Chapitre 4. Les Africaines et la « médiation communiste » (1949-1950)
p. 123-150
Texte intégral
1À la fin des années 1940, des Africaines quittent leur pays pour la première fois pour se rendre dans des congrès à travers le monde, prononcent des discours, relaient ensuite à leur retour ce qu’elles ont vu et entendu. Bien sûr elles ne sont pas nombreuses. Leurs expériences au cours de ces voyages sont mal documentées. Les informations sur elles se résument souvent à leurs noms, mal orthographiés par les services de renseignements qui naviguent entre condescendance et vigilance à leur égard. Condescendance car ces engagements féminins sont considérés comme secondaires au regard des mobilisations masculines. Mais vigilance, car la mobilisation politique des femmes est perçue comme le signe d’une montée en puissance de l’opposition à la présence française. Certaines d’entre elles ont cependant laissé des traces de ces voyages : articles, mémoires ou correspondances. Sources publiques et privées mentionnent ici et là la présence de Françaises dans la lutte aux côtés des Africaines.
2Ces « sœurs de France » sont le plus souvent membres du PCF ou de la CGT, résidentes en AOF ou de passage, en mission d’enquête, de propagande ou de repérage d’interlocutrices africaines. Elles participent à la fabrique de la « médiation communiste1 » qui a contribué à connecter les arènes politiques africaine, métropolitaine et internationale pendant la guerre froide. Car si l’Afrique subsaharienne n’a jamais fait partie des priorités pour les instances dirigeantes du PCF2, à l’échelle des parcours de vie les liens ont été importants dans l’organisation et le développement des luttes en Afrique. À partir du cas ivoirien, où la répression du RDA par l’administration française fut particulièrement violente en 1949-1950, et de celui du Sénégal, où les militant·e·s communistes français·e·s ont été très actifs et actives, on verra que les Africaines utilisent leurs contacts en métropole ou à l’échelle internationale comme leviers pour bousculer les contraintes politiques et de genre qui pèsent sur elles.
L’arène internationale : une ressource contre la répression en Côte d’Ivoire
3Le 19 novembre 1949, une militante du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA)3, Célestine Ouezzin Coulibaly quitte Abidjan pour le congrès de la FDIF à Pékin4. Elle ne reviendra dans son pays qu’au printemps suivant. De ce voyage, il reste une photographie, publiée par la FDIF, où elle figure aux côtés de Marie-Claude Vaillant-Couturier et de Elbay Doulaeya, déléguée de la République socialiste soviétique d’Ouzbékistan.
Figure 19. Célestine Ouezzin Coulibaly à la conférence de Pékin

Source : Bulletin d’information de la FDIF, 5e anniversaire de la FDIF, 1950, 25 p., p. 12
4Celle que l’administration française identifie comme la « secrétaire générale du Comité féminin d’Abidjan5 » et qu’elle appelle « Mme MAMACOUCOU OUEZZIN [sic] » est une monitrice d’enseignement, fille d’un chef de canton originaire de Haute-Volta. Macoucou Traore est née en 1914 et a choisi de se faire baptiser Célestine en 1931, après son mariage avec un instituteur diplômé de l’École normale William Ponty en 1928, Daniel Ouezzin Coulibaly. Proche compagnon politique de Félix Houphouët-Boigny, ce dernier fait partie du comité directeur du PDCI-RDA et a été élu en 1946 député de la Côte d’Ivoire à l’Assemblée nationale6. Alors qu’il est en tournée de propagande pour le parti à l’intérieur de la Côte d’Ivoire, il évoque dans un journal de voyage la présence de sa femme en Chine et s’amuse d’une répartition inhabituelle des rôles dans leur couple : « 27 décembre : arrivée à Bouaké à 2 h 30. 8 h 30 conférence aux femmes. […] Je remplace ma femme absente quelque part en Chine ou en Russie7. »
5Célestine et Ouezzin Coulibaly forment un de ces « ménages d’évolués » dont l’engagement politique conjoint est attesté par les archives et les témoignages8. Les épouses ont été formées dans les écoles coloniales de filles, sont devenues des auxiliaires de l’administration, ont construit un réseau d’amitié et de solidarité fondé sur la scolarisation – productrice d’un bagage intellectuel commun – et sur l’insertion dans la fonction publique coloniale9. Leurs époux sont aussi diplômés des écoles coloniales, et souvent de la plus prestigieuse d’entre elles, l’École normale William Ponty. Consolidé par des liens entretenus au-delà des années d’études, ce réseau de lettré·e·s a produit un grand nombre des responsables politiques de la lutte anticoloniale, hommes et femmes, ces dernières dotées du capital scolaire et souvent socio-économique qui en a fait des intermédiaires privilégiées entre différents univers10. C’est sans doute en raison de ses liens conjugaux et de son instruction que Célestine Ouezzin Coulibaly a été repérée par la FDIF. Mais si elle est désignée par les militantes du PDCI pour les représenter à Pékin, c’est qu’elle s’est impliquée sur la scène politique locale dans un contexte particulièrement tendu.
Figure 20. Photo officielle de Célestine Ouezzin Coulibaly

Source : https://www.senat.fr/
6Depuis sa création à Bamako en octobre 1946, le RDA n’a cessé d’étendre son influence parmi les populations dans les différents territoires de l’AOF11. Ce dynamisme provoque des sanctions de la part des autorités coloniales, qui s’intensifient après l’entrée dans l’opposition des ministres communistes en mai 1947 et l’insurrection à Madagascar. Le RDA revendique un million d’adhérent·e·s en 1949 dont 55 000 en Côte d’Ivoire, où le PDCI constitue la base du mouvement12.
7Le 9 février 1949, prenant prétexte de troubles lors d’un meeting politique dans un cinéma du quartier populaire de Treichville à Abidjan, l’administration arrête les principaux dirigeants du PDCI-RDA et les incarcère à la prison de Grand-Bassam13. Détenus pendant plusieurs mois sans procès, huit d’entre eux entament une grève de la faim le 9 décembre 194914. En signe de protestation, le parti décide le boycott des marchandises européennes. De nombreuses manifestations de soutien se déroulent dans les campagnes et les villes moyennes, à Dimbokro, Bouaflé, Bouaké ou Zenouala, provoquant des arrestations et des morts15. La présence et le rôle des femmes du parti dans ces affrontements ne sont jamais mentionnés. Or elles sont non seulement victimes des violences policières, mais ce contexte suscite la création des premiers comités féminins du RDA. La répression de 1949 sert de catalyseur à l’organisation des femmes et légitime leur rôle politique bien qu’elles aient commencé à militer bien avant.
8Un an avant ces événements, en mars 1948, la FDIF avait publié des extraits d’une lettre envoyée de Côte d’Ivoire par « une amie de Dabou ». Celle-ci disait son bonheur d’être en relation avec les femmes du reste du monde et l’importance de ces contacts dans la lutte engagée dans son pays. À ses yeux, la condition partagée de mère de famille créait une solidarité de fait :
Nous sommes décidées à former un front unique pour que nos revendications, loyales et légitimes, ne soient plus piétinées et bannies. […] Je ne puis qu’être heureuse de connaître ce grand mouvement qu’est la FDIF, heureuse aussi de penser que, par le monde entier, des millions de femmes, des mères de famille, ont le souci de leurs intérêts communs, de l’avenir de leurs enfants, sans distinction de race, ni de religion, aux seules fins d’une paix sincère, forte et durable16.
9La correspondante adoptait la rhétorique de la FDIF valorisant la sororité, la maternité et le pacifisme indépendamment des hiérarchies raciales ou des religions. Quelques mois plus tard, un entrefilet du bulletin précisait : « Maintenant, les femmes se groupent dans les sections féminines du RDA, et de leur union et de leur action naîtront les possibilités d’une vie meilleure17. » En décembre 1948, le rapport envoyé par les Ivoiriennes à l’occasion du congrès de la FDIF à Budapest évoquait « une batterie de femmes » lancées dans la bataille « pour la démocratie et pour la paix »18. De fait, sur place, les premiers comités féminins du RDA se sont constitués en 1948-1949 en Côte d’Ivoire comme au Sénégal ou en Guinée19. L’organisation politique des femmes est différente en AOF de ce qui se passe à la même époque au Nigeria par exemple. Dans cette colonie britannique, les mouvements de femmes se sont constitués de façon autonome vis-à-vis des partis politiques. À Lagos dès 1944, un premier parti politique féminin, le Nigerian Women’s Party, rassemble des femmes lettrées qui réclament l’égalité de statut entre hommes et femmes. Puis l’Abeokuta Ladies Club est fondé par Funmilayo Ransome Kuti en 1945, la Women’s Improvement Society en 1947, le Women Movement en 1952. Ces mouvements militent pour l’éducation des femmes, la réforme du système de taxation et le suffrage universel, indépendamment des principaux partis, le NCNC et l’Action Group.
10En AOF, les femmes qui font de la politique doivent négocier leur marge de manœuvre vis-à-vis du RDA. Le plus souvent assignées à des rôles « féminins » et à une division sexuée du travail militant, elles s’occupent d’inscrire les adhésions, assurent le secrétariat. Mais elles organisent aussi politiquement les femmes dans les quartiers. En Côte d’Ivoire, Célestine Ouezzin Coulibaly, Denise Coffi Gadeau, Marguerite Sacoum Williams, Georgette Ouegnin Mockey, Odette Yacé Ekra, ces trois dernières mariées à des militants arrêtés20, créent des sections du PDCI-RDA dans les quartiers d’Abidjan21. Denise Coffi Gadeau22, monitrice d’enseignement devenue secrétaire du syndicat agricole puis secrétaire du bureau politique du PDCI-RDA, décrit les contraintes de genre qui pesaient sur elle dans un entretien avec Henriette Diabaté trente ans plus tard :
La chose la plus urgente en 1946-1947 nous rappelle Mme Gadeau, était d’apporter le maximum de voix au PDCI-RDA : les hommes étaient organisés, nous non. J’étais encore secrétaire au Syndicat lorsque j’ai commencé l’inscription des femmes à Adjamé. Les premiers temps, j’installais ma petite table en pleine rue sans me soucier d’une éventuelle poursuite par la police : car bien entendu je n’avais aucune autorisation ; seulement j’avais foi en ce que je faisais. Le premier jour j’étais seule et il y avait un tel afflux de femmes que je fus débordée. Le jour suivant Mme Paul-Émile23 vint m’aider. Nous nous sommes ensuite transportées chez Mami Kra – où se trouve l’actuelle pharmacie Laffite. Nous n’occupions qu’un petit hangar devant la boutique de son mari… mais l’important pour nous était d’être installées. Ensuite ce fut le tour de Treichville où Mme Delafosse et d’autres femmes vinrent m’aider. Au lieu de nous écarteler entre Adjamé et Treichville, nous décidâmes les hommes à nous affecter un local définitif pour nos inscriptions. La boutique de M. Mory Keita, près de M. Porquet, fut choisie et louée à cet effet. Nous habitions nous-mêmes dans la cour. J’étais chargée de taper dans la nuit tous les papiers confidentiels, les articles. Nous étions perquisitionnés tous les jours, mais jamais on ne réussit à saisir le moindre papier. Tout le monde, femmes, hommes, enfants, venait chez nous chercher une aide morale et matérielle24.
11Ce témoignage montre que les femmes font à la fois partie du RDA et militent à part, dans des comités féminins. Bien que la majorité d’entre elles soit encore exclue du droit de vote, elles enregistrent les adhésions dans les quartiers, participent à la propagande lors des campagnes électorales, distribuent les cartes du parti, apportent un soutien financier. Leur adhésion renforce le RDA comme le signale le gouverneur français, Laurent Péchoux, au lendemain du deuxième congrès interterritorial du RDA qui s’est tenu à Abidjan en janvier 1949 : « L’adhésion des femmes au RDA (dans un but d’intensification de la propagande et financier) [sic] » figure parmi « les questions importantes encore que secondaires25. » Le leader guinéen Sékou Touré signale même la prise de parole de femmes lors de ce congrès :
Des femmes déléguées au congrès ont contribué à donner à celui-ci un aspect démocratique incontestable. Elles ont exposé brillamment leurs rapports sur la situation des femmes noires, la situation de l’enfance, l’union des femmes africaines et leur rôle prédominant dans la lutte anticolonialiste pour impulser le progrès social en Afrique26.
12Les adhérentes du PDCI-RDA s’organisent donc en sections féminines selon un processus très genré. Elles adoptent à la fois des règles partagées avec les hommes (élection de responsables, organisation centralisée) et des modes de fonctionnement spécifiques : réunions séparées et non mixtes, sujets de discussions particuliers aux femmes. Le Bulletin d’information de la FDIF publie en octobre 1949 un témoignage sur ces comités féminins qui se développent :
Alors que les hommes croyaient encore qu’il fallait des intellectuels pour la direction du mouvement, les femmes sont allées par les voies de la vraie démocratie. Elles se sont groupées par villages et quartiers et ont procédé à de véritables élections, et l’élue, ou les élues, doivent prêter serment de fidélité à la cause de la lutte. On songea alors à une organisation de femmes. Chaque section territoriale reçut des instructions pour étudier et appliquer l’organisation la plus conforme à l’esprit féminin du pays. C’est depuis cette organisation que nous avons assisté à une recrudescence du mouvement féminin. Dans chaque gros centre se trouve créée une section féminine en étroite relation avec la section masculine. Les femmes ont un bureau directeur, dont l’influence peut s’étendre aux villages alentour. Elles ont leurs réunions à part où elles discutent de questions plus particulières aux femmes. Les décisions prises sont exécutées à la lettre et pas une seule ne recule. Nous avons eu des mouvements de masse dont la réussite était due aux femmes et rien qu’aux femmes27.
13Célestine Ouezzin Coulibaly est consciente du rôle d’auxiliaires dévolu aux femmes par le parti. Dans le discours qu’elle prononce lors de la première réunion de la section féminine du PDCI-RDA à Abidjan le 6 novembre 1949, elle confirme à la fois la capacité d’action et les contraintes auxquelles les militantes se heurtent. Elle déclare que ces dernières « firent leur entrée sur la scène politique et s’organisèrent pour seconder les hommes » et ajoute que « jusqu’alors et bien que le statut du RDA ait prévu une activité de femmes, rien de concret n’avait été entrepris : les hommes ne croyaient pas à la nécessité de ce mouvement et doutaient de nos capacités »28. Comme nombre d’autres militantes, les Ivoiriennes vivent une « émancipation sous contrôle29 », dans une négociation permanente de leur autonomie par rapport au parti. Selon les pays de la sous-région, l’intégration des femmes au RDA est plus ou moins aboutie. En Guinée, les militantes sont très présentes au sein du Parti démocratique de Guinée (PDG)-RDA et jouent un rôle actif dans la définition des objectifs de lutte comme dans les méthodes utilisées30. Au Cameroun, les liens furent plus complexes entre l’UPC et l’Union démocratique des femmes camerounaises (Udefec)31. Ophélie Rillon a aussi souligné la double logique de lutte anticoloniale et d’autonomisation des femmes par rapport à l’US-RDA au Soudan français32. En Côte d’Ivoire, les autorités coloniales relèvent avec ironie des propos de Célestine Ouezzin Coulibaly concernant les relations entre les femmes et le parti. Tout en affirmant l’impératif de lutte commune avec les hommes, cette dernière revendique une spécificité féminine et une forme d’indépendance liée aussi à des répertoires d’action qu’elle veut différents. Ce sont les autorités coloniales qui retranscrivent ses propos33 :
Nous ne pouvons résister au plaisir de citer à ce propos les extraits les plus savoureux de la circulaire qui est adressée aux groupements de base « sous couvert du comité directeur » par Mme MAMACOUCOU OUEZZIN [sic], secrétaire générale du Comité féminin d’Abidjan : les amateurs de sous-entendus pourraient goûter quelque délectation à connaître les conditions dans lesquelles Mme MAMACOUCOU OUEZZIN entend réglementer pour l’avenir la compénétration des activités masculines et féminines au sein du parti. « Il nous a paru utile de créer un groupement de femmes, politiquement épaulé par les camarades hommes, mais ayant une certaine indépendance. Il sera étroitement lié au mouvement masculin mais il restera la chose des femmes. Nos moyens seront plus variés dans leurs formes, plus visibles dans leurs manifestations. »
14Les femmes du RDA se fixent pour objectif « de créer un bureau politique rattaché au PDCI, d’organiser des tournées dans le pays, de regrouper les femmes de tous les centres, de convoquer un congrès de femmes à Abidjan, d’éduquer politiquement les femmes qui pour la plupart étaient illettrées34 ». Cette organisation s’accompagne d’une collecte de fonds destinée à financer l’envoi de Célestine Ouezzin Coulibaly au congrès de la FDIF Pékin :
On sait que l’activité essentielle des organisations féminines du RDA porte sur le collectage [sic] des fonds destinés à assurer la participation effective d’une de leurs responsables au congrès international féminin de Pékin. Les résultats obtenus sont encourageants en Côte d'Ivoire, puisque cette souscription a produit la somme de 310 000 francs35 pour les deux sections de Treichville et d’Adjamé36.
15La Côte d’Ivoire n’est pas le seul pays où les femmes s’organisent pour envoyer des déléguées à Pékin. Au Sénégal, un comité des femmes de l’Union démocratique sénégalaise (UDS-RDA)37 est aussi en train de se constituer. Les services de renseignement identifient trois militantes comme de potentielles représentantes de leur pays en Chine : Fatou Guèye, une employée des PTT, Hane Magatte, une monitrice d’enseignement, et Marianne d’Erneville, une institutrice en poste à Kaolack38. Comme Célestine Ouezzin Coulibaly, Marianne d’Erneville dispose des capitaux scolaires et professionnels qui en font une interlocutrice privilégiée des instances internationales. Mais elle est aussi une militante de terrain.
16Née à Sokone en 1922, issue d’une famille de métis catholiques saint-louisiens39, elle a réussi le concours de l’École normale de jeunes filles de l’AOF en 1939 et obtenu son diplôme en 1942. Lors de sa scolarité à Rufisque, ses professeures louent son intelligence et ses capacités, mais déplorent sa susceptibilité, son impolitesse et son insolence tout en ajoutant qu’elle « reste attachante parce que sensible et affectueuse40 ». D’abord affectée comme enseignante à Ziguinchor, elle épouse un comptable, Joseph Carvalho, avec lequel les relations se dégradent rapidement. Elle est alors déplacée (à sa demande) à Saint-Louis en 1946 puis à Kaolack en 1948. Lorsqu’elle est pressentie pour se rendre à Pékin, elle n’est pas encore l’« ardente propagandiste communiste » et « l’âme du RDA » de Kaolack qu’elle deviendra trois ans plus tard41. Si sa présence n’est pas attestée à Pékin, elle participe dans les années suivantes à nombre de rencontres pacifistes et internationalistes. À tel point qu’en 1952, le gouverneur du Sénégal lui refuse une permission d’absence pour se rendre en France. Consciente de la surveillance dont elle fait l’objet, elle a invoqué comme motif de son déplacement une visite à sa sœur, Annette M’Baye d’Erneville, alors étudiante dans la capitale42. Les autorités coloniales ne s’y trompent pas, et estiment que le déplacement n’est pas fait « dans un but privé43 ». Le chef des services de police rappelle au gouverneur du Sénégal les antécédents politiques de l’intéressée, et donne un avis défavorable à sa demande44 :
Madame Carvalho demande à passer un congé en métropole à une date qui coïncide avec celle de l’ouverture, à Vienne (Autriche), de la Conférence pour la défense de l’enfance (12-16 avril 1952) sous les auspices de la Fédération démocratique internationale des femmes et de la Fédération syndicale mondiale. Étant donnée l’activité politique de l’intéressée, ardente propagandiste communiste, qui a déjà profité des vacances scolaires de 1951 pour se rendre à Berlin au 3e festival mondial de la Jeunesse et des Étudiants pour la Paix, et à Varsovie, au Congrès de l’Union internationale des étudiants, il serait opportun que sa demande de congé lui soit refusée45.
17De fait, à partir de l’interdiction faite à la FDIF de maintenir son siège en France en 1951, les demandes de passeports pour se rendre aux manifestations de l’organisation se heurtent à un refus presque systématique. Dans le cadre de leur lutte contre le communisme, les autorités coloniales considèrent que les autorisations de déplacement devront être refusées « à tous les militants notoirement connus comme appartenant à des associations interdites pour des raisons d’ordre public dans la métropole et en AOF telles que la Fédération syndicale mondiale, la Fédération mondiale des Jeunesses démocratiques ou la Fédération démocratique internationale des femmes46 ». Au Nigeria, Funmilayo Ransome Kuti se heurte également à d’innombrables difficultés administratives lorsqu’elle demande à quitter son pays pour participer à des conférences internationales47. Les liens entre activités politiques nationales et engagements internationaux sont donc étroits. Au Sénégal comme en Côte d’Ivoire, c’est au moment où se prépare le congrès de Pékin que s’organisent les premiers comités féminins du RDA. Investir la scène internationale se fait donc en parallèle à la structuration politique des femmes comme à la lutte contre l’administration française. Dans ce processus, les contacts des Africaines avec des femmes communistes de métropole jouent un rôle essentiel.
Figure 21. Marianne d’Erneville dans la cour de l’école où elle est affectée, probablement au début des années 1950

Source : ANS, 1C 42988
« Nos sœurs de France » : les communistes françaises au Sénégal
18Depuis décembre 1949, le secrétaire général du RDA Gabriel d’Arboussier publie des articles dans L’Humanité pour dénoncer la répression en Côte d’Ivoire, les « provocations » de l’administration, et se réjouir de « l’inébranlable volonté de lutte des femmes africaines48 ». Le 7 janvier 1950, sous le titre – « Rien ne pourra nous arrêter dans notre lutte et nous comptons sur nos sœurs de France pour nous aider » –, le journal communiste publie une lettre anonyme adressée à un dirigeant du RDA par la femme de l’un des détenus de la prison de Grand-Bassam. Cette dernière, Odette Ekra – l’épouse de Mathieu Ekra – analyse la présence de Célestine Ouezzin Coulibaly à Pékin comme un reflet de l’activisme des Ivoiriennes et en appelle au soutien des femmes de métropole :
Je considère mon travail politique comme la meilleure vengeance à tirer de Messieurs les colonialistes. Quand vous reviendrez parmi nous, vous serez étonné du travail des femmes. Le voyage de Mme Ouezzin à Pékin est un reflet du sentiment d’indignation des Africaines. Ici, vous pourrez voir leur volonté de lutte et leur capacité d’organisation. Oh ! Je ne veux pas dire que nous faisons des merveilles mais pour des Africaines peu habituées à ce genre de « travail d’homme » je vous assure que c’est beau. Nous comptons fermement sur nos sœurs de France pour nous aider. Nous irons jusqu’au bout, vous verrez.
19Deux jours plus tôt, entre le 22 et le 24 décembre 1949, des milliers de femmes ont convergé à pied par petits groupes d’Abidjan vers la prison de Grand-Bassam pour protester contre la détention des membres du RDA49. Elles dansent l’adjanou50, font des sit-in, se dénudent devant les forces de l’ordre qui les dispersent à coups de pompes à eaux ou de gaz lacrymogènes. Quatre d’entre elles sont arrêtées. L’une d’elles, âgée de 15 ans, est relaxée, les trois autres sont condamnées à deux mois de prison ferme. Forte de la prise de risque des militantes lors de cette marche de protestation, Odette Ekra affirme que les femmes sont compétentes pour accomplir le même travail militant que les hommes. Les photographies à l’appui de l’article dans L’Humanité montrent Marie Koré (l’une des femmes arrêtées), Mme Mockey, Odette Ekra (l’auteure de la lettre) et Mme Jacob Williams, toutes trois mariées à des détenus, ainsi qu’un groupe de femmes alignées devant un bâtiment, qui forment la sous-section féminine du RDA d’Adjamé. Dans L’Humanité, Odette Ekra en appelle à ses « sœurs de France » comme en 1947 Funmilayo Ransome Kuti interpellait ses « sœurs britanniques ». Certaines de ces « sœurs de France » sont présentes en Côte d’Ivoire, notamment les deux avocates Blanche Matarasso et Renée Plasson Stibbe, sollicitées par la direction du PDCI-RDA pour participer à la défense des leaders du parti. Des liens étroits se sont tissés entre ces avocates françaises et les militants emprisonnés, comme avec leurs épouses qui suivent de près l’évolution des accusations contre leurs maris. Selon le journal Réveil, Blanche Matarasso aurait même été présente lors de la marche des femmes sur Grand-Bassam51. Elle fait partie du Comité de défense des libertés démocratiques en Afrique noire (CDLDAN), un collectif d’avocat·e·s anciens résistants anticolonialistes qui se constitue en association en 1950 après avoir été actif lors du Grand procès de Madagascar en 194752. Avec Renée Stibbe, elle travaille aux côtés de Marcel Villard, d’Henri Douzon et d’autres militants du CDLDAN53. Mais cette collaboration est de courte durée car Blanche Matarasso, qui accuse des civils européens d’avoir tiré sur la foule à Dimbokro, se voit interdite d’exercer et doit rentrer en France. De son côté, Renée Stibbe, après le désapparentement du RDA et du PCF en octobre 1950, est remerciée par les leaders du parti africain54. Mais les échanges entre elle et plusieurs militantes ivoiriennes attestent de leur proximité55. Le 8 août 1951, Denise Coffi Gadeau écrit à Renée Stibbe qu’elle a prénommé sa fille Renée en souvenir de leur amitié. Sa lettre s’achève ainsi : « Au revoir ma chère Renée. Macoucou et toutes les autres camarades t’embrassent, en particulier Mme Raggi. » Renée Stibbe lui répond quelques mois plus tard, après avoir été dessaisie des affaires ivoiriennes :
Je ne pouvais et ne peux encore croire que ceux que je considérais comme des amis très chers ont tout à coup cessé d’avoir confiance en moi et sans m’en donner la moindre explication. Ta lettre seule m’a un peu consolée en me prouvant que j’avais encore une amie en Afrique […] Je pense beaucoup à ta petite fille, cette petite Renée africaine que je ne connaîtrai pas autrement qu’en photo (je l’ai vue sur un journal mais j’espère que tu m’en enverras une) […] J’écris également à Macoucou et à Anne-Marie pour leur dire combien j’ai de peine de tout cela. Sois mon interprète auprès des femmes pour leur transmettre mon salut fraternel56.
20À Anne-Marie Raggi, elle écrit le même jour une lettre qui évoque sa déception, son chagrin et leurs liens d’amitié :
Sois mon interprète auprès des femmes pour leur transmettre mon salut fraternel, dis-leur combien je pense à tous ceux qui sont encore en prison et comparaissent en ce moment même devant les assises, combien de tout mon cœur je souhaite qu’ils soient enfin libres.
21Sa lettre à Célestine Ouezzin montre qu’elles se sont beaucoup fréquentées, en France et en Côte d’Ivoire, avant que leurs liens ne se distendent :
Chère Macoucou, je pense aux longues heures que nous avons passées ensemble à Abidjan, à Bassam et à Paris. Je pense à votre si émouvante et si magnifique réception d’Adjamé. As-tu oublié tout cela ? Malgré tout je ne peux pas y croire. […] Je pense beaucoup et souvent à toi Macoucou et j’aimerais que, pour une fois, tu répondes à cette lettre. […] Si par chance tu viens à Paris la même chambre t’attendra à la maison57.
22Forgés dans la lutte politique et soumis aux aléas des alliances, les liens entre certaines Françaises et Ivoiriennes sont bien réels même si le ton des lettres de Renée Stibbe laisse entrevoir un plus grand investissement de sa part. L’expression « nos sœurs de France » est employée par une autre militante, Faidi Maïga, invitée au congrès national de l’UFF à Marseille en juin 194958. Originaire de Haute-Volta et secrétaire adjointe du comité des femmes du RDA, Faidi Maïga s’adresse directement à ses « sœurs aînées, les Femmes Françaises » :
Je monte à cette tribune pour dire à mes sœurs aînées, des Femmes Françaises, que dans mon pays, les femmes ne sont pas libres, parce que les hommes sont esclaves. Je viens vous dire que, malgré les forfaitures, les brimades et les tortures qui nous sont infligées, là-bas, au nom de la France, les femmes du RDA ont pris l’engagement solennel d’élever leurs enfants dans l’amour de la France et de l’Afrique59.
23L’expression « sœurs aînées » signale une hiérarchie et Faidi Maïga se place, de fait, en position subordonnée par rapport aux Françaises de métropole. Mais cela ne l’empêche pas de dénoncer « le fossé qui se creuse de jour en jour plus profond entre blancs et noirs », la répression dont le parti est victime de la part des forces de l’ordre, la « négation des libertés publiques les plus élémentaires » et « l’esclavage qui bat son plein ». Elle déclare que les « femmes du RDA » sont « décidées à braver toutes les difficultés », « résolues à poursuivre la lutte », voire à « prendre la place des hommes défaillants ». La Guinéenne Jeanne Martin Cissé va dans le même sens. Elle aussi a participé à un congrès de l’UFF à Asnières en 1954, et souligne l’importance de cette expérience dans son parcours politique en raison des liens qu’elle y a tissés60.
24Cette institutrice diplômée de l’École normale de jeunes filles de l’AOF en 1944, a enseigné au Sénégal entre 1949 et 1958 où elle a adhéré avec son mari à l’UDS-RDA dès son arrivée. Malgré un passé militant en Guinée, elle est encore inexpérimentée lorsqu’elle est choisie par Sékou Touré pour participer au congrès d’Asnières en 1954. Elle n’a jamais quitté l’Afrique lorsqu’elle se rend en France, accompagnée de sa petite fille de deux mois. Elle raconte son manque de confiance en elle, sa déconvenue à l’aéroport d’Orly où personne ne l’attend, l’inconfort des bas et de la jupe en laine qu’elle a d’abord choisi de porter avant d’abandonner cet « accoutrement » et d’adopter un boubou et une camisole de son pays61. Elle décrit son étonnement devant les costumes des déléguées japonaises, sa rencontre avec Funmilayo Ransome Kuti et le déroulement du congrès. Après les messages traditionnels de bienvenue, les déléguées des différents pays prennent la parole. Jeanne Martin Cissé se souvient de ses appréhensions liées à son inexpérience en tant qu’oratrice :
J’ai parlé spontanément comme ça, parce qu’à la réunion où on m’avait préparée là pour venir, j’ai dit que je ne sais pas parler, je ne sais pas comment dire, je ne sais pas parler. « Si on te demande comment tu vis tu peux expliquer », j’ai dit « bon, c’est ça », c’est ça que j’ai fait. J’ai expliqué, comment nous étions, les problèmes qu’on avait, les jeunes fonctionnaires aussi les problèmes qu’on avait, le sentiment d’injustice qu’on subissait, qu’il fallait aller avec, et voilà comment je m’en suis sortie62.
25Elle se rappelle aussi avoir été frappée par les « similitudes qui existaient entre les Haïtiennes, les Antillaises » et les Africaines. Elle éprouve le sentiment d’une « solidarité », d’une « entente mutuelle » et d’une « coopération entre les femmes » qu’elle ne cessera de promouvoir par la suite dans ses différentes fonctions63. Les témoignages des Vietnamiennes la bouleversent et ce congrès – écrit-elle a posteriori – provoque une prise de conscience de la réalité coloniale et de la nécessité de la lutte. Cette manifestation de femmes est aussi pour Jeanne Martin Cissé l’occasion de faire la connaissance de militantes avec lesquelles elle maintiendra des liens : outre Eugénie Cotton, la présidente de la FDIF, elle rencontre Carmen Zanti, présidente de l’Union des femmes italiennes et future secrétaire générale de la FDIF, Fanny Edelman, déléguée des femmes d’Argentine, Frida Brown, présidente de l’Association des femmes d’Australie que Jeanne Martin invite quelques années plus tard en Guinée, Nina Popova, représentante des femmes soviétiques. Elle accorde une importance particulière à ses relations amicales avec Eugénie Cotton, sans doute parce qu’elle est française : « Du fait de la solide amitié qui s’était créée entre nous, elle m’impliqua dans toutes les rencontres que son mouvement organisait. […] À sa mort, en 1967, je perdis une amie et un modèle64. » Le congrès d’Asnières offre ainsi à Jeanne Martin Cissé « de nouvelles perspectives » et fait d’elle « une femme mieux informée et plus intéressée aux problèmes de son milieu65 ». À son retour au Sénégal, la jeune institutrice reprend ses activités au sein de l’UDS-RDA où militent d’anciennes élèves de l’École normale de jeunes filles mais aussi des Françaises.
26Lors d’une conférence donnée par le RDA au Centre d’études franco-africaines (CEFA)66 de Dakar le 10 novembre 1949, trois institutrices africaines ainsi que deux « Européennes » sont repérées par l’administration. Les noms des Sénégalaises sont écorchés ou incomplets : « Mathilde LOEMBE, BEGUERISSE et Mme Marianne BA67 ». Il s’agit en réalité de Bathilde Loambé68, de Charlotte Béguérisse (une métisse) et peut-être de la future romancière Mariama Bâ, diplômées de l’École normale d’institutrices de Rufisque respectivement en 1944 en 194769. Les « Européennes » sont Mme Guggiari et Vicky Cauche. Cette dernière est décrite quelques mois plus tard par les services de renseignement coloniaux comme « la grande animatrice » du comité des femmes de l’UDS-RDA70. À en croire les autorités coloniales, au moment où se préparait le congrès de la FDIF à Pékin en 1949, elle a participé à la naissance du comité des femmes, encouragée par les dirigeants masculins du parti qui voient dans le recrutement des femmes un moyen de concurrencer la SFIO de Lamine Guèye et le BDS de Senghor. Son nom est en effet mentionné pour la première fois par les services de renseignements en novembre 194971. Elle est présente lors d’une réunion du RDA dans le quartier du Plateau de Dakar, réunion au cours de laquelle a été discutée la création d’une « section féminine définitive du RDA72 ». Elle fait alors partie du Groupe d’études communistes (GEC) de Dakar dont le géographe Jean Suret-Canale, qui en fut un membre actif, a écrit l’histoire73.
27Ces petites structures, créées dans plusieurs territoires en AOF dès 1943 et en AEF au lendemain de la guerre, étaient destinées à favoriser les liens entre militants français et africains, ces derniers étant jugés par la direction du PCF insuffisamment mûrs pour animer de véritables partis dans les colonies74. Jean Suret-Canale décrit les GEC comme des « groupes fragiles et discontinus, souvent reposant sur un ou deux animateurs locaux » mais au sein desquels se nouent, à partir de 1946, des relations parfois durables75. Les femmes militantes au sein des GEC sont peu nombreuses mais très actives, souvent avec leurs conjoints. Florence Bernault mentionne l’engagement de Paul et Jeanne Moulinier à Brazzaville en 1949. Lui est surveillant des travaux publics, elle est institutrice. Âgés de 22 et 24 ans, installés dans le quartier de Poto-Poto, ils animent ensemble les sections du Parti progressiste Congolais (PPC) apparenté au RDA et font partie du GEC de Brazzaville créé en 194776. Jeanne Moulinier écrit dans le journal du RDA Afrique nouvelle et « s’affirma bientôt comme une militante passionnée, n’hésitant pas, selon le maire de Brazzaville, à encourager les Africains à se révolter contre les Blancs ». Jean Suret-Canale cite les noms des femmes membres des GEC en AOF, mais ne s’attarde pas sur leur rôle. Lorsqu’il évoque Vicky Cauche dans l’hommage qu’il rend à son mari, Gérard Cauche, il parle de celle « qui a partagé les épreuves de sa vie militante77 ». Or Vicky Cauche paraît avoir été au moins autant impliquée dans la vie politique sénégalaise que son époux. Ce dernier est un ancien élève de l’École nationale de la France d’Outre-mer. Il a participé aux côtés de Raymond Barbé78 aux travaux de la « section coloniale » du PCF et fut présent au congrès fondateur du RDA à Bamako en octobre 1946. Nommé administrateur dans différents postes du Sénégal, il finit par être révoqué pour s’être présenté sur la liste du RDA aux élections municipales de Dakar en 1947. Il devient alors secrétaire administratif du RDA à Dakar et milite parallèlement au GEC.
28Sa femme, Yvonne Martageix dite « Vicky », est née en 1920 en Haute-Vienne. Enseignante d’histoire-géographie au collège Maurice Delafosse à Dakar, elle fait aussi partie du GEC à partir de 1946. Elle y côtoie Georgette et Jean Suret-Canale, Adrienne et Daniel Quadrelli (elle est institutrice, lui ingénieur des télécoms), le couple Flandrin (il est capitaine artilleur), Christiane et Robert Béart, comptable chez Maurel et Prom79, la journaliste et photographe Véra Cardot mariée à un ingénieur des télécoms. Cette dernière fait aussi partie du CDLDAN et assure le secrétariat du bulletin Frères d’Afrique80. Des militants sénégalais rejoignent ce petit noyau dont les plus connus sont Doudou Gueye, secrétaire général de l’UDS, les instituteurs Sellé Guèye81, Joseph M’Baye, Thierno Bâ et Abdoulaye Guèye, auxquels s’ajoutent des étudiants de l’école de médecine de Dakar. Comme le rappelle Jean-Pierre Dozon « parmi les leaders africains des années 1940-1950, dont certains devinrent plus tard des chefs d’État, nombreux furent ceux qui fréquentèrent les GEC et qui, au-delà de leur plus ou moins grande conviction communiste, nouèrent des relations et des amitiés avec des métropolitains ou des expatriés membres du PCF82 ». Vie familiale, militante et amicale sont alors mêlées comme le montrent des photographies où hommes, femmes et enfants, français et sénégalais, posent ensemble.
Figure 22. Les membres du GEC de Dakar (accroupies, à gauche, Georgette Suret-Canale et à droite Vicky Cauche)

Source : Fonds Suret-Canale, Archives départementales de Seine-Saint-Denis, 229J, boîte 65
29Les liens tissés alors perdurent avec les années. En 1990, Marie-Thérèse Diallo, qui fut avec son mari, le médecin Sané Moussa Diallo, membre du GEC de Saint-Louis à partir de 1948 écrit à Jean Suret-Canale :
À Saint-Louis du Sénégal, notre Groupe d’études communistes était en lien avec des camarades de Dakar : Gérard et Vickie Cauche. C’est par eux que notre Groupe était en lien avec le PCF et par eux que nous étaient transmises aussi les différentes circulaires. Si tu les joins, veux-tu leur transmettre mon adresse, cela me ferait vraiment plaisir de les revoir, s’ils sont toujours dans la région parisienne. Merci83.
30Les couples Diallo, Cauche et Suret-Canale sont amis. Dans les lettres qu’elle envoie à son mari expulsé du Sénégal vers la France du fait de ses activités militantes en février 194984, Georgette Suret-Canale mentionne que le couple Cauche vient s’installer chez elle, qu’elle va au cinéma avec Vicky, que cette dernière donne des cours à l’Université populaire africaine et la remplacera au journal Réveil lorsqu’elle rentrera en France85. Georgette née Lamargot est elle aussi membre du PCF et ancienne résistante. Elle a épousé Jean-Suret-Canale en 1944 et l’a suivi au Sénégal après la guerre. Comme lui, et comme Gérard Cauche, elle est passée de la Résistance à l’anticolonialisme. Elle travaille avec ce dernier et Doudou Gueye à la rédaction de l’hebdomadaire progressiste devenu en 1948 l’organe sénégalais du RDA, Réveil86. L’administration coloniale surveille de près ce « petit cercle d’intellectuels marxisants » et ses liens avec les Africain·e·s87.
Figure 23. Cartes d’adhérents au GEC de Dakar de Georgette et Jean Suret-Canale




Source : Archives départementales de Seine-Saint-Denis, Fonds Suret-Canale, 229J, boîte 65
31En 1949, Vicky Cauche est mandatée pour susciter des adhésions de femmes au RDA aux côtés d’une militante « de base », Abi N’Doye, chargée du comité féminin de la banlieue de Dakar88. De passage à Dakar en janvier 195089, le secrétaire général du RDA Gabriel d’Arboussier incite Vicky « à encourager les femmes à pousser leur mari vers le RDA90 ». Cet activisme lui vaut d’être arrêtée le 13 avril 1950 avec d’autres militants de l’UDS lors d’une manifestation de solidarité avec l’Espagne antifranquiste. Condamnée à trois mois de prison, elle bénéficie d’un sursis parce qu’elle a trois enfants en bas âge mais sera révoquée le 1er juin 1950 de ses fonctions de professeur au collège moderne Maurice Delafosse91. Ces sanctions n’entament pas sa détermination. On la retrouve en politique aux côtés de la femme de Seydou Nourou Tall, grand marabout Tidjane descendant d’El Hadj Omar Tall92 : « Le Comité des femmes, pratiquement inexistant, paraît désormais vouloir prendre une certaine importance, notamment sous l’impulsion de Mme Cauche et Mme Seydou Nourou Tall93. » Comment l’épouse d’un responsable religieux sénégalais peut-elle appartenir au RDA au même titre qu’une communiste française ? Il se trouve que Mme Seydou Nourou Tall, née Gogo Koïta, est la descendante d’une grande famille de Djenné mais aussi la cousine (par sa branche maternelle) de Gabriel d’Arboussier94. Ce dernier l’évoque dans ses mémoires :
Gogo Souka Koïta était la fille de l’une des sœurs d’Anta Ali Koïta. Elle appartenait à cette race de femmes dont l’Europe a ignoré longtemps qu’elle existât en Afrique. Libre, fière, indépendante, entreprenante, qui décidait tout à coup de faire sa propre vie. Mais dans la famille des Koïta, il semblait que cette race abondât. Anta Ali Koïta avait épousé deux Européens successivement, l’une de ses sœurs avait été la compagne du fameux capitaine Voulet, et voici que leur nièce partait ainsi à la conquête du Sénégal. Elle devait, en effet, conquérir jusqu’à devenir l’épouse du petit-fils du prestigieux El Hadj Omar qui, lui, avait conquis le Macina et s’était allié à la famille des Koïta de Djenné95.
32Née en 1908, elle a épousé Seydou Nourou Tall en 1946 à l’âge de 38 ans. Si l’administration coloniale ne s’inquiète pas outre mesure de ses activités politiques qu’elle considère comme « une manifestation de l’esprit de famille » et non d’une « activité extrémiste caractérisée »96, elle déduit cependant de cet engagement la nécessité de surveiller de plus près le grand marabout. En marge du document d’archive figure ce commentaire au crayon : « Je crois que nous laissons tomber un peu trop Seydou Nourou Tall. Je me demande s’il ne serait pas opportun de lui confier mission quelconque pour l’amener à confirmer son “loyalisme”97. » L’alliance de Vicky Cauche et Gogo Koïta, aussi étrange soit-elle, repose sur une volonté partagée de mobiliser politiquement les Sénégalaises.
33Le 20 mai 1950, Vicky Cauche préside une réunion d’une trentaine de femmes dans le quartier Fass de Dakar et les incite à faire une intense propagande pour que « des comités se créent dans tous les quartiers98 ». Le 30 août 1950, Gogo Nourou Tall organise une réunion à son domicile rue Blanchot à laquelle assistent huit déléguées du comité féminin du RDA. Ces dernières discutent de l’arrestation de Doudou Guèye et des actions qu’elles pourraient mener pour aider à sa libération. La fin de l’année 1950 voit cependant l’activité des femmes du RDA sénégalais décroître. Le désapparentement entre le RDA et le PCF affaiblit la branche sénégalaise, âprement concurrencée par la SFIO de Lamine Guèye et le BDS de Léopold Sedar Senghor. En 1951, sans que l’on sache dans quelles circonstances exactes, le couple Cauche rentre en France où Gérard Cauche purge une peine de quatre mois de prison. Si l’activisme de Vicky Cauche a été éphémère, il confirme l’engagement de femmes communistes dans la vie politique au Sénégal où elles résident. Il en est d’autres qui viennent de métropole afin de nouer des contacts avec des Africaines.
34C’est le cas de Jacqueline Chonavel, secrétaire de la Fédération communiste nord-est de la Seine qui séjourne à Dakar en juin 195599. Née en 1924 à Paris dans une famille ouvrière, elle est sténo-dactylographe et s’est engagée politiquement à la fin de la guerre, après le décès de son père en déportation et la disparition de son mari arrêté en juillet 1944. Elle a adhéré en mai 1945 au PCF et a pris des responsabilités au sein de sa commune de naissance, Bagnolet, dont elle sera élue maire en 1959. Elle est aussi membre de l’UFF100. C’est à ce titre qu’elle se rend en AOF en 1955, chargée par la FDIF d’une « mission d’études et d’informations sur la vie des femmes et des enfants africains » qui doit la mener de Dakar à Bamako, Abidjan et Conakry101. Au cours de cette mission, elle rencontre plusieurs responsables du RDA. Accueillie et hébergée à Dakar par des militants du parti dont James Benoît et Ansoumane Tohé (il s’agit d’Ansoumane Touré, le mari de Jeanne Martin Cissé), elle prend de nombreux contacts et organise « plusieurs réunions de femmes africaines en vue de désigner la représentante des Dakaroises au Congrès mondial des mères prévu à Paris du 7 au 10 juillet prochain102 ». Le congrès aura finalement lieu à Lausanne et Bintou Sidibé, mariée à un agent des PTT militant syndical cégétiste, Sory Sidibé, représentera le Sénégal (voir chap. 3). En janvier 1956, Jacqueline Chonavel publie un compte rendu de sa mission dans Femmes du monde entier :
Le but de ce voyage était de voir comment vivent les femmes, les enfants africains, de rendre compte de la volonté des femmes d’Afrique de lutter pour changer quelque chose à leur vie, de leur apporter la chaude solidarité, l’amitié de la FDIF et des femmes du monde entier. Notre souci était qu’elles participent au congrès. Elles y sont venues.
35Jacqueline Chonavel est manifestement secouée par ce séjour en Afrique de l’Ouest. Elle raconte ses longues déambulations dans la médina de Dakar, décrit la misère « effroyable », « inouïe » des « enfants noirs » aux yeux « suppliants » et « remplis de haine » devant l’arrogance du « blanc qui passe », les aspirations des femmes à « une vie humaine », leur volonté d’accoucher dans des maternités, « de choisir librement l’homme avec lequel elles feront leur vie », leurs luttes politiques en 1950 en Côte d’Ivoire, en 1953 en Guinée. Elle rappelle en conclusion que « la colère des femmes est à la mesure de la misère dans laquelle elles vivent, sans cesse humiliées, bafouées, méprisées ». La prise de conscience de l’oppression des femmes est au fondement d’une solidarité de genre qu’elle affirme fermement : « Dans cette lutte, nos sœurs d’Afrique noire ne sont pas seules. Elles le savent »103. Elle signale aussi dans cet article sa rencontre avec une sage-femme malienne très engagée qui travaille dans « un coin de dispensaire ». Sans doute s’agit-il d’Aoua Keita, avec laquelle elle développe par la suite des relations amicales (voir chap. 6)104. Nombreux sont donc les indices d’une diplomatie communiste informelle active en Afrique, fondée sur des relations personnelles entre femmes ou entre couples militants français et africains. À partir de 1950, la FDIF dispose de relais de plus en plus efficaces dans les pays africains, par le biais des déléguées qui participent à ses congrès et regagnent ensuite leurs pays.
Effets retours
36Lorsque Célestine Ouezzin Coulibaly revient en Côte d’Ivoire après le congrès de Pékin, son discours s’est nettement radicalisé. Bien que l’on ignore quelle expérience fut concrètement la sienne en Chine, elle regagne son pays décidée à agir de façon plus déterminée encore contre les autorités coloniales. Comme le rappelle Pierre-Yves Saunier « une visite d’exposition, une participation à un congrès, un voyage de recherche, un séjour d’études, une étape professionnelle hors des frontières nationales transforment celles et ceux qui les accomplissent105 ». Condamnée à un mois de prison ferme pour « réunion sur la voie publique106 » en février 1950, Célestine Ouezzin Coulibaly n’aurait pas hésité à déclarer un mois plus tard « dans une concession privée à Treichville » : « Le jour viendra où nous taperons sur nos oppresseurs, le jour viendra où nous les foutrons dehors »107. Dans les mois suivants, au même titre que Funmilayo Ransome Kuti au Nigeria, elle sert d’intermédiaire privilégiée entre la FDIF et son pays. Elle est très présente dans le bulletin de l’organisation et ne cesse de faire le lien entre ce qui se passe en Côte d’Ivoire et le combat des femmes dans le reste du monde. Elle fait parvenir un télégramme de soutien à Jeannette Vermeersch, mise en cause pour avoir déclaré publiquement son soutien aux Vietnamiens en lutte pour l’indépendance : « Au nom de 11 000 femmes Treichville groupées comité féminin RDA, vous assurent émouvants sentiments sympathie. Malgré assassinats des nôtres, sommes décidées à lutter pour cause paix, liberté, démocratie108. » À l’occasion de la Journée internationale des femmes en mars 1950, elle remercie la FDIF de ses messages de solidarité et affirme que « les femmes de la Côte d’Ivoire, groupées autour du douloureux procès de Bassam109 […] adressent à toute la Fédération leurs souhaits de grande réussite ». En retour, la FDIF assure les Ivoiriennes « de leurs efforts pour la paix et pour la lutte anticolonialiste déjà engagée » et, en plein procès des leaders du RDA, dénonce une nouvelle fois la répression exercée par les autorités françaises contre ce parti :
Les colonialistes français, terrifiés par l’envergure grandissante de la lutte des peuples coloniaux et de la solidarité qui leur est manifestée par la classe ouvrière française, accentuent leurs attaques contre le RDA, qui compte un million de membres. Ils ont interdit toutes les réunions de cette organisation en Côte d’Ivoire et arrêté, à Abidjan, neuf de ses dirigeants. Aujourd’hui, 1 500 démocrates languissent dans les prisons de Côte d’Ivoire. À Dimbokro, la police vient de tirer sur la foule, tuant 12 personnes et en blessant 60 autres. Les coups de feu sont partis des rangs des colonialistes européens, les troupes sénégalaises s’étant refusé à tirer sur leurs compatriotes. Les femmes africaines, qui se lèvent en nombre toujours croissant et se joignent au RDA, affrontent toutes ces atrocités avec un courage remarquable. À Abidjan seul, le RDA compte 10 000 femmes parmi ses adhérents. Mme Coulibaly, déléguée à la Conférence des femmes des pays d’Asie, est constamment surveillée par la police. Malgré toutes les menaces, le peuple de la Côte d’Ivoire a pu empêcher le gouvernement d’arrêter illégalement le président du RDA110.
37Après avoir été réélue présidente de la section féminine du PDCI, Célestine Ouezzin Coulibaly participe activement à la campagne électorale des législatives du 17 juin 1951 où, pour la première fois, les mères de famille africaines de deux enfants sont admises à voter111. Parallèlement, elle contribue à relayer l’appel de Stockholm en Côte d’Ivoire en adaptant les modes d’action prônés par la FDIF à une population féminine majoritairement illettrée :
Nous avons lancé la campagne de signature de l’Appel de Stockholm. Il y a deux semaines, un grand meeting fut organisé au cours duquel fut expliquée la forme que devra prendre la campagne en Afrique. Nous allons, à défaut de signatures, faire apposer les empreintes digitales. Naturellement, cela suppose un matériel peu transportable, mais nos empreintes prouveront le peu d’efforts qui a été fourni pour nous instruire et dira hautement l’immense tâche qui reste à remplir112.
38Cette campagne de signatures est menée partout dans le monde par des associations de femmes membres ou proches de la FDIF. En Inde, en Syrie, au Liban, en Algérie, en Tunisie, au Sénégal et en Afrique du Sud, des journées de mobilisation sont organisées pour recueillir des signatures113. Au Cameroun, certaines femmes se sont aussi fédérées en connexion avec la FDIF, après l’envoi d’une représentante à un congrès de l’organisation.
39Dans ce territoire sous tutelle des Nations unies, plusieurs associations de femmes ont été créées au lendemain de la guerre afin de revendiquer l’égalité des droits politiques ainsi qu’une amélioration des conditions de vie114. En 1952, l’UFC fondée par Julienne Niat (voir chap. 3) a changé de nom pour devenir l’Association des femmes camerounaises (AFC) et se démarquer de l’Udefec, plus proche des nationalistes de l’UPC. La création de l’Udefec a eu lieu au lendemain de la participation d’une militante de l’UPC, Emma Ngom Mbem, à une réunion de la FDIF à Vienne115. Emma Ngom a été invitée en 1951 à discuter de la préparation de la conférence internationale de défense de l’enfance prévue dans la capitale autrichienne en avril 1952116. Grâce au soutien logistique apporté par son frère, Jacques Ngom, membre éminent de l’UPC, Emma N’Gom se rend à Vienne accompagnée par un membre du comité directeur du parti, André Claude Nyobé. À son retour, elle rassemble des femmes à Douala afin de rendre compte de sa mission et, d’après Marie-Irène Ngapeth-Biyong, secrétaire générale de l’association à sa fondation, c’est le jour de cette réunion que la décision de créer l’Udefec est prise117. L’Udefec est donc en partie le produit de ce contact avec la FDIF : « The quickly growing WIDF inspired UPC women to compose the statutes that led to official organization of Udefec118. » Relais français de la FDIF, l’UFF finance l’impression des premières cartes d’adhésion de l’organisation camerounaise.
40Dans un autre contexte, en Algérie, le retour de Pékin de la déléguée algérienne au congrès de la FDIF, Baya Allaouchiche, montre la mise en scène par la FDIF de la rencontre entre femmes algériennes, chinoises et soviétiques119. Cette dernière est une militante de la première heure de l’UFA120. Elle a déjà représenté ses compatriotes à Budapest en décembre 1948. De retour en Algérie le 19 janvier 1950 après trois mois d’absence, elle est accueillie avec enthousiasme à Alger puis en Oranie et dans le Constantinois où elle part à la rencontre des Algériennes. De conférences en conférences, elle leur vante la lutte des femmes chinoises et soviétiques. À son arrivée, une réception est organisée au Foyer Civique d’Alger qui rassemble « plus de 200 personnes, dont une très grande majorité de femmes musulmanes ». Parmi elles, des représentantes de plusieurs « sections de l’Association des femmes musulmanes (organisation des femmes nationalistes) »121 : « Par le nombre et par la variété des questions qui furent posées à notre déléguée, nous pûmes mesurer l’immense retentissement qu’a eu la victoire du peuple chinois parmi les femmes algériennes. » Elle effectue ensuite une tournée de douze jours en Oranie :
Les mots sont incapables de traduire l’enthousiasme des réceptions dans les gares où Baya descendait. Ils sont incapables de traduire cette attention passionnée, fervente, avec laquelle était écouté et ensuite repris tout bas chaque mot qui tombait de ses lèvres, comme s’il s’était agi d’une chose sérieuse que l’on tenait à conserver.
41Elle se rend à Sidi Bel-Abbès, à Tlemcen, à Mohammedia, à Oran, où l’attendent des salles « absolument combles, offrant ce spectacle si rarement vu de plusieurs centaines et parfois milliers de voiles blancs mouvants ». Lorsqu’elle visite un village, à 3 km de Sidi Bel-Abbès, « après avoir étendu sur une murette les deux bannières offertes par les femmes chinoises aux femmes d’Algérie », elle rassemble autour d’elle des villageoises qui lui parlent de leur vie quotidienne. Elle prend ensuite la parole pour dire ce qu’elle a vu « au pays de Mao Tse Toung et en Union soviétique, où elle séjourna en allant à Pékin ainsi qu’au retour ». Jusque dans le récit, les bannières ramenées du voyage sont mises en scène afin de susciter l’émotion. La glorification par la FDIF des régimes chinois et soviétique contraste avec la description des conditions de vie misérables des Algériennes :
Était-ce en signe de remerciement, ou bien la manière d’exprimer leur certitude que leur espoir aussi se réaliserait de vivre libres ? Toujours est-il que toutes ces femmes, ces jeunes filles, si profondément malheureuses, baisèrent spontanément les bannières le soir, gage d’affection et de solidarité de sœurs lointaines et victorieuses.
42Partout où elle passe, Baya Allaouchiche attire apparemment un auditoire nombreux, masculin et féminin :
Les hommes aussi tinrent à entendre Baya – les préjugés sont ainsi laissés de côté – et ils organisèrent une réunion après le retour des champs. Notre amie parle devant ces paysans attentifs, recueillis ; ils sont plus de cent ; pas un n’ose faire le moindre mouvement. Leurs femmes, voilées et dissimulées derrière les haies, viennent encore écouter Baya sans se lasser. Et c’est dans les quartiers misérables des grandes villes, avec le même enthousiasme et la même soif d’apprendre comment les autres femmes luttent, qu’elles ont accueilli notre déléguée.
43Il s’agit bien d’apprendre aux Algériennes à lutter, à l’instar des femmes du monde communiste. Alice Sportisse n’hésite pas à écrire que les interventions de la déléguée algérienne ont joué un rôle dans la mobilisation des femmes auprès des dockers alors en grève depuis plusieurs jours à Oran122.
Les femmes de ces ouvriers, dont la majorité travaillent à peine 10 jours par mois et certains deux ou trois jours seulement, avaient entendu Baya leur parler de la lutte des femmes chinoises et des pays opprimés de l’Asie. Elles se sont souvenues de la grande leçon qui se dégageait de l’histoire de ces luttes héroïques, et c’est pourquoi elles se sont à leur tour lancées dans le combat aux côtés de leurs compagnes. À partir de ce moment, le caractère de la grève a complètement changé, la grève est devenue active. Ces femmes, au nombre de plus de 300, se sont rendues sur le port à l’aube, elles n’ont pas reculé devant la police, elles ont été odieusement frappées à coups de crosse, mais elles se sont elles-mêmes défendues avec tout ce qui leur tombait sous la main, semant le désarroi et la peur dans les rangs des policiers. Grâce à ce courage, à cette combativité exemplaire et insoupçonnable, les ouvriers dockers ont vu leurs forces décupler, et c’est ainsi qu’ils ont remporté leur splendide victoire.
44La description héroïse et schématise une participation néanmoins bien réelle des Algériennes à ce mouvement social. Le 27 février, jour d’acmé des tensions, les renseignements généraux notent la présence de 1 600 à 2 500 participant·e·s lors des manifestations, dont « 200 femmes musulmanes et européennes123 ». D’après Alice Sportisse, la tournée de Baya Allaouchiche aurait permis de prendre contact avec des milliers de femmes et de recueillir des centaines de nouvelles adhésions à l’UFA. Malgré la propagande évidente, ce compte rendu laisse entrevoir les conséquences de ces congrès internationaux sur la mobilisation des femmes en Afrique, au nord comme au sud du Sahara.
*
45Les femmes d’AOF et d’AEF ne furent pas nombreuses à quitter leur pays pour participer à des rencontres internationales entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et le milieu des années 1950. La majorité d’entre elles voyageaient pour la première fois hors d’Afrique. Souvent diplômées, mariées à des responsables politiques masculins également lettrés, dotées du capital scolaire (sinon social et économique) indispensable à ce genre de déplacement, elles sont devenues les porte-parole de la lutte de leurs compatriotes qui s’organisent à la même époque politiquement dans des comités féminins du RDA. En lien avec celles qu’elles appellent leurs « sœurs de France », elles articulent lutte anticoloniale et revendications de droits pour les femmes. En insérant leur combat dans celui des femmes du monde entier, ces militantes africaines transforment l’action politique dans leur pays et font bouger les contraintes liées à leur genre. L’exemple sénégalais révèle plus particulièrement leurs relations avec des communistes françaises. Mais ces engagements ne résument pas le type de relations qui se nouent alors. Dans les mêmes années, en concurrence avec la FDIF, l’AFUF développe en métropole comme en Afrique une « nouvelle » mission civilisatrice à laquelle les Françaises entendent associer étroitement les femmes d’outre-mer.
Notes de bas de page
1 L’expression est de J.-P. Dozon, Frères et sujets, op. cit., p. 322 et suiv.
2 P. Boichu, « Le PCF et l’Afrique noire. Parcours dans les archives du Parti communiste français et dans certains fonds personnels associés conservés aux Archives départementales de la Seine-Saint-Denis », dans « Les Archives africaines, algériennes et asiatiques des partis et syndicats français », Migrances, 44, 2016.
3 Le PDCI, issu du syndicat agricole africain créé en 1944 par Félix Houphouët-Boigny, a servi de base à la constitution du parti interterritorial, le RDA, à Bamako en octobre 1946. Le PDCI-RDA est la branche ivoirienne du parti.
4 Renseignements politiques, janvier 1949-avril 1950, semaine du 18 au 24 novembre 1949, ANS 17G532 (144). Le journal Réveil du 6 février 1950, confirme l’information.
5 Renseignements politiques, janvier 1949-avril 1950, semaine du 16 au 22 décembre 1949, ANS 17G532 (144).
6 Il sera conseiller général de Haute-Volta en 1948 puis de Côte d’Ivoire en 1952 avant de revenir en Haute-Volta en 1957. Il est également sénateur de Côte d’Ivoire en 1953. Vice-président du premier Conseil de gouvernement de Haute-Volta en 1957, il meurt le 7 septembre 1958.
7 Je souligne. C. Gérard, Combat pour l’Afrique, 1946-1958. Lutte du RDA pour une Afrique nouvelle, textes de Daniel Ouezzin Coulibaly, Abidjan, Nouvelles Éditions africaines, 1988, p. 424.
8 Voir P. Barthélémy, J.-H. Jezequel, « Marier les “demoiselles frigidaires” et les “mangeurs de craies” : l’idéal du ménage lettré et l’administration coloniale en Afrique Occidentale Française (AOF) », dans O. Goerg (dir.), Perspectives historiques sur le genre en Afrique, Paris, L’Harmattan (Cahier « Afrique », 23), p. 77-96 ; P. Barthélémy, Africaines et diplômées, op. cit., p. 233-251.
9 P. Barthélémy, Africaines et diplômées, op. cit., p. 261-280. Les écoles fédérales féminines diplôment 633 sages-femmes, 63 infirmières-visiteuses et 294 institutrices de 1921 à 1957.
10 Sur la socialisation politique des hommes lettrés, voir T. Chafer, « Education and Political Socialisation », art. cité.
11 Le Bulletin d’information de la FDIF signale le congrès fondateur du RDA dans son bulletin de janvier 1947, p. 4. Seuls la Mauritanie et le Togo n’ont pas de section du RDA.
12 Pierre Hervé, « Le RDA, espoir de l’Afrique », L’Humanité, 23 mai 1949.
13 ANOM 1AFFPOL/2145 et ANS 17G556 (152). Sur l’histoire politique en Côte d’Ivoire, voir R. Schachter-Morgenthau, Le multipartisme en Afrique de l’Ouest, op. cit., p. 205 et suiv.
14 Lettre envoyée par les détenus au procureur général à Dakar, 9 décembre 1949, ANOM 1AFFPOL/2145.
15 À Dimbokro, l’opération de maintien de l’ordre du 30 janvier 1950 conduit à 13 morts et 21 blessés parmi les manifestants, dont certains sont dans un état grave. 14 arrestations sont mentionnées également. Rapport du capitaine Lemoine au commandant de la section de gendarmerie d’Abidjan, Dimbokro, 31 janvier 1950. Quelques jours plus tard, l’intervention des forces de l’ordre lors d’affrontements entre militants RDA et progressistes fait trois morts (dont une femme) et trois blessés graves, ANOM 1AFFPOL/2145.
16 Bulletin d’information de la FDIF, mars 1948, p. 7.
17 Bulletin d’information de la FDIF, juillet-août 1948.
18 « Les femmes d’Afrique et d’Asie. Documents », Budapest, novembre 1948, op. cit., p. 109.
19 Une première section féminine du RDA aurait été créée au Soudan français en 1950. O. Rillon, « Regards croisés sur deux générations de militantes maliennes (1954-1991). Entre engagements “féministes” et partisans », dans M. Gomez-Perez (dir.), Femmes d’Afrique et émancipation. Entre normes sociales contraignantes et nouveaux possibles, Paris, Karthala, 2018, p. 113-143, p. 116.
20 Les huit dirigeants du RDA arrêtés sont Bernard Dadié, Mathieu Ekra, Lamad Camara, Jean-Baptiste Mockey, Albert Paraiso, Sery Koré, Philippe Vieira, Jacob Williams.
21 Selon Daniel Ouezzin, l’organisation des femmes du PDCI grouperait environ 15 000 militantes en 1952. Déclaration du 10 octobre 1952, publiée dans Afrique noire, 34, 30 octobre 1952, organe central du RDA. Cité par C. Gérard, Combat pour l’Afrique, 1946-1958, op. cit., p. 171-173.
22 Elle est l’épouse de Germain Coffi Gadeau, écrivain et homme politique ivoirien, membre du bureau politique du PDCI.
23 Il s’agit d’Adèle Adjoua épouse Paul-Émile, une métisse diplômée de la section sages-femmes de l’École de médecine de l’AOF en 1935. Elle a épousé un médecin africain en 1936. Alors que je l’interrogeais à Abidjan le 2 février 1999 sur ses engagements militants, elle me répondit : « Non. Je n’aime pas la compagnie des femmes. Je suis très catholique, très croyante, je vais à la messe tous les jours. Mais jamais je n’ai voulu faire partie d’un groupe ou d’une association. » Trou de mémoire ou occultation ?
24 H. Diabaté, La marche des femmes sur Grand-Bassam, Dakar, NEA, 1975.
25 Lettre du gouverneur de Côte d’Ivoire au gouverneur général à Dakar, 29 janvier 1949, Partis politiques 1946-1951, ANS 17G267 (111).
26 Lettre du 28 février 1949 de Sékou Touré à Raymonde Jonvaux dans S. K. Keita, Sékou Touré à Raymonde Jonvaux, militante anticolonialiste française (1948-1954), Paris, L’Harmattan, 2018, p. 39.
27 Bulletin d’information de la FDIF, octobre 1949, p. 13.
28 H. Diabaté, La marche des femmes, op. cit., p. 21.
29 E. Bouilly, O. Rillon, « Relire les décolonisations d’Afrique francophone au prisme du genre », art. cité, p. 13.
30 E. Schmidt, Mobilizing The Masses, op. cit.
31 M. Terretta, « A Miscarriage of Nation: Cameroonian Women and Revolution », art. cité ; R. Ndengue, « Mobilisations féminines au Cameroun français dans les années 1940-1950 : l’ordre du genre et l’ordre colonial fissurés », dans E. Bouilly, O. Rillon (dir.), Le mouvement social, avril-juin 2016, p. 71-85.
32 O. Rillon, « Regards croisés sur deux générations de militantes maliennes », dans M. Gomez-Perez (dir.), Femmes d’Afrique et émancipation, op. cit., p. 41.
33 Renseignements politiques, janvier 1949- avril 1950, semaine du 16 au 22 décembre 1949, ANS 17G532 (144).
34 H. Diabaté, La marche des femmes, op. cit., p. 24.
35 Il s’agit de Francs CFA.
36 Renseignements politiques, janvier 1949-avril 1950, semaine du 3 au 10 novembre 1949, ANS 17G532 (144).
37 Le premier congrès de l’UDS fondée par le médecin Doudou Guèye en 1946 a lieu les 30-31 juillet et 1er août 1948. Essentiellement implantée à Dakar et à Saint-Louis, l’UDS recrute la majorité de ses membres parmi les intellectuels urbains, les jeunes et les syndicats ouvriers. Voir C. Atlan, Élections et pratiques électorales au Sénégal, op. cit., p. 155.
38 Sur Fatou Gueye et Hane Magatte, toutes deux domiciliées à Saint-Louis, je n’ai pas d’informations. Renseignements politiques, janvier 1949-avril 1950, semaine du 11 au 17 novembre 1949, ANS 17G532 (144).
39 Ses parents sont Victor Hippo d’Erneville et Marie-Pierre Turpin.
40 Son dossier personnel est aux ANS sous la côte 1C 42 988.
41 Lettre du chef de service de police du Sénégal au gouverneur du Sénégal, 8 avril 1952, ANS 1C 42 988.
42 Cette dernière est également institutrice, diplômée de l’École normale de Rufisque en 1947. Elle sera la première femme journaliste au Sénégal. Voir le documentaire réalisé par son fils, Ousmane William Mbaye, sur son parcours exceptionnel : Mère-Bi, 55 mn, Les films Mama Yandé, 2008.
43 Lettre du 3 avril 1952 du commandant de cercle de Kaolack au gouverneur du Sénégal, ANS 1C 42 988.
44 Ses activités politiques entraînent sa mutation disciplinaire à Tambacouda en juin 1952.
45 Lettre confidentielle notée « très urgent » du 8 avril 1952 et lettre du 3 avril 1952 du commandant de cercle de Kaolack au gouverneur du Sénégal, ANS 1C 42 988.
46 Lettre du gouverneur général de l’AOF aux gouverneurs des territoires, 31 janvier 1953, ANS SRAD 11D17.
47 S. Panata, Le Nigeria en mouvement(s), op. cit., p. 228-229.
48 L’Humanité, 26 décembre 1949, p. 2. Gabriel d’Arboussier est né en 1908 à Djenné d’une mère peule et d’un père français. Licencié en droit, il sert dans l’administration coloniale de 1932 à 1944. Il sera plus tard ministre de la Justice au Sénégal puis ambassadeur du Sénégal en France.
49 Pour un récit détaillé des événements voir H. Diabaté, La marche des femmes, op. cit., p. 40-52 ; V. Joly, « Femmes et décolonisation en Afrique Occidentale Française. Autour de la marche des femmes de Grand-Bassam, décembre 1949 », dans M. Bergère, L. Capdevila (dir.), Genre et événement. Du masculin et du féminin en histoire des crises et des conflits, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 105-117. Le témoignage de Bernard Dadié dans Carnets de Prison 1949-1950, Abidjan, CEDA, 1984, est également précieux. La thèse en cours à Stanford d’Elizabeth Jacob devrait apporter de nouveaux éléments : Women, Gender, and the Politics of Public Motherhood in Côte d’Ivoire, 1893-1983.
50 Il s’agit d’une danse rituelle effectuée par les femmes en pays baoulé pour conjurer le mauvais sort et préserver la communauté d’une menace grave. Elles s’enduisent le corps de kaolin lorsqu’elles dansent la nuit et portent des pagnes blancs dans la journée.
51 Cette participation est attestée par un télégramme-copie du journal Réveil, organe du RDA, le 6 février 1950, ANOM 1AFFPOL/2145. Voir Marine Bellot-Gurlet, Défendre les prisonniers politiques en Afrique subsaharienne. Le comité de défense des libertés démocratiques en Afrique noire (1945-1962), mémoire de master 1 dirigé par P. Barthélémy, Lyon, ENS de Lyon, 2019, p. 89.
52 Ibid.
53 D’après l’administration coloniale, 383 militants du RDA ont été arrêtés et traduits en procès dans le cadre des « incidents » de Côte d’Ivoire en 1949-1950. Les procès se succèdent entre avril 1949 et mars 1953. Voir M. Bellot-Gurlet, Défendre les prisonniers politiques, op. cit., p. 86-93.
54 Afin de mettre fin à la répression dont son parti est victime, Félix Houphouët-Boigny fait le choix de désapparenter le RDA du PCF et de se rapprocher de l’UDSR, dont un membre éminent, François Mitterrand est devenu ministre de la France d’outre-mer. Les sections tchadienne et congolaise font de même. Les autres sections du RDA restent fidèles au PCF, notamment l’UPC au Cameroun.
55 « Procès des militants indépendantistes ivoiriens du PDCI-RDA (1949-1953) », fonds Pierre Stibbe, F delta 2088, Paris, Bibliothèque La Contemporaine, Paris. Je remercie vivement Elizabeth Jacob d’avoir partagé avec moi la découverte de cette correspondance.
56 Lettre de Renée Stibbe à Denise Coffi Gadeau, 5 octobre 1951, fonds Pierre Stibbe, F delta 2088, « Procès des militants indépendantistes ivoiriens du PDCI-RDA (1949-1953) », bibliothèque La Contemporaine, Paris.
57 Lettre de Renée Stibbe à Célestine Ouezzin Coulibaly dite Macoucou, 5 octobre 1951, fonds Pierre Stibbe. F delta 2088, « Procès des militants indépendantistes ivoiriens du PDCI-RDA (1949-1953) », bibliothèque La Contemporaine, Paris.
58 Il s’agit du 3e Congrès national de l’UFF. Contrairement à Célestine Ouezzin, Faidi Maïga ne parvient pas à rassembler suffisamment d’argent pour participer au congrès de Pékin. Renseignements politiques, janvier 1949-avril 1950, semaine du 28 octobre au 3 novembre et semaine du 3 au 10 novembre 1949, ANS 17G532 (144).
59 Bulletin d’information de la FDIF, juin 1949, p. 12.
60 P. Barthélémy, « Guinéenne, aofienne, africaine : Jeanne Martin Cissé, une normalienne en politique à l’heure de l’indépendance », dans O. Goerg, C. Pauthier, A. Diallo (dir.), Le « non » de la Guinée (1958). Entre mythe, relecture historique et résonances contemporaines, Paris, L’Harmattan, 2010, p. 107-131 ; C. Pauthier, « Tous derrière, les femmes devant », art. cité.
61 J. M. Cissé, La fille du Milo, op. cit., p. 72-80.
62 Entretien de Jeanne Martin Cissé avec Pascale Barthélémy, Créteil, 16 novembre 2007.
63 Ibid., p. 75.
64 Ibid., p. 78.
65 Ibid.
66 Le CEFA a été fondé en 1945 par le romancier Abdoulaye Sadji et un commerçant, Joseph Correa, et se donne pour objectif l’étude des questions culturelles, sociales, politiques et économiques concernant l’Afrique.
67 Note de renseignements, novembre 1949, ANS 17G532 (144).
68 Au cours d’un entretien avec Bathilde Loambé, le 23 août 1999, cette dernière ne parle pas d’un quelconque engagement politique. Elle est aujourd’hui décédée.
69 Il s’agit d’une hypothèse car aucune autre occurrence d’un engagement politique n’apparaît ailleurs dans les archives, dans les entretiens ou dans la biographie consacrée à Mariama Bâ. M. C. N’Diaye, Mariama Bâ ou les allées d’un destin, Dakar, Les Nouvelles éditions africaines du Sénégal, 2007.
70 Bulletin hebdomadaire de synthèse des renseignements politiques recueillis par les services de la sûreté du gouvernement général, semaine du 19-25 mai 1950, p. 12, ANS 17G533 (144) et note de renseignements de la sûreté de Dakar, 20 mai 1950, ANS 17G559 (152).
71 Renseignements politiques, janvier 1949-avril 1950, semaine du 18 au 24 novembre 1949, ANS 17G532 (144).
72 Services de police et de sûreté, 1947-1953. Rapport journalier du 19 octobre 1949 signé par le chef de la sûreté, ANS 17G534 (144).
73 J. Suret-Canale, Les groupes d’études communistes, op. cit. et, pour l’Afrique centrale, F. Bernault, Démocraties ambiguës, op. cit., p. 171-172.
74 Sur la « section coloniale » voir P. Durand, Cette mystérieuse section coloniale. Le PCF et les colonies (1920-1962), Paris, Messidor, 1986.
75 J. Suret-Canale, Les groupes d’études communistes, op. cit., p. 26.
76 F. Bernault, Démocraties ambiguës, op. cit., p. 171.
77 Notice nécrologique de Jean Suret-Canale sur Gérard Cauche dans A. Lewin, Ahmed Sékou Touré, président de la Guinée de 1958 à 1984, Paris, L’Harmattan, 2010. Annexe III.
78 Raymond Barbé est nommé directeur de la section coloniale du PCF de 1945 à 1950. C’est un professeur de mathématiques, ancien résistant, arrêté en octobre 1940 et condamné à cinq ans de travaux forcés en 1941. Il s’évade en 1943 de la prison de Saint-Étienne et reprend la vie clandestine. En 1944, il est membre de la direction de la zone sud des FTPF. Élu en juin 1948 membre du Comité central du PCF, il préside aussi jusqu’en octobre 1958 le groupe communiste à l’AUF. Au sein de la section coloniale, il s’occupe plus particulièrement de l’Afrique subsaharienne.
79 Ce dernier est le frère cadet de Charles Béart qui fut le directeur de l’École normale d’instituteurs William Ponty de 1939 à 1945. J. Suret-Canale, Les groupes d’études communistes, op. cit., p. 39.
80 Véra Cardot (1920-2003) est également auteure d’un ouvrage historique, Belles pages de l’histoire africaine, paru chez Présence africaine en 1961. Voir P. Durand, Cette mystérieuse section coloniale, op. cit., p. 211. Sur sa carrière de photographe : J. Noirot, La méthode Pierre Joly et Véra Cardot. Études et inventaire(s) des photographies du fonds Cardot-Joly de la bibliothèque Kandinsky du Centre Pompidou, thèse en histoire de l’art, Nanterre, université Paris 10 Nanterre, 2009.
81 Mme Sellé Gueye née Khady Sylla deviendra présidente de l’Union des femmes du Sénégal en 1954, bien que l’association n’ait pas encore été déclarée au journal officiel. A. Dia, L’évolution des femmes dans la vie politique sénégalaise de 1945 à nos jours, mémoire de maîtrise, UCAD, 1995, p. 60.
82 J.-P. Dozon, Frères et sujets, op. cit., p. 334.
83 Lettre du 31 octobre 1990, Archives départementales de Seine-Saint-Denis, fonds Suret-Canale, 229J, boîte 65.
84 Archives départementales de Seine-Saint-Denis, fonds Suret-Canale, 229J, boîtes 65 et 98.
85 Lettres de Georgette Suret-Canale à son mari, 12 et 19 mars 1949, Archives départementales de Seine-Saint-Denis, fonds Suret-Canale, 229J, boîte 65.
86 J. Suret-Canale, Les groupes d’études communistes, op. cit., p. 47. Le Comité directeur de l’UDS en 1949 se compose de Doudou Guèye, du commerçant Joseph Correa (secrétaire adjoint), de Gérard Cauche (secrétaire administratif), et de l’instituteur Joseph M’Baye (secrétaire à la propagande), C. Roche, Le Sénégal à la conquête de son indépendance, chronique de la vie politique et syndicale de l’Empire français à l’indépendance, Paris, Karthala, 2001, p. 119.
87 Notice de documentation « L’action communiste en Afrique noire », 5 janvier 1959, 60 p., p. 25. Dossier « Le communisme en Afrique », ANOM, 1AFFPOL/2246.
88 Note du 15 décembre 1949, Services de police et de sûreté, ANS 17G559 (152).
89 Rapport journalier du 4 janvier 1950, Services de police et de sûreté, 1947-1953, ANS 17G534 (144).
90 Bulletin hebdomadaire de synthèse des renseignements politiques recueillis par les services de la sûreté du gouvernement général, semaine du 12-18 mai 1950, p. 8, ANS 17G533 (144).
91 Dossier personnel d’Yvonne Martageix, ANS série C 13 992.
92 Voir S. Garcia, « Al-Hajj Seydou Nourou Tall, “grand marabout” tijani : l’histoire d’une carrière (v. 1880-1980) », dans D. Robinson, J.-L. Triaud (dir.), Le temps des marabouts, Paris, Karthala, 1997, p. 247-277.
93 Rapport des services de renseignement du 13 mai 1950, RDA du Sénégal, 1946-1955, ANS 17G559 (152).
94 En marge de son nom sur le document d’archive figure la mention suivante : « Mme Seydou sœur utérine de d’Arboussier ». Le 30 septembre 1960, El Hadja Gogo Koïta est inhumée en grande pompe en présence de Léopold Sedar Senghor. Voir « La grande figure d’al Hajjatou Gogo Koïta, épouse défunte du Grand Marabout Seydou Nourou Tall », L’Unité africaine, 65, 18 octobre 1960. Je remercie Françoise Blum et Ophélie Rillon de m’avoir transmis ces informations sur Gogo Koïta.
95 G. d’Arboussier, Mémoires, p. 86, vol. 1, « Le Niger et le Tarn. La recherche d’une voie ». Je remercie Ophélie Rillon et Françoise Blum de m’avoir transmis cet extrait.
96 Service des affaires politiques, mai 1950, ANS 21G223 (178).
97 Rapport des services de renseignement du 13 mai 1950, RDA du Sénégal, 1946-1955, ANS 17G559 (152).
98 RDA du Sénégal, 1946-1955, ANS 17G559 (152).
99 Note de renseignements, 18 juin 1955, ANS 21G217 (178) et Bulletin d’information de mars 1956, Synthèses politiques mensuelles des services de sûreté de l’AOF, février-juin 1956, ANS 17G627 (152).
100 http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article19945, notice CHONAVEL Jacqueline [née CHARTRAIN Jacqueline, Rose] par Céline Lenormand, Nadia Ténine-Michel.
101 Bulletin d’information de mars 1956, p. 50. Synthèses politiques mensuelles des services de sûreté de l’AOF, février-juin 1956, ANS 17G627 (152).
102 Note de renseignements du 18 juin 1955, ANS 21G217 (178).
103 Femmes du monde entier, janvier 1956, p. 16-17.
104 Les liens d’amitié entre les deux femmes sont évoqués par les services de sûreté de l’AOF, Synthèses politiques mensuelles des services de sûreté de l’AOF, février-juin 1956, bilan du mois d’avril 1956, ANS 17G627 (152).
105 P. Y. Saunier, « Circulations, connexions et espaces transnationaux », art. cité, p. 114.
106 Renseignements politiques, 1949 et janvier-avril 1950, semaine du 27 février au 2 mars 1950, ANS 17G532 (144).
107 Renseignements politiques, 1949 et janvier-avril 1950, semaine du 31 mars au 6 avril 1950, ANS 17G532 (144).
108 Bulletin d’information de la FDIF, janvier-février 1950, p. 5.
109 32 militants et 8 dirigeants du PDCI sont jugés en mars 1950.
110 Bulletin d’information de la FDIF, mars-avril 1950, p. 7.
111 Elections législatives du 17 juin 1951, ANS 20G110 (144). Elle est nommée en 1957 ministre des Affaires sociales de Haute-Volta jusqu’en 1959. Elle est élue en 1959 sénatrice de Haute-Volta au sein de la Communauté française, jusqu’en 1961. Elle a pris sa retraite en Côte d’Ivoire où elle est morte en 1997. Mère de sept enfants, elle est enterrée à Bobo-Dioulasso auprès de son mari.
112 Bulletin d’information de la FDIF, juin 1950, p. 19.
113 « Nouvelles de la campagne de signatures de l’appel de Stockholm », 24 mai 1950, Archives de la FDIF, Dossier 3515-4, Institut international d’histoire sociale, Amsterdam.
114 R. Ndengue, Femmes, sphère publique et pouvoir politique, op. cit., p. 93-106.
115 M. Terretta, Petitioning for Our Rights, op. cit.
116 R. Ndengue, Femmes, sphère publique et pouvoir politique, op. cit., p. 113.
117 M. Terretta Petitioning for our rights, op. cit., p. 39 et M.-I. Ngapeth-Biyong, Cameroun. Combats pour l’indépendance, op. cit., p. 82.
118 M. Terretta Petitioning for Our Rights, op. cit., p. 38. Voir aussi Femmes du monde entier, janvier 1953, p. 17.
119 Bulletin d’information de la FDIF, 43, mars-avril 1950. Le compte rendu est écrit par Alice Sportisse.
120 Elle a raconté dans un entretien en 1990 l’inventivité dont elle dût faire preuve pour militer malgré les contraintes de genre pesant sur elle. A. Dore-Audibert, Des Françaises d’Algérie, op. cit., p. 28.
121 Voir N. Sidi Moussa, « Les visages de l’émancipation », art. cité.
122 Voir Yona Merbouche, La grève des dockers d’Oran (février-mars 1950). Une grève politique dans l’Algérie coloniale des années 1950, mémoire de master 2 dirigé par Anne-Laure Dupont et Catherine Mayeur-Jaouen, Paris, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2015.
123 Ibid., p. 57, puis p. 125 « L’UFA et son rôle dans la grève ».
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
« La modernité dure longtemps »
Penser les discordances des temps avec Christophe Charle
François Jarrige et Julien Vincent (dir.)
2020
Faire société
La philanthropie à Genève et ses réseaux transnationaux autour de 1900
Thomas David et Alix Heiniger
2019
Les Russes en France en 1814
Des faits, des imaginaires et des mémoires
Marie-Pierre Rey (dir.)
2019
Dictionnaire historique de la comparaison
Nicolas Delalande, Béatrice Joyeux-Prunel, Pierre Singaravélou et al. (dir.)
2020
Sororité et colonialisme
Françaises et Africaines au temps de la guerre froide (1944-1962)
Pascale Barthélémy
2022
Des histoires, des images
Mélanges offerts à Myriam Tsikounas
Sébastien Le Pajolec et Bertrand Tillier (dir.)
2021
À bas l’armée !
L’antimilitarisme en France du XIXe siècle à nos jours
Éric Fournier et Arnaud-Dominique Houte (dir.)
2023