Jumièges (pour la somme de 20 livres). La charge d’abbé est donc vendue dans les trois cas à des personnes qui viennent de loin.
42Emmanuel Grélois : La documentation diplomatique complémentaire est-elle contradictoire ou confirme-t-elle les textes hagiographiques ?
43H. C. : Il faudrait voir l’essai de reconstitution du cartulaire de Micy par Marie-Madeleine Lemarignier76. Une forgerie est faite à la fin du xe ou au début du xie siècle, qui se fonde sur la tradition hagiographique, pour créer des faux, notamment la charte de fondation de Clovis et un précepte de Louis le Pieux, qui octroie la libre élection de l’abbé sur la demande de Jonas à l’abbaye de Micy.
44Michèle Gaillard : On est sûr que le précepte de Louis le Pieux est faux ?
45H. C. : Oui, il est plausible mais faux.
46A. D. : Oui, il a été prouvé qu’il s’agit bien d’un faux.
47Jean Berger : Quel est le terme précis utilisé pour désigner dans les textes cette transaction particulière qu’est la vente de la charge abbatiale ? Ne s’agirait-il pas d’une exagération utilisée pour faire passer dans les esprits le principe de libre élection abbatiale ?
48H. C. : Létald a en fait un discours très ambigu sur les abbés simoniaques. Il n’apprécie pas vraiment l’évêque Ermenthée. En revanche, les trois abbés qui sont nommés, bien qu’ils soient de fait extérieurs à l’abbaye et qu’ils n’aient pas été élus par les moines, sont chacun qualifiés de pater venerabilis et c’est sous leur abbatiat, notamment sous celui d’Annon, qu’on en revient à la règle, à la bonne observance. Létald regrette la mort d’Annon. Au départ, je pensais aussi qu’il exagérait la vente pour en dépeindre le côté négatif, mais dans ce cas-là il aurait pu critiquer les abbatiats successifs, or ce n’est pas le cas. Quant au terme utilisé, il faudrait revoir le texte.
Notes de bas de page
1 Ch. Vulliez, « Des concurrents sérieux aux hagiographes fleurisiens. Culte des saints et productions hagiographiques à l’abbaye de Saint-Mesmin-de-Micy », dans A. Dufour, G. Labory (dir.), Abbon, un abbé de l’an mil, Turnhout, Brepols, 2008, p. 369-388.
2 E. Jarossay, Histoire de l’abbaye de Micy-Saint-Mesmin-lez-Orléans (502-1790). Son influence religieuse et sociale, Orléans, M. Marron, 1902.
3 A. Poncelet, « Les saints de Micy », Analecta Bollandiana, 1905, 24, p. 5-104. Sur ce même sujet, voir plus récemment Ch. Vulliez, « Réseau de sainteté et réseau culturel d’une abbaye ligérienne, Saint-Mesmin de Micy au Moyen Âge », dans Ch. Senséby (dir.), L’écrit monastique dans l’espace ligérien (xe-xiiie siècle). Singularités, interférences et transferts documentaires, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018 (Histoire), p. 255-270.
4 Th. Head, Hagiography and the Cult of Saints. The Diocese of Orléans, 800-1200, Cambridge, Cambridge University Press, 1990.
5 Ch. Vulliez, « Des concurrents sérieux aux hagiographes fleurisiens », art. cité. Voir également Id., « L’abbaye de Micy-Saint-Mesmin et Clovis dans la tradition et l’histoire », dans M. Rouche (dir.), Clovis, Histoire et mémoire. Actes du colloque international d’histoire de Reims (19-25 sept. 1996), Paris, PUPS, 1997, t. 2, p. 129-145 et Id., « Le miracle et son approche dans les recueils de Miracula orléanais du ixe au xiie siècle », dans Miracles, prodiges et merveilles au Moyen Âge. Actes des congrès de la SHMESP (Orléans, 1994), Paris, Publications de la Sorbonne, 34, 1995 (Histoire ancienne et médiévale), p. 89-113.
6 A. Poncelet, « Les saints de Micy », art. cité, p. 14-25. Voir également Th. Head, Hagiography and the Cult of Saints, op. cit., p. 34 et suiv.
7 Vita sancti Aviti (BHL 879), Catal. Brux., I, p. 57-63 (édition complète mais fautive). B. Krusch en présente une version incomplète dans MGH, Script. Rer. Merov. 3, éd. par B. Krusch, Hanovre, Hahn, 1894, p. 380-385.
8 A. Poncelet, « Les saints de Micy », art. cité, p. 17.
9 Vita sancti Aviti (BHL 881) correspond à la version C de Krusch. A. Poncelet utilise le manuscrit Archivio Segreto Vaticano (ASV), Reg. Lat. 585, du xe siècle dans art. cité, p. 17.
10 Vita sancti Aviti (BHL 880) correspond à la version B de Krusch. A. Poncelet n’en a retrouvé qu’un seul exemplaire : BnF, lat. 3789, du xie siècle, dans art. cité, p. 17.
11 Sur ce dossier hagiographique, voir notamment A. Poncelet, « Les saints de Micy », art. cité, p. 44-53.
12 Bertold de Micy, Vita sancti Maximini (BHL 5817), ixe siècle. Un seul manuscrit a été recensé par les Bollandistes sous la cote ASV, Reg. Lat. 669, fol. 1-13v. Elle est éditée par J. Mabillon, Acta sanctorum ordinis Sancti Benedicti, Paris, L. Billaine, 1668, vol. 1, p. 591-597.
13 [Anon.], Vita sancti Maximini II (BHL 5814-5816) ; J. Mabillon, Acta sanctorum ordinis Sancti Benedicti, op. cit., p. 580-591. 12 manuscrits recensés, dont le plus ancien date de 876-900 (Chartres, BM, 063 [115 1/ G], fol. 56-64).
14 Létald de Micy, Vita et miracula sancti Maximini (BHL 5820) ; J. Mabillon, Acta sanctorum ordinis Sancti Benedicti, op. cit., p. 598-613. Un seul manuscrit recensé par les bollandistes : ASV, Reg. Lat. 528, fol. 14v-25. URL : http://digi.vatlib.it/mss/detail/Reg.lat.528
15 Sur l’action de Théodulfe à Micy, voir Cl. Tignolet, Exsul et exsul erat. Théodulfe (vers 760-820/21). Parcours biographique, thèse dirigée par R. Le Jan, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2013, 2 vol.
16 BHL 881 ; BnF, lat. 12606, fol. 54v et ASV ; Vat. Reg. Lat. 585, fol. 28v : ab Eusebio Aurelianensis aecclesiae pontifice. URL : http://digi.vatlib.it/view/MSS_Reg.lat.585/0031
17 A. Poncelet, « Les saints de Micy », art. cité, p. 17 et suiv.
18 BHL 880 ; BnF, lat. 3789, fol. 105v.
19 Th. Head, Hagiography and the Cult of Saints, op. cit., p. 37.
20 Vie II de saint Avit, BHL 881, éd. par A. Poncelet, art. cité, p. 20 ; voir également BnF, lat. 12606, fol. 54v et ASV, Vat. Reg. Lat. 585, fol. 28v. URL : http://digi.vatlib.it/view/MSS_Reg.lat.585/0031
21 MGH, Poetae aevi Carolini, 1, p. 520-522, ici p. 521.
22 J. Charles, « Quelques réflexions sur les origines de l’abbaye de Micy-lez-Orléans », Bulletin de la Société archéologique et historique de l’Orléanais, 46, 1976, p. 395-401.
23 BHL 5814, c. 11 : nam ibidem Rege consistente, isdem Eusebius loco praecedentis fuerat substitutus episcopus. URL : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9066670j/f183.item.zoom
24 BHL 5817, c. 6, p. 593 : complexus utrumque Euspicium scilicet ac Maximinum eosque expostulans propria manu venerando viro Eusebio ejusdem urbis antistiti ob tutelam eorum ac munimen commisit.
25 BHL 5814, c. 11, p. 584.
26 BHL 5817, c. 8, p. 593 ; BHL 5814, c. 11, p. 584.
27 BHL 5820, c. 2, p. 598.
28 BHL 5820, c. 2, p. 599.
29 Voir infra ; C. Brühl, « Clovis chez les faussaires », Bibliothèque de l’École des chartes, 154/1, 1996, p. 219-240, ici p. 221-225. L’auteur met en évidence une grande phase de rédaction de faux à Micy au xie siècle mais cette pratique avait déjà cours au ixe siècle (p. 244). Il est intéressant de voir que les faussaires utilisent la tradition hagiographique afin d’élaborer leurs faux.
30 J. Charles, « Quelques réflexions sur les origines de l’abbaye de Micy-lez-Orléans », art. cité, p. 397.
31 BHL 5817, c. 10-13, p. 594.
32 BHL 5817, c. 24, p. 213 ; BHL 5814, c. 36, p. 590.
33 BHL 5820, c. 11, p. 601 : […] in ecclesiam quam idem episcopus in agro juris sui construxerat […] quam Miciaco dedit.
34 Son action en tant que réformateur de l’abbaye nous est connue par d’autres sources. Voir sur ce point Th. Head, Hagiography and the Cult of Saints, op. cit., p. 203 ; sur l’action de Théodulfe, voir Cl. Tignolet, Exsul et exsul erat. op. cit. On sait par exemple qu’il a fait appel à Benoît d’Aniane pour que celui-ci lui envoie des moines afin de repeupler l’abbaye. A. Poncelet, « Les saints de Micy », art. cité, p. 9-10 ; voir la lettre de Théodulfe écrite en vers à Benoît d’Aniane éditée dans MGH, Poetae aevi Carolini, 1, p. 520-522 et Ardo, Vita s. Benedicti Anianensis (BHL 1096), MGH, SS 15, 1, éd. par G. Waitz, Hanovre, Hahn, 1887, p. 198-220, ici p. 209, c. 24.
35 BHL 5814, c. 37, p. 590.
36 BHL 5820, c. 13, p. 601.
37 BHL 5817, c. 25, p. 597.
38 BHL 5814, c. 36-37, p. 590-591.
39 BHL 5814, c. 38, p. 591.
40 BHL 5820, c. 15, p. 602 : evocato Jona episcopo.
41 BHL 5820, c. 14, p. 601-602.
42 Il faut nuancer ici cet argument car cette procédure n’est pas un cas isolé. En effet, le concile de Mayence de 813 en pose les fondements et insiste sur la hiérarchie en matière de reliques, plaçant l’évêque comme seul compétent pour cela dans son diocèse. Pour d’autres exemples, voir notamment A. Dierkens, « La christianisation des campagnes de l’Empire de Louis le Pieux : l’exemple du diocèse de Liège sous l’épiscopat de Walcaud (c. 809-831) », dans P. Goldman, R. Collins (dir.), Charlemagne’s heir. New Perspectives on the Reign of Louis the Pious (814-840), Oxford, Clarendon Press, 1990, p. 309-319. L’auteur décrit la procédure suivie lors de la translation des reliques de saint Hubert en 825 qui en représente un excellent exemple. Voir également A. Van Landschoot, « La translation des reliques de saint Vit de l’abbaye de Saint-Denis à celle de Corvey en 836 », Revue belge de philologie et d’histoire, 74/3-4, 1996, p. 593-632.
43 BHL 5820, c. 6, p. 600.
44 BHL 5820, c. 19, p. 603.
45 Ibid. Dans ce récit, Frédéric qui a acheté sa charge d’abbé, se révèle un bien piètre abbé qui maltraite les moines et disperse le patrimoine foncier. L’abbé et l’évêque reçoivent alors la vision du saint et son châtiment. Nous comprenons que ce récit n’est en rien anodin et devient un argument supplémentaire pour les moines en faveur de l’exemption épiscopale. L’hagiographie devient de cette manière une hagiographie militante au service de l’autonomie de l’abbaye. Voir également Th. Head, Hagiography and the Cult of Saints, op. cit., p. 213.
46 BHL 5820, c. 19, p. 603.
47 BHL 5820, c. 20, p. 603.
48 C’est un discours que l’on retrouve fréquemment. Par exemple, concernant la situation à Saint-Germain d’Auxerre, voir Y. Sassier, « Patrimoines d’églises et pouvoirs locaux en Auxerrois (début xe – fin xie siècle) », dans D. Barthélemy, O. Bruand (dir.), Les pouvoirs locaux dans la France du Centre et de l’Ouest. Implantation et moyens d’action (viiie-xie siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005, p. 175-192.
49 BHL 5820, c. 21, p. 603-604.
50 J. Boussard, « Les évêques en Neustrie avant la réforme grégorienne (950-1050 environ) », Journal des savants, 3/1, 1970, p. 161-196.
51 BHL 5820, c. 23, p. 604.
52 Ibid.
53 Ermenthée, évêque d’Orléans (env. 945-972).
54 BHL 5820, c. 24.
55 BHL 5820, c. 27, p. 605.
56 Sur cet abbé, voir C. Tignolet, « La circulation des écrits historiographiques fleurisiens : l’exemple d’une compilation de Jumièges (Rouen, Bibliothèque municipale, 1173) », dans Ch. Senséby (dir.), L’écrit monastique, op. cit., p. 245-253, ici p. 252-253 ; V. Gazeau, Normannia monastica. Princes normands et abbés bénédictins (xe-xiiesiècle), Caen, Publications du CRAHM, 2007, 2 t., p. 144-145.
57 BHL 5820, c. 28, p. 605-606.
58 Th. Head, Hagiography and the Cult of Saints, op. cit., p. 214. BHL 5820, c. 28, p. 605-606.
59 BHL 5820, c. 28, p. 605 : per miraculorum frequentissimam copiam respectus sui demonstraret praesentiam.
60 BHL 5820, c. 41, p. 609.
61 Sur ce point, voir P. Riché, « Arnoul, évêque d’Orléans en l’an mille », Bulletin de la Société archéologique et historique de l’Orléanais, 80, Célébration du millénaire capétien à Orléans, 1988, p. 18-22.
62 Voir notamment P. Riché, « Abbé contre évêque. Les relations d’Arnoul d’Orléans et d’Abbon de Fleury », dans Lumières de l’an mil en Orléanais. Autour du millénaire d’Abbon de Fleury, Turnhout, Brepols, 2004, p. 39-40.
63 B. S. Bachrach, « Robert de Blois, Abbot of Saint-Florent de Saumur and Saint Mesmin de Micy (985-1011). A Study in Small Power Politics », Revue bénédictine, 28, 1978, p. 123-146.
64 Voir à ce sujet, Th. Head, Hagiography and the Cult of Saints, op. cit., p. 223. Plus récemment N. Deflou-Leca, « La compétition pour l’abbatiat alentour de l’an mil : entre convoitise et stratégie d’exclusion », dans Ph. Depreux, Fr. Bougard, R. Le Jan (dir.), Compétition et sacré au haut Moyen Âge. Entre médiation et exclusion, Turnhout, Brepols, 2015, p. 329-346.
65 Sur la figure d’Abbon, voir en premier lieu la très belle mise au point dirigée par A. Dufour, G. Labory (dir.), Abbon, un abbé de l’an mil, op. cit.
66 Voir notamment R.-H. Bautier, G. Tyl-Labory et al., L’abbaye de Fleury en l’an mil, Paris, CNRS Éditions, 2004 (Sources d’histoire médiévale). Dans la Vie d’Abbon de Fleury, voir par exemple les chapitres 7 et 8, p. 63.
67 M.-M. Lemarignier, Études sur les anciennes chartes de l’abbaye Saint-Mesmin de Micy et essai de reconstitution des cartulaires, thèse de l’École des chartes, inédite, Paris, 1937, p. vi-vii (citée par Th. Head, Hagiography and the Cult of Saints, op. cit., p. 203).
68 MGH, Diplomata 1, éd. par G. H. Pertz, Hanovre, Hahn, 1872, p. 120-121.
69 Ibid., p. 121 (recension B de Pertz) : Et nullus episcopus aut comes aut vicomes aut vicedominus aut vicarius aut telonarius aut missus aut villicus, aut quilibet exactor publica auctoritate praeditus, aliquam redhibitionem seu exactionem neque ab ipsis neque ab eorum hominibus amodo neque per terram neque per aquam accipere praesumat.
70 M. Bouquet (dir.), Recueil des historiens des Gaules et de la France, Paris, V. Palmé, 1870, t. 6, p. 554-557.
71 Ibid., ici p. 556. Sur ces questions de forgerie, voir C. Brühl, « Clovis chez les faussaires », art. cité, p. 219-240.
72 Vie de saint Droctovée, c. 19, MGH, Script. Rer. Merov. 3, éd. par B. Krusch, Hanovre, Hahn, 1894, p. 537-543, en particulier p. 543 ; mentionné dans P. Perrin, « Saint-Germain-des-Prés, première nécropole des rois de France », Médiévales, 15/31, 1996, p. 29-36, p. 31-32 : « À cette même date (558/559), saint Germain qui avait placé son disciple Droctovée à la tête de la nouvelle communauté monastique, fit confirmer par Clotaire Ier et par les évêques présents le privilège d’immunité dont devait jouir la basilique Saint-Vincent (afin surtout d’éviter la nomination des abbés par les évêques de Paris). » Acte édité dans Recueil des chartes de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés des origines au début du xiiie siècle, t. 1, 558-1182, éd. par R. Poupardin, Paris, Champion, 1909, p. 4-7.
73 Th. Head, Hagiography and the Cult of Saints, op. cit., p. 230.
74 « Cartulaire de Sainte-Croix (814-1300) », éd. par J. Thillier, E. Jarry, Mémoires de la Société archéologique et historique de l’Orléanais, 30, 1906, no 19, p. 38 (Léon VII, 938), no 376, p. 520 (Lothaire, 956), no 63, p. 126 (Hugues Capet, 975), no 40, p. 86 (Robert le Pieux, p. 991), no 23, p. 51 (Eugène III, 1151), no 175, p. 263 (Honorius III, 1218).
75 A. Dierkens, « La christianisation des campagnes de l’Empire de Louis le Pieux. L’exemple du diocèse de Liège sous l’épiscopat de Walcaud (c. 809-c. 831) », dans P. Godman, R. Collins (dir.), Charlemagne’s Heir: New Perspectives on the Reign of Louis the Pious, Oxford, Clarendon Press, 1990, p. 309-329.
76 M.-M. Lemarignier, Études sur les anciennes chartes de l’abbaye Saint-Mesmin de Micy et essai de reconstitution des cartulaires, thèse de l’École nationale des chartes, Paris, 1937.
Auteur
Université de Limoges
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